Archive pour la catégorie 'Synode 2008'

par Bartholomée Ier : « Nos espoirs augmentent de voir un jour nos deux Eglises converger pleinement »

22 octobre, 2008

du site: 

http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/208818?fr=y

« Nos espoirs augmentent de voir un jour nos deux Eglises converger pleinement »

Le texte intégral du discours du patriarche œcuménique de Constantinople au synode des évêques de l’Eglise catholique, prononcé à la Chapelle Sixtine samedi 18 octobre 2008 par Bartholomée Ier

Sainteté, Pères synodaux, j’éprouve un sentiment d’humilité mais également d’enthousiasme à avoir été gracieusement invité par Votre Sainteté à m’adresser à la XIIe Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques, une rencontre historique d’Évêques de l’Église catholique romaine provenant du monde entier, réunis en un même lieu afin de méditer sur “la Parole de Dieu” et de délibérer à propos de l’expérience et de l’expression de cette Parole “dans la vie et la mission de l’Église”. Cette aimable invitation de Sa Sainteté à notre modeste personne est un geste plein de sens et de signification – nous dirions même un événement historique en soi. C’est en effet la première fois dans l’histoire qu’un Patriarche oecuménique se voit offrir la possibilité de s’adresser à un Synode des Évêques de l’Église catholique romaine, et donc de faire partie de la vie de l’Église soeur à un si haut niveau. Nous considérons cela comme une manifestation du travail du Saint Esprit qui conduit nos Églises à des relations réciproques plus étroites et plus profondes et comme une étape importante en vue de la restauration de notre pleine communion.

Il est bien connu que l’Église orthodoxe attache une importance ecclésiologique fondamentale au système synodal. Avec la primauté, la synodalité constitue le pilier du gouvernement de l’Église et de son organisation. Ainsi que l’a indiqué la Commission internationale conjointe pour le Dialogue théologique existant entre nos deux Églises dans son document de Ravenne, l’interdépendance entre synodalité et primauté traverse tous les niveaux de la vie de l’Église: local, régional et universel. Dès lors, en ayant aujourd’hui le privilège de nous adresser à votre Synode, nos espoirs augmentent de voir un jour nos deux Églises converger pleinement sur le rôle de la primauté et de la synodalité dans la vie de l’Église, ce à quoi notre Commission théologique commune dédie actuellement ses études.

Le thème auquel ce synode épiscopal dédie son travail revêt une signification cruciale non seulement pour l’Église catholique romaine mais également pour tous ceux qui sont appelés à témoigner le Christ dans notre temps. La mission et l’évangélisation demeurent un devoir permanent de l’Église dans tous les temps et en tout lieu; elles font partie de la nature de l’Église puisqu’elle est appelée “Apostolique” tout à la fois dans le sens de l’origine de sa foi, enracinée dans l’enseignement original des Apôtres, et en ce qu’elle proclame la Parole de Dieu dans tous les contextes culturels, à tout moment. L’Église doit donc redécouvrir la Parole de Dieu à chaque génération et l’adresser avec une vigueur et une persuasion renouvelées à notre monde contemporain qui, au fond de son coeur, a soif du message de paix, d’espoir et de charité de Dieu.

Ce devoir d’évangélisation serait grandement valorisé et renforcé si tous les chrétiens se trouvaient dans une position à partir de laquelle ils pourraient la mener d’une seule voix et comme une Église pleinement unie. Dans sa prière au Père peu avant Sa passion, notre Seigneur a exprimé clairement que l’unité de l’Église est inaltérable en ce qui concerne sa mission “afin que le monde croie” (Jn 17, 21). Il est donc fort approprié que ce Synode ait ouvert ses portes aux délégués fraternels oecuméniques de façon à ce que nous puissions tous devenir conscients de notre mission commune d’évangélisation et des difficultés et problèmes liés à sa réalisation dans le monde d’aujourd’hui.

Ce Synode a, sans aucun doute, étudié le thème de la Parole de Dieu en profondeur et dans tous ses aspects, théologique, pratique et pastoral. Dans notre modeste intervention, nous nous limiterons à partager avec vous des réflexions sur le thème de notre rencontre, partant de la manière dont la tradition orthodoxe l’a approché au cours des siècles et en particulier à partir des enseignements de la patristique grecque.

Plus concrètement, nous voudrions nous concentrer sur trois aspects du thème, à savoir, l’écoute et la proclamation de la Parole de Dieu au travers des Écritures Saintes; la contemplation de la Parole de Dieu dans la nature et par dessus tout dans la beauté des icônes et enfin l’expérience et le partage de la Parole de Dieu dans la communion des saints et la vie sacramentelle de l’Église. Nous estimons qu’ils sont tous fondamentaux dans la vie et la mission de l’Église.

Ce faisant, nous cherchons à partir de la riche tradition patristique datant du début du IIIe siècle et qui expose une doctrine de cinq sens spirituels. Écouter la Parole de Dieu, contempler la Parole de Dieu et toucher la Parole de Dieu sont autant de manières spirituelles de percevoir l’unique mystère divin. Se basant sur le livre des Proverbes (2, 5) à propos de “tu trouveras la connaissance de Dieu” (αἴσθήσιϛ), Origène d’Alexandrie s’exclame: Ce sens se révèle comme la vue pour la contemplation des formes immatérielles, l’écoute pour le discernement des voix, le goût pour savourer le pain vivant, l’odorat pour sentir de doux parfums spirituels et le toucher pour manier la Parole de Dieu qui est comprise par toutes les facultés de l’âme.

Les sens spirituels sont décrits de manière diverses comme “cinq sens de l’âme”, facultés “divines” ou “facultés intérieures” et même comme “facultés du coeur” ou de l’“esprit”. Cette doctrine a inspiré la théologie des Cappadociens (spécialement Basile le Grand et Grégoire de Nysse) tout comme il l’a fait pour la théologie des Pères du Désert (en particulier Évagre le Pontique et Macaire le Grand).

