Archive pour la catégorie 'Temps liturgique: la Semaine Sainte'

SAMEDI SAINT (C)

29 mars, 2013

http://www.stignace.net/homeliestriduum.htm#samedisaintc

SAMEDI SAINT (C)                    

10 AVRIL 2004   

PÈRE MICHEL FÉDOU,  JÉSUITE.

Des générations de croyants se sont transmis les paroles que nous avons entendues ce soir. Bien avant la venue du Christ, en Israël, les pères racontaient à leurs fils comment le Seigneur avait libéré son peuple de la servitude : souvenir d’un événement passé, mais aussi promesse du jour où d’autres servitudes seraient abolies, où la mort même serait vaincue, où la création commencerait d’être renouvelée. Et voici qu’un événement nouveau s’est produit, cet événement même dont quelques femmes eurent la révélation au sortir de la nuit, de bon matin, et que toutes les générations chrétiennes ont depuis lors transmis jusqu’à nous : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici, il est ressuscité. »
            L’événement s’est produit dans notre histoire, mais il est sans commune mesure avec tout autre événement de cette histoire. Jésus a fait le passage que nul n’avait accompli avant lui : lui qu’on avait connu sur les routes de Galilée, lui qu’on avait vu expirer sur la croix, voici qu’il est arraché aux ténèbres de la mort – non pas simplement réincarné dans un corps de nouveau voué à la mort, mais vivant à jamais et le premier à l’être (« Premier-né d’entre les morts, dira saint Paul).
            Nouvelle inouïe : les femmes ne s’y attendaient pas, elles qui étaient venues auprès d’un tombeau, elles qui avaient apporté des aromates pour vénérer le corps d’un défunt, elles qui constatèrent d’abord une absence – l’absence de ce corps –, elles qui ne savaient que penser et qui, devant les deux hommes mystérieusement apparus, furent saisies de crainte et baissaient le visage vers le sol. Les apôtres s’y attendaient encore moins : les propos des femmes leur semblaient délirants, ils ne les croyaient pas. L’un d’eux, Pierre, voulut aller vérifier : il courut au tombeau. Mais lui-même ne fit que constater l’absence du corps, et nous dit l’évangile, s’en retourna tout étonné.
            La Résurrection est bien advenue dans notre histoire, mas son annonce ne s’impose pas comme celle d’un message qu’on voudrait faire passer par propagande. Jésus lui-même, selon le récit de Luc,  ne se montre pas aux femmes qui sont venues au tombeau : tout commence en réalité par une parole que ces femmes sont invitées à croire : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici, il est ressuscité. » L’annonce de la résurrection nous parvient par la parole que les femmes ont rapportée : nous sommes nous-mêmes invités à faire confiance à leur témoignage et à accueillir dans la foi cette parole qui nous a été transmise : alors le Vivant se révèlera à nous.
            Mais déjà il s’est révélé à nous. Il s’est révélé à nous chaque fois que nous avons accepté de nous laisser surprendre par Lui : nous pouvions nous résigner à sa mort sur la Croix, il nous révèle que la vie en lui a triomphé de la mort. Il se révèle à nous en faisant de nous un corps, la communauté de ceux et celles qui du Nord au Sud et d’Orient en Occident célèbrent aujourd’hui sa victoire sur la mort. Il se révèle à nous chaque fois que nous avons éprouvé sa présence. La preuve du pain, a-t-on pu dire, c’est qu’il nourrit ; la preuve de la Résurrection, pourrait-on dire aussi, c’est qu’elle nous donne de vivre, qu’elle fait de nous des vivants – des vivants qui certes connaîtront un jour la Pâque ultime de leur propre mort mais qui ont désormais l’espérance d’être accueillis au-delà de la mort parce qu’ils sont précédés par Lui, le Vivant, le Premier-né d’entre les morts.
Le Ressuscité se révèle encore à nous chaque fois que nous faisons mémoire des Ecritures qui parlent de Lui. Les femmes étaient venues auprès d’un tombeau, d’un lieu où l’on se souvient des morts, or il leur fut demandé de se souvenir plutôt de ce que Jésus avait dit quand il était en Galilée : « Rappelez-vous… Il faut que le Fils de l’homme… soit crucifié et que, le troisième jour, il ressuscite ». Le Ressuscité se révèle à nous quand nous faisons mémoire de ces paroles, et aussi des paroles plus anciennes qui mystérieusement l’annonçaient : cette nuit de l’Exode qui était déjà celle d’une libération mais qui laissait attendre le franchissement d’une autre mer, les eaux de la mort ; ce jour où Abraham avait consenti à perdre son fils, son unique, mais où la vie de ce fils avait été finalement épargnée – promesse d’une descendance qui survivrait à la mort même – ; et plus lointainement encore ces jours et ces nuits de la genèse, ces temps où pour la première fois la lumière avait été séparée des ténèbres, cet instant où Dieu avait créé l’homme à son image – espérance de cette nouvelle création où la mort même serait vaincue.
            L’histoire de nos vies continue, elle continuera au-delà de cette célébration, avec ses joies ou peut-être ses difficultés et ses épreuves. L’histoire de notre monde aussi continue, avec tout ce qui en fait la beauté et la grandeur, comme avec ses drames et ses violences. Mais pour nous, et pour toute la communauté des chrétiens qui célèbrent le Ressuscité en divers pays du monde, rien ne saurait être comme si les ténèbres de la nuit n’avaient pas été à jamais déchirées par l’événement de Pâques. La nouvelle de la Résurrection nous a été transmise par des générations de chrétiens, pour qu’à notre tour nous l’entendions et la croyons et la partagions. Elle nous est dite dans le creux de l’oreille, mais c’est une nouvelle pour le monde entier.
            Marie Madeleine, Jeanne, Marie mère de Jacques, vous êtes venues ce matin-là auprès du tombeau avec vos aromates. Vous auriez pu dire comme l’épouse du Cantique : « la nuit, j’ai cherché celui que mon cœur aime. Je l’ai cherché, mais ne l’ai point trouvé ! » Mais vous êtes laissé surprendre par la voix jaillissant de l’aurore : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici, il est ressuscité. » Et bientôt vous pourrez dire, et vous nous dites en cette nuit de Pâques : « j’ai trouvé celui que mon cœur aime. Je l’ai saisi et ne le lâcherai point… » Voici le nouvel Adam, la parfaite Image de Dieu, le Vivant qui est à jamais avec vous et qui vous entraîne dans sa Pâques pour vous donner d’avoir part à sa vie. Christ était mort, il est ressuscité ! Alleluia.

LE SILENCE DE SAMEDI SAINT

29 mars, 2013

http://viechretienne.catholique.org/meditation/10079-le-silence-de-samedi-saint

LES MÉDITATIONS

LE SILENCE DE SAMEDI SAINT

SAINT LUC 24, 1-12

Le premier jour de la semaine, de grand matin, les femmes se rendirent au sépulcre, portant les aromates qu’elles avaient préparés. Elles trouvèrent la pierre roulée sur le côté du tombeau. Elles entrèrent, mais ne trouvèrent pas le corps du Seigneur Jésus. Elles ne savaient que penser, lorsque deux hommes se présentèrent à elles, avec un vêtement éblouissant. Saisies de crainte, elles baissaient le visage vers le sol. Ils leur dirent : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici, il est ressuscité. Rappelez-vous ce qu’il vous a dit quand il était encore en Galilée : ’Il faut que le Fils de l’homme soit livré aux mains des pécheurs, qu’il soit crucifié et que, le troisième jour, il ressuscite.’ » Alors elles se rappelèrent ses paroles. Revenues du tombeau, elles rapportèrent tout cela aux Onze et à tous les autres. C’étaient Marie Madeleine, Jeanne, et Marie mère de Jacques ; les autres femmes qui les accompagnaient disaient la même chose aux Apôtres. Mais ces propos leur semblèrent délirants, et ils ne les croyaient pas. Pierre cependant courut au tombeau ; mais en se penchant, il ne vit que le linceul. Il s’en retourna chez lui, tout étonné de ce qui lui était arrivé.

Prière d’introduction C’est le Samedi Saint. Seigneur, ton corps a été placé dans le tombeau. Seigneur, aide-moi pendant cette méditation à me préparer à la Résurrection. Je viens chez toi dans la prière, dans une attente silencieuse et patiente de la nouvelle aube de Pâques, sachant que ce qui semble être la fin est en fait le début d’une ère nouvelle. Seigneur, viens chez moi dans cette prière ; aide-moi à saisir l’importance de ta mort et de ta résurrection.

