Archive pour la catégorie 'Spiritualité'

SOYEZ MISERICORDIEUX – GIOVANNI CRISOSTOMO (de Iemn Enkeiridion, 67-68)

9 avril, 2019

http://www.novena.it/il_punto/padri_della_chiesa/marzo/01marzo.htm

14642

SOYEZ MISERICORDEUX – GIOVANNI CRISOSTOMO (de Iemn Enkeiridion, 67-68)

(traduction Google de l’italien)

O Seigneur Jésus Christ,
mon Dieu, sois miséricordieux,
indulgent et bienveillant
et pardonne-moi,
pécheur et serviteur inutile et indigne,
les erreurs, les offenses et les péchés
que j’ai commis consciemment
ou inconsciemment
en paroles, en actes ou en désirs
ou en pensées et occupations,
et avec tous mes sens,
depuis ma jeunesse jusqu’à ce jour
et en ce moment.
Par l’intercession de Marie,
qui vous a engendré vierges,
votre très sainte et toujours vierge mère,
mon unique espoir inébranlable,
mon salut,
me rendent digne de participer
sans crainte de condamnation
à vos plus purs, immortels, redonnateurs de
vie et d’énormes mystères,
pour obtenir la rémission des péchés, la
vie éternel, sanctification,
lumière, force, guérison,
santé pour l’âme et le corps.
Laisse-les m’effacer
et me détruire complètement
mauvaises pensées, idées,
jugements téméraires et illusions nocturnes
causées par les esprits des ténèbres et du mal.
Car le tien est le royaume, la puissance, la gloire
, l’honneur et l’adoration,
avec le Père et avec le Saint-Esprit,
maintenant et à jamais, pour toujours et à jamais.
Amen. 

SPIRITUALITE. L’INTERPRÉTATION CHRÉTIENNE DES RÊVES

4 février, 2019

https://www.avvenire.it/agora/pagine/i-sogni-dei-cristiani

la scala di giacobbe

L’échelle de Jacob

(traduction Google de l’italien)

SPIRITUALITE. L’INTERPRÉTATION CHRÉTIENNE DES RÊVES

Andrea Galli jeudi 28 juin 2012

Les rêves contiennent-ils un message? Sont-ils porteurs des mouvements de l’Esprit? Peuvent-ils être déchiffrés et utilisés comme indications de leur vie? La question n’est pas pèlerine, elle remonte à l’aube de l’expérience religieuse. L’onomomanie, la divination basée sur les rêves, était une pratique répandue dans l’Antiquité, de la Chine à l’Inde en passant par la civilisation babylonienne. Dans la Grèce antique, on croyait que pendant son sommeil, Asclepius, le dieu de la médecine, rendait visite à la personne pour l’inspirer, la guérir ou la guider. Les malades se rendirent à l’asclépexisme – il y en avait un également à Rome sur l’île Tibérine, construite en 289 av. J.-C. À leur arrivée, les ministres du temple évaluèrent les besoins du pèlerin qui, après avoir effectué des rituels de purification, fut admis dans un dortoir sacré sous terre et passé la nuit là-bas. Asclepius serait apparu dans un rêve et aurait opéré le mal ou indiqué, avec des scènes symboliques, un traitement. Une croyance qui contrebalançait l’esprit rationnel d’Aristote, qui ne voyait pas les révélations divines dans le rêve, mais plutôt la libération des stimuli sensoriels qui avaient affecté le corps pendant la veillée. Au XXe siècle, le problème des rêves et leur interprétation réapparurent « haute » culture grâce à Freud et à la psychanalyse, le rêve lu dans une clé immanente, comme manifestation de désirs inconscients. Les neurosciences aussi, à partir de la seconde moitié du siècle dernier, se sont lancés sur le terrain, sans toutefois clarifier le coeur de la question: non seulement sur la genèse et la signification biologique du rêve, on tâtonne encore dans le noir, entre des hypothèses plus ou moins accréditées , mais c’est le même phénomène du sommeil – de ses fins profondes – qui reste en grande partie une énigme pour les neurosciences. Le retour de l’association entre rêve et vie spirituelle est dû au cours des dernières décennies à l’influence croissante de celui qui a ouvert la psychanalyse aux thèmes religieux, à savoir Carl Gustav Jung, et à ce mouvement composite et syncrétiste qui est généralement classé comme New âge. Dans le monde anglo-saxon, des auteurs new-age comme Betty Bethards, Gillian Holloway ou Michael Lennox ont prospéré au pays des rêves. L’Australien Adam F. Thompson est venu fonder avec d’autres une église, le « Field of Dreams », axée sur des rêves destinés à être des révélations surnaturelles. Devant ce panorama, Gérard Condon, prêtre catholique du diocèse de Cloyne en Irlande, ancien directeur du Collège pontifical irlandais à Rome, il s’est demandé si la théologie et la spiritualité catholiques ne « déroutaient » pas de la piscologie et du nouvel âge, un sujet qui serait plutôt de leur ressort. Et ils ne se sont pas rendus compte qu’il y avait une demande généralisée parmi les croyants pour un guide du monde des « apparitions » nocturnes. La Bible et l’histoire des saints témoignent de la signification spirituelle des rêves. Dans la Genèse, Dieu parle à Jacob en rêve, lui montrant la fameuse échelle qui mène au ciel. Joseph, fils de Jacob, devient, lors de son emprisonnement en Égypte, un interprète précieux des rêves, ainsi que le prophète Daniel à la cour de Nebucadnetsar. Et avant la bataille contre Nicanore, Judas Maccabeus encourage ses hommes en leur racontant un rêve qui prédit la victoire: dans l’Évangile de Matthieu, Joseph reçoit dans ce rêve la nouvelle de la conception surnaturelle de Marie. Dans un rêve, Dieu avertit les mages d’éviter d’Hérode et de retourner dans leur pays. Et toujours dans un rêve, Joseph est d’abord invité à fuir avec Marie et Jésus en Égypte, puis il est averti de la mort d’Hérode et de la possibilité de retourner en Israël. Pour les saints, la liste serait très longue, mais le cas de Don Bosco mérite d’être mentionné, sa vie a été remplie de nombreux rêves prémonitoires. À partir de ce qu’il avait à neuf ans et qui est réapparu longtemps, avec des décors et des détails différents, dans lequel Jésus et la Vierge ont éclipsé sa mission d’évangélisateur de la jeunesse. Mais l’approche de Gérard Condon,Le pouvoir des rêves, publié récemment pour les Edizioni Messaggero Padova (pages 240, euro 14), ne semble pas toucher à la cible, pour la méthodologie sur laquelle il repose. En d’autres termes, la tentative de changer l’analyse des rêves de Jung en les filtrant. Condon n’est pas le seul à avoir essayé cette voie, d’autres religieux l’ont essayé au fil des ans – un cas notoire est celui de l’Américaine Ursuline Pat Brockman, formée à l’Institut CG Jung de Zurich -, mais elle a glissé sur un terrain insidieux, étant donné l’impossibilité pour récupérer Jung, et aussi sa lecture des rêves, d’un point de vue catholique. En particulier pour le rôle divinatoire attribué à l’irrationnel onirique par le psychanalyste suisse – renforcé en lui par le contact avec les sorciers de la tribu ougandaise des elgonyi, lors de son voyage en Afrique en 1925 – à la fois pour la conception du mal inhérent à la divinité, pour la conception de la matrice gnostique-alchimique, d’où découle le dépassement de l’idée de péché et l’intégration nécessaire du bien et du mal également dans la dimension éthique de L’approche catholique des rêves et de leur interprétation se trouve, même s’il est à contre-jour, dans le livre de Condon. Ce qui souligne à juste titre que les révélations de rêves déjà dans l’Ancien Testament étaient sujettes à critique. Dans le Deutéronome, il y a condamnation de la divination. Jérémie et Zacharie stigmatisent ceux qui prétendent savoir discerner la volonté de Dieu à partir de rêves. Dans le Nouveau Testament, le mot grec pour rêve, De là découle le dépassement de l’idée de péché et l’intégration nécessaire du bien et du mal également dans la dimension éthique de l’homme.L’approche catholique du rêve et de son interprétation se trouve, même à contre-jour, dans le livre de Condon. Ce qui souligne à juste titre que les révélations de rêves déjà dans l’Ancien Testament étaient sujettes à critique. Dans le Deutéronome, il y a condamnation de la divination. Jérémie et Zacharie stigmatisent ceux qui prétendent savoir discerner la volonté de Dieu à partir de rêves. Dans le Nouveau Testament, le mot grec pour rêve, De là découle le dépassement de l’idée de péché et l’intégration nécessaire du bien et du mal également dans la dimension éthique de l’homme.L’approche catholique du rêve et de son interprétation se trouve, même à contre-jour, dans le livre de Condon. Ce qui souligne à juste titre que les révélations de rêves déjà dans l’Ancien Testament étaient sujettes à critique. Dans le Deutéronome, il y a condamnation de la divination. Jérémie et Zacharie stigmatisent ceux qui prétendent savoir discerner la volonté de Dieu à partir de rêves. Dans le Nouveau Testament, le mot grec pour rêve, Ce qui souligne à juste titre que les révélations de rêves déjà dans l’Ancien Testament étaient sujettes à critique. Dans le Deutéronome, il y a condamnation de la divination. Jérémie et Zacharie stigmatisent ceux qui prétendent savoir discerner la volonté de Dieu à partir de rêves. Dans le Nouveau Testament, le mot grec pour rêve, Ce qui souligne à juste titre que les révélations de rêves déjà dans l’Ancien Testament étaient sujettes à critique. Dans le Deutéronome, il y a condamnation de la divination. Jérémie et Zacharie stigmatisent ceux qui prétendent savoir discerner la volonté de Dieu à partir de rêves. Dans le Nouveau Testament, le mot grec pour rêve,fauteur de troubles, n’apparaît que sept fois. Athanase d’Alexandrie, parmi les pères de l’Église, avertit que, dans leur sommeil, les démons jouissent d’une plus grande liberté d’action. Tertullian, qui reconnaît que Dieu peut parler au dormeur, soutient que la plupart des rêves spirituels sont inspirés par les démons. Grégoire le Grand se prononce clairement contre l’interprétation des rêves, mais la position catholique a été synthétisée et clarifiée avant tout par Thomas Aquinas dans la Summa theological. Pour le médecin angélique, les rêves peuvent être principalement influencés par les conditions physiques et psychologiques du rêveur. Quant à l’influence surnaturelle, elle est parfois démoniaque et «parfois référable à Dieu, qui révèle certaines choses aux hommes rêveurs par l’intermédiaire des anges». L’utilisation délibérée des rêves pour obtenir des dons spirituels est donc illicite. comme assimilable à la divination. Alors que les rêves de messages divins sont des dons de Dieu, il ne faut pas les chercher. Et c’est cet équilibre et cette prudence qui sont présents dans le bel antienne qui est récité dans la prière de Complies, avant de se coucher: « Dans la veillée qui sauve nous Seigneur, ne nous abandonne pas dans le sommeil: le cœur veille sur Christ et le corps repose en paix » .

MADELEINE DELBRÊL. L’ÉVANGILE COURT LA BANLIEUE

22 janvier, 2019

http://www.spiritualite2000.com/2001/04/madeleine-delbrel-levangile-court-la-banlieue/

fr Gesù chiama pietro

Jésus appelle Pierre

MADELEINE DELBRÊL. L’ÉVANGILE COURT LA BANLIEUE

Il fallait oser! Le 15 octobre 1935, trois Jeunes femmes s’apprêtent à embarquer pour une « terre étrangère ».

