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Synode pour l’Afrique : Bilan du cardinal André Vingt-Trois
L’Église universelle a vécu à l’heure de l’Afrique
ROME, Mardi 3 novembre 2009 (ZENIT.org) – « Nous avons non seulement besoin de la présence de nos frères et de nos sœurs africains près de nous, ici, en France, mais nous avons besoin de l’Église en Afrique, à Madagascar et dans les Iles, pour que le corps tout entier de l’Église atteigne sa plénitude et que la force prophétique de l’Evangile ne soit pas simplement manifestée dans des conditions particulièrement favorables, mais qu’elle soit confrontée aux contraintes et aux difficultés propres au continent africain aujourd’hui », a déclaré le cardinal Vingt-Trois. Pendant un mois en effet, « l’Église universelle a vécu à l’heure de l’Afrique », et a démontré « le courage et la détermination des évêques africains ».
L’archevêque de Paris, président de la conférence des évêques de France, a en effet proposé à ses diocésains, des évêques d’Ile de France, des prêtres africains et des communautés africaines d’Ile-de-France, un bilan du synode des évêques pour l’Afrique – auquel il a participé à Rome du 4 au 25 octobre – à Notre Dame de Paris, dimanche dernier, 1er novembre 2009, à 17h00. Il a ensuite présidé les vêpres et la messe.
Allocution du Cardinal André Vingt-Trois
Introduction
Chers frères et sœurs, chers amis,
Je suis très heureux de vous retrouver cet après midi, pour vous partager ce que j’ai pu vivre durant les trois semaines de cette deuxième session spéciale pour l’Afrique du Synode des Evêques. Je salue les prêtres, religieux et religieuses africains qui nous font la joie de leur présence, avec les fidèles d’origine africaine qui habitent l’Ile de France qui ont répondu à mon invitation.
Je voudrais d’abord vous dire l’action de grâce et la fierté qui sont les miennes de ce que l’Église d’Afrique, de Madagascar et des Iles puisse réunir une délégation de plus de 180 Pères synodaux africains avec une telle lucidité dans l’analyse de leurs situations, une telle foi dans le discernement des causes, une telle espérance dans la possibilité de faire progresser la réconciliation, la Justice et la Paix dans un continent si souvent déchiré. Quinze ans après le premier Synode pour l’Afrique, les Pères synodaux ont pu mesurer le chemin parcouru depuis lors dans la mise en pratique de la dimension familiale de l’Église. Cette seconde réunion du Synode pour l’Afrique nous donnait le visage à la fois d’une jeune Église et d’une Église dans sa maturité.
Il me semble également important de souligner en commençant que par le Synode pour l’Afrique, l’Église universelle a vécu à l’heure de l’Afrique. Tous, nous y avons reçu non seulement le témoignage de la foi et de la vitalité de l’Église en Afrique, mais aussi un appel à la conversion de tous les chrétiens bien au delà de l’Afrique. Les évêques d’Afrique et des Iles accordaient une grande importance à ce que ce synode se déroule à Rome, au centre symbolique de l’Église universelle, et ne soit pas considérée comme une simple question régionale ou locale, ce qui aurait pu être le cas s’il s’était déroulé en Afrique. Ils auraient craint qu’alors l’impression soit donnée que ce travail se faisait entre africains, alors que les perspectives évoquées concernent l’Église universelle.
Une lecture contrastée des réalités vécues sur ce continent.
Le synode s’est livré à une lecture contrastée des réalités de l’Afrique et des Iles. Bien sûr, ce contraste vient d’abord des différences entre les pays de ce continent : Petites îles du Pacifique, Madagascar, Afrique du Nord, Egypte, Afrique subsaharienne, Afrique centrale, Afrique du Sud… Mais plus profondément, le contraste provient des contradictions inhérentes à l’intérieur de chaque région et de chaque pays. Je voudrais ainsi relever quatre exemples de ces contrastes.
Richesses et misère
L’Afrique est riche d’une population jeune. Dans certains pays plus de 60% de la population a moins de 20 ans. Nous savons aussi que ce continent est fort des richesses naturelles parmi les plus importantes du monde, y compris en eau. Mais simultanément, il faut constater une misère sanitaire et une misère alimentaire qui conduit à des carences alimentaires pour beaucoup et confine à la famine dans certaines régions.
Le directeur général de la FAO qui est intervenu devant le Synode, et qui est sénégalais, nous a expliqué très simplement comment certaines régions d’Afrique ont une production agricole largement suffisante pour la subsistance du pays, mais qui ne peut pas être acheminée faute d’infrastructures pour les transports.
