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(sur) JOSEPH RATZINGER LA FILLE DE SION. CONSIDÉRATIONS SUR LA FOI MARIALE DE L’ÉGLISE

18 septembre, 2014

http://www.esprit-et-vie.com/article.php3?id_article=232

JOSEPH RATZINGER

LA FILLE DE SION. CONSIDÉRATIONS SUR LA FOI MARIALE DE L’ÉGLISE

P. FRANCIS DE CHAIGNON

Traduction, présentation et annotations par Sophie BINGELLI, Paris, Éd. Parole et Silence, coll. « Cahiers de l’École Cathédrale », n° 55, 2002.
Esprit & Vie n°72 / décembre 2002 – 2e quinzaine, p. 13-14.

Ce récent Cahier de l’École Cathédrale est la traduction de trois conférences de théologie mariale données en 1975 par Joseph RATZINGER, peu avant sa nomination comme archevêque de Munich (le texte allemand en avait été publié deux ans plus tard puis réédité en 1990).

L’auteur évalue, tout d’abord, la situation de la mariologie dans la théologie catholique et propose comme piste de réflexion de rechercher « dans l’Ancien Testament les éléments par lesquels le Nouveau Testament interprète théologiquement la figure de Marie ». Il s’agit de trois motifs vétérotestamentaires qui dessinent une théologie de la femme : la figure d’Ève, les figures de mères (fécondes ou stériles), les figures de femmes salvatrices (telles Déborah, Judith, Esther). À travers ces motifs s’élabore, en fait, une théologie du peuple que ces femmes incarnent et donc une théologie de l’Alliance ; nous accédons de la sorte à la révélation de Dieu lui-même. Dans les textes plus tardifs apparaît la figure de la sagesse, présentée comme créature de Dieu et pure réponse à son action. Or, cette figure de la sagesse demande à être réinterprétée, non seulement, de façon christologique mais également de façon mariale. La sagesse trouve son accomplissement à la fois dans le Christ, Verbe incarné, et dans l’accueil fécond de cette Parole en Marie.
Il est ainsi clairement montré que « la figure de la femme est indispensable à la cohérence de la foi biblique » (p. 43). Or, un tel principe trouve sa réalisation personnelle en Marie. Sans elle, sans le caractère marial de la foi, la création est niée, la grâce ne respecte pas la liberté humaine, le Dieu de l’Alliance est méconnu.
Le deuxième chapitre s’intéresse alors à la foi mariale de l’Église. Certes, les dogmes mariaux ne peuvent être déduits de textes isolés du Nouveau Testament. Mais ce que le premier chapitre a établi nous permet de comprendre que ces dogmes expriment l’unité de l’Ancien et du Nouveau Testament, grâce au recours à l’exégèse typologique. Sans cela, nous l’avons vu, on dissocie l’unité de l’Écriture et l’on compromet la vérité de la création et de la grâce. Nous pouvons donc voir dans la mariologie un critère d’équilibre de la théologie.
L’auteur vérifie cela sur chacun des trois dogmes mariaux fondamentaux : la maternité virginale, la conception immaculée, l’Assomption. Concernant le premier dogme, il convient de rappeler que, d’une part, l’incarnation de Dieu en Jésus-Christ a nécessairement une signification mariologique et que, d’autre part, la maternité divine de Marie a nécessairement une signification christologique (on sera attentif ici à la note 26, p. 94, qui constitue une retractatio de la position tenue par l’auteur dans Foi chrétienne hier et aujourd’hui, paru en 1969, et qui ne soulignait pas avec assez de précision la correspondance profonde entre la conception virginale et l’affirmation que la personne du Christ est celle du Fils de Dieu, de sorte que Jésus n’a que Dieu pour Père). Cette réflexion sur une vérité très contestée saisit le lien entre le biologique et le spirituel, par-delà nos tentations de les dissocier. D’ailleurs, note l’auteur, le nœud du refus de la conception virginale n’est pas, en dernier ressort, celui de l’historicité des récits évangéliques mais un présupposé implicite, une vision du monde et de Dieu qui interdit à ce dernier, au nom de notre raison scientifique, d’intervenir dans le monde. Mais c’est là régresser à une philosophie païenne…
La conception immaculée, quant à elle, éclaire la compréhension catholique de la grâce. Il n’y a pas opposition entre la Parole de Dieu et l’homme, ni irruption purement verticale, il y a un dialogue, une réponse et une correspondance. À la question du fondement scripturaire d’une telle affirmation dogmatique, il faut à nouveau répondre par le recours à la typologie. Or, ce type n’est pas abstrait mais se réalise dans une personne, celle de Marie. On lira avec soin les pages pénétrantes (spécialement p. 75-77) qui relient la question de l’immaculée conception à celle du péché originel, lui aussi intelligible uniquement grâce au recours à la typologie, à la suite de saint Paul. Dans un cas comme dans l’autre, on n’accède au fait que par la typologie qui unit Ancien et Nouveau Testament.
La dogmatisation de l’Assomption, enfin, est à comprendre comme l’acte le plus haut de vénération de Marie reflétant à nouveau l’unité des Testaments et la réalisation personnelle en Marie de ce que l’Église attend pour elle-même : la victoire définitive sur la mort, la participation de tous et de chacun non seulement à la Résurrection mais aussi à l’Ascension du Christ.
On l’aura compris, ces pages lumineuses sont d’une réelle pénétration théologique. Si elles demandent au lecteur d’être un tant soit peu familiarisé avec les grands thèmes de la théologie mariale, elles ne sont pas excessivement ardues. On regrettera seulement que la traduction soit souvent trop proche du texte allemand, d’où des obscurités qu’une réécriture aurait dû dissiper. Notons l’originalité de l’introduction qui met en perspective les propos de Joseph RATZINGER et l’anthropologie d’Edith STEIN. La troisième annexe, qui est le texte de la « Déclaration christologique commune entre l’Église catholique et l’Église assyrienne de l’Orient », datée du 11 novembre 1994, pourra surprendre. Elle n’est accompagnée d’aucun commentaire.

par Mgr Georg Gänswein: cinq ans de pontificat (de Pape Benoît)

7 octobre, 2010

du site:

http://www.zenit.org/article-25607?l=french

CINQ ANS DE PONTIFICAT, PAR LE SECRÉTAIRE PARTICULIER DE BENOÎT XVI

« Un Pape qui surprend »

