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LA THÉOLOGIE ORTHODOXE OU « LA FLAMME DES CHOSES »

23 juin, 2016

http://www.spiritualite-orthodoxe.net/paul_evdokimov_orthodoxie.html

LA THÉOLOGIE ORTHODOXE OU « LA FLAMME DES CHOSES »

« Dieu c’est fait homme, pour que l’homme puisse devenir dieu »

Article inspiré des cours de Père Razvan Ionescu Un explication plus approfondie du mot Théologie

D’après Orthodoxie (L’), Paul Evdokimov, Desclée de Brouwer, 1992; Pages 47-56. La vision de Paul Evdokimov sur la théologie patristique: les commentaires de Père Razvan Ionescu sont en italique Une théologie du mystère qu’on ne connaît que par révélation et participation – la metanoïa L’Orient distingue d’une part  » l’intelligence  » orientée vers la coïncidence des opposés et débouchant sur  » l’unité et l’identité par la grâce 1, et d’autre part la  » raison », pensée discursive fondée sur le principe logique de contradiction et d’identité formelle et tournée vers le multiple, donc « déifuge ». Or, « l’intelligence réside dans le coeur, la pensée dans le cerveau 2 . Ce qui explique pourquoi la foi orthodoxe ne se définit jamais en termes d’adhésion intellectuelle, mais relève de l’évidence vécue, d’une « sensation du transcendant »: « Seigneur, la femme qui était tombée dans un grand nombre de péchés, ayant ressenti ta dignité… » 3. Il faut souligner l’aspect existentiel de la foi où s’opère la coïncidence foncière de l’amour et de la connaissance, inséparablement un dans le coeur-esprit, – Il n’y a donc pas de division dans la personne humaine qui connait théologiquement. ce qui dépasse l’intellectualisme et le sentimentalisme et correspond au terme évangélique très fort de metanoïa, revirement de toute l’économie de l’être humain. – metanoïa de meta-noûs, c’est l’intelligence non pas dans le sens de ratio mais une intelligence plus profonde de l’homme dans sa complexité. C’est un renouveau de l’intelligence, c’est à dire un mouvement qui fait que la personne humaine voit les choses autrement à travers la grâce de Dieu. La théologie comporte un élément doctrinal, la didascalie objective de l’Eglise, sa catéchèse, mais plus profondément dans sa sève même elle écoute ses saints, s’alimente à leur expérience pneumatophore du Verbe. Ainsi, comme le montre le titre d’un des écrits de Denys le pseudo Aréopagite : De la théologie mystique, celle-ci est théologie du mystère qu’on ne connaît que par révélation et participation. Elle saisit les paroles de Dieu à l’intérieur des « phanies », manifestations de Dieu. La transcendance divine nous apprend qu’on ne peut jamais aller vers Dieu qu’en partant de lui, qu’en se trouvant déjà en lui. [Oeuvre complète de Saint Denys l'areopagite, Mgr Darboy, Maison de la Bonne presse, 1845 - Théologie Mystique à partir de la page 463 pdf, ou 286 livre., téléchargeable ici] Par rapport aux orientations développées en Occident, qui développent une théologie de discours et surtout une explication rationnelle des choses, l’Orient est plus enclin à une théologie du mystère. C’est à dire que l’on touche le mystère à travers la théologie. Ceci ne veut pas dire pour autant que l’on épuise le mystère à travers notre discours mais justement la théologie a comme fonction de nous mettre devant le mystère de Dieu. Elle nous invite à le goûter et en le goûtant on se rend compte que c’est une profondeur sans fin. Les développements théoriques, chez les Pères passent souvent et sans aucune interruption aux textes de prières et de dialogue avec Dieu. – Paul Evdokimov met l’accent sur cette relation étroite entre ce que l’on écrit sur Dieu et notre prière.

Mystagogie ou initiation Saint Isaac Saint Isaac le Syrien voit dans ces instants: « la flamme des choses ». C’est peut-être la meilleure définition de la théologie. Art, beaucoup plus que science systématique, elle découvre la vérité cachée des choses célestes et terrestres et initie à la participation-communion au monde éonique de Dieu. – Le mot initie, initiation, est important car en théologie on parle d’une pédagogie mais aussi d’une mystagogie, c’est à dire une initiation, on se souvient des paroles du seigneur quand Il dit:  » Allez, faites des gens de toutes les nations des disciples, baptisez-les pour le nom du Père, du Fils et de l’Esprit saint; et apprenez-leur à garder tout ce que je vous ai commandé. Quant à moi, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin des temps.  » Matthieu 28:19-20  » 4 donc quand Il dit « apprenez », cette pédagogie vient tout de suite après « baptisez », qui veut dire « initiez », ouvrez la porte du Royaume à travers la grâce de Dieu, la descente de l’Esprit Saint; à travers cette pentecôte personnelle. La pédagogie vient donc à la suite de la mystagogie, ce qui ne veut pas dire que dans l’Eglise seul le baptême est mystagogique, car toute expérience de l’Eglise nous parle d’une mystagogie mais l’expérience de l’Eglise nous parle aussi d’une pédagogie, on ne peut donc pas les séparer. La mystagogie est donc une initiation au mystère, une découverte du mystère. Théognosie – Theo: Dieu; gnosis: connaissance – catéchèse – Vous voyez l’équilibre qui existe toujours dans les affirmations théologiques, on parle d’une initiation mais aussi d’un enseignement. « voie expérimentale de l’union avec Dieu » Ce sont des mots extraordinaires car en fait si on parle de la théologie, en se référant à Theo et Logos, le Logos se rapporte soit à la parole, soit à la logique, un développement rationnel. Mais en même temps à l’école des Pères de l’Eglise c’est dans son aspiration ultime « voie expérimentale de l’union avec Dieu. » Pour les Pères la théologie est avant tout la contemplation de la Trinité. – Evdokimov fait une synthèse des Pères de l’Eglise. Par conséquent ce que nous faisons ici c’est une synthèse de synthèses.- C’est cette connaissance par inhabitation du Verbe qui est la théologie mystique. – Le saint Esprit vient et fait sa demeure en nous, si Dieu fait sa demeure en quelqu’un Il s’unit avec cette personne. Il ne peut pas vivre dans la chambre du coeur de quelqu’un sans être en communion avec cet être humain. C’est pourquoi quand on invite le Seigneur, on l’invite à venir en nous, à exprimer Sa présence et à s’unir avec nous. Il s’agit bien de la « parousie » divine dans l’âme – Paul Evdokimov utilise d’autres termes théologiques pour apporter une nouvelle lumière à la signification. qui ne peut être saisie que par les yeux de la foi, « les yeux de la Colombe ». Il s’agit non de connaître quelque chose sur Dieu, mais d’ »avoir Dieu en soi ». – Alors que les démarches théologiques essaient de construire un discours mais sans pouvoir véritablement construire quelque chose à partir de l’expérience concrète, les Pères se contentent d’exprimer leur expérience concrète personnelle par leur théologie. Toutefois ce n’est pas leur expérience particulière à eux, que personne ne peut interpréter, mais c’est une expérience personnelle qui entre dans l’expérience générale de l’Eglise. La théologie devient la description en termes théologiques de la présence illuminante du Verbe. Ce n’est point une spéculation sur les textes mystiques rnais la voie mystique elle-même, génératrice d’unité. Elle postule le retour à la nudité de l’esprit, son dépouillement jusqu’à son état pré-conceptuel de pure réceptivité adamique: – Cette expérience de Dieu, nous invite à découvrir un état de l’âme qu’on peut évoquer en pensant d’abord à Adam qui est appelé à goûter le Royaume de Dieu et Dieu Lui-même. Le centre même de notre culte se trouve dans la Cène eucharistique. Nous nous rassemblons pour goûter quelque chose ensemble, signe de communion. Dans le centre du culte chrétien, se trouve donc cette démarche de partager avec les autres notre nourriture qui n’est pas une nourriture de ce monde. Même si les choses matérielles qui contribuent à cette nourriture viennent de ce monde, à travers la bénédiction portée par liturgie la nourriture de ce monde devient également une nourriture qui n’est pas de ce monde, c’est à dire le Corps et le Sang du Seigneur que nous goûtons ensemble.

Le charisme d’oraison, prier sans cesse « La contemplation était le privilège d’Adam au paradis  » et donc nécessite avant tout un « charisme de l’oraison  » – C’est à dire la prière « . On imagine donc bien Adam vivre une vie qui était une contemplation de Dieu et nourrissait son être. Quand on parle de charisme d’oraison ça veut dire que la prière telle que nous l’apprenons aujourd’hui est une redécouverte d’une état qui fut paradisiaque: Adam priait. Quand on a demandé au Seigneur comment prier? Il a répondu: « Priez sans cesse « , ce qui signifie que la prière peut être une prière qui ne cesse pas. Ceci veut dire que l’être humain a une capacité de prière qui exprime quelque chose de sa nature. Il est capable par sa nature d’entretenir une relation avec Dieu à travers sa prière. La prière est comme une respiration de l’âme, c’est à dire que de la même façon que le corps respire et que sans respiration il ne vit plus, l’âme respire (Sans pour autant entrer dans un dualisme âme-corps). La prière fait partie du bon « fonctionnement » de l’être humain, il en a besoin mais c’est un charisme en même temps. La théologie ainsi s’érige en ministère charismatique, car « personne ne peut connaître Dieu si ce n’est Dieu lui-même qui l’enseigne » et « il n’y a pas d’autre moyen de connaître Dieu que de vivre en lui… « ; – Sans la grâce de Dieu on n’est pas capable de Prier. Quand nous voulons prier véritablement il nous faut cette aide. Dieu nous donne son aide à condition que nous le cherchions parce qu’Il respecte complètement notre liberté. La grâce de Dieu est garante de la liberté humaine, c’est le péché qui empêche la liberté humaine. Savoir prier nécessite également un enseignement de la part de Dieu. « parler de Dieu est une grande chose » ironise saint Grégoire le Théologien et justifie son titre en déclarant : « mais il est encore mieux de se purifier pour Dieu ». – Nous avons donc vu que certains Pères nous parlent de la connaissance de Dieu, nous parlent de la théologie en tant que connaissance de Dieu. J’ai souligné que la théologie est « voie expérimentale de l’union avec Dieu ». Théologie veut donc dire connaissance de Dieu et pour connaître Dieu nous ne pouvons pas rester comme nous sommes à l’heure actuelle, il faut changer quelque chose en nous. Car même si nous arrivons dans ce monde avec un certain état de pureté, notre nature corrompue à travers notre personne fait que nous sommes enclins malheureusement au péché. La vie spirituelle est la guérison totale, absolue et ultime de notre nature humaine. Dans l’office pour les défunts on dit que Dieu a tellement aimé l’être humain, qu’Il ne l’a pas laissé comme ça, c’est la raison pour laquelle la mort est justement la délivrance. S’il n’y avait pas de mort, cette nature à l’origine de l’être humain donnerait une vie corrompue éternelle. Dieu donne une fin à l’être humain par Amour 5.