Pétition Seigneur, aide-moi à comprendre d’une manière plus profonde la gloire de ta résurrection.

1. Le silence. L’agitation de l’arrestation, le procès et la crucifixion de Jésus sont passés. Le Sabbat naît silencieux et serein. Le ciel est calme. Beaucoup de choses se sont produites ces deux derniers jours. Aujourd’hui est un jour d’attente tranquille, de méditation, un jour pour se rendre en un endroit isolé et contempler la perte d’un ami et d’un maître. La vie ne sera plus jamais la même. Samedi Saint est un jour pour assimiler, faire nôtre tout ce qui s’est passé. C’est un jour de douleur et d’espoir. Ne laissons pas le Samedi Saint se dérouler comme n’importe quel autre jour, juste comme un jour entre deux. En ce jour, enveloppons-nous d’un silence de recueillement.

2. Avant la Résurrection Pour les disciples, tout est fini. Jésus est mort. Ils n’entendront plus sa voix familière et n’écouteront plus sa prédication puissante. Ils ne le verront plus faire de miracle ou guérir un malade. Pour eux, il n’y avait pas l’espoir de la résurrection telle que nous le comprenons de ce côté-ci de l’histoire. Pour eux il y avait la passion et la mort et toute l’histoire se terminait là. Les femmes sont allées au tombeau pour embaumer le corps d’un homme mort. Pour elles, il n’y avait aucun espoir qu’il serait vivant. Elles n’ avaient même pas la notion la plus vague qu’il pourrait être vivant.

3. Rappelons-nous les paroles du Christ. Maintenant, les pièces du puzzle se rassemblent. Jésus avait tout expliqué avant sa mort. Il savait ce qu’il devait souffrir et il savait qu’il se relèverait. Pourquoi les disciples étaient-ils si lents à comprendre ? Jésus leur a parlé simplement, pourtant leurs esprits n’étaient pas prêts à comprendre. C’est seulement rétrospectivement qu’ils comprennent clairement et distinctement ce que Jésus leur avait dit. Rappelons-nous les paroles du Christ. Est-ce que mon esprit est fermé comme l’esprit des disciples ? Est-ce que je pense comprendre qui est le Christ et ce qu’il enseigne mais en réalité tout cela me passe t’il au-dessus de la tête ? Mettons-nous à l’écoute des évangiles afin de comprendre la signification profonde de ses paroles.

Dialogue avec le Christ Seigneur, j’attendrai tranquillement ce Samedi Saint contemplant toutes les choses que tu as dites et enseignées. Je m’émerveillerai des mystères que nous célébrons ces jours-ci. Tu m’as donné la grâce pour vivre de ce côté de la Résurrection et ainsi je sais que le silence du Samedi Saint n’est pas un silence de désespoir mais plutôt un silence de grande espérance prête à éclater dans la joie de Pâques. Je me rends au tombeau avec les saintes femmes, non pas pour voir le corps d’un homme mort mais pour entendre les paroles des anges,  » Il n’est pas ici, il est ressuscité ».

Résolution J’essayerai de rester le plus possible en silence pendant la journée afin de me préparer intérieurement pour la célébration de Pâques.

JE SUIS LA VIE DES MORTS (SAMEDI SAINT)

28 mars, 2013

http://www.prierenfamille.com/Fiche.php?Id=269

JE SUIS LA VIE DES MORTS (SAMEDI SAINT)

Homélie ancienne pour le Grand samedi – Liturgie des heures – Lecture du Samedi saint

Éveille-toi, ô toi qui dors…

Que se passe-t-il ? Aujourd’hui, grand silence sur la terre ; grand silence et ensuite solitude parce que le Roi sommeille. La terre a tremblé et elle s’est apaisée, parce que Dieu s’est endormi dans la chair et il a éveillé ceux qui dorment depuis les origines. Dieu est mort dans la chair et le séjour des morts s’est mis à trembler.
C’est le premier homme qu’il va chercher, comme la brebis perdue. Il veut aussi visiter ceux qui demeurent dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort. Oui, c’est vers Adam captif, en même temps que vers Ève, captive elle aussi, que Dieu se dirige, et son Fils avec lui, pour les délivrer de leurs douleurs.
Le Seigneur s’est avancé vers eux, muni de la croix, I’arme de sa victoire. Lorsqu’il le vit, Adam, le premier homme, se frappant la poitrine dans sa stupeur, s’écria vers tous les autres: « Mon Seigneur avec nous tous! » Et le Christ répondit à Adam : « Et avec ton esprit ». Il le prend par la main et le relève en disant : Éveille-toi, ô toi qui dors, relève?toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera.
C’est Moi ton Dieu, qui, pour toi, suis devenu ton fils; c’est Moi qui, pour toi et pour tes descendants, te parle maintenant et qui, par ma puissance, ordonne à ceux qui sont dans les chaînes : « sortez ». A ceux qui sont dans les ténèbres : « soyez illuminés ». A ceux qui sont endormis : « relevez-vous ».
Je te l’ordonne: Éveille-toi, o toi qui dors, je ne t’ai pas créé pour que tu demeures captif du séjour des morts. Relève-toi d’entre les morts: moi, je suis la vie des morts. Lève-toi, œuvre de mes mains, Iève-toi, mon semblable qui as été créé à mon image. Éveille-toi, sortons d’ici. Car tu es en Moi, et Moi en toi, nous sommes une seule personne indivisible.
C’est pour toi que Moi, ton Dieu, je suis devenu ton fils ; c’est pour toi que Moi, le Maître, j’ai pris ta forme d’esclave ; c’est pour toi que Moi, qui domine les cieux, je suis venu sur la terre et au-dessous de la terre ; c’est pour toi, I’homme, que je suis devenu comme un homme abandonné, libre entre les morts ; c’est pour toi, qui es sorti du jardin, que j’ai été livré aux Juifs dans un jardin et que j’ai été crucifié dans un jardin.
Vois les crachats sur mon visage ; c’est pour toi que je les ai subis afin de te ramener à ton premier souffle de vie. Vois les soufflets sur mes joues : je les ai subis pour rétablir ta forme défigurée afin de la restaurer à mon image.
Vois la flagellation sur mon dos, que j’ai subie pour éloigner le fardeau de tes péchés qui pesait sur ton dos. Vois mes mains solidement clouées au bois, à cause de toi qui as péché en tendant la main vers le bois.
 Je me suis endormi sur la croix, et la lance a pénétré dans mon côté, à cause de toi qui t’es endormi dans le paradis et, de ton côté, tu as donné naissance à Ève. Mon côté a guéri la douleur de ton côté ; mon sommeil va te tirer du sommeil des enfers. Ma lance a arrêté la lance qui se tournait vers toi.
Lève-toi, partons d’ici. L’ennemi t’a fait sortir de la terre du paradis ; moi je ne t’installerai plus dans le paradis, mais sur un trône céleste. Je t’ai écarté de l’arbre symbolique de la vie ; mais voici que moi, qui suis la vie, je ne fais qu’un avec toi. J’ai posté les chérubins pour qu’ils te gardent comme un serviteur ; je fais maintenant que les chérubins t’adorent comme un Dieu.
Le trône des chérubins est préparé, les porteurs sont alertés, le lit nuptial est dressé, les aliments sont apprêtés, les tentes et les demeures éternelles le sont aussi. Les trésors du bonheur sont ouverts et le royaume des cieux est prêt de toute éternité.