Nul besoin de passeport, ni de billet de train, pas de mers à traverser ni de jungle à affronter. Le voyage risque pourtant d’être long et les rencontres plutôt inattendues. Avec l’insouciance de la jeunesse, Madeleine Delbrêl et ses deux amies traversent les boulevards « Maréchaux » de Paris comme on franchit le Rubicon. Destination Ivry-sur-Seine. Dans l’entourage des trois ex-cheftaines scoutes, on crie au casse-cou. Car c’est, ni plus ni moins, dans la « capitale » du communisme français que ces trois chrétiennes ont décidé de s’installer. Elles veulent être missionnaires dans la cité « rouge » aux trois cents usines, là où le seul « credo » est celui du marxisme et où les réunions de cellule ont, depuis longtemps, supplanté la messe dominicale.
Ce projet fou, Madeleine Delbrêl a pris le temps de le mûrir avec son aumônier, l’abbé Jacques Lorenzo. Pour abattre le mur qui sépare l’Eglise de la classe ouvrière, cette jeune bourgeoise que rien ne préparait à un tel choix décide de s’installer en plein fief du parti communiste. Pour la plupart des catholiques de l’époque, le communisme, c’est le diable. On reproche aux premiers prêtres-ouvriers de passer un pacte avec Satan. Malgré toutes les embûches, Madeleine franchit le fossé, celui qui divise la ville d’Ivry, rejetant les catholiques d’un côté et les prolétaires de l’autre.
Loin d’avoir peur du communisme, elle choisit de faire de l’athéisme le lieu de sa propre conversion. « Jamais Dieu n ‘a dit : Vous devez aimer votre prochain comme des frères, excepté les communistes, que vous devez haïr… », lance-t-elle dans un meeting.
Au début de son Installation à Ivry, Madeleine a encore des idées bien « pieuses » : « Priez pour Ivry où le péché officiel laïcisme rouge s’est affreusement affiché », dit-elle à ses amis dans les premiers jours. Mais, très vite, elle prend conscience qu’en restant à l’intérieur du cocon de sa paroisse, elle passe à côté de l’essentiel. À l’époque, les théologiens ne parlent pas encore « d’inculturation ». Mais c’est bien pourtant de cela dont il s’agit : II faut apprendre le langage de l’autre, s’ouvrir à la différence, fût-elle celle de l’athéisme marxiste.
En 1935, la petite communauté fondée par Madeleine Delbrêl s’installe près de la mairie communiste. Elle ne cherche ni à convertir ni à lancer des anathèmes. Elle mène la vie ordinaire des hommes et des femmes de ce quartier ouvrier et elle gagne leur confiance. Le maire adjoint communiste d’Ivry lui ouvre sa porte et son amitié. Bientôt, Madeleine saisit l’occasion de travailler au service social de la mairie. Elle découvre alors la misère et l’injustice, cibles du combat communiste.
Cette confrontation quotidienne avec l’athéisme marxiste va désormais faire partie de sa foi chrétienne. « Les communautés ont gagné mon amitié par leur volonté onéreuse de devenir ce qu’ils avaient choisi d’être », écrit-elle, mais sans que cela entraîne chez elle une fascination pour le marxisme. Très tôt, Madeleine sent l’incompatibilité fondamentale entre le marxisme et le christianisme. Il ne faut pas confondre l’émancipation du prolétariat avec l’idéal évangélique, dit-elle en substance. Ce qui ne l’empêche pas de lutter aux côtés des communistes.
Elle est de tous les combats pour les pauvres et pour la justice. Pour Madeleine, l’Eglise doit sortir de ses sacristies, parler le langage des hommes et les rejoindre. Elle vient souvent consulter le père Lorenzo, l’un des maîtres spirituels du séminaire de Lisieux.
Il lui cède souvent la place pour qu’elle fasse une « lecture spirituelle »… Une lecture nourrie, enrichie de ce qu’elle vît à Ivry. C’est à Madeleine que beaucoup de jeunes séminaristes devront leur « conversion », leur passage d’un catholicisme appris à une foi vivante.
« Conversion », le mot a pris un sens très fort pour Madeleine. Née en 1904 à Mussidan en Dordogne, elle a grandi de gare en gare, son père étant employé de chemin de fer. Jusqu’à ce jour de 1916 où sa famille s’installe à Paris. Quatre ans plus tard, la jeune fille qui, entre-temps, a fait sa communion, ne trouve plus ni sens, ni intérêt à la religion. « Dieu ut mort », lance-t-elle en proclamant son nouvel athéisme.
A la Sorbonne, elle suit les cours de philosophie de Léon Brunschvicg. Puis Madeleine se fiance à un catholique convaincu. Un jour, il lui annonce son entrée chez les dominicains. Madeleine ne se mariera jamais. Après cette séparation, elle remet en cause son athéisme affiché et proclamé. « Et s’il n’était pas absurde que Dieu existe ? » finit-elle par se demander. Madeleine cherche la réponse et décide de prier. Un acte volontaire et, en même temps, un geste terriblement pauvre. Elle prie à genoux pour, dit-elle, casser en elle toutes les emprises de l’idéalisme. Elle revient à la foi, aidée par la lecture de sainte Thérèse d’Avila qui, toute sa vie, restera une référence.
Ce passage par l’athéisme a sans doute permis à Madeleine de mieux comprendre ses futurs compagnons d’ivry. Elle expérimente une façon totalement libre de vivre sa foi. Pour Madeleine, aimer n’est ni un « devoir », ni une vertu, mais une « folie ». La foi ne nécessite ni crainte ni visage fermé et triste. «Nous sommes tous prédestinés à l’extase, tous appelés à sortir de nos pauvres combinaisons pour surgir heure après heure dans le plan (de Dieu). Nous ne sommes jamais de lamentables laissés-pour-compte», affirme-t-elle. Un véritable courant d’air frais, un cadeau précieux : subitement, la foi cesse de n’être qu’une dogmatique abstraite réunie en archives pour prendre le goût de sel d’une aventure.
La petite communauté de .Madeleine conjugue intériorité et engagement. Un moment tentée par la création d’un nouvel ordre religieux, elle y renonce finalement pour demeurer « nomade ». « La condition qui nous est donnée, c’est une insécurité universelle vertigineuse », une insécurité au parfum de liberté, celle-là même du Christ.
En 1942, Madeleine précise sa pensée : « Nous sommes de vraies laïques n’ayant pas d’autres voux que les promesses de notre baptême. » Un groupe « féminin laïc, quoique chacune de nous soit entièrement données au Christ pour essayer de le vivre et d’être au milieu de ceux qui ne le connaissent pas. » Et elle ajoute : « Par le seul fait de sa naissance, tout homme devient le frère de tous les autres hommes. Lorsque, par nos actes, nous nions être son frère, nous nions à la fois et ce que Dieu crée et ce que nous sommes. »
Madeleine Delbrêl nous apprend que chaque homme et chaque femme est une cathédrale assez grande pour que nous allions nous y mettre à genoux dans la rencontre de Dieu. Désormais, chaque visage humain est un monastère et chaque rue de nos villes est devenue un cloître.

LE HIBOU ET LA COLOMBE

8 janvier, 2019

http://www.abbaziamontecassino.org/abbey/index.php/briciole-spiritualita-abate-donato-montecassino/133-spiritualita-semi-briciole-montecassino-monaco-abate/466-civetta-colomba-montecassino-abate-ogliari

pellegrini cristiani entrano nel santo sepolcro

Moyen âge, les pèlerins chrétiens entrent au Saint-Sépulcre

LE HIBOU ET LA COLOMBE

(traduction Google da l’italien)

Ab. Donato Ogliari osb

Au cours des dernières décennies, en raison de la grave pollution de l’environnement, l’écosystème a subi des modifications qui ont eu des effets néfastes sur toutes les formes de vie. C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles il est aujourd’hui difficile, notamment pour ceux qui ne vivent ni dans les zones rurales ni dans les zones adjacentes, de repérer des animaux qui pouvaient être vus auparavant plus facilement. L’un d’entre eux est le hibou, un oiseau de proie nocturne et solitaire au vol molletonné et à la ligne haute et aiguë. Sa présence rare a certainement contribué à diminuer la sombre réputation qui l’accompagne depuis des siècles. En fait, dans l’Antiquité, il était considéré comme un oiseau de mauvais augure, notamment parce que, dans l’imaginaire collectif, il était considéré comme un messager de la mort. Le poète latin Virgilio, par exemple,(bubo) a posé sur les maisons des mourants pour annoncer la fin imminente.
Cette sombre réputation – à laquelle s’ajoute une association présumée avec le mauvais œil – signifie que le hibou n’a pas trouvé de sympathie, même dans la sphère chrétienne. Avec le temps, et sur la base de réminiscences païennes qui y voyaient le symbole de Pallas Athéna, déesse de la sagesse et de la science, le hibou sera en mesure de gagner une place respectable même dans le symbole chrétien. Ainsi, par exemple, le fait que le hibou soit un animal nocturne a commencé à être interprété comme un symbole de la sagesse solitaire et contemplative du croyant qui tente de percer le mystère de Dieu ou du croyant appelé à traverser les épreuves avec courage et confiance. obscur qui menacent sa vie,
***
La colombe, par contre, se présente immédiatement avec un symbolisme riche et positif. Dans l’Ancien Testament, c’est le symbole de la paix (c’était une colombe après le déluge d’apporter à Noé une branche verte d’olivier: voir Genèse 8,10-12), de beauté (cf. Cantique des Cantiques 1, 15) et de disponibilité (voir Psaume 55.7). Dans les évangiles, c’est le symbole de la simplicité (voir Matthieu 10,16) et surtout de l’Esprit Saint. Comment pouvons-nous ne pas penser au baptême de Jésus dans le Jourdain, lorsque l’Esprit de Dieu s’abattit sur lui sous la forme d’une colombe (voir Matthieu 3:16)?
À partir de cette scène évangélique, l’identification par la colombe et le Saint-Esprit est devenue une partie intégrante du symbolisme chrétien et son utilisation dans les arts visuels a été très large; Pensons simplement à la représentation de la Pentecôte, dans laquelle le Saint-Esprit est dépeint comme une colombe planant au-dessus de la tête des apôtres et de la Vierge Marie réunie dans la chambre haute. Dans l’iconographie chrétienne, on rencontre donc des saints (pensons, par exemple, à saint Grégoire le Grand) représentés avec une colombe près de l’oreille, symbole d’inspiration et d’illumination venant du Saint-Esprit. Pour Origène (écrivain chrétien du troisième siècle), les yeux de « l’homme éclairé » sont comparables à ceux de la colombe, symbole de l’Esprit.
Saint Paul a souligné à plusieurs reprises le rôle fondamental que le Saint-Esprit exerce dans la vie du chrétien et de l’Église (voir Romains 8: 9,14). Être en Christ et être dans l’Esprit sont deux affirmations de contenu sensiblement identique pour l’apôtre. En fait, c’est le Saint-Esprit qui nous conduit dans la communion trinitaire par la suite du Christ, la face du Père. C’est le Saint-Esprit qui, en offrant ses dons, édifie l’Église et l’enrichit d’innombrables dons et charismes. Et c’est toujours le Saint-Esprit qui marque le chrétien avec une vraie liberté, ce qui est conçu comme une ouverture à Dieu et aux frères amoureux (Galates 5:13), cet amour qui est répandu par le même Esprit dans le cœur de la fidèles (Romains 5: 5) et qui devient la norme et la force motrice de Existence chrétienne. Le Saint-Esprit – comme le dit saint Augustin – représente pour le croyant « le pouvoir de l’amour, le mouvement ascendant qui s’oppose à la force de gravité qui tend vers le bas ».
Le hibou et la colombe, donc. Deux symboles différents, mais qui se complètent. Tandis que l’un fait appel à une sagesse perspicace et perspicace, même dans les épreuves, l’autre fait allusion à la sagesse qui vient de l’Esprit et illumine et apaise le cœur humain. La chouette et la colombe sont les symboles d’un voyage de la vie que chaque croyant et chaque homme de bonne volonté devrait faire sienne, mais en cette période de l’année, je pense plus particulièrement aux personnes impliquées dans la délicate mission éducative et à tous ces garçons et filles, les jeunes et les jeunes qui se forment dans les écoles de tous les niveaux. Sans aucun doute, un petit « hibou » et un peu de « colombe » aideraient les enseignants et les élèves à transformer même l’enseignement théorique et l’apprentissage en une « école de la vie ».« Il est pas pour l’ école , mais pour la vie» , mantiene Emplacements sa valeur.

LE DISCERNEMENT DES ESPRITS

17 janvier, 2017

http://www.spiritains.org/pub/esprit/archives/art2032.htm

LE DISCERNEMENT DES ESPRITS

P. Michel Picard, Spiritain

Le discernement des esprits est une réalité de la vie spirituelle qui appartient à la tradition de l’église. Comment en serait-il autrement depuis ce que l’écriture, par la plume ne pas de Saint-Paul, par celle de l’auteur de l’épître osons aux hébreux, nous dit : « soyez transformés par le renouvellement de votre intelligence pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bien, ce qui lui est agréable, ce qui est parfait » (Rom. 12,2) ; « sachez discerner le meilleur » (Ph. 1,10-11 ») ; « les parfaits savent discerner le bien et le mal » (He 5,14) ; « éprouvez tout, retenez ce qui est bon » (I Th. 5,19-20).
Discerner peu à peu le plan de vie personnel que Dieu a pour moi, tel est le but du discernement des esprits. Nous nous réglons ainsi sur la même attitude que le Christ adopta vis-à-vis de son Père : « que ta volonté soit faite »…
Par le discernement des esprits, il s’agit donc de découvrir la volonté du Père. Tâche difficile, si d’avance nous voulons imposer les limites de notre propre vouloir.
C’est pourquoi Saint-Paul insiste auprès des communautés chrétiennes de Rome, de Philippe et de Thessalonique pour qu’elles pratiquent cette consigne du discernement. Le disciple de Jésus doit savoir et vouloir « discerner la volonté de Dieu ». Mais il ne peut pas le faire de lui-même, avec ses seules forces rationnelles : pour discerner la volonté de Dieu, il faut que son intelligence soit transformée, renouvelée. Et celui qui opère ce renouvellement, c’est l’Esprit Saint, Esprit de lumière et de vérité. L’Ecriture attribue donc au Saint Esprit cette mission de faire discerner par le baptisé ce qui est de Dieu et ce qui est de ses facultés humaines.
Une première remarque s’impose : souvent nous ne pensons pas à demander au Saint esprit de nous faire distinguer ce qui vient de lui et ce qui a son origine dans le fonctionnement de notre seule raison. Nous avons donc à accomplir un devoir de prière au Saint Esprit pour recevoir la grâce d’être une réponse à l’Esprit Saint. Dieu veut toujours respecter notre volonté humaine il nous veut libre dans le don de nous-mêmes, il ne veut pas « enjamber notre liberté » humaine. C’est pourquoi il attend notre réponse à son désir de nous aider à discerner la volonté du Père. Le premier pas de notre réponse, c’est donc un cri lancé à l’Esprit Saint pour qu’il nous donne la grâce du discernement de sa volonté…
Car, il appartient à l’Esprit de nous donner la grâce de rompre d’abord tout attachement à notre volonté propre : nous détacher de tout ce que nous voulons nous-mêmes, de sorte que nous devenions libres pour vouloir avec le Père, ce qu’il veut. Ainsi nous pourrons dire avec le Christ : « non pas ce que je veux, mais ce que tu veux. » (Mc 14,36). On pourrait dire que c’est là le but discernement des esprits.

