par Sandro Magister : A Jérusalem et Bethléem. Là où l’on peut « toucher » les bases de la foi
14 mai, 2009du site:
http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1338409?fr=y
A Jérusalem et Bethléem. Là où l’on peut « toucher » les bases de la foi
Benoît XVI exhorte les chrétiens à ne pas quitter la Terre Sainte. « Ici, il y a de la place pour tous », a-t-il dit. Pour deux peuples et pour deux Etats en paix l’un avec l’autre. Et pour les trois religions issues d’Abraham, unies dans le service de la famille humaine
par Sandro Magister
ROME, le 14 mai 2009 – Benoît XVI a passé toute la journée de mercredi dans les Territoires palestiniens : à Bethléem et au camp de réfugiés d’Aïda.
C’était, inévitablement, la journée la plus « politique » de son voyage. Le pape a rencontré plusieurs fois le président Abou Mazen, a adressé des discours à celui-ci et à la population palestinienne, a marché à des endroits marqués par le conflit. A Aïda, le haut mur qui sépare Israël des Territoires était très visible, menaçant.
Benoît XVI ne s’est pas dérobé aux attentes. Il a appelé à dépasser le conflit en se référant à deux peuples et deux Etats. Il a réclamé la sécurité pour Israël. Il a dit aux Palestiniens de refuser le terrorisme. Il a souhaité que le mur soit abattu.
L’un des objectifs du pape, dans ce voyage, était d’obtenir l’assentiment des catholiques arabes, très hostiles à Israël. En Jordanie, il y est parvenu. A l’ouest du Jourdain, l’entreprise était plus difficile. Mais les étapes de Bethléem et d’Aïda ont été utiles. C’est de manière très sobre que le pape a rappelé les raisons d’Israël mais de manière très explicite et concernée qu’il a évoqué les raisons des Palestiniens et surtout leur souffrance.
Mais il serait réducteur et trompeur de faire une lecture uniquement politique du message global que Benoît XVI a voulu adresser aux chrétiens de Terre Sainte.
Selon le pape, l’Eglise sera influente – y compris sur le terrain politique – si elle sait faire autre chose et surtout si elle aide à « supprimer les murs que nous construisons autour de nos cœurs, les barrières que nous dressons contre notre prochain ».
Benoît XVI vise avant tout à tourner vers Dieu les esprits et les cœurs. Il l’a dit et écrit plusieurs fois.
Et il est resté très fidèle à cette « priorité » même pendant un voyage aussi chargé politiquement que celui qu’il fait en Terre Sainte.
Pour s’en rendre compte, il suffit de repenser aux gestes et aux propos par lesquels il rythme le voyage.
On trouvera ci-dessous une brève anthologie de ce qu’il a dit mercredi 13 mai à Bethléem et Aïda, et la veille à Jérusalem.
Les passages les plus directement politiques sont présentés les premiers. Mais même dans ceux-là, on sent que le regard de Benoît XVI va plus loin.
Et ce « plus loin » il l’a expliqué surtout dans les homélies des messes célébrées le 12 mai à Jérusalem dans la Vallée de Josaphat et le 13 mai à Bethléem sur la Place de la Mangeoire, en présence de milliers de fidèles dont certains étaient venus de Gaza.
Aux chrétiens, il a dit de ne pas quitter la Terre Sainte, comme ils l’ont fait surtout dans les dernières années. Mais pourquoi rester ? La réponse du pape, surprenante, est à lire absolument. Elle renvoie au « voir » et au « toucher » des premiers disciples de Jésus. A la base sensible de la foi.
D’autres aperçus de la vision que Ratzinger veut transmettre sont donnés par les passages consacrés à Jérusalem et à Bethléem : à la puissance symbolique, prophétique, théologique de ces villes saintes.
Enfin il faut lire entièrement le discours que Benoît XVI a adressé aux dirigeants musulmans le matin du 12 mai à Jérusalem, après avoir visité – une véritable première pour un pape – la Coupole du Rocher, lieu du sacrifice d’Abraham et de la montée au ciel de Mahomet.
Une magnifique synthèse de la manière dont le pape voit le service que le judaïsme, le christianisme et l’islam peuvent rendre à l’unité de la famille humaine.