ROME, Mardi 5 octobre 2010 (ZENIT.org) – « Cinq ans de pontificat à travers le regard du secrétaire particulier de Benoît XVI. Un Pape qui surprend » c’est le titre donné par l’Osservatore Romano à cette intervention de Mgr Gänswein
Le 27e Prix Capri San Michele pour la Section Images Verités – décerné à l’ouvrage « Benoît XVI urbi et orbi. Avec le Pape à Rome et sur les routes du monde » (Cité du Vatican, Librairie éditrice vaticane, 2010), sous la direction du secrétaire particulier du Souverain Pontife – a été remis dans l’après-midi du 25 septembre 2010 à Mgr Georg Gänswein à Anacapri (Italie). L’Osservatore Romano en français du 5 octobre 2010 publie son intervention à cette occasion.
Le style et le courage d’un homme qui parle de Dieu

Par Mgr Georg Gänswein

Un « lustre », c’est beaucoup ; un « lustre », ce n’est pas beaucoup; un arc de temps de cinq ans, c’est long, un arc de temps de cinq ans, ce n’est pas très long. On peut débattre longuement sur la question et trouver des arguments pour et contre. Le 19 avril dernier, cinq ans s’étaient écoulés depuis que le cardinal Joseph Ratzinger avait été élu Pape sous le nom de Benoît XVI. Le cinquième anniversaire de son élection a représenté l’occasion concrète pour cette publication. Mais la raison la plus profonde se trouve dans l’invitation, à suivre les traces du Saint-Père sur son siège épiscopal à Rome (urbi), dans ses voyages apostoliques en Italie et dans les différents pays et continents de la terre (orbi), et à en trouver le message derrière les discours, les homélies, les lettres, les catéchèses. C’est dans cette optique que le temps terrestre chrònos, peut et doit devenir pour tous un chairòs, un temps de la grâce. La réflexion sur la valeur temporelle du quinquennat s’ouvre alors à une dimension entièrement différente, qui échappe à la logique des calculs mathématiques.
Ceux qui étaient présents sur la place Saint-Pierre ou devant leur télévision, au moment où la fumée blanche de la chapelle Sixtine annonçait au monde le nouveau Pape, n’oublieront jamais l’émotion lorsque le Souverain Pontife, à peine élu, apparut à la Loge des Bénédictions et adressa aux fidèles, en improvisant, les inoubliables paroles: « Chers frères et sours, après le grand Pape Jean Paul II, Messieurs les Cardinaux m’ont élu moi, un simple et humble travailleur dans la vigne du Seigneur. Le fait que le Seigneur sache travailler et agir également avec des instruments insuffisants me console et surtout, je me remets à vos prières, dans la joie du Christ ressuscité, confiant en Son aide constante. Nous allons de l’avant, le Seigneur nous aidera et Marie, Sa Très Sainte Mère, est de notre côté. Merci! » (cf. ORLF n. 17 du 26 avril 2005).
Dans tous les lieux de la terre l’eau a toujours été la même: c’est toujours la même composition d’hydrogène et d’oxygène. Et pourtant, l’eau est différente partout. Pourquoi? Parce que l’eau prend à chaque fois des caractéristiques particulières selon le terrain qui la filtre. C’est ce qui se passe pour les Papes. Ils accomplissent la même mission et répondent au même appel de Jésus; mais chacun répond avec sa propre personnalité et avec sa propre sensibilité unique.
Tout cela est merveilleusement beau: c’est un signe de l’unité dans la diversité; c’est un miracle de nouveauté dans la continuité; c’est une manifestation suprême de ce qui se produit dans tout le corps de la sainte Eglise du Christ, où la nouveauté et la continuité coexistent et s’harmonisent sans relâche. Le Pape Benoît XVI n’est pas égal au Pape Jean-Paul II, Deo gratias: Dieu n’aime pas la répétition et les photocopies. Et Jean-Paul II n’était pas égal à Jean-Paul IER, Deo gratias, de même que Jean-Paul IER n’était pas égal à Paul VI, Deo gratias, et Paul VI n’était pas égal à Jean XXIII, Deo gratias. Et pourtant, tous ont aimé le Christ passionnément et ont servi fidèlement son Eglise: Deo gratias quam maximas!
Mais – voilà le fait vraiment singulier et édifiant – le Pape Benoît XVI s’est présenté au monde comme le premier fidèle de son prédécesseur; c’est un acte de grande humilité, qui étonne et suscite une admiration émue. Le 20 avril 2005, en s’adressant aux cardinaux dans la chapelle Sixtine, au lendemain de son élection au suprême pontificat, Benoît XVI s’exprimait ainsi: « En ces heures, deux sentiments contrastants habitent en moi. D’une part, un sentiment d’inadéquation et de trouble humain en raison de la responsabilité [...] D’autre part, je ressens en moi une profonde gratitude à l’égard de Dieu, qui n’abandonne pas son troupeau, mais le conduit à travers les temps, sous la direction de ceux qu’Il a lui-même élus vicaires de son Fils et qu’il a constitués ses pasteurs. Très chers amis, cette profonde reconnaissance pour un don de la divine miséricorde prévaut malgré tout dans mon cour. Et je considère ce fait comme une grâce spéciale qui a été obtenue pour moi par mon vénéré prédécesseur Jean-Paul II. Il me semble sentir sa main forte qui serre la mienne; il me semble voir ses yeux souriants et entendre ses paroles, qui s’adressent de manière particulière à moi en ce moment: « N’aie pas peur! »" (ibid.)
Comme ces paroles sont sincères et, dans le même temps, empreintes d’humilité! Le fait que le Pape attribue à l’intercession de son prédécesseur le premier don de son pontificat est vraiment merveilleux: la paix du cour au milieu de la tempête inattendue des émotions. Le Pape Benoît XVI a donné à l’Eglise et au monde une merveilleuse leçon de style pastoral: celui qui commence un service ecclésial – telle est sa leçon – ne doit pas effacer les traces de celui qui a travaillé auparavant, mais doit placer humblement ses propres pas dans les traces de celui qui a marché et travaillé avant lui. S’il en était toujours ainsi, un grand patrimoine de bien serait sauf, alors qu’il est souvent détruit et dilapidé. Le Pape a recueilli cet héritage et il l’élabore avec son style doux et réservé, avec ses parole modérées et profondes, avec ses gestes mesurés mais incisifs. Benoît XVI, dans son discours d’inauguration du ministère pétrinien, le 24 avril 2005, a utilisé des expressions très claires: « Mon véritable programme de gouvernement est de ne pas faire ma volonté, de ne pas poursuivre mes idées – a dit le Pape -, mais, avec toute l’Eglise, de me mettre à l’écoute de la parole et de la volonté du Seigneur, et de me laisser guider par lui, de manière que ce soit lui-même qui guide l’Eglise en cette heure de notre histoire » (ibid.). Depuis ce jour, cinq ans se sont écoulés. Pour un pontificat, il ne s’agit certainement pas d’une longue période, mais d’un laps de temps suffisant pour tracer un premier bilan. Pour quelle cause Benoît XVI se bat-il? Quel message veut-il apporter aux hommes, à Rome et au monde? Qu’est-ce qui l’anime et qu’a-t-il réussi lui-même à faire bouger?
Il faut tout d’abord souligner à quel point le Pape nous a tous surpris: tout d’abord par la sérénité avec laquelle il a assumé le devoir de son prédécesseur Jean-Paul II, en l’interprétant de manière nouvelle et toutefois dans le même temps pleine de vitalité. Jean-Paul II a été le Pape des grandes images, à la puissance immédiatement évocatrice; Benoît XVI est le Pape de la parole, de la force de la parole: c’est un théologien plus qu’un homme de grands gestes, un homme qui « parle » de Dieu.
Dans le même temps, nous avons été émerveillés que l’ancien préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, avec sa chaleur et sa simplicité si spontanée et vraie, réussisse sans aucun effort à conquérir le cour des hommes. Le courage qui marque clairement le pontificat du Pape allemand est également apparu de manière inattendue. Benoît XVI ne craint pas les comparaisons et les débats. Il appelle par leur nom les manquements et les erreurs de l’occident, il critique la violence qui prétend avoir une justification religieuse. Il ne cesse jamais de nous rappeler que l’on tourne le dos à Dieu avec le relativisme et l’hédonisme, tout autant qu’avec l’imposition de la religion à travers la menace et la violence. Au centre de la pensée du Pape se trouve la question du rapport entre foi et raison; entre religion et renonciation à la violence.
De son point de vue, la réévangélisation de l’Europe et du monde entier ne sera possible que lorsque les hommes comprendront que foi et raison ne sont pas en opposition, mais en relation entre elles. Une foi qui ne se mesure pas avec la raison devient elle-même sans raison et privée de sens. Et au contraire, une conception de la raison qui reconnaît uniquement ce qui est mesurable ne suffit pas pour comprendre toute la réalité. La raison doit laisser une place à la foi et la foi doit rendre témoignage à la raison, pour que toutes les deux ne s’affaiblissent pas sur l’horizon étroit de leur propre ontologie. Au fond, le Pape désire réaffirmer le noyau de la foi chrétienne: l’amour de Dieu pour l’homme, qui trouve dans la mort sur la croix de Jésus et dans sa résurrection son expression inégalable. Cet amour est le centre immuable sur lequel se fonde la confiance chrétienne dans le monde, mais également l’engagement à la miséricorde, à la charité, à la renonciation à la violence. Ce n’est pas un hasard si la première encyclique de Benoît XVI s’intitule Deus caritas est, « Dieu est amour ». C’est un signe évident; plus encore, une phrase programme de son pontificat. Benoît XVI veut faire resplendir le fascinosum du message chrétien. C’est cela qui, plus que tout autre chose, caractérise le pontificat du Pape théologien. Dans sa perspective se trouvent la force et également la possibilité d’un avenir pour la foi. Le message du Successeur de Pierre est aussi simple que profond: la foi n’est pas un problème à résoudre, c’est un don qui doit être redécouvert à nouveau, jour après jour. La foi apporte la joie et la plénitude.
Mais la foi a un visage humain – Jésus Christ. En lui, le Dieu caché est devenu visible, tangible. Dieu, dans sa grandeur incommensurable, s’offre à nous dans son Fils. Le Saint-Père tient à annoncer le Dieu fait chair, urbi et orbi, aux petits et aux grands, à ceux qui détiennent le pouvoir ou non, à l’intérieur et en dehors de l’Eglise, qu’on l’apprécie ou non. Et même si tous les yeux et les caméras sont tournés vers le Pape, il ne s’agit pas tellement de lui. Le Saint-Père ne se place pas lui-même au centre, il ne s’annonce pas lui-même, mais il annonce Jésus Christ, l’unique rédempteur du monde. Celui qui vit en paix avec Dieu, qui se laisse réconcilier avec lui, trouve également la paix avec lui-même, avec son prochain et avec la création qui l’entoure. La foi aide à vivre, la foi apporte la joie, la foi est un grand don: telle est la conviction la plus profonde du Pape Benoît XVI. C’est pour lui un devoir sacré de laisser des traces qui conduisent à ce don. A travers des paroles et des images, le livre primé en apporte le témoignage: il veut être une preuve de dévotion et d’affection à l’égard du Saint-Père, et un petit instrument – lui aussi humble, partiel mais évocateur grâce à la force des images – d’évangélisation et de documentation d’un témoignage qui s’exprime « dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1, 6).
L’Osservatore Romano, 5 octobre 2010

