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JÜRGEN MOLTMANN – LE THÉOLOGIEN DE L’ESPÉRANCE

23 octobre, 2014

http://www.erf-auteuil.org/chroniques/jurgen-moltmann-le-theologien-de-l-esperance.html

JÜRGEN MOLTMANN – LE THÉOLOGIEN DE L’ESPÉRANCE

UNE  » STAR  » DE LA THÉOLOGIE CONTEMPORAINE

Né à Hambourg en 1926, Jürgen Moltmann a été profondément marqué, dans son enfance et son adolescence, par la violence et la guerre. Il passa son doctorat de théologie à Göttingen au début des années 1950. Il fut pasteur d’une église réformée de Brême, puis professeur des facultés de théologie de Wuppertal, de Bonn et, à partir de 1967, de Tübingen.
C’est à Tübingen qu’il développa les thèmes de sa théologie de l’Espérance qui le fit connaître dans le monde comme l’un des théologiens les plus intéressants de sa génération. Il enseigne aujourd’hui aux Etats-Unis où il publie en langue anglaise : sa prose a gagné en clarté, mais, selon le professeur Askani, qui me le fit connaître, sa pensée a perdu de sa subtilité, ce qu’il attribue à un problème de langue : l’allemand est la langue par excellence des philosophes et des théologiens.
Quatre ouvrages de Moltmann ont été traduits en français et sont donc accessibles : Théologie de l’Espérance, suite d’essais et d’esquisses sur les fondements et les conséquences d’une eschatologie chrétienne ; Le Dieu Crucifié, le Seigneur de la danse ; et Trinité et Royaume de Dieu. Ces ouvrages sont d’une lecture plutôt difficile, même pour des esprits avertis. En revanche, il a publié avec sa femme Elizabeth, elle aussi théologienne, un livre intitulé : Dieu homme et femme, qui est à la portée de tout lecteur éclairé, car il s’agit non plus de sommes théologiques, mais de textes de conférences. La contribution de Jürgen Moltmann à ce duo théologique a pour titre : Un Dieu au visage humain, et comporte trois volets : Dieu signifie Liberté ; L’histoire trinitaire de Jésus et Une interprétation sociale de la Trinité. (1)
On ne peut présenter Moltmann sans parler en premier de sa Théologie de l’Espérance, l’ouvrage qui a fait de lui une  » star  » de la théologie contemporaine. L’ouvrage est très dense, et je me contenterai de présenter quelques aspects de la pensée de Moltmann concernant l’espérance. Ce qu’il faut savoir, c’est que, pour lui, l’espérance n’est pas pensable sans Jésus-Christ venu à nous, mort et ressuscité. Avec la foi et l’amour, l’espérance est un des thèmes de la théologie chrétienne et nombreux sont les théologiens qui ont traité de ces thèmes. Mais pour Moltmann, l’espérance est plus qu’un thème ; elle es le vrai sujet de la théologie chrétienne qu’elle définit, pénètre et caractérise. Ainsi qu’il l’écrit dans son introduction :
 » Le christianisme est tout entier (et pas seulement en appendice) eschatologie. Il est espérance, perspectives et orientation en avant, donc aussi départ et changement du présent. La perspective eschatologique n’est pas un aspect du christianisme, elle est à tous égards le milieu de la foi chrétienne, le ton sur lequel tout, en elle, s’accorde, la couleur de l’aurore d’un jour nouveau attendu dans laquelle tout baigne ici « .
On voit que, dès les premières pages, il aborde le thème des choses dernières, question centrale du livre : Comment harmoniser l’histoire et les choses ultimes ? Comment articule les notions contradictoires de présent et futur, expérience et espérance ? Comment penser le présent alors que le Dieu des chrétiens a  » le futur comme propriété ontologique  » ? Il va démontrer que le Dieu que nous a révélé la Bible est celui qui ne cesse d’appeler l’homme en avant, dans une espérance active. Il invite l’homme à se décrocher des souvenirs qui ligotent, à rejeter une condition humaine fondée sur l’absence d’espérance, sinon en la mort éternelle :
 » Tant que l’espérance ne s’empare pas pour les transformer de la pensée et de l’action des hommes, elle reste à l parle pas inversement de l’histoire universelle et du temps qui amèneraient la manifestation du Christ. « 
En résumé, Moltmann définit l’eschatologie chrétienne comme la  » science des tendances de la Résurrection et de l’avenir du Christ « . Il proclame que la perspective eschatologique est le milieu et non la fin de la foi chrétienne ; que le Dieu chrétien est le Dieu de l’espérance qu’on ne peut avoir que devant soi. Il souligne que l’eschatologie fonde toute parole sur l’avenir, qu’elle est ancrée sur Jésus-Christ et la Résurrection. Il rappelle que la Résurrection fait venir le Royaume promis à la terre et démontre la tension existant entre la vie du chrétien et l’expérience chrétienne de la révélation et de la vie en Jésus-Christ. L’espérance n’est pas seulement pour lui une consolation dans la souffrance, mais, à cause de la Résurrection du Christ, elle vient s’inscrire en contradiction avec la mort.
D’un abord plus facile est son essai : Dieu signifie Liberté. Moltmann commence par définir ce que veut dire Dieu-Liberté, association mal aimée, dit-il, que l’on soit des chrétiens ou des athées, car les premiers affirment que la liberté détruit l’autorité de l’Etat et de la famille et fait voler la morale en éclats, et les seconds la refusent disant que si il y a un Dieu, l’humanité n’est pas libre, et que si l’humanité est libre, il n’ y a pas de Dieu. Bible à la main, Moltmann s’emploie à démontrer que le  » Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob  » est le Dieu qui a libéré le peuple hébreu de l’esclavage, et que la définition du Dieu de l’Ancien Testament est bien celle d’un libérateur.  » Croire en Dieu, dit-il, ne signifie rien d’autre que de faire l’expérience de sa propre libération « . De même, le  » Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ  » dont parle le Nouveau Testament, est un Dieu libérateur qui a ressuscité Jésus d’entre les morts et l’a conduit dans la splendeur du royaume des Cieux.
Moltmann s’emploie à nous montrer le lien qui existe entre la théologie de l’exode et la théologie de la résurrection :  » La théologie de l’exode n’est pas encore la théologie de la résurrection, mais la théologie de la résurrection doit toujours inclure celle de l’exode et doit s’incarner sans cesse dans des actes qui libèrent les opprimés « .
Ensuite, il analyse ce qu’est une  » foi libérée « , une foi qui triomphe du monde et renouvelle la vie de chacun :  » Cette foi est une expérience qui ne fait jamais défaut une fois qu’elle est advenir ; elle libère de l’anxiété et donne la confiance, elle fait renaître à une espérance vivante et participer à l’étreinte d’un amour qui nous comble totalement.  » 4
Enfin, il présente sa thèse sur la liberté comme résurrection. Il la définit  » non seulement comme l’amour de la communauté de gens qui nous entourent, mais aussi orientée vers l’avenir, l’avenir du Dieu qui vient « . Et il ajoute  » l’avenir de Dieu est le trésor inépuisable de possibilités tandis que le passé représente le royaume limité de la réalité.  » 5
En vérité, il propose trois conceptions de la liberté qui se juxtaposent : la liberté comme souveraineté, la liberté comme communauté et la liberté comme créativité dans l’attente.
Le Dieu de Moltmann n’a peut-être pas vraiment un visage humain, mais il est certainement tourné vers l’homme.