LES MÉDITATIONS DE FRÈRE ALOIS DE TAIZÉ – VENDREDI SAINT : LA CROIX N’EST PAS LE DERNIER MOT

27 mars, 2013

http://www.paroissefrancaisedemilan.com/page-1224.html

LES MÉDITATIONS DE FRÈRE ALOIS DE TAIZÉ

VENDREDI SAINT : LA CROIX N’EST PAS LE DERNIER MOT

LA CROIX DE TAIZÉ

A Noël nous avons célébré un Dieu proche, qui par amour se fait homme et partage notre existence. Aujourd’hui nous nous rappelons que Jésus va jusqu’au bout sur ce chemin : il est trahi, arrêté, condamné, torturé, il meurt comme le dernier des derniers.
Jésus se met du côté des faibles et des pauvres. A première vue c’est un scandale ou une pure folie. En donnant sa vie sur la croix, il choisit la dernière place, il accepte la honte de l’échec. Il prend sur lui le poids de la souffrance, de la haine et de la mort, pour nous en libérer. Par là, il inscrit le oui de Dieu au plus profond de la condition humaine. Même malmené par les hommes, Jésus ne retire pas ce oui à l’être humain. C’est sa mission, il l’accomplit et il en paie le prix.
Sur la croix, Jésus ouvre les bras pour rassembler toute l’humanité et toute la création dans l’amour de Dieu. Il est la manifestation de la bonté de Dieu pour chaque être humain. Pour réconcilier l’humanité avec Dieu, « Jésus s’anéantit lui-même, prenant condition d’esclave et devenant semblable aux hommes… obéissant jusqu’à la mort, et la mort sur une croix. » (Phil 2, 5-11)
Jésus inaugure ainsi la nouvelle Alliance, une nouvelle communion avec Dieu. Celle-ci est comme un échange : il prend sur lui ce qui sépare l’humanité de Dieu, il assume la destinée de chaque personne ; et en échange il nous communique sa vie. La descente de Dieu dans le Christ par l’incarnation et l’humiliation extrême de la croix seront à jamais source d’étonnement et de vie nouvelle. Déjà au deuxième siècle, Irénée de Lyon a été jusqu’à dire : « A cause de son amour infini, le Christ est devenu ce que nous sommes, afin de faire de nous pleinement ce qu’il est. »
A cette heure où Jésus porte sur ses épaules l’ensemble de l’humanité, il n’oublie pas pour autant la douleur de ses tout proches. Il voit près de lui Marie, sa mère, et il demande à Jean, le disciple qu’il aime tout particulièrement, de prendre désormais soin d’elle. (Jean 19.26-27) Ainsi, très humblement, sous la croix nait l’Eglise.
Il voit aussi autour de lui ceux qui le persécutent. Arrivé à ce moment décisif, il demande à Dieu de leur donner le pardon : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font. » (Luc 23. 34) Le pardon de Dieu est sans limite, il restera à jamais une source jaillissante.
Sur la croix, le Christ partage tout avec nous, même le silence de Dieu : à sa souffrance ne répond qu’un grand silence, il éprouve ce que signifie se sentir loin de Dieu, délaissé. Pourtant, au cœur de cet abandon, il emprunte les paroles du psalmiste et s’écrie : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Matthew 27.46) Ainsi, même cet abandon s’insère dans le dialogue d’amour entre lui et son Père.
Et alors son cri de détresse se transforme. Il y a une seule réalité que personne n’est en mesure de lui enlever : c’est la confiance qu’il est aimé de Dieu, et qu’en donnant sa vie il transmet cet amour. Alors ses lèvres peuvent murmurer : « Père, entre tes mains, je remets mon esprit. » (Luc 23.46) Et son dernier souffle, dans la plus grande douleur, est en même temps l’effusion de l’amour de Dieu.
L’apôtre Pierre aimait Jésus, mais il a eu du mal à l’accepter comme un messie pauvre. Etre disciple d’un messie humilié lui est devenu tellement insupportable que, après l’arrestation de Jésus, il a fini par le renier. Alors Jésus, aux mains des soldats, le regarda avec amour et lui montra qu’il ne lui retirait pas sa confiance. (Luc 22.61) Au contraire, il lui confiera par la suite la petite Eglise naissante. Et Pierre pourra témoigner, avec les autres disciples, que, non, la croix n’est pas le dernier mot.
L’événement de la croix dépasse notre compréhension, mais en le célébrant nous saisissons de plus en plus l’espérance inouïe qu’il nous ouvre. Cette espérance n’est pas un optimisme vague. Mettre notre confiance dans le Christ mort et ressuscité ouvre nos cœurs pour faire face aux situations difficiles avec lucidité. Dans une communion personnelle avec lui, le Christ nous communique un élan nouveau.
Je pense à un jeune que je rencontre quelquefois à Taizé. Il a une maladie incurable qui progresse. Il en souffre terriblement. Déjà beaucoup de possibilités d’une vie épanouie ont disparu. Et pourtant son regard et tout son comportement restent étonnamment ouverts. Il m’a dit un jour : « Maintenant je sais ce que la confiance signifie. Autrefois je n’en avais pas besoin, mais maintenant, oui. » Ce jeune transmet comme un reflet, très humble mais réel, du mystère de la croix. S’il pouvait savoir combien par son attitude il communique une espérance à beaucoup d’autres.
A Taizé, non seulement le jour du Vendredi Saint, mais aussi chaque vendredi soir de toute l’année, à la fin de la prière, nous plaçons au sol l’icône de la croix qui est reproduite ici. Tous ceux qui le veulent peuvent s’en approcher, poser leur front sur le bois de la croix et, par ce geste, remettre au Christ leurs fardeaux et les fardeaux de ceux qui leur sont confiés.
Cette prière du vendredi soir permet d’unir au chemin de croix du Christ tous ceux qui portent une lourde croix dans leur existence : ceux qui souffrent dans leur âme ou dans leur corps, les malades, ceux qui ont dû quitter leur pays, les victimes des injustices de toutes sortes.
Dieu comprend toutes les langues de nos intercessions, le français, l’allemand, l’anglais, le coréen, le swahili… Mais il comprend aussi la langue de notre corps. Si nous n’arrivons pas à formuler une prière avec des paroles, nous pouvons exprimer une confiance en nous approchant de la croix. Osons ce geste de tout confier au Christ, nous-mêmes et les autres !
Il est précieux de pouvoir nous rassembler ainsi autour de la croix pour que le mystère pascal devienne de plus en plus le mystère fondamental de notre vie. Et le Christ porte ce qui est trop lourd pour nous. Il nous le dit dans l’Évangile : « Venez à moi, vous qui peinez sous le fardeau et je vous soulagerai. » (Matthieu 11. 28)

LES MÉDITATIONS DE FRÈRE ALOIS DE TAIZÉ – JEUDI SAINT : « JE VOUS AI AIMÉS

27 mars, 2013

http://www.paroissefrancaisedemilan.com/page-1224.html

LES MÉDITATIONS DE FRÈRE ALOIS DE TAIZÉ

JEUDI SAINT : « JE VOUS AI AIMÉS »