1. Écouter et proclamer la Parole de Dieu au travers de l’Écriture

Lors de chaque célébration de la Divine Liturgie de Saint Jean Chrysostome, le célébrant qui préside l’Eucharistie prie “que nous soyons rendus dignes d’écouter le Saint Évangile”. C’est pourquoi, “ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie” (1 Jn 1,1) n’est pas d’abord et avant tout l’une de nos facultés ou un droit en tant qu’êtres humains; c’est un privilège et un don en tant qu’enfants du Dieu vivant. L’Église chrétienne est, avant tout, une Église scripturaire. Même si les méthodes d’interprétation ont pu varier d’un Père de l’Église à l’autre, d’une ”école” à l’autre et entre l’Orient et l’Occident, l’Écriture était toujours reçue comme une réalité vivante et non pas comme lettre morte.

Dans le contexte d’une foi vivante donc, l’Écriture est le témoin vivant d’une histoire vécue parlant du rapport entre un Dieu vivant et son peuple vivant. La Parole “qui a parlé par les prophètes” (Symbole de Nicée-Constantinople) a parlé en vue d’être écoutée et d’être suivie d’effet. Il s’agit tout d’abord d’une communication orale et directe conçue pour des destinataires humains. Le texte écrit est, par suite, dérivé et secondaire; le texte écrit est toujours au service de la parole prononcée. Elle n’est pas transmise de manière mécanique mais communiquée de génération en génération comme une parole vivante. Par la bouche du prophète Isaïe, le Seigneur promet: “De même que la pluie et la neige descendent des cieux et n’y retournent pas sans avoir arrosé la terre… ainsi en est-il de la parole qui sort de ma bouche, elle ne revient pas vers moi sans effet, sans avoir accompli ce que j’ai voulu” (Is 55, 10-11).

De plus, ainsi que l’explique Saint Jean Chysostome, la Parole divine démontre la profonde considération (sunkatábasis) pour la diversité des personnes et des contextes culturels de ceux qui écoutent et reçoivent. L’adaptation de la Parole divine à la capacité spécifique personnelle et le contexte culturel particulier définit la dimension missionnaire de l’Église qui est appelée à transformer le monde par la Parole. En silence comme par le biais de déclarations, en prière ou en actes, la Parole divine s’adresse au monde entier, “de toutes les nations faites des disciples” (Mt 28, 19) sans aucun privilège ou préjudice de race, de culture, de sexe ou de classe. Lorsque nous portons à terme ce mandat divin, nous sommes assurés que “voici que je suis avec vous pour toujours” (Mt 28, 20). Nous sommes appelés à proclamer la Parole divine dans toutes les langues, “Je me suis fait tout à tous, afin [que nous puissions en] sauver à tout prix quelques-uns” (1Co 9, 22).

En outre, en tant que disciples de la Parole de Dieu, il est aujourd’hui encore plus nécessaire que jamais que nous fournissions une seule perspective – au-delà de celles d’ordre social, politique ou économique – à propos de la nécessité d’éradiquer la pauvreté, de pourvoir à un monde globalement équilibré, de combattre le fondamentalisme ou le racisme et de développer la tolérance religieuse dans un monde conflictuel. En répondant aux besoins des pauvres, des vulnérables et des marginaux du monde, l’Église peut s’avérer être un repère dans l’espace et un acteur de la communauté mondiale. Alors que le langage théologique de la religion et de la spiritualité diffère du vocabulaire technique de l’économie et de la politique, les barrières qui, dans un premier temps, semblent séparer les préoccupations religieuses (telles que le péché, le salut et la spiritualité) des intérêts pragmatiques (tels que le commerce, les affaires et la politique) ne sont pas impénétrables et s’écroulent devant les multiples défis de la justice sociale et de la mondialisation.

Que cela concerne l’environnement ou la paix, la pauvreté ou la faim, l’éducation ou l’assistance sanitaire, il existe aujourd’hui un très haut degré de préoccupation et de responsabilité communes qui est ressenti de manière particulièrement forte par les personnes de foi tout comme par ceux dont les perspectives sont expressément laïques. Notre engagement sur ces sujets n’ébranle pas ou n’abolit pas les différences existant entre les disciplines ou les désaccords avec ceux qui regardent le monde de manières différentes. Désormais, les signes croissants d’un attachement commun au bien-être de l’humanité et de la vie du monde sont encourageants. Il s’agit d’une rencontre de personnes et d’institutions qui laisse bien présager pour notre monde. Et c’est une participation qui met l’accent sur la vocation suprême et sur la mission des disciples et des adhérents à la Parole de Dieu qui consiste à transcender les différences politiques ou religieuses de manière à transformer l’ensemble du monde visible pour la gloire du Dieu invisible.

2. Contempler la Parole de Dieu – La beauté des icônes et de la nature

L’invisible a jamais été plus visible que dans la beauté de l’iconographie et les merveilles de la création. Selon les mots du roi des images sacrés, saint Jean de Damas: “En tant qu’artisan du ciel et de la terre, Dieu le Verbe a été Lui-même le premier à peindre et à représenter les icônes”. Chaque coup de pinceau d’un iconographe – comme chaque mot d’une définition théologique, chaque note musicale psalmodiée, et chaque pierre taillée d’une petite chapelle ou d’une superbe cathédrale – exprime la Parole divine dans la création, qui loue Dieu en chaque être vivant et en tout ce qui est vivant.(cf. Ps 150, 6)

En confirmant les images sacrées, le Septième Concile oecuménique de Nicée n’était pas intéressé à l’art religieux; c’était la continuation et la confirmation des premières définitions sur la plénitude de l’humanité de la Parole de Dieu. Les icônes sont un rappel visible de notre vocation divine; elles représentent une invitation à nous élever au-dessus de nos préoccupations futiles et des questions réductrices de ce monde. Elles nous encouragent à chercher l’extraordinaire dans le très ordinaire, à nous remplir du même émerveillement qui caractérise la stupeur divine dans Genèse: “Dieu vit tout ce qu’il avait fait : cela était très bon.” (Gn 1, 30-31). Le terme grec (Septante) pour “bonté” est « kállos », qui implique – étymologiquement et symboliquement – un sens d’“appel”. Les icônes soulignent la mission fondamentale de l’Église consistant à reconnaître que toutes les personnes et toutes les choses sont créées et appelées à être “bonnes” et “belles”.

