Archive pour la catégorie 'Synode'

PAPE FRANÇOIS : MESSE DE CLÔTURE DU SYNODE EXTRAORDINAIRE SUR LA FAMILLE ET BÉATIFICATION DU PAPE PAUL VI

20 octobre, 2014

http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/homilies/2014/documents/papa-francesco_20141019_omelia-chiusura-sinodo-beatificazione-paolo-vi.html

MESSE DE CLÔTURE DU SYNODE EXTRAORDINAIRE SUR LA FAMILLE ET
BÉATIFICATION DU PAPE PAUL VI

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Place Saint-Pierre

Dimanche 19 octobre 2014

Nous venons d’entendre une des phrases les plus célèbres de tout l’Évangile : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » (Mt 22, 21).
À la provocation des pharisiens qui, pour ainsi dire, voulaient lui faire passer l’examen de religion et le prendre en défaut, Jésus répond avec cette phrase ironique et géniale. C’est une réponse à effet que le Seigneur livre à tous ceux qui se posent des problèmes de conscience, surtout quand entrent en jeu leurs intérêts, leurs richesses, leur prestige, leur pouvoir et leur réputation. Et cela arrive de tout temps, depuis toujours.
L’accent de Jésus retombe sûrement sur la seconde partie de la phrase : « Et (rendez) à Dieu ce qui est à Dieu”. Cela signifie reconnaître et professer – face à n’importe quel type de pouvoir – que seul Dieu est le Seigneur de l’homme, et qu’il n’y en a pas d’autre. C’est la nouveauté éternelle à découvrir chaque jour, en vainquant la peur que nous éprouvons souvent devant les surprises de Dieu.
Lui n’a pas peur de la nouveauté ! C’est pourquoi, il nous surprend continuellement, nous ouvrant et nous conduisant par des chemins imprévus. Il nous renouvelle, c’est-à-dire qu’il nous fait “nouveaux”, continuellement. Un chrétien qui vit l’Évangile est “la nouveauté de Dieu” dans l’Église et dans le monde. Et Dieu aime beaucoup cette “nouveauté” !
« Rendre à Dieu ce qui est à Dieu », signifie s’ouvrir à sa volonté, lui consacrer notre vie et coopérer à son Royaume de miséricorde, d’amour et de paix.
Là se trouve notre force véritable, le ferment qui la fait lever et le sel qui donne saveur à chaque effort humain contre le pessimisme dominant que nous propose le monde. Là se trouve notre espérance parce que l’espérance en Dieu n’est donc pas une fuite de la réalité, elle n’est pas un alibi : c’est rendre à Dieu d’une manière active ce qui lui appartient. C’est pour cela que le chrétien regarde la réalité future, celle de Dieu, pour vivre pleinement la vie – les pieds bien plantés sur la terre – et répondre, avec courage, aux innombrables nouveaux défis.
Nous l’avons vu ces jours-ci durant le Synode extraordinaire des Évêques – “Synode” signifie « marcher ensemble ». Et en effet, pasteurs et laïcs de chaque partie du monde ont apporté ici à Rome la voix de leurs Églises particulières pour aider les familles d’aujourd’hui à marcher sur la route de l’Évangile, le regard fixé sur Jésus. Ce fut une grande expérience dans laquelle nous avons vécu la synodalité et la collégialité, et nous avons senti la force de l’Esprit Saint qui guide et renouvelle toujours l’Église appelée, sans délai, à prendre soin des blessures qui saignent et à rallumer l’espérance pour beaucoup de gens sans espérance.
Pour le don de ce Synode et pour l’esprit constructif offert par tous, avec l’apôtre Paul : « À tout moment, nous rendons grâce à Dieu au sujet de vous tous, en faisant mémoire de vous dans nos prières » (1 Th 1, 2). Et que l’Esprit Saint qui, en ces jours laborieux nous a donné de travailler généreusement avec vraie liberté et humble créativité, accompagne encore la marche qui, dans les Églises de toute la terre, nous prépare au prochain Synode Ordinaire des Évêques d’octobre 2015. Nous avons semé et nous continuerons à semer avec patience et persévérance, dans la certitude que c’est le Seigneur qui fait croître tout ce que nous avons semé (cf. 1 Co 3, 6).
En ce jour de la béatification du Pape Paul VI, me reviennent à l’esprit ses paroles, par lesquelles il a institué le Synode des Évêques : « En observant attentivement les signes des temps, nous nous efforçons d’adapter les orientations et les méthodes … aux besoins croissants de notre époque et à l’évolution de la société » (Lett. ap. Motu proprio Apostolica sollicitudo).
À l’égard de ce grand Pape, de ce courageux chrétien, de cet apôtre infatigable, nous ne pouvons dire aujourd’hui devant Dieu qu’une parole aussi simple que sincère et importante : merci ! Merci à notre cher et bien-aimé Pape Paul VI ! Merci pour ton témoignage humble et prophétique d’amour du Christ et de son Église !
Dans son journal personnel, le grand timonier du Concile, au lendemain de la clôture des Assises conciliaires, a noté : « Peut-être n’est-ce pas tant en raison d’une aptitude quelconque ou afin que je gouverne et que je sauve l’Église de ses difficultés actuelles, que le Seigneur m’a appelé et me garde à ce service, mais pour que je souffre pour l’Église, et qu’il soit clair que c’est Lui, et non un autre, qui la guide et qui la sauve » (P. Macchi, Paul VI à travers son enseignement, de Guibert 2005, p. 105). Dans cette humilité resplendit la grandeur du Bienheureux Paul VI qui, alors que se profilait une société sécularisée et hostile, a su conduire avec une sagesse clairvoyante – et parfois dans la solitude – le gouvernail de la barque de Pierre sans jamais perdre la joie ni la confiance dans le Seigneur.
Paul VI a vraiment su “rendre à Dieu ce qui est à Dieu” en consacrant sa vie tout entière à « l’engagement sacré, solennel et très grave : celui de continuer dans le temps et d’étendre sur la terre la mission du Christ » (Homélie pour le rite du couronnement, Documentation catholique n. 1404 [1963], col. 932), en aimant l’Église et en la guidant pour qu’elle soit « en même temps mère aimante de tous les hommes et dispensatrice du salut » (Lett. ap. Ecclesiam Suam, Prologue).

CHALDÉENS: UNE EGLISE SOUFFRANTE, ANIMÉE PAR L’ESPRIT-SAINT

29 janvier, 2013

http://www.zenit.org/article-33291?l=french

CHALDÉENS: UNE EGLISE SOUFFRANTE, ANIMÉE PAR L’ESPRIT-SAINT

Synode chaldéen à Rome, par le card. Sandri

ROME, Tuesday 29 January 2013 (Zenit.org).
Benoît XVI a convoqué le Synode des évêques de l’Église chaldéenne ce 28 janvier au Vatican pour l’élection de leur nouveau patriarche, et non à Bagdad, pour des raisons de sécurité.
Le patriarche et cardinal Emmanuel III Delly (85 ans) a en effet présenté sa démission en décembre 2012, pour raison d’âge.
Ce synode est présidé par le préfet de la Congrégation pour les Eglises orientales, le cardinal Leonardo Sandri. Il est composé des dix-sept évêques représentant les communautés irakiennes d’Irak et de la diaspora, notamment d’Europe et d’Amérique du Nord.
Rappelons que les Chaldéens d’Irak représentaient quelque 550.000 personnes en Irak, avant la Guerre du Golfe de 2003, et 150.000 dans la diaspora: l’exode a aujourd’hui inversé les chiffres.
Lundi matin, Mgr Enrico Dal Covolo, recteur magnifique de l’Université pontificale du Latran, a proposé aux évêques électeurs une méditation sur la première communauté de Jérusalem, icône de l’Eglise et de toute communauté chrétienne.
Sergio Centofanti (Radio Vatican en italien) a recueilli les réflexions du cardinal Sandri.
Quel est le vœu du pape pour ce synode ?
Cardinal Sandri – Celui de réaliser dans la communion et dans la mission la vie nouvelle de l’Eglise chaldéenne, avec l’élection du nouveau patriarche. Le Saint-Père a envoyé sa bénédiction et il suit de près ce synode qui marquera l’avenir de l’Eglise catholique chaldéenne.
Dans ce synode, nous sommes en présence d’une petite mosaïque de la souffrance du Moyen-Orient : les évêques d’Irak, et nous savons bien tout ce qu’ils ont souffert et ce qu’ils souffrent encore ; deux évêques d’Iran, les évêques de la diaspora (aux Etats-Unis, au Canada, en Australie), un du Liban et enfin l’évêque de Syrie, pays dont nous touchons la souffrance chaque jour à travers les moyens de communication.
Cette Eglise souffrante est donc réunie, éclairée par le Saint Esprit, pour choisir le nouveau chef qui la guidera dans la collégialité et dans la synodalité pendant les prochaines années. Et le pape espère qu’en cette Année de la foi, ce sera un moment de croissance qui portera du fruit après tant de souffrances et de douleur.
Quels sont les principaux défis que devra affronter l’Eglise chaldéenne ?
Ce sont les mêmes défis que ceux de l’Eglise en général : la foi et, dans le cas particulier de l’Eglise chaldéenne, évidemment, une grande importance est réservée au dialogue œcuménique et au dialogue interreligieux.
Le manque de foi, parce que les chrétiens sont peu nombreux et beaucoup des nôtres ont dû fuir, émigrer, aller ailleurs chercher cette paix et cette sécurité qui faisaient défaut dans leur patrie.
Dans cette situation de violence et de souffrance, la foi s’est affaiblie. En cette Année de la foi, le pape nous appelle précisément à la fortifier et à la vivre intensément de sorte que ce ne soit pas seulement une foi intellectuelle, une foi en paroles, mais une foi de vie qui se transmet à travers l’exemple et le témoignage personnels.
Vous êtes allé récemment en Irak : quelles impressions avez-vous rapportées ?
L’impression que malgré tout ce que nous apprenons par les nouvelles, sur la situation de violence et de terrorisme, il existe une Eglise vivante, l’Eglise d’Irak, qui se manifeste à travers l’Eglise chaldéenne, à travers l’Eglise syro-catholique ou à travers l’Eglise latine. Il y a nos frères qui vivent l’Evangile, qui cherchent à mettre toute leur vie entre les mains du Père, à travers Jésus-Christ, dans la communion de l’Esprit-Saint.
Et cela, je l’ai vu dans les liturgies auxquelles j’ai participé et qui m’ont vraiment encouragé dans l’espérance d’un avenir meilleur. Et puis la sensation de voir qu’ils appartiennent de tout leur cœur à l’Eglise universelle, à l’Eglise catholique ; ils sentent l’étreinte paternelle du pape, ils sentent sa proximité et la nôtre, nous qui, par la prière et l’affection, les suivons toujours avec tant d’admiration et tant de fraternité.
Dans les pays arabes, un vent islamiste souffle actuellement.
Quel dialogue est possible, aujourd’hui, avec le monde musulman ?
C’est d’abord le dialogue auquel nous invite le concile Vatican II : après avoir parlé de nos frères juifs, il parle aussi, en premier lieu, des musulmans et de ceux qui appartiennent à d’autres religions. Avec les musulmans, nous partageons la foi dans le Dieu unique.
Mais il y a un engagement commun qui peut être associé aussi à ce qu’on appelle le printemps arabe et qui consiste à donner toute son importance à la dignité de la personne humaine, à cette dignité qui se manifeste dans sa liberté, spécialement dans la liberté religieuse, et dans la défense des droits fondamentaux des hommes et des femmes.
Mais il existe des craintes pour l’avenir parmi les chrétiens ?
Vivant dans un pays à majorité islamique, les chrétiens peuvent avoir des craintes, mais pas tant à cause de l’islam, parce que l’islam aussi est une religion qui veut la concorde et la paix; c’est tout ce qui est déformation de l’islam, comme la violence ou la volonté d’imposer sa religion par la force, ce qui n’a rien à voir avec l’islam. Avec l’islam authentique, il y a une possibilité de dialogue et d’entente.
Traduction d’Hélène Ginabat

LA CONTEMPLATION, CLÉ DE L’ANNONCE DE L’EVANGILE – Par l’archevêque anglican Rowan Williams