Voici donc l’anthologie, en cinq chapitres :
1. LE PAPE « POLITIQUE ». EXTRAITS DES DISCOURS DANS LES TERRITOIRES
A Bethléem, le matin du mercredi 13 mai:
Monsieur le Président, le Saint-Siège soutient le droit de votre peuple à une patrie palestinienne souveraine sur la terre de ses ancêtres, sûre et en paix avec ses voisins, à l’intérieur de frontières reconnues au niveau international. [...]
C’est mon espérance la plus chère que les sérieuses inquiétudes concernant la sécurité en Israël et dans les Territoires Palestiniens seront bientôt suffisamment apaisées pour permettre une plus grande liberté de mouvement, surtout en ce qui concerne les contacts entre les membres d’une même famille et l’accès aux lieux saints.
Et je prie aussi pour que, avec l’aide de la communauté internationale, les travaux de reconstruction puissent avancer d’un bon pas là où des maisons, des écoles ou des hôpitaux ont été endommagés ou détruits par les combats, afin que tous les habitants de cette terre puissent vivre dans des conditions qui favorisent une paix durable et la prospérité. [...]
Aux nombreux jeunes qui vivent aujourd’hui sur l’ensemble des Territoires Palestiniens, je lance cet appel : ne permettez pas que les pertes en vies humaines et les destructions dont vous avez été les témoins nourrissent en vos coeurs l’amertume ou le ressentiment. Ayez le courage de résister à toutes les tentations que vous pourriez ressentir de vous livrer à des actes de violence ou de terrorisme.
Au camp de réfugiés d’Aïda, l’après-midi du mercredi 13 mai:
Chers amis, cet après-midi, ma visite au Camp de réfugiés Aïda me donne l’opportunité d’exprimer ma solidarité à l’ensemble des Palestiniens qui n’ont pas de maison et qui attendent de pouvoir retourner sur leur terre natale, ou d’habiter de façon durable dans une patrie qui soit à eux. [...]
Je sais que beaucoup de vos familles sont séparées – à cause de l’emprisonnement de membres de la famille, ou des restrictions dans la liberté de déplacement – et que beaucoup d’entre vous ont connu le deuil pendant les hostilités. Mon coeur va vers tous ceux qui ont ainsi souffert. Soyez assurés que tous les réfugiés palestiniens à travers le monde, spécialement ceux qui ont perdu leurs maisons et des êtres chers durant le récent conflit à Gaza, sont présents dans mes prières. [...]
Combien les gens de ce camp, de ces Territoires, et de la région tout entière attendent la paix ! En ces jours, ce long désir prend un relief particulier quand vous vous souvenez des événements de mai 1948 et des années de conflit, non encore résolu, qui suivirent ces événements. Vous vivez maintenant dans des conditions précaires et difficiles, avec des possibilités limitées de trouver un emploi. Il est compréhensible que vous vous sentiez souvent frustrés. Vos aspirations légitimes à un logement stable, à un État palestinien indépendant, demeurent non satisfaites. Au contraire, vous vous trouvez piégés, comme beaucoup d’autres en cette région et à travers le monde sont piégés, dans une spirale de violence, d’attaque et de contre-attaque, de vengeance et de destruction continuelle. Le monde entier soupire pour que cette spirale soit brisée et pour que par la paix soit mis fin à ces combats qui ne cessent pas de durer.
Dominant au-dessus de nous qui sommes rassemblés ici cet après-midi, s’érige le mur, rappel incontournable de l’impasse où les relations entre Israéliens et Palestiniens semble avoir abouti. Dans un monde où les frontières sont de plus en plus ouvertes – pour le commerce, pour les voyages, pour le déplacement des personnes, pour les échanges culturels – il est tragique de voir des murs continuer à être construits. Comme il nous tarde de voir les fruits d’une tâche bien plus difficile, celle de construire la paix ! Comme nous prions constamment pour la fin des hostilités qui sont à l’origine de ce mur!
De part et d’autres du mur, un grand courage est nécessaire pour dépasser la peur et la défiance, pour résister au désir de se venger des pertes ou des torts subis. Il faut de la magnanimité pour rechercher la réconciliation après des années d’affrontement. Pourtant l’histoire a montré que la paix ne peut advenir que lorsque les parties en conflit sont désireuses d’aller au-delà de leurs griefs et de travailler ensemble pour des buts communs, prenant chacune au sérieux les inquiétudes et les peurs de l’autre et s’efforçant de créer une atmosphère de confiance. Il faut de la bonne volonté pour prendre des initiatives imaginatives et audacieuses en vue de la réconciliation : si chaque partie insiste en priorité sur les concessions que doit faire l’autre, le résultat ne peut être qu’une impasse.