En effet, les icônes nous rappellent une autre façon de voir les choses, une autre façon de vivre les réalités, une autre façon de résoudre les conflits. Nous sommes invités à assumer ce que l’hymnologie du Dimanche de Pâques appelle “une autre façon de vivre”. Car nous avons eu un comportement arrogant et méprisant envers la création naturelle. Nous avons refusé de voir la Parole de Dieu dans les océans de notre planète, dans les arbres de nos continents, et dans les animaux de notre terre. Nous avons renié notre propre nature, qui nous appelle à nous baisser suffisamment pour écouter la Parole de Dieu dans la création, si nous vous voulons devenir “participants de la nature divine” (2P 1,4). Comment pouvons-nous ignorer les vastes implications de la Parole divine qui se fait chair? Pourquoi n’avons-nous pas perçu la nature créée comme l’extension du Corps du Christ?

Les théologiens chrétiens orientaux mettent toujours en évidence les dimensions cosmiques de l’incarnation divine. La Parole incarnée est intrinsèque à la création, qui est issue de l’énoncé divin. Saint Maxime le Confesseur insiste sur la présence de la Parole de Dieu en toute chose (cf. Col 3,11); le Logos divin demeure au centre du monde, révélant mystérieusement son principe premier et son but ultime (cf. 1P 1,20). Ce mystère est décrit par saint Athanase d’Alexandrie. Le Logos [écrit-il] n’est contenu par aucune chose mais il contient tout. Il est en toute chose tout en étant en dehors de toute chose… le premier-né du monde entier sous tous ses aspects.

Le monde entier est un prologue à l’Évangile de Jean. Et quand l’Église ne reconnaît pas les dimensions plus larges, cosmiques de la Parole de Dieu, et qu’elle limite ses préoccupations aux questions purement spirituelles, alors elle néglige sa mission consistant à implorer Dieu de transformer – en tout temps et en tout lieu, “ dans tous les lieux de son dominion” – tout le cosmos pollué. Il n’est pas étonnant que, le Dimanche de Pâques, quand la célébration pascale atteint son point culminant, les chrétiens orthodoxes chantent: « Maintenant tout est rempli de lumière divine: le ciel et la terre, et toutes les choses sous la terre. Que la création tout entière se réjouisse ».

Toute “écologie profonde” authentique est donc indissolublement liée à la théologie profonde. “Même une pierre”, écrit Basile le Grand, “porte le sceau de la Parole de Dieu. Cela est vrai pour une fourmi, une abeille et un moustique, les créatures les plus petites. Car Il déploie les vastes océans et étale les immenses mers; et Il crée l’aiguillon creux de l’abeille.” En nous rappelant notre condition infime dans la création vaste et merveilleuse de Dieu, il souligne seulement notre rôle central dans le plan de salut de Dieu pour le monde entier.

3. Toucher et partager la Parole de Dieu – La communion des saints et les sacrements de la vie

La Parole de Dieu “sort à l’extérieur de Lui en extase” avec persistance (Denis l’Aéropagite) cherchant avec passion à “habiter parmi nous” (Jn 1,14), pour que le monde ait la vie en abondance. (Jn 10,10). La miséricorde de Dieu est répandue et partagée “afin de multiplier les objets de sa bienfaisance” (Grégoire le Théologien) Dieu assume tout ce qui est à nous, “lui qui a été éprouvé en tout, d’une manière semblable, à l’exception du péché.” (He 4,15, afin de nous offrir tout ce qui est à Dieu et faire de nous des dieux par la grâce. “Pour vous [Il] s’est fait pauvre, de riche qu’il était, afin de vous enrichir par sa pauvreté.”, écrit le grand Apôtre Paul (2 Co 8,9), à qui cette année est à pertinemment dédiée. Telle est la Parole de Dieu; nous lui rendons grâce et gloire.

La Parole de Dieu a son incarnation la plus profonde dans la création, avant tout dans le Sacrement de la Sainte Eucharistie. C’est là que la Parole devient chair et nous permet non pas simplement de l’écouter ou de le voir, mais aussi de le toucher de nos propres mains, comme le déclare saint Jean (1 Jn 1,1) et faire de Lui une partie de notre corps et de notre sang (sússomoi kai súnaimoi) selon les paroles de saint Jean Chrysostome.

Dans la Sainte Eucharistie, la Parole entendue est à la fois vue et partagée (koinonía). Ce n’est pas un hasard si dans les premiers documents eucharistiques, comme le livre de la Révélation et la Didachée, l’Eucharistie était associée à la prophétie, et les évêques qui la célébraient étaient considérés comme les successeurs des prophètes (par ex. Martirion Polycarpi). L’Eucharistie était déjà décrite par saint Paul (1 Co 11) comme la “proclamation” de la mort de Jésus et sa deuxième Venue. Le but de l’Écriture étant fondamentalement la proclamation du Royaume et l’annonce des réalités eschatologiques, l’Eucharistie nous donne un avant-goût du Royaume et elle est, en ce sens, la proclamation de la Parole par excellence. Dans l’Eucharistie, la Parole et le Sacrement ne deviennent qu’une réalité. La Parole cesse d’être des “mots” et devient une Personne, incarnant tous les êtres humains et la création tout entière.