12 octobre, 2012

http://www.zenit.org/article-32154?l=french

LA CONTEMPLATION, CLÉ DE L’ANNONCE DE L’EVANGILE

Par l’archevêque anglican Rowan Williams

Anne Kurian

ROME, vendredi 12 octobre 2012 (ZENIT.org) – La contemplation est un élément-clé de l’évangélisation, car c’est là que le croyant découvre « comment voir les autres personnes et les choses pour ce qu’elles sont par rapport à Dieu », c’est-à-dire dans « la vraie justice et le véritable amour » déclare le primat anglican.
L’archevêque de Canterbury, Rowan Douglas Williams, primat de toute l’Angleterre et de la Communion anglicane, est en effet intervenu le 10 octobre 2012, dans le cadre de la cinquième congrégation générale du synode des évêques. Il était accompagné par M. Nigel Marcus Baker, ambassadeur de Grande-Bretagne près le Saint-Siège, par le chanoine David Richardson, directeur du Centre anglican de Rome, et par Mme Margaret Richardson, son épouse.
Une humanité contemplative
« Proclamer l’Évangile, c’est proclamer qu’il est enfin possible d’être complètement humain », déclare l’archevêque.
En l’occurrence, « le fait d’être pleinement humain signifie être recréé à l’image de l’humanité du Christ », et c’est donc « une humanité contemplative » car l’enjeu est pour les hommes d’être « ouverts à toute la plénitude que le Père veut insuffler à leurs cœurs ».
Concrètement, le primat anglican précise quelques conditions pour « commencer à grandir » dans cette contemplation : rendre son esprit « silencieux et prêt à recevoir », réduire au silence ses « fantaisies auto-générées sur Dieu et sur soi-même ».
La contemplation est de ce fait « un élément intrinsèque » du processus de transformation commencé au baptême, car « apprendre à regarder Dieu sans considérer sa satisfaction personnelle immédiate, apprendre à examiner et à relativiser les désirs et les rêves qui grandissent en soi, c’est permettre à Dieu d’être Dieu et, par conséquent, à la prière de Jésus, la relation de Dieu avec Dieu, de vivre en soi ».
Pour l’archevêque, la contemplation est la « clé de la prière, de la liturgie, de l’art et de l’éthique, la clé de l’essence d’une humanité renouvelée », elle est « l’unique et dernière réponse au monde irréel et insensé que nos systèmes financiers et notre culture de la publicité, que nos émotions chaotiques et non réfléchies nous encouragent à habiter ».
Montrer le visage de cette humanité
Par la contemplation, estime l’archevêque, le croyant « devient plus libre – “d’aimer les êtres humains de façon humaine” », c’est-à-dire de les aimer « non pas pour ce qu’ils pourraient lui promettre, de les aimer non pas comme s’ils étaient là pour lui fournir une sécurité et un confort durable, mais en tant que créatures fragiles qui, comme lui, sont soutenues par l’amour de Dieu ».
En un mot, il découvre « comment voir les autres personnes et les choses pour ce qu’elles sont par rapport à Dieu », et non par rapport « à lui ». Mgr Rowan Douglas Williams voit dans cette attitude les « racines de « la vraie justice, tout comme du véritable amour ».
Le visage humain que les chrétiens sont appelés à montrer au monde est donc « un visage marqué par cette justice et cet amour, un visage forgé par la contemplation, par les disciplines du silence et le détachement de soi des objets qui l’assujettissent et des instincts non contrôlés qui peuvent le tromper ».
Selon l’archevêque, les autres hommes verront dans leur témoignage la « possibilité de vivre de manière plus humaine », c’est-à-dire « avec moins de frénésie de posséder, vivre des moments de calme, vivre dans l’attente d’apprendre et, vivre en ayant conscience qu’il y a une joie solide et durable à découvrir dans les disciplines de l’oubli de soi », vivre « authentiquement, honnêtement, et dans l’amour ».
De même, ajoute-t-il, la contemplation fera avancer l’œcuménisme, dans le sens où elle « démasque une supériorité inconsidérée envers d’autres croyants baptisés et la supposition que je n’ai rien à apprendre d’eux ». Au contraire, la contemplation aide à « approcher toute expérience comme un don ».
La foi est un humanisme
Evoquant le Concile Vatican II, « qui tant a fait pour la santé de l’Église », il souligne l’un des aspects les plus importants de la théologie de Vatican II, selon lui : le renouveau de l’anthropologie chrétienne.
Pour l’archevêque en effet, le Concile est revenu aux sources de la théologie « les plus riches et les plus anciennes », en parlant « d’humanité faite à l’image de Dieu » et de « grâce qui perfectionne et transfigure cette image si longtemps enduite de notre ‘inhumanité’ habituelle ».
Dans cette perspective, la foi catholique et chrétienne est donc un « vrai humanisme », affirme-t-il, citant Jacques Maritain.
Cependant, l’archevêque met en garde : il ne s’agit pas de remplacer la « tâche évangélisatrice » par une « campagne d’“humanisation” ». En réalité, fait-il observer, « c’est la foi même qui détermine l’œuvre d’humanisation », et sans elle « l’entreprise humanisante sera creuse ».
Il estime donc que dans l’évangélisation, « ce qu’il faut chercher à partager avec le monde, c’est l’humanisation comme le fruit de l’œuvre rédemptrice du Christ ».

OUVERTURE DU SYNODE : HOMÉLIE DE BENOÎT XVI, 7 OCTOBRE 2012

8 octobre, 2012

http://www.zenit.org/article-32073?l=french

OUVERTURE DU SYNODE : HOMÉLIE DE BENOÎT XVI, 7 OCTOBRE 2012

« Invoquons une effusion spéciale de lEsprit Saint »

ROME, dimanche 7 octobre 2012 (ZENIT.org) – « Invoquons une effusion spéciale de l’Esprit Saint », demande Benoît XVI à tous les catholiques, au moment d’ouvrir le synode pour la nouvelle évangélisation, ce dimanche 7 octobre 2012, place Saint-Pierre : une invitation qui rappelle la prière de Jean XXIII pour « une nouvelle pentecôte » à la veille du concile Vatican II.
Dans son homélie, le pape a aussi évoqué le mariage – à partir des lectures bibliques – et les deux nouveaux docteurs de l’Eglise: Jean d’Avila et Hildegarde de Bingen.
Homélie de Benoît XVI :
Vénérés Frères,
Chers frères et sœurs,
Avec cette concélébration solennelle, nous inaugurons la XIII° Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques, qui a pour thème : La nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne. Ce thème répond à une orientation programmatique pour la vie de l’Église, de tous ses membres, des familles, des communautés, et de ses institutions. Et cette perspective est renforcée par la coïncidence avec le début de l’Année de la foi, qui aura lieu jeudi prochain, 11 octobre, à l’occasion du 50° anniversaire de l’ouverture du Concile Œcuménique Vatican II. Je vous adresse ma cordiale et reconnaissante bienvenue à vous, qui êtes venus former cette Assemblée synodale, particulièrement au Secrétaire Général du Synode des Évêques et à ses collaborateurs. J’étends mon salut aux Délégués fraternels des autres Églises et Communautés ecclésiales et à tous ceux qui sont ici présents, en les invitant à accompagner par la prière quotidienne les travaux qui se dérouleront dans les trois prochaines semaines.
Les lectures bibliques qui forment la Liturgie de la Parole de ce dimanche nous offrent deux principaux points de réflexion : le premier sur le mariage, que j’aimerais aborder plus loin ; le second sur Jésus Christ, que je reprends immédiatement. Nous n’avons pas le temps pour commenter le passage de la Lettre aux Hébreux, mais au début de cette Assemblée synodale, nous devons accueillir l’invitation à fixer le regard sur le Seigneur Jésus, « couronné de gloire et d’honneur à cause de sa Passion et de sa mort » (He 2, 9). La Parole de Dieu nous place devant le Crucifié glorieux, de sorte que toute notre vie, et particulièrement les travaux de cette Assise synodale, se déroulent en sa présence et dans la lumière de son mystère. L’évangélisation, en tout temps et en tout lieu, a toujours comme point central et d’arrivée Jésus, le Christ, le Fils de Dieu (cf. Mc 1, 1) ; et le Crucifié est le signe distinctif par excellence de celui qui annonce l’Évangile : signe d’amour et de paix, appel à la conversion et à la réconciliation. Nous, les premiers, vénérés Frères, gardons le regard du cœur tourné vers Lui et laissons-nous purifier par sa grâce.
Maintenant, je voudrais réfléchir brièvement sur la « nouvelle évangélisation », en la mettant en rapport avec l’évangélisation ordinaire et avec la mission ad gentes. L’Église existe pour évangéliser. Fidèles au commandement du Seigneur Jésus Christ, ses disciples sont allés dans le monde entier pour annoncer la Bonne Nouvelle, en fondant partout les communautés chrétiennes. Avec le temps, elles sont devenues des Églises bien organisées avec de nombreux fidèles. À des périodes historiques déterminées, la divine Providence a suscité un dynamisme renouvelé de l’activité évangélisatrice de l’Église. Il suffit de penser à l’évangélisation des peuples anglo-saxons et des peuples slaves, ou à la transmission de l’Évangile sur le continent américain, et ensuite aux époques missionnaires vers les populations de l’Afrique, de l’Asie et de l’Océanie.
Sur cet arrière-plan dynamique, il me plaît aussi de regarder les deux figures lumineuses que je viens de proclamer Docteurs de l’Église : Saint Jean d’Avila et Sainte Hildegarde de Bingen. Dans notre temps, l’Esprit Saint a aussi suscité dans l’Église un nouvel élan pour annoncer la Bonne Nouvelle, un dynamisme spirituel et pastoral qui a trouvé son expression la plus universelle et son impulsion la plus autorisée dans le Concile Vatican II. Ce nouveau dynamisme de l’évangélisation produit une influence bénéfique sur deux « branches » spécifiques qui se développent à partir d’elle, à savoir, d’une part, la missio ad gentes, c’est-à- dire l’annonce de l’Évangile à ceux qui ne connaissent pas encore Jésus Christ et son message de salut ; et, d’autre part, la nouvelle évangélisation, orientée principalement vers les personnes qui, tout en étant baptisées, se sont éloignées de l’Église, et vivent sans se référer à la pratique chrétienne. L’Assemblée synodale qui s’ouvre aujourd’hui est consacrée à cette nouvelle évangélisation, pour favoriser chez ces personnes, une nouvelle rencontre avec le Seigneur, qui seul remplit l’existence de sens profond et de paix ; pour favoriser la redécouverte de la foi, source de grâce qui apporte la joie et l’espérance dans la vie personnelle, familiale et sociale. Évidemment, cette orientation particulière ne doit diminuer ni l’élan missionnaire au sens propre, ni l’activité ordinaire d’évangélisation dans nos communautés chrétiennes. En effet, les trois aspects de l’unique réalité de l’évangélisation se complètent et se fécondent réciproquement.
Le thème du mariage, qui nous est proposé par l’Évangile et la première Lecture, mérite à ce propos une attention spéciale. On peut résumer le message de la Parole de Dieu dans l’expression contenue dans le Livre de la Genèse et reprise par Jésus lui-même : « à cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront qu’une seule chair » (Gn 2, 24 ; Mc 10, 7-8). Qu’est-ce que cette Parole nous dit aujourd’hui ?
Il me semble qu’elle nous invite à être plus conscients d’une réalité déjà connue mais peut-être pas valorisée pleinement : c’est-à-dire que le mariage en lui-même est un Évangile, une Bonne Nouvelle pour le monde d’aujourd’hui, particulièrement pour le monde déchristianisé. L’union de l’homme et de la femme, le fait de devenir « une seule chair » dans la charité, dans l’amour fécond et indissoluble, est un signe qui parle de Dieu avec force, avec une éloquence devenue plus grande de nos jours, car, malheureusement, pour diverses raisons, le mariage traverse une crise profonde justement dans les régions d’ancienne évangélisation. Et ce n’est pas un hasard. Le mariage est lié à la foi, non pas dans un sens générique. Le mariage, comme union d’amour fidèle et indissoluble, se fonde sur la grâce qui vient de Dieu, Un et Trine, qui, dans le Christ, nous a aimés d’un amour fidèle jusqu’à la Croix. Aujourd’hui, nous sommes en mesure de saisir toute la vérité de cette affirmation, en contraste avec la douloureuse réalité de beaucoup de mariages qui malheureusement finissent mal. Il y a une correspondance évidente entre la crise de la foi et la crise du mariage. Et, comme l’Église l’affirme et en témoigne depuis longtemps, le mariage est appelé à être non seulement objet, mais sujet de la nouvelle évangélisation. Cela se vérifie déjà dans de nombreuses expériences, liées à des communautés et mouvements, mais se réalise aussi de plus en plus dans le tissu des diocèses et des paroisses, comme l’a montré la récente Rencontre Mondiale des Familles.
Une des idées fondamentales de la nouvelle impulsion que le Concile Vatican II a donnée à l’évangélisation est celle de l’appel universel à la sainteté, qui, comme tel, concerne tous les chrétiens (cf. Const. Lumen gentium, nn. 39-42). Les saints sont les vrais protagonistes de l’évangélisation dans toutes ses expressions. Ils sont aussi, d’une manière particulière, les pionniers et les meneurs de la nouvelle évangélisation : par leur intercession et par l’exemple de leur vie, attentive à la créativité de l’Esprit Saint, ils montrent aux personnes indifférentes et même hostiles, la beauté de l’Évangile et de la communion dans le Christ, et ils invitent les croyants tièdes, pour ainsi dire, à vivre dans la joie de la foi, de l’espérance et de la charité, à redécouvrir le « goût » de la Parole de Dieu et des Sacrements, particulièrement du Pain de vie, l’Eucharistie. Les saints et les saintes fleurissent parmi les missionnaires généreux qui annoncent la Bonne Nouvelle aux non-chrétiens, traditionnellement dans les pays de mission et actuellement en tout lieu où vivent des personnes non chrétiennes. La sainteté ne connaît pas de barrières culturelles, sociales, politiques, religieuses. Son langage – celui de l’amour et de la vérité – est compréhensible par tous les hommes de bonne volonté et les rapproche de Jésus Christ, source intarissable de vie nouvelle.
Maintenant, arrêtons-nous un instant pour admirer les deux Saints qui ont été associés aujourd’hui au noble rang des Docteurs de l’Église. Saint Jean d’Avila a vécu au XVI° siècle. Grand connaisseur des Saintes Écritures, il était doté d’un ardent esprit missionnaire. Il a su pénétrer avec une profondeur singulière les mystères de la Rédemption opérée par le Christ pour l’humanité. Homme de Dieu, il unissait la prière constante à l’action apostolique. Il s’est consacré à la prédication et au développement de la pratique des sacrements, en concentrant sa mission sur l’amélioration de la formation des candidats au sacerdoce, des religieux et des laïcs, en vue d’une réforme féconde de l’Église.
Importante figure féminine du XII° siècle, Sainte Hildegarde de Bingen a offert sa précieuse contribution pour la croissance de l’Église de son temps, en valorisant les dons reçus de Dieu et en se montrant comme une femme d’une intelligence vivace, d’une sensibilité profonde et d’une autorité spirituelle reconnue. Le Seigneur l’a dotée d’un esprit prophétique et d’une fervente capacité à discerner les signes des temps. Hildegarde a nourri un amour prononcé pour la création ; elle a pratiqué la médecine, la poésie et la musique. Et surtout, elle a toujours conservé un amour grand et fidèle pour le Christ et pour l’Église.
Le regard sur l’idéal de la vie chrétienne, exprimé dans l’appel à la sainteté, nous pousse à considérer avec humilité la fragilité de tant de chrétiens, ou plutôt leur péché – personnel et communautaire – qui représente un grand obstacle pour l’évangélisation, et à reconnaître la force de Dieu qui, dans la foi, rencontre la faiblesse humaine. Par conséquent, on ne peut pas parler de la nouvelle évangélisation sans une disposition sincère de conversion. Se laisser réconcilier avec Dieu et avec le prochain (cf. 2 Co 5, 20) est la voie royale pour la nouvelle évangélisation. C’est seulement purifiés que les chrétiens peuvent retrouver la fierté légitime de leur dignité d’enfants de Dieu, créés à son image et sauvés par le sang précieux de Jésus Christ, et peuvent expérimenter sa joie afin de la partager avec tous, avec ceux qui sont proches et avec ceux qui sont loin.
Chers frères et sœurs, confions à Dieu les travaux de l’Assise synodale, dans le vif sentiment de la communion des Saints, en invoquant particulièrement l’intercession des grands évangélisateurs, au nombre desquels nous voulons compter le Bienheureux Jean-Paul II, dont le long pontificat a été aussi un exemple de nouvelle évangélisation. Nous nous mettons sous la protection de la Bienheureuse Vierge Marie, Etoile de la nouvelle évangélisation. Avec elle, invoquons une effusion spéciale de l’Esprit Saint ; que d’en-haut il illumine l’Assemblée synodale et la rende fructueuse pour la marche de l’Église.