Benoît XVI, « un vrai Bavarois »

23 juillet, 2010

du site:

http://www.zenit.org/article-25042?l=french

Benoît XVI, « un vrai Bavarois »

Hanna Barbara Gerl-Falkowitz raconte sa première rencontre avec le Pr. Ratzinger

ROME, Mercredi 21 juillet 2010 (ZENIT.org) – Parmi les nombreux amis de Benoît XVI, les Bavarois sont certainement ceux qui le connaissent le mieux. Parmi eux figure Hanna Barbara Gerl-Falkowitz, qui enseigne la philosophie et les religions comparées à l’Université de Dresden, en Allemagne. Celle-ci connaissait le professeur Ratzinger avant qu’il soit nommé archevêque de Munich. Le journaliste Edward Pentin l’a rencontrée en mai dernier à Rome.

* * *

Venue participer à une conférence sur le philosophe catholique Dietrich von Hildebrand, elle m’a fait part de quelques éléments de son caractère. En particulier, elle a rappelé une anecdote amusante datant de sa première rencontre avec le professeur Ratzinger.

H. B. Gerl-Falkowitz avait organisé une conférence pour 300 personnes et elle avait invité le professeur Ratzinger à parler de Romano Guardini, le grand intellectuel catholique allemand que Joseph Ratzinger admirait depuis longtemps. La conférence avait lieu au Château de Rothenfels perché sur une montagne à proximité de Würzburg. « C’était en 1976 », raconte-t-elle. « Je me souviens très précisément de l’année car il est devenu archevêque de Munich un an plus tard ».