Dans la vie de l’Église, l’insondable abaissement (kénosis) et le partage généreux (koinonía) du Logos divin se reflète dans les vies des saints, expérience tangible et expression humaine de la Parole de Dieu dans notre communauté. Ainsi, la Parole de Dieu devient le Corps du Christ, à la fois crucifié et glorifié. Il s’ensuit que le saint a une relation organique avec le ciel et la terre, avec Dieu et avec la création tout entière. Dans la lutte ascétique, le saint réconcilie la Parole et le monde. Par la repentance et la purification, le saint est rempli – comme le souligne Abba Isaac le Syrien – de compassion pour toutes les créatures, ce qui correspond à l’humilité et à la perfection ultimes.

C’est pour cela que le saint aime avec une chaleur et une grandeur inconditionnelles et irrésistibles. À travers les saints, nous connaissons la Parole même de Dieu, puisque – comme l’affirme saint Grégoire Palamas – Dieu et ses saints partagent la même gloire et la même splendeur”. En la présence discrète d’un saint, nous apprenons comment la théologie et l’action coïncident. Dans l’amour compatissant du saint, nous vivons l’expérience de Dieu “notre père” et de la miséricorde de Dieu “inébranlablement durable” (Ps 135, LXX). Le saint est consommé par le feu de l’amour de Dieu. C’est pour cela que le saint communique la grâce et ne peut tolérer la moindre manipulation ou exploitation dans la société ou dans la nature. Le saint fait simplement ce qui est “bon et juste” (Liturgie divine de saint Jean Chrysostome), en donnant toujours de la dignité à l’humanité et en honorant la création. “Ses paroles ont la force des actions et son silence le pouvoir des discours”. (Saint Ignace d’Antioche).

Et dans la communion des saints, chacun est appelé à “devenir comme le feu”(Apophtegmes des Pères du désert), afin de toucher le monde par la force mystique de la Parole de Dieu, de manière à ce que – comme le Corps du Christ étendu – le monde puisse lui aussi dire: “Quelqu’un m’a touché!” (Cf. Mt 9, 20). Le mal ne peut être éradiqué que par la sainteté, et non pas par la dureté. Et la sainteté introduit dans la société une graine qui guérit et transforme. Imprégnés de la vie des sacrements et de la pureté de la prière, nous pouvons pénétrer au plus profond du mystère de la Parole de Dieu. C’est comme les plaques tectoniques de l’écorce terrestre: les couches les plus profondes n’ont qu’à bouger de quelques millimètres pour bouleverser la surface de la planète. Mais pour que cette révolution spirituelle ait lieu, nous devons vivre une expérience radicale de métanoïa – une conversion d’attitudes, d’habitudes et de pratiques – pour avoir mal employé ou abusé de la Parole de Dieu, des dons de Dieu et de la création de Dieu.

Une telle conversation est, certes, impossible sans la grâce divine; elle ne s’obtient pas simplement par de plus grands efforts ou par la volonté humaine. « Pour les hommes c’est impossible, mais pour Dieu tout est possible. » (Mt 19,26). Le changement spirituel a lieu quand nos corps et nos âmes sont greffés sur la Parole vivante de Dieu, quand nos cellules contiennent le flux sanguin vivifiant des sacrements, quand nous sommes ouverts à tout partager avec tous. Comme nous le rappelle saint Jean Chrysostome, le sacrement de “notre prochain” ne peut pas être isolé du sacrement de “l’autel”. Malheureusement, nous avons ignoré la vocation et l’obligation à partager. Si nous prétendons garder le sacrement de l’autel, nous ne pouvons pas renoncer au sacrement du prochain, ou l’oublier, car il représente une condition fondamentale pour la réalisation de la Parole de Dieu dans le monde dans la vie et dans la mission de l’Église.

Chers Frères dans le Christ,

Nous avons exploré l’enseignement patristique des sens spirituels, en analysant le pouvoir d’écouter et de proclamer la Parole de Dieu dans l’Écriture, de voir la Parole de Dieu dans les icônes et dans la nature, ainsi que de toucher et partager la Parole de Dieu dans les saints et les sacrement. Or, afin de rester fidèles à la vie et à la mission de l’Église, nous devons être personnellement transformés par cette Parole. L’Église doit ressembler à une mère, qui est soutenue par ce qu’elle mange, mais qui, en même temps, nourrit à travers cette nourriture . Tout ce qui ne nourrit pas tous ne peut pas nous soutenir. Quand le monde ne partage pas la joie de la Résurrection du Christ, c’est une atteinte à notre intégrité et à notre engagement à vivre la Parole de Dieu. Avant la célébration de chaque Liturgie divine, les chrétiens orthodoxes prient que cette Parole soit” rompue et consommée, distribuée et partagée” en communion. Et “nous savons, nous, que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons nos frères” et nos soeurs (1Jn 3,14).

Le défi auquel nous sommes confrontés est le discernement de la Parole de Dieu face au mal, la transfiguration du moindre détail et de toute tache de ce monde à la lumière de la résurrection. La victoire est déjà présente au plus profond de l’Église, à chaque fois que nous vivons l’expérience de la grâce de la réconciliation et de la communion. Alors que chacun de nous lutte – en son for intérieur et dans le monde – pour reconnaître le pouvoir de la Croix, nous commençons à apprécier le fait que chaque acte de justice, chaque étincelle de beauté, chaque mot de vérité peut graduellement enlever l’écorce du mal. Au-delà de nos faibles efforts, nous avons, cependant, l’assurance de l’Esprit qui “vient au secours de notre faiblesse” (Rm 8,26) et reste à nos côtés pour nous défendre et nous “réconforter” (Jn 14, 16), en pénétrant toutes les choses et “ nous transformant – comme l’affirme saint Siméon le Nouveau Théologien – en tout ce que la Parole de Dieu dit à propos du royaume: perle, grain de sénevé, levain, eau, feu, pain, vie et chambre nuptiale mystique”. Telle est la puissance et la grâce de l’Esprit Saint, que nous invoquons en conclusion de ce discours, et présentant à Sa Sainteté et à chacun nos bénédictions.