Texte original en italien, traduction officielle en français

SYNODE MONTRÉAL & OTTAWA CONFERENCE

9 septembre, 2011

cette lecture est très intéressante, lorsque je mets une étude pas toujours me sens de le pouvoir juger, certainement le retiens intéressant et utile pour une majeure capacité de comprendre, du site:

http://www.montrealandottawaconference.ca/site/

SYNODE MONTRÉAL &  OTTAWA CONFERENCE

Présentation par Louis Vaillancourt

On raconte qu’Ulysse, au retour de son long périple, fit exécuter une douzaine d’esclaves pour mauvaise conduite. En effet, dans l’Antiquité, un maître pouvait, sans aucun problème de conscience, faire mettre à mort ses esclaves. Cela ne posait pas de obstacle moral puisque ceux-ci n’avaient aucun droit. Aujourd’hui, nous serions complètement scandalisés devant une telle chose. Pourquoi ? Parce que notre compréhension moderne de la justice exige que tout être humain soit respecté dans son intégrité.
Mais qu’est-ce que la justice ? Le dictionnaire Larousse nous dira que c’est «la  vertu par laquelle on rend à chacun ce qui lui est dû », ou « un principe moral qui exige le respect du droit et de l’équité ». Pendant longtemps (c’est à dire depuis que les sociétés civilisées existent), la question de la justice s’est strictement limitée aux rapports entre les humains, que ce soit aux plans personnel ou collectif. (Et encore, les êtres humains n’ont pas toujours eu les mêmes droits… Pensons au traitement des esclaves, des femmes, des enfants.) Les institutions juridiques civiles trouvent leur raison d’être dans l’application concrète de ce principe de justice. Du côté religieux, la tradition judéo-chrétienne a fait de la bienveillance envers le prochain la pierre angulaire de sa doctrine et de sa règle éthique. « Une éthique, écrit Aldo Leopold en 1947, est  une limite imposée à la liberté d’agir dans la lutte pour l’existence » (p.256). Or nous découvrons, depuis quelques décennies, la nécessité d’une « extension éthique » qui élargisse son rayon d’action au-delà du cercle humain. En effet, nous commençons à penser que la terre, la nature, avec tout ce qu’elle subit d’exploitation, devrait elle aussi être incluse dans l’exercice de la justice qui interpelle à « rendre à chacun ce qui lui est dû ».
On peut alors se poser la question : Qu’est-ce qui est dû à la nature ? Deux choses fondamentales. D’abord, son simple droit d’exister. La nature est là, elle nous a précédés dans l’être. Nous ne sommes pas les seuls existants. La seconde chose qui lui est due, c’est la possibilité d’une existence conforme à son être, c’est-à-dire qu’elle puisse jouir de conditions propices à son développement et à son épanouissement. Concrètement, comment va se manifester cette justice ? Quels repères avons-nous ? À la base d’une relation juste avec la terre, il y a deux principes fondamentaux : il s’agit des notions de limite et d’interrelation. Nous allons les regarder une après l’autre, et cela en deux temps : d’abord en tant qu’observation des sciences écologiques, puis nous verrons quelle attitude, en lien avec la tradition chrétienne, ils devraient insispirer.
1. Reconnaître les limites de la Terre
1.1 La nature a des limites
La crise écologique a quelque chose de profondément révélateur : elle met en évidence la nécessité de reconnaitre la limite des choses. Les peuples autochtones ont reconnu cela depuis très longtemps. Et pourtant, depuis l’avènement de l’ère industrielle et de la société de consommation, nous vivons comme si elle était illimitée. Malgré son apparente immensité, la terre, est une bien petite planète. Depuis les photos de la terre prises de l’espace, nous commençons à prendre conscience que nous vivons sur un minuscule globe protégé par une fine couche de gaz, l’atmosphère. C’est un système fermé où « rien de se perd, rien ne se créé ». La crise écologique nous enseigne la «limite» en montrant que notre écosystème terrestre n’est pas pourvu de ressources illimitées ni d’une capacité infinie d’adaptation aux changements internes. Elle est donc l’occasion par excellence pour toucher  la finitude de notre monde, et aussi la nôtre. Selon G. Siegwalt, «cette expérience de la limite est une expérience religieuse: l’homme fait l’expérience de sa finitude et de la finitude de la terre, et au contact de cette limite l’homme fait, d’une manière nouvelle, l’expérience de la transcendance».
Dans la Bible, le « fou », autrement dit celui qui ne connait pas la sagesse, est celui qui refuse la limite, tout comme l’humanité actuelle. En effet, notre système économique est construit sur la négation des limites inhérentes à la terre. L’économie moderne est précisément orientée pour mettre nos capacités technologiques toujours grandissantes au service de la croissance illimitée et du désir infini d’exploitation. Cela est injuste par rapport à la terre qui ne peut subvenir à une telle demande, mais aussi par rapport aux autres humains qui ne peuvent pas profiter de ces richesses.
Il est clair que notre civilisation ne connaît pas la mesure, puisque le nœud même de la crise écologique c’est la «démesure de l’homme par rapport à la réalité (limitée) de la terre». Dans ce contexte, nous sommes invités à apprendre le sens de la mesure, c’est-à-dire à mesurer, à évaluer l’impact de nos action sur l’ensemble de la planète. En effet, bien que la science permette de découvrir des lois qui rendent possible une certaine maîtrise de la nature, cette maîtrise n’est que partielle. L’humain n’a pas la connaissance totale ou globale de la réalité. De sorte que certaines lois sont ignorées et violées, d’où les graves désordres que l’on connait. Car l’humain ne peut intervenir sur la nature qu’en respectant ses lois. C’est précisément ce qui transparaît dans la problématique écologique: le non respect de certaines lois fondamentales de la nature. En fin de compte, c’est la nature qui est le «maître à penser» de l’humain, et qui seule peut lui dicter la juste mesure des choses dans sa relation avec elle. Les conditions de la vie sur terre ne sont pas déterminées par l’humain, mais par la vie elle-même. L’éthique, qu’on pourrait aussi appeler la «sagesse», permet de ramener «les immenses possibilités, entrevues par la science et réalisées par la technique, à l’homme (Adam) et à la terre (adama), en posant la question» suivante: Qu’est-ce qui est bon pour l’humain et pour la terre et qu’est-ce qui ne l’est pas? Chose certaine, l’humain ne peut pas tout se permettre.
1.2 L’humain n’est pas la mesure de toute chose
Du côté de la tradition chrétienne, la notion de limite a des racines très profondes, en particulier en lien avec la théologie de la création et de l’incarnation. Essayons d’imaginer le premier moment de l’acte créateur de Dieu. À l’origine, Dieu, en dehors de qui absolument rien n’existe, a du «se retirer», s’auto-limiter, pour créer quelque chose qui ne soit pas lui. En Dieu, le premier mode d’être est de renoncer à être tout. Le mouvement créateur de Dieu se fonde sur une modération de lui-même. « Pour créer le ciel et la terre, écrit Moltmann, Dieu s’est aliéné déjà de sa toute-puissance qui remplit tout et a pris, en tant que créateur, figure d’esclave. [...] Dieu ne crée pas seulement en appelant quelque chose à l’existence ou en le mettant en œuvre. En un sens plus profond, il «crée» en laissant être, en se retirant »2. Cet abaissement, qu’on appelle en langage théologique la « kénose » de Dieu s’est continuée dans l’histoire du salut à travers l’incarnation du Christ. On peut lire en Ph 2,6-7 : «Lui, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’anéantit lui-même, prenant la condition d’esclave et devenant semblable aux hommes». Puisque l’auto-limitation de Dieu est à l’origine de l’acte créateur et de l’incarnation, l’être humain, créé à l’image de Dieu et co-créateur, est lui aussi appelé à l’auto-limitation: comme Dieu, à se retirer pour laisser être ce qui est autre que lui.
À l’image du Dieu créateur qui s’auto-limite pour faire exister des créatures autres que lui, l’humanité est appelée à diminuer son emprise sur la création, à renoncer à un contrôle total des processus de la vie, à se restreindre dans son désir de puissance, pour que la terre puisse vivre. Si, en Jésus Christ, le Dieu auquel nous croyons, est le Dieu de la kénose, de l’abaissement, de la retenue, alors son image en l’homme ne peut qu’être trahie lorsque celui-ci se prétend le «maître de la nature». La kénose du Christ, son abaissement à se faire créature, interpelle l’homo sapiens à «se faire petit», à «faire de l’espace», à «laisser être» d’autres que lui.
À cause d’une mauvaise représentation de Dieu, nous sommes sans cesse devant cette difficulté de «concevoir que Dieu soit sans qu’il occupe toute la place»6. Or ce n’est pas le cas. Dieu n’est pas tout. Ne pourrait-on pas alors imaginer que l’humain existe sans qu’il prenne toute la place? Nous sommes appelés, à la suite du Christ qui habite en nous par son Esprit, à entrer dans ce mouvement de libération qui redonne aux créatures l’espace dont elles ont besoin pour vivre. Il s’agit de la reconnaissance d’un droit7 fondamental à l’existence découlant du fait même de la création et qui exige qu’on accorde aux créatures la même dignité que celle qui est juridiquement affirmée pour l’humain. Les «droits de la terre» ne sont pas moins importants que les «droits de l’homme» puisque l’humain, en tant que créature physique, a absolument besoin de la terre pour vivre. L’humain n’a pas le droit de disposer de la terre d’une manière abusive et insoutenable. Seul le respect peut garantir la fécondité de la terre à long terme. Pensons ici au Jubilé de la tradition juive où la terre est laissée en repos une année afin de se régénérer. Sans ce respect des limites, aucune vie n’est possible.
L’intuition fondamentale du christianisme est que l’être de Dieu se dévoile en se diminuant, en renonçant à sa toute-puissance. Et pourtant, toute l’histoire du rapport homme/nature va dans le sens inverse: l’humain croit se réaliser et réaliser l’image de Dieu en lui en s’élevant, en cherchant à acquérir la toute-puissance sur le monde. La crise écologique apparaît comme le refus de la part de l’humain de «se faire petit», ou, inversement, la recherche assoiffée d’une grandeur «divine» qui devient pécheresse. Elle manifeste le désir de s’accaparer l’être pour soi et la résistance innée de l’être humain à vouloir «que l’autre soit».
    Au fond, nous sommes devant le test ultime de l’exercice de notre pouvoir: sommes-nous assez «puissants», spirituellement, pour contrôler l’usage de notre puissance technologique? Sommes-nous capables de mettre notre puissance au service de l’autre, de la nature, au service de la vie, dans ce qu’elle a de plus fragile, de plus faible. Jésus ne nous a montré que cela: un Dieu dont la puissance amoureuse veut la vie de toutes les créatures (surtout les plus démunies), au point de devenir lui-même une créature impuissante. En fait, l’expression suprême de la «puissance» d’un être ne serait-elle pas de pouvoir se rendre capable d’impuissance, de se décentrer de soi, se déposséder de soi afin que l’autre grandisse et atteigne la pleine mesure de ce qu’il est?
Il est clair que du côté de Dieu, la puissance et le pouvoir, exercés dans l’amour, n’entraînent pas l’anéantissement des autres créatures. Au contraire, les capacités de conservation, de respect, de tendresse, sont proportionnelles à la faiblesse de l’autre: «Tu as pitié de tous, parce que tu peux tout», écrit l’auteur de la Sagesse (11,23). La toute-puissance divine, généralement conçue comme une omnipotence arbitraire, trouve en Jésus sa vraie mesure: faire vivre, traiter avec ménagement ce qui est petit et fragile. Le péché réside précisément dans l’usage du pouvoir sur la création en vue d’un agrandissement personnel. Dieu, le «maître» absolu de l’univers, celui dont le pouvoir sur les autres créatures nous dépasse totalement, a choisi de se comporter en «ami» avec la création (Sg 11,26). À l’image de Dieu, l’être humain est le seul être créé à pouvoir s’auto-limiter, s’abaisser, prendre moins de place, pour laisser vivre d’autres que lui.
Nous passons alors du registre de la rentabilité à celui de la gratuité. L’autre (la terre, la nature) ne trouve pas sa raison d’être première dans la valeur économique qu’elle a pour moi, mais dans son existence en soi. La valeur en soi de l’autre est inscrite dans le fait même de sa création où tous les êtres sont égaux; elle ne demande qu’à être reconnue et respectée. Le respect de l’autre prendra nécessairement la forme de la justice, puisqu’il s’agit de traiter l’autre comme un égal, d’une manière d’être équitable, d’établir un juste rapport aux choses. De la même manière que Dieu pose la création dans un acte de gratuité et que Jésus la sauve par le don gratuit de sa vie, de même le rôle de l’humain à l’image de Dieu est d’incarner cette gratuité. La gratuité est cette dynamique profonde de décentration de soi qui recherche le bien de l’autre.
Plutôt que de se poser en «seigneur» sur le monde, comme celui qui a un droit de vie et de mort, Dieu invite l’humain à entrer dans le stewardship de la vie. Dieu appelle l’humain à assumer la responsabilité qui lui est confiée de «cultiver et de garder le jardin» (Gn 2,15) de la terre, et cela jusqu’au sacrifice de sa vie. Il n’est pas question bien sûr de «sacrifier sa vie» au sens propre –comme le proposent certains groupes écologistes radicaux. Pour parler plus concrètement, il s’agit du sacrifice d’une «image de l’humain» qui a tout pouvoir sur la terre. Il s’agit du sacrifice d’un «style de vie» basé sur la consommation et la satisfaction de tous les désirs. Il s’agit du sacrifice d’un mode de vie fondé sur l’accroissement de l’avoir qui engendre fatalement l’exploitation de la nature. Il serait peut-être bon de se rappeler ici que la tradition judéo-chrétienne décrit justement la première faute de l’humanité comme une incapacité à se voir interdire (poser une limite) un arbre du jardin, alors que tous les autres lui étaient accessibles (voir Genèse 1-5). En fin de compte, la pratique écologique, dans ce qu’elle exige d’auto-limitation, n’est qu’une nouvelle forme de l’ascèse chrétienne qui est destinée à non à faire souffrir mais à faire vivre.
Examinons maintenant le second principe que tout est interrelation.
2. Tout est interrelié dans une totalité
2.1 L’humain et la nature forment une grande communauté
La seconde chose que nous révèle la crise écologique, qui semble aussi une évidence : tout ce qui est est en relation. Tout ce qui existe co-existe ; rien ce qui est n’est isolé.  L’être humain n’existe pas en dehors de son inscription dans la nature. On ne peut parler adéquatement de la nature et de l’humain que sur l’horizon de la totalité du monde. Dans la crise globale que nous traversons, nous sommes en train de faire l’expérience de l’interdépendance de chaque partie entre elles, et de toutes les parties avec le tout. Or notre approche de la réalité est caractérisée par une division fondamentale entre l’humain et la nature. Cette division, qu’on appelle le «dualisme», est  précisément la non reconnaissance de cette interdépendance. Par conséquent, la crise exige une conception plus globale qui perçoit les choses dans leur interrelationnalité et leur unité. Une juste relation avec la nature doit dépasser le dualisme et nous conduire vers une conception où la nature est perçue comme totalité. Tout appartient à un cycle et y a son importance. La globalisation de notre monde n’est que l’occasion concrète de comprendre ce principe fondamental de la vie. Nous vivons tous sur la même et petite planète.
    Qu’on le veuille ou non, l’univers est « tissé d’une seule pièce ». Il n’y a pas de ligne de séparation entre le vivant et le non vivant, de discontinuité entre l’humain et le non humain, de frontière entre la nature et la culture. Les sciences récentes, contrairement à l’approche cartésienne et mécaniste qui a précédé, nous font de plus en plus découvrir une réalité essentiellement relationnelle : une chaîne d’êtres diversifiés, mais tous étroitement reliés les uns aux autres. La nature ne connaît rien d’autre que l’interdépendance sous différentes formes. L’interrelation de tout ce qui est nous oblige à traiter les autres créatures comme faisant partie de la grande communauté de la vie.
L’humanité moderne s’est imaginée comme une espèce à part, autonome, rationnelle, puissante, mais en fin de compte « dénaturée », coupée  de sa matrice vitale. Les sciences écologiques, en nous rappelant constamment notre enracinement cosmique, contribuent au développement de cette conscience spirituelle de l’unité du monde. La société et la nature ne peuvent plus être pensées comme deux entités séparées, l’humain réduisant la terre à une fonction purement instrumentale. Au fond, il s’agit de comprendre que la Terre, la nature (qui inclut aussi l’humanité), est essentiellement une communauté, c’est-à-dire une unité vivante fondée sur la multiplicité. La diversité ne peut être abolie sans conséquences mortelles. Avec l’ensemble des vivants, auxquels nous sommes inextricablement liés, nous partageons non seulement une communauté d’origine, mais aussi une communauté de destin.
Notre communauté primordiale est la communauté bio-physique de notre petite planète, la « Terre-Patrie » (E. Morin), dont nous ne pouvons d’aucune manière nous extraire. Il nous faut faire l’expérience de cette relation, de cette participation, de cette co-appartenance, de cette communion avec la nature; prendre conscience que nous sommes «re-liés» à la nature au plus profond de notre être. Cet élargissement de la notion de communauté va dans le même sens que l’abolition du ségrégationnisme qui à la base du racisme et du sexisme. Il s’agit maintenant d’enrayer toute forme d’exclusion, d’apartheid, (ce que certains environnementalistes appellent le « spécisme »), en intégrant dans la communauté toute la diversité biologique. Émerge une nouvelle compréhension de la justice, plus inclusive, plus étendue, qui s’applique à toute la communauté terrestre.