L’aide humanitaire, comme celle qui est fournie dans ce camp, a un rôle essentiel à jouer, mais la solution à long terme à un conflit tel que celui-ci ne peut être que politique. Personne n’attend que les Palestiniens et les Israéliens y parviennent seuls. Le soutien de la communauté internationale est vital, et c’est pourquoi, je lance un nouvel appel à toutes les parties concernées pour jouer de leur influence en faveur d’une solution juste et durable, respectant les requêtes légitimes de toutes les parties et reconnaissant leur droit de vivre dans la paix et la dignité, en accord avec la loi internationale. En même temps, toutefois, les efforts diplomatiques ne pourront aboutir heureusement que si les Palestiniens et les Israéliens ont la volonté de rompre avec le cycle des agressions.
A Bethléem, le soir du mercredi 13 mai:
Monsieur le Président, chers amis, [...] Avec angoisse, j’ai été le témoin de la situation des réfugiés qui, comme la Sainte Famille, ont été obligés de fuir de leurs maisons. Près du Camp et surplombant une partie de Bethléem, j’ai vu également le mur qui fait intrusion dans vos territoires, séparant des voisins et divisant des familles. Bien que les murs peuvent être facilement construits, nous savons que ils ne subsistent pas toujours. Ils peuvent être abattus. Il est d’abord nécessaire d’ôter les murs construits autour de nos coeurs, les barrières érigées contre nos voisins.
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2. CHRETIENS DE TERRE SAINTE. POURQUOI RESTER
Extrait de l’homélie de la messe dans la Vallée de Josaphat, mardi 12 mai:
Chers frères et soeurs, [...] Ici, je voudrais parler sans détours de la tragique réalité – qui ne peut manquer d’être source de préoccupations pour tous ceux qui aiment cette Ville et cette terre – du départ de tant de membres de la Communauté chrétienne depuis ces dernières années. S’il est bien compréhensible que certaines raisons puissent pousser un grand nombre – spécialement les jeunes – à prendre la décision d’émigrer, il reste que cette décision a pour conséquence un véritable appauvrissement culturel et spirituel de la Ville. Je veux répéter aujourd’hui ce que j’ai déjà dit en d’autres occasions : en Terre Sainte, il y a de la place pour tous ! En demandant aux Autorités civiles de respecter et de soutenir la présence chrétienne ici, je veux également vous assurer de la solidarité, de l’amour et du soutien de toute l’Église et du Saint-Siège.
Chers amis, dans l’Évangile qui vient d’être proclamé, saint Pierre et saint Jean courent vers le tombeau vide, et Jean, nous dit-on : « vit et crut » (Jn 20, 8). Ici, sur la Terre Sainte, avec les yeux de la foi, vous avez la grâce, avec tous les pèlerins du monde entier qui affluent dans ses églises et ses sanctuaires, de « voir » les lieux sanctifiés par la présence du Christ, par son ministère ici-bas, sa passion, sa mort et sa résurrection ainsi que par le don de l’Esprit Saint. Ici, tout comme l’Apôtre saint Thomas, vous pouvez « toucher » les réalités historiques qui sont à la base de notre profession de foi dans le Fils de Dieu. Ma prière pour vous aujourd’hui est que vous puissiez continuer, jour après jour, à « voir et reconnaitre dans la foi » les signes de la Providence de Dieu et de sa miséricorde infinie, que vous puissiez « écouter » avec une foi et une espérance renouvelées les paroles réconfortantes de la prédication apostolique, et « toucher » les sources de la grâce dans les sacrements afin d’incarner pour d’autres leur promesse de commencements nouveaux, la liberté qui jaillit du pardon, la lumière intérieure et la paix qui peuvent apporter guérison et espérance dans les réalités humaines les plus sombres.
Dans la Basilique du Saint-Sépulcre, les pèlerins de chaque siècle ont vénéré la pierre qui, selon la tradition, fermait l’entrée du tombeau au matin de la résurrection du Christ. Revenons souvent vers ce tombeau vide. Affirmons notre foi dans la victoire de la Vie et prions pour que chaque « lourde pierre » qui ferme nos coeurs, et bloque notre totale adhésion au Seigneur dans la foi, l’espérance et l’amour, puisse voler en éclats sous la puissance de la lumière et de la vie qui, au premier matin de Pâques, s’est répandue de Jérusalem jusqu’au bout du monde.
