HOMÉLIE POUR LE 33E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE A « LA PARABOLE DES TALENTS » TEXTES : PROVERBES 31, 10-13.19-20.30-31, 1 THESSALONICIENS 5, 1-6 ET MATHIEU 25, 14-30.
HOMÉLIE POUR LE 33E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE A « LA PARABOLE DES TALENTS » TEXTES : PROVERBES 31, 10-13.19-20.30-31, 1 THESSALONICIENS 5, 1-6 ET MATHIEU 25, 14-30.ùù
Cette histoire ou parabole de Jésus sur les« talents » nous renvoie encore une fois aux usages de son temps. Pour les québécois du Lac St-Jean le mot « talent » est utilisé dans un sens bien différent. L’expression « grand talent » est souvent employée pour désigner quelqu’un qui croit tout savoir. Ainsi on dira « Il se pense tellement bon celui-là, il se prend pour un ‘grand talent’ » (même signification que Ti-Jos connaissant).
Au temps de Jésus, le mot « talent » réfère à la mesure de poids et unité monétaire la plus répandue dans la Grèce antique qui correspond à une certaine quantité d’or ou d’argent, environ 25,86 kg au temps de Jésus, dit-on. Ce qui représentait une somme très importante.
Ceci étant dit, il est manifeste que pour l’évangéliste saint Mathieu, le mot « talent » est utilisé comme une image. Pour lui cette image s’applique à la Parole de Dieu et à tous les dons que Dieu met en nous. Il désire ainsi nous montrer comment nous comporter vis-à-vis ces dons que Dieu nous fait.
I – La distribution des talents
Dans la parabole racontée par Jésus, on voit le maître qui part en voyage remettre à chacun des serviteurs une partie de ses biens pour qu’il la garde en son absence.
Ce maître représente Dieu qui, par son Fils Jésus, vient nous faire partager l’héritage des enfants de Dieu. Cet héritage nous est venu par la Parole annoncée au cours de l’histoire du salut d’Abraham à Jean-Baptiste en passant par Moïse et les prophètes.
Cette Parole de Dieu est toujours vivante et active. C’est ce cadeau que les serviteurs que nous sommes reçoivent. Il prend diverses formes. Il s’agit en premier lieu du don de la foi qui est au cœur de nos vies, mais il y a aussi tous les « talents » qui l’accompagnent : qualités et dons de toutes sortes dont Dieu nous a enrichi. Le maître part, mais il reviendra. On peut penser que le temps de son périple représente le temps de l’Église que nous vivons dans l’attente du retour du Christ à la fin des temps.
Dans ce temps de l’Église, les dons de Dieu ne font pas défaut, ces dons appelés ici « talents » varient en nombre et en quantité. Comme dans l’Évangile, certaines personnes peuvent reconnaître qu’elles en ont reçu en grande quantité, d’autres en moins grande quantité. Ce qui est à retenir, c’est que dans tous les cas ces « talents » font partie des biens du maître. Ils sont ainsi pour nous des dons de Dieu quels qu’ils soient. Dans nos communautés chrétiennes, ils pourront se transformer en charismes et en ministères si nous savons les cultiver et les faire croître (voir Constitution sur l’Église de Vatican II, n.12).
II – La reddition des comptes
Dans la parabole de l’évangile de saint Mathieu, au retour du voyage du maître, les serviteurs sont convoqués pour rendre compte de ce qu’ils ont fait des « talents » reçus. Le premier et le second des serviteurs sont heureux de faire état d’une croissance importante des sommes qu’ils avaient eues. Grâce à leur initiative et à leur créativité ils les ont doublées. Le troisième quant à lui s’est contenté de conserver la somme en l’enfouissant en terre.
Le maître qui représente Dieu va louer les deux premiers et renvoyer le troisième sans ménagement.