Le lieu du discernement des esprits

A quel niveau de la personne le discernement doit il se faire ? Le lieu du discernement spirituel n’est pas la tête comme on serait tenté de le penser spontanément, mais le coeur. La tête est la zone de mes pensées, de mes jugements rationnels, de mes analyses ; le coeur est la zone de l’affectivité profonde où je juge, évalue et décide…
Le discernement spirituel consiste, en conséquence, à reconnaître, aux milieux d’autres influences, d’autres poussées, l’action de Dieu qui m’habite, afin de m’y livrer sans réserve. Cette action de Dieu, je la voie en moi, je la ressens combattue par l’action de l’Adversaire. Et cette clarté en moi me permet de distinguer l’esprit du mal, de m’en dégager et de prendre nettement position contre lui.
Ce que l’on pourrait appeler un « combat » au fond de nous-mêmes, entre l’Esprit Saint et l’esprit du mal, créé un « climat affectif» marqué par des attirances contraires qui mettent l’âme en mouvement dans un sens ou dans l’autre. Il nous faut donc d’abord identifier l’origine de ces motions contraires : viennent-elles de l’Esprit Saint, de notre propre nature ou de l’adversaire, de Satan ? Cette identification est d’autant plus facile à faire que nous connaissons la pensée du Christ que nous rapporte l’Evangile et que nous avons, d’une façon habituelle la volonté de nous conduire selon cette pensée du Seigneur. Mais il est des cas où une passion naturelle nous submerge, sans même que nous en ayons conscience, fausse notre jugement moral et spirituel et tente de s’imposer. Que faire alors ?

Comment se disposer au discernement spirituel
On pourra dire que le discernement est en accord avec l’Esprit de Dieu, s’il est doté d’un certain nombre de qualité qu’il nous faut avoir à présentes à la conscience pour juger de la conformité à la pensée de Dieu.
– il faut d’abord vouloir rechercher ce qui est bien, le bien, et ce qui est bon pour l’homme, car le Verbe fait chair est venu nous révéler le chemin que, dans son amour, le Père a déterminé pour le bonheur de l’homme.
– il est parfois délicat de discerner l’Esprit de Dieu dans les remous divers de notre psychologie. Cependant certains critères nous sont offerts ; j’en citerai cinq : le désir, la disponibilité, l’ouverture, l’accueil, la durée.
– il faut d’abord désirer reconnaître les signes que l’Esprit Saint nous donne. Par le désir, nous manifestons à l’Esprit qui nous sollicite que nous aspirons à distinguer sa volonté sur nous, afin d’y répondre de notre mieux.
– il faut ensuite établir dans notre personne, âme et corps, la disponibilité, c’est-à-dire la volonté de faire disparaître tout ce qui s’opposerait à l’action du Saint Esprit.
– la disponibilité à entraîne logiquement l’ouverture du coeur et de la volonté pour accueillir volontiers les impulsions de l’Esprit.
– surtout s’il y avait une évolution à faire dans notre psychologie pour accueillir l’action de l’Esprit de Dieu, il faut compter avec le temps. Les évolutions psychologiques sont souvent lentes. Aussi la durée est une donnée que nous devons considérer comme nécessaire. Elle variera d’une personne à l’autre, selon le caractère de chacun, mais il convient d’accepter avec patience l’évolution de notre volonté.

Comment évaluer le discernement spirituel
« On juge l’arbre à ses fruits », dit le proverbe. En ce domaine spirituel, il est également valable. Saint-Paul, encore lui, nous invite à vérifier les fruits des esprits qui nous interpelle et nous poussent. Reportons-nous à la fin du chapitre 5 de l’Epitre aux Galates : « on les connaît, les oeuvres de la chair : libertinage, impureté, débauche, idolâtrie, haines, discordes, jalousies, emportements, rivalités, dissensions, factions, envie, beuveries, ripailles et autres choses semblables ; leurs auteurs n’hériterons pas du royaume de Dieu ». (Gal. 5,19-21)
« Mais voici le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi… si nous vivons par l’Esprit, marchons aussi sous l’impulsion de l’Esprit » (Gal. 5,22-25)
La note de la traduction oecuménique de la bible (TOB) nous aide à préciser quels esprits nous sollicitent : « aux oeuvres de la chair, Paul oppose le fruit l’Esprit, qui est unique : c’est l’amour. Ce qu’il énumère ensuite, ce sont les signes du règne de l’amour ».
Le discernement spirituel est aussi en accord avec l’Esprit de Dieu, s’il ouvre la personne sur les autres, s’il favorise l’oblativité, le don de soi, la volonté de participation.
Ce serait une erreur de discernement de penser que l’Esprit cherche à fermer la personne sur elle-même, à l’isoler comme dans un perpétuel duo avec Dieu. Le silence intérieur n’est pas pour un repli sur soi, mais, au contraire, pour une ouverture sur « Dieu-Amour ». Or Dieu, parce que Amour, est don et service. Établir les conditions d’une rencontre de Dieu (ici nous pensons au silence intérieur), c’est favoriser en nous le mouvement d’ouverture au Royaume qui nous projette dans la plénitude du Corps Mystique de Dieu.
Tous ces critères et toutes ces conditions de discernement de l’Esprit Saint ne sont pas « mathématiquement » définitifs. Il n’est pas facile non plus de les soumettre à un contrôle rigoureux. Il faut toujours laisser des espaces à l’intuition et au « risque » de la foi. Il faut aussi tenir compte de la présence inévitable de nos défauts, de nos limites, de nos péché (n’oublions pas la parabole du bon grain et de l’ivraie). Mais la convergence de ces critères et conditions, leur présence simultanée, nous indiquent le chemin vers le discernement vrai et elles nous servent à juger de la valeur des décisions prises.
Le problème du discernement des esprit est donc bien un problème de vie spirituelle personnelle. Car il s’agit de prendre conscience peu à peu de la volonté de Dieu sur nous.

L’accompagnement spirituel
L’histoire de l’Eglise nous montre que le discernement spirituel a toujours été pratiqué dans la communauté chrétienne des origines jusqu’à nos jours. Elle nous montre aussi que, depuis toujours, on trouve près de la personne qui essaie de distinguer la volonté de Dieu sur elle, une autre personne qui l’accompagnait dans sa recherche.
Jusqu’à récemment cet accompagnateur (ou accompagnatrice) étaient appelés « directeur de conscience ». Ce mot de « directeur » semblant indiquer l’exercice d’une autorité donnant des ordres, a été remplacé par le titre « d’accompagnateur » qui n’évoque pas une quelconque autorité, mais une présence amicale qui se veut une aide bienveillante. Ce changement de vocabulaire veut souligner la liberté de la personne qui cherche un chemin de croissance dans la vie chrétienne.
Les Actes des Apôtres nous montre que Jésus agit ainsi avec Paul, lors de sa conversion. Il l’a mis à terre, ce qui est un acte d’autorité d’une certaine violence, mais ils ne lui révèle pas lui-même ses desseins ; il l’envoie à Ananie pour apprendre de sa bouche ce qu’il doit faire. C’est en s’appuyant sur ce fait, que la tradition de l’accompagnateur spirituel s’est fondée avec Cassien, Saint-Jean Climaque, Jérôme, Augustin… puis Saint-Bernard, au Moyen Age. Et les siècles suivants marcheurs ont à leur suite.
L’utilité d’un accompagnateur spirituel est facile à comprendre. Il est difficile d’être objectif avec soi-même… il est si facile, en effet, de se faire illusion sur son propre état ! Nous ne pouvons être parfaitement clairvoyants sur nous-mêmes, dit saint François de Sales.
Ceux qui commencent leur parcours spirituel, sans aucune expérience, par définition, ont besoin près d’eux d’une personne qui connaît les sentiers et leurs difficultés, qui sait que l’on peut être naïvement présomptueux ou découragé à la moindre difficulté.
L’accompagnateur spirituel est également nécessaire pour aider celui qu’il accompagne à identifier les appels du Saint Esprit au fond de lui-même à les distinguer des appels à un dépassement dans l’ordre de la perfection naturelle.
Il y a également besoin ordinairement d’un accompagnateur pour être aidé quand on subit les premières épreuves passives, quand tout goût au monde de Dieu a disparu, quand les sécheresses, les ennuis, les craintes de la justice divine ont envahi toute la psychologie… A ces heures-là, une voix qui apaise et redonne courage est nécessaire.
Si l’on veut résumer le rôle de l’accompagnateur, on devra donc dire qu’il est celui qui aide à identifier l’Esprit Saint et ces appels, celui qui aide à la stabilité, au calme, à la sérénité. Il a un rôle de pacificateur. Il est parfois aussi celui qui stimule à la générosité et à l’amour.
Faut-il le dire ? Toute cette action de l’accompagnateur près de celui qu’il accompagne doit être conduite avec tact et discrétion, tant pour ne pas « gêner » l’Esprit Saint, que pour ne pas se substituer à la volonté de celui qu’il accompagne.
C’est un rôle délicat que celui de l’accompagnateur, l’art d’être témoin, mais de plus en plus effacé. Seul, l’Esprit, peut former à ce service spirituel. Et c’est pourquoi une instante prière à l’Esprit est nécessaire, comme l’abandon de ce à son action.

« S’ÉMERVEILLER, UN PONT ENTRE ART ET SPIRITUALITÉ »

19 septembre, 2016

http://darbois.francois.free.fr/publications-fd/du_spirituel_dans_lart.htm

« S’ÉMERVEILLER, UN PONT ENTRE ART ET SPIRITUALITÉ »

François Darbois

Je partirai du témoignage du poète Rainer Maria Rilke. Dans Les Carnets de Malte,. Rilke décrit la source de son inspiration poétique.: « Les vers ne sont pas faits, comme les gens le croient, avec des sentiments (ceux-là, on ne les a que trop tôt) – ils sont faits d’expériences vécues. Pour écrire un seul vers, il faut avoir vu beaucoup de villes, beaucoup d’hommes et de choses, il faut connaître les bêtes, il faut sentir comment volent les oiseaux et savoir le mouvement qui fait s’ouvrir les petites fleurs au matin. Il faut pouvoir se remémorer des routes dans des contrées inconnues, des rencontres inatten­dues et des adieux de longtemps prévus [...] Et il n’est pas encore suffisant d’avoir des souvenirs. Il faut pouvoir les oublier, quand ils sont nombreux, et il faut avoir la grande patience d’attendre qu’ils reviennent. Car les souvenirs ne sont pas encore ce qu’il faut. Il faut d’abord qu’ils se confondent avec notre sang, avec notre regard, avec notre geste, il faut qu’ils perdent leurs noms et qu’ils ne puissent plus être discernés de nous-mêmes ; il peut alors se produire qu’au cours d’une heure très rare, le premier mot d’un vers surgisse au milieu d’eux et émane d’entre eux[1] ». En effet, ce texte peut s’appliquer à tous les arts, mais également à l’expérience mystique, qu’elle soit chrétienne, juive, soufie ou taoïste. Dès lors que nos expériences se confondent avec notre sang, que nous les avons digérées, méditées et oubliées, elles deviennent profondes, inoubliables et véri­tablement spirituelles et transcendantes. Un véritable artiste peint ou écrit avec son sang, écrivait Nietzsche, c’est-à-dire avec sa vie. Henri Maldiney écrivait: «Le destin de l’art est celui de l’étonnement où s’éveille les transcendances[2] » ! … ? Raccourci saisissant et audacieux comme le titre de cet exposé. L’émerveillement certes est un pont entre art et transcendance, entre la terre et le ciel, oui, mais un pont sur quoi ? Sur la distance infinie entre l’art et le spirituel, et sur l’abîme qu’il ouvre sous nos pieds, celui de nos peurs et de nos angoisses face à la mort, face au scandale de la souffrance et du mal. Depuis l’homme de Cromagnon, comme nous le montrent les peintures rupestres d’Altamira, de Chauvet ou de Lascaut, l’image a permis aux hommes d’exprimer ce sentiment qui est à la fois stupeur et étonnement, effroi et émerveillement, mélange d’angoisses et de joies face au mystère. Les rites et les images funéraires de toutes les religions depuis 30000 ans en sont les traces. En libérant une forme, l’artiste tente d’apprivoiser la mort et de percer le mur de silence qui l’entoure. Dans ce combat entre l’absence et la présence, l’artiste puise à la source du mystère et est épuisé par elle. Et son oeuvre surgit là où il s’anéantit et s’efface, mystérieux dévoilement où se voile celui ou celle qui en est le témoin. « Qu’est-ce que dessiner ? demande Van Gogh : C’est l’action de se frayer un passage à travers un mur de fer invisible qui se trouve entre ce qu’on sent et ce que l’on peut ». Mais « la peinture n’est-elle pas faite pour démolir le mur » comme le confiait Fernand Léger au père Couturier. Nicolas de Stael écrit : « L’espace pictural est un mur, mais tous les oiseaux du monde y volent librement, à toutes profondeurs. » Dans cette semaine sainte du regard, nous avons distingué quatre étapes, le choc de l’étonnement, l’exode du regard, la leçon des ténèbres et l’être-là dans le surgissement, pour reprendre des termes de la tradition chrétienne. Exode qui permet de passer de l’esclavage des choses et des représentations à la liberté de l’esprit,  quatre étapes qui se retrouvent dans la tradition chinoise : « Voir, ne plus voir, s’abîmer dans le non voir, revoir intérieurement », comme l’écrit François Cheng dans le Dit de Tianyi reprenant les propos d’un certain Maître Tchang.  