Ô roi céleste, Consolateur, Esprit de vérité

Toi qui es partout présent et qui emplis tout,

Trésor de biens et donateur de vie,

Viens et demeure en nous,

Purifie-nous de toute souillure

Et sauve nos âmes.

Toi qui es bonté et qui aimes l’humanité.

Amen.

Instrument de travail du synode sur la Parole de Dieu, paragraphes 16-17

14 octobre, 2008

du site: 

http://www.zenit.org/article-18992?l=french

Instrument de travail du synode sur la Parole de Dieu, paragraphes 16-17

Intervention du card. André Vingt-Trois

ROME, Mardi 7 octobre 2008 (ZENIT.org

) – Dans le résumé de son intervention, centrée sur « Théologie et Saintes Ecritures », le cardinal André Vingt-Trois, président de la conférence des évêques de France, a fait référence aux paragraphes 16 et 17 de « l’instrument de travail » (Instrumentum Laboris, n. 16-17, du synode consacrés respectivement aux rapports entre « Tradition, Écritures et Magistère » et au rapport entre Ancien et Nouveau Testament : « Ancien et Nouveau Testament : une unique économie du salut ». Voici ce texte de référence du travail des évêques sur ces deux points :

Tradition, Écritures et Magistère

16. Le Concile Vatican II insiste sur l’unité d’origine et sur les nombreuses connexions entre la Traditions et les Écritures, que l’Église accueille « avec un égal sentiment de piété, avec un égal respect » (DV 9). Rappelons à ce sujet que la Parole de Dieu, devenue dans le Christ Évangile et Bonne Nouvelle (cf. Rm 1,16), et comme telle confiée à la prédication apostolique, continue sa course à travers :- en premier lieu, le flux de la Tradition vivante manifestée par «tout ce que [l’Église] est elle-même, tout ce qu’elle croit » (DV 8), comme le culte, l’enseignement, la charité, la sainteté, le martyre ;

- mais aussi les Saintes Écritures qui, par inspiration de l’Esprit Saint, dans l’immutabilité de l’écriture, conservent justement de cette Tradition vivante les éléments constitutifs et originaux : « cette Tradition sainte et la Sainte Écriture des deux Testaments sont donc comme le miroir dans lequel l’Église, pendant son pèlerinage sur terre, contemple Dieu, de qui elle reçoit tout, jusqu’à ce qu’elle soit arrivée à son terme: Le voir face à face tel qu’Il est (cf. 1 Jn 3,2) » (DV 7).

Enfin, c’est au Magistère de l’Église – qui n’est pas supérieur à la Parole de Dieu – qu’il revient « d’interpréter authentiquement la Parole de Dieu écrite ou transmise [...] puisque [...] il écoute pieusement la parole, la garde religieusement, l’explique fidèlement » (DV 10). En résumé, une vraie lecture des Écritures comme Parole de Dieu ne peut se faire qu’in Ecclesia, selon son enseignement.

Ancien et Nouveau Testament : une unique économie du salut

17. Un problème aigu que connaissent les catholiques est celui de la reconnaissance de l’Ancien Testament en tant que Parole de Dieu et, en particulier, son rapport avec le mystère du Christ et de l’Église. En raison aussi de difficultés exégétiques non résolues, on assiste à une certaine résistance devant des pages de l’Ancien Testament qui semblent incompréhensibles, et donc exposées à la sélection arbitraire, au refus. Selon la foi de l’Église, l’Ancien Testament doit être considéré comme une partie de l’unique Bible des chrétiens, partie constitutive de la Révélation et, donc, de la Parole de Dieu. D’où le besoin d’une formation urgente à la lecture chrétienne de l’Ancien Testament, en reconnaissant le rapport qui lie les deux Testaments et les valeurs permanentes de l’Ancien (cf. DV 15-16).[14]Nous sommes aidés en cela par la pratique liturgique, qui proclame toujours le texte sacré de l’Ancien Testament comme page essentielle pour une pleine compréhension du Nouveau Testament, ainsi que l’atteste Jésus lui-même dans l’épisode d’Emmaüs, où le Maître « commençant par Moïse et parcourant tous les Prophètes, [...] leur interpréta dans toutes les Écritures ce qui le concernait » (Lc 24,27). L’affirmation augustinienne « Novum in Vetere latet et in Novo Vetus patet » (le Nouveau Testament est celé dans l’Ancien, et l’Ancien est révélé dans le Nouveau)[15] est tout à fait précise. Saint Grégoire le Grand affirme : « Ce que l’Ancien Testament a promis, le Nouveau l’a fait voir ; ce que l’Ancien annonce de façon voilée, le Nouveau le proclame ouvertement comme étant actuel. Aussi l’Ancien Testament est-il la prophétie du Nouveau ; et le meilleur commentaire de l’Ancien Testament est le Nouveau Testament ».[16] Les implications pratiques de cette doctrine sont nombreuses et vitales.

« L’autorité des Saintes Écritures du peuple juif », par le card. Vanhoye

9 octobre, 2008

du site: 

http://www.zenit.org/article-19001?l=french

« L’autorité des Saintes Écritures du peuple juif », par le card. Vanhoye

Rapport sur un document de la commission biblique (1)

ROME, Mardi 7 octobre 2008 (ZENIT.org) – « Le Nouveau Testament reconnaît l’autorité des Saintes Écritures du peuple juif », rappelle le cardinal Vanhoye en présentant au synode avec une grande pédagogie la genèse et le contenu d’un important document de 2001, de la commission biblique, préfacé par le cardinal Joseph Ratzinger, sur le peuple juif et la Bible.