La divinisation de l’homme par la grâce C’est un dialogue entre l’esprit de l’homme et l’Esprit de Dieu mais un dialogue générateur d’unité « déifiante »: « Dieu ne s’unit qu’à des dieux », dit saint Symeon? – C’est vraiment une synthèse avec des mots forts, des mots clés des Pères de l’Eglise. Autrement dit, en reprenant la définition la plus noble de la vie théologique ou de la vie de l’Eglise: « Dieu c’est fait homme, pour que l’homme puisse devenir dieu ». Notre destin n’est pas uniquement l’accomplissement de la personne humaine mais son accomplissement en tant que dieu par la grâce de Dieu. Il n’y a pas de changement de nature en nous mais si on vit la Vie que Dieu vit, on se transforme petit à petit en des dieux. Pour saint Macaire, un théologien est un enseigné de Dieu et c’est l’Esprit, selon saint Syméon, qui d’un érudit fait un théologien, car il s’agit non de s’instruire intellectuellement sur Dieu, mais de se remplir de Dieu : « Afin que l’ayant reçu en nous, nous devenions ce qu’il est ». – c’est pour cela que les êtres qui commencent à chercher Dieu dans leur vie deviennent de plus en plus ressemblant à Dieu. Une vie améliorée en Christ est une vie qui fait que quelqu’un est plus ressemblant à Dieu.

La libération des passions, les théologiens chrétiens orthodoxes Pour saint Basile « la vraie théologie libère des passions » -Si l’homme se libère petit à petit des mauvaises passions, c’est à dire les comportements qui ne laissent pas se manifester pleinement en nous l’image de Dieu. En s’en libérant on est dans l’acquisition petit à petits des « propriétés » qui expriment ce que Dieu est. « Une théologie sans action 6 est la théologie des démons » note saint Maxime. C’est au dynamisme de la foi que répond « le don spirituel de l’Esprit qui révèle le sens de la théologie »…. L’Orthodoxie s’est avérée très sobre pour délivrer le titre de « théologien » par excellence. Seules trois personnes le possèdent comme attribut de leur sainteté: saint Jean le Théologien, le plus mystique des quatre évangélistes, saint Grégoire le Théologien, « chantre de la sainte trinité » et saint Symeon le Nouveau Théologien, auteur des hymnes qui exaltent l’union. – Si l’Eglise est prudente dans l’attribution de ce titre, ce n’est pas qu’elle ne veut pas le donner mais ces personnes étaient caractérisées par leur profondeur théologique: elles ont su la vivre et l’exprimer à la fois. La théologie ce ne se limite pas à la contemplation, car il y a des êtres humains qui contemplent Dieu sans pouvoir exprimer cette contemplation et d’après ce qu’ils disent sans l’aide de Dieu il n’est pas possible de l’exprimer à travers un discours. En effet, notre discours ne peut pas « tenir en sa main » l’ineffable. Il faut que Dieu nous aide pour pouvoir exprimer des choses qui dépassent notre intelligence.

La contemplation ou theoria La théologie comporte l’élément de contemplation. Ce discours peut paraître très théorique mais la pratique mène à la contemplation, car notre pratique c’est de contempler Dieu, et la contemplation vient de « theoria ». Donc la theoria pour les Pères n’est pas une attitude passive devant Dieu où l’on n’aurait plus envie de bouger puisque ce serait Dieu qui s’occuperait de nous. En référence aux écrits de Père Dumitru staniloae, il est vrai que Dieu prend l’initiative et comble l’être humain de telle façon que l’être humain se trouve parfois dans « l’étonnement », dans les phases les plus élevées du mystère de Dieu, mais même dans cet état la contemplation « theoria » est très pratique. C’est une étape très active dans la vie de quelqu’un parce qu’il est pleinement là dedans. Alors qu’en science la théorie est relative a un schéma abstrait de faits que l’on interprète, dans l’Eglise la « theoria » veut dire contemplation. Toute contemplation de la vérité dans l’Eglise, à travers la parole, à travers les sens ou tout ce que l’on est, est une theoria.

Le cataphatisme et l’apophatisme, la conscience des limites, et Dieu sujet non pas objet. On a l’impression en lisant des écrits de théologie que les mots sont compliqués, par exemple cataphatisme et apophatisme. La théologie apophatique 7 est la théologie négative, celle cataphatique est positive. revenons à Paul evdokimov: La méthode cataphatique procède par affirmation, mais en définissant Dieu, en lui donnant des noms, elle limite et rend son propre enseignement incomplet, – C’est à dire que si on prend un livre par exemple, on arrive à décrire de quoi il s’agit par ses caractéristiques: sa taille, couleur, etc. Mais essayons de faire la même chose avec Dieu. Qui a vu Dieu? D’une certaine façon personne n’a vu Dieu. Cependant à travers notre expérience on peut avoir été touché par cette présence de Dieu, donc on parle d’une certaine façon d’une vision de Dieu, en gardant bien sûr les proportions. C’est pourquoi quand on essaie d’exprimer notre expérience on se rend compte que nos paroles sont très pauvres, on n’arrive pas à dire qui est Dieu. Si l’on se met à ajouter des attributs, des qualificatifs selon ce que l’on peut comprendre, on se rend compte que l’on commence à fabriquer une idole puisqu’en fait ça ne correspond pas à Dieu, car Il dépasse tout ce que l’on peut dire sur Lui. Ce genre de réflexion existe depuis le commencement du christianisme. Il faut donc le compléter par la méthode apophatique qui procède par des négations ou oppositons à tout ce qui est de ce monde. Donc la théologie positive n’est point dévaluée mais précisée exactement dans sa dimension propre et ses limites. – C’est extraordinaire, cette conscience des limites. La science d’aujourd’hui les découvre également car son discours ne couvre pas une réalité beaucoup plus complexe que celle que l’on peut imaginer. C’est que la théologie négative habitue à l’infranchissable distance salvatrice: « Les conceptions créent des idoles de Dieu, dit saint Grégoire de Nysse, l’étonnement seul saisit quelque chose ». – C’est à dire que l’on n’est pas devant un objet « Dieu ». En effet, pour la théorie de la connaissance il faut un objet de connaissance. Or dans la définition courante de la science, l’objet Dieu n’existe pas, puisqu’Il n’est pas reconnu de manière universelle. Même pour le théologien définir Dieu comme objet de connaissance n’est pas facile car il n’est pas un objet, il est un sujet de notre connaissance. Si Lui (ou si eux pour les trois personnes), ne s’ouvre pas à notre connaissance on ne peut pas le connaitre.

La prière liturgique, élévation vers Dieu et communion avec les autres Paul Evdokimov parle plus loin de la prière liturgique: elle nous mène vers cette union. Quand on parle de prière personnelle, cela ne veut pas dire prière individuelle, parce que quand la personne prie elle est en communion avec d’autres personnes. Plus elle prie, plus elle est en communion avec les autres. C’est très important de le comprendre. Le Père Dumitru Staniloae, le décrivait en prenant l’image d’une pyramide inversée, plus on prie, plus on s’approche de Dieu et plus on est entouré. Quand nous prions ordinairement, nous sommes seuls même au milieu de plein de gens car nous ne les aimons pas comme il le faudrait, ou nous n’arrivons pas à entretenir cette communion à travers notre amour, c’est Dieu qui nous enseigne l’Amour. On parle de la prière liturgique car on a besoin de cette prière qui concerne le peuple de Dieu dans l’Eglise. C’est elle qui nous mène vers notre « déification »: on devient Dieu selon la grâce de Dieu. En cherchant Dieu, c’est l’homme qui est trouvé par Dieu.

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Notes: 1 Saint Maxime, De ambig., P.G. 91, 1308 B. 2 Evagre, Centuries gnostiques; voir K; Rahner, « Die geistiche Lehre des Evagrius Pontikus, dans ZAM, t. 8, 1933. 3 Récité pendant le grand Carême: Matines du grand mercredi. 4 Allez, faites des gens de toutes les nations des disciples, baptisez-les pour le nom du Père, du Fils et de l’Esprit saint; et enseignez-leur à garder tout ce que je vous ai commandé. Quant à moi, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde.  » La Nouvelle Bible Segond . 5 C’est à dire de la nature humaine telle qu’elle a été corrompue par le péché. 6 Notez qu’il s’agit ici de l’action au sens de praxis, et non pas de l’action dans le sens d’activité ou de service 7 L’apophatisme est une démarche théologique par laquelle toute idée que l’on se fait de Dieu se voit démasquée dans son inadéquation à exprimer ce qui est au-delà de tout concept ou de la pensée discursive.

JÜRGEN MOLTMANN – LE THÉOLOGIEN DE L’ESPÉRANCE

23 octobre, 2014

http://www.erf-auteuil.org/chroniques/jurgen-moltmann-le-theologien-de-l-esperance.html