I – La stupéfaction du « voir » Pour Abraham Heschel, l’art et la mystique se définissent comme une même expérience de « stupéfaction radicale. » Le mystique et l’artiste sont littéralement bouche bée devant la beauté et l’aspect formidable des choses. «L’émerveillement est le début de la sagesse et précède la foi.»[3] Einstein définit la mystique comme «la capacité de s’abîmer dans le respect et de rester interdit d’admiration… Celui qui ne sait plus s’émerveiller, c’est comme s’il était mort, son esprit s’est éteint ». Bachelard écrivait : « Entre les mystiques, les musiciens et les poètes, il y a une secrète parenté : c’est dans l’amitié que les poètes ont pour les choses, que nous pourrons connaître ces gerbes d’instants qui donnent valeur humaine à des actes éphémères. » De l’émerveillement de l’artiste naît son désir de création. Dans le silence de l’émerveillement, les formes artistiques sont des tentatives pour nous faire passer du dehors au dedans puis du dedans au transcendant, comme le disait déjà saint Bonaventure au XIIIè. Mais quelle est cette réalité que l’on nomme transcendance?  » Est-ce le Dieu transcendant des religions, celui des philosophes ou l’Autre des psychanalystes ou simplement le Dieu intérieur des mystiques? Depuis Socrate, Platon, Spinoza, Nietzsche et Heidegger, l’émerveillement occupe plus l’histoire de la philosophie que celle de la théologie. Simone Weil nous rappelle justement que  » le christianisme a oublié que le salut est essentiellement une question de regard … La beauté est la seule fin à rechercher ici bas … Elle est l’éternité sur terre ». Jean Paul II rappelait en 1999 ces paroles de Vatican II: « La beauté, comme la vérité, c’est ce qui met la joie au coeur des hommes, c’est ce fruit précieux qui résiste à l’usage du temps, qui unit les générations et les fait communier dans l’admiration.[4] »  « Puisse la beauté que vous transmettez aux générations de demain être telle qu’elle suscite en elle l’émerveillement ! Devant le caractère sacré de la vie et de l’être humain, devant les merveilles de l’univers, l’unique attitude adéquate est celle de l’émerveillement… La beauté est la clé du mystère et elle renvoie à la transcendance.[5] » Que reste-t-il aujourd’hui des civilisations et des religions anciennes sinon leurs oeuvres d’art ? Qu’allons nous chercher sur les rives du Nil, à Constantinople, Florence ou Rome et dans les églises romanes ou les musées du monde ? Et n’est-ce pas aussi le secret des écritures et des paraboles particulièrement, comme celui de bien des grands textes mystiques hindous, taoïstes ou soufis d’être des écoles d’émerveillement ? De soi l’art ne prie pas mais il peut nous y conduire en nous plongeant muet…, silencieux et émerveillé dans cet autre coté du réel. « L’art ne rend pas le visible, il rend visible»[6] cet invisible autre coté, l’arrière pays de ce que nous prenons pour le réel. André Malraux écrit que « le seul domaine où le divin soit visible est l’art, quelque nom qu’on lui donne. » C’est le regard de l’artiste qui rend visible ou pas la transcendance au cœur de l’immanence du monde. L’art nous invite à passer du donné visible au don invisible des choses. A la fin seul le regard de celui qui contemple une oeuvre peut laisser jaillir la transcendance. Mystère de liberté et de don ! L’attente silencieuse des oeuvres d’art n’est-elle pas le signe d’un appel à traverser le pont entre ce donné et ce don ? L’art ne cherche pas simplement à représenter mais à nous rendre présent. C’est nous qui n’en sommes pas encore là, dans ce présent de la présence. Nous ne vivions pas toujours dans cet univers du don.

II La peur du vide ou le non-voir : Notre regard est limité par l’horizon de nos montagnes intérieures, celles de nos peurs ou de nos égoïsmes et même de nos croyances. « Ce qu’on sait de quelqu’un, écrit Bobin, nous empêche de le connaître. Ce qu’on dit, en croyant savoir ce qu’on dit, rend difficile de le voir. » On croit voir plus que l’on ne voit. » Comme l’écrivait un rabbin Abraham Heschel : « Les communautés humaines meurent de leurs certitudes. » Quitter ses certitudes, c’est le plus difficile, c’est un saut dans ce vide au delà des croyances et des incroyances. » Art et transcendance se rencontrent quand un homme surmonte ses peurs et se rend disponible dans un lâcher prise de toutes représentations, qu’elles soient religieuses, culturelles ou artistiques. L’art n’est pas spirituel en lui-même, comme le spirituel n’est pas nécessairement artistique. Nos images pieuses ne sont pas toujours des oeuvres d’art. Mais pour atteindre l’autre coté du pont qui mène à la transcendance, il faut traverser parfois bien des précipices ; seul l’émerveillement permet de franchir ce pont. Pourquoi est-ce si rare et si fragile? Pourquoi cette sagesse, qui est une folie pour le plus grand nombre, est cachée aux sages et aux savants, et réservée aux petits et aux enfants, aux artistes et aux mystiques ? Si comme nous l’enseigne les trois monothéismes : Dieu est créateur et qu’il nous a créé à son image, nous avons à devenir des créateurs de beauté. Le spirituel n’est la propriété d’aucune religion, pas même de celle de l’art. Le spirituel est ce qui relie des personnes à la transcendance, sans confusions ni mélanges. Le spirituel, c’est ce qui nous libère de nous-mêmes et nous universalise en nous reliant les uns avec les autres. Artiste est celui qui crée des liens et des harmonies, entre les couleurs, entre les sons, les mots et les personnes. Si l’art bien souvent nous déroute, c’est bien qu’il nous invite à changer de route, à passer de l’autre coté, du figuratif à l’abstrait, et derrière ces querelles de représentations, l’invitation secrète n’est-elle pas toujours de passer du visible à l’invisible et donc de l’absence à la présence.  Avant de nous faire le don de l’émerveillement, l’art ne conduit-il pas aussi au questionnement et à l’angoisse devant ce qui est radicalement autre? Avant de nous faire le don d’une transcendance que certains nommeront « le Très Beau », Dieu, ou l’un des attributs d’Adonaï, Christ, ou Allah, l’art contemporain ne nous donne-t-il pas plus souvent le vertige ?

III – La leçon des ténèbres : s’abîmer dans le non voir Sur ce pont qu’est l’émerveillement, l’artiste oscille bien souvent entre l’idolâtrie et l’extase, l’angoisse et la joie et le plus souvent il est plongé dans la nuit, cet « inconnu nocturne » dont parle Rimbaud, triple nuit des sens, du sens et de l’esprit[7]. Avant d’enfanter la lumière, il est plongé dans la ténèbre. Delacroix parle de « lumière, que te voilà menacé ! Tu n’es déjà plus que le milieu où lancer ce pont jeté entre les âmes. » On comprend alors pourquoi Braque nous rappelle que « la beauté est une blessure devenue lumière » et qu’Aragon nous dit que « tous ceux qui parlent des merveilles, leur fable cache bien des sanglots. Les gens prennent pour des roses, la douleur dont ils sont brisés. »  L’icône d’un visage en larmes est aussi celle d’un Dieu voilé »  et  » nos larmes ne sont-elles pas aussi calligraphie de l’âme », dévoilement de sa présence ? Un maître soufi  écrit : »La Vérité n’est pas voilée, ce sont tes yeux qui portent un voile. » C’est quand nous pleurons vraiment, des larmes de sang et de vie que l’invisible se dévoile sous nos yeux émerveillés. Quand l’éloquence de nos pleurs s’inscrit sur nos visages en incarnant le mystère, l’icône d’un visage en larmes devient celle d’un dieu voilé. L’histoire de l’art ne serait-elle pas d’abord une histoire des larmes et d’une joie qui fait parfois pleurer de joie ? Rappelons nous les « Requiem » de Mozart, les « lamentations de Jérémie »,  les « Leçons de ténèbres » de Couperin, Victoria, Haydn et de combien d’autres grands musiciens…. Mais, pour bien voir dans l’abîme qui là se dévoile, il faut bien discerner l’idole de l’icône. Tension entre les « dits » des images et leurs inter-dits, l’art est cet ultime lectio divina d’un réel qui reste la source inépuisable de la contemplation et de l’inspiration des artistes. L’art se situe sur la limite, il tente l’impossible de vouloir dire ce qui est indicible. Et tous nos interdits de la représentation ne font que traduire nos peurs face à cette ambiguïté de l’art. Nos querelles iconoclastes sur le figuratif et le non figuratif n’en sont-elles pas la trace ? Accepter ce jeu, c’est entrer dans le mystère de toute création. Jeu de relation et de hasard, jeu des images, des couleurs, des notes ou des mots, mais jeu divin, ou plutôt, comme Dante nous le suggère, divine comédie du visible qui en nous plongeant dans l’enfer de l’Hadès qui signifie a-deis ou non-voir, où Dieu nous initie au mystère de la lumière invisible.

IV Voir autrement : de l’idole à l’icône  « Art et religion ne puisent-ils pas ici à la même source ? Et l’expérience esthétique n’est elle pas la trace d’une obscure rencontre entre l’homme et le divin. « Les chinois comparent un artiste à une abeille aveugle. Elle devine la présence de la fleur; elle tourne désespérément autour. Elle le sait : il y a là quelque chose d’essentiel qui s’offre et se retire. C’est un besoin analogue qui inspire l’artiste et exaspère parfois son impatience. » [8] Quelque chose ou quelqu’un nous fait signe et nous appelle ? Renoncer à répondre, n’est ce pas renoncer à être et rester dans l’avoir, celui de nos certitudes et de nos façons de voir ? L’art est subversif. Il nous éveille et nous invite à lâcher prise, à passer du sensible au spirituel, de l’immanence à la transcendance.  Le spirituel dans l’art n’est ni dans le comment, ni dans le pourquoi des choses, mais dans leur surgissement. Le seul mystère de l’art c’est qu’il soit là. Mais c’est nous qui en général n’en sommes pas là, enfermés dans nos habitudes de voir et de penser. L’art est appel ; appel à être là, ensemble présent à son mystère. Le spirituel dans l’art est dans cette mystérieuse présence où il nous donne de communier ensemble à la même intuition de la transcendance du monde. L’art ainsi est invitation à traverser le pont, entre le fini et l’infini, entre le présent et la présence, il nous invite à passer de l’autre bord, sur le versant de la transcendance. Si comme l’écrivait Dostoïevsky, « la beauté sauvera le monde », et que l’art est un des instruments de ce salut, l’émerveillement en ouvre le chemin qui nous conduit vers la transcendance. L’art est bien un lieu de salut car il nous guérit de nos peurs et nous réconcilie avec la création. L’art est libération et transformation, non seulement de l’objet mais du sujet, passage de la matière à l’esprit, du dehors au-dedans et du dedans au transcendant. Il « rend visible l’invisible transcendance des choses et des couleurs. Un tableau ne cherche pas simplement à rappeler un paysage ou un visage, mais il est essentiellement appel à y entrer. On ne regarde pas un tableau, on y pénètre. « Jamais devant, toujours dedans » nous répète Tal Coat. L’art alors n’est plus une simple imitation de la nature, il est révélation et apprivoisement de son mystère, il change notre regard sur elle et éveille la communion entre l’homme et la transcendance. L’art devient alors un lieu de transfiguration, ultime passage de l’idole en icône. Conclusion   Kandinsky dans son livre  Du spirituel dans l’art  conclut, que « l’artiste est le Prêtre du Beau[9] », il en est le prophète et le serviteur, et l’artiste est bien le « pontife » qui nous initie au mystère de la transcendance du beau et nous invite à passer, émerveillé, sur ce pont qui sépare et relie la terre et le ciel. « C’est pourquoi l’Eglise, comme l’écrivait Paul VI puis Jean Paul II dans sa lettre aux artistes, a besoin des saints, mais aussi des artistes, les uns et les autres sont les témoins de l’Esprit vivant (du Christ). Le monde a besoin de beauté pour ne pas sombrer dans la désespérance. Vous êtes les gardiens de la beauté du monde. »  

 

ABBÉ SYLVAIN (1826-1914) : UN RAYON DU CIEL SUR LE LIT D’UN MALADE

12 mai, 2016

http://www.spiritualite-chretienne.com/livres/sylvain.html

LIVRES ANCIENS – BEAUX TEXTES

Sommaire

Abbé Sylvain (1826-1914) : Un rayon du ciel sur le lit d’un malade

Oui, oui, elle est venue du ciel, envoyée par vous, ô mon Dieu, cette clarté qui tout à coup a illuminé la couche où mes membres alanguis restaient sans mouvement, et m’a entouré de paix, de sérénité, de douce confiance. Ma pensée, à demi-flottante, essayait, à chaque instant, de monter vers Vous, s’arrêtant impuissante pour recommencer encore, comme la colombe blessée qui ne peut, qu’après bien des pauses, remonter à son nid. Il n’y avait pas la nuit autour de moi, mais il n’y avait pas la lumière ; j’entrevoyais, je ne voyais pas ! Oh ! la lumière ! la lumière ! mon âme la demandait ! Mon âme avait besoin de vous aspirer, ô mon Dieu, plus avide de Vous que ma poitrine n’était avide de l’air qui la vivifiait ! Et voilà qu’une nuit, l’ange qui me veillait laissa doucement tomber de ses lèvres ces simples paroles : Regardez le Cœur qui vous envoie la souffrance. Regardez 1′Œil qui vous voit souffrir. Regardez la Main qui vous mesure la douleur. Regardez le Modèle qui se montre souffrant plus que vous. Regardez le Résultat pour vous et pour tous de votre soumission complète. – Oh ! dites, dites encore, ma sœur ! Et elle prit un livre, et elle lut ces simples pages :

I – LE COEUR QUI VOUS ENVOIE LA SOUFFRANCE C’est le cœur de Dieu, le cœur de Jésus ! – Oh ! tout ce qui vient de ce cœur aimant, tout, n’est-il pas bon ? n’est-il pas saint, n’est-il pas enviable ? Si tu n’avais pas besoin de cette croix, non, non, Dieu ne te l’enverrait pas. Elle m’est donc bonne cette faiblesse, cette maladie, cette impuissance d’action. Et si je l’aime, et si je l’accepte, et si je l’embrasse comme un présent de l’amour de mon Dieu, oh ! comme elle me fera du bien ! Je te veux, ô maladie, je te veux, ô souffrance, je te veux, ô mort, toi qui me viens de Jésus, et qui doit m’unir à Jésus.

II – L’ŒIL QUI VOUS VOIT SOUFFRIR C’est l’œil de mon Dieu, l’œil de la souveraine intelligence, témoin perpétuel de mon martyre, la nuit comme le jour. L’œil du médecin expérimenté qui suit les progrès du mal, l’envahissement de la faiblesse, l’augmentation de la douleur, et qui, à l’heure voulue, apportera toujours la résignation et la paix. L’œil de la sagesse infinie qui ne me perd pas de vue et arrêtera la tristesse, la crainte, le trouble qui sont là, tourbillonnant autour de ma couche ! Je ne vois rien, je ne sais rien ; autour de moi, on ne voit rien, on ne sait rien ; mais Il voit tout, Lui, Il sait tout ! Courage, ô ma pauvre âme défaillante ! vois, comme il te plaint, ce regard de Jésus ! vois comme il t’aime !