Extrait de l’homélie de la messe sur la Place de la Mangeoire, mercredi 13 mai:
Chers frères et soeurs, [...] « Ne craignez pas ! » C’est le message que le Successeur de saint Pierre désire vous laisser aujourd’hui, se faisant l’écho du message des anges et c’est la mission que notre bien-aimé Pape Jean-Paul II vous laissa lorsqu’il vint chez vous en l’année du Grand Jubilé de la naissance du Christ. Appuyez-vous sur la prière et la solidarité de vos frères et soeurs de l’Église universelle et, par des initiatives concrètes, travaillez à consolider votre présence ici et à offrir de nouvelles opportunités à ceux qui sont tentés de partir. Soyez des ponts de dialogue et de coopération constructive pour l’édification d’une culture de paix qui doit remplacer l’impasse actuelle des peurs et des agressions. Soyez des pierres vivantes de vos Églises locales, faisant d’elles des ateliers de dialogue, de tolérance et d’espérance, en même temps que des havres de solidarité et de charité concrète.
Par-dessus tout, soyez les témoins de la puissance de la vie, de la vie nouvelle apportée par le Christ ressuscité, la vie qui peut illuminer et transformer les situations humaines les plus sombres et les plus désespérantes. Votre patrie n’a pas seulement besoin de structures économiques et politiques nouvelles, mais d’une manière bien plus importante, pourrions-nous dire, il lui faut une nouvelle infrastructure « spirituelle », capable de galvaniser les énergies de tous les hommes et de toutes les femmes de bonne volonté pour le service de l’éducation, du développement et de la promotion du bien commun. Vous avez chez vous les ressources humaines pour construire cette culture de paix et de respect mutuel qui pourra garantir un avenir meilleur à vos enfants. Voilà la noble entreprise qui vous attend. N’ayez pas peur !
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3. LE MYSTERE DE JERUSALEM
Extrait de l’homélie de la messe dans la Vallée de Josaphat, mardi 12 mai:
Chers frères et soeurs, [...] L’exhortation de Paul à « rechercher les réalités d’en haut » (Col 3, 1). doit résonner sans cesse en nos coeurs. Par ses paroles, il nous oriente vers le plein accomplissement de la vision de foi dans la Jérusalem céleste, là où, conformément aux antiques prophéties, Dieu essuiera toute larme de nos yeux et préparera pour le salut de tous les peuples un festin (cf. Is 25 6-8 ; Ap 21, 2-4). Voilà l’espérance, voilà la vision, qui inspire tous ceux qui aiment la Jérusalem terrestre et qui la voient comme une prophétie, la promesse de la réconciliation universelle et de la paix que Dieu désire pour toute la famille humaine.
[...]
Tandis que nous sommes ici rassemblés au pied des remparts de cette cité, que les disciples de trois grandes religions considèrent comme sacrés, comment pouvons-nous ne pas songer à la vocation universelle de Jérusalem ? Annoncée par les prophètes, cette vocation apparaît aussi comme un fait indiscutable, comme une réalité à jamais enracinée dans l’histoire complexe de cette ville et de ses habitants. Les Juifs, les Musulmans tout comme les Chrétiens considèrent cette cité comme leur patrie spirituelle. Comme il reste beaucoup à faire pour faire en sorte qu’elle soit véritablement une « cité de paix » pour tous les peuples, où tous peuvent venir en pèlerinage pour chercher Dieu et écouter sa voix, une voix qui « annonce la paix » (cf. Ps 85, 9) !
De fait, Jérusalem est depuis toujours une ville où résonne dans les rues l’écho de langues différentes, où cheminent sur les pavés des peuples de toute race et langue, et dont les murs sont un symbole de l’amour providentiel de Dieu pour la famille humaine tout entière. Comme un microcosme de notre univers mondialisé, cette Ville, si elle veut vivre en conformité à sa vocation universelle, doit être un lieu qui enseigne l’universalité, le respect des autres, le dialogue et la compréhension mutuelle ; un lieu où les préjugés, l’ignorance et la peur qui les alimentent, sont mis en échec par l’honnêteté, le bon droit et la recherche de la paix. Il ne devrait pas y avoir place, à l’intérieur de ces murs, pour la violence, l’étroitesse d’esprit, l’oppression et la vengeance. Ceux qui croient en un Dieu miséricordieux – qu’ils se reconnaissent comme Juifs, Chrétiens ou Musulmans – doivent être les premiers à promouvoir cette culture de réconciliation et de paix, sans se laisser décourager par la pénible lenteur des progrès ni par le lourd fardeau des souvenirs du passé.