Le cardinal Albert Vanhoye, recteur émérite de l’Institut biblique pontifical de Rome, a présenté au synode des évêques un rapport sur le document de la commission biblique pontificale – dont il a été le secrétaire – sur « Le peuple juif et ses Saintes Écritures dans la Bible chrétienne ».

Le cardinal Vanhoye a rappelé l’origine de ce document : « En 1996, après son renouvellement partiel, la commission biblique pontificale a été invitée par son président, le cardinal Joseph Ratzinger, à choisir un nouveau sujet de recherche, qui soit important pour la vie et la mission de l’Église dans le monde actuel ».

Pour une orientation positive

« Plusieurs sujets ont été proposés, continue le cardinal Vanhoye. Un vote a été effectué. Le sujet qui a obtenu le plus grand nombre de voix a été « l’antijudaïsme et la Bible ». Le terme « antijudaïsme » a été préféré à « antisémitisme », parce qu’il est plus précis ; il y a, en effet, d’autres peuples sémites que le peuple juif ». Ce fut d’ailleurs l’un des thèmes examinés par la commission historique et théologique du Grand jubilé de l’an 2000.

Mais le cardinal Vanhoye explique que explique que « la commission biblique s’est ensuite montrée fidèle au choix de ce terme, mais elle ne l’a pas maintenu dans le titre de son travail », préférant une « perspective plus ouverte et plus positive » c’est pourquoi elle a choisi cette autre formulation: « Le peuple juif et ses Écritures dans la Bible chrétienne ».

Or une nouvelle précision allait être apportée pour arriver au titre définitif, comme le rapporte l’exégète : « Un collègue a fait alors remarquer que l’expression « ses Écritures » a un sens trop large, car, en plus de la Bible hébraïque, elle s’applique aussi à la Mishna, à la Tosephta, au Talmud. On a donc précisé en mettant « saintes Écritures », expression employée par l’apôtre Paul au début de sa Lettre aux Romains et qui a l’avantage d’exprimer un respect religieux pour les écrits désignés de cette façon ».

« Le peuple juif et ses Saintes Écritures dans la Bible chrétienne »: ce titre, explique le cardinal Vanhoye indique « deux thèmes distincts et complémentaires », correspondant à deux questions.

Le bibliste les résume ainsi en précisant que le document les traite dans l’ordre inverse: « La première est de quelles façons « le peuple juif » est-il présenté dans la Bible chrétienne, c’est-à-dire dans l’Ancien Testament et dans le Nouveau? La seconde question est: quelle place les « saintes Écritures » du peuple juif occupent-elles dans la Bible chrétienne ? »

Le document « traite d’abord, ajoute-t-il, de la place occupée par l’Ancien Testament dans la Bible chrétienne et ensuite des façons dont le peuple juif est présenté dans les deux parties de cette Bible, Ancien et Nouveau Testament ».

Avec cette précision à propos de la notion d’ « antijudaïsme »: « Disons tout de suite que cette façon plus ouverte et plus positive de poser les questions a eu pour conséquence que le mot « antijudaïsme » ne se trouve plus dans aucun des titres du document, ni dans les titres des chapitres, ni dans ceux des paragraphes. Par contre, il se trouve en plus d’un endroit dans le texte, car le problème n’a aucunement été éludé; il a été clairement affronté, mais sans occuper toute la perspective, qui est restée avant tout positive, ce qui fait – remarquons-le – que le document constitue un antidote plus efficace contre l’antijudaïsme ».

Le cardinal Vanhoye a expliqué ensuite le travail de la commission, « en trois étapes » : études monographiques rédigées par des membres et discutées en assemblée ; l’établissement d’un plan pour le document et la rédaction des diverses parties confiée à des collègues et soumise ensuite à une discussion ; unification des différentes contributions dans une rédaction d’ensemble, elle aussi discutée, révisée, soumise au vote. « La rédaction finale est donc vraiment le fruit d’un travail collégial », souligne le cardinal Vanhoye.

Il souligne aussi la « rigueur scientifique » du travail et son « esprit de respect et d’amour pour le peuple juif ».

Et de préciser : « On ne s’est pas contenté d’un examen superficiel des textes, mais on les a étudiés et approfondis. Le document n’est donc pas toujours de lecture facile. Et ce sont les textes eux-mêmes qui inspirent respect et amour pour le peuple juif ».

L’Ancien et le Nouveau

A propos du rapport entre les deux Testaments, le document affirme ainsi, rapporte le cardinal Vanhoye : « « Dans l’Ancien Testament, » en effet, « le projet de Dieu est un projet d’union d’amour avec son peuple, amour paternel, amour conjugal, et quelles que soient les infidélités d’Israël, Dieu n’y renonce jamais, mais en affirme la perpétuité (Is 54,8 ; Jr 31,3). Dans le Nouveau Testament, l’amour de Dieu surmonte les pires obstacles. Même s’ils ne croient pas en son Fils, qu’il leur a envoyé pour être leur Messie sauveur, les Israélites restent « aimés » [saint Paul l'affirme dans sa Lettre aux Romains 11,28]. Qui veut être uni à Dieu, doit donc également les aimer » (n 86, fin) ».

Les travaux ont été guidés, souligne l’expert, par « l’orientation indiquée par le Pape Paul VI dans son homélie du 28 octobre 1965, jour de la promulgation du document conciliaire Nostra Aetate, qui traite des rapports avec les religions non chrétiennes, en particulier la religion juive ».

« Parlant des Juifs, précise le cardinal Vanhoye, Paul VI a souhaité « qu’on ait pour eux respect et amour » et il a même ajouté « et qu’on ait espoir en eux ». Extrêmement positive, cette orientation ne laisse aucune place à l’antijudaïsme. Elle devrait être plus fidèlement maintenue ».