III – LA MAIN QUI VOUS MESURE LA SOUFFRANCE C’est la main de mon Père.. de mon Père qui m’aime et qui souffre de me voir souffrir, et qui pourtant doit me faire souffrir. Oh ! qu’elle vienne s’appesantir sur mon pauvre corps ! qu’elle vienne opérer sur mes membres qu’un mal intérieur allait gangrener peut-être. Elle agira avec tant de délicatesse et tant de précautions, cette main bénie ! Mains de mon Jésus, clouées sur la croix, mains qui avez senti les douleurs les plus déchirantes, je me livre à vous, les yeux fermés ; taillez dans cette pauvre chair ! je sens, allez, à travers mes douleurs des frémissements de votre amour. Je sens qu’il vous tarde de me dire : Assez ! assez ! mon enfant… c’est fini.

IV – LE MODÈLE QUI SE MONTRE SOUFFRANT PLUS QUE TOI Ce modèle, c’est vous, ô mon Jésus crucifié ! Et c’est Marie votre mère et la mienne, Marie qui me le montre ! Laissez, laissez-moi mon crucifix, là, bien devant moi ! Que je ne puisse pas ouvrir les yeux sans me rencontrer face à face avec lui ; mon regard s’unissant à son regard, ma plainte s’unissant à sa plainte et cherchant à chacune de mes douleurs la place du corps de Jésus dans laquelle il a souffert la douleur que je souffre ! Laissez-moi l’entendre me dire : Moi aussi je l’ai eu ce déchirement cruel ! Courage, enfant ! Encore quelques minutes ; je suis là !

V – LE RÉSULTAT, POUR VOUS ET POUR TOUS, DE VOTRE SOUMISSION COMPLÈTE Ce résultat, c’est pour toi un accroissement d’amour, un accroissement de mérites, un accroissement de gloire ! Oh ! comme unie aux souffrances de Jésus, la souffrance expie, purifie, glorifie ! Doux purgatoire qu’un lit de douleur ! douce croix plantée près de la croix de Jésus d’où viennent tomber sur ton âme ces si émouvantes paroles : Aujourd’hui tu seras avec moi au Paradis ! Ce résultat c’est, pour ces êtres aimés qui te soignent, et qui près de toi pleurent et prie, une source comme intarissable des grâces les plus précieuses. Du lit d’un malade soumis, résigné, uni à Jésus-Christ, rayonnent comme de la croix du Calvaire, le salut, la conversion, la paix ! Mgr Sylvain, extrait de « Paillettes d’Or », Cueillettes de petits conseils pour la sanctification et le bonheur de la vie. Recueil des années 1892-1893-1894, Pages 17, 18, 19. Aubanel père, éditeur, Avignon.

 

LE SAINT ESPRIT – LES PLUS BELLES PAGES – ECRITS DU XVII° SIÈCLE – Fénelon

11 mai, 2016

http://www.spiritualite-chretienne.com/stesprit/esprit-7.html

LE SAINT ESPRIT – LES PLUS BELLES PAGES – ECRITS DU XVII° SIÈCLE

François de Salignac de Lamothe-Fénelon (1651-1715)

Il est certain par l’Ecriture (Rom., 8, et Jean, 14) que l’Esprit de Dieu habite au-dedans de nous, qu’Il y agit, qu’il y prie sans cesse, qu’Il y gémit, qu’Il y désire, qu’Il y demande ce que nous ne savons pas nous-mêmes demander ; qu’Il nous pousse, nous anime, nous parle dans le silence, nous suggère toute vérité, et nous unit tellement à Lui que nous ne sommes plus qu’un même esprit avec Dieu (1 Cor., 6, 17). Voilà ce que la foi nous apprend ; voilà ce que les docteurs les plus éloignés de la vie intérieure ne peuvent s’empêcher de reconnaître. Cependant, malgré ces principes, ils tendent toujours à supposer dans la pratique que la loi extérieure, ou tout au plus une certaine lumière de doctrine et de raisonnement, nous éclaire au-dedans de nous-mêmes, et qu’ensuite c’est notre raison qui agit par elle-même sur cette instruction. On ne compte point assez sur le docteur intérieur qui est le Saint-Esprit, et qui fait tout en nous. Il est l’âme de notre âme : nous ne saurions former ni pensée ni désir que par Lui. Hélas ! quel est donc notre aveuglement ! Nous comptons comme si nous étions seuls dans ce sanctuaire intérieur ; et tout au contraire Dieu y est plus intimement que nous n’y sommes nous-mêmes. Vous me direz peut-être : Est-ce que nous sommes inspirés ? Oui, sans doute, mais non pas comme les prophètes et les apôtres. Sans l’inspiration actuelle de l’Esprit de grâce, nous ne pouvons ni faire, ni vouloir, ni croire aucun bien. Nous sommes donc toujours inspirés ; mais nous étouffons sans cesse cette inspiration. Dieu ne cesse point de parler ; mais le bruit des créatures au dehors et de nos passions au-dedans nous étourdit et nous empêche de l’entendre. Il faut faire taire toute créature, il faut se faire taire soi-même pour écouter dans ce profond silence de toute l’âme cette voix ineffable de l’époux. II faut prêter l’oreille ; car c’est une voix douce et délicate, qui n’est entendue que de ceux qui n’entendent plus tout le reste. O qu’il est rare que l’âme se taise assez pour laisser parler Dieu ! Le moindre murmure de nos vains désirs ou d’un amour-propre attentif à soi confond toutes les paroles de l’Esprit de Dieu. On entend bien qu’Il parle et qu’Il demande quelque chose ; mais on ne sait point ce qu’Il dit, et souvent on est bien aise de ne le deviner pas. La moindre réserve, le moindre retour sur soi, la moindre crainte d’entendre trop clairement que Dieu demande plus qu’on ne veut lui donner trouble cette parole intérieure. Faut-il donc s’étonner si tant de gens, même pieux, mais encore pleins d’amusements, de vains désirs, de fausse sagesse, de confiance en leurs vertus, ne peuvent l’entendre et regardent cette parole intérieure comme une chimère de fanatiques ? Hélas ! que veulent-ils donc dire avec leurs raisonnements dédaigneux ? A quoi servirait la parole extérieure des pasteurs et même de l’Ecriture s’il n’y avait une parole intérieure du Saint-Esprit même, qui donne à l’autre toute son efficace ? La parole même de l’Evangile, sans cette parole vivante et féconde de l’intérieur, ne serait qu’un vain son. C’est la lettre qui seule tue, et l’esprit seul peut nous vivifier (II Cor., 3, 6). O Verbe, ô parole éternelle et toute-puissante du Père, c’est Vous qui parlez au fond des âmes ! Cette parole, sortie de la bouche du Sauveur, pendant sa vie mortelle, n’a eu tant de vertu et n’a produit tant de fruits sur la terre qu’à cause qu’elle était animée par cette parole de vie qui est le Verbe même. De là vient que saint Pierre dit :  » A qui irions-nous ? Vous avez les paroles de la Vie éternelle  » (Jean, 6, 68). Ces principes posés, il faut reconnaître que Dieu parle sans cesse en nous (Imitation de Jésus-Christ, L. III, ch. III, v. 3). Mais souvent ces personnes, pleines d’elles-mêmes et de leurs lumières, s’écoutent trop pour écouter Dieu. O mon Dieu ! je Vous rends grâces avec Jésus-Christ (Matth., 11, 25) de ce que Vous cachez vos secrets ineffables à ces grands, à ces sages tandis que Vous prenez plaisir à les révéler aux âmes faibles et petites ! Il n’y a que les enfants avec qui Vous Vous familiarisez sans réserve. Dieu, qui ne cherche qu’à se communiquer, ne sait, pour ainsi dire, où poser le pied, dans ces âmes pleines d’elles-mêmes et trop nourries de leur sagesse et de leurs vertus. Mais son entretien familier, comme dit l’Ecriture, est avec les simples (Prov., III, 32). Où sont-ils ces simples ? Je n’en vois guère. Dieu les voit ; c’est en eux qu’Il se plait à habiter : Mon Père et Moi, dit Jésus-Christ, Nous y viendrons, et Nous y ferons notre demeure (Jean, 14, 23).  » Faites-moi connaître votre voix ; qu’elle sonne à mes oreilles  » (Cant., II, 14). O quelle est donc cette voix ? elle fait tressaillir mes entrailles. Parlez, ô mon Epoux, et que nul autre que Vous n’ose parler ! Taisez-vous, mon âme : parlez, ô mon amour. Je dis qu’alors on sait tout sans rien savoir. Ce n’est pas qu’on ait la présomption de croire qu’on possède en soi toute vérité. Non, non : tout au contraire, on sent qu’on ne voit rien, qu’on ne peut rien et qu’on n’est rien. On le sent et on en est ravi. En cet état, l’Esprit enseigne toute vérité ; car toute vérité est éminemment dans ce sacrifice d’amour où l’âme s’ôte tout pour donner tout à Dieu. [...] Votre esprit est un esprit d’amour et de liberté et non un esprit de crainte et de servitude. Je renoncerai donc à tout ce qui n’est point de votre ordre pour mon état. Je porterai paisiblement toutes ces privations ; et voici ce que j’ajouterai : c’est que dans les conversations innocentes et nécessaires, je retrancherai ce que Vous me ferez sentir intérieurement n’être qu’une recherche de moi-même. Quand je me sentirai porté à faire là-dessus quelque sacrifice, je le ferai gaiement. Je me réjouirai devant le Seigneur ; je tâcherai de réjouir les autres ; j’épancherai mon cœur sans crainte dans l’Assemblée des enfants de Dieu. Je ne veux que candeur, innocence, joie du Saint-Esprit. [...] Vous avez commencé, Seigneur, par ôter à vos apôtres ce qui paraissait le plus propre à les soutenir, je veux dire la présence sensible de Jésus votre Fils : mais Vous avez tout détruit pour tout établir : Vous avez ôté tout pour rendre tout avec usure. Telle est votre méthode. Vous Vous plaisez à renverser l’ordre du sens humain. Après avoir ôté cette possession sensible de Jésus-Christ, Vous avez donné votre Saint-Esprit. O privation, que vous êtes précieuse et pleine de vertu, puisque vous opérez plus que la possession du Fils de Dieu même ! O âmes lâches ! pourquoi vous croyez-vous si pauvres dans la privation, puisqu’elle enrichit plus que la possession du plus grand trésor ? Bienheureux ceux qui manquent de tout et qui manquent de Dieu même, c’est-à-dire de Dieu goûté et aperçu ! Heureux ceux pour qui Jésus se cache et se retire ! L’Esprit consolateur viendra sur eux ; Il apaisera leur douleur et aura soin d’essuyer leurs larmes. Malheur à ceux qui ont leur consolation sur la terre, qui mettent hors de Dieu le repos, l’appui et l’attachement de leur volonté ! Ce bon Esprit promis à tous ceux qui le demandent n’est point envoyé sur eux. Le Consolateur envoyé du Ciel n’est que pour les âmes qui ne tiennent ni au monde ni à elles-mêmes. Hélas ! Seigneur, où est-il donc cet Esprit qui doit être ma vie ? Il sera l’âme de mon âme. Mais où est-Il ? Je ne le sens, je ne le trouve point. Je n’éprouve dans mes sens que fragilité, dans mon esprit que dissipation et mensonge, dans ma volonté qu’inconstance et que partage entre votre amour et mille vains amusements. Où est-il donc votre Esprit ? que ne vient-Il créer en moi un cœur nouveau selon le vôtre ? O mon Dieu, je comprends que c’est dans cette âme appauvrie que votre Esprit daignera habiter, pourvu qu’elle s’ouvre à Lui sans mesure. C’est cette absence sensible du Sauveur et de tous ses dons, qui attire l’Esprit-Saint. Venez donc, ô Esprit, Vous ne pouvez rien trouver de plus pauvre, de plus dépouillé, de plus nu, de plus abandonné, de plus faible, que mon cœur. Venez, apportez-y la paix ; non cette paix d’abondance qui coule comme un fleuve mais cette paix sèche, cette paix de patience et de sacrifice, cette paix amère, mais paix véritable pourtant, et d’autant plus pure, plus intime, plus profonde, plus intarissable, qu’elle n’est fondée que sur le renoncement sans réserve. O Esprit, O Amour ! O Vérité de mon Dieu ! O Amour lumière ! O Amour qui enseignez l’âme sans parler, qui faites tout entendre sans rien dire, qui ne demandez rien à l’âme et qui l’entraînez par le silence à tout sacrifice ! O Amour qui dégoûtez de tout autre amour, qui faites qu’on se hait, qu’on s’oublie, qu’on s’abandonne ! O Amour qui coulez au travers du cœur, comme la fontaine de vie, qui pourra Vous connaître sinon celui en qui Vous serez ? Taisez-vous, hommes aveugles ; l’amour n’est point en vous. Vous ne savez ce que vous dites : vous ne voyez rien, vous n’entendez rien. Le vrai Docteur ne vous a jamais enseignés. C’est Lui qui rassasie l’âme de Vérité sans aucune science distincte. C’est Lui qui fait naître au fond de l’âme les vérités que la parole sensible de Jésus-Christ n’avait exposées qu’aux yeux de l’esprit. On goûte, on se nourrit, on se fait une même chose avec la Vérité. Ce n’est plus elle qu’on voit comme un objet hors de soi ; c’est elle qui devient nous-mêmes et que nous sentons intimement comme l’âme se sent elle-même. O quelle puissante consolation sans chercher à se consoler ! On a Tout sans rien avoir. Là on trouve en unité le Père, le Fils et le Saint-Esprit : le Père Créateur, qui crée en nous tout ce qu’Il veut y faire pour nous rendre des enfants semblables à Lui ; le Fils, Verbe de Dieu, qui devient le Verbe et la parole intime de l’âme, qui se tait à tout pour ne plus laisser parler que Dieu ; enfin l’Esprit, qui souffle où Il veut, qui aime le Père et le Fils en nous. O mon Amour, qui êtes mon Dieu, aimez-Vous, glorifiez-Vous vous-même en moi ! Ma paix, ma joie, ma vie sont en Vous, qui êtes mon Tout, et je ne suis plus rien.