JÜRGEN MOLTMANN – LE THÉOLOGIEN DE L’ESPÉRANCE

UNE  » STAR  » DE LA THÉOLOGIE CONTEMPORAINE

Né à Hambourg en 1926, Jürgen Moltmann a été profondément marqué, dans son enfance et son adolescence, par la violence et la guerre. Il passa son doctorat de théologie à Göttingen au début des années 1950. Il fut pasteur d’une église réformée de Brême, puis professeur des facultés de théologie de Wuppertal, de Bonn et, à partir de 1967, de Tübingen.
C’est à Tübingen qu’il développa les thèmes de sa théologie de l’Espérance qui le fit connaître dans le monde comme l’un des théologiens les plus intéressants de sa génération. Il enseigne aujourd’hui aux Etats-Unis où il publie en langue anglaise : sa prose a gagné en clarté, mais, selon le professeur Askani, qui me le fit connaître, sa pensée a perdu de sa subtilité, ce qu’il attribue à un problème de langue : l’allemand est la langue par excellence des philosophes et des théologiens.
Quatre ouvrages de Moltmann ont été traduits en français et sont donc accessibles : Théologie de l’Espérance, suite d’essais et d’esquisses sur les fondements et les conséquences d’une eschatologie chrétienne ; Le Dieu Crucifié, le Seigneur de la danse ; et Trinité et Royaume de Dieu. Ces ouvrages sont d’une lecture plutôt difficile, même pour des esprits avertis. En revanche, il a publié avec sa femme Elizabeth, elle aussi théologienne, un livre intitulé : Dieu homme et femme, qui est à la portée de tout lecteur éclairé, car il s’agit non plus de sommes théologiques, mais de textes de conférences. La contribution de Jürgen Moltmann à ce duo théologique a pour titre : Un Dieu au visage humain, et comporte trois volets : Dieu signifie Liberté ; L’histoire trinitaire de Jésus et Une interprétation sociale de la Trinité. (1)
On ne peut présenter Moltmann sans parler en premier de sa Théologie de l’Espérance, l’ouvrage qui a fait de lui une  » star  » de la théologie contemporaine. L’ouvrage est très dense, et je me contenterai de présenter quelques aspects de la pensée de Moltmann concernant l’espérance. Ce qu’il faut savoir, c’est que, pour lui, l’espérance n’est pas pensable sans Jésus-Christ venu à nous, mort et ressuscité. Avec la foi et l’amour, l’espérance est un des thèmes de la théologie chrétienne et nombreux sont les théologiens qui ont traité de ces thèmes. Mais pour Moltmann, l’espérance est plus qu’un thème ; elle es le vrai sujet de la théologie chrétienne qu’elle définit, pénètre et caractérise. Ainsi qu’il l’écrit dans son introduction :
 » Le christianisme est tout entier (et pas seulement en appendice) eschatologie. Il est espérance, perspectives et orientation en avant, donc aussi départ et changement du présent. La perspective eschatologique n’est pas un aspect du christianisme, elle est à tous égards le milieu de la foi chrétienne, le ton sur lequel tout, en elle, s’accorde, la couleur de l’aurore d’un jour nouveau attendu dans laquelle tout baigne ici « .
On voit que, dès les premières pages, il aborde le thème des choses dernières, question centrale du livre : Comment harmoniser l’histoire et les choses ultimes ? Comment articule les notions contradictoires de présent et futur, expérience et espérance ? Comment penser le présent alors que le Dieu des chrétiens a  » le futur comme propriété ontologique  » ? Il va démontrer que le Dieu que nous a révélé la Bible est celui qui ne cesse d’appeler l’homme en avant, dans une espérance active. Il invite l’homme à se décrocher des souvenirs qui ligotent, à rejeter une condition humaine fondée sur l’absence d’espérance, sinon en la mort éternelle :
 » Tant que l’espérance ne s’empare pas pour les transformer de la pensée et de l’action des hommes, elle reste à l parle pas inversement de l’histoire universelle et du temps qui amèneraient la manifestation du Christ. « 
En résumé, Moltmann définit l’eschatologie chrétienne comme la  » science des tendances de la Résurrection et de l’avenir du Christ « . Il proclame que la perspective eschatologique est le milieu et non la fin de la foi chrétienne ; que le Dieu chrétien est le Dieu de l’espérance qu’on ne peut avoir que devant soi. Il souligne que l’eschatologie fonde toute parole sur l’avenir, qu’elle est ancrée sur Jésus-Christ et la Résurrection. Il rappelle que la Résurrection fait venir le Royaume promis à la terre et démontre la tension existant entre la vie du chrétien et l’expérience chrétienne de la révélation et de la vie en Jésus-Christ. L’espérance n’est pas seulement pour lui une consolation dans la souffrance, mais, à cause de la Résurrection du Christ, elle vient s’inscrire en contradiction avec la mort.
D’un abord plus facile est son essai : Dieu signifie Liberté. Moltmann commence par définir ce que veut dire Dieu-Liberté, association mal aimée, dit-il, que l’on soit des chrétiens ou des athées, car les premiers affirment que la liberté détruit l’autorité de l’Etat et de la famille et fait voler la morale en éclats, et les seconds la refusent disant que si il y a un Dieu, l’humanité n’est pas libre, et que si l’humanité est libre, il n’ y a pas de Dieu. Bible à la main, Moltmann s’emploie à démontrer que le  » Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob  » est le Dieu qui a libéré le peuple hébreu de l’esclavage, et que la définition du Dieu de l’Ancien Testament est bien celle d’un libérateur.  » Croire en Dieu, dit-il, ne signifie rien d’autre que de faire l’expérience de sa propre libération « . De même, le  » Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ  » dont parle le Nouveau Testament, est un Dieu libérateur qui a ressuscité Jésus d’entre les morts et l’a conduit dans la splendeur du royaume des Cieux.
Moltmann s’emploie à nous montrer le lien qui existe entre la théologie de l’exode et la théologie de la résurrection :  » La théologie de l’exode n’est pas encore la théologie de la résurrection, mais la théologie de la résurrection doit toujours inclure celle de l’exode et doit s’incarner sans cesse dans des actes qui libèrent les opprimés « .
Ensuite, il analyse ce qu’est une  » foi libérée « , une foi qui triomphe du monde et renouvelle la vie de chacun :  » Cette foi est une expérience qui ne fait jamais défaut une fois qu’elle est advenir ; elle libère de l’anxiété et donne la confiance, elle fait renaître à une espérance vivante et participer à l’étreinte d’un amour qui nous comble totalement.  » 4
Enfin, il présente sa thèse sur la liberté comme résurrection. Il la définit  » non seulement comme l’amour de la communauté de gens qui nous entourent, mais aussi orientée vers l’avenir, l’avenir du Dieu qui vient « . Et il ajoute  » l’avenir de Dieu est le trésor inépuisable de possibilités tandis que le passé représente le royaume limité de la réalité.  » 5
En vérité, il propose trois conceptions de la liberté qui se juxtaposent : la liberté comme souveraineté, la liberté comme communauté et la liberté comme créativité dans l’attente.
Le Dieu de Moltmann n’a peut-être pas vraiment un visage humain, mais il est certainement tourné vers l’homme.

Liliane CRÉTÉ

(4) Dieu homme et femme, op. cit. p. 78
(5) Ibid., p. 85

‘’ LA SOUFFRANCE EST UN MYSTÈRE QUI ENGAGE LE MYSTÈRE DE DIEU ET LE MYSTÈRE DE L’HOMME

28 mai, 2014

http://www.leffortcamerounais.info/2012/10/abbe-jean-pierre-batoum-la-souffrance-est-un-myst%C3%A8re-qui-engage-le-myst%C3%A8re-de-dieu-et-le-myst%C3%A8re-de-.html

ABBE JEAN PIERRE BATOUM:

‘’ LA SOUFFRANCE EST UN MYSTÈRE QUI ENGAGE LE MYSTÈRE DE DIEU ET LE MYSTÈRE DE L’HOMME ‘’

Propos recueillis par Gildas Mouthé

(La suite dans notre prochaine édition), [Je ne peux pas trouver la suite]

Pour amener les chrétiens à aborder avec foi le mystère de la souffrance, le Père Jean Pierre Batoum vient de publier une deuxième édition sur la souffrance rapportée à l’expérience de Job, personnage biblique bien connu des croyants et non croyants qui a connu toutes les formes de souffrances qu’un homme puisse connaître. Nous avons choisi le Père Batoum pour cet essai d’explication qu’il a menée sur le livre de Job pour le mettre à la portée de tous. Nous l’avons aussi choisi pour son expérience pastorale auprès des malades et des personnes en détresse.
L’homme peut-il éviter la souffrance, ou alors elle est nécessaire pour une meilleure compréhension du mystère de la Croix ?
L’homme peut éviter, j’allais dire des souffrances particulières : en respectant par exemple le bien d’autrui, en s’appliquant à bien faire ce qu’il doit faire, etc. Mais de façon générale, l’homme ne peut éviter la souffrance, car elle n’est pas un problème qu’on puisse résoudre de l’extérieur. La souffrance est un mystère qui engage le Mystère de Dieu et le mystère de l’homme. Dans la souffrance de l’être humain, Dieu est engagé, et c’est ce qu’enseigne le livre de Job, lu évidemment à la lumière de la Passion de Jésus Christ. Malheureusement le Mystère de Jésus, c’est-à-dire sa Passion, sa Mort et sa Résurrection, est classé dans l’histoire de l’humanité comme une religion, existant à côté d’autres religions. En réalité, le Mystère de Jésus engage l’histoire de chaque homme et de chaque femme, et explique le projet de Dieu sur chacun de nous, c’est- à- dire qu’il ne s’agit pas de fuir la souffrance, il ne s’agit pas de lutter avec acharnement contre la souffrance, au risque d’en créer d’autres souffrances plus graves, mais accueillir la souffrance et en faire un instrument de salut, de bonheur. De cette manière, ceux qui n’accueillent pas le Mystère de Jésus, ceux qui ne sont pas du Christ, ceux qui ne sont pas chrétiens, n’y comprennent rien et parlent de dolorisme, de masochisme, etc. Mais lorsque Gandhi ou Martin Luther King parlent de la non-violence, tout le monde comprend et adhère, et même tout le monde est séduit. Mais au fond, il y a un peu de cela dans le Mystère de Jésus, dans la souffrance comme Mystère, il y a un peu de non violence. Celle-ci suppose d’abord se faire violence pour refuser d’être violent, donc, accepter de souffrir la violence qu’on subit, mais sans subir cette souffrance. Sans subir la violence qu’on me fait, je ne subis pas la violence qu’on me fait, mais je transforme la souffrance qui est engendrée par cette violence comme occasion, comme moyen de libération. C’est pour cela que je dis qu’il y a un peu de cela dans le Mystère de Jésus, dans la souffrance comme mystère, comme pont.

On a souvent l’impression que l’Eglise fait l’apologie de la souffrance. Que veut –elle donner comme enseignement aux chrétiens ?
Effectivement, on pense que l’Eglise fait l’apologie de la souffrance, mais parce qu’il y a d’abord un problème de communication, de langage, mais aussi et surtout un problème de foi. L’enseignement de l’Eglise n’est pas une simple idéologie en présence de plusieurs autres idéologies, mais Parole de Dieu transmise aux hommes. Et c’est là que se pose le problème de la communication. A partir du moment où nous devons transmettre aux hommes de ce temps la Parole de Dieu, il faudrait que nous fassions des efforts d’amélioration dans la communication. Nous devons pouvoir parler au monde dans un langage que les gens de ce temps comprennent, dans des termes que les hommes et les femmes comprennent, quitte à forger des expressions qui collent à la réalité, quitte même à prendre les termes de ce temps, de les vider de leurs sens, et de les remplir d’un autre sens. C’est ce que tous les Pères de l’Eglise ont fait, c’est ce que Paul et les autres auteurs inspirés de l’Ecriture ont fait. On n’a pas créé au départ des termes, on avait pris au départ des termes païens, on les a vidés, on les a remplis d’un sens. Donc, nous ne devons pas rester enfermés dans notre jargon théologique, qui est clair pour nous les prêtres, mais très obscur pour les fidèles laïcs, et plus obscur encore pour ceux qui ne croient pas. Si nous restons là dedans, on va toujours dire que l’Eglise fait l’apologie de la souffrance.
L’Eglise, en parlant de la souffrance, veut en réalité expliquer tout simplement la Parole de Dieu. Jésus dit « celui qui veut être mon disciple, qu’il prenne sa croix chaque jour et qu’il me suive ». Evidemment si on en fait un slogan passe-partout pour se débarrasser de ceux qui souffrent, il y aura toujours malentendu. Prendre sa croix, porter sa croix ne signifie pas et ne peut pas signifier : « souffre et tais-toi, si tu es un bon chrétien ! ». Je crois que Jésus veut appeler chacun de ses disciples à faire comme Lui, c’est-à-dire faire de sa souffrance, non pas un obstacle ou une occasion de division ou de séparation, ou même de conflit, mais plutôt un pont, un instrument de paix, de rencontre et de réconciliation. Saint Paul dit que dans sa chair, Jésus a aboli le mur qui séparait les justes des païens, c’est-à-dire ceux qui croient et ceux qui ne croient pas. Et là, ce n’est ni de la poésie ni de l’utopie : tous ceux qui souffrent ont la possibilité de se comprendre, même sans parler. Celui ou celle qui a fait de sa souffrance un pont est capable de comprendre ceux qui souffrent.