L’Ancien Testament, partie fondamentale de la Bible

Pour ce qui est du plan du document, le cardinal Vanhoye en rappelle les 3 grands chapitres en expliquant le choix des titres, et en particulier ce rapport « fondamental » entre l’Ancien et le Nouveau Testament : « Le premier [chapitre] s’intitule « Les Saintes Écritures du peuple juif, partie fondamentale de la Bible chrétienne ». On avait d’abord mis « partie intégrante », ce qui aurait signifié que sans les Saintes Écritures du peuple juif, la Bible chrétienne ne serait pas complète. Cela est tout à fait exact, mais reste insuffisant. L’Ancien Testament n’est pas simplement un morceau entre autres de la Bible chrétienne. Il en est la base, la partie fondamentale ».

Et d’expliquer encore : « Si le Nouveau Testament s’était établi sur une autre base, il serait sans vraie valeur. Sans sa conformité aux Saintes Écritures du peuple juif, il n’aurait pas pu se présenter comme l’accomplissement du dessein de Dieu ».

Le cardinal Vanhoye cite à l’appui les réflexions de l’apôtre Paul : lorsqu’il veut « exprimer l’essentiel de la foi chrétienne, il souligne deux fois cette conformité, en disant : « Christ est mort pour nos péchés, conformément aux Écritures et il a été enseveli ; il est ressuscité le troisième jour, conformément aux Écritures, et il est apparu » (1 Co 15,3-5) ».

« La foi chrétienne, affirme le cardinal Vanhoye, n’est donc pas basée seulement sur des événements, mais sur la conformité de ces événements à la révélation contenue dans les Saintes Écritures du peuple juif (n 7). Cela constitue évidemment un lien très fort entre les chrétiens et le peuple juif ».

« Le 1er chapitre présente une longue démonstration de l’affirmation contenue dans son titre », explique le bibliste.

« Il montre d’abord que « le Nouveau Testament reconnaît l’autorité des Saintes Écritures du peuple juif » (…). Le Document rappelle en détail les multiples façons dont sont présentées dans le Nouveau Testament ces citations explicites. Le lecteur peut en être fatigué, mais c’est cette attention aux détails précis qui donne toute sa valeur à la démonstration ».

Le Nouveau Testament utilise la Bible juive pour argumenter, souligne par ailleurs le document : « À une argumentation basée sur les Écritures du peuple juif, le Nouveau Testament reconnaît une valeur décisive. Dans le IVème évangile, Jésus déclare à ce propos que  » l’Écriture ne peut être abolie » (Jn 10,35). Sa valeur vient de ce qu’elle est « parole de Dieu » (ibid.). « Dans ses argumentations doctrinales, l’apôtre Paul, en particulier, s’appuie constamment sur les Écritures de son peuple et il met une nette distinction entre les argumentations scripturaires et les raisonnements humains. Aux argumentations scripturaires, il attribue une valeur incontestable. Pour lui, les Écritures juives ont une valeur toujours actuelle pour guider la vie spirituelle des chrétiens ».

Le Nouveau Testament s’affirme conforme aux Écritures du peuple juif

« Le Nouveau Testament manifeste, souligne le cardinal, une double conviction : « d’une part, ce qui est écrit dans la Bible juive doit nécessairement s’accomplir, car cela révèle le dessein de Dieu, qui ne peut manquer de se réaliser, et d’autre part, la vie, la mort et la résurrection du Christ correspondent pleinement à ce qui était dit dans ces Écritures ». »

C’est le thème de « l’accomplissement des Écritures », un thème « très important pour les rapports entre les chrétiens et les Juifs » et « très complexe », fait observer le bibliste (cf. Les paragraphes 8, et 19-21 du document).

« L’accomplissement des Écritures comprend nécessairement trois aspects: un aspect fondamental de continuité avec la révélation de l’Ancien Testament, mais en même temps un aspect de différence sur certains points et un aspect de dépassement. Une simple répétition de ce qui existait dans l’Ancien Testament ne suffit pas pour qu’on puisse parler d’accomplissement. Un progrès décisif est indispensable », explique l’auteur qui cite « le thème de l’habitation de Dieu au milieu de son peuple ».

« Dans son paragraphe 8, explique le cardinal Vanhoye, le Document précise donc que la conformité du Nouveau Testament aux Écritures du peuple juif n’est pas totale, mais est « accompagnée de quelques aspects de non-conformité ». C’est le cas, par exemple, dans les Lettres de S. Paul. « Dans la Lettre aux Galates et dans celle aux Romains, l’apôtre argumente à partir de la Loi » – c’est-à-dire de l’Ancien Testament – « pour démontrer que la foi au Christ a mis fin au régime de la Loi. Il montre que la Loi comme révélation a annoncé sa propre fin comme institution nécessaire au salut » ».

« On peut remarquer, précise immédiatement le cardinal Vanhoye, qu’en réalité, il n’y a pas « non-conformité » aux Écritures du peuple juif prises dans leur ensemble, mais non-conformité à leur aspect institutionnel et conformité à leur aspect prophétique, lequel est présent dans la Torah elle-même. L’Ancien Testament, en effet, est rempli de tensions entre ces deux aspects ».

Dans le paragraphe 21, continue l’auteur, le Document « revient sur la notion d’accomplissement et déclare que c’est « une notion extrêmement complexe, qui peut facilement être faussée, si on insiste unilatéralement soit sur la continuité, soit sur la discontinuité ». »

C’est pourquoi le cardinal Vanhoye insiste sur le fait que « la pastorale doit donc être attentive à ne pas fausser la notion d’accomplissement des Écritures ».

Le Document affirme que « la foi chrétienne reconnaît l’accomplissement, dans le Christ, des Écritures et des attentes d’Israël, mais elle ne comprend pas cet accomplissement comme la simple réalisation de ce qui était écrit », ce serait « réducteur ».