Extrait de Divers sentiments et avis chrétiens, in Œuvres, Paris, Didot, 1892

JEAN DE VALAAM « BÉATITUDES, LETTRES D’UN MOINE AUX ENFANTS DE CE MONDE »

4 avril, 2016

http://oodegr.co/francais/psyxotherapeftika/lettres_d_un_moine.htm

SUR LA VIE SPIRITUELLE

JEAN DE VALAAM « BÉATITUDES, LETTRES D’UN MOINE AUX ENFANTS DE CE MONDE »

Editions du « Sel de la Terre »

Lettre 7 du 14 août 1945 Christ est parmi nous ! J’ai bien reçu ta bonne lettre et je l’ai lue avec amour. Il est bon que tu aspires à la vie spirituelle, mais efforce-toi de ne pas éteindre l’Esprit. S’il vous est plus difficile, à vous qui êtes dans le monde, de développer une vie spirituelle, le Seigneur aide ceux qui font des efforts. Saint Jean Climaque s’étonne de notre étrange condition : « Comment se fait-il qu’ayant le Dieu tout puissant, les anges et les saints comme auxiliaires pour pratiquer les vertus, et le seul Malin pour nous inciter au péché, nous soyons néanmoins plus facilement portés aux passions et aux vices qu’aux vertus?  » La question est restée ouverte. Le saint n’a pas voulu nous l’expliquer. On peut cependant supposer deux choses. D’une part, notre nature corrompue par la désobéissance et le monde, avec ses séductions multiples et étourdissantes, font le jeu du diable. D’autre part, le Seigneur ne viole pas notre liberté souveraine. Nous devons tendre aux vertus jusqu’à la limite de nos forces ; toutefois, il ne dépend pas de nous de persévérer dans les vertus, mais du Seigneur- C’est en fonction de notre humilité, et non de notre ascèse, que le Seigneur nous garde dans la vertu. Saint jean Climaque dit : « Là où une chute est survenue, c’est que l’orgueil a précédé. » Cependant, à nous qui sommes faibles, le Seigneur, dans sa miséricorde, a donné le repentir, car notre nature est profondément encline au péché. Les saints Pères ont, par leur propre expérience, étudié à fond les subtilités de notre nature ; ils nous consolent en nous exposant en détail, dans leurs écrits, les moyens de lutter contre le péché. Maintenant que tu as le combat invisible , consulte-le plus souvent. Quant à ta règle de prière, à toi de juger; simplement, que la prière ne soit pas dite en l’air, juste pour accomplir une règle. Efforce-toi de prier avec attention ! N’est-il pas préférable d’écourter la règle plutôt que de l’accomplir avec agitation et d’en être esclave ? Ce n’est pas ma pensée, mais celle de saint Isaac le Syrien. C’est aussi mentionné dans le Combat invisible, mais je ne me rappelle plus dans quel chapitre. Ton indigne compagnon de prière.

Lettre 10 du 10 juillet 1946 Christ est parmi nous ! Je te souhaite de mener une vie spirituelle et d’essayer, par amour de Dieu et pour le salut de ton âme, d’exprimer tout ce que tu as sur la conscience. « Prenez garde de ne pas tomber », dit l’Apôtre (1 Co 10,12). Sans la grâce de Dieu, toutes nos précautions s’émiettent car, comme je te l’ai déjà dit, il n’est pas en notre pouvoir de persévérer dans les vertus. Nous devons tendre aux vertus et nous faire violence, en cela consiste notre liberté. Tu as maintenant des notions sur la vie intérieure ainsi qu’une certaine expérience. Selon les forces et le temps dont tu disposes, contrains-toi à prier plus souvent intérieurement. Exerce-toi aussi au souvenir de la mort et prie Dieu de t’accorder cette grâce. Vois notre vie passagère : inconstante, changeante et très éphémère ; elle pousse à la distraction ceux qui ne sont pas attentifs. Pour acquérir la paix intérieure, il n’est qu’un moyen: la prière continuelle. L’ennui et la tristesse passeront ; prends patience et ne te décourage pas ! Que le Seigneur t’aide et te garde ! Il n’est pas bon de croire les paroles de ceux qui sont étrangers à notre façon de penser. Les gens sont ce qu’ils sont : ils font parfois d’un rien une montagne et ne voient que les faiblesses. Ils ne peuvent pas connaître les larmes secrètes versées en cellule ni pénétrer la vie intérieure d’un moine solitaire. Les degrés d’avancement spirituel sont variés, et seul le spirituel peut comprendre le spirituel. Rien n’est plus profitable que de considérer tous les autres comme bons et soi-même comme pire que tous. Ainsi que je te l’ai déjà dit personnellement, ne fais attention qu’à toi-même, et tu te verras alors pire que tous. Je me souviens toujours de vous dans mes indignes prières. Que la miséricorde de Dieu soit avec vous, selon votre foi !

Lettre 13 du 6 décembre 1946 J’aimerais bien répondre de vive voix à tes questions, car on ne peut pas tout dire par écrit. Il doit bien en être ainsi : si nous faisons attention à nous mêmes, les autres nous paraissent bons ; l’œil sain, en effet, regarde tous les hommes avec droiture, tandis que l’œil torve regarde tous les hommes de travers. Tu as donc maintenant le livre de saint Cassien ; lis-le de temps à autre ; bien qu’il soit écrit pour les moines, il s’adresse aussi aux Iaïcs. Des extraits bien choisis de ce livre figurent dans le tome Il de la Philocalie. Puisque tu aimes les « Vies des saints », lis-les ! Nous les lisons ici chaque jour au réfectoire et j’ai remarqué que certains en ont les larmes aux yeux. Tu as donc constaté toi-même que les visites et les conversations te laissent dans la tristesse ; aussi, dans la mesure du possible, évite-les sans hésiter. Même si cela fait quelques mécontents, cela n’a pas d’importance. Ne t’en préoccupe pas ! Tu as peur de l’obscurité ? Moi aussi. Cela nous montre combien nous sommes faibles et avons peu de foi dans la Providence divine. Lorsque je suis revenu à pied de chez les moniales, il m’a fallu traverser la forêt sur une distance de cinq kilomètres; à un endroit, une telle frayeur m’a saisi que j’en ai eu la chair de poule et que mes oreilles se sont mises à bouger: j’avais l’impression que quelqu’un me suivait. Je me suis retourné, j’ai fait le signe de croix et j’ai poursuivi mon chemin. L’Ecriture sainte dit : « La peur n’est rien d’autre qu’absence de réflexion » (Sg 17,12). Quant à ton trouble, les saints Pères ont dit : « Ce qui s’effectue avec trouble vient toujours des démons. » Prosterne-toi devant la croix et l’icône de la Mère de Dieu, cela suffit. Sois en paix ! Lis dans saint Barsanuphe la question 430 ainsi que la réponse et fais de même avec la question 433 ; tu pourras alors clarifier toi-même un peu les choses. Ne te trouble pas lorsque tu ne peux accomplir toute ta règle de prière et ne sois pas esclave d’une règle ! Garde la prière du publicain – « O Dieu, sois miséricordieux envers moi, pécheur ! » – et garde le souvenir de Dieu. Cela remplace toutes les règles. Lis ce qui est écrit à la page 136 du livre de saint Isaac, ainsi que le chapitre 20 de la deuxième partie du Combat invisible. Si des larmes apparaissent, arrête-toi jusqu’à ce qu’elles tarissent. Les larmes sont toujours utiles, mais ne t’en inquiète pas. Sache aussi que prier sans attention n’amènera jamais les larmes. Quand tu te couches, que la pensée de Dieu, tes souvenirs de l’Ecriture, surtout de l’Evangile, occupent ton esprit. Laisse les larmes venir librement. En confession, il ne faut pas essayer d’avoir des larmes; dis ce que tu as sur la conscience et rien de plus. Il est évident que X. traverse une période difficile ; aussi, il faut prier pour elle et ne pas t’irriter contre elle. Tu fais bien de ne pas lui accorder trop attention et de ne pas intervenir. Que le Seigneur vous accorde la sagesse et la réconciliation.

 

POUR UNE TRANSFORMATION D’AMOUR – LA PRIÈRE CONTACT AVEC DIEU

10 mars, 2016

http://www.clerus.va/content/clerus/fr/biblioteca.html

POUR UNE TRANSFORMATION D’AMOUR – LA PRIÈRE CONTACT AVEC DIEU

II y a longtemps déjà, saint Augustin s’écriait :  » Tu nous as faits pour toi, ô Seigneur, et notre cœur est inquiet jusqu’à ce qu’il repose en toi « 1. Nous venons de Dieu, en effet, et nous retournons vers Dieu. La nature humaine porte en elle-même une tendance, qui lui vient de son origine et de son Créateur, pour revenir vers son maître et sa fin qui est Dieu. II semble que bien des hommes ne prennent pas une nette conscience de cette tendance, de cette orientation de l’homme vers Dieu. Cette aspiration de la nature humaine est cependant réelle. Et il est des périodes de crise, comme la nôtre, où le monde semble envahi par le matérialisme, en proie à certains troubles profonds et à des craintes pour l’avenir. En ces périodes de crise, cette aspiration, sans devenir plus consciente chez bien des hommes qui ne vont que rarement ou jamais dans les profondeurs de leur âme, se manifeste d’une façon réelle et devient plus ardente. Nous constatons de nos jours que cette aspiration est ardente en effet : un des signes en est l’intérêt que l’on porte aux problèmes spirituels. Nous sommes orientés vers Dieu, nous retournons vers Dieu. Comment ici-bas, pouvons-nous, spécialement nous chrétiens, entrer en contact avec Dieu ? Dans ce contact avec Dieu, quelle est la part de l’homme ? C’est ce problème que je voudrais étudier avec vous, en m’appuyant sur la vérité révélée, qui nous est donnée et explicitée par l’Église ; en m’appuyant aussi sur des vérités psychologiques et sur la doctrine spirituelle des maîtres du Carmel qui sont, pour ainsi dire, des spécialistes, des professionnels de cette recherche de Dieu.

Qu’est-ce que la prière ? Demandons-nous d’abord ce que nous pensons de la prière, ce qu’évoque ce mot. Pour la plupart des hommes, le mot  » prière  » évoque un acte religieux, une récitation de prières vocales. Pour des artistes et des poètes, il évoque une certaine émotion religieuse, une sensation que l’on éprouve dans la partie la plus profonde et la meilleure de soi, émotion dans laquelle on croit trouver un certain contact avec Dieu. Pour le philosophe, du moins pour certains d’entre eux, la prière est un dépassement des choses extérieures, du monde sensible et même d’une certaine région du domaine intellectuel, dépassement qui conduit plus loin dans les profondeurs de l’esprit. Nous savons que certains philosophes modernes mettent précisément dans cette découverte, dans cette réalisation du plus profond d’eux-mêmes et de l’esprit en eux, une découverte de Dieu. Pour le mystique, la prière est aussi un dépassement, une recherche de Dieu qui s’affirme par des impressions profondes, par une expérience mystique, religieuse, dans laquelle l’activité de l’homme a une part, mais dont la part principale revient à l’activité de Dieu. Il y a dans toutes ces définitions quelque chose de vrai ; mais elles méritent d’être complétées. Et il nous paraît que, pour cela, nous n’avons qu’à reprendre notre définition du catéchisme2 et à la méditer. Qu’est-ce que la prière ? La prière est  » une élévation de notre âme vers Dieu « . Supprimons, si vous voulez, le mot  » élévation  » : la prière est une démarche de tout nous-même, de notre personne, vers Dieu. La prière est une prise de contact avec Dieu, pour un échange avec lui ; elle est un entretien, sainte Thérèse dira  » un commerce affectueux « 3. C’est l’amour évidemment qui est à la base de l’union, de l’échange, au principe du mouvement, et qui en est aussi le but, car qui aime veut aimer davantage ; et l’amour est en même temps le lien qui unit.

I. — LA DÉMARCHE VERS DIEU Dans cette prière qui est un échange, une démarche vers Dieu, que se passe-t-il ? Présence du Dieu infini Demandons-nous d’abord où est ce Dieu que nous cherchons : nous allons vers Dieu, encore faut-il savoir où il est. Nous savons que Dieu est partout, parce qu’il est infini. Il est dans tout le monde créé parce qu’il en est non seulement le créateur mais le conservateur : toutes choses ne peuvent subsister que par une action de Dieu, et donc par une présence de Dieu. Dieu est l’être simple, il agit partout et partout où il agit, il se trouve présent. Donc, aller vers Dieu, c’est chercher en soi-même, ou dans la nature, dans la création, ou au-delà du monde créé dans le monde des possibles, dans le fini de la création et dans l’infini au-delà, chercher donc cet être vivant qu’est Dieu. Car Dieu n’est pas une chose, Dieu est un être vivant. Le catéchisme nous apprend que Dieu est infini, et qu’en cet être infini, il y a trois personnes : le Père qui engendre son Fils, le Père et le Fils qui, se connaissant et se trouvant parfaits, s’aiment et par une spiration commune produisent l’Esprit Saint, spiration commune du Père et du Fils, spiration d’Amour personnifiée. Pour nous donc, Dieu est un être vivant. Permettez-moi d’insister sur cette vérité, car nous la méconnaissons bien souvent ; et les erreurs modernes sur la prière, sur la recherche de Dieu, ont le tort de la méconnaître. Dieu est un être vivant, un être infini et distinct de nous. Dieu est un être infini, nous sommes finis : entre nous, créatures, entre notre personne et Dieu, il y a l’infini, il y a un espace infini, une distance, non un fossé mais une distance. Que nous cherchions cet infini en nous ou dans la création ou bien au-delà, Dieu, être vivant qui nous pénètre et qui pénètre la création, est cependant pour ainsi dire séparé de nous par cet infini. Le problème de la prière, c’est de se porter vers Dieu, c’est de franchir cette distance infinie entre Dieu et nous. Pouvons-nous le faire ? Si vous le voulez bien, essayons de faire cette démarche, de nous porter vers Dieu, de nous mettre en quelque sorte en prière, en analysant brièvement les activités qui se déploient en nous. Vous me pardonnerez ces explications philosophiques et psychologiques : il est bon, de temps en temps, au moins une fois, de découvrir ce que nous faisons nous-mêmes chaque fois que nous nous mettons en prière. Et cela, non pas seulement pour une connaissance purement spéculative, mais pour perfectionner notre prière en perfectionnant précisément tous les mouvements, toutes les activités que nous déployons pour trouver Dieu.