« J’avais envoyé un assistant le chercher à la gare mais celui-ci est revenu en disant qu’il n’avait pas trouvé le professeur Ratzinger, qu’il ne l’avait pas vu. J’avais 300 personnes qui attendaient dans le château et je m’arrachais les cheveux, en courant dans tous les sens, désespérée. Il faut savoir que le château était situé sur une parois rocheuse abrupte.

« Après vingt bonnes minutes, je me tenais sur le bord de la falaise et je perçus un mouvement dans la haie près de moi. Je vis d’abord un sac puis deux mains, puis les cheveux blancs – il avait déjà les cheveux blancs – du professeur Ratzinger. Il était en sueur et s’efforçait de passer à travers la haie. Il avait grimpé la pente abrupte jusqu’au château. Je voulais disparaître sous terre ! Mais il était très souriant et très gentil. ‘Ascensio in montem sacrum’, dit-il, ce qui signifie : ‘gravir la sainte montagne’.

« Il se référait à Guardini qui avait permis que ce château soit utilisé par la jeunesse catholique allemande. Ce fut ma première rencontre avec Joseph Ratzinger, ses cheveux en bataille, des papiers qui volaient dans tous les sens. Je ne sais pas s’il s’en souvient mais moi, oui. C’était terrible : vous êtes invité à donner une conférence et personne ne vient vous chercher ! »

Hanna Barbara Gerl-Falkowitz a une grande admiration pour le Saint-Père et continue de s’étonner de sa force de caractère. « Il a une grande force », estime-t-elle. « J’ai toujours été étonnée de voir que malgré tout ce qui se passe autour de lui, malgré toutes ses activités, il réussit à prier avec une incroyable concentration. Cela veut dire qu’il est vraiment proche du Seigneur. C’est mon impression. Et il est très simple. Toute son intelligence n’est qu’une sorte de cadre autour d’une simplicité très profonde et précieuse.

« La première impression que l’on a toujours est qu’il est un peu timide, et c’est vrai. Il vient d’une région de Bavière où les gens sont timides. Il y a un type de Bavarois qui parle fort et aime boire, etc.. C’est l’image officielle de la région. Mais dans cette région de la Bavière, ils sont timides. Ils ne parlent pas beaucoup mais sont solides, très profonds et pieux ».

Hanna Barbara Gerl-Falkowitz a affirmé que la récente crise dans l’Eglise a fait « beaucoup souffrir » le Saint-Père et l’a réellement « abattu ». Mais il a une foi forte, a-t-elle ajouté, convaincue que grâce à sa force de caractère et à sa foi, il réussira à traverser les tempêtes.

Edward Pentin

Deux cent mille personnes place Saint-Pierre, le pape « très heureux »

18 mai, 2010

du site:

http://www.zenit.org/article-24475?l=french

Deux cent mille personnes place Saint-Pierre, le pape « très heureux »

Commentaire du cardinal Bagnasco

ROME, Lundi 17 mai 2010 (ZENIT.org) – Le pape Benoît XVI a été très heureux du rassemblement de plus de 200.000 personnes – chiffres de la gendarmerie vaticane -, dimanche, place Saint-Pierre, a confié à Radio Vatican le cardinal archevêque de Gênes, Angelo Bagnasco, président de la conférence des évêques italiens, qui a été reçu ce matin par Benoît XVI.

En effet, à propos de ce rassemblement de soutien au pape lancé pour la prière mariale du dimanche, le « Regina Caeli » de midi, par la CNAL qui rassemble 67 associations et mouvements de laïcs italiens, le cardinal Bagnasco a déclaré à Radio Vatican que le pape en avait été « très content, très serein, devant une si grande manifestation de joie, de proximité, de prière depuis la place Saint-Pierre et au-delà ».

« Les journaux, a ajouté le cardinal, ont parlé à juste titre de 200.000 personnes, mais surtout, de cette foule composite, faite d’un peuple de petites et grandes familles, avec leurs enfants, qui sont venus de toute l’Italie, y compris avec de grands sacrifices, mais pour être un moment sous la fenêtre du pape ».

Pour ce qui est du fruit de cette manifestation, le cardinal Bagnasco souligne qu’elle a renforcé « la conscience que l’Eglise est une Eglise du peuple, une Eglise pour tous, et qui, en Italie, de façon particulière, a une grande affection, un lien important d’affection et de gratitude envers le Saint-Père ».

« Nous avons, ajoute-t-il, la bénédiction et la grâce d’avoir le Siège de Pierre justement dans notre Italie et cela représente dans le cœur des gens une grande grâce et un nouveau motif de foi et de joie ».

Il souligne le passage de l’allocution du pape concernant le péché « parce que le péché est l’origine de tous les maux » : « C’est une vérité de foi que nous ne devons jamais oublier. Le pape, avec sa clarté et sa douceur, et la lucidité de son magistère, nous rappelle qu’au cœur des choses, la cause vraiment de tout mal physique et culturel est justement le péché qui est l’éloignement de Dieu, le fait de lui tourner le dos, de tourner le dos à sa vérité, qui brille dans le Christ et resplendit dans l’Eglise ».

Le cardinal Bagnasco souligne que les victimes d’abus mais aussi les prêtres, sont des intentions de prière du pape, mais aussi de l’Eglise en Italie, et notamment « la sanctification du clergé », au moment où l’Année sacerdotale s’achève.

Il relève enfin que l’appel de la CNAL a mis en évidence l’unité des associations de laïcs en Italie : « Une chose très belle, un témoignage de la beauté du chemin fait ensemble » pour manifester au pape « affection, confiance et espérance ».

« Je suis très reconnaissant, et avec moi tous les évêques italiens pour notre laïcat, pour cette initiative, cette vivacité dont on espère qu’elle va continuer aussi dans toutes les autres Eglises locales. Comme le Saint-Père le disait au Portugal, en parlant aux évêques, c’est un printemps de l’Esprit, un printemps de Pentecôte, des charismes nouveaux et anciens. C’est important qu’en dialoguant toujours davantage entre eux, et avec leurs pasteurs, ils favorisent la vitalité, la communion et l’annonce missionnaire de l’Eglise au monde ».

Anita S. Bourdin

par Sandro Magister : Benoît XVI à Malte. L’accostage qui sauve du naufrage

19 avril, 2010

du site:

http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1342937?fr=y

Benoît XVI à Malte. L’accostage qui sauve du naufrage

Les larmes du pape avec les victimes d’abus sexuels. « Dieu ne rejette personne. Et l’Église ne rejette personne. Toutefois, dans son grand amour, Dieu provoque chacun de nous à changer et à devenir plus parfait »

par Sandro Magister

ROME, le 19 avril 2010 – L’acte symbolique le plus fort de son voyage à Malte, Benoît XVI l’a accompli hors de la vue des médias : il a pleuré avec huit personnes qui ont été victimes, étant très jeunes, d’abus sexuels commis par des prêtres.