Luttes et réconciliation
Il y a un deuxième contraste entre d’une part les luttes interethniques ou fratricides qui divisent les ethnies les unes par rapport aux autres et les conflits internationaux dont nous avons souvent les échos à travers les informations générales et la presse et d’autre part une tradition ancienne de la société africaine qui est capable de mettre en place des procédures de réconciliation efficace. On a cité l’exemple de plusieurs pays qui se sont engagés dans un lent travail de réconciliation nationale : l’Afrique du Sud dont l’exemple est souvent cité mais aussi d’autres nations.
Rencontre avec les autres religions
La forme de la rencontre – qui peut être une confrontation – du christianisme avec la religion traditionnelle africaine et avec l’Islam varie beaucoup selon les pays. Et à ces deux religions très insérées dans la tradition culturelle et le tissu social africain, on pourrait ajouter l’influence des groupes évangélistes et de leur messianisme immédiat.
Dans certains cas, le christianisme est largement majoritaire, dans d’autres il ne représente qu’une infime minorité, voire une religion d’étrangers, comme dans le Maghreb. Et il ne faut pas non plus oublier aussi la situation de Madagascar et des Iles où le christianisme est confronté aux religions asiatiques par les phénomènes de migration.
La cohabitation avec les musulmans (qui est une réalité plus précise que celle de la cohabitation avec l’Islam) est vécue et réfléchie avec beaucoup de prudence et d’ouverture. Bien loin des fantasmes du « choc des civilisations », les évêques d’Afrique sont vigilants sur plusieurs points. Il y a d’abord le souci d’une coopération sociale chaque fois qu’elle est possible, au service du bien commun et au plus près du terrain et des réalités vécues. Ensuite, les évêques veillent au respect du droit fondamental de la liberté de culte, quelle que soit la religion majoritaire. Troisièmement, et plus difficilement, ils affirment le droit à la liberté de conscience, c’est-à-dire la possibilité concrète de changer de religion sans encourir l’exclusion sociale, la marginalisation, la persécution ou risquer sa vie.
Formes de gouvernement
Enfin, il existe un fort contraste entre des pays où les modes de gouvernement ont beaucoup progressés et où la démocratie s’affermit, et ceux qui sont ruinés par l’impéritie et les malversations des gouvernants et du personnel public.
On pourrait continuer d’aligner des contrastes de ce genre. Ils nous aident simplement à éviter de se faire une idée simpliste de l’Afrique et de la situation de l’Église en Afrique.
Des grandes dépendances.
Ce synode a permis de réfléchir à la question très importante des grandes dépendances auxquelles sont soumis les Africains. Evidemment, comme Européens, nous avons tous présent à l’esprit la dépendance du climat et des risques naturels, mais ce n’est pas ce qui préoccupe le plus les évêques d’Afrique. Ils soulignent plutôt trois autres types de dépendance.
Tout d’abord l’imposition d’une exploitation anarchique des ressources, qui se manifeste dans l’anarchie écologique née de l’exploitation sauvage des ressources naturelles, et dans l’anarchie financière à cause de la manière dont sont établis les contrats internationaux, avec la corruption qui en découle.
Ensuite, ce Synode a mis en lumière la domination économique des pays industriels qui se nourrissent toujours des richesses de l’Afrique, qui exploitent les matières premières et la production agricole. Car si la décolonisation a changé le statut politique, elle n’a pas forcément changé le statut économique.
Enfin, et plus peut-être plus grave encore, il y a la dépendance morale devant l’invasion militante ou insidieuse des modèles et des standards de vie occidentaux. Les organisations internationales qui contribuent au financement d’un certain nombre d’états, et certaines ONG, font pression pour imposer leurs critères anthropologiques et moraux. D’une certaine façon, on peut dire que se développe une pratique de l’aide conditionnelle. Si l’expérience historique de l’Europe peut éclairer ce point, je dirais que nous sommes devant une version moderne du paternalisme européen du XIXème siècle. A l’époque, on nourrissait et on soignait les miséreux en les exhortant à vivre moralement. Aujourd’hui, on est assez cynique pour nourrir et soigner la misère au prix de l’abandon des traditions antiques de la société africaine. C’est du paternalisme à rebours, non pas pour moraliser les hommes mais pour les arracher à leurs repères éthiques.
Des objectifs de renouveau.