Quel rapport y a-t-il entre la souffrance et la croix ?
Cette question me permet de poursuivre la réflexion précédente. Jésus en remplissant la souffrance de sa présence en a fait une manière d’être et de vivre. Jésus qui souffre devient serviteur, et Jésus fait donc de la souffrance un service, et invite chacun de ses disciples à être serviteur, c’est ce que j’appelle une manière d’être et de vivre : être serviteur. Que celui qui veut être le plus grand soit le dernier de tous. C’est la raison pour laquelle la Croix n’est pas seulement le résumé de la vie de Jésus, elle est le résumé de l’Evangile, donc le résumé de la vie du chrétien. C’est l’occasion justement de saisir le sens de la Croix dans sa symbolique. Nous avons le bras vertical qui relie l’homme à Dieu et le bras horizontal qui relie l’homme à son prochain. En Jésus crucifié, mort et ressuscité, l’accès à Dieu est ouvert à tout homme, et le mur de la haine, de la division est abattu entre tout homme et son semblable. Désormais, en Jésus, par Jésus et avec Jésus, il n’ y a plus ni juifs ni païens. Pour rester Camerounais, il n’y a plus de Bamiléké, Bassa, Ewondo, Yambassa, Bakweri…, il y a l’être humain qui est en face de moi, qu’il soit chrétien ou pas. Il est d’abord un être humain, Jésus est mort pour lui, puisque Jésus est mort pour tout homme, il n’est pas seulement mort pour les chrétiens. Moi qui suis chrétien parce que je suis du Christ, j’appartiens à Christ, alors, je suis ouvert à tous. Autrement dit, intégrer la souffrance, servir par la souffrance, c’est-à-dire en réalité être chrétien du Christ, c’est devenir serviteur de la réconciliation et de la paix. A mon humble avis, lorsque que je dis que je suis chrétien, cela signifie que j’accepte d’être serviteur des autres par ma souffrance, comme Jésus. Lorsque je dis que je suis chrétien, cela veut dire que j’intègre la souffrance comme faisant partie de ma mission, de mon être chrétien. La souffrance devient un instrument, un pont, et justement, si je suis chrétien, je deviens donc serviteur de la réconciliation et de la paix.

LA FOI ET L’ÉMOTION

8 mai, 2014

http://www.france-catholique.fr/La-foi-et-l-emotion.html

Traduit par Isabelle

LA FOI ET L’ÉMOTION

Par David G. Bonagura, Jr., 2014

« Je ne sens rien quand je prie. » « Je m’ennuie à la messe. » « Quand je parle à Dieu, je n’ai pas le sentiment que quelqu’un m’écoute. » Ces plaintes, expérimentées un jour ou l’autre aussi bien par les gens pieux que par ceux qui sont perdus, s’élèvent du cœur même de la praxis chrétienne. Elles expriment le désir humain bien naturel de vibrer d’émotion sensible dans la prière, expérience qui manque à beaucoup, surtout quand on a la foi depuis longtemps.
L’émotion en tant que réalité de l’expérience humaine, a un rôle au sein de la vie de foi. Les écritures elles-mêmes expriment tout un panthéon de sentiments humains : la joie et la peine, la gratitude et la jalousie, la confiance et le doute, l’amour et la haine font tous partie de l’économie divine du salut parce que, chacun à sa manière, nous met en contact avec Dieu. Mais il est critique pour les croyants de comprendre que leurs émotions ne sont qu’un aspect du contexte plus large de leur foi et de leur relation à Dieu – et ne sont pas constitutives de leur foi.
Du fait de l’importance et de la puissance des sentiments, la tentation a toujours existé, souvent dans une bonne intention, de réduire la foi à l’émotion et à l’expérience. Au 19° siècle, Friedrich Schleiermacher déclarait : « La foi n’est rien d’autre que l’expérience naissante de la satisfaction par le Christ d’un besoin spirituel. » De nos jours les « messes de jeunes » tentent de rendre vraie la définition de Schleiermacher parmi les jeunes par des exclamations excitées et de la musique contemporaine. D’autres messes sont au bord de la sentimentalité avec des chants exagérément sirupeux tels que « Me voici Seigneur » et Tu es mien ». Alors, nous sommes censés sentir la présence du Christ et lui répondre dans la Foi.
Ces expériences personnelles et ces sentiments peuvent en effet attiser la foi, mais elles ne peuvent pas être les seuls piliers de notre vie spirituelle parce que les émotions ne sont pas l’essence de la foi. La foi repose plutôt sur un Dieu d’amour qui n’est pas le produit de nos désirs subjectifs mais un être réel et indépendant qui nous appelle à nous unir à Lui à travers la révélation de Son Fils. La foi implique que nous reconnaissions et acceptions la révélation. La réponse que nous faisons à Dieu peut être stimulée et accompagnée par un étalage de sentiments, mais c’est avec notre intellect que nous adhérons à Dieu et à sa volonté. C’est pour cette raison que Saint Thomas d’Aquin a classé la foi comme une vertu intellectuelle :
« Croire est une action de l’intellect qui adhère à la vérité par un acte de volonté. »
L’intellect est premier parce qu’il accepte ce qui vient de Dieu, et pourtant il le fait par l’insistance
de la volonté, qui peut être mûe par la puissance d’expériences religieuses. Ces expériences, si elles sont correctement intégrées dans les contours de la foi, peuvent contribuer au futur développement de notre relation à Dieu.
Mais comme la foi est du domaine de l’intellect, nous n’avons pas besoin de nous inquiéter ou de douter quand l’émotion ou le sentiment religieux déclinent ou même disparaissent de nos vies comme cela arrive inévitablement. L’aridité spirituelle – le fait de ne rien sentir dans sa vie de foi – est un évènement normal de la vie spirituelle, et cela peut être temporaire, ou prolongé. Les saints qui, pour bon nombre d’entre eux ont enduré une douloureuse aridité spirituelle pendant des dizaines d’années, nous enseignent que l’absence de sentiment religieux est la manière qu’a Dieu de purifier notre foi qui repose en définitive, non pas sur l’émotion, mais sur notre confiance dans l’autorité de la parole de Dieu.
Souvent, la foi au fond de nous, est mue par une profonde expérience qui nous propulse joyeusement dans notre relation à Dieu. Mais, alors que la puissance de ces expériences décline avec le temps, nous sommes obligés de faire confiance au fait que nous demeurons en communion avec Dieu, alors même que Sa présence semble disparaître. Notre situation se rapproche de celle des apôtres : pendant 3 ans, ils ont expérimenté directement la présence du Christ, et la joie et la sécurité qu’elle leur apportait. Mais après sa mort et sa résurrection, ils ont appris (grâce à Thomas) que ce n’est pas le sentiment, mais la confiance pure qui constitue la foi. « Tu as cru parce que tu avais vu. Bienheureux celui qui croit sans avoir vu. » (Jean XX 29)
Parce que Dieu est réel et non le produit de nos émotions, nous savons qu’Il entend nos prières, et qu’il nous est présent, même si nous ne Le « sentons » pas. Nos cœurs impatients doivent continuer à tendre vers Dieu sachant que Lui seul est leur terme et leur accomplissement. On montre souvent le contraste entre le culte catholique, plus stoïque, et l’énergie de certains offices protestants. Les différents styles sont des chemins de foi ; Le sentiment religieux en soi ne constitue ni ne mesure la foi qui règne dans la communauté ou dans les individus. La vraie vitalité de notre foi dépend du degré de notre confiance en Dieu, et de notre adhésion à la Révélation. Quand notre confiance et notre adhésion sont assez fortes pour que nous nous donnions entièrement à Dieu, alors nous avons dans notre cœur l’amour de Dieu. Et l’amour n’est pas seulement un sentiment, il est aussi action et engagement.
Le Père Gabriel, carme à Sainte Marie Magdeleine, écrit que « ce n’est pas la joie que l’âme peut éprouver qui enflamme notre amour, mais plutôt la ferme détermination de notre volonté de se donner entièrement à Dieu ». La foi nous unit à l’amour de Dieu. Inutile de nous tourmenter du manque d’émotion religieuse dans notre vie, et inutile de penser que notre expérience religieuse privilégiée devrait être partagée par tout le monde. L’amour vrai résiste au flux de toutes les émotions parce qu’il est ancré dans l’espérance en Dieu qui nous a faits pour Lui.

David Bonagura, professeur de théologie au séminaire Saint Joseph à New à New York

« Et verbum caro factum est » (Jean, 1-14) – Le Christ dans la Théologie de l’Incarnation :

27 décembre, 2012

http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Huan/theologi.html

Le Christ dans la Théologie de l’Incarnation

« Et verbum caro factum est » (Jean, 1-14).