La rencontre a eu lieu à huis clos, à la nonciature, peu après la messe du dimanche 18 avril. Et c’est l’un des huit, Lawrence Grech, 35 ans, qui a parlé des larmes du pape. Et aussi de sa propre émotion et de la renaissance de sa foi.

Voici comment le communiqué officiel du Vatican a décrit la rencontre :

« Le Saint-Père a été profondément ému par leurs récits, il a exprimé sa honte et son regret pour ce que les victimes et leurs familles ont enduré comme souffrances. Il a prié avec eux et leur a assuré que l’Église fait et continuera à faire tout ce qui est en son pouvoir pour vérifier les accusations, pour que les responsables d’abus soient traduits en justice et pour mettre en œuvre des mesures efficaces afin de protéger les jeunes à l’avenir. Dans l’esprit de sa récente lettre aux catholiques d’Irlande, il a prié pour que toutes les victimes d’abus puissent connaître la guérison et la réconciliation afin d’avoir la force de continuer leur chemin avec une espérance renouvelée ».

*

En effet, le pape Joseph Ratzinger a fait son voyage à Malte sous une très forte pression médiatique internationale, qui exigeait de lui des gestes et des mots à propos du scandale de la pédophilie.

Il ne s’est pas dérobé mais il a agi dans le style qui est le sien.

Il n’a jamais parlé explicitement, en public, de la question de la pédophilie. Il a plutôt écouté ce que d’autres lui disaient à ce sujet : l’évêque de La Valette au début de la messe et, dans l’après-midi, un jeune homosexuel, lors de la rencontre avec les jeunes sur le quai du port. Cette dernière intervention, en particulier, a été un J’accuse sévère et circonstancié contre les défauts de l’Église.

Mais en deux occasions au moins, le pape Benoît XVI a donné en public sa clé de lecture quant à la crise qui a frappé l’Église à cause du scandale de la pédophilie.

*

La première fois, c’était le samedi après-midi, quand il s’est brièvement entretenu avec les journalistes dans l’avion qui volait vers Malte.

Pour expliquer les raisons de son voyage, Benoît XVI a rappelé le naufrage de saint Paul à Malte en l’an 60 :

« Je pense que le motif du naufrage nous dit quelque chose. Le naufrage a donné à Malte la chance d’avoir la foi ; nous pouvons penser, nous aussi, que les naufrages de la vie peuvent permettre la réalisation du plan de Dieu sur nous et servir à de nouveaux départs dans notre vie ».

Peu après il a ajouté :

« Je sais que Malte aime le Christ et l’Église qui est son Corps et sait que, même si ce Corps est blessé par nos péchés, le Seigneur aime quand même cette Église, et son Évangile est la vraie force qui purifie et guérit ».

*

La seconde fois, c’était le dimanche après-midi, lors du discours adressé aux jeunes sur le quai du port de La Valette.

Dans ce discours, le pape a dit :

« Saint Paul, alors qu’il était jeune, a eu une expérience qui l’a changé pour toujours. Comme vous le savez, pendant un temps il a été un ennemi de l’Église et il a tout fait pour la détruire. Alors qu’il était en route vers Damas, avec l’intention de traquer tout chrétien qu’il y trouverait, le Seigneur lui apparut dans une vision. Une lumière aveuglante l’enveloppa et il entendit une voix lui dire : « Pourquoi me persécutes-tu ?… Je suis Jésus, celui que tu persécutes » (Ac 9, 4-5). Paul fut complètement bouleversé par cette rencontre avec le Seigneur et toute sa vie en fut transformée. Il devint un disciple jusqu’à devenir un grand apôtre et missionnaire. [...]

« Chaque rencontre personnelle avec Jésus est une expérience irrésistible d’amour. D’abord, comme Paul lui-même l’admet, il avait mené « une persécution effrénée contre l’Église de Dieu et cherché à la détruire » (cf. Ga 1, 13). Mais la haine et la rage exprimées dans ces paroles furent complètement balayées par la puissance de l’amour du Christ. Jusqu’à la fin de sa vie, Paul a eu l’ardent désir de porter l’annonce de cet amour jusqu’aux confins de la terre.

« Peut-être l’un de vous me dira-t-il que saint Paul a souvent été sévère dans ses écrits. Comment puis-je affirmer qu’il a répandu un message d’amour ? Ma réponse est celle-ci. Dieu aime chacun de nous avec une profondeur et une intensité que nous pouvons difficilement imaginer. Il nous connaît intimement, il connaît tous nos talents et tous nos défauts. Par conséquent, il nous aime tellement qu’il désire nous purifier de nos imperfections et renforcer nos vertus, en sorte que nous puissions avoir la vie en abondance. Quand il nous fait reproche parce que quelque chose dans nos vies lui déplaît, il ne nous rejette pas, mais il nous demande de changer et de devenir plus parfaits. C’est ce qu’il a demandé à saint Paul sur le chemin de Damas. Dieu ne rejette personne. Et l’Église ne rejette personne. Toutefois, dans son grand amour, Dieu provoque chacun de nous à changer et à devenir plus parfait.

« Saint Jean nous dit que cet amour parfait chasse la crainte (cf. 1 Jn 4, 18). Et c’est pourquoi je vous dis à tous : « N’ayez pas peur ! ». Que de fois nous entendons ces paroles de l’Écriture ! Elles ont été adressées à Marie par l’ange à l’Annonciation, par Jésus à Pierre, quand il l’a appelé à être son disciple, et par l’ange à Paul la veille de son naufrage. À tous ceux d’entre vous qui désirent suivre le Christ, en tant que couples mariés, parents, prêtres, religieux, religieuses et laïcs qui portez le message de l’Évangile au monde, je dis : n’ayez pas peur ! Vous rencontrerez certainement une opposition au message de l’Évangile. La culture d’aujourd’hui, comme toute culture, encourage des idées et des valeurs qui sont parfois incompatibles avec celles qui ont été vécues et prêchées par notre Seigneur Jésus-Christ. Souvent elles sont présentées avec un grand pouvoir de persuasion, renforcé par les médias et par la pression sociale de groupes hostiles à la foi chrétienne. Il est facile, quand on est jeune et impressionnable, d’être influencé par les personnes du même âge pour accepter des idées et des valeurs que nous savons ne pas être ce que le Seigneur veut vraiment de nous. Voilà pourquoi je vous dis : n’ayez pas peur, mais réjouissez-vous de son amour pour vous ; faites-lui confiance, répondez à son invitation à être ses disciples, trouvez un aliment et un remède spirituel dans les sacrements de l’Église.