Ainsi pour Jésus, il ne s’agit pas seulement de conserver ses « talents », ses dons. Il est important de les mettre en œuvre. Le salut ne se résume pas à dire « Seigneur, Seigneur ». Les œuvres et les gestes d’amour, de compassion, de partage font partie de la vie du disciple de Jésus autant que les paroles. C’est ainsi que la Parole de Dieu prend corps. Elle ne peut être comme un « talent » que l’on garde pour soi. Elle demande qu’on la répande, qu’on la proclame et qu’on la vive.
La description de la « femme parfaite » tirée du Livre de Proverbes que nous avons dans la première lecture va dans le sens de ce message de la parabole de l’évangile. Elle a fait profiter ses « talents ». On comprend bien ainsi l’invitation à célébrer les fruits de son travail qui termine la lecture.
III – Le sens eschatologique de la parabole
La parabole des talents nous renvoie à nous-mêmes dans la façon de vivre notre vie chrétienne. Elle est une source d’inspiration et de questionnements. Comment développer les dons reçus du Seigneur? Comment incarner dans notre vie la Parole de Dieu? Quels chemins prendre pour aller plus loin dans notre cheminement spirituel? Quel soutien aller chercher pour répondre aux attentes du Maître ? Ce sont autant de questions que les jours qui passent mettent devant nous à une occasion ou l’autre.
Il est important de les laisser monter en nous, même si nous n’avons pas toutes les réponses immédiatement. C’est normal puisque dans le temps de l’Église nous sommes comme des voyageurs en marche vers la demeure où Jésus nous attend : « Quand je serai parti vous préparer une place, je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi, afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi. » (Jean 14, 3). Nous attendons dans la foi le Retour du Christ. Nous avançons tendus vers en avant, poursuivant notre course en mettant en oeuvre les dons reçus du Seigneur, nos « talents ». Alors, comme le dit saint Paul dans la seconde lecture : « Ne restons pas endormis comme les autres, mais soyons vigilants ».
Le maître, le Christ, laisse à chacun et à chacune la liberté de faire ses choix. La réponse appartient à chaque personne.
Rendons grâces à Dieu aujourd’hui dans notre Eucharistie pour tous les « talents » donnés, particulièrement le don de sa Parole et demandons la grâce de savoir les recevoir et les faire fructifier pour sa plus grande gloire.
Conclusion
C’est aujourd’hui la 4e Journée mondiale pour les pauvres fixée par le pape François dans « Misericordia et Misera » au 33ème Dimanche du Temps Ordinaire, et qui est donc célébrée cette année le 15 novembre 2020. Dans son message pour cette journée, le pape propose comme thème « Tends ta main au pauvre » (Siracide 7, 32)
Permettez-moi en terminant de vous lire un passage de ce message :
Tendre la main est un signe : un signe qui rappelle immédiatement la proximité, la solidarité, l’amour. En ces mois où le monde entier a été submergé par un virus qui a apporté douleur et mort, détresse et égarement, combien de mains tendues nous avons pu voir ! La main tendue du médecin qui se soucie de chaque patient en essayant de trouver le bon remède. La main tendue de l’infirmière et de l’infirmier qui, bien au-delà de leurs horaires de travail, sont restés pour soigner les malades. La main tendue de ceux qui travaillent dans l’administration et procurent les moyens de sauver le plus de vies possibles. La main tendue du pharmacien exposé à tant de demandes dans un contact risqué avec les gens. La main tendue du prêtre qui bénit avec le déchirement au cœur. La main tendue du bénévole qui secourt ceux qui vivent dans la rue et qui, en plus de ne pas avoir un toit, n’ont rien à manger. La main tendue des hommes et des femmes qui travaillent pour offrir des services essentiels et la sécurité. Et combien d’autres mains tendues que nous pourrions décrire jusqu’à en composer une litanie des œuvres de bien. Toutes ces mains ont défié la contagion et la peur pour apporter soutien et consolation.
Que le Seigneur continue de nous soutenir pour tendre la main autour de nous et pour que toute l’Église devienne de plus en plus accueillante à ceux et celles qui lui tendent la main.
Amen!
Mgr Hermann Giguère P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec
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