JÉSUS LAVE LES PIEDS DE SES DISCIPLES, PEINTURE DE FRÈRE SYLVAIN, DE TAIZÉ

« Je vous ai aimés » : cette parole revient à plusieurs reprises dans le récit que l’Évangile de Saint Jean fait de la dernière soirée de Jésus parmi ses disciples (Jean 13, 34 et 15, 9 et 12). Elle est comme une clé qui donne le sens de toute la narration.
Pour évoquer cette dernière soirée, Jean raconte comment Jésus a commencé par laver les pieds de ses disciples. Les trois autres Evangiles rappellent que ce soir-là Jésus a institué l’Eucharistie. Il est heureux que nous soyons invités à commémorer le même jour l’institution de l’Eucharistie et le lavement des pieds. Un lien étroit unit ces deux gestes : dans une simplicité extrême tout le mystère de la personne de Jésus est exprimé. Autrement que par des paroles, peut-être mieux que par des paroles, Jésus montre ce qui est au centre de l’Evangile : « Je vous ai aimés jusqu’au bout. »
Tant pour l’Eucharistie que pour le lavement des pieds, le contraste est saisissant entre le geste et le contenu qu’il signifie. C’est la pauvreté et la simplicité de ces deux signes qui les rendent accessibles à tous.
L’Eucharistie résume toute notre foi, et nous ne pouvons la recevoir que dans une attitude d’adoration, dans un esprit d’enfance. C’est en célébrant ce mystère que nous le comprenons toujours davantage.
« Ceci est mon corps » : ces paroles nous dépassent. Personne n’avait encore parlé ainsi, personne ne parlera jamais plus de cette manière. Ce sont des paroles uniques dans toute l’histoire des religions, elles ne trouvent leur justification qu’en elles-mêmes. Gardons-nous de chercher une explication qui enfermerait le mystère dans notre seul entendement. Cela a été une tentation constante dans l’Église.
En célébrant l’Eucharistie nous faisons confiance aux paroles du Christ transmises par les premiers chrétiens : « Ceci est mon corps, donné pour vous. » L’Église communique de génération en génération ce mystère qui est actualisé par le Saint Esprit.
Par l’Eucharistie nous accueillons dans notre vie le Christ qui est allé jusqu’à l’extrême de l’amour en se donnant lui-même. Et le don de sa vie porte du fruit en ses disciples. « Je suis le cep, vous être les sarments… C’est la gloire de mon Père que vous portiez beaucoup de fruit. » (Jean 15, 5.8).
Le lavement des pieds, dont il y a ci-contre une image toute simple, nous donne de contempler l’humilité de Jésus. Celle-ci nous étonnera toujours. Cette profonde humilité contient une force d’amour qui renouvelle toute la création.
La Toute-puissance de Dieu est celle de l’amour. Jésus a « vaincu le monde » (Jean 16.33), non pas en étant plus fort que lui, mais en introduisant dans l’humanité une force différente, absolument nouvelle. Le soir du Jeudi Saint, nous la chantons longuement : « Ubi caritas et amor, Deus ibi est. » (Là où est la charité et l’amour, Dieu est présent)
La puissance de Dieu est une énergie d’amour qui agit de l’intérieur et en douceur. Elle peut transformer les réalités les plus dures, même la mort.
Sommes-nous assez conscients qu’en célébrant l’Eucharistie nous ouvrons les portes au Christ afin que sa force d’amour puisse irriguer notre vie et le monde d’aujourd’hui ?
Sommes-nous assez conscients qu’à travers un service aussi simple que le lavement des pieds, nous permettons que sa présence de Ressuscité agisse dans le monde ? Notre engagement est souvent de l’ordre du signe, comme d’ailleurs toute la vie de Jésus l’a été. Nous ne faisons peut-être rien de plus que de laver les pieds de ceux qui nous sont confiés. Mais nos actes de solidarité sont des signes qui peuvent frayer un passage au Christ et transfigurer l’humanité.
Sommes-nous assez conscients que l’Eucharistie et le lavement des pieds sont des anticipations du Royaume ? Elles ouvrent au cœur du monde un horizon d’espérance.
A Taizé, il nous a été donné de faire une expérience très forte du lien entre l’Eucharistie et le lavement des pieds par la vie de quelques-uns d’entre nous pendant huit ans dans l’un des bidonvilles les plus pauvres d’Afrique. C’était à Mathare Valley, à Nairobi, au Kenya. Frère Roger y avait séjourné lui-même un certain temps, puis un petit groupe de frères avait continué. Sans grands moyens pour modifier d’innombrables situations de détresse, quel sens pouvait avoir une telle présence ?
Comment tenir ? A l’exemple des Petites Sœurs de Jésus, frère Roger demanda à l’archevêque si, dans la pauvre baraque où ils habitaient, les frères pouvaient garder la présence eucharistique. L’archevêque donna son accord et vint lui-même célébrer l’eucharistie dans le bidonville. Plus tard un des frères écrivit : « Sans une prière quotidienne devant le don eucharistique, je n’aurais pas pu tenir. » C’était comme une source de vie qui permettait aux frères de continuer, par leur simple présence, à « laver les pieds » des gens du quartier. Et peu à peu sont nées de petites initiatives de solidarité.
Bien sûr, réaliser une présence aussi gratuite que celle de mes frères ne dispense pas les chrétiens de prendre des engagements en vue de changer les structures d’injustice. Mais sans vivre tout proches des plus petits, nous ne pouvons pas reconnaître leur dignité ni permettre qu’elle soit respectée. L’appel de l’Évangile à laver les pieds des pauvres nous pousse à dépasser un esprit d’assistance ou de paternalisme, et à découvrir tout ce qu’ils ont à nous donner et que nous pouvons recevoir d’eux.

LA VIGILE PASCALE COMME LIEU-SOURCE DES SACREMENTS : APPROCHE HISTORIQUE ET THÉOLOGIQUE

26 mars, 2013

http://www.esprit-et-vie.com/breve.php3?id_breve=492

ESPRIT & VIE

FRANCESCO PLATANIA

LA VIGILE PASCALE COMME LIEU-SOURCE DES SACREMENTS : APPROCHE HISTORIQUE ET THÉOLOGIQUE

Existe-t-il un lieu et un temps spécifique pour la célébration de l’initiation chrétienne ? La recherche historique et la réflexion théologique nous proposent simultanément la Vigile pascale comme le sein matriciel de toute liturgie et la célébration par excellence qui résume l’œuvre du salut. Une synthèse rapide de cette approche historique nous permettra d’évoquer l’enjeu dégagé par la réforme de ce rituel.

AUX ORIGINES
La Vigile pascale célèbre la mort et la résurrection du Seigneur, le passage du Ressuscité de la mort à la vie. Cette vérité, de l’ordre de la foi, est proclamée solennellement jusqu’à nos jours dans l’une des préfaces du Missel romain : « [Christ] est l’Agneau véritable qui a enlevé le péché du monde : en mourant, il a détruit notre mort ; en ressuscitant, il nous a rendu la vie [1]. »
Depuis le ive siècle, l’œuvre du salut dans sa totalité fut répartie le long des liturgies de la Semaine sainte et du carême, avec des expressions rituelles diverses. Les contenus de la Vigile pascale ont toujours gardé avec force l’idée du salut accompli par la mort et la résurrection du Christ. Le mot utilisé pour indiquer l’action du Christ et la célébration liturgique de cette action est Pâque [2]. Ce mot est présent dans l’Epistula Apostolorum (130-140 ap. J.-C.), qui constitue le plus ancien témoignage d’une fête chrétienne annuelle de Pâque [3].
Dès lors, Pâque reste le nom propre de la Vigile, le cœur de toute la célébration. Le jeûne, le rassemblement de la communauté, les prières, les lectures de l’Ancien et du Nouveau Testament et l’eucharistie suivie d’une agape fraternelle dans la joie du Ressuscité constituent les éléments fondamentaux typiques de la célébration de la Vigile qui se termine au chant du coq [4]. Dès l’époque de Tertullien, la nuit de Pâque devient déjà la grande nuit de l’initiation chrétienne ; cette pratique se généralise aux environs du ive siècle. Les anciens Ordines monastiques prennent en compte la situation réelle de l’absence de catéchumènes et renoncent à tout ce qui, dans la liturgie, concernait les sacrements de l’initiation. À partir du xiiie siècle, face à la disparition généralisée de candidats au baptême pendant la Vigile, les livres liturgiques romains, puis le Missel de saint Pie V, gardent les rites baptismaux et font de la bénédiction de l’eau le sommet de cette liturgie.
La célébration pascale, mémoire du salut offert par Dieu à l’homme, est la fête par excellence, la fête des fêtes et l’expression cultuelle du christianisme en ce qu’il garde d’essentiel. Autrement dit, la Pâque n’est que la fête du Christ car « Christ est notre Pâque  ». Les changements survenus au cours des siècles conduisirent à célébrer les événements de la rédemption d’une façon plus historique, tout en gardant la conception primitive.
En Orient comme en Occident, la sainte nuit de Pâque garde son caractère central : elle est le but de toute l’année et de toutes les fêtes de la liturgie de l’Église universelle. En effet, la célébration hebdomadaire de l’eucharistie lui permet de ne pas être seulement anniversaire, souvenir du passé, mais mémorial  : accueil et réalisation du salut de Dieu hic et nunc pro nobis ; jour du Seigneur, Pâque hebdomadaire, à la fois premier et huitième jour de la semaine.
Au cours du iiie siècle à Jérusalem, les pèlerins souhaitaient vivre les événements du salut dans les lieux et à l’heure où ils s’étaient passés [5]. Témoin privilégié de ces usages, le Journal de voyage d’Égérie [6]. Ces liturgies de Jérusalem gardent un rôle décisif dans l’organisation des célébrations du Triduum pascal : les chapitres 35 et 36 du Journal de voyage d’Égérie décrivent tout ce qui se passe dans les trois jours mémoriaux de la passion, de la mort et de la résurrection du Seigneur. De telles liturgies restent fondées sur l’unité du mystère pascal, chaque jour rappelant le précédent et s’ouvrant sur le suivant, la Pâque célébrée en trois jours. À la mémoire de la résurrection du Christ, furent unis la mémoire de sa Passion et de sa mort, le Triduum du Christ « crucifié, enseveli et ressuscité » [7]. Aujourd’hui, le Triduum commence par la Missa in Cena Domini, le soir du Jeudi saint, il continue par l’action liturgique de la passion du Seigneur, le soir du Vendredi saint pour trouver son sommet dans la Vigile pascale, au soir du Samedi saint, et s’achever par les vêpres du dimanche de Pâque.
La réforme de la Vigile pascale et de la Semaine sainte (1951 et 1955)
La décision du pape Pie XII fut un acte courageux dans la mesure où il recentrait la chrétienté sur le mystère pascal, pivot de la vie de l’Église et de la vie liturgique. En effet, la restauration de la Vigile pascale, par le décret Dominicæ resurrectionis vigiliam du 9 février 1951, et de la liturgie de la Semaine sainte, par le décret Maxima redemptionis nostra mysteria du 16 novembre 1955, provoquèrent une explosion de joie dans toute l’Église et furent le signal qu’enfin, la liturgie quittait l’aspect d’obligation rubriciste, tant les rites de la Semaine sainte étaient restés figés depuis 1570. Le Triduum sacrum, dans la conscience ecclésiale, représente le centre le plus précieux de toute l’année liturgique par son ancienneté et sa richesse. Nous pouvons donc affirmer que ces décrets de 1951 et de 1955 représentent un pas important dans l’histoire liturgique depuis saint Pie V et avant le concile Vatican II.
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[1] Missel romain : 1978, 482 ; première préface de Pâques.
[2] Après des recherches dans des dictionnaires linguistiques, nous choisissons d’utiliser ici le nom féminin singulier Pâque, issu du latin chrétien pascha, substantif neutre, traité comme un féminin, qui désigne dans son origine la Pâque juive, et par métonymie indique l’agneau pascal et aussi la fête chrétienne. Le mot est emprunté au nom grec neutre de même sens paskha et celui-ci, par l’intermédiaire de l’araméen pashã, à l’hébreu biblique pèsah, que l’on croit dérivé du verbe pãsah : « passer outre, épargner ».
[3] Voir O. Casel, La fête de Pâques dans l’Église des Pères, Paris, Éd. du Cerf, coll. « Lex Orandi », n° 37, 1963, p. 19 s.
[4] Un témoignage de cette habitude est déjà présent dans la Epistula Apostolorum 15, la Didascalia 21 et les Constitutiones Apostolorum 5, 18, 1. En 260, Denis d’Alexandrie témoigne de cet usage dans la Epistula ad Basilidem  : voir P.G. 10, 1272.
[5] P. Jounel, « Le dimanche et la semaine », dans A.-G. Martimort, L’Église en prière, IV, « La liturgie et le temps », Paris, Éd. Desclée De Brouwer, 1983, p. 21-41.
[6] P. Maraval, Égérie. Journal de voyage, Paris, Éd. du Cerf, coll. « Sources chrétiennes », n° 296, 1982.
[7] Ces expressions sont déjà présentes vers la fin du ive siècle, utilisées par Ambroise de Milan et Augustin d’Hippone. Voir A. Nocent, « La Semaine sainte dans la liturgie romaine », dans A. G. Kollamparampil (dir.), Hebdomadæ sanctæ celebratio. Conspectus historicus comparativus, Bibliotheca Ephemerides Liturgicæ, Subsidia, 93, C.L.V., Rome, Éd. Liturgiche, 1997, p. 278-310.