Nous avons étudié le mystère du Christ d’après les données de la tradition, puis d’après les formules du dogme ; nous voudrions maintenant l’étudier d’après la doctrine des théologiens et rechercher notamment comment les théologiens ont interprété à la lumière du dogme les données traditionnelles. Dans cette étude, évidemment sommaire, nous retiendrons surtout les solutions présentées par les deux grandes écoles de théologie qui se partagent encore aujourd’hui la pensée catholique, l’école de Saint Thomas d’Aquin et l’école du Bienheureux Duns Scot (1). Il est d’ailleurs entendu que les opinions des théologiens ne sont pas articles de foi, mais matière à discussion, qu’elles n’engagent en aucune façon la croyance et demeurent toujours libres dans les limites, toutefois, du cadre imposé par la formule dogmatique.
I
La formule dogmatique a presque toujours pour objet de définir contre l’hérésie le véritable sens du donné révélé. Nous avons déjà signalé que, sous des formes diverses, l’hérésie tendait principalement à « diviser Jésus », à séparer en lui l’homme et le Dieu pour ne reconnaître que l’homme ou que le Dieu. Mais gnostiques et docètes avaient été pareillement condamnés par la Grande Église. La question se posait alors de savoir comment la nature humaine et la nature divine sont unies dans la personne du Christ. Les uns, avec Nestorius, enseignèrent qu’il y avait en lui deux personnes, la divine et l’humaine ; le Concile d’Éphèse en 431, prenant à son compte les douze anathématismes de Saint Cyrille, proclama l’unité de personne dans le Christ. Les autres, avec Eutychès, nièrent la dualité des natures pour n’admettre qu’une seule nature, composée de l’humanité et de la divinité ; le Concile de Chalcédoine en 451 maintint énergiquement la dualité des natures dans le Christ. Il restait à montrer comment la dualité des natures est compatible avec l’unité de la personne. Ce sera proprement l’oeuvre de la théologie.
Un premier point est unanimement acquis : puisqu’il y a dans le Christ une seule personne et deux natures, l’union en lui de l’humanité et de la divinité ne peut se faire dans la nature, mais seulement dans la personne, c’est-à-dire que l’unique personne du Verbe, qui, de toute éternité, possède la nature divine, a assumé à un certain moment de la durée une nature humaine, et cette assomption s’est opérée de telle sorte que les deux natures n’ont pas cessé dans leur union de demeurer extrinsèques l’une à l’autre. Il fallait bien qu’il en fut ainsi, puisque, si la nature divine avait été modifiée dans son essence par son union avec la nature humaine, ce qui est immuable par définition. aurait subi quelque changement.
Mais, pour que la nature humaine du Christ pût être unie à la nature divine dans la personne du Verbe, il fallait aussi que cette nature humaine à son tour, pour concrète et individuelle qu’elle fût, ne subsistât pas déjà dans une personne ; elle devait être « quelque chose », puisque ce n’est pas à une nature abstraite des individus particuliers que le Verbe s’est uni dans son incarnation ; mais elle ne pouvait être « quelqu’un », puisque, si une personne humaine avait déjà subsisté dans la nature que le Verbe a assumée, il y aurait eu, après l’union, deux personnes dans le Verbe incarné. En ce sens, il n’est pas exact de dire que le Christ est « un homme », mais simplement qu’il est « homme ». Mais, d’autre part, une nature humaine ne peut pas subsister sans une personne, puisque c’est la personne précisément qui la fait subsister. C’est donc qu’au moment même de son incarnation le Verbe fait subsister lui-même la nature humaine qu’il assume en l’unissant à son être personnel et en lui communiquant sa propre subsistance. Dans le Verbe incarné il n’y a pas unité de nature, mais il y a unité de personne. L’union des deux natures dans l’unique personne du Verbe est une union « hypostatique ».
II
Une seconde conséquence découle des données de la tradition. Parce qu’il a assumé une nature humaine individuelle et concrète, le Verbe n’a pas seulement assume un corps humain, mais à la fois et en même temps un corps humain et une âme humaine, donc un tout humain complet ; c’est-à-dire que, contrairement à l’enseignement des Anciens, la personne du Verbe ne tient pas la place de l’âme dans la nature humaine du Christ. Le Verbe incarné possède une âme humaine et un corps humain ; il est véritablement homme, homme tout entier. Si les deux natures, humaine et divine, ne sont pas conjointes dans une même forme après l’incarnation, puisque chacune de ces deux natures reste extrinsèque à l’autre, il faut dire que les deux substances, corps et âme, qui composent la nature humaine, restent conjointes l’un à l’autre dans la forme que le Verbe unit à sa personne pour lui conférer la subsistance.
Dira-t-on que la notion d’une nature humaine sans personnification, c’est-à-dire dépouillée de sa propre subsistance, est inconcevable ? Mais il ne pourrait s’agir ici d’une nature humaine « dépouillée » de sa propre subsistance que si le Verbe avait assumé un homme déjà existant, comme le voulaient les gnostiques, puisque la personne humaine aurait du dans ce cas être anéantie pour faire place à la personne divine. Toute nature humaine, en tant qu’elle est une réalité concrète, est apte de soi à être personnifiée par la subsistance et elle tend d’elle-même à sa propre personnalité. Or, dans l’union hypostatique, la nature humaine du Christ a reçu, par une intervention spéciale de la toute-puissance divine, une hypostase supérieure, la personne même du Verbe ; elle n’a donc pas été dépouillée, mais bien plutôt enrichie. Comment dès lors pourrait-elle tendre désormais à sa propre hypostase ? Il faudrait, pour qu’elle fût mise en possession de sa personnalité humaine, que le Verbe cessât de l’hypostasier et c’est cela qui est inconcevable, puisque la nature humaine du Christ n’a été créée que pour être assumée par la personne du Verbe et qu’elle puise dans cette assomption sa seule raison d’être et toute sa perfection. La nature humaine du Christ n’a pas d’existence propre ; elle n’existe que de l’existence personnelle du Verbe.
III
Indéfectible et permanente, l’union de la nature humaine et de la nature divine dans la personne du Verbe n’est pas une union par accident, mais substantielle. L’accident ne peut jamais que « qualifier » la substance. Si l’union de la nature humaine à la nature divine ou de la nature divine à la nature, humaine dans la personne du Verbe n’était qu’une union accidentelle, on pourrait dire, avec certains, hérétiques, que le Christ est ou bien un Dieu humanisé ou bien un homme divinisé ; mais il ne serait pas permis de dire qu’il est a la fois Dieu et homme, parfaitement Dieu et parfaitement homme ! Pour qu’il en soit ainsi, il faut que l’union hypostatique se fasse, non pas de la substance à l’accident, humain ou divin, mais d’une substance à l’autre, de l’homme à Dieu. De ce fait se trouve écartée la théorie gnostique des avatars qui ne veut voir dans le Christ qu’une des nombreuses et successives incarnations, la dernière en date d’ailleurs, de la Divinité parmi les hommes. Parce que l’union hypostatique est substantielle et indéfectible, elle n’a pu se produire qu’une fois pour toutes : avant le Christ il n’y a pas eu d’incarnation du Verbe et il n’y en aura plus après lui, puisque le Christ, désormais, demeure éternellement.

On demandera peut-être pourquoi la nature humaine a été assumée par le Verbe, de préférence à toute autre nature, à la nature angélique, par exemple, supérieure pourtant en essence et en dignité. Ce choix me parait établir, contre les partisans de Duns Scot, que l’un des buts principaux de l’incarnation a bien été la rédemption du genre humain. Seule la nature humaine avait besoin d’être sauvée, puisque le péché des anges fut irrémissible ; et elle ne pouvait l’être qu’à la condition d’être assumée par la personne même du Rédempteur. Si, d’autre part, la personne du Verbe seule a été le terme de cette assomption et non pas la personne du Père ou celle du Saint-Esprit, c’est qu’il y a entre le Verbe et la nature humaine une sorte d’affinité élective, d’accommodation qui a sa raison profonde dans le fait que Dieu a créé toutes choses dans son Verbe et que le Verbe est ainsi l’exemplaire de toute créature. Toute créature porte donc en soi un vestige de son créateur ; mais, seule, la nature humaine offre ce trait particulier d’être marquée de l’image même du Verbe.
Il est un troisième point que nous voudrions noter avant de conclure, à savoir que la nature humaine du Christ, même après son union à la nature divine dans la personne du Verbe, ne cesse pas d’être une nature simplement humaine. Les contemporains de Jésus avaient peine à découvrir en lui le Dieu ; nous qui ne l’avons pas connu dans la chair, c’est bien plutôt l’humanité que nous avons tendance à nier en lui, pour n’apercevoir que le Dieu. Mais des considérations que nous avons développées il résulte clairement que, si le Verbe communique à la nature humaine du Christ son être personnel pour lui assurer la subsistance, il ne saurait lui communiquer son être de nature, c’est-à-dire sa nature divine ; celle-ci, dans tous les cas, demeure extrinsèque à la nature humaine du Christ. Il ne pourrait, en effet, y avoir entre le Verbe et cette nature humaine unité d’être sous le rapport de la nature, sans que la nature divine du Verbe en fût affectée dans son essence propre. Or, c’est un des caractères de la nature divine d’être immuable.
Sans doute faut-il dire qu’à partir de l’incarnation, le Verbe, qui jusque-là n’existait et ne subsistait que dans sa nature divine, existe et subsiste désormais aussi dans et par une nature humaine. Mais dans cette relation nouvelle de la personne du Verbe à la nature humaine du Christ, celle-ci est seule à subir l’action divine qui a pour effet de l’élever à l’existence personnelle du Verbe et, en l’unissant à la nature divine, de lui conférer une sainteté, qui en fait assurément la plus parfaite des créatures, mais une créature tout de même. Parce que toute création exprime une relation, non pas de Dieu à la créature, mais bien de la créature, à Dieu, la nature humaine du Christ, qui est une créature, ne peut pas se transcender elle-même et s’intégrer à la nature divine. De là cette attitude d’adoration du Christ envers son Père, que nous pouvons noter à chaque page de l’Évangile.
De ce point de vue nous sera-t-il permis de hasarder une opinion sur le mode d’existence dans l’éternité du Christ Glorieux ? Le Verbe n’avait pas cessé, durant son incarnation surla terre, de demeurer dans le sein du Père avec sa nature divine, puisque celle-ci est par définition en dehors du temps et soustraite à tout changement. Mais la nature humaine que le Verbe avait unie à sa nature divine n’avait pas participé à cette prérogative qui n’appartient qu’à la Divinité ; elle avait été maintenue dans son ordre qui est celui du créé, bien que ce fût au point le plus élevé de cet ordre qu’une créature puisse atteindre. Doit-on supposer qu’après l’Ascension cet état de la nature humaine du Christ ait été modifié et que, par une grâce exceptionnelle, le Christ tout entier, homme et Dieu, ait été admis dans le sein du Père ? Le Fils de l’homme demeure dans le ciel ce qu’il était sur la terre. Cela signifie que le Christ, dans sa nature humaine qui est Jésus, reste toujours, même au ciel, ce qu’il était sur la terre, inférieur au Père, « qui est plus grand que Lui .» (Jean, XIV, 28) et que, par conséquent, il appartient à un ordre de réalité qui n’est pas celui de l’ineffable Trinité.
Savons-nous quelque chose sur cet ordre de réalité ? « Père, je veux que là où je suis, ceux que vous m’avez donnés y soient avec moi » (Jean, XVII, 26). Où donc est-il ? Nous l’apprenons par la promesse faite au bon larron sur la Croix : « en vérité, je te le dis, tu seras aujourd’hui avec moi dans le Paradis ». (Luc, XXIII, 43). Le Paradis ? La cité des élus, le lieu de gloire, de lumière et de paix que le Voyant de l’Apocalypse désigne du nom de « Jérusalem Céleste ». Le Christ en sa nature humaine est le roi de cette Jérusalem Céleste, car « toute puissance lui a été donnée dans le ciel et sur la terre » (Matth., XVIII, 18) ; il y règne en chef suprême de l’humanité, qu’il a rachetée par la vertu de son sang. Assurément l’union hypostatique réalisée pendant l’incarnation du Verbe sur la terre n’a pas été dissoute après l’Ascension ; la nature humaine du Christ ne cesse donc pas d’être unie à la nature divine dans la personne du Verbe, puisque le Christ subsiste éternellement, mais elle ne cesse pas non plus d’appartenir à son ordre qui est celui du créé, Le ciel n’appartient pas moins que la terre à l’ordre du créé et le Christ humain est au ciel comme sur la terre le premier-né de toute créature ; n’est-ce pas précisément parce que le Christ-total, homme et Dieu, réunit en lui les deux ordres du créé et de l’incréé, qu’il est l’universel Médiateur ? C’est Lui notre « témoin fidèle au ciel » (Ps.88) et nous ne pouvons espérer posséder la béatitude de la vie éternelle que par Lui, avec Lui et en Lui.