Liliane CRÉTÉ

(4) Dieu homme et femme, op. cit. p. 78
(5) Ibid., p. 85

Le théologien Dietrich Bonhoeffer

22 mars, 2010

du site:

http://www.esprit-et-vie.com/article.php3?id_article=2154

Le théologien Dietrich Bonhoeffer

Esprit & Vie n° 189 – Mars 2008 – 1re quinzaine, p. 17-18.

Le théologien Dietrich Bonhoeffer suscite un intérêt qui ne faiblit pas, ce que prouve l’actualité éditoriale récente. Les éditions Labor et Fides ont vaillamment entrepris une édition renouvelée, que ce soit au niveau de la traduction ou de l’appareil critique, des œuvres du théologien allemand. C’est aujourd’hui le volume n° 5 qui paraît, reprenant une des pièces maîtresses de l’auteur, alors que le n° 8, Résistance et Soumission, ensemble encore inédit en français de lettres et notes de captivité, était déjà sorti en 2006 (voir Esprit & Vie n° 160). On attend alors avec impatience la réédition, annoncée, du Prix de la grâce (Nachfolge) et de L’Éthique… Quelques années auparavant, le même éditeur avait aussi fait paraître le cours d’homilétique de Bonhoeffer à Finkelwalde, sous le titre La Parole de la prédication (Esprit & Vie n° 111). Et c’est à Bayard que l’on doit le récent petit volume, Création et Chute. Exégèse théologique de Genèse 1 à 3 (voir Esprit & Vie n° 170).

De la vie communautaire est un écrit de taille modeste que Bonhoeffer écrivit d’un trait à l’automne 1938, après avoir lui-même vécu avec les jeunes candidats au ministère pastoral dans le séminaire de Finkelwalde entre 1935 et 1937, période qu’il a dit être parmi les plus heureuses de sa vie. Ce livre est celui du théologien qui a connu le plus grand nombre de rééditions, il a été très souvent lu, conseillé, et médité par d’innombrables chrétiens, le plus souvent catholiques d’ailleurs, surtout ceux qui vivent en communauté, y compris des séminaristes (je peux en témoigner !). Il fut écrit à un moment où la montée du péril hitlérien rendait la vie vraiment difficile : ainsi, le 8 septembre 1938, la sœur jumelle de Bonhoeffer, chez qui se trouvait alors Dietrich pour écrire son livre, dut émigrer en Suisse et, de là, en Angleterre, avec son mari Gerhard Leibholz, ce dernier étant considéré par le régime nazi comme « non aryen » ; au même moment, un autre beau-frère de Bonhoeffer, Hans von Dohnanyi préparait un coup d’État contre le dictateur.