« Dans le mystère du Christ crucifié et ressuscité, explique ce document, l’accomplissement s’effectue d’une manière imprévisible. Il comporte un dépassement ».

Le texte, cité par le cardinal Vanhoye, conclut sur cette mise en garde : « Il y a donc lieu de renoncer à l’insistance excessive, caractéristique d’une certaine apologétique, sur la valeur de preuve attribuée à l’accomplissement des prophéties. Cette insistance a contribué à rendre plus sévère le jugement des chrétiens sur les Juifs et sur leur lecture de l’Ancien Testament : plus on trouve évidente la référence au Christ dans les textes de l’Ancien Testament et plus on trouve inexcusable et obstinée l’incrédulité [de la grande majorité] des Juifs ».

Le cardinal vanhoye attire aussi l’attention sur cette remarque du document à propos des Juifs « qui ne croient pas au Christ »: « On ne doit donc pas dire que le Juif ne voit pas ce qui était annoncé dans les textes, mais que le chrétien, à la lumière du Christ et dans l’Esprit, découvre dans les textes un surplus de sens qui y était caché ».

Dans le paragraphe 64, le Document exprime « la même idée en d’autres termes », souligne le cardinal Vanhoye : « Les lecteurs chrétiens sont convaincus que leur herméneutique de l’Ancien Testament, fort différente, assurément, de celle du judaïsme, correspond cependant à une potentialité de sens effectivement présente dans les textes ».

Il prend cette image du « révélateur » : « À la manière d’un « révélateur » au cours du développement d’une pellicule photographique, la personne de Jésus et les événements qui la concernent ont fait apparaître dans les Écritures une plénitude de sens qui, auparavant, ne pouvait pas être perçue ».

Lecture juive de la Bible, une lecture possible

D’où cette affirmation : « Les chrétiens peuvent et doivent admettre que la lecture juive de la Bible, est une lecture possible », une lecture « qui se trouve en continuité avec les Saintes Écritures juives de l‘époque du second Temple, une lecture analogue à la lecture chrétienne, qui s’est développée parallèlement ».

Avec cette précision du cardinal : « Possible pour les Juifs qui ne croient pas au Christ, cette lecture n’est pas possible pour les chrétiens, car elle implique l’acceptation de tous les présupposés du judaïsme, en particulier ceux « qui excluent la foi en Jésus comme Messie et Fils de Dieu ». « Chacune des deux lectures est solidaire de la vision de foi respective dont elle est un produit et une expression. Elles sont, par conséquent, irréductibles l’une à l’autre ». »

Un position qui « vaut pour la lecture juive dans son ensemble », mais « pas pour la lecture de tous les détails des textes bibliques » qui, « souvent », « n’implique nullement le refus de la foi au Christ. Elle correspond simplement à une lecture faite avant la venue du Christ ».

Le Document souligne que les chrétiens peuvent « apprendre beaucoup de l’exégèse juive pratiquée depuis plus de deux mille ans » et « ont appris beaucoup » d’elle. Or, « réciproquement, les exégètes chrétiens « peuvent espérer que les Juifs pourront tirer profit, eux aussi, des recherches exégétiques chrétiennes » (n. 22) ».

(à suivre)

Le synode lance l’idée d’une encyclique sur l’interprétation de la Bible

7 octobre, 2008

 du site:

http://www.zenit.org/article-18985?l=french

Le synode lance l’idée d’une encyclique sur l’interprétation de la Bible

Proposition du rapporteur général, le cardinal Marc Ouellet

ROME, Lundi 6 octobre 2008 (ZENIT.org) – Les travaux du synode ont commencé ce matin par une proposition importante : la demande au pape d’écrire une encyclique sur l’interprétation des Ecritures.

Cette proposition a été faite par le rapporteur général du synode, le cardinal Marc Ouellet, P.S.S., archevêque de Québec, qui a constaté que souvent, les Facultés de théologie et les Facultés bibliques divergent de la vision de la Bible donnée par le magistère du pape et des évêques.

On assiste ainsi à « une fragmentation excessive des interprétations », a-t-il dit.

« Dorénavant, le rapport interne de l’exégèse à la foi ne fait plus l’unanimité et des tensions augmentent entre exégètes, pasteurs et théologiens », a-t-il ajouté.

« On complète certes de plus en plus l’exégèse historico-critique par d’autres méthodes dont certaines renouent avec la tradition et l’histoire de l’exégèse. Mais d’une façon générale, après plusieurs décennies de concentration sur les médiations humaines de l’Ecriture, ne faut-il pas retrouver la profondeur divine du texte inspiré sans perdre les acquis précieux des nouvelles méthodologies ? » s’est interrogé le cardinal Ouellet.

« Il serait opportun que le synode s’interroge sur la pertinence d’une encyclique éventuelle sur l’interprétation de l’Ecriture dans l’Eglise », a-t-il dit.

Le rapporteur général du synode invite à ne pas considérer l’interprétation de la Bible comme une chose purement académique car la Parole de Dieu pénètre dans toutes les dimensions de la personne.En m

ême temps, a-t-il ajouté après la réunion de l’assemblée synodale, au cours d’une conférence de presse, à la salle de presse du Saint-Siège, il faut créer une relation entre exégètes, théologiens et évêques, qui permette de dépasser les tensions, pour parvenir à la communion, en respectant bien sûr les attributions propres à chacun.

Le cardinal a cité un exemple de cette communion qui respecte les différents domaines sans perdre de vue le fondement même de la Parole qui est l’Amour : l’élan qu’est en train de donner l’śuvre de Marie, c’est-à-dire le Mouvement des Focolari, fondé par la défunte Chiara Lubich.

Au cours de la conférence de presse, le cardinal Ouellet a précisé qu’il existe déjà un document de la Commission biblique internationale sur l’interprétation des Ecritures, mais un document du pape aurait davantage d’autorité et d’impact.