Nourrir un regard d’espérance
J’ai trouvé particulièrement stimulant et important d’entendre que les évêques africains se situent délibérément en dehors de toute fatalité, et ce aussi bien dans l’Assemblée générale du Synode où les pères intervenaient successivement les uns après les autres, que dans les groupes de travail linguistique où nous étions une petite vingtaine autour d’une table. Les évêques pensent, croient et espèrent que l’Afrique a le moyen de vivre, qu’ils ne doivent pas succomber perpétuellement à l’humiliation de l’assistance, que des gouvernants efficaces se lèveront plus nombreux pour permettre que les ressources de l’Afrique soient vraiment au service des peuples africains et non pas au service de certaines familles ou de certains clans. Sans cette espérance, ils craindraient avec raison la violence suicidaire et le désespoir social de jeunes hommes et de jeunes femmes arrachés au cadre habituel de leur existence et jetés sans aucun projet de vie autour des grandes villes. Car quand on n’a plus rien, on n’a rien à sauvegarder, on peut tout perdre.
Le premier objectif est donc de nourrir cette conviction que les hommes et les femmes de l’Afrique sont réellement capables aujourd’hui de surmonter les handicaps de leur situation pourvu que la gouvernance de leurs états soit raisonnable et transparente.
Une Église prophétique
Un second objectif consiste à mettre en œuvre la mission prophétique de l’Église. J’ai évoqué tout à l’heure l’expression « d’Église : Famille de Dieu » qui était sorti de la première session du Synode pour l’Afrique en 1994. Cette année, la valeur d’une Église prophétique revenait constamment. Mais encore faut-il comprendre ce que recouvre cette réalité. Pour les évêques présents, à travers ce que j’ai entendu, une Église prophétique est une Église qui annonce une espérance réaliste, qui porte sur les peuples d’Afrique un regard positif et qui espère qu’ils peuvent non seulement se convertir mais qu’ils peuvent transformer leur pays.
Prophétique est d’abord le signe que l’Église donne (ou s’efforce de donner), en constituant une « famille de Dieu » qui dépasse les divisions ethniques, culturelles, nationales et continentales. De ce point de vue, la tenue du Synode fait elle-même partie de cette dimension prophétique : dans le groupe linguistique auquel je participais, pratiquement 15 pays différents étaient représentés, depuis le Maghreb jusqu’à l’Afrique du Sud, depuis l’Egypte jusqu’à l’Afrique de l’Ouest. Et, à travers une demi-douzaine de séances de travail, les représentants de ces différents épiscopat, montraient qu’ils étaient capables de faire quelque chose ensemble, d’assumer leur différence, de reconnaître leur tradition et leur héritage, mais aussi de faire fructifier ces différences pour la fécondité de l’Église. Ce signe, les évêques veulent le donner aussi dans chacun de leur pays, en faisant vivre des communautés d’Églises vivantes (qu’en d’autres lieux on aurait appelé des communautés de base) qui soient des cellules où se développe l’expérience de la fraternité et de la réconciliation. Les communautés religieuses ont un rôle particulier dans ce témoignage prophétique, dans la mesure où elles assemblent dans des communautés uniques, des représentants de nationalité, de culture et d’ethnies différentes.
Dans ce témoignage prophétique le Synode a voulu souligner un certain nombre de points particuliers que je vais évoquer maintenant.
L’Église témoigne de cette espérance par sa lutte incessante contre les fléaux sanitaires, en particulier contre le sida où elle est fortement engagée par des programmes de prévention, d’accueil et de soin. Le message du Synode dans son numéro 31 résume cette implication de l’Église au quotidien.
« L’Église est sans pareille dans la lutte contre le sida et dans les soins apportés à ceux qui en sont infectés et affectés en Afrique. Le Synode remercie tous ceux qui s’impliquent généreusement dans ce difficile apostolat d’amour et de compassion. Nous plaidons pour qu’un soutien ininterrompu soit apporté pour les besoins de la cause. D’accord avec le Pape Benoît XVI, ce Synode avertit solennellement que le problème ne saurait se résoudre par la distribution de prophylactiques. Nous en appelons à la conscience de ceux qui sont vraiment intéressés à arrêter la transmission du sida par voie sexuelle, pour qu’ils reconnaissent les succès déjà obtenus (et connus) par les programmes qui proposent l’abstinence pour les non mariés et la fidélité pour les mariés. Une telle ligne d’action procure non seulement une meilleure protection contre l’expansion du mal, mais aussi se situe en harmonie avec la morale chrétienne. Nous nous adressons à vous les jeunes, que personne ne vous laisse croire que vous ne pouvez pas vous maitriser. Oui ! Vous le pouvez avec la grâce de Dieu. » (Proposition n.31)
L’Église agit prophétiquement également par son engagement social et politique pour la réconciliation entre les ethnies et entre les peuples. Dans beaucoup de pays d’Afrique, des commissions nationales de conciliation ou de réconciliation, ou des commissions de gestion de crise, associent habituellement des représentants des grandes religions à leurs travaux, et même si les catholiques sont minoritaires dans leur pays ils sont toujours sollicités et accueillis avec intérêt pour leur contribution à ce travail.