Cet ouvrage dit les choses à la fois avec simplicité et profondeur. Il commence, dans un premier chapitre, par des généralités sur la communauté elle-même, toute entière tournée vers le Christ et rassemblée autour de lui, avant de poursuivre dans les chapitres suivants sur de nombreux aspects concrets de la vie communautaire. Le cinquième et dernier chapitre est alors complètement consacré à la confession et à la sainte Cène, se terminant par un très beau développement sur « la communauté eucharistique » (p. 103-104), « accomplissement suprême de la communauté chrétienne » (p. 104). Comme une suite finalement assez logique, puisque la prière des psaumes occupe une place également importante dans la prière communautaire (p. 45-48), Labor et Fides a eu l’excellente idée de compléter le texte de Bonhoeffer par toute une série d’écrits, toujours de sa plume, sur les psaumes, soit une présentation générale, sous le titre « Le livre de prières de la Bible » (p. 105-133), une étude sur « Le Christ dans les psaumes » (p. 135-141) et, pour finir, une belle méditation sur le psaume 119 (p. 143-176). Signalons enfin la nourrissante postface des éditeurs allemands (p. 177-205).

D’un autre côté, quelques décennies après Eberhard Bethge, André Dumas ou René Marle, les ouvrages consacrés à Bonhoeffer sont de plus en plus nombreux depuis quelques années, écrits par Henry Mottu, Arnaud Corbic, Raymond Mengus ou Michel Seonnet. Sans oublier une superbe et épaisse biographie, qui restera longtemps une référence, sous la plume de son compatriote Ferdinand Schlingensiepen, un des fondateurs de la Société Bonhoeffer (Esprit & Vie n° 160), qui prend davantage de distance et dispose de plus d’informations que la seule dont on disposait jusqu’alors, écrite en 1967 par Bethge, neveu par alliance de Bonhoeffer.

Aujourd’hui, vient de paraître en co-édition un recueil des principales contributions à un colloque sur Bonhoeffer qui eut lieu, à l’occasion du centenaire de sa naissance, à la fin de l’été 2006, sous l’égide de l’Association francophone et œcuménique de théologiens pour l’étude de la morale (ATEM). Comme l’explique Denis Müller dans sa brève et lumineuse préface, pleine d’humour, ce colloque « a tenté d’esquisser et de baliser quelques idées nouvelles pour une reprise responsable et pertinente de nos interrogations actuelles sur les questions d’éthique fondamentale, de théologie systématique, de dogmatique et d’ecclésiologie. L’œuvre de Bonhoeffer, en effet, se tient au carrefour de plusieurs disciplines… » (p. 12.) Tous les articles sont intéressants et donnent à penser ; j’ai particulièrement apprécié ceux qui se rapportaient à la fameuse Nachfolge Christi de Bonhoeffer, qu’une traduction pas vraiment exacte rend parfois par le mot « obéissance » : « Nachfolge ou la pauvreté de la foi » par Hans-Christoph Askani (p. 27-46), « Suivre et faire : Structure de l’appel dans Nachfolge de D. Bonhoeffer » par Jean-Daniel Causse (p. 219-228) et « Suivre et faire au temps de l’épreuve » par Marie-Jo Thiel (p. 229-244). Sans surprise, la réflexion finale de Pierre Gisel, hélas ! seulement trop brève, portant sur la référence faite par Bonhoeffer à l’Église et, plus encore, au Christ lui-même, mérite amplement la lecture : « L’avant-dernier, lieu de l’Église et lieu du Christ – Entre sécularité du monde et réalité du religieux » (p. 245-252). Pareil thème avait d’ailleurs déjà été, au cours du colloque, développé plus longuement avec bonheur, dans une approche toutefois un peu différente, par le jeune et brillant théologien alsacien, enseignant aujourd’hui à Heidelberg, Fritz Lienhard : « L’éthique politique et la question des mandats » (p. 91-113). Enfin, signalons la réflexion intéressante d’Alberto Bondolfi : « Autour de la réception catholique de l’éthique politique de Bonhoeffer » (p. 115-125). Il conclut sans barguigner : « Sans les lettres et notes de captivité de [Bonhoeffer], et surtout sans son témoignage jusqu’au martyre, la théologie catholique n’aurait pas atteint ces résultats qui l’ont rendue capable d’un vrai dialogue interconfessionnel et interreligieux à la fin du siècle passé et au début de ce siècle. La convergence presque unanime des théologien(ne)s catholiques après les années 1960 dans l’affirmation du primat de la conscience et contre toute forme d’autoritarisme n’aurait pas été possible sans l’apport et le témoignage du dernier Bonhoeffer. Ses intuitions ont gagné toute la chrétienté, et sont même allées au-delà, portant ainsi des fruits dans les formulations propres à chaque tradition théologique. » (p. 124-125.)

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De la vie communautaire et Le livre de prières de la Bible – Collectif

P. David Roure

Genève, Labor et Fides, coll. « Œuvres de D. Bonhoeffer », 2007. – (14,5×22,5), 240 p., 22 €. Sous la direction d’Alberto Bondolfi, Denis Müller et Simone Romagnoli. Paris, Éd. du Cerf, coll. « Revue d’éthique et de théologie morale », 2007. -