1.2     La terre est aussi mon prochain
    Les notions de droit et de justice sont nécessaires au respect de la terre. Mais la tradition chrétienne est porteuse d’un appel encore plus radical, celui de l’amour du prochain. La encore, l’histoire nous a montré que le « prochain » (à part quelques rares exceptions, comme par exemple François d’Assise) s’est limité à nos vis-à-vis humains. Or la «nature», c’est à dire l’ensemble des créatures non humaines, ne devrait pas être exclue du grand commandement de l’amour. Au contraire, le «ministère écologique» du chrétien fait partie intégrante du ministère chrétien fondamental qui consiste essentiellement à manifester l’amour de Dieu en aimant l’autre. Toute forme d’instrumentalisation ou d’objectivation de la nature, qui lui enlève sa dignité de créature, est contraire à l’amour qui reconnaît dans l’autre un partenaire de vie. La solidarité et la compassion avec la terre, tout comme avec nos frères et sœurs humains, devraient guider nos actions.
Mais comment pouvons-nous être touchés par la souffrance de la terre si nous ne sommes pas capables de la voir comme quelque chose de sacré ? Je pense qu’aucune mesure concrète ne sera efficace si elle n’est pas enracinée dans un sens du sacré, une conscience que la nature est une manifestation de Dieu. En langage chrétien, nous pourrions dire une « conscience sacramentelle » de la nature. Si la nature ne nous touche pas, si elle ne nous émeut pas, comment  nous engager dans des actions pour la protéger ? Il nous faut passer du «regard arrogant » au « regard amoureux» (S. McFague) et percevoir la terre comme un « Je » et non comme un objet. Une sorte d’«éveil» est nécessaire pour parvenir à cette conversion du regard qui pose les yeux autrement sur le monde que comme un objet à saisir, un matériau à transformer, une ressource à exploiter, mais plutôt comme une unité à contempler et à respecter dans une relation de réciprocité et de solidarité. C’est à cette condition que nous pourrons nous sentir reliés et responsable du bien-être de la communauté terrestre.
Mais nous pouvons aller plus loin en affirmant que dans le contexte actuel d’une planète soumise au pillage, la seule manière véritable d’être juste envers notre prochain, c’est d’être juste envers la terre. La justice sociale est indissociable de la justice écologique. Pas de paix entre les humains sans la paix avec la terre. Le bonheur humain est indissociable de la santé de la terre. Nous sommes totalement dependant de la terre qui nous fait vivre. Nous n’avons d’autre choix que de la faire fructifier de manière responsable si nous voulons qu’elle continue de subvenir à nos besoins. Etre juste envers la terre, c’est à dire la traiter avec dignité et ménagement, c’est manifester de l’amour envers notre prochain en lui permettant aussi de vivre dans la dignité.

Conclusion
La crise écologique nous introduit dans une nouvelle compréhension de notre rapport avec la terre qui est traversé par deux mouvements concomitants :
1) une désabsolutisation de l’humain : il n’est pas le centre du monde ni la mesure de toute chose. Il est un membre, unique bien sûr, de la communauté créationnelle dont il est solidaire.
2) une spiritualisation (sacralisation) de la nature : la terre n’est pas un objet, mais un sujet qui mérite le respect.
Ce repositionnement de l’humain comme appartenant à un tout est une véritable conversion, tant au plan intellectuel que spirituel. Cela devrait inspirer une sagesse nouvelle qui consiste à s’intégrer harmonieusement à un tout, dépassant les dualismes destructeurs qui sont justement à la racine de la crise. La plénitude de notre existence, spirituelle et physique, personnelle et collective, n’est accessible qu’à travers un décentrement de soi, une ouverture radicale à l’autre; l’autre humain, mais aussi l’autre non humain. L’autre, les autres, humains et non-humains, sont une condition incontournable à la réalisation d’un bonheur durable. Nous sommes mis au défi d’implanter une nouvelle manière de vivre, comme individu et comme société, qui repose sur une manière plus juste d’entrer en relation avec la nature, et par conséquent avec les autres. Le bonheur humain, aujourd’hui plus que jamais, dépend de notre capacité à vivre des relations justes avec la terre. L’humanité vivra heureuse, ensemble, sur une terre cultivée avec respect et dans une communauté de partage, ou elle ne vivra pas.

Louis Vaillancourt
27 mai 2011

Questions :
1)    Est-ce qu’il m’arrive d’avoir conscience que je dépasse les limites et quelles limites est-ce que je pourrais m’imposer?
2)    Comment est-que qu’on peut inclure davantage la terre, les autres créatures, dans notre communauté ?

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POUR LE PAPE, LES IDÉOLOGIES TERRORISTES SONT DE FAUSSES DIVINITÉS, À DÉMASQUER

19 octobre, 2010

dal sito:

http://www.zenit.org/article-25689?l=french

POUR LE PAPE, LES IDÉOLOGIES TERRORISTES SONT DE FAUSSES DIVINITÉS, À DÉMASQUER

Méditation de Benoît XVI à l’ouverture des travaux du synode

ROME, Mardi 12 octobre 2010 (ZENIT.org) – Dans les idéologies terroristes, « la violence est apparemment pratiquée au nom de Dieu, mais ce n’est pas Dieu : ce sont de fausses divinités qui doivent être démasquées, qui ne sont pas Dieu », affirme Benoît XVI.
Lors de l’ouverture de la première assemblée générale du synode, lundi matin, 11 octobre, après la prière de l’office de « Tierce », Benoît XVI a tenu une réflexion sans papier, d’abondance du cœur (cf. section « Documents » pour le texte intégral).
Benoît XVI a tout d’abord évoqué le concile Vatican II, ouvert il y a 48 ans, le 11 octobre 1962, par Jean XXIII, en la fête de la « Divine Maternité de Marie » à laquelle le pape confiait le concile. Benoît XVI a également confié à la Vierge Marie le synode pour le Moyen-Orient.
Méditant le deuxième Psaume de l’office du milieu du jour, le Psaume 81, où «  dans une grande concentration, en une vision prophétique, on voit la perte de puissance des dieux » : « Ceux qui apparaissaient tels ne sont pas des dieux et perdent leur caractère divin, tombant à terre (…): la perte de puissance, la chute des divinités ».
La connaissance du vrai Dieu
Le pape y voit une constante de l’histoire du salut : « Ce processus qui se réalise dans le long chemin de la foi d’Israël et qui est ici résumé dans une vision unique, est un processus véritable de l’histoire de la religion : la chute des dieux ».
Le monde arrive peu à peu à la connaissance de Dieu, non sans douleur : « La transformation du monde, la connaissance du vrai Dieu, la perte de puissance des forces qui dominent la terre, est un processus douloureux. Dans l’histoire d’Israël, nous voyons comment cette libération du polythéisme, cette reconnaissance – « Lui seul est Dieu » – se réalise au milieu de nombreuses douleurs, en commençant par le chemin d’Abraham, l’exil, les Macchabés, jusqu’au Christ ».
Faisant allusion à la vision de la Femme qui enfante dont il a parlé plus haut, le pape fait observer que « dans l’histoire, ce processus de perte de pouvoir dont parle l’Apocalypse au chapitre 12 se poursuit ; il parle de la chute des anges qui ne sont pas des anges, qui ne sont pas des divinités sur la terre ».
Transformer le monde
Ce n’est pas une simple image : ce processus, insiste le pape, « se réalise réellement, justement dans le temps de l’Église naissante où nous voyons comment les divinités, en commençant par le divin empereur de toutes ces divinités, perdent leur pouvoir par le sang des martyrs ».
« C’est le sang des martyrs, la douleur, le cri de la Mère Église qui les fait tomber et transforme ainsi le monde », déclare le pape devant des représentants de régions où être chrétien se paie parfois par le sang versé encore aujourd’hui, comme en Irak.
Le pape affirme que le monde est ainsi véritablement transformé de génération en génération : « Cette chute n’est pas seulement la connaissance qu’elles ne sont pas Dieu ; c’est le processus de transformation du monde, qui coûte le sang, qui coûte la souffrance des témoins du Christ. Et, à bien regarder, nous voyons que ce processus n’est jamais fini. Il se réalise dans les différentes périodes de l’histoire de manières toujours nouvelles ; aujourd’hui encore, en ce moment où le Christ, l’unique Fils de Dieu, doit naître pour le monde avec la chute des dieux, avec la douleur, le martyr des témoins ».
Pouvoirs de destruction
Le pape évoque des pouvoirs destructeurs à l’œuvre aujourd’hui comme les capitaux anonymes, les idéologies terroristes, la drogue : « Pensons aux grandes puissances de l’histoire d’aujourd’hui, pensons aux capitaux anonymes qui réduisent l’homme en esclavage, qui ne sont plus chose de l’homme, mais constituent un pouvoir anonyme que les hommes servent, par lequel les hommes sont tourmentés et même massacrés. Il s’agit d’un pouvoir destructeur, qui menace le monde. Pensons ensuite au pouvoir des idéologies terroristes. La violence est apparemment pratiquée au nom de Dieu, mais ce n’est pas Dieu: ce sont de fausses divinités qui doivent être démasquées, qui ne sont pas Dieu. Pensons ensuite à la drogue, ce pouvoir qui, telle une bête vorace, étend ses mains sur toutes les parties de la terre et détruit : c’est une divinité mais une fausse divinité qui doit tomber. Pensons encore à la manière de vivre répandue par l’opinion publique : aujourd’hui, on fait comme ça, le mariage ne compte plus, la chasteté n’est plus une vertu, et ainsi de suite ».
« Ces idéologies dominantes, qui s’imposent avec force, sont des divinités », mais elles sont destinées à tomber, souligne le pape en citant les Épîtres aux Colossiens et aux Éphésiens : « les dominations, les pouvoirs tombent et deviennent sujets de l’unique Seigneur Jésus Christ ».
La sagesse de la foi simple
Le pape évoque ce combat spirituel du ch. 12 de l’Apocalypse dont il propose cette interprétation : « Il est dit que le dragon vomit un grand fleuve d’eau contre la femme en fuite pour l’entraîner dans ses flots. Et il semble inévitable que la femme soit noyée dans ce fleuve. Mais la bonne terre absorbe ce fleuve et il ne peut lui nuire. Je pense que le fleuve peut être facilement interprété : ce sont ces courants qui dominent tout et qui veulent faire disparaître la foi de l’Église, qui ne semble plus avoir de place face à la force de ces courants qui s’imposent comme la seule rationalité, comme la seule manière de vivre. Et la terre qui absorbe ces courants est la foi des simples, qui ne se laisse pas emporter par ces fleuves et sauve la Mère et sauve le Fils  (…). La véritable sagesse de la foi simple ne se laisse pas dévorer par les eaux, elle est la force de l’Église ».
Les problèmes climatiques
Mais le psaume 81 dit aussi : « les fondements de la terre vacillent ». Le pape y voit une image des « problèmes climatiques » mais souligne que les fondements de la terre « sont menacés par notre comportement » : « Les fondements extérieurs vacillent parce que vacillent les fondements intérieurs, les fondements moraux et religieux, la foi dont découle la droite manière de vivre. Et nous savons que la foi est le fondement et, en définitive, les fondements de la terre ne peuvent vaciller si la foi, la vraie sagesse demeure ferme ».
Anita S. Bourdin