Gabriel HUAN
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(1) Sur la doctrine de Duns Scot, cf. la belle synthèse du P. Deodat de Basly, Scotus Docens, Paris, 1934.

L’Amen – de l’Amen du peuple au Jésus-Amen (théo-logie)

4 novembre, 2011

du site:

http://alexandre2.pagesperso-orange.fr/amen.htm

théo-logie
 
L’Amen – de l’Amen du peuple au Jésus-Amen
 
Ce que je voudrais montrer ici, c’est la façon dont les premiers chrétiens ont compris, repris à leur compte, puis développé dans une direction très particulière, le sens du mot amen, en particulier à partir de l’usage que les Psaumes font de ce terme.
1
Le mot amen n’est pas aussi souvent employé par la Bible hébraïque qu’on pourrait le croire, il ne s’y trouve que vingt-cinq fois. Encore faut-il préciser que le seul livre du Deutéronome le comprend douze fois à lui tout seul, en un seul paragraphe !
En ce qui concerne les Psaumes, l’amen! vient du peuple et fait suite à des paroles de louanges adressées à Dieu : il s’agit de la réponse du peuple aux acclamations qui concluent les quatre premiers des cinq livres qui composent le recueil des Psaumes. Le peuple est appelé à répondre amen! C’est la réponse de la foi, émouna, d’une même racine verbale signifiant fonder, soutenir, rendre ferme. C’est ce qu’on trouve par exemple au Psaume 106,48 : Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël, de l’éternité jusqu’à l’éternité. Et tout le peuple dira : Amen!
Si l’on voulait exprimer le sens de cet amen! de façon tout à fait complète, il faudrait, je pense, en passer par cette longue périphrase : « Nous reconnaissons publiquement que ce qui vient d’être dit est vrai et nous nous fondons totalement sur cette vérité ». Il s’agit donc d’une réponse, et c’est là un point très important. Mais cette réponse est publique, d’une part, et d’autre part elle n’est pas simplement l’expression d’un accord banal : elle est un engagement total. On y risque sa vie comme dans une ordalie. 
On peut constater cela dans la toute première mention du mot amen dans la Bible, en Nombres 5,22 : la femme dira : Amen! Amen! : il s’agit pour elle d’accepter ainsi, devant le prêtre, les termes d’une dangereuse ordalie destinée à prouver sa fidélité conjugale, mise en doute par son mari. Elle y court le risque de mourir, mais aussi la chance d’être mère.
Cette citation montre par ailleurs que le mot peut s’employer à l’occasion dans des cas où la réponse du fidèle ne suit pas nécessairement une doxologie liée à la confession de la foi en Dieu. Mais inversement, le mot amen peut au contraire être un attribut de Dieu lui-même : élohé amen, Dieu de l’amen. On peut trouver cela en une unique occurrence, en Ésaïe 65,16 : Celui qui voudra être béni dans le pays voudra l’être par le Dieu de l’amen ; et celui qui jurera dans le pays jurera par le Dieu de l’amen. D’après le contexte, il s’agit sans doute d’affirmer alors que la réponse de Dieu à son fidèle véritable sera toujours positive.
Mais dans ces deux derniers cas, il s’agit d’exceptions, et l’emploi le plus courant du mot amen concerne la réponse positive du croyant à une parole qui l’engage totalement devant Dieu, à la vie à la mort. C’est par exemple le prophète qui répond ainsi à un oracle. Cela ne se trouve que dans Jérémie (11,5 et 28,6), et l’on sait les dangers que cette réponse du prophète pouvait attirer sur lui. La plupart du temps, cependant, cet engagement n’est pas individuel, il est le plus souvent collectif : les doxologies des Psaumes le montrent, c’est tout le peuple croyant qui est appelé à dire amen!
2
Comment les premières générations d’Israélites qui aient confessé, dans le Nazôréen Jésus, le Messie attendu, ont-ils reçu et utilisé ce terme issu de leur culture religieuse ?
Il est à noter que l’on trouve le mot amen plus de quatre-vingts fois dans le Nouveau Testament, soit bien plus que dans toute la Bible hébraïque. Il y a donc une insistance particulière sur ce que ce mot recouvre, et ceci pour une raison fondamentale, à mon sens, et sur laquelle je reviendrai. Mais je vais d’abord essayer de regrouper ces nombreux emplois en quelques catégories :
– On trouve souvent, dans l’ensemble des épîtres, un amen! à la suite de doxologies, conformément à l’usage du livre des Psaumes ; c’est aussi le cas de la doxologie finale ajoutée au Notre Père, cette prière juive proposée par Jésus à ses disciples dans l’évangile selon Matthieu (6,13). 
– D’autres rares emplois sont liés à une réflexion particulière, comme dans la première épître de Paul aux Corinthiens (14,16). Il s’agit du don des langues, ou glossolalie, dont Paul affirme qu’il n’édifie que celui qui le pratique, contrairement au don de prophétie. C’est pourquoi il écrit : Comment le peuple répondrait-il alors amen! puisqu’il ne sait pas ce que tu dis ? Mais là encore, nous retrouvons peu ou prou l’emploi hébraïque classique du mot amen : une réponse de foi qui engage le peuple qui la proclame.
– Notons surtout, car plus inhabituel, le grand nombre des paroles de Jésus commençant dans les évangiles par Amen! ou Amen! Amen!.
– Il y a enfin, comme un aboutissement, l’usage particulier que le livre de l’Apocalypse fait du terme.
Je vais simplement reprendre quelques exemples significatifs tirés de ces emplois.
Dans sa seconde épître aux Corinthiens (1,20), Paul donne expressément au mot amen une valeur nouvelle, typiquement chrétienne : Pour ce qui concerne les promesses de Dieu, c’est en lui (Jésus) qu’est le oui ; c’est pourquoi encore l’amen par lui est prononcé par nous à la gloire de Dieu. Dans cette phrase, on remarque que c’est bien toujours le peuple qui dit amen!, mais qu’il le fait par Jésus, confessé un peu plus haut comme Fils de Dieu et Messie. Autrement dit, la foi du peuple est la foi de Jésus et de nul autre. Le peuple croyant ne fait que prendre à son compte, dans la même logique d’engagement total que celle dont j’ai déjà parlé, le « oui » radical que Jésus a voulu émettre en réponse aux intentions de Dieu. Car dans cette optique, Dieu n’a trouvé parmi les humains qu’un seul être qui lui dise un « oui » sans réserve, dans sa vie comme dans sa mort. C’est ce que signifie, on l’oublie trop souvent, le titre de Fils de Dieu conféré par les chrétiens à Jésus. C’est en effet le rôle d’un fils d’obéir en tout à son père… du moins dans la culture juive de l’époque. Et la qualité de fils, la justesse filiale, est conférée par adoption à tous ceux qui se mettent au bénéfice de l’amen! radical assumé par le Fils unique. Telle est du moins la logique de Paul.
C’est évidemment la même logique que l’on trouve dans un autre emploi paulinien, la doxologie finale de l’épître de Paul aux Romains (16,27). Paul y écrit : À Dieu, seul sage, soit la gloire aux siècles des siècles, par Jésus-Christ. Amen!, et le mot amen! y est employé très exactement dans le même sens que dans les doxologies des Psaumes, à cette différence que sa validité y est liée à l’action du Christ Jésus.
J’en viens maintenant à cette façon particulière qu’a le Jésus des évangiles de faire débuter certains de ses enseignements par le mot amen. Dans les trois premiers évangiles, les synoptiques, on trouve l’expression amen! je vous le dis plus de cinquante fois ! Chez Jean, l’amen est d’ailleurs redoublé : amen! amen! je vous le dis. Nos commentaires chrétiens précisent qu’il s’agit d’une façon de s’exprimer que les rabbins de l’époque n’utilisaient pas. Consulté, un rabbin actuel confirme que cela est plus qu’improbable en effet ; si cela est vrai, ce qui ne me surprendrait pas, j’y verrais volontiers la raison suivante : le Jésus des évangiles se placerait ainsi ouvertement comme celui qui a l’autorité suffisante, non pour se borner à commenter les textes révélés, mais bien pour délivrer directement certains enseignements venus de Dieu. En d’autres termes, il revendiquerait et mettrait ainsi en avant la qualité d’unique véritable fidèle, de seul être dont le « oui » dit à Dieu, l’amen!, est véridique. Que ce soit là une expression de la foi des évangélistes, élaborée postérieurement à la rédaction des épîtres de Paul et à l’élaboration doctrinale qu’elles contiennent, ou, ce qui reste tout à fait plausible, qu’il s’agisse de paroles authentiques de Jésus, on peut constater que cela correspond à la conception que je viens d’exposer à propos de Paul : l’enseignement de Jésus est celui du seul être qui puisse parler au nom de Dieu parce qu’il est le seul qui lui obéisse absolument, qui lui soit absolument lié, le seul dont les paroles sont en elles-mêmes une confession véritable, un amen.
En ce qui concerne l’Apocalypse, on peut trouver une amplification radicale de cette conception. Bien sûr, on y retrouve la pratique de la doxologie accompagnée d’un amen! collectif, comme dans ce passage : C’était une foule immense que nul ne pouvait dénombrer, de toutes nations, tribus, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le trône et devant l’agneau. (…) Ils disaient : Amen! Louange, gloire, sagesse, action de grâce, honneur, puissance et force à notre Dieu pour les siècles des siècles (7,9-12). Mais on peut noter qu’ici, la doxologie devient l’expression d’une foi universelle.
Le passage suivant dit la cause de cette universalité : le Christ y est lui-même l’objet, aux côtés de Dieu, d’une doxologie exprimée cette fois par quatre animaux qui représentent les empires de la terre, voire l’ensemble de la création : À celui qui siège sur le trône (Dieu) et à l’agneau (Jésus), louange, honneur, gloire et pouvoir pour les siècles des siècles. Et les quatre animaux disaient : Amen! (5,13-14).
Enfin, je citerai ce passage, qui marque un apogée dans la célébration du Christ : À l’ange de l’église qui est à Laodicée, écris : Ainsi parle l’Amen, le témoin fidèle et véritable, le principe de la création de Dieu (3,14). Ici, l’amen! n’est plus l’expression de la foi collective, ni même l’expression de la foi, seule authentique, de Jésus, c’est le Christ lui-même qui est l’amen. Nous sommes là au point extrême de la conception selon laquelle Jésus est à lui seul le confesseur véritable. Il l’est parce qu’il est le principe de la création de Dieu. En d’autres termes, il est la Parole éternelle de Dieu, celle par qui toutes choses furent créées.
Au travers de cet itinéraire, à la vérité trop rapide, qui suit la chronologie de l’emploi du terme amen dans l’ensemble des Écritures considérées comme canoniques par les chrétiens, j’espère avoir montré un aspect de la façon dont s’est élaborée la doctrine chrétienne concernant le Christ. Partant en particulier de l’usage doxologique des Psaumes, usage qui n’a jamais cessé d’être en vigueur chez les chrétiens, l’emploi du mot amen a subi une transformation et connu une importance croissante. On est parti d’un engagement collectif du peuple croyant répondant à la glorification du Dieu unique ; puis est venue la conception selon laquelle Jésus de Nazareth était l’unique croyant véritable, le seul Fils obéissant, le seul confessant véridique, et que l’on devait donc le reconnaître comme Messie, comme Christ. Enfin, est venue au jour la doctrine selon laquelle ce Christ n’est autre que la Parole éternelle de Dieu, seule capable de manifester cette gloire du Créateur, seul Amen.   
 