HOMÉLIE DU JEUDI SAINT, MESSE DU SOIR EN MÉMOIRE DE LA CÈNE DU SEIGNEUR

26 mars, 2013

http://christopheferey.over-blog.net/article-homelie-du-jeudi-saint-messe-du-soir-en-memoire-de-la-cene-du-seigneur-102915603.html

HOMÉLIE DU JEUDI SAINT, MESSE DU SOIR EN MÉMOIRE DE LA CÈNE DU SEIGNEUR

C’est dans un climat paisible que la liturgie nous donne de célébrer le dernier repas du Christ. Pourtant l’évènement que commémorait Jésus, ce soir là, s’était vécu dans un climat d’urgence. L’urgence du départ, de la libération. Pour Dieu il y avait urgence que son peuple retrouve sa liberté. Il y a comme un contraste entre la première lecture qui nous fait le récit du dernier repas des juifs en terre d’Exile et le dernier repas de Jésus. Il nous invite à nous assoir autour de lui, à gouter la paix qui règne autour de lui. Saint Jean nous dit qu’il fait nuit dehors alors restons un peu dans cette lumière douce. Restons un peu pour rencontrer Jésus.
  Avant de prendre le pain, le Seigneur prend un linge et le noue autour de la taille. « Restez en tenue de Service » tel est la posture que le Christ a choisi de garder durant tout son ministère. Un service qui aujourd’hui culmine d’humilité. Ce soir Jésus sacralise le service du Frère.  On ne pourra plus faire mémoire du Seigneur sans vivre cet humble service rendu aux personnes qui nous environnent. Ce service est possible si je reconnais en elles le Christ lui même. Il nous faut sans cesse demander à Dieu cette conversion du cœur qui nous fait reconnaitre en tout homme le Christ. Comment le reconnaitre encore dans un assassin ? Comment le reconnaitre en celui qui m’empêche de dormir en faisant trop bruit au dessus de chez moi ? Et pourtant c’est aussi pour eux que le Christ a voulu mourir. Le Christ lave les pieds de celui qu’il aime et aussi de celui qui va le livrer par un baiser. Le jeudi saint nous rappelle une réalité fondamentale pour notre vie chrétienne. Dans le sacrement de l’eucharistie sont uni le service du frère et le service de l’autel. Sans le service du frère, nous aboutissons au ritualisme. La liturgie devient un refuge, un simple moment de recueillement. On s’évade quelques instants de la terre pour rejoindre le ciel et puis on repart et on  refait comme avant, comme tout le monde. Servir son frère en négligeant le service de l’autel, c’est prendre le risque de l’activisme sans âme et d’affadir ce service au lieu de lui donner du sel. Comment ne pas penser, à ce propos, à la Veillée du samedi soir des JMJ à Madrid ? Avant de rejoindre les jeunes pour une grande veillée d’adoration, le pape s’est arrété en chemin. Il a rejoint une communauté humaine marqué par l’handicape. Une communauté où l’on essaye d’ouvrir un chemin d’espérance à ceux qui sont accueilli. Le pape a voulu le rappeler. Il ne peut y avoir d’adhésion authentique au Christ sans une adhésion authentique à la fraternité humaine. C’est ce que le pape Benoit XVI nous rappelle dans son encyclique l’amour dans la Vérité : « L’ouverture à Dieu entraîne l’ouverture aux frères et à une vie comprise comme un mission solidaire et joyeuse »[1].
  Le Jeudi Saint est un vaccin contre toute tentation de domination. A l’école du lavement des pieds, l’autorité devient un service, ses compétences une chance pour les autres. « Vous m’appeler maitre et Seigneur, et vous avez raison, car vraiment je le suis. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns les autres ». Ne jamais se considérer supérieur à celui que je rencontre voici un beau défit pour notre vie. Le Christ nous invite tous à nous regarder en frère. La mission est à ce prix. Le Christ après avoir lavé les pieds de ses disciples va prier le Père. Il va demander « que tous soient un ». Cette unité n’est possible qu’a une condition : se reconnaitre un fils, une fille aimé du Père et reconnaitre l’autre comme un frère différent de moi mais égal en dignité. Jean Paul II nous a laisser un testament spirituel avec la lettre apostolique Au début du nouveau millénaire. Dans cette lettre il nous indique une urgence absolue pour notre Eglise et pour le monde que Dieu a tant aimer qu’il lui a donné son Fils. Au n°43 de sa lettre apostolique Jean-Paul II nous dit ceci : « Avant de programmer des initiatives concrètes, il faut promouvoir une spiritualité de communion […]Une spiritualité de la communion consiste avant tout en un regard du cœur porté sur le mystère de la Trinité qui habite en nous, et dont la lumière doit aussi être perçue sur le visage des frères qui sont à nos côtés. Une spiritualité de la communion, cela veut dire la capacité d’être attentif, dans l’unité profonde du Corps mystique, à son frère dans la foi, le considérant donc comme « l’un des nôtres », pour savoir partager ses joies et ses souffrances, pour deviner ses désirs et répondre à ses besoins, pour lui offrir une amitié vraie et profonde. Une spiritualité de la communion est aussi la capacité de voir surtout ce qu’il y a de positif dans l’autre, pour l’accueillir et le valoriser comme un don de Dieu: un « don pour moi », et pas seulement pour le frère qui l’a directement reçu. Une spiritualité de la communion, c’est enfin savoir « donner une place » à son frère, en portant « les fardeaux les uns des autres » (Ga 6,2) et en repoussant les tentations égoïstes qui continuellement nous tendent des pièges et qui provoquent compétition, carriérisme, défiance, jalousies. Ne nous faisons pas d’illusions: sans ce cheminement spirituel, les moyens extérieurs de la communion serviraient à bien peu de chose. Ils deviendraient des façades sans âme, des masques de communion plus que ses expressions et ses chemins de croissance. »
 Carine dans quelques minutes vous vous avancerez à l’autel. Vous rejoindrez le Christ réellement présent sur cet autel pour vous reconnaitre sa seour et fille bien aimée de son Père. Prenez le temps de regarder ces visages qui seront devant vous. Ce sont vos frères et sœurs en Jésus. Accueillez chacun d’eux comme un don que vous as fait le Christ et alors vous pourrais en communion avec tous vos frères et sœurs ouvrir vos mains à celui qui veut se livrer totalement à vous par amour pour vous. Que chacun ce soir renaisse au Don de Dieu et que ce don ne reste pas enfermer en votre vie mais qu’il soit livrer lui aussi à notre monde.