LES OBJECTIFS DU SYNODE [par S.B. Naguib (Egypte) et Mgr Raï (Liban)]

12 octobre, 2010

du site:

http://www.zenit.org/article-25673?l=french

LES OBJECTIFS DU SYNODE

par S.B. Naguib (Egypte) et Mgr Raï (Liban)

ROME, Lundi 11 octobre 2010 (ZENIT.org) – Le synode doit écouter « ce que l’Esprit dit aux Eglises », notamment dans un contexte où la « laïcité » positive n’est guère mise en pratique, mettant à mal la liberté religieuse.
En fin de matinée, S. B. Antonios Naguib, patriarche d’Alexandrie des Coptes d’Egypte, rapporteur général du synode, et Mgr Béchara Raï, O.M.M., évêque de Jbeil, Byblos des maronites, au Liban, ont rencontré la presse au Vatican.
Ce que l’Esprit dit aux Eglises
Pour Mgr Béchara Raï, les trois buts du synode sont d’une part, une nouvelle « prise de conscience de la variété des chrétiens et du sens de leur présence historique au Moyen-Orient, de leur grande contribution à la vie de leurs pays » ; d’autre part, de « consolider les liens de communion ecclésiale », et enfin de « favoriser le témoignage chrétien, du point de vue spirituel, pastoral, social ».
Il souligne que la grande question est : « Qu’est-ce que l’Esprit Saint dit aux Eglises du Moyen-Orient pour relever les défis qui se présentent ? On en attend des fruits, des initiatives ».
Il est aussi clair que l’on « touchera les blessures du Moyen-Orient : Comment pouvoir assurer une vie de paix, d’entente et de prospérité ? »
Il relève que le « Rapporteur général » aborde la question des « grands problèmes de la vie chrétienne, de l’économie, de la politique, des droits de l’homme, de la liberté de culte en particulier, de conscience. Il rappelle en cela le contenu des « Lineamenta » et de « l’Instrument de Travail ».
La liberté de conscience
Il a aussi abordé la question de la liberté religieuse : « La liberté de conscience s’inscrit dans cette conception de l’islam que le judaïsme a été ‘complété’ par le christianisme et que le christianisme a été ‘complété’ par l’islam. On peut donc passer du judaïsme ou du christianisme à l’islam, mais pas l’inverse : on risque la peine de mort. C’est ‘one way’, à sens unique. C’est un grand problème pour l’Eglise et pour la communauté internationale ».
A la question de savoir s’il était « optimiste » ou « pessimiste », Mgr Raï a répondu que « les chrétiens sont appelés à être des ferments dans la pâte. La lumière dans l’obscurité. Celui qui fait l’histoire, c’est le Christ, nous sommes son Corps, ses mains, on ne peut pas désespérer. Nous sommes le Christ dans le monde. Je dois être un instrument loyal pour faire arriver sa voix par le témoignage de l’espérance. Il s’agit de donner un sens à la vie, à la philosophie, à la culture. La question n’est pas qu’est-ce qu’on doit faire pour survivre, mais comment donner un sens à la vie ».
La laïcité positive
Pour ce qui est de la « laïcité positive », il explique : « Cela signifie la séparation entre l’Eglise et l’Etat dans le respect de la loi naturelle par les Etats. Au contraire, une laïcité négative reconnaît l’avortement, le mariage libre, – contraire à la loi divine – , le mariage entre personnes gay. La laïcité positive fait problème aux musulmans qui y voient le danger de supprimer la religion. Les chrétiens cherchent à contribuer à réaliser cette laïcité positive par exemple au Liban ».
Il précise qu’au Liban, « le terme laïc est accepté par chrétiens et musulmans, ainsi que la séparation de l’Etat et de la religion (article 9 de la Constitution). C’est un système unique au monde, respectueux vis-à-vis de Dieu et de toutes les religions. On préfère l’appeler ‘Etat civil’ : l’Etat respecte la liberté de culte et de religion, c’est garanti par la loi et cela a été voulu dès 1943, avec la cohabitation sur un pied d’égalité entre tous les citoyens. Cela vise à faire en sorte que les chrétiens ne soient pas considérés comme des citoyens de seconde classe. En Israël la liberté de conscience et de religion est en quelque sorte supprimée parce qu’en fait les chrétiens sont des citoyens de seconde classe ».
Une seule voix catholique
Pour sa part, le patriarche Naguib a souligné que le synode – qui doit voter les propositions et le message final – pourra faire parler les différents catholiques du Moyen-Orient « d’une seule voix » : « A la fin, oui, une seule voix, synodale, une seule voix catholique ».
Le problème de la liberté de culte, a-t-il fait observer, vient d’ « une vision de l’islam, sa vision du lien entre religion et Etat : en théorie, l’Etat accepte le passage de l’islam au christianisme, mais en pratique c’est un problème ».
A propos de la laïcité positive, il a suggéré l‘emploi d’autres expressions moins « pipées » au Moyen-Orient : « Au lieu de parler de ‘laïcité positive’ on pourrait parler d’Etat ‘laïc’ ou d’Etat ‘civil’. Le Liban est un exemple pour l’humanité. Il a créé un Etat laïc, civil, en respectant les valeurs religieuses. Mais dès qu’on parle de laïcité en Egypte, on se heurte à un refus des autorités. On craint que cela signifie ‘absence de Dieu’. Il vaut mieux parler d’Etat laïc ou d’Etat civil, je préfère ces expressions ».

Propos recueillis par Anita S. Bourdin

OUVERTURE DU SYNODE POUR LE MOYEN-ORIENT : HOMÉLIE DE BENOÎT XVI

11 octobre, 2010

du site:

http://www.zenit.org/article-25668?l=french

OUVERTURE DU SYNODE POUR LE MOYEN-ORIENT : HOMÉLIE DE BENOÎT XVI

 ROME, Lundi 11 octobre 2010 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de l’homélie que le pape Benoît XVI a prononcée au cours de la messe d’ouverture du Synode pour le Moyen-Orient (10-24 octobre), dans la basilique Saint-Pierre, dimanche 10 octobre.

Vénérés Frères
Mesdames et Messieurs,
Chers frères et soeurs!