Communication orale, Amitié Judéo-chrétienne, Paris XIIe, 1999

Le corps, théologique ?

25 mai, 2011

du site:

http://www.theologieducorps.fr/tdc/corps-theologique

Le corps, théologique ?

Par Incarnare, le mercredi 19/08/2009

Le Corps, sacrement
Lorsque l’on nous dit ‘théologie’, peu d’entre nous pense ‘corps’ ; à l’inverse lorsque l’on parle du corps, nous ne faisons pas nécessairement le lien avec Dieu. L’expression ‘Théologie du Corps’ peut ainsi sembler une construction artificielle entre deux réalités qui n’ont rien à voir.
Cela démontre à quel point la vision du monde cartésienne s’est ancrée dans nos esprits et comment nous nous sommes éloignés d’une vision véritablement chrétienne (ie. qui prend en compte l’incarnation) du monde. Saint-Paul nous dit clairement à quel point ces deux réalités sont liées : « Le corps est [...] pour le Seigneur Jésus, et le Seigneur est pour le corps »1
En effet, nous ne pouvons voir Dieu ; cependant, le Verbe (Logos) s’est fait chair et il a habité parmi nous2 et ainsi s’est rendu visible. Le Catéchisme de l’Eglise Catholique affirme que dans le corps de Jésus,  » Dieu qui est par nature invisible est devenu visible à nos yeux « 3.
Rendre visible l’invisible, c’est ce que Jean-Paul II entend par ‘sacrement’ (dans un sens plus large que les 7 sacrements) : le corps humain est sacrement de la personne dans la mesure où il indique qu’il y a chez lui plus que chez les animaux ; le corps du Christ est sacrement de la personne divine.4
Ainsi le corps humain n’est pas seulement biologique, mais également théologique. Une vision qui considérerait que le corps n’est qu’un point de référence biologique empêche de comprendre et de vivre la sexualité dans sa signification complète.
Selon le Pape, seul le corps est capable de rendre visible l’invisible. Contrairement à l’idée largement répandue (même chez les catholiques, malgré son caractère complètement hérétique), la personne humaine n’est pas un esprit piégé dans un corps ; le corps n’est pas une carapace5. L’être humain est une union profonde d’un corps et d’une âme6 : la personne humaine n’a pas un corps, elle ‘est’ un corps. Nous ne somme pas des esprits incarnés, mais des corps spirituels.

Signe du mystère caché en Dieu
Quel est le « mystère tenu caché depuis toujours en Dieu »7 ? Comment le corps en est-il le signe ?
N’entrons pas avec trop de désinvolture dans ces questions, puisque le Saint-Père y a consacré patiemment 129 catéchèses.. nous ne commençons ici qu’à égratigner la surface de la surface..
Quelques indications préliminaires toutefois : dans le christianisme, le mot ‘mystère’ ne signifie pas une énigme divine à résoudre, ni une connaissance réservée à des initiés8: il indique la profondeur d’une réalité qu’on ne peut concevoir parfaitement, toujours plus à découvrir, l’identité profonde de Dieu. Ce mystère, indicible et incommunicable9, et l’homme ne peut y accéder par ses propres forces : c’est le Mystère qui choisit de venir à notre niveau et de se révéler (et il l’a fait). Le Catéchisme l’exprime ainsi10 :
 » Dieu est Amour  » (1 Jn 4, 8. 16) : l’Être même de Dieu est Amour. En envoyant dans la plénitude des temps son Fils unique et l’Esprit d’Amour, Dieu révèle son secret le plus intime (cf. 1 Co 2, 7-16 ; Ep 3, 9-12) : Il est Lui-même éternellement échange d’amour : Père, Fils et Esprit Saint, et Il nous a destinés à y avoir part.
Dieu n’est pas un tyran, ni un esclavagiste ; Il n’est pas un vieil homme barbu assis sur un trône et près à nous frapper de ses foudres si nous le trahissons. Il n’est pas non plus une ‘force impersonelle’ à l’origine du cosmos. Dieu s’est révélé en Jésus-Christ, par le Saint-Esprit, comme éternellement échange d’amour.
Le Catéchisme insiste11 en déclarant que la seule raison de notre création est pour que nous partagions son amour et sa bonté :

 Dieu n’a pas d’autre raison pour créer que son amour et sa bonté
Ainsi, tout est don et le bonheur et l’épanouissement ne peuvent être trouvés que dans l’accueil de ce don. Toute aspiration humaine, toute blessure est signe de notre soif de recevoir ce don – c’est à dire de participer à cet échange d’amour éternel. C’est cette réalité théologique que le corps humain signifie.
Qu’est-ce qui nous permet de voir cet appel dans le corps humain ? Le Pape Jean-Paul II affirme que c’est précisément la beauté gratuite de la différence sexuelle et de l’appel à l’homme et à la femme à devenir »une chair » (Gn 2,24):
Le sacrement, c’est à dire le signe visible, est constitué de l’Homme, [...] à travers sa ‘masculinité’ et sa ‘féminité’ visibles. [...] Dans ce contexte sacramentel, nous comprenons maintenant pleinement les mots qui constituent le sacrement du mariage, dans Gn 2,24: »l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un. »12
 En d’autres mots, dans le plan de Dieu, c’est l’union conjugale qui communique au monde et signifie le mieux le ‘grand mystère’ de la Trinité. Le cardinal Angelo Scola complète13 en disant que la sexualité humaine est un « écho dans la créature du Mystère insondable dont le Christ a levé le voile : l’unité dans la diversité de la Trinité, les trois personnes qui ne sont qu’un Dieu. [...] le mot approprié ce mystère impénétrable est ‘Communion’ ».
Le Mystère est infiniment plus grand que le corps qui le signifie ; toutefois, le corps permet non seulement de voir ce Mystère, mais d’en faire l’expérience. Le signe du sacrement est efficace, c’est la logique de l’Incarnation. Le Catéchisme exprime cela ainsi14 :
Dans la vie humaine, signes et symboles occupent une place importante. L’homme étant un être à la fois corporel et spirituel, exprime et perçoit les réalités spirituelles à travers des signes et des symboles matériels. Comme être social, l’homme a besoin de signes et de symboles pour communiquer avec autrui, par le langage, par des gestes, par des actions. Il en est de même pour sa relation à Dieu.

Le lien entre théologie et anthropologie
A nos yeux (obscurcis par le péché), une telle affirmation semble presque trop osée : comment notre corps, ‘terre-à-terre’, peut-il avoir vocation à révéler une réalité divine si grande ? Ce lien entre théologie et anthropologie est l’un des principaux enseignements reçus du Concile Vatican II. Quelques soient nos peurs, Jean-Paul II insiste que nous devons nous y ouvrir « avec foi, ouverture d’esprit et de tout cœur »15
Par l’Incarnation, le lien entre ces deux réalités est le corps humain. Le corps du Christ est « tabernacle de gloire,[...] où le divin et l’humain se rencontrent dans une étreinte qui ne pourra jamais être brisée »16 et le Christ est « visage humain de Dieu et visage divin de l’homme »17.
Le christianisme est souvent accusé de diaboliser le corps : le diable diabolise le corps et en accuse l’Eglise.. au contraire, l’Église divinise le corps ! Le Catéchisme, citant Saint Athanase, nous apprend que « le Fils de Dieu s’est fait homme pour nous faire Dieu »18, suivant ainsi les Écritures qui affirment que dans le corps, par le Christ, « habite la plénitude de la divinité »19.
Le scandale du Corps
Les paradoxes et implications de l’Incarnation n’ont cessé de stupéfier les chrétiens20 (et ne cessent de nous surprendre) : une divinité purement spirituelle est bien plus pratique et bien plus attrayante qu’un Dieu qui a choisi un corps humain.
Les Chrétiens sont ceux qui, face à ces paradoxes et implications, affirment « je crois » (credo). L’Église catholique reste en émerveillement face à ce mystère, honorant les entrailles qui L’ont porté et le sein qui L’a nourri21. Une suspicion à l’égard du corps couvre toute l’expérience humaine. Les chrétiens ont été – et sont – parfois affectés par cette suspicion, mais l’Église a défendu la bonté du monde physique et le caractère sacré du corps humain contre nombre d’hérésies22.
L’Église combat encore aujourd’hui la dichotomie hérétique « esprit = bien / corps = mal » dont beaucoup croient encore qu’il s’agit d’une croyance véritablement chrétienne.. comment insister suffisament ? Le christianisme ne rejette pas le Corps ! Le Catéchisme le proclame23:
La chair est le pivot du salut. Nous croyons en Dieu qui est le créateur de la chair ; nous croyons au Verbe fait chair pour racheter la chair ; nous croyons en la résurrection de la chair, achèvement de la création et de la rédemption de la chair
Nous faisons l’expérience de la présence de Dieu de la manière la plus intime dans notre corps, et les sacrements sont les signes visble de la réalité invisible de l’action de Dieu. Le mariage n’est pas juste l’un des sacrements : dans la mesure où il nous indique « depuis le commencement » le mystère de l’union du Christ et de l’Église, il est selon Jean-Paul II le fondement de tout l’ordre sacramentel24. Cela signifie qu’il est le prototype de tous les sacrements25 : le but de chacun étant de nous unir avec le Christ (l’Epoux), ce mysticisme nuptial est très présent dans le catholicisme26 et dans la Théologie du Corps.