« Ici à Malte, vous vivez dans une société qui est imprégnée par la foi et par les valeurs chrétiennes. Vous devriez être fiers que votre pays soit le seul état de l’Union Européenne à défendre l’enfant qui n’est pas encore né et en même temps à encourager la stabilité de la vie de famille en disant non à l’avortement et au divorce. Je vous exhorte à maintenir ce courageux témoignage rendu au caractère sacré de la vie et à la place centrale du mariage et de la vie familiale pour une société saine. À Malte et à Gozo, les familles savent apprécier leurs membres âgés et malades et prendre soin d’eux, et elles accueillent les enfants comme des dons de Dieu. D’autres nations peuvent apprendre de votre exemple chrétien. Dans le contexte de la société européenne, les valeurs évangéliques redeviennent une contre-culture, comme au temps de saint Paul.

« En cette Année sacerdotale, je vous demande d’être ouverts à la possibilité que le Seigneur puisse appeler certains d’entre vous à se donner totalement au service de son peuple dans le sacerdoce ou dans la vie consacrée. Votre pays a donné beaucoup d’excellents prêtres et religieux à l’Église. Inspirez-vous de leur exemple et reconnaissez la joie profonde qui vient du fait de consacrer sa vie à l’annonce du message de l’amour de Dieu pour tous, sans exception ».

*

Naufrage et blessures, haine et volonté de détruire… Mais, pour le pape Benoît XVI, tout, vraiment tout, est grâce et promesse de guérison, « même les attaques du monde contre nos péchés ». Elles peuvent être la main de Dieu qui « désire nous purifier de nos fautes et renforcer nos vertus, afin que nous puissions avoir la vie en abondance ».

Traduction française par Charles de Pechpeyrou.

Benoît XVI vers la Terre Sainte – Espoirs et rêves, par le P. Neuhaus, s.j.

6 mai, 2009

du site:

http://www.zenit.org/article-20863?l=french

Benoît XVI vers la Terre Sainte – Espoirs et rêves, par le P. Neuhaus, s.j.

Réflexion du vicaire chargé des catholiques d’expression hébraïque du patriarcat latin de Jérusalem

ROME, Mardi 5 mai 2009 (ZENIT.org) – Nous reprenons ci-dessous une réflexion du P. David Neuhaus, s.j., vicaire patriarcal chargé des catholiques d’expression hébraïque du patriarcat latin de Jérusalem, publiée par le site de la Custodie de Terre sainte (cf. http://www.custodia.org/) sur la visite du pape en Terre sainte.

* * *

Ce n’est pas un secret que de nombreux chrétiens de Terre Sainte sont anxieux à propos de la prochaine visite du Saint Père en Terre Sainte, prévue du 8 au 15 mai 2009. Il semble que cela ne soit pas le meilleur moment pour l’accomplir. Des tensions font rage au niveau politique. Par ailleurs, de nombreux catholiques sont très préoccupés par le statut de l’Eglise et de ses institutions en Israël, à la lumière des négociations en cours et non encore portées à terme entre le Saint Siège et l’Etat d’Israël. De plus, les relations du Saint Père tant avec les Juifs qu’avec les Musulmans ont été marquées par des incompréhensions et par des récriminations.

Cependant, la visite suscite également des espoirs et des rêves. Les catholiques attendent la visite de leur pasteur, le seul à être responsable du soin de leurs âmes. Nous l’attendons en tant que témoin du Christ Ressuscité. Nous attendons de lui des paroles de consolation et d’espoir au sein de la situation difficile dans laquelle nous nous trouvons. Nous espérons que le Saint Père parle à nos jeunes qui cherchent à comprendre ce que leur foi peut signifier dans cette situation de guerre et de crise constantes, où les chrétiens vivent comme un tout petit troupeau. Quelle est la signification de notre témoignage non seulement pour eux mais pour l’Eglise Universelle ? Quelles sont les raisons pour lesquelles nous devrions rester ici, en Terre Sainte, plutôt que d’émigrer dans des pays où la vie pourrait être plus facile ? Quel est notre rôle dans la création d’une société fondée, ici, sur les valeurs qui sont chères aux chrétiens ? Comment pouvons-nous ne pas être seulement témoins de justice, de paix et de réconciliation mais également de pardon, cette valeur profondément évangélique qui semble souvent absente de notre pays, défiguré par la guerre ? Sans doute, nous attendons tous la visite d’un porteur de bonnes nouvelles pour tous les peuples de cette terre.

Le Saint Père a annoncé qu’il vient pour prier dans les Lieux Saints pour l’unité et pour la paix. Il vient sûrement en tant que messager de dialogue et sa visite peut contribuer aux différents niveaux de dialogue qui font défaut et qui sont si nécessaires ici et maintenant. Dans une perspective œcuménique, le dialogue entre orthodoxes et catholiques n’est pas très prospère au niveau des chefs de l’Eglise en Terre Sainte. Des chrétiens au sein des communautés locales réalisent cependant que le dialogue œcuménique est essentiel en ce que la survie chrétienne dépend de l’unité. Il existe d’une part le dialogue entre chrétiens et juifs et, d’autre part, le dialogue entre chrétiens et musulmans. Le Pape peut-il être un pont entre ces deux mondes trop souvent séparés par des animosités largement politiques ? La visite du Pape peut-elle également promouvoir le dialogue entre israéliens et palestiniens, se mouvant entre les deux parties avec un profond respect de leurs histoires nationales et, dans le même temps, en conservant une distance permettant de ne pas être utilisé afin de tenter de justifier les aspects les plus problématiques de leurs histoires respectives ? Les israéliens tout comme les palestiniens attendent des avantages politiques de cette visite au travers de la légitimation papale de certaines positions politiques.

En tant que catholiques d’expression hébraïque, nous attendons avec impatience nous aussi la visite du Saint Père. Nous avons confiance dans le fait qu’il trouvera les gestes et les mots qui conviennent partout où il se rendra. Nous prions en particulier afin que, lors de sa rencontre avec les leaders tant religieux que politiques de la société dont nous faisons partie, la société juive israélienne, le Saint Père présente le visage d’une Eglise qui est compatissante dans son écoute et passionnée par le dialogue avec le peuple juif, le peuple de Notre Seigneur Jésus Christ et le peuple qui nous a donné nos Saintes Ecritures.