La Célébration eucharistique, action de grâce à Dieu par excellence, est marquée aujourd’hui pour nous, réunis auprès de la Tombe de Saint Pierre, par un motif extraordinaire: la grâce de voir réunis pour la première fois au sein d’une Assemblée synodale, autour de l’Évêque de Rome et Pasteur universel, les Évêques de la région moyen-orientale. Cet événement si singulier démontre l’intérêt de l’Église tout entière pour la précieuse et bien-aimée portion du Peuple de Dieu qui vit en Terre Sainte et dans tout le Moyen-Orient.
Élevons tout d’abord notre remerciement au Seigneur de l’histoire parce qu’Il a permis que, malgré des vicissitudes souvent difficiles et tourmentées, le Moyen-Orient voit toujours, depuis le temps de Jésus jusqu’à aujourd’hui, la continuité de la présence des chrétiens. En ces terres, l’unique Église du Christ s’exprime dans la variété des Traditions liturgiques, spirituelles, culturelles et disciplinaires des six vénérables Églises Orientales Catholiques sui iuris, ainsi que dans la Tradition latine. Le salut fraternel que j’adresse avec une grande affection aux Patriarches de chacune d’entre elles, veut s’étendre en ce moment à tous les fidèles confiés à leur charge pastorale dans leurs pays respectifs ainsi qu’au sein de la diaspora. En ce XXVIIIe Dimanche du temps per annum, la Parole de Dieu offre un thème de méditation qui s’accoste de manière significative à l’événement synodal que nous inaugurons aujourd’hui. La lecture continue de l’Évangile selon saint Luc nous conduit à l’épisode de la guérison des dix lépreux, dont un seul, un samaritain, revient sur ses pas pour remercier Jésus. En relation avec ce texte, la première lecture, extraite du Second Livre des Rois, raconte la guérison de Naamân, chef de l’armée araméenne, lui aussi lépreux, qui est guéri en s’immergeant par sept fois dans les eaux du Jourdain suivant l’ordre du prophète Élisée. Naamân retourne lui aussi auprès du prophète et, reconnaissant en lui le médiateur de Dieu, professe la foi en l’unique Seigneur. Nous nous trouvons donc face à deux malades de lèpre, deux non juifs, qui guérissent parce qu’ils croient à la parole de l’envoyé de Dieu. Ils guérissent dans leur corps, mais s’ouvrent à la foi, et celle-ci les guérit dans leur âme, c’est-à-dire qu’elle les sauve.
Le Psaume responsorial chante cette réalité: « Yahvé a fait connaître son salut,/ aux yeux des païens révélé sa justice,/ se rappelant son amour/ et sa fidélité pour la maison d’Israël » (Ps 98, 2-3). Voici alors le thème: le salut est universel, mais il passe par une médiation déterminée, historique: la médiation du peuple d’Israël qui devient ensuite celle de Jésus Christ et de l’Église. La porte de la vie est ouverte pour tous, mais il s’agit bien d’une « porte », c’est-à-dire d’un passage défini et nécessaire. C’est ce qu’affirme de manière synthétique la formule paulinienne que nous avons écoutée dans la Seconde Lettre à Timothée: « le salut qui est dans le Christ Jésus » (2 Tm 2, 10). C’est le mystère de l’universalité du salut et, en même temps, de son lien nécessaire avec la médiation historique de Jésus Christ, précédée par celle du peuple d’Israël et prolongée par celle de l’Église. Dieu est amour et veut que tous les hommes participent de Sa vie. Pour réaliser ce dessein, Lui qui est Un et Trine, crée dans le monde un mystère de communion humain et divin, historique et transcendant: Il le crée au travers de la « méthode » – pour ainsi dire – de l’alliance, se liant d’un amour fidèle et inépuisable aux hommes, se formant un peuple saint qui devienne une bénédiction pour toutes les familles de la terre (cf. Gn 12, 3). Ainsi, il se révèle comme le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob (cf. Ex 3, 6) qui veut conduire son peuple à la « terre » de la liberté et de la paix. Cette « terre » n’est pas de ce monde; tout le dessein divin dépasse l’histoire, mais le Seigneur veut le construire avec les hommes, pour les hommes et dans les hommes, à partir des coordonnées spatiales et temporelles dans lesquelles ils vivent et que Lui-même a données.
Ce que nous appelons « le Moyen Orient » fait partie, avec sa propre spécificité, de telles coordonnées. Cette région du monde, Dieu la voit aussi d’une perspective différente, nous pourrions dire « d’en haut »: c’est la terre d’Abraham, d’Isaac et de Jacob; la terre de l’exode et du retour de l’exil; la terre du temple et des prophètes; la terre en laquelle le Fils Unique est né de Marie, où il a vécu, est mort et est ressuscité; le berceau de l’Église, constituée afin d’apporter l’Évangile du Christ jusqu’aux frontières du monde. Et nous aussi, en tant que croyants, nous regardons vers le Moyen-Orient avec ce même regard, dans la perspective de l’histoire du salut. C’est cette optique intérieure qui m’a guidé dans les voyages apostoliques en Turquie, en Terre Sainte – Jordanie, Israël, Palestine – et à Chypre, où j’ai pu connaître de prêt les joies et les préoccupations des communautés chrétiennes. C’est aussi pour cela que j’ai accueilli volontiers la proposition des Patriarches et des Évêques de convoquer une Assemblée synodale afin de réfléchir ensemble, à la lumière de l’Écriture Sainte et de la Tradition de l’Église, sur le présent et sur l’avenir des fidèles et des populations du Moyen-Orient. Regarder cette partie du monde dans la perspective de Dieu signifie reconnaître en elle « le berceau » d’un dessein universel de salut dans l’amour, un mystère de communion qui se réalise dans la liberté et demande par conséquent aux hommes une réponse. Abraham, les prophètes, la Vierge Marie sont les protagonistes de cette réponse qui a toutefois son accomplissement en Jésus Christ, fils de cette même terre, mais descendu du Ciel. De Lui, de son Coeur et de son Esprit, est née l’Église, qui est pèlerine en ce monde, mais lui appartient pourtant. L’Église est constituée pour être, au milieu des hommes, signe et instrument de l’unique et universel projet salvifique de Dieu; elle accomplit cette mission en étant simplement elle-même, c’est-à-dire « communion et témoignage », comme le rappelle le thème de l’Assemblée synodale qui s’ouvre aujourd’hui et qui fait référence à la célèbre définition lucanienne de la première communauté chrétienne: « La multitude de ceux qui étaient croyants avait un seul cœur et une seule âme » (Ac 4,32). Sans communion, il ne peut pas y avoir de témoignage: le grand témoignage est précisément la vie de la communion. Jésus le dit clairement: « A ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres « (Jn 13,35). Cette communion est la vie même de Dieu qui se communique dans l’Esprit Saint, par Jésus Christ. Il s’agit donc d’un don, et non de quelque chose que nous devons avant tout construire nous-mêmes avec nos propres forces. Et c’est précisément pour cela qu’elle interpelle notre liberté et attend notre réponse: la communion requiert toujours la conversion, comme un don qui réclame d’être toujours mieux accueilli et réalisé. Les premiers chrétiens, à Jérusalem, étaient peu nombreux. Personne n’aurait pu imaginer ce qui s’est réalisé par la suite. Et l’Église vit toujours de cette même force qui l’a fait partir puis croître. La Pentecôte est l’événement originaire, mais est aussi un dynamisme permanent, et le Synode des Évêques est un moment privilégié dans lequel peut se rénover dans le chemin de l’Église, la grâce de la Pentecôte, afin que la Bonne Nouvelle soit annoncée avec franchise et puisse être accueillie par toute les foules.
Par conséquent, le but de cette Assise synodale est principalement pastoral. Même en ne pouvant pas ignorer la délicate et parfois dramatique situation sociale et politique de certains pays, les Pasteurs des Églises au Moyen-Orient désirent se concentrer sur les aspects propres à leur mission. À cet égard, le Document de travail, élaboré par un Conseil Pré-synodal dont je remercie vivement les Membres pour le travail accompli, a souligné cette finalité ecclésiale de l’Assemblée, en relevant qu’il est de son intention, sous la conduite de l’Esprit Saint, de raviver la communion de l’Église catholique au Moyen-Orient. Avant tout, au sein de chaque Église, parmi tous ses membres: Patriarche, Évêques, prêtres, religieux, consacrés et laïcs. Et puis, dans les rapports avec les autres Églises. La vie ecclésiale, ainsi corroborée, verra se développer des fruits très positifs dans le chemin oecuménique avec les autres Églises et Communautés ecclésiales présentes au Moyen-Orient. Cette occasion est également propice pour poursuivre de façon constructive le dialogue avec les juifs auxquels nous lie de manière indissoluble la longue histoire de l’Alliance, tout comme celui avec les musulmans. Les travaux de l’Assise synodale sont en outre orientés au témoignage des chrétiens aux niveaux personnel, familial et social. Cela requiert le renforcement de leur identité chrétienne par l’intermédiaire de la Parole de Dieu et des Sacrements. Nous souhaitons tous que les fidèles sentent la joie de vivre en Terre Sainte, terre bénie par la présence et par le glorieux mystère pascal du Seigneur Jésus Christ. Tout au long des siècles, ces Lieux ont attiré des multitudes de pèlerins, ainsi que des communautés religieuses masculines et féminines, qui ont considéré comme un grand privilège le fait de pouvoir vivre et rendre témoignage en Terre de Jésus. Malgré les difficultés, les chrétiens de Terre Sainte sont appelés à raviver la conscience d’être des pierres vivantes de l’Église au Moyen-Orient, auprès des Lieux saints de notre salut. Mais vivre dignement dans sa propre patrie est avant tout un droit humain fondamental: c’est pourquoi il faut favoriser des conditions de paix et de justice, indispensables pour un développement harmonieux de tous les habitants de la région. Tous sont donc appelés à apporter leur propre contribution: la communauté internationale, en soutenant un chemin fiable, loyal et constructif envers la paix; les religions majoritairement présentes dans la région, en promouvant les valeurs spirituelles et culturelles qui unissent les hommes et excluent toute expression de violence. Les chrétiens continueront à offrir leur contribution non seulement par le biais d’oeuvres de promotion sociale, comme les instituts d’éducation et de santé, mais surtout avec l’esprit des Béatitudes évangéliques qui anime la pratique du pardon et de la réconciliation. Dans cet engagement, ils auront toujours l’appui de toute l’Église, comme cela est ici solennellement attesté par la présence des Délégués des Épiscopats d’autres continents.
Chers amis, confions les travaux de l’Assemblée synodale pour le Moyen-Orient aux nombreux Saints et Saintes de cette terre bénie; invoquons sur elle la protection constante de la Bienheureuse Vierge Marie afin que les prochaines journées de prière, de réflexion et de communion fraternelle portent de bons fruits pour le présent et l’avenir des chères populations moyen-orientales. Nous leur adressons de tout coeur le souhait suivant: « Salut à toi, salut à ta maison, salut à tout ce qui t’appartient! » (1S 25,6).

Texte original: italien – Traduction distribuée par le secrétariat du Synode

Les catholiques en régions arabes et en Israël : rencontre avec le P. Neuhaus, sj

2 décembre, 2009

du site:

http://www.zenit.org/article-22834?l=french

Les catholiques en régions arabes et en Israël  : rencontre avec le P. Neuhaus, sj

Une petite communauté hébréophone représentée au synode d’octobre 2010

ROME, Mardi 1er décembre 2009 (ZENIT.org) – La communauté des catholiques d’expression hébraïque qui vivent en Israël est confiée aux soins pastoraux d’un vicaire patriarcal, le Rév. P. David Neuhaus, sj, qui vient de participer, à Rome, à la réunion annuelle de la Conférence des évêques latins des régions arabes (CELRA). Une partie de la communauté appartient au peuple juif et une autre partie vient des « nations » : elle forme « une seule communauté en Jésus Christ », dans l’Eglise catholique.

Le père David Neuhaus s.j. a bien voulu expliquer à Zenit la mission de la CELRA et la vie de la communauté dont il est spécialement responsable. Un synode rassemblera à Rome les Eglises du Moyen Orient en octobre 2010.

Zenit – La rencontre annuelle de la CELRA s’est tenue au Vatican du 16 au 19 novembre 2009 : qu’est-ce que la CELRA ?

P. David Neuhaus – La CELRA a été formée en 1963, un fruit du Concile et elle regroupe les évêques latins des régions arabes, c’est-à-dire (et cela n’est pas tout à fait évident à cause de la complexité de notre petit monde catholique du Proche Orient) : le Liban, la Syrie, l’Iraq, le Golfe arabe (qui inclut les principautés arabes, Arabie Saoudite, Yémen), Kuweit, Somalie et Djibouti, de l’Egypte et les quatre pays du Patriarcat latin de Jérusalem (la Jordanie, le Palestine, Israël et Chypre). La CELRA représente une réalité très diversifiée malgré un contexte majoritairement islamique et arabophone. Elle représente des catholiques qui sont arabes ou arabophones mais il y a également à la fois les chrétiens arabes et non-arabes qui vivent en milieu majoritairement juif dans l’Etat d’Israël, les catholiques qui vivent en milieu majoritairement grec-orthodoxe en Chypre et surtout les centaines de milliers d’ouvriers étrangers dans tous les pays de ces régions – des catholiques philippins, indiens, sri-lankais, soudanais, etc. Par exemple : dans les pays du Golfe et au Kuweit, la grande majorité des catholiques sont des ouvriers étrangers.
Le Patriarche de Jérusalem est le Président de la CELRA et les évêques de la CELRA se rencontrent une fois par an. Tous les deux ans, cette réunion se tient à Rome, comme cela a été le cas cette année. Il faut peut-être souligner que ce n’est pas évident d’être « latin », c’est-à-dire catholique romain, dans des régions qui font partie du monde chrétien d’orient  : dans certains de ces pays les catholiques latins sont une petite minorité parmi les catholiques qui sont pour la plupart des rites orientaux. Le dialogue avec les autres Eglises catholiques est essentiel.

Zenit – Sur quoi ont porté les travaux de Rome ?

P. David Neuhaus – Une partie essentielle de ces réunions est l’échange entre évêques sur la vie dans chacun de ces diocèses. La vie n’est simple nulle part. Partout il y a des grands défis touchant la survie de ces Eglises en milieu où les chrétiens sont très minoritaires et doivent parfois faire face aux problèmes multiples : la violence, les guerres, l’instabilité politique, sociale et économique, la discrimination, etc. Mais bien sûr il y a également de bonnes nouvelles parce nous sommes appelés à être le peuple de la Bonne Nouvelle. Malgré ces problèmes énormes, il y a partout des communautés pleines de vitalité et de joie. Il y a beaucoup d’initiatives pour renforcer la foi des fidèles, les former, renouveler leur sens de leur identité chrétienne et aider les pauvres et ceux qui souffrent. Une des bonnes nouvelles, qui a été une source de joie pour tous les participants, a été la béatification – à Nazareth quelques jours après notre réunion – de la fondatrice des Sœurs du Rosaire (très actives dans beaucoup de ces pays), la Bienheureuse Marie-Alphonsine Ghattas, une palestinienne de Jérusalem.

Une autre partie importante de ces réunions et spécialement quand elles se tiennent à Rome, sont les occasions de rencontrer les autorités ecclésiales et de s’informer sur les initiatives et les activités. Nous avons eu une rencontre avec le nouveau secrétaire de la Congrégation pour les Eglises orientales (dont notre conférence épiscopale fait partie), Mgr Cyril Vasil  ; nous avons eu l’occasion d’entendre le cardinal Jean-Louis Tauran sur les rapports avec le monde musulman  ; nous avons pris un temps plus long avec Mgr Vittorio Nozza de Caritas Italie pour nous informer du travail caritatif en Italie et pour approfondir notre compréhension de ce travail essentiel de l’Eglise. Chaque évêque a pu partager son expérience d’assistance caritative dans son diocèse et nous avons rendu compte du travail gigantesque que fait l’Eglise malgré notre très petit nombre.

On était aussi guidés par l’espérance de commencer déjà le travail de préparation pour le Synode pour l’Eglise au Proche-Orient (du 10 au 24 octobre 2010). De fait, nous avons rencontré le secrétaire du Synode, Mgr Nikola Eterovic, et avec lui nous avons pu discuter de certains aspects mais les détails resteront à voir après la publication des « lineamenta », dont nous attendons la parution.

Zenit – Vous avez rencontré Benoît XVI à cette occasion : que vous a-t-il dit ?

P. David Neuhaus – Le mercredi 18 novembre, nous avons été présents pour l’audience générale du Saint-Père. Au terme de l’audience, le Saint-Père a salué chacun des membres de la CELRA en assurant chacun de ses prières pour nos communautés. La cordialité chaleureuse du Saint-Père est toujours une grande consolation et il se souvenait de sa visite en Terre Sainte au mois de mai dernier, mais il se prépare également à une visite à Chypre en juin 2010  : une occasion pour remettre aux évêques catholiques de tout le Proche Orient l’« Instrumentum laboris » pour le Synode en octobre 2010.

Zenit – Vous êtes vicaire patriarcal pour la communauté catholique hébréophone : comment ce vicariat a-t-il été créé ?

P. David Neuhaus – En fait, notre petit Vicariat est inséré dans la CELRA parce que nous faisons partie du Patriarcat latin de Jérusalem mais nous ne vivons pas dans le monde islamique-arabophone mais plutôt dans le monde juif-hébréophone. Peut-être est-ce un signe eschatologique, une promesse de paix et de réconciliation que nous soyons présents dans cette conférence épiscopale parce que nous le croyons de tout notre cœur : « De ce qui était divisé, il a fait une unité. Dans sa chair, il a détruit le mur de séparation : la haine » (Ephésiens 2,14). Pour nous, le défi c’est de vivre profondément la communion avec nos frères et sœurs de foi, les Arabes chrétiens, dans un contexte de conflit national et notre réussite peut être un signe d’espoir pour notre pays.

Notre début date de 1955, quand les premiers pionniers, religieux, religieuses, prêtres et laïcs, ont fondé l’œuvre de Saint Jacques pour répondre à la nouvelle réalité de l’établissement de l’Etat d’Israël et l’immigration massive des juifs qui incluait ces juifs convertis, des conjoints catholiques des juifs et des catholiques qui venaient pour travailler en Israël. Pendant les premières années des communautés paroissiales en langue hébraïque ont été établies dans toutes les grandes villes pour des milliers de catholiques qui n’ont été pas arabes mais sont devenus des citoyens d’Israël ou des résidents à long terme. Les statuts fondateurs de l’œuvre soulignaient le travail pastoral mais également la consécration au dialogue avec le peuple juif et le travail pour la réconciliation. Ces communautés sont devenues également un lieu de prière pour la paix et un pont entre l’Eglise majoritairement arabe palestinienne et la population juive israélienne.