L’attitude extérieure de prière Quand je me mets en prière, je fais une démarche. Même si je ne vais pas à l’église, si je ne fais pas le déplacement physique pour aller trouver Dieu dans le tabernacle, dans la maison de la prière, même si je prie chez moi, je déploie cependant une certaine activité physique extérieure. Je me mets à genoux, j’arrête du moins mon activité habituelle, parce que je conçois très bien que pour prier, du moins d’une façon parfaite, je dois orienter mes sens extérieurs vers la prière. Il y a d’ailleurs, nous le savons, des attitudes de prière : à genoux, debout les bras étendus ou levés… Quand nous considérons l’art dans les divers pays, surtout l’art primitif, comme dans les catacombes, nous découvrons presque toujours des orants. Cette attitude varie suivant les peuples et la conception qu’ils peuvent avoir de Dieu, ais il y a partout une attitude extérieure de prière. Actuellement, pour communier d’une façon plus étroite au sacrifice de la Messe, on insiste à juste raison, sur les diverses attitudes à prendre pendant la célébration parce que, dans notre civilisation, dans nos façons de faire, nous avons des attitudes expressives de tel ou tel sentiment. Nous nous tenons debout pendant le Credo, parce que c’est une attitude de confession, d’affirmation ; nous nous agenouillons pendant la consécration, parce que s’agenouiller c’est adorer, et nous adorons le mystère de la transsubstantiation et la présence du Christ à l’autel. Donc nous prions avec notre attitude extérieure, nous prions avec notre corps. Dans la démarche vers Dieu qu’est la prière, dans cette prise de contact, il y a tout d’abord une attitude extérieure qui contribue à cette prise de contact.

L’activité des facultés intérieures Mais la prière n’est pas toute là : il ne suffit pas de s’agenouiller pour se mettre en prière. Il y a un travail qui doit être fait par nos facultés intérieures, un travail de l’imagination et de la mémoire. Par exemple, je suis à l’église, ou chez moi pour prier, et je cherche Dieu ; je me place devant son image, devant le Crucifix, ma mémoire me rappelle le sacrifice du Calvaire. Je suis dans l’église, je me mets devant le tabernacle et, là aussi, ma mémoire me rappelle la vérité énoncée par le catéchisme : Jésus est présent avec son corps, son âme, sa divinité, dans le tabernacle. Peut-être vais-je essayer de construire cette présence à l’aide de mon imagination ; je sais fort bien qu’elle ne va pas reproduire la réalité, elle ne va faire que son travail, à savoir créer des images, se représenter la vérité par un symbole, reconstruire à sa façon la réalité. Je fais ce travail, afin de fixer mes sens sur cette vérité ; j’ai en moi des facultés qui ne peuvent être retenues et fixées que par une image. Et cela est nécessaire, me semble-t-il, à ma prière, car si je ne fais pas ce travail de la mémoire et de l’imagination, mes facultés vont s’envoler, partir s’occuper d’autre chose et je ne pourrai pas rester en prière. Mais il s’agit, maintenant, de prendre le contact avec Dieu. L’imagination et la mémoire ne me donnent pas ce contact, elle ne peuvent créer que des images. Lorsque je veux me rappeler un être cher qui est à distance et que je prends sa photographie ou que j’essaie de me rappeler ses traits, je n’arrive à créer qu’un symbole, mais je n’ai pas de contact vivant avec l’être aimé. Pour le contact vivant il faudrait sa présence, il faudrait que je puisse lui parler, l’étreindre, il faudrait que mon affection puisse pénétrer en lui véritablement pour que s’établisse cet échange vivant. Comment vais-je faire pour atteindre Dieu ainsi, pour réaliser ce contact vivant ? J’ai mon intelligence : Dieu est esprit, et moi-même, je suis esprit, j’ai mon âme qui est cet esprit. Vais-je pouvoir établir ce contact, ainsi, de mon esprit avec l’esprit qu’est Dieu ? Saint Jean de la Croix, le spécialiste de la prière, nous répondra : non, ce n’est pas possible4. Je puis prendre ce contact avec un homme, j’essaie de le faire actuellement avec vous : j’ai dans mon esprit une pensée que je traduis par une parole et, grâce à cette parole que je prononce, la pensée qui est dans mon esprit pénètre dans le vôtre. Il y a véritablement entre nous, actuellement, une communication d’esprit et de pensée. Est-ce que je puis le faire avec Dieu directement ? Non, parce qu’il n’y a pas de commune mesure. Cette communication que nous pouvons établir entre nous est rendue possible par le fait que notre intelligence à tous est finie, c’est-à-dire que le mot que j’emploie et qui traduit la pensée actuellement dans mon esprit, peut entrer dans le vôtre parce que nos esprits, pour ainsi dire, sont de même qualité. Mais avec Dieu, nous nous trouvons devant l’infini ; nous sommes des êtres finis, nous n’avons qu’une capacité limitée et notre intelligence, parce qu’elle est finie, si vaste soit-elle, ne peut pas étreindre cet infini qu’est Dieu. Nous sommes arrêtés par la distance, par le manque de proportion.

Le langage de l’analogie Je sais bien que Dieu a voulu établir cette communication entre lui et nous. Il nous a envoyé le Verbe incarné, qui nous a dit ce qui se passait au sein de Dieu. Notre Seigneur le dit nettement à Nicodème :  » Personne ne peut parler de Dieu, de la vie de Dieu, que celui qui en est venu ; lui sait ce qui s’y passe « 5, et il apporte la vérité. Mais le langage qu’a dû employer le Verbe incarné, Jésus, ainsi que l’Église à qui il a donné mission de nous enseigner, n’est qu’un langage  » analogique « . Dieu ne peut pas s’exprimer dans une parole humaine parce que la parole humaine est finie et que Dieu est infini. De même que l’océan ne peut pas être contenu dans un vase, de même et surtout, l’infini ne peut pas être exprimé, contenu, dans un mot humain, dans le langage humain, qui est fait uniquement pour la pensée humaine. Pour arriver à nous dire quelque chose de ce qui se passe en Dieu, en cet Être mystérieux et infini, Jésus a employé un langage analogique. Il a traduit en langage humain ce qui est infini et que le langage humain ne pourrait pas exprimer. De même — ceci est encore une comparaison —, quelqu’un qui vient d’un pays étranger où il a vu des choses extraordinaires, et qui veut les expliquer à un auditoire, est obligé de prendre des comparaisons ; il décrit tel animal en disant que sa tête ressemble à ceci, son corps à cela, il fait des comparaisons, pour essayer de traduire quelque chose de ce qu’il a vu : c’est un langage symbolique, un langage analogique. Pour l’infini, Notre Seigneur a agi ainsi ; il a pris, dans ce que nous savons et qui est du domaine de notre pensée, des réalités que nous connaissons, et il a traduit la vérité infinie dans ce langage que nous connaissons et comprenons, qui est dans notre expérience, dans la capacité de notre intelligence. Il nous a donné ainsi les vérités du dogme, notre catéchisme ; les vérités qui y sont exprimées sont donc de ces vérités analogiques. Oh, l’expression est la plus parfaite qui soit et on ne peut rien y changer. Mais cependant, en soi, cette expression n’est pas parfaite. Alors puisque l’expression n’est pas parfaite, nous ne pouvons pas au moyen de cette expression établir complètement pour ainsi dire, une union avec Dieu, il nous faut un autre moyen.

Le contact par la foi Allons-nous donc pouvoir franchir la distance, établir la communication, le contact, l’échange avec Dieu ? Oui, nous le pouvons, Dieu nous en a donné les moyens. Non seulement il nous a donné cette vérité mais il nous a donné, par-dessus tout, la grâce, la vie divine. Nous sommes Dieu par participation, nous sommes les enfants de Dieu. Le chrétien a reçu au baptême un moyen, un instrument, une puissance : la vertu surnaturelle de foi qui va lui permettre d’établir véritablement ce contact, cette union avec Dieu, de franchir la distance entre Dieu infini et nous. Que nous cherchions ce Dieu présent en nous ou dans le tabernacle, nous avons la vertu de foi, qui est une richesse incomparable car elle nous permet d’atteindre Dieu. Au baptême, nous recevons la vie surnaturelle et, comme toute vie, elle a des moyens pour se mouvoir et se développer. Nous avons une vie physique et un corps, des membres, des organes qui lui permettent de se développer, de se mouvoir, de poser ses actes. Nous avons la vie de l’âme et, en cette vie, des facultés, intelligence et volonté, qui lui permettent de s’épanouir et de se développer. De même, cette vie surnaturelle qui nous est donnée au baptême peut agir, se développer, s’épanouir. Elle a pour cela des moyens d’action, elle a, pour ainsi dire, des membres, des facultés, des puissances qui lui permettent d’agir, de poser ses actes propres de vie surnaturelle et de se développer. La première faculté qu’elle possède, la première puissance, c’est précisément cette vertu de foi qui lui permet de pénétrer en Dieu, d’entrer en Dieu. Comment vais-je faire cet acte de foi que nous assimilons à la prière ? Je vais prendre une vérité qui m’est donnée, par exemple  » un seul Dieu en trois Personnes « . Voilà l’expression humaine, analogique, de la vérité qui est en Dieu. Je la recueille avec mes sens, je l’ai lue, je l’ai entendue et je la présente à mon intelligence ; mon intelligence l’examine, la discute et voit qu’il n’y a rien de contradictoire :  » trois Personnes, une seule nature en Dieu « . Mon intelligence, cependant, ne l’admet pas. Pourquoi ? Parce que mon intelligence ne peut être forcée à l’adhésion d’une vérité que lorsqu’elle lui paraît évidente : deux et deux font quatre et mon intelligence adhère. Mais  » trois Personnes en un seul Dieu « , il n’y a pas de contradiction, mais il n’y a pas cependant une lumière telle, une évidence qui m’oblige à adhérer, à dire que c’est vrai. Devant une vérité qui n’est pas évidente, je cherche naturellement quelle est l’autorité qui me la présente, car je sais bien que je ne puis pas me rendre compte moi-même de tout par une évidence extérieure ou intérieure. J’adhère, je crois à bien des choses uniquement parce qu’elles m’ont été affirmées par quelqu’un, et que le témoignage qui m’en est donné me paraît valable. Je n’ai jamais vu l’Amérique, mais on me dit qu’elle existe, et j’ai des témoignages tels que je crois à l’existence de l’Amérique aussi fortement, aussi fermement que si je l’avais vue : voilà le témoignage. Cette vérité :  » un seul Dieu en trois Personnes « , qui n’est pas évidente pour moi, m’est affirmée par l’Église : j’examine si l’Église a autorité pour cela, si cette affirmation se trouve dans le dépôt de vérités qui lui a été légué par le Christ. Je découvre en effet que l’Eglise a autorité pour parler au nom de Dieu, que cette vérité particulière lui a été révélée par Dieu, et me voici devant un témoignage. J’ai fait mon travail intellectuel, j’ai fait une enquête, et je me dis :  » Puisque cela est affirmé par Dieu, je dois le croire « . Que se passe-t-il maintenant que j’ai reconnu que je dois croire ? Mon intelligence, à ce moment-là, abdique pour ainsi dire ; elle reconnaît qu’elle ne peut pas aller plus loin mais qu’elle est obligée d’adhérer bien qu’elle ne comprenne pas. La foi n’est donc pas dans une évidence que je perçois ; elle est, pour l’instant, dans la force, dans la vérité du témoignage. Lorsque j’en suis à ce point, à ce moment-là, je fais l’acte de foi ; je dis :  » Mon Dieu, je crois que vous êtes, je crois que vous existez, et qu’en vous il y a trois Personnes « . Voilà l’acte de foi. Que s’est-il passé ? Grâce à la soumission de l’intelligence qui a reconnu qu’elle ne peut pas aller plus loin et que, cependant, elle doit adhérer ; grâce à cette soumission raisonnable, obsequium rationabile, comme dit l’apôtre saint Paul6, mon intelligence a fait tout ce qu’elle a pu et elle reconnaît maintenant qu’elle ne peut pas aller plus loin, qu’elle ne peut raisonnablement faire qu’une chose, à savoir adhérer à la vérité qui lui est proposée. Est-ce un acte de foi ? Non pas encore. Comme un greffon … L’acte de foi est dans une démarche positive, dans un acte de la vertu de foi qui m’est donnée au baptême. Cette vertu de foi est greffée sur mon intelligence comme le greffon sur le cep de vigne. Nous savons ce que fait le vigneron quand il greffe la vigne : il taille le cep, fait une entaille et y met le greffon dont il désire avoir le fruit. Le greffon est fixé et dans quelques semaines ou quelques mois, il aura fait corps avec le cep de vigne. Nous aurons désormais les racines de la vigne primitive, le cep primitif et, sur ce cep, un greffon de la qualité dont nous désirons avoir les fruits. Dans notre âme, nous avons aussi les sens qui apportent l’aliment à notre intelligence ; cette intelligence est le cep primitif de la vigne ; sur ce cep primitif de la vigne, à savoir l’intelligence, nous avons le greffon de la foi. Le surnaturel, en nous, n’existe pas, pourrions-nous dire, à l’état pur ; il est greffé sur notre nature humaine, sur nos facultés humaines. L’intelligence reçoit la foi : la foi ne pourra pas agir sans l’intelligence. Elle agit en même temps avec la lumière qui lui arrive par l’intelligence et par les sens, de même que le greffon de la vigne reçoit la sève par le cep primitif et par les racines enfoncées dans la terre. Mais ce greffon de la vigne va donner son fruit propre, qui est le sien et non celui du cep primitif. De même, dans l’âme, la foi va produire son acte propre qui n’est pas un acte de l’intelligence, mais un acte de la vertu de foi, un acte surnaturel. Tout à l’heure, nous avons dit que l’intelligence, par ses propres forces, ne peut pas pénétrer en Dieu, parce qu’elle est finie et que Dieu est infini. Mais cette vertu de foi qui m’a été donnée au baptême, en tant qu’organe surnaturel, organe divin, peut pénétrer jusqu’en Dieu. Elle pénètre dans l’essence divine, elle y entre réellement, c’est sa fonction, c’est l’avantage de notre organisme surnaturel : elle pénètre réellement en Dieu, elle fait un acte de connaissance, une pénétration en Dieu.