Mais plus largement, l’Église agit prophétiquement en appelant les responsables politiques au respect de la démocratie et à la lutte contre la corruption active et passive et en s’engageant fermement à l’égard des dirigeants chrétiens qu’elle exhorte. Je cite ici l’appel du Synode dans son message final :
« Plusieurs catholiques, exerçant de hautes fonctions n’ont malheureusement pas été performants. Le Synode invite ces gens à se convertir, ou à quitter la scène publique pour ne pas causer des dégâts au sein du peuple et salir la réputation de l’Église Catholique ». (Message n°23)
Prophétique aussi est l’implication de l’Église dans le développement économique et la réalisation de micro projets, prophétique est l’appel qu’elle adresse à ses membres de pratiquer la gouvernance de l’Église d’une façon transparente et désintéressée, prophétique par le soutien qu’elle apporte aux familles et à leur stabilité, prophétique par son engagement dans la promotion de la femme africaine…
Cette dimension prophétique de la mission de l’Église, le Synode l’a exercé en lançant un certain nombre d’appel :
Dans un domaine particulièrement sensible, qui a été longuement discuté à différents niveaux en assemblée générale et en groupe linguistique, le Synode a exhorté à lutter contre les pratiques de magie et de sorcellerie et surtout contre les désastres qu’elles causent dans les groupes sociaux et les familles, par exemple quand les accusations mensongères de sorcelleries aboutissent à l’exécution des intéressés.
Une vigilance particulière a été demandée à l’égard des enfants et des femmes qui sont les premières victimes des violences armées, mais plus largement à l’égard des enfants abandonnés non scolarisés, des enfants travailleurs, des enfants soldats et des enfants victimes des violences communes.
Le Synode a lancé un appel aux hommes africains pour qu’ils assument leurs rôles de pères responsables, de bons et fidèles époux et de responsables dans la société.
Le Synode a fait un appel pressant aux grandes puissances de ce monde.
« Aux grandes puissances de ce monde, nous disons : traitez l’Afrique avec respect et dignité. L’Afrique en appelle à un changement de l’ordre économique mondial, à cause des structures injustes qui s’entassaient sur elle. La récente turbulence dans le monde financier démontre qu’il est temps d’opérer des changements radicaux dans les règles du jeu. Mais ce serait une autre tragédie si ce réajustement devait viser les intérêts des riches au détriment des pauvres. La plupart des conflits, des guerres et des situations de pauvreté en Afrique proviennent essentiellement de structures injustes…. Un ordre mondial juste et nouveau n’est pas seulement possible, mais nécessaire pour le bien de toute l’humanité. Un changement est nécessaire pour ce qui concerne le poids de la dette pesant sur les nations pauvres, mortel pour leurs enfants. Les multinationales doivent arrêter la dévastation criminelle de l’environnement dans leur exploitation vorace des ressources naturelles. C’est une politique à courte vue qui fomente des guerres pour obtenir des gains rapides à partir du chaos, au prix des vies humaines et du sang répandu. N’y aurait-il personne dans leur rang qui soit capable et désireux d’arrêter ces crimes contre l’humanité. » (Propositions n° 32 et 33)
Enfin, et par-dessus tout, le plus important est l’appel lancé aux chrétiens pour qu’ils soient lumière du monde et sel de la terre, témoins de l’Evangile dans la vie quotidienne et témoins de la foi dans la rencontre avec les autres religions. Pour leur permettre de rendre ce témoignage et d’assumer leur responsabilité de laïcs dans l’Église, le développement de la formation est indispensable à tous les niveaux : formation de la jeunesse, formation des adultes, formation supérieure dans les universités catholiques.
Conclusion
En conclusion je voudrais vous lire un dernier passage du message du Synode. Je pense qu’il évoque avec puissance le courage et la détermination des évêques africains qui étaient réunis.