Prier en hébreu, vivre catholique en hébreu, vivre comme une minorité catholique dans une société juive, tout cela est une réalité très nouvelle pour l’Eglise. Les pionniers qui nous ont précédés ont fait un travail énorme pour traduire la liturgie, développer une musique sacrée en hébreu, créer un vocabulaire théologique chrétien en hébreu, commencer une présence chrétienne de réconciliation et de connaissance mutuelle au sein de la société juive.

Depuis ces premières années, le nombre de nos fidèles a diminué, pas uniquement à cause de l’émigration, mais plutôt à cause de l’assimilation. La nouvelle génération des catholiques israélienne hébréophone a tendance à trouver sa place dans la société juive laïque. Nous n’avons pas d’institutions éducatives ni d’autre type. Nos communautés très petites ne créent pas un milieu social pour nos jeunes qui tendent à se marier avec des juifs et très souvent nos jeunes se convertissent au judaïsme pour se marier. Notre plus grand défi aujourd’hui est d’essayer de tenter de transmettre la foi à la nouvelle génération pour qu’ils y trouvent non seulement intérêt mais également un soutien pour vivre leur quotidien.

Depuis une vingtaine d’années, ces communautés ont été enrichies par l’arrivée des vagues d’émigrés de l’ex-USSR. Ces centaines de milliers de russophones incluaient des dizaines de milliers de chrétiens et parmi eux un certain nombre de catholiques. Aujourd’hui nous avons aussi un apostolat en langue russe, mais leurs enfant sont devenus très vite hébréophones et maintenant le grand défi est de préserver la foi chrétienne de ces enfants et de les préparer pour une vie au sein d’une société juive, hébréophone en Israël.

En 1990, le Patriarche latin, Michel Sabbah, a nommé un Vicaire patriarcal pour ces communautés pour la première fois, le Père Abbé bénédictin Jean-Baptiste Gourion. En 2003, le Pape Jean-Paul II l’a élevé à l’épiscopat. Tout cela a aidé à donner une certaine visibilité à cette présence de l’Eglise en Israël.

Un nouveau défi important aujourd’hui est de s’ouvrir au monde des ouvriers étrangers qui viennent pour de longues périodes et qui apprennent l’hébreu pour leur travail. Parfois leurs enfants sont nés ici et vont à l’école en hébreu… ces enfants, par définition, deviennent eux aussi catholiques hébréophones.

Zenit – Combien de communautés sont ainsi sous votre responsabilité pastorale ?

P. David Neuhaus – Aujourd’hui nous avons six centres dans le pays et neuf prêtres qui nous servent. Le travail est véritablement de chercher les brebis perdues, ceux qui ne savent pas que cette Eglise hébréophone existe et qu’il est possible de vivre une vie catholique en hébreu au milieu de la société israélienne juive.

Zenit – Qu’attendez-vous du synode pour l’Eglise au Proche-Orient qui aura lieu à Rome du 10 au 24 octobre 2010 ?

P. David Neuhaus – Bien sûr ce Synode est prévu pour l’Eglise qui vit aujourd’hui dans un contexte majoritairement islamique et arabophone. Pourtant, avec toute la complexité que cela évoque, l’Etat d’Israël et la société juive font partie aujourd’hui de cette réalité du Proche Orient. La présence de notre Vicariat, même si cela sera une présence modeste et presque silencieuse, peut porter un témoignage chrétien important  : la coexistence, la réconciliation, le dialogue, l’enrichissement mutuel sont possibles !

Zenit – Ce petit troupeau a certainement besoin de soutien : comment manifester notre solidarité ?

P. David Neuhaus – En fait, nous sommes une Eglise presque invisible. Les églises, les institutions catholiques (écoles, hôpitaux, centres sociaux) sont ou arabophones ou étrangères. Nous nous réjouissons aujourd’hui que beaucoup de pèlerins viennent en Terre Sainte non pas uniquement pour retrouver les pierres des sanctuaires et des Lieux saints mais également pour retrouver les pierres vivantes – les communautés des chrétiens. Nous en faisons partie également. Nos frères et sœurs palestiniens arabes vivent dans une situation très difficile et nous nous réjouissons que le monde chrétien se montre très généreux à leur égard. Mais bien sûr nous avons nos besoins également et parfois c’est très difficile de trouver les moyens de faire le travail qu’il faut faire pour préserver cette expression essentielle de l’Eglise en Terre Sainte. Actuellement, nous avons plusieurs projets importants : publier une série de livres de catéchèse pour nos enfants (le premier « Connaître le Messie », vient de paraître avec une aide généreuse de l’organisation allemande, l’Aide à l’Eglise en détresse – Kirche in Not), organiser des activités de formation et de camps d’été pour les enfants, organiser des sessions pour les jeunes couples, former nos prêtres et nos catéchistes etc.

Nous avons lancé, il y a deux ans, un site Internet très actif en hébreu, russe, anglais et un peu en français et tous ceux qui veulent en savoir davantage peuvent s’y rendre et entrer en contact avec nous : www.catholic.co.il.

Propos recueillis par Anita S. Bourdin

Synode pour l’Afrique : Bilan du cardinal André Vingt-Trois

5 novembre, 2009

du site:

http://www.zenit.org/article-22536?l=french

Synode pour l’Afrique : Bilan du cardinal André Vingt-Trois

L’Église universelle a vécu à l’heure de l’Afrique

ROME, Mardi 3 novembre 2009 (ZENIT.org) – « Nous avons non seulement besoin de la présence de nos frères et de nos sœurs africains près de nous, ici, en France, mais nous avons besoin de l’Église en Afrique, à Madagascar et dans les Iles, pour que le corps tout entier de l’Église atteigne sa plénitude et que la force prophétique de l’Evangile ne soit pas simplement manifestée dans des conditions particulièrement favorables, mais qu’elle soit confrontée aux contraintes et aux difficultés propres au continent africain aujourd’hui », a déclaré le cardinal Vingt-Trois. Pendant un mois en effet, « l’Église universelle a vécu à l’heure de l’Afrique », et a démontré « le courage et la détermination des évêques africains ».

L’archevêque de Paris, président de la conférence des évêques de France, a en effet proposé à ses diocésains, des évêques d’Ile de France, des prêtres africains et des communautés africaines d’Ile-de-France, un bilan du synode des évêques pour l’Afrique – auquel il a participé à Rome du 4 au 25 octobre – à Notre Dame de Paris, dimanche dernier, 1er novembre 2009, à 17h00. Il a ensuite présidé les vêpres et la messe.

Allocution du Cardinal André Vingt-Trois

Introduction

Chers frères et sœurs, chers amis,

Je suis très heureux de vous retrouver cet après midi, pour vous partager ce que j’ai pu vivre durant les trois semaines de cette deuxième session spéciale pour l’Afrique du Synode des Evêques. Je salue les prêtres, religieux et religieuses africains qui nous font la joie de leur présence, avec les fidèles d’origine africaine qui habitent l’Ile de France qui ont répondu à mon invitation.

Je voudrais d’abord vous dire l’action de grâce et la fierté qui sont les miennes de ce que l’Église d’Afrique, de Madagascar et des Iles puisse réunir une délégation de plus de 180 Pères synodaux africains avec une telle lucidité dans l’analyse de leurs situations, une telle foi dans le discernement des causes, une telle espérance dans la possibilité de faire progresser la réconciliation, la Justice et la Paix dans un continent si souvent déchiré. Quinze ans après le premier Synode pour l’Afrique, les Pères synodaux ont pu mesurer le chemin parcouru depuis lors dans la mise en pratique de la dimension familiale de l’Église. Cette seconde réunion du Synode pour l’Afrique nous donnait le visage à la fois d’une jeune Église et d’une Église dans sa maturité.

Il me semble également important de souligner en commençant que par le Synode pour l’Afrique, l’Église universelle a vécu à l’heure de l’Afrique. Tous, nous y avons reçu non seulement le témoignage de la foi et de la vitalité de l’Église en Afrique, mais aussi un appel à la conversion de tous les chrétiens bien au delà de l’Afrique. Les évêques d’Afrique et des Iles accordaient une grande importance à ce que ce synode se déroule à Rome, au centre symbolique de l’Église universelle, et ne soit pas considérée comme une simple question régionale ou locale, ce qui aurait pu être le cas s’il s’était déroulé en Afrique. Ils auraient craint qu’alors l’impression soit donnée que ce travail se faisait entre africains, alors que les perspectives évoquées concernent l’Église universelle.

Une lecture contrastée des réalités vécues sur ce continent.

Le synode s’est livré à une lecture contrastée des réalités de l’Afrique et des Iles. Bien sûr, ce contraste vient d’abord des différences entre les pays de ce continent : Petites îles du Pacifique, Madagascar, Afrique du Nord, Egypte, Afrique subsaharienne, Afrique centrale, Afrique du Sud… Mais plus profondément, le contraste provient des contradictions inhérentes à l’intérieur de chaque région et de chaque pays. Je voudrais ainsi relever quatre exemples de ces contrastes.

Richesses et misère

L’Afrique est riche d’une population jeune. Dans certains pays plus de 60% de la population a moins de 20 ans. Nous savons aussi que ce continent est fort des richesses naturelles parmi les plus importantes du monde, y compris en eau. Mais simultanément, il faut constater une misère sanitaire et une misère alimentaire qui conduit à des carences alimentaires pour beaucoup et confine à la famine dans certaines régions.

Le directeur général de la FAO qui est intervenu devant le Synode, et qui est sénégalais, nous a expliqué très simplement comment certaines régions d’Afrique ont une production agricole largement suffisante pour la subsistance du pays, mais qui ne peut pas être acheminée faute d’infrastructures pour les transports.

Luttes et réconciliation

Il y a un deuxième contraste entre d’une part les luttes interethniques ou fratricides qui divisent les ethnies les unes par rapport aux autres et les conflits internationaux dont nous avons souvent les échos à travers les informations générales et la presse et d’autre part une tradition ancienne de la société africaine qui est capable de mettre en place des procédures de réconciliation efficace. On a cité l’exemple de plusieurs pays qui se sont engagés dans un lent travail de réconciliation nationale : l’Afrique du Sud dont l’exemple est souvent cité mais aussi d’autres nations.

Rencontre avec les autres religions

La forme de la rencontre – qui peut être une confrontation – du christianisme avec la religion traditionnelle africaine et avec l’Islam varie beaucoup selon les pays. Et à ces deux religions très insérées dans la tradition culturelle et le tissu social africain, on pourrait ajouter l’influence des groupes évangélistes et de leur messianisme immédiat.

Dans certains cas, le christianisme est largement majoritaire, dans d’autres il ne représente qu’une infime minorité, voire une religion d’étrangers, comme dans le Maghreb. Et il ne faut pas non plus oublier aussi la situation de Madagascar et des Iles où le christianisme est confronté aux religions asiatiques par les phénomènes de migration.

La cohabitation avec les musulmans (qui est une réalité plus précise que celle de la cohabitation avec l’Islam) est vécue et réfléchie avec beaucoup de prudence et d’ouverture. Bien loin des fantasmes du « choc des civilisations », les évêques d’Afrique sont vigilants sur plusieurs points. Il y a d’abord le souci d’une coopération sociale chaque fois qu’elle est possible, au service du bien commun et au plus près du terrain et des réalités vécues. Ensuite, les évêques veillent au respect du droit fondamental de la liberté de culte, quelle que soit la religion majoritaire. Troisièmement, et plus difficilement, ils affirment le droit à la liberté de conscience, c’est-à-dire la possibilité concrète de changer de religion sans encourir l’exclusion sociale, la marginalisation, la persécution ou risquer sa vie.

Formes de gouvernement

Enfin, il existe un fort contraste entre des pays où les modes de gouvernement ont beaucoup progressés et où la démocratie s’affermit, et ceux qui sont ruinés par l’impéritie et les malversations des gouvernants et du personnel public.

On pourrait continuer d’aligner des contrastes de ce genre. Ils nous aident simplement à éviter de se faire une idée simpliste de l’Afrique et de la situation de l’Église en Afrique.

Des grandes dépendances.

Ce synode a permis de réfléchir à la question très importante des grandes dépendances auxquelles sont soumis les Africains. Evidemment, comme Européens, nous avons tous présent à l’esprit la dépendance du climat et des risques naturels, mais ce n’est pas ce qui préoccupe le plus les évêques d’Afrique. Ils soulignent plutôt trois autres types de dépendance.

Tout d’abord l’imposition d’une exploitation anarchique des ressources, qui se manifeste dans l’anarchie écologique née de l’exploitation sauvage des ressources naturelles, et dans l’anarchie financière à cause de la manière dont sont établis les contrats internationaux, avec la corruption qui en découle.

Ensuite, ce Synode a mis en lumière la domination économique des pays industriels qui se nourrissent toujours des richesses de l’Afrique, qui exploitent les matières premières et la production agricole. Car si la décolonisation a changé le statut politique, elle n’a pas forcément changé le statut économique.

Enfin, et plus peut-être plus grave encore, il y a la dépendance morale devant l’invasion militante ou insidieuse des modèles et des standards de vie occidentaux. Les organisations internationales qui contribuent au financement d’un certain nombre d’états, et certaines ONG, font pression pour imposer leurs critères anthropologiques et moraux. D’une certaine façon, on peut dire que se développe une pratique de l’aide conditionnelle. Si l’expérience historique de l’Europe peut éclairer ce point, je dirais que nous sommes devant une version moderne du paternalisme européen du XIXème siècle. A l’époque, on nourrissait et on soignait les miséreux en les exhortant à vivre moralement. Aujourd’hui, on est assez cynique pour nourrir et soigner la misère au prix de l’abandon des traditions antiques de la société africaine. C’est du paternalisme à rebours, non pas pour moraliser les hommes mais pour les arracher à leurs repères éthiques.