La visite accomplie en l’an 2000 par le Pape Jean Paul II représente un exemple qui peut servir de référence sur ce que la visite pourrait réaliser. La délicate chorégraphie de cette visite, qui voit le Saint Père se déplacer au milieu de nombreux champs de mines potentiels – religieux, politique, national, ethnique et œcuménique – en laisse beaucoup avec le souffle coupé et rêvant de possibilités peut-être jamais imaginées auparavant. Cette visite (de Jean Paul II) représente un précédent que cette autre visite peut renforcer voire plus. Le Saint Père peut encore émerger comme une figure emblématique de l’humilité, du pardon, du dialogue, de la réconciliation et, ce qui est plus important encore, de la prière chrétiens. Il peut jouer un rôle prophétique ici avec l’aide de l’Esprit Saint, grande sagesse et grâce à une très attentive préparation et nous prions dans ce sens.

P. David Neuhaus SJ

Vicaire patriarcal chargé des catholiques d’expression hébraïque

Patriarcat Latin de Jérusalem

« Qui avait intérêt à salir la réputation du pape ? », par Mgr Simon

4 février, 2009

du site:

http://www.zenit.org/article-20056?l=french

« Qui avait intérêt à salir la réputation du pape ? », par Mgr Simon

« Lettre ouverte à ceux qui veulent bien réfléchir… »

ROME, Lundi 2 février 2009 (ZENIT.org) – Dans  « Lettre ouverte à ceux qui veulent bien réfléchir… », Mgr Hippolyte Simon, archevêque de Clermont et vice-président de la conférence épiscopale française, demande:

Qui avait intérêt à salir la réputation du Pape ?

Je ne sais pas si je suis en colère ou si je suis malheureux : la vérité tient sans doute des deux. Mais trop, c’est trop, alors je dis : ça suffit ! Le déchaînement médiatique contre le Pape Benoît XVI, qui aurait réintégré quatre évêques intégristes, dont un négationniste avéré, ne relève pas de la critique, mais de la calomnie et de la désinformation. Car, quoi que l’on pense des décisions du Pape, il faut dire, répéter et souligner que ces quatre évêques n’ont pas été réintégrés. Et donc, Mgr Williamson, dont les propos tenus à la télévision suédoise sont effectivement intolérables, n’est toujours pas revenu au sein de l’Eglise catholique et il ne relève toujours pas de l’autorité du Pape. Les informations qui parlent  de réintégration reposent sur une confusion grave entre levée des excommunications et réintégration à part entière.

J’accorde volontiers mon indulgence à tous les journalistes et à tous les commentateurs qui ont pu confondre, de bonne foi, la levée de l’excommunication et la réintégration pure et simple. Les catégories utilisées par l’Eglise peuvent prêter à équivoque pour le grand public. Mais la vérité oblige à dire  que, selon le Droit de l’Eglise, ce n’est pas du tout la même chose. Si on confond les plans on devient victime de simplifications qui ne profitent qu’à ceux qui veulent faire de la provocation. Et on se fait complice, involontairement, de ces derniers. De façon habituelle, le grand public est en droit d’exiger d’un journaliste sportif qu’il sache distinguer, par exemple, entre un corner et un essai. Pourquoi l’Eglise n’aurait-elle pas le droit d’avoir aussi son vocabulaire « technique » et pourquoi devrait-on tolérer des approximations aussi graves simplement sous prétexte qu’il s’agit de religion ?

Reprenons donc exactement ce qui s’est passé. Suite à l’élection du Pape Benoît XVI, en Avril 2005, les évêques de la Fraternité Saint-Pie-X, fondée il y a plus de trente ans par Mgr Lefebvre, ont demandé à reprendre le dialogue avec Rome, mais ils avaient mis deux préalables: premièrement, la libéralisation du Missel de 1962, ce qui a été fait par le motu proprio, en juillet 2007 et, deuxièmement, la levée des excommunications.

Que signifie la levée des excommunications ? Pour prendre une comparaison familière, je dirai ceci : quand Mgr Lefebvre est sorti, c’est-à-dire quand il a désobéi en ordonnant quatre évêques malgré l’avis formel du Pape, c’est comme s’il y avait eu, automatiquement, une barrière qui était tombée et un feu qui s’était mis au rouge pour dire qu’il était sorti. Cela voulait dire que si, un jour, il voulait rentrer, il faudrait qu’il fasse d’abord amende honorable. Mgr Lefebvre est mort. Paix à son âme !  Aujourd’hui, ses successeurs, vingt ans après, disent au Pape : «Nous sommes prêts à reprendre le dialogue, mais il faut un geste symbolique de votre part. Levez la barrière et mettez le feu au clignotant orange !» Le Pape, pour mettre toutes les chances du côté du dialogue, a donc levé la barrière et a mis le feu au clignotant orange. Reste à savoir maintenant si ceux qui demandent à rentrer vont le faire. Est-ce qu’ils vont rentrer tous ? Quand ? Dans quelles conditions ? On ne sait pas. Comme le dit le cardinal Giovanni Battista Re [préfet de la Congrégation des évêques], dans son décret officiel : « il s’agit de stabiliser les conditions du dialogue ». Peut-être que le Pape, dans un délai que nous ne connaissons pas, leur donnera un statut canonique. Mais pour l’instant, ce n’est pas fait. Le préalable au dialogue est levé, mais le dialogue n’a pas encore commencé. Nous ne pouvons donc  pas juger les résultats du dialogue avant qu’il n’ait eu lieu.

Là-dessus, la veille du jour où devait être publié le décret du Cardinal RE, voici qu’une télévision suédoise publie ou republie les propos clairement négationnistes de l’un des quatre évêques concernés, Mgr Williamson. Le Pape, quand il a donné son feu vert à la signature du décret par le Cardinal pouvait-il connaître les discours de Mgr Williamson ? Très honnêtement, je crois pouvoir dire que non. Et c’est en un sens plutôt rassurant : c’est le signe que le Vatican n’a vraiment pas les moyens de faire surveiller tous les évêques et toutes les chaînes de télévision du monde ! C’est donc ici qu’il ne faut pas se tromper d’interprétation : que signifie cette coïncidence entre la signature d’un décret, prévue pour le 21 Janvier, et donc connue de Mgr Williamson, et la diffusion des propos télévisés du même personnage ?