Méditer sur Pâques aujourd’hui – Méditation de Michel Hubaut

7 avril, 2012

http://www.croire.com/article/index.jsp?docId=21322&rubId=214

Méditer sur Pâques aujourd’hui

L’Octave de Pâques est constitué par les huit jours qui suivent le dimanche de Pâques jusqu’au dimanche suivant. La pratique de l’Octave religieuse se retrouve déjà dans l’Ancien Testament avec la fête des Tabernacles (Lv 23-26). C’est Constantin qui qui l’a introduit dans la liturgie catholique.
Chaque jour, durant l’Octave de Pâques, on célèbre la messe avec les prières du jour de Pâques et les mêmes chants. Ainsi la semaine de l’Octave de Pâques est comme un long dimanche se prolongeant sur huit jours, où chaque jour est Jour de Pâques.

Méditation de Michel Hubaut, franciscain

« Chaque fête de Pâques est l’occasion de se rappeler que la résurrection n’est pas ce qui doit arriver après notre mort, mais une réalité nouvelle qui commence aujourd’hui. Chacun de nous façonne, jour après jour, son visage d’éternité. Comme pour le papillon qui sort de sa chrysalide, il faut du temps pour que l’homme ressuscite, émerge de sa gangue de terre et devienne un fils de Dieu, un enfant de lumière.
Maurice Zundel se demandait souvent combien d’hommes et de femmes émergent consciemment de leur « moi » biologique préfabriqué pour devenir réellement des hommes vivants, des personnes libres et responsables de leur destin. Sans doute, toutes leurs potentialités spirituelles arriveront-elles, un jour, à maturité, mais probablement pas sur terre ! Il est inutile de chercher à imaginer ce que nous devenons après notre mort, si, en accueillant le Christ pascal, nous ne commençons pas dès maintenant à devenir des vivants.
Rappelons-nous que dans la tradition chrétienne il y a deux naissances. La première, biologique, que nous n’avons pas choisie, qui nous est donnée. Et une « seconde naissance », celle dont parle le Christ, quand il nous dit qu’il nous faut « renaître d’en-haut » par l’accueil et la croissance de son Esprit.
La résurrection est une victoire quotidienne sur les forces de mort. L’au-delà est une réalité déjà présente, intérieure à nous-mêmes. Cette vie nouvelle du Christ ressuscité doit devenir « l’au-dedans » de notre vie quotidienne. Se convertir, c’est sans cesse passer du dehors, de l’écorce superficielle des choses au « dedans », rencontrer l’intimité de Dieu au plus intime de nous-mêmes, lui qui est la vie de notre vie.
Rencontrer le Christ de Pâques, c’est déjà re-naître, c’est s’affranchir de toutes nos servitudes. L’homme qui accueille, jour après jour son amour vivant et créateur, devient lui aussi un vivant et un créateur. Notre avenir se joue dans notre réponse à cet amour victorieux qui s’offre gratuitement à nous. C’est ce don de nous-mêmes qui nous construit, nous structure comme homme, nous ressuscite comme fils de Dieu.
La résurrection, l’au-delà, c’est Dieu intime à nous-mêmes qui nous intériorise et nous libère du moi préfabriqué. Devenir un homme, une personne, sortir de son moi infantile, biologique, égocentrique et mortel, c’est rencontrer le Dieu vivant. Naître, c’est centrer toutes ses énergies pour aimer comme lui, faire de toute son existence un don de soi-même.
La Résurrection de l’homme s’enracine dans ce dynamisme de l’amour qui « humanise » notre moi biologique, nous fait « passer » du moi possessif, fermé sur lui-même, au moi oblatif. Celui qui naît à l’amour, par l’amour, devient immortel puisque l’amour est l’être même de Dieu. Cet amour est notre devenir. C’est lui qui personnalise et divinise l’homme qui, comme saint François, n’est plus terrorisé par la mort biologique, car elle n’est plus qu’un « passage » de notre liberté d’aimer à un autre niveau, d’une ampleur nouvelle.
Dieu nous a créés pour devenir des créateurs. Nous devons nous libérer de la pesanteur des déterminismes pour devenir le sanctuaire de la lumière et de l’amour. Telle est le mystère de la transfiguration chrétienne, qui est un mystère d’intériorisation, de personnalisation, de divinisation. Il s’agit de devenir véritablement un « homme » dont l’espace intérieur est devenu assez grand pour accueillir la vie même de Dieu. Et accueillir Dieu, c’est devenir un vivant qui possède en lui tout l’univers. L’immortalité n’est pas ce qui arrive après la mort, elle advient, aujourd’hui et maintenant, chaque fois que l’homme se dépasse pour aimer. C’est chaque jour que nous « immortalisons » notre vie. C’est chaque jour que nous ressuscitons un peu plus.
Voilà la nouvelle naissance à laquelle le Christ nous invite quand on atteint sa maturité spirituelle. Maturité qui entraînera aussi notre corps, car les énergies de l’amour vont aussi transfigurer notre corps, comme celui du Christ, libéré des contraintes de notre univers, sans être pour autant désincarné. Notre mort n’est pas un anéantissement, mais un mûrissement, un accomplissement, un passage -une Pâque- vers notre véritable identité. « 

LE SAINT VENDREDI, OÙ DIEU EST MIS EN CROIX – Père Daniel-Ange

6 avril, 2012

http://www.zenit.org/article-30549?l=french

LE SAINT VENDREDI, OÙ DIEU EST MIS EN CROIX

Il règne sur le bois, ton Roi !