Des objectifs de renouveau.

Nourrir un regard d’espérance

J’ai trouvé particulièrement stimulant et important d’entendre que les évêques africains se situent délibérément en dehors de toute fatalité, et ce aussi bien dans l’Assemblée générale du Synode où les pères intervenaient successivement les uns après les autres, que dans les groupes de travail linguistique où nous étions une petite vingtaine autour d’une table. Les évêques pensent, croient et espèrent que l’Afrique a le moyen de vivre, qu’ils ne doivent pas succomber perpétuellement à l’humiliation de l’assistance, que des gouvernants efficaces se lèveront plus nombreux pour permettre que les ressources de l’Afrique soient vraiment au service des peuples africains et non pas au service de certaines familles ou de certains clans. Sans cette espérance, ils craindraient avec raison la violence suicidaire et le désespoir social de jeunes hommes et de jeunes femmes arrachés au cadre habituel de leur existence et jetés sans aucun projet de vie autour des grandes villes. Car quand on n’a plus rien, on n’a rien à sauvegarder, on peut tout perdre.

Le premier objectif est donc de nourrir cette conviction que les hommes et les femmes de l’Afrique sont réellement capables aujourd’hui de surmonter les handicaps de leur situation pourvu que la gouvernance de leurs états soit raisonnable et transparente.

Une Église prophétique

Un second objectif consiste à mettre en œuvre la mission prophétique de l’Église. J’ai évoqué tout à l’heure l’expression « d’Église : Famille de Dieu » qui était sorti de la première session du Synode pour l’Afrique en 1994. Cette année, la valeur d’une Église prophétique revenait constamment. Mais encore faut-il comprendre ce que recouvre cette réalité. Pour les évêques présents, à travers ce que j’ai entendu, une Église prophétique est une Église qui annonce une espérance réaliste, qui porte sur les peuples d’Afrique un regard positif et qui espère qu’ils peuvent non seulement se convertir mais qu’ils peuvent transformer leur pays.

Prophétique est d’abord le signe que l’Église donne (ou s’efforce de donner), en constituant une « famille de Dieu » qui dépasse les divisions ethniques, culturelles, nationales et continentales. De ce point de vue, la tenue du Synode fait elle-même partie de cette dimension prophétique : dans le groupe linguistique auquel je participais, pratiquement 15 pays différents étaient représentés, depuis le Maghreb jusqu’à l’Afrique du Sud, depuis l’Egypte jusqu’à l’Afrique de l’Ouest. Et, à travers une demi-douzaine de séances de travail, les représentants de ces différents épiscopat, montraient qu’ils étaient capables de faire quelque chose ensemble, d’assumer leur différence, de reconnaître leur tradition et leur héritage, mais aussi de faire fructifier ces différences pour la fécondité de l’Église. Ce signe, les évêques veulent le donner aussi dans chacun de leur pays, en faisant vivre des communautés d’Églises vivantes (qu’en d’autres lieux on aurait appelé des communautés de base) qui soient des cellules où se développe l’expérience de la fraternité et de la réconciliation. Les communautés religieuses ont un rôle particulier dans ce témoignage prophétique, dans la mesure où elles assemblent dans des communautés uniques, des représentants de nationalité, de culture et d’ethnies différentes.

Dans ce témoignage prophétique le Synode a voulu souligner un certain nombre de points particuliers que je vais évoquer maintenant.

L’Église témoigne de cette espérance par sa lutte incessante contre les fléaux sanitaires, en particulier contre le sida où elle est fortement engagée par des programmes de prévention, d’accueil et de soin. Le message du Synode dans son numéro 31 résume cette implication de l’Église au quotidien.

« L’Église est sans pareille dans la lutte contre le sida et dans les soins apportés à ceux qui en sont infectés et affectés en Afrique. Le Synode remercie tous ceux qui s’impliquent généreusement dans ce difficile apostolat d’amour et de compassion. Nous plaidons pour qu’un soutien ininterrompu soit apporté pour les besoins de la cause. D’accord avec le Pape Benoît XVI, ce Synode avertit solennellement que le problème ne saurait se résoudre par la distribution de prophylactiques. Nous en appelons à la conscience de ceux qui sont vraiment intéressés à arrêter la transmission du sida par voie sexuelle, pour qu’ils reconnaissent les succès déjà obtenus (et connus) par les programmes qui proposent l’abstinence pour les non mariés et la fidélité pour les mariés. Une telle ligne d’action procure non seulement une meilleure protection contre l’expansion du mal, mais aussi se situe en harmonie avec la morale chrétienne. Nous nous adressons à vous les jeunes, que personne ne vous laisse croire que vous ne pouvez pas vous maitriser. Oui ! Vous le pouvez avec la grâce de Dieu. » (Proposition n.31)

L’Église agit prophétiquement également par son engagement social et politique pour la réconciliation entre les ethnies et entre les peuples. Dans beaucoup de pays d’Afrique, des commissions nationales de conciliation ou de réconciliation, ou des commissions de gestion de crise, associent habituellement des représentants des grandes religions à leurs travaux, et même si les catholiques sont minoritaires dans leur pays ils sont toujours sollicités et accueillis avec intérêt pour leur contribution à ce travail.

Mais plus largement, l’Église agit prophétiquement en appelant les responsables politiques au respect de la démocratie et à la lutte contre la corruption active et passive et en s’engageant fermement à l’égard des dirigeants chrétiens qu’elle exhorte. Je cite ici l’appel du Synode dans son message final :

« Plusieurs catholiques, exerçant de hautes fonctions n’ont malheureusement pas été performants. Le Synode invite ces gens à se convertir, ou à quitter la scène publique pour ne pas causer des dégâts au sein du peuple et salir la réputation de l’Église Catholique ». (Message n°23)

Prophétique aussi est l’implication de l’Église dans le développement économique et la réalisation de micro projets, prophétique est l’appel qu’elle adresse à ses membres de pratiquer la gouvernance de l’Église d’une façon transparente et désintéressée, prophétique par le soutien qu’elle apporte aux familles et à leur stabilité, prophétique par son engagement dans la promotion de la femme africaine…

Cette dimension prophétique de la mission de l’Église, le Synode l’a exercé en lançant un certain nombre d’appel :

Dans un domaine particulièrement sensible, qui a été longuement discuté à différents niveaux en assemblée générale et en groupe linguistique, le Synode a exhorté à lutter contre les pratiques de magie et de sorcellerie et surtout contre les désastres qu’elles causent dans les groupes sociaux et les familles, par exemple quand les accusations mensongères de sorcelleries aboutissent à l’exécution des intéressés.

Une vigilance particulière a été demandée à l’égard des enfants et des femmes qui sont les premières victimes des violences armées, mais plus largement à l’égard des enfants abandonnés non scolarisés, des enfants travailleurs, des enfants soldats et des enfants victimes des violences communes.

Le Synode a lancé un appel aux hommes africains pour qu’ils assument leurs rôles de pères responsables, de bons et fidèles époux et de responsables dans la société.

Le Synode a fait un appel pressant aux grandes puissances de ce monde.

« Aux grandes puissances de ce monde, nous disons : traitez l’Afrique avec respect et dignité. L’Afrique en appelle à un changement de l’ordre économique mondial, à cause des structures injustes qui s’entassaient sur elle. La récente turbulence dans le monde financier démontre qu’il est temps d’opérer des changements radicaux dans les règles du jeu. Mais ce serait une autre tragédie si ce réajustement devait viser les intérêts des riches au détriment des pauvres. La plupart des conflits, des guerres et des situations de pauvreté en Afrique proviennent essentiellement de structures injustes…. Un ordre mondial juste et nouveau n’est pas seulement possible, mais nécessaire pour le bien de toute l’humanité. Un changement est nécessaire pour ce qui concerne le poids de la dette pesant sur les nations pauvres, mortel pour leurs enfants. Les multinationales doivent arrêter la dévastation criminelle de l’environnement dans leur exploitation vorace des ressources naturelles. C’est une politique à courte vue qui fomente des guerres pour obtenir des gains rapides à partir du chaos, au prix des vies humaines et du sang répandu. N’y aurait-il personne dans leur rang qui soit capable et désireux d’arrêter ces crimes contre l’humanité. » (Propositions n° 32 et 33)

Enfin, et par-dessus tout, le plus important est l’appel lancé aux chrétiens pour qu’ils soient lumière du monde et sel de la terre, témoins de l’Evangile dans la vie quotidienne et témoins de la foi dans la rencontre avec les autres religions. Pour leur permettre de rendre ce témoignage et d’assumer leur responsabilité de laïcs dans l’Église, le développement de la formation est indispensable à tous les niveaux : formation de la jeunesse, formation des adultes, formation supérieure dans les universités catholiques.

Conclusion

En conclusion je voudrais vous lire un dernier passage du message du Synode. Je pense qu’il évoque avec puissance le courage et la détermination des évêques africains qui étaient réunis.

« Le Synode s’attriste en remarquant que c’est la honte qui caractérise plus d’un pays africain. Nous pensons en particulier au cas lamentable de la Somalie empêtrée dans de violents conflits depuis près de deux décennies, avec des conséquences sur les nations avoisinantes. Nous n’oublions pas non plus la tragédie des millions de personnes dans la région des Grands Lacs et la durable crise au nord de l’Ouganda, au sud Soudan, au Darfour, en Guinée Conakry, et en d’autres endroits. Les gouvernants de ces nations doivent prendre leur responsabilité devant leurs prestations génératrices de douleur. En bien des cas, on se trouve devant la situation de soif du pouvoir et des richesses au détriment du peuple et de la nation. Quel que soit le niveau de responsabilité attribuable aux intérêts étrangers, on ne peut nier une honteuse et tragique complicité des leaders locaux : des politiciens qui trahissent et mettent leurs nations aux enchères, des hommes d’affaires éhontés qui se coalisent avec les multinationales voraces, des africains vendeurs et trafiquants d’armes qui spéculent sur les armes légères cause de la destruction de vies humaines, des agents locaux d’organisations internationales qui se font payer pour diffuser des idéologies nocives auxquelles ils n’adhérent pas eux-mêmes.

Les conséquences néfastes de toutes ces menées ne sont cachées pour personnes : pauvreté, misère et maladie, des réfugiés dedans, dehors et outre-mer, recherche d’une meilleure vie qui conduit la fuite des cerveaux, migrations clandestines, trafics d’hommes, guerres, effusion de sang, souvent par personnes interposées, atrocité d’enfants soldats, l’indicible violence faite aux femmes. Comment peut-on être fier de régner sur un tel chaos ? Qu’est devenue la pudeur traditionnelle africaine ? Ce Synode le proclame haut et fort : le temps est venu de changer des habitudes pour l’amour du présent et des générations futures. » (Propositions n° 36-37)

Dimanche dernier, le Saint Père a clôturé le Synode par la célébration de l’Eucharistie. L’évangile était celui de la guérison de Bartimée. L’homélie de Benoît XVI a souligné que ces quelques versets devaient être été reçus et entendus comme une lumière d’espérance sur la situation de l’Afrique :

« ‘Confiance, lève-toi, il t’appelle’. C’est ainsi qu’aujourd’hui le Seigneur de la vie et de l’espérance s’adresse à l’Église et aux populations africaines, au terme de ces semaines de réflexion synodale. Lève-toi, Église en Afrique, famille de Dieu, parce que le Père céleste t’appelle…. Entreprends le chemin d’une nouvelle évangélisation avec le courage qui te vient de l’Esprit-Saint. L’action d’évangélisation urgente (…) comporte également un appel pressant à la réconciliation, condition indispensable pour instaurer en Afrique des rapports de justice entre les hommes et pour construire une paix équitable et durable, dans le respect de chaque individu et de tous les peuples… Dans cette mission de grande importance, toi, Église pèlerine dans l’Afrique du troisième millénaire, tu n’es pas seule. Toute l’Église catholique t’est proche par la prière et la solidarité active, et du ciel t’accompagnent les saints et les saintes africains qui, par leur vie et parfois leur martyre, ont témoigné leur pleine fidélité au Christ. »

Frères et sœurs, cet appel vibrant adressé par le Pape Benoît XVI aux pères synodaux, et à travers eux à tous les catholiques d’Afrique, de Madagascar et des Iles du Pacifique est aussi un appel lancé, comme les pères synodaux nous l’ont dit, au-delà des limites de l’Afrique et donc à nous. Car si l’Afrique peut nourrir une espérance légitime pour l’avenir, c’est aussi une espérance pour l’ensemble de l’Église. Si l’Église qui est en Afrique a besoin de s’appuyer sur la solidarité et la fraternité des autres Eglises locales, c’est d’abord pour trouver les moyens de mettre en valeur ses ressources et ses richesses, ses richesses naturelles et ses richesses humaines. Si l’Afrique a besoin de nous, j’ai surtout découvert durant ces trois semaines à Rome que nous avons plus encore besoin de l’Afrique. En effet, nous avons non seulement besoin de la présence de nos frères et de nos sœurs africains près de nous, ici, en France, mais nous avons besoin de l’Église en Afrique, à Madagascar et dans les Iles, pour que le corps tout entier de l’Église atteigne sa plénitude et que la force prophétique de l’Evangile ne soit pas simplement manifestée dans des conditions particulièrement favorables, mais qu’elle soit confrontée aux contraintes et aux difficultés propres au continent africain aujourd’hui. Alors tous pourront voir que Dieu n’abandonne pas son peuple, qu’Il est présent et vivant au cœur de son Église en Afrique et dans le monde entier.

Je vous remercie.

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