Que chacun se demande : à qui profite le crime ? A qui profite le scandale provoqué par des propos d’une telle obscénité ? La réponse me semble limpide : à celui ou à ceux qui voulaient torpiller le processus inauguré par la signature du décret ! Or, pour peu que l’on suive un peu ces questions et les différentes interventions de Mgr Williamson depuis quelques années, il est clair que lui ne veut à aucun prix de la réconciliation avec Rome ! Cet évêque, dont je répète, qu’il n’a encore aujourd’hui aucun lien de subordination canonique vis-à-vis de Rome, a tout simplement utilisé la méthode des terroristes : il fait exploser une bombe (intellectuelle) en espérant que tout le processus de réconciliation va dérailler. Il fait comme tous les ultras de tous les temps : il préfère laisser un champ de ruines plutôt que de se réconcilier avec ceux qu’il considère comme des ennemis.

Alors je le dis avec tristesse à tous ceux qui ont relayé, – avec gourmandise ou avec douleur-, l’amalgame entre Benoît XVI et Mgr Williamson : vous avez fait le jeu, inconsciemment, d’un provocateur cynique ! Et, en prime, si j’ose dire, vous lui avez offert un second objectif qui ne pouvait que le ravir : salir de la pire des manières la réputation du Pape. Un pape dont il se méfie plus que de tout autre, car il voit bien que ce Pape ruine absolument tout l’argumentaire échafaudé jadis par Mgr Lefebvre. Je ne peux pas développer ici ce point. Je ne fais que renvoyer à un article que j’avais publié dans les colonnes du journal Le Monde, l’an dernier, au moment de la publication du Motu Proprio : « Quand je lis, un peu partout, que le Pape accorde tout aux intégristes et qu’il n’exige rien en contrepartie, je ne suis pas d’accord : il leur accorde tout sur la forme des rites, mais il ruine totalement leur argumentaire sur le fond. Tout l’argumentaire de Mgr Lefebvre reposait sur une prétendue différence substantielle entre le rite dit de Saint Pie V et le rite dit de Paul VI. Or, réaffirme Benoît XVI, il n’y a pas de sens à parler de deux rites. On pouvait, à la rigueur, légitimer une résistance au Concile si l’on pensait, en conscience, qu’il existait une différence substantielle entre deux rites. Peut-on légitimer cette résistance, et a fortiori un schisme, à partir d’une différence de formes ? »

Pour un fondamentaliste, et qui plus est, pour un négationniste forcené comme Mgr Williamson, Benoît XVI est infiniment plus redoutable que tous ceux qui font l’apologie de la « rupture » introduite par le Concile Vatican II. Car s’il y a rupture, alors il est conforté dans son opposition à la « nouveauté ». Mais celui qui démontre paisiblement que le Missel de Paul VI, la liberté religieuse et l’œcuménisme font partie intégrante de l’authentique Tradition Catholique, celui-là lui enlève toute justification.

J’ai bien conscience qu’il faudrait développer mon argumentation. Que chacun veuille bien me pardonner de renvoyer aux sites internet où tout ceci est visible. Mais je souhaite surtout que chacun veuille bien se méfier des provocations trop bien montées. Quant à ceux qui s’obstinent à répéter que Joseph Ratzinger a servi dans les Jeunesses hitlériennes, qu’ils veuillent bien relire le témoignage qu’il a donné à Caen, le 6 Juin 2004, pour le soixantième anniversaire du Débarquement en Normandie, et qu’ils se demandent ensuite ce qu’ils auraient fait à sa place. ..Quand on hurle un peu trop fort avec les loups d’aujourd’hui, on ne fait pas  bien la preuve que l’on eût été capable de se démarquer des loups de l’époque…

Reste un point qui est second mais cependant très grave : il faudra tout de même s’interroger sur la communication des instances romaines lorsqu’il s’agit de sujets aussi sensibles. Après la polémique de Ratisbonne (qui mériterait elle aussi d’être démontée attentivement..), j’espère – mais je me réserve d’en parler plutôt en interne – que les responsables de la Curie vont procéder à un sérieux débriefing  sur les ratés de leur communication. Pour le dire d’un mot, voici comment j’ai vécu les choses : Mercredi 21 janvier, les milieux intégristes italiens, qui croyaient triompher, « organisent une fuite » dans « Il Giornale ». Aussitôt le tam-tam médiatique, se met en route. Mais nous, membres des conférences épiscopales, nous ne savons absolument rien ! Et pendant trois jours les nouvelles – erronées, qui parlent à longueur de journée de réintégration – prolifèrent dans tous les sens comme un feu de brousse. Tout y passe. Arrive alors la « bombe » de Mgr Williamson… Et c’est seulement samedi matin, – trois jours  trop tard ! -, que nous recevons le communiqué officiel du Cardinal RE. Comment voulez-vous que nous puissions remettre le débat sur des bases correctes ? Le Cardinal Ricard s’y est employé, de très bonne façon, mais le feu était parti, et plus personne ne pouvait alors entendre une parole raisonnable.

Maintenant que la poussière commence à retomber, essayons de reprendre calmement nos esprits. Comme disait ma Grand-mère : d’un mal Dieu peut faire sortir du bien. Le mal c’est que le Pape Benoît XVI a une nouvelle fois été traîné dans la boue par une majorité de grands médias, excepté, Dieu Merci, La Croix et quelques autres. Beaucoup de catholiques, et beaucoup de gens de bonne volonté, sont dans l’incompréhension et la souffrance. Mais le bien, c’est que les masques sont tombés ! Si le dialogue continue malgré tout avec les évêques de la Fraternité Saint Pie X, – sous réserve, bien sûr, qu’ils passent  la barrière maintenant levée- , le discernement pourra se faire, car tout le monde sait un peu mieux  ce qu’ils pensent les uns et les autres.

Pour conclure, j’ai envie de m’adresser aux fidèles catholiques qui peuvent, non sans raison, avoir le sentiment d’être un peu trahis, pour ne pas dire méprisés, en cette affaire : méditez la parabole du Fils prodigue, et prolongez-la. Si le Fils aîné, qui avait d’abord refusé d’entrer dans la fête, dit qu’il veut rentrer, allez-vous le refuser ??? Ayez suffisamment confiance en vous-mêmes et en l’Esprit qui conduit l’Eglise, et qui a aussi guidé le Concile de Vatican II, pour penser que la seule présence de ce fils aîné ne suffira pas à étouffer la fête. Donnez  à ce dernier venu un peu de temps pour s’habituer à la lumière de l’Assemblée où vous vous tenez…

 + Hippolyte Simon,

Archevêque de Clermont.

Vice-président de la Conférence des évêques de France