Père Daniel-Ange

ROME, jeudi 5 avril 2012 (ZENIT.org) – A l’occasion du Triduum pascal, le P. Daniel-Ange propose aux lecteurs de Zenit des méditations sur le Jeudi Saint (le lavement des pieds, l’eucharistie et el sacerdoce, l’agonie à Gethsémani, et l’arrestation de Jésus : cf. Zenit du 4 avril 2012), le Vendredi Saint (la crucifixion et les paroles de Jésus en croix, ci-dessous), et sur le Samedi Saint et la Résurrection (que nous publierons demain, 6 avril).
Le saint Vendredi, où Dieu est mis en croix
Il règne sur le bois, ton Roi !
Jésus est arraché au puits infernal, conduit menottes aux mains devant ces tribunaux où, pendant des heures, il va être soumis à des interrogatoires dérisoires[1]. Simulacre de procès, histoire de sauver quelques formes juridiques, vu les lois de l’Empire romain. Mais tout est joué d’avance !
Le jour lentement se lève, triste et blafard… Le voici jugé, condamné, comme le sont tant et tant d’hommes et de femmes innocents.
Que de jugements injustes, iniques, peuvent être rendus ! Que de juges corrompus, achetés, compromis dans des magouilles politiques ! Que d’innocents détenus en prison, des années durant ! Que de calomnies condamnent un homme, une femme à une mort sociale !
Que de « on-dit » colportés derrière notre dos ! Que de suspicions ou simplement d’étiquettes collées ! Et un beau jour, tu te retrouves en prison, parfois condamné à mort !
Toutes ces injustices criminelles, notre Dieu a voulu les subir, en pâtir… Le voilà humilié, bafoué, calomnié, outragé, comme le seront tant de martyrs. Je pense à ces tribunaux populaires sous Staline, Mao ou Pol Pot.
Dans le totalitarisme psycho-médiatique occidental, ces tribunaux, ce sont souvent ces plateaux-télé où – modernes arènes – on tourne les chrétiens en dérision, on les jette en pâture aux bêtes sauvages : l’opinion publique. Notre manière à nous d’être flagellés, conspués, rejetés.
En plein tribunal sa gloire royale !
On va le renvoyer de tribunal en tribunal. Se le passer de mains en mains : comparution – encore de nuit – devant le grand prêtre Anne, l’ancien. Devant Caïphe, le grand prêtre en charge, et tout le Sanhédrin. Devant le gouverneur romain, Ponce Pilate. Renvoi à Hérode. Renvoi à Pilate… Cela n’en finit pas ! Comme pour mieux savourer leur victoire, faire durer le plaisir de cette condamnation.
Tout au long de ce procès truqué, on lui balance à la figure ses propres paroles. On les retourne contre lui. Ces joyaux de vérité, on en fait des couteaux pour l’étriper.
Tout au long de l’Histoire, ses détracteurs continueront de le faire : « Tu as dit… Il a dit… détruisez ce temple… »
Plus douloureux encore : ses titres eux-mêmes – affirmation de son identité – sont aussi retournés contre lui : « Roi d’Israël », « Fils de Dieu »
On les arrache à ses lèvres. On les tourne en railleries, en moqueries. Sa parole, on la singe, on la prostitue.
Durant les premiers siècles, on recueillait avec grand soin ces procès-verbaux d’interrogatoires, où scintillent des paroles de feu directement inspirées de l’Esprit Saint.
Ici, pas de disciples ou amis, personne pour prendre sa défense. Jésus n’aura qu’un seul avocat, le plus inattendu de tous, mais une fois le procès fini, la condamnation prononcée. Et lui-même ne dit pas un mot pour se défendre, ou si peu. Il est seul, tout seul !
Oui, devant cette avalanche d’accusations, de mensonges, de calomnies, Lui, il se tait. Ô silence de Dieu en sa souffrance ! Silence qui sidère et énerve ses juges. Mais silence qui confortera une multitude d’accusés, choisissant de répondre par le silence au bombardement d’accusations.
Puis, tels des éclairs déchirant ce grand silence, quelques brèves réponses de pure splendeur.
Souviens-toi : quand il avait – aussi l’espace d’un éclair, sur le Thabor – laissé transparaître sa gloire à travers sa chair, il avait parlé avec Élie et Moïse de quoi ? De sa Passion ! Et en pleine Passion, à quoi pense-t-il ? Solennellement, majestueusement, il ose clamer :
« Amen ! je vous le déclare : dorénavant vous verrez le Fils de l’homme siégeant à droite de la Puissance et venant sur les nuées du ciel. »
Plus tard, sous la pluie de pierres, Étienne verra « les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu » [Ac 7, 57], l’attendant dans la gloire.
Viens et vois ton Roi ! Le voilà humilié, bafoué, condamné, et il proclame sa venue en gloire ! Il le dit pour prouver qu’il est en vérité : qu’il EST.
Tous saisissent parfaitement l’allusion au livre de Daniel, parlant de Dieu lui-même. Et la question stratégique entre toutes de fuser : « Donc c’est toi le Fils de Dieu ? » Sans l’ombre d’une hésitation : « Vous le dites je le suis ! » Oui, c’est bien moi !
Blasphème suprême ! Trop c’est trop ! Cela suffit. Il s’est condamné lui-même à mort. Le verdict tombe comme une lame d’échafaud : « Passible de mort ! »
Aujourd’hui, ceux qui osent suspecter son identité divine lui arrachent la raison précise de sa condamnation, donc le sens même de son martyre. Ils stérilisent toute sa Passion. Pire : le condamnent à mort une seconde fois dans l’esprit des croyants. S’ils se disent chrétiens, s’ils sont baptisés, alors ce sont des renégats, des judas. Quelle que soit par ailleurs leur bonne foi. Douter de sa divinité, c’est dire : tu es mort pour rien. Conséquence : personne n’est sauvé !
Si tu témoignes de sa vérité,
il partage avec toisa royauté
Et maintenant, viens et vois encore Jésus devant un nouveau tribunal : celui de Pilate. Au Prétoire : la cour du Palais ou plutôt de la forteresse Antonia. Dialogue bouleversant entre ces deux hommes. Entre le Sauveur des humains et le gouverneur des Romains…
« Tu es le roi des Juifs ?
– Mon royaume n’est pas de ce monde.
Si mon royaume était de ce monde,
mes gens auraient combattu
pour que je ne fusse pas livré aux Juifs.
Mais mon royaume n’est pas d’ici. »
Pilate sidéré : « Mais alors, tu es… roi ? »
Jésus en majesté : « Oui, tu le dis : Roi, je le suis[2] ! »
Il ne s’esquive pas. Ne biaise pas. N’édulcore pas.
Devant le tribunal juif, il a proclamé sa divinité devant le tribunal romain, il clame sa royauté.
Tu te rends compte : il est là, pitoyable, condamné, le visage méconnaissable, et il ose dire tranquillement : « Je suis Roi ! » Et, sur la lancée, il donne le sens même de sa présence, affirmant du même coup sa préexistence éternelle :
« Je suis né, je ne suis venu au monde que pour ceci :
rendre témoignage à la vérité.
Quiconque est de la vérité, il écoute ma voix. »
Il est de mon bord. Il partage mon sort. Il me suit. Il m’aime.
Ce qui fonde sa royauté : sa vérité. Il est Roi parce qu’il EST. C’est tout. Depuis toujours et pour toujours.
Pour régner avec Lui, suis-je prêt à témoigner de la vérité ? Jusqu’au bout ? Jusqu’au sang versé ? Ceux qui règnent sur le monde, ceux qui en dirigent le cours, ce sont avant tout ceux qui confessent leur foi, ceux qui souffrent pour la vérité. Ceux qui sont persécutés parce qu’ils sont enfants de Dieu.
Dans l’Apocalypse, le ciel résonne d’hymnes acclamant la victoire, la puissance et ici royauté de Jésus. Pourquoi ? Parce qu’il a été vaincu, « l’accusateur de nos frères, celui qui les accusait jour et nuit ». Et par qui donc ? Par les accusés eux-mêmes, ceux qui ont « méprisé leur vie jusqu’à mourir ». Et avec quelle arme ? Le sang de l’Agneau ! [cf. Ap 12, 10-12]
Avec Lui, ils sont donc rois et reines. Avec Lui, ils règnent sur le monde :
« Ils mèneront campagne contre l’Agneau, et l’Agneau les vaincra », car il est Seigneur des seigneurs et Roi des rois.
Roi tout seul ? Non !
« avec les siens : les appelés, les choisis, les fidèles. » [Ap 17, 14]
« Puis je vis des trônes sur lesquels ils s’assirent, et aussi les âmes de ceux qui furent décapités pour le témoignage de Jésus et la Parole de Dieu, et tous ceux qui refusèrent d’adorer la Bête et son image, de se faire marquer sur le front ou sur la main [du chiffre 666] : ils reprirent vie et régnèrent avec le Christ. » [Ap 20, 4-4]
Ton Roi, le voici !
En pleine comparution-condamnation, Jésus contemple déjà cette cohorte magnifique des témoins de la vérité de tous les temps.
Dans sa majesté et sa simplicité, ce courageux témoignage ne suscite en Pilate que cynisme et scepticisme : « La vérité, c’est quoi ce truc-là ? »
Jusqu’à la fin des temps, il y aura ceux en qui voir et entendre Jésus n’éveillera que déception, soupçon, suspicion. Mais il y aura la foule sans nombre de ceux qui, à sa suite, deviendront les splendides témoins d’une vérité, non fabriquée par eux-mêmes, mais donnée par Dieu, et par eux reçue.
N’empêche : sans en être bouleversé, Pilate en est ébranlé. Un moment, il a même le courage de prendre la défense de Jésus, d’affirmer son innocence. Par trois fois, il répétera : « Non, je ne trouve en lui aucun motif de condamnation. » Il va tenter deux subterfuges pour le sauver.
D’abord, faire appel à cette coutume juive de gracier un condamné pour la Pâque. Supermoyen de s’en tirer, de sauver la face. Mais voilà le pire qu’on pouvait redouter : « Tous vocifèrent : non pas lui, mais Barrabas ! »
Au Saint, on préfère l’assassin ! A la Lumière, les ténèbres ! Au Sauveur, un voleur ! Et cela se répétera si souvent !
Autre subterfuge : pour apaiser leur colère, le faire fouetter, flageller. Horrible injustice, mais mieux qu’une exécution. La soldatesque s’exécute. Elle en profite pour tourner en dérision sa grande affirmation : « Salut… roi des Juifs ! »
Couronne, manteau royal, sceptre, tout y est : super sketch ! Super parodie
Ici encore, viens et vois ton Roi ! Plus beau, plus majestueux que jamais… Sa couronne est tressée d’épines. Mais chaque goutte de sang qui en perle, n’est-ce pas effectivement déjà un rubis scintillant de sa gloire ?
Jésus a été le premier a être blessé par tout ce qui va un jour me blesser. Par sa Flagellation, il s’est interposé entre le coup et moi-même. Dans son corps, mes propres blessures sont devenues des blessures d’amour. Et, à chaque messe, en recevant son Corps, sa Vie, je reçois mon corps, ma vie. Mais déjà guéris par l’Amour. Si je le veux bien.
Pilate continue d’essayer de le sauver : « Il cherche à le faire relâcher. » Il voudrait qu’ils soient impressionnés, comme lui, par son humble majesté. Deux fois, il le présente à la populace, avec deux mots extraordinaires. Deux titres :
– « L’Homme, le voici ! »
– « Votre Roi, le voici ! »
Il ne sait pas ce qu’il dit. Il ne se doute pas de ce qui est contenu en ces deux mots. Ils traverseront les siècles. Toute la suite de l’histoire du monde sera là pour le prouver : oui, il est l’Homme. L’Unique. Le Seul. En Lui, tout homme devient homme.
Il est le Roi : de Lui toute autorité vient. Il règne sur le monde. Il règne d’abord par sa Croix, ensuite dans sa gloire. D’abord par sa souffrance. Ensuite par sa puissance.
Une ultime fois, Pilate : « Votre roi, vais-je donc le mettre en croix ? » En trente versets, quatorze fois ce mot « roi »
Mais au Roi du ciel, on préfère les roitelets de la terre. à un Dieu-Enfant, on préfère les idolestyrans. Au Sauveur, les dictateurs. Aujourd’hui comme hier. Actualité incessante de la Passion !
Pilate fiumt par céder, succomber. Lâchement. Malgré l’intervention courageuse d’une femme : la sienne.
Sa petite revanche ? Le mot qu’il écrit sur l’écriteau : « Jésus, le roi des Juifs ! » Basta ! Et cela, malgré toutes les pressions, il ne le lâchera pas. Il tiendra bon !
Et voilà Jésus lâché, largué, livré. Ne reste que l’exécution.
J’aimerais tant être aidé par toi
[Mt 27, 32 ; Lc 23, 26 ; Mc 15, 21 ; Jn 19, 17]
Avec toute la force qui est en lui, il aurait pu facilement porter sa Croix. Tout seul. Fièrement. Mais non ! Il veut la porter faiblement, pauvrement. Tomber et retomber. Il veut être aidé, soutenu. Et, puisque tous ses disciples se sont enfuis, un certain Symon de Cyrène se trouve réquisitionné au retour des champs. Il commence par subir cette contrainte. Mais sans doute très vite est-il bouleversé de lire dans les yeux de Jésus une telle paix, une telle douceur. Tout le reste de sa vie, il a dû être fier et heureux d’avoir pu avoir cette toute petite part à la souffrance de son Dieu.
C’est ainsi que Jésus nous fait ce cadeau inestimable : pouvoir participer un peu à sa Passion rédemptrice. Au début, c’est souvent malgré nous : nous subissons une épreuve. Puis, à contrecœur, nous tâchons de l’assumer. Vient enfin le moment où nous recevons la grâce de l’offrir, d’entrer dans l’oblation de Jésus. Alors, quelle paix ! Quelle paix et quelle puissance sur le Cœur de Dieu !
Ces pépites d’or pur…
Pour comprendre la Passion de Jésus de l’intérieur, il faut le rencontrer là même où il vit encore et toujours sa Passion aujourd’hui. Le rejoindre vivant dans les personnes en qui sa Passion se poursuit. Durant sa propre Passion, il y a presque 2 00 ans, c’est la gloire divine qui s’est insinuée dans la souffrance humaine. Aujourd’hui, comme tout au long de ces 2000 ans, je puis voir les lieux, les événements, lespersonnes où rejaillit cette gloire infiltrée dans la souffrance humaine (comme un filet d’eau qui disparaît sous terre et ressort beaucoup plus loin dans une prairie).
Et dans les pires souffrances, aujourd’hui, je peux voir la gloire de Jésus. Il y a des pépites d’or de don de soi, de générosité, qui illuminent les pires situations. Aujourd’hui même, j’ai la preuve tangible, visible, vérifiable, de cette plénitude d’amour que Jésus a vécue dans sa Passion : quand je vois des hommes, des femmes, des jeunes, des enfants qui devraient être révoltés par la souffrance, et qui l’offrent avec joie, parce que le cœur plein d’amour. Je suis témoin aujourd’hui de tout ce que Jésus a infusé d’amour dans la souffrance humaine pour la transfigurer du dedans, c’est-à-dire en changer le visage.
Je comprends qui est Jésus, moins en lisant le récit de la Passion dans l’Évangile, qu’en recevant de ceux qui souffrent avec amour, l’Évangile vivant pour aujourd’hui.
Au fond des pires horreurs, il y a de telles splendeurs ! Personne n’en parle !
Au fond de l’enfer, tant de fois j’ai vu le ciel ouvert ! Personne n’en parle !
Au fond des pires souffrances, il y a des trésors de patience ! Personne n’en parle !
Mais Dieu le sait. Cela suffit.
[1] Encore une fois, je ne prétends nullement ici faire le récit de cette Passion du Sauveur. Pour cela, il suffit de méditer le texte même des différents évangiles (si possible en Synopse, c’est-à-dire en parallèle), afin de suivre Jésus à la trace, minute par minute. Ici, simplement quelques flashes « zoomant » sur tel moment ou tel détail pour mieux en saisir le sens.
[2] Et non pas, comme l’édulcore de façon navrante la traduction liturgique française : « C’est toi qui dis que je suis roi », ce qui fausse gravement le sens.