« Le Synode s’attriste en remarquant que c’est la honte qui caractérise plus d’un pays africain. Nous pensons en particulier au cas lamentable de la Somalie empêtrée dans de violents conflits depuis près de deux décennies, avec des conséquences sur les nations avoisinantes. Nous n’oublions pas non plus la tragédie des millions de personnes dans la région des Grands Lacs et la durable crise au nord de l’Ouganda, au sud Soudan, au Darfour, en Guinée Conakry, et en d’autres endroits. Les gouvernants de ces nations doivent prendre leur responsabilité devant leurs prestations génératrices de douleur. En bien des cas, on se trouve devant la situation de soif du pouvoir et des richesses au détriment du peuple et de la nation. Quel que soit le niveau de responsabilité attribuable aux intérêts étrangers, on ne peut nier une honteuse et tragique complicité des leaders locaux : des politiciens qui trahissent et mettent leurs nations aux enchères, des hommes d’affaires éhontés qui se coalisent avec les multinationales voraces, des africains vendeurs et trafiquants d’armes qui spéculent sur les armes légères cause de la destruction de vies humaines, des agents locaux d’organisations internationales qui se font payer pour diffuser des idéologies nocives auxquelles ils n’adhérent pas eux-mêmes.
Les conséquences néfastes de toutes ces menées ne sont cachées pour personnes : pauvreté, misère et maladie, des réfugiés dedans, dehors et outre-mer, recherche d’une meilleure vie qui conduit la fuite des cerveaux, migrations clandestines, trafics d’hommes, guerres, effusion de sang, souvent par personnes interposées, atrocité d’enfants soldats, l’indicible violence faite aux femmes. Comment peut-on être fier de régner sur un tel chaos ? Qu’est devenue la pudeur traditionnelle africaine ? Ce Synode le proclame haut et fort : le temps est venu de changer des habitudes pour l’amour du présent et des générations futures. » (Propositions n° 36-37)
Dimanche dernier, le Saint Père a clôturé le Synode par la célébration de l’Eucharistie. L’évangile était celui de la guérison de Bartimée. L’homélie de Benoît XVI a souligné que ces quelques versets devaient être été reçus et entendus comme une lumière d’espérance sur la situation de l’Afrique :
« ‘Confiance, lève-toi, il t’appelle’. C’est ainsi qu’aujourd’hui le Seigneur de la vie et de l’espérance s’adresse à l’Église et aux populations africaines, au terme de ces semaines de réflexion synodale. Lève-toi, Église en Afrique, famille de Dieu, parce que le Père céleste t’appelle…. Entreprends le chemin d’une nouvelle évangélisation avec le courage qui te vient de l’Esprit-Saint. L’action d’évangélisation urgente (…) comporte également un appel pressant à la réconciliation, condition indispensable pour instaurer en Afrique des rapports de justice entre les hommes et pour construire une paix équitable et durable, dans le respect de chaque individu et de tous les peuples… Dans cette mission de grande importance, toi, Église pèlerine dans l’Afrique du troisième millénaire, tu n’es pas seule. Toute l’Église catholique t’est proche par la prière et la solidarité active, et du ciel t’accompagnent les saints et les saintes africains qui, par leur vie et parfois leur martyre, ont témoigné leur pleine fidélité au Christ. »
Frères et sœurs, cet appel vibrant adressé par le Pape Benoît XVI aux pères synodaux, et à travers eux à tous les catholiques d’Afrique, de Madagascar et des Iles du Pacifique est aussi un appel lancé, comme les pères synodaux nous l’ont dit, au-delà des limites de l’Afrique et donc à nous. Car si l’Afrique peut nourrir une espérance légitime pour l’avenir, c’est aussi une espérance pour l’ensemble de l’Église. Si l’Église qui est en Afrique a besoin de s’appuyer sur la solidarité et la fraternité des autres Eglises locales, c’est d’abord pour trouver les moyens de mettre en valeur ses ressources et ses richesses, ses richesses naturelles et ses richesses humaines. Si l’Afrique a besoin de nous, j’ai surtout découvert durant ces trois semaines à Rome que nous avons plus encore besoin de l’Afrique. En effet, nous avons non seulement besoin de la présence de nos frères et de nos sœurs africains près de nous, ici, en France, mais nous avons besoin de l’Église en Afrique, à Madagascar et dans les Iles, pour que le corps tout entier de l’Église atteigne sa plénitude et que la force prophétique de l’Evangile ne soit pas simplement manifestée dans des conditions particulièrement favorables, mais qu’elle soit confrontée aux contraintes et aux difficultés propres au continent africain aujourd’hui. Alors tous pourront voir que Dieu n’abandonne pas son peuple, qu’Il est présent et vivant au cœur de son Église en Afrique et dans le monde entier.
Je vous remercie.