L’acte essentiel de la prière Nous voici à l’acte essentiel de la prière, qu’il importe de mettre en relief. Quand je prie et que je fais un acte de foi en m’appuyant sur l’énoncé d’une vérité qui m’est donnée dans le catéchisme, en utilisant la formule habituelle de la prière, celle de la messe ou toute autre, j’entre en Dieu, j’établis un contact direct, un contact profond, un contact vivant avec Dieu. Tout à l’heure, nous nous demandions comment arriver à saisir l’infini : l’infini, je le saisis par la foi. Je voudrais bien que nous comprenions tous la valeur incomparable de notre foi. La foi n’a pas seulement comme résultat et bénéfice pour notre âme, de nous éclairer sur ce qu’est Dieu, sur des vérités que nous n’aurions jamais pu saisir uniquement par notre intelligence. Elle a l’avantage incomparable et suprême, d’établir un contact avec Dieu. c’est cela, la prière : ce contact avec Dieu. Dans l’Évangile, presque à tout instant, dans les relations de Jésus avec les foules ou avec les personnes qui viennent lui demander une grâce, nous voyons l’effet de la foi. Lorsqu’on vient demander un miracle à Notre Seigneur, la plupart du temps, il demande :  » Avez-vous la foi ? « 7 c’est-à-dire, êtes-vous véritablement en relation avec moi, avez-vous pris contact avec moi, avec la divinité qui est en moi, avec la puissance de ma divinité ? Et quand le contact est établi, le miracle est réalisé. Il arrivera même, parfois, qu’il n’y ait pas de dialogue entre Notre Seigneur et la personne qui vient lui demander une grâce, comme l’hémorroïsse de Capharnaüm qui s’approche de lui et se dit  » Oh ! si je réussis seulement à toucher la frange de son vêtement, je serai guérie « 8. En effet, elle touche la frange du vêtement de Notre Seigneur avec foi, et immédiatement elle se sent guérie. Et Notre Seigneur se retourne :  » Qui m’a touché ?  » Les apôtres lui disent :  » Mais tout le monde te presse et tu demandes qui t’a touché !  » Oui, mais quelqu’un l’a touché, c’est la foi qui l’a touché, qui l’a pénétré comme un glaive pour ainsi dire et lui a arraché une vertu.

De même que la Cananéenne9 qui le prie avec foi, de même que le centurion10 qui le prie avec foi, provoquent en Notre Seigneur un tressaillement, l’hémoroïsse a produit un tressaillement dans le Christ. Le centurion provoquera l’enthousiasme :  » Je n’ai jamais rencontré une telle foi en Israël… « 11 Cet enthousiasme, ce tressaillement que nous sentons dans le Christ, nous le produisons en Dieu lui-même chaque fois que nous le touchons avec foi, avec une foi ardente. Le voilà, le contact de la prière, la voilà, la valeur de la prière, nous dirions l’essence, la partie essentielle de la prière. La prière, certes, est une attitude extérieure, elle est un recueillement, elle est une pensée ; elle est surtout un contact avec Dieu, c’est en cela qu’elle consiste. Ce contact est pénétrant et quand nous pénétrons en Dieu, que ce contact est établi, il y a un échange véritable : Dieu est un océan, Dieu est un feu, Dieu est une fontaine vive. Chaque fois que nous prenons contact avec Dieu, nous touchons l’océan qu’il est, nous touchons à la flamme, à l’incendie qu’il est, et par conséquent, nous puisons en lui la substance divine, nous pouvons recevoir une augmentation de la participation de la vie divine qu’est la grâce en nous. Il est possible que nous n’obtenions pas la grâce spéciale, temporelle, que nous avons demandée, mais nous recevons bien mieux puisque nous nous divinisons à son contact. Voilà ce qu’est la prière : c’est essentiellement ce contact avec un Dieu vivant, avec un Dieu qui réagit, non pas comme un simple être inanimé, mais comme une personne vivante, par un tressaillement, par un don de lui-même.

II. — L’ACTE HUMAIN PAR EXCELLENCE Cette prière, cette prise de contact avec Dieu, prendra des formes bien différentes. La prière, qui est l’exercice de la vertu de foi, pourra s’exercer dans toute âme qui a la foi. Elle prendra évidemment des formes différentes au point de vue extérieur. Essentiellement, elle sera la même pour tous : ce sera toujours cette prise de contact entre l’être vivant qu’est Dieu et notre âme, par l’intermédiaire de la foi. Mais dans ses formes extérieures en nous, elle prendra des formes bien différentes.

Une foi en éveil Est-ce que l’enfant peut prier ? Mais oui, il le peut. Comment exprimera-t-il sa prière ? Comme un enfant, par un baiser au tabernacle, par un sourire peut-être, par une parole dont nous comprendrons à peine le sens, mais qu’importe ? Il exprime sa prière comme il peut ; mais puisqu’il a la foi, et qu’on lui a dit que Jésus est dans le tabernacle ou en lui, il va pouvoir exercer cette foi, d’une façon non pas explicitée à la manière d’un adulte, mais cependant réelle. Le contact est établi avec Dieu et, par conséquent, l’enrichissement de ce contact sera réalisé en lui. Un peu plus tard, il le prendra avec des images, puis avec une pensée ; mais ce contact, quelle que soit sa forme extérieure, y sera à la mesure de sa foi. Et nous, dans notre prière, nous veillerons bien à prendre contact ainsi, à mettre notre foi en éveil. Notre exercice de prière sera une prière vocale peut-être, mais à la condition qu’elle soit animée intérieurement par la foi, par cet acte de la foi qui est en nous. Elle sera animée peut-être par une méditation ou par le silence. Trop souvent on croit que, pour que la prière soit fervente, efficace, pénétrante, il faut qu’elle soit chargée d’une activité extérieure ou intellectuelle très grande : il n’en est rien. Même dans l’état de fatigue où je n’ai plus la disposition de mes facultés, où je ne puis plus penser, état qui me laissera moi-même insensible, pourvu que cette vertu de foi qui est en moi cherche Dieu, dise sa foi et son amour à Dieu, ma prière sera efficace. La prière est toujours possible, justement parce que l’âme peut toujours faire cet acte intérieur de foi.

Nous sommes faits pour Dieu Nous savons que notre prière, étant toujours possible, pourra devenir continuelle lorsque nous en avons l’habitude ; notre prière doit rester, du moins en tendance et en désir, aussi continuelle que possible. Qu’est-ce que le chrétien ? Certes le chrétien est quelqu’un qui doit affirmer sa foi, son christianisme, par sa charité, son attitude extérieure, l’accomplissement de ses devoirs ; mais, essentiellement, le chrétien est celui qui tend vers sa fin, vers Dieu. Le chrétien, c’est celui qui croit qu’il vient de Dieu, qu’il retourne à Dieu et qu’il est appelé à participer à la vie divine, à se perdre dans la Trinité sainte. Le chrétien croit à cela, il croit que sa véritable vie n’est pas ici-bas, mais dans la Trinité sainte. Car nous sommes faits pour Dieu, nous sommes faits pour le Ciel ; et le Ciel ne consiste pas uniquement à retrouver ceux que nous aimons : le Ciel consiste essentiellement à trouver Dieu, à entrer dans le mouvement de la Trinité sainte. La grâce nous fait enfants de Dieu et, au sein de la Trinité sainte, il y a le Père, le Fils et l’Esprit Saint ; notre grâce nous appelle précisément à nous identifier au Verbe de Dieu, au Fils de Dieu. Le Fils de Dieu s’est incarné, c’est en lui que nous trouvons notre fin, c’est à nous perdre en lui que nous devons travailler. Et c’est en lui que nous trouverons notre bonheur : ce sera de lui être identifié, d’entrer avec lui dans la Trinité sainte, de partager ses opérations, et par là son bonheur. Voilà notre fin, voilà le Ciel : non pas seulement être spectateur de Dieu, mais agir avec Dieu en agissant avec le Verbe, avec le Fils de Dieu. Voilà notre fin, c’est là la vie qui n’aura pas de terme, la vie du Ciel. La prière, le contact avec Dieu, c’est déjà l’exercice de la vie éternelle ; c’est l’exercice du Ciel, c’est la réalisation des opérations que nous ferons dans le Ciel. Notre vie ici-bas ne nous a été donnée que pour préparer cela, pour nous exercer, pour réaliser déjà ce que nous ferons dans le Ciel. Nous le réalisons dans la foi, c’est-à-dire sans la jouissance ; dans le Ciel, nous le réaliserons dans la vision et dans le bonheur parfait. La prière n’est donc pas un incident dans notre vie ; la prière, c’est l’acte chrétien par excellence, c’est la préparation de notre éternité, c’est la réalisation par avance des opérations que nous ferons dans l’éternité.

Puissance de la prière Quand nous regardons la prière de cette façon, cette prise de contact avec Dieu comme l’acte essentiel de l’homme, l’acte humain par excellence — acte humain par excellence car il est déjà un acte divin —, nous voyons l’importance qu’il doit avoir dans notre vie. Je ne parle pas ici de la puissance de la prière au point de vue de la grâce que nous pouvons recevoir, mais de sa puissance en tant qu’elle nous associe à la vie et par conséquent à la puissance de Dieu. C’est Dieu qui mène le monde, et nous avons un moyen pour participer à cette puissance de Dieu et donc à la direction du monde avec lui. C’est par la prière, par le contact avec lui, en nous mêlant à lui, en nous unissant à lui, que nous dirigeons pour ainsi dire, à notre tour et avec lui, le monde. Et sainte Thérèse nous dit que l’âme qui prie, commande tour à tour avec Dieu dans son union12 ; Dieu lui laisse gouverner le monde, à ses moments et à ses heures. Ou plutôt, elle est toute soumise à Dieu mais Dieu qui ne se laisse pas vaincre en délicatesse lui laisse à son tour le gouvernement du monde. Quand nous serons dans le Ciel et que nous verrons les choses dans la vérité, nous serons frappés de voir comment Dieu lui-même a été délicat avec les hommes et les âmes qui lui étaient unies, en leur laissant la direction du monde, en cédant même à leurs désirs dans la direction des événements. Voici la prière, ainsi que dira sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus13, comme une reine, comme une puissance entrant dans le sein de Dieu et dans le gouvernement du monde. On a osé dire parfois que l’âme de prière était une égoïste, qui recherchait des impressions dans la prière et qui délaissait le monde. Oh ! les malheureux qui disent cela et qui n’ont pas compris, bien que chrétiens, ce qu’est la prière, son essence. Non, le moyen de s’intéresser au monde et de pratiquer la charité avec le monde — oh, il en est d’autres, je ne dis pas que ce soit le seul — mais enfin le plus efficace, c’est d’entrer dans ce mouvement de Dieu par la prière. Si vous le voulez bien, retenons justement cela : la prière nous introduit en Dieu, elle nous fait entrer en contact avec lui et, si elle est parfaite, elle nous fait partager en même temps ses opérations. Retenons aussi que ce moyen est à notre disposition : de jour et de nuit, par un acte de foi, nous pouvons entrer en lui, rester en lui. Retenons que Dieu a toujours la porte ouverte pour nous laisser entrer en lui par la prière. Dieu est un feu consumant, une fontaine toujours jaillissante, le bien diffusif de lui-même et, à tout instant par conséquent, il ne dépend que de nous, par un acte de foi, par un acte d’amour, de prendre contact avec lui, de nous vivifier nous-mêmes, de nous enrichir surnaturellement. Il dépend de nous de faire cet acte divin qu’est la prière, d’entrer en Dieu et, quand nous sommes en lui, d’agir sur cette Cause première par le contact que nous avons réalisé et par l’amour que nous lui portons et qu’il nous porte ; d’agir en lui et par lui, pour le bien de notre âme et du monde. Restons simplement sur ces pensées, spécialement celle du contact avec Dieu, et profitons de cette vérité que je voudrais voir entrer profondément dans vos âmes pour qu’elle y devienne désormais une idée-force, une pensée qui vous plonge dans la véritable vie, qui vous plonge en Dieu. Que, plongés ainsi en Dieu, au moins de temps en temps, vous ayez de plus en plus le désir de revenir en lui, de vivre avec lui, et dans ce contact avec lui, de vous diviniser, de devenir une puissance pour ceux qui vous entourent et pour le monde.

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