Sainte Catherine de Sienne: « C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous »

3 avril, 2012

http://www.levangileauquotidien.org/main.php?language=FR&module=commentary&localdate=20120405

Le jeudi saint : Messe du soir du jeudi saint en mémoire de la Cène du Seigneur

Commentaire du jour
Sainte Catherine de Sienne (1347-1380), tertiaire dominicaine, docteur de l’Église, copatronne de l’Europe
Lettre 52 (trad. Seuil 1953, p. 750 rev.)
« C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous »

      « J’ai désiré d’un grand désir manger cette Pâque avec vous avant de mourir » (Lc 22,15). Me souvenant de ces paroles de notre Sauveur, si vous me demandiez quelle est la Pâque que moi je désire faire avec vous à mon tour, je vous répondrais : il n’est pas d’autre Pâque que celle de l’Agneau immolé, celle même qu’il a faite de lui-même quand il s’est donné à ses doux disciples. Ô doux agneau pascal, préparé par le feu de l’amour de Dieu sur la très sainte croix ! Nourriture divine, source de joie, d’allégresse et de consolation ! Rien ne manque, puisque pour tes serviteurs tu t’es fait toi-même table, nourriture et serviteur… Le Verbe, le Fils unique de Dieu, s’est donné à nous avec un si grand feu d’amour.
      Qui nous présente cette Pâque aujourd’hui ? L’Esprit Saint serviteur. A cause de l’amour sans mesure qu’il a pour nous, il ne s’est pas contenté de nous faire servir par d’autres, c’est lui-même qui veut être notre serviteur. C’est à cette table que mon âme désire être…pour manger la Pâque avant de mourir…
      Sachez qu’à cette table, il est bon que nous nous présentions à la fois dépouillés et vêtus : dépouillés nous aussi de tout amour propre, de tout attrait pour ce monde, de toute négligence et de toute tristesse… — car une mauvaise tristesse dessèche l’âme — et nous devons nous revêtir de cette charité ardente du Christ… Lorsque l’âme contemple son créateur et cette bonté infinie qu’elle trouve en lui, elle ne peut pas ne pas l’aimer… Aussitôt, elle aime ce que Dieu aime et déteste ce qui lui déplaît, parce que par amour il s’est dépouillé de lui-même… A cause de sa faim de notre salut et de l’honneur de son Père, le Christ s’est humilié et s’est donné lui-même à une mort ignominieuse sur la croix, fou d’amour, ivre et amoureux de nous. Voilà la Pâque que je désire célébrer à mon tour.

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