« NOS CORPS CACHENT UN MYSTÈRE » : LE PAPE ÉVOQUE LA THÉOLOGIE DU CORPS

14 mai, 2011

du site:

http://www.zenit.org/article-27902?l=french

« NOS CORPS CACHENT UN MYSTÈRE » : LE PAPE ÉVOQUE LA THÉOLOGIE DU CORPS

Audience à l’Institut pontifical Jean-Paul II pour les études sur le mariage et la famille

ROME, Vendredi 13 mai 2011 (ZENIT.org) – « Nos corps cachent un mystère », a affirmé Benoît XVI en recevant ce vendredi au Vatican les participants à la rencontre organisée par l’Institut pontifical Jean-Paul II pour les études sur le mariage et la famille. Le corps n’est pas une matière « inerte, lourde » mais il parle « le langage de l’amour véritable », a-t-il ajouté en rappelant que c’est dans la famille que le langage du corps est préservé.
L’Institut Jean-Paul II a été voulu par le nouveau bienheureux il y a 30 ans exactement, « persuadé de l’importance décisive de la famille pour l’Eglise et la société ». « Il vous a confié, pour l’étude, la recherche et la diffusion, ses ‘Catéchèses sur l’amour humain’ qui contiennent une profonde réflexion sur le corps humain », a rappelé Benoît XVI.
Dans son discours, le pape a rappelé que l’esprit habitait le corps. « Nos corps cachent un mystère. En eux, l’esprit se manifeste et travaille. Loin de s’opposer à l’esprit, le corps est le lieu où l’esprit peut habiter. A la lumière de cela, il est possible de comprendre que nos corps ne sont pas une matière inerte, lourde, mais parlent, si nous savons écouter, le langage de l’amour véritable ».
« Le corps, en nous révélant l’Origine, porte en soi une signification filiale, parce qu’il nous rappelle notre génération qui, à travers nos parents qui nous ont transmis la vie, tient de Dieu créateur », a ajouté Benoît XVI. « Ce n’est que quand il reconnaît l’amour originaire qui lui a donné la vie que l’homme peut s’accepter lui-même, peut se réconcilier avec la nature et avec le monde ».
« La chair, reçue de Dieu, est appelée à rendre possible l’union d’amour entre l’homme et la femme et à transmettre la vie », a encore affirmé Benoît XVI qui explique qu’avant la Chute, les corps d’Adam et Eve étaient « en parfaite harmonie ». « Il y a en eux un langage qu’ils n’ont pas créé, un eros enraciné dans leur nature, qui les invite à se recevoir mutuellement du Créateur, pour pouvoir ainsi se donner. Nous comprenons alors que dans l’amour, l’homme est ‘recréé’ ».
« La véritable fascination de la sexualité naît de la grandeur de cet horizon qui s’épanouit : la beauté intégrale, l’univers de l’autre personne et du ‘nous’ qui naît dans l’union, la promesse de communion qui s’y cache, la fécondité nouvelle, le chemin que l’amour ouvre vers Dieu, source de l’amour », a poursuivi Benoît XVI. « L’union en une seule chair se fait alors union de toute la vie, jusqu’à ce que l’homme et la femme deviennent aussi un seul esprit. S’ouvre alors un chemin où le corps nous enseigne la valeur du temps, de la lente maturation dans l’amour ».
C’est pourquoi, explique encore le pape, « la vertu de la chasteté reçoit un sens nouveau ». « Elle n’est pas un ‘non’ aux plaisirs et à la joie de la vie, mais un grand ‘oui’ à l’amour comme communication profonde entre les personnes, qui demande du temps et du respect, comme un chemin ensemble vers la plénitude et comme un amour qui devient capable d’engendrer la vie et d’accueillir généreusement la vie nouvelle qui naît.
La famille : le lieu où s’entremêlent la théologie du corps et celle de l’amour
Benoît XVI souligne aussi le « langage négatif » que contient le corps, fruit du péché : « il nous parle de l’oppression de l’autre, du désir de posséder et d’exploiter ».
« Toutefois, nous savons que ce langage n’appartient pas au dessein originaire de Dieu mais qu’il est le fruit du péché. Quand on le détache de son sens filial, de sa connexion avec le créateur, le corps se rebelle contre l’homme, perd sa capacité de faire transparaître la communion et devient un terrain d’appropriation de l’autre ».
« N’est-ce pas peut-être cela, le drame de la sexualité – s’est interrogé le pape – qui reste aujourd’hui enfermée dans le cercle restreint du corps et de l’émotivité, mais qui ne peut en réalité que s’accomplir dans l’appel à quelque chose de plus grand ? ».
Benoît XVI a enfin rappelé que le langage du corps était « préservé dans la famille ». « La famille, voilà le lieu où la théologie du corps et la théologie de l’amour s’entremêlent. C’est ici que l’on apprend la bonté du corps, son témoignage d’une origine bonne, dans l’expérience de l’amour que nous recevons des parents ».
« C’est ici que se vit le don de soi en une seule chair, dans la charité conjugale qui relie les époux », a-t-il conclu. « C’est dans la famille que l’homme se découvre en relation, non comme un individu autonome qui s’auto-réalise mais comme enfant, époux, parent dont l’identité se fonde dans l’être appelé à l’amour, à se recevoir des autres et à se donner aux autres ».
Marine Soreau

« ALLER AU PARADIS ? RIEN D’AUTOMATIQUE ! », EXPLIQUE L’ABBÉ KRUIJEN

19 avril, 2011

du site:

http://www.zenit.org/article-27648?l=french

« ALLER AU PARADIS ? RIEN D’AUTOMATIQUE ! », EXPLIQUE L’ABBÉ KRUIJEN

Remise du Prix de Lubac à l’ambassade de France

ROME, Lundi 18 avril 2011 (ZENIT.org) – Aller au paradis ? Rien d’automatique ! En cette Semaine sainte, la thèse de l’abbé Christophe Kruijen, lauréat 2011 du Prix de Lubac, invite à prendre au sérieux la liberté humaine et de l’enjeu pastoral de cette thèse en théologie dogmatique sur le salut.
« Un automatisme du salut » constitue à la fois « une dangereuse mutilation de la catéchèse » catholique mais aussi « une véritable falsification de l’Évangile », a déclaré l’abbé Christophe Kruijen, prêtre du diocèse de Metz, official de la Congrégation pour la doctrine de la foi, lors de la remise du Prix Henri de Lubac, vendredi dernier 15 avril à l’ambassade de France près le Saint-Siège.
Né en 1970, de nationalité néerlandaise, le père Kruijen a étudié à l’université pontificale grégorienne, puis à l’université pontificale Saint-Thomas d’Aquin. Ordonné prêtre en juin 2000 pour le diocèse de Metz, il est depuis 2009 official de la Congrégation pour la doctrine de la foi.
Le Prix de Lubac a été créé à Rome par l’ambassade de France près le Saint-Siège et c’est à son siège, à la Villa Bonaparte, qu’il est traditionnellement remis au lauréat, en présence de l’ambassadeur.
Cette thèse a été préparée à « l’Angelicum », ou l’université Saint-Thomas d’Aquin, l’université pontificale des Dominicains, sous la direction du P. Charles Morerod, op, recteur de l’université, et secrétaire de la Commission théologique internationale.
Dans son allocution (cf. ci-dessous, « Documents », pour le texte intégral), l’auteur a notamment cité l’enseignement de Jean-Paul II : « La doctrine catholique maintient ouvert le devenir de l’homme après la mort dans une double direction : ‘derrière les mystérieuses portes de la mort se profile une éternité de joie dans la communion avec Dieu ou de peine dans l’éloignement de Dieu’ (Exhortation apostolique Reconciliatio et paenitentiae, 26) ».
Il a également cité le Catéchisme de l’Église catholique qui « met en garde contre le risque d’être damné » dans ce passage : « Suivant l’exemple du Christ, l’Église avertit les fidèles de la ‘triste et lamentable réalité de la mort éternelle’ appelée aussi ‘enfer’ » (n° 1056 ; on notera au passage qu’il est question dans ce texte de « réalité » et non de « possibilité réelle ») ».
« Force est de reconnaître, cependant, que ce devoir d’avertissement est aujourd’hui largement négligé, au profit d’un automatisme du salut qui représente non seulement une dangereuse mutilation de la catéchèse ecclésiastique, mais aussi une véritable falsification de l’Évangile », fait observer le lauréat, d’où l’enjeu pastoral.
La thèse devrait être éditée, vraisemblablement aux éditions du Cerf, partie prenante dans le Prix de Lubac, mais rien n’est encore décidé, a confié aujourd’hui l’auteur à Zenit. Il a aussi dit sa joie à la nouvelle que ce prix lui était attribué par un jury prestigieux.
Le Jury du Prix de Lubac s’est en effet réuni le 9 mars 2011 sous la présidence du cardinal Paul Poupard, président émérite des Conseils pontificaux de la culture et pour le dialogue interreligieux.
Le jury était composé du cardinal Georges-Marie Cottier, op, théologien émérite de la Maison pontificale, du cardinal Albert Vanhoye, sj, de Mgr Jean-Louis Brugues, op, secrétaire de la Congrégation pour l’éducation catholique, et du R.P. Gilles-Hervé Masson, op, responsable de la collection de théologie des éditions du Cerf, qui publient les œuvres du cardinal de Lubac, et en présence de M. Stanislas de Laboulaye, ambassadeur de France près le Saint-Siège.
Les candidats au Prix de Lubac doivent déposer le texte de leur thèse en trois exemplaires et présenter un résumé. Le P. Kruijen a rédigé une synthèse de six pages de cette thèse de doctorat intitulée : « Salut universel ou double issue du jugement : espérer pour tous ? Contribution à l’étude critique d’une opinion théologique contemporaine concernant la réalisation de la damnation ». Elle a été soutenue à l’Angelicum en janvier 2009.
Fondé en 2004 par l’ambassade de France près le Saint-Siège, le Prix Henri de Lubac entend « encourager la publication et la diffusion des travaux écrits en français dans les institutions universitaires pontificales romaines ». Un montant de 3.000 euros est versé à la maison d’édition qui se propose de publier la thèse et d’en assurer la diffusion.
Le Jury a examiné cinq thèses présentées pour la 7ème édition du Prix Henri de Lubac et a décidé à l’unanimité l’attribution du Prix au R.P. Christophe Kruijen.
« Le jury, indique un communiqué de l’ambassade de France, a unanimement salué la grande qualité de cette thèse consacrée à un problème quelque peu négligé aujourd’hui. Ce travail examine de manière approfondie les approches d’auteurs majeurs comme Hans-Urs von Balthazar et Karl Rahner, ainsi que les données scripturaires, patristiques et magistérielles. Le jury a estimé que la publication de cette thèse était souhaitable et propre à susciter un ample débat ».
Anita S. Bourdin