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4. LE MYSTERE DE BETHLEEM
Extrait de l’homélie de la messe sur la Place de la Mangeoire, mercredi 13 mai:
Cari fratelli e sorelle, [...] Le Seigneur des armées, dont les « origines remontent aux temps anciens, à l’aube des siècles » (Mi 5, 1), a souhaité inaugurer son Royaume en prenant naissance dans cette petite bourgade, entrant en notre monde dans le silence et l’humilité d’une grotte, et reposant, comme un enfant sans défense, dans une mangeoire.
Ici, à Bethléem, au milieu de toutes sortes de contradictions, les pierres continuent à proclamer cette « bonne nouvelle », le message de la rédemption, que cette ville, plus que toute autre, est appelée à proclamer au monde. Car c’est ici que, d’une manière qui surpassa toute espérance et toute attente humaine, Dieu s’est montré fidèle à ses promesses. Par la naissance de son Fils, il a révélé la venue du Royaume de l’amour : un amour divin qui se penche sur nous afin de nous apporter la guérison et de nous relever ; un amour qui est manifesté dans l’humiliation et la faiblesse de la Croix, et qui cependant triomphe dans la gloire de la Résurrection pour une nouvelle vie.
Le Christ a apporté un Royaume qui n’est pas de ce monde, mais c’est un Royaume capable de changer ce monde, car il a le pouvoir de changer les coeurs, d’illuminer les esprits et de fortifier les volontés, de briser tous les murs de séparation. En prenant notre chair, avec toutes ses faiblesses et en la transfigurant par la puissance de son Esprit, Jésus a fait de nous les témoins de sa victoire sur le péché et la mort.
Et c’est bien ce que le message de Bethléem nous appelle à être : témoins du triomphe de l’Amour de Dieu sur la haine, l’égoïsme, la peur et le ressentiment qui paralysent les relations humaines et engendrent la division là où des frères devraient habiter ensemble dans l’unité, les destructions là où les hommes devraient construire, le désespoir là où l’espérance devrait fleurir !
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5. JUIFS, CHRETIENS ET MUSULMANS POUR L’UNITE DE LA FAMILLE HUMAINE
Extrait du discours après la visite de la Coupole du Rocher, à Jérusalem, mardi 12 mai:
Le dôme du Rocher invite nos cœurs et nos esprits à réfléchir sur le mystère de la création et sur la foi d’Abraham. Ici, les chemins des trois grandes religions monothéistes du monde se rencontrent, nous rappelant ce qu’elles ont en commun. Chacune croit en un Dieu unique, créateur et régissant toute chose. Chacune reconnaît en Abraham un ancêtre, un homme de foi auquel Dieu accorda une bénédiction spéciale. Chacune a rassemblé de nombreux disciples tout au long des siècles et a inspiré un riche patrimoine spirituel, intellectuel et culturel. [...]
Puisque les enseignements des traditions religieuses concernent, en fin de compte, la réalité de Dieu, le sens de la vie et la destinée commune de l’humanité – c’est-à-dire, tout ce qu’il y a de plus sacré et de plus précieux pour nous -, on peut être tenté ici de s’engager dans un tel dialogue avec crainte et doute quant aux possibilités de succès. Néanmoins, nous pouvons commencer par nous appuyer sur la foi au Dieu unique, source infinie de justice et de miséricorde, puisqu’en lui ces deux qualités existent dans un parfaite unité. Ceux qui croient en son nom ont le devoir de s’efforcer inlassablement d’être justes en imitant son pardon, car les deux qualités sont orientées intrinsèquement vers la coexistence pacifique et harmonieuse de la famille humaine.
Pour cette raison, il est de la plus haute importance que ceux qui adorent le Dieu Unique puissent montrer qu’ils sont à la fois enracinés dans et orientés vers l’unité de la famille humaine tout entière. En d’autres termes, la fidélité au Dieu Unique, le Créateur, le Très-Haut, conduit à reconnaître que les êtres humains sont fondamentalement en relation les uns avec les autres, puisque tous doivent leur existence véritable à une seule source et tous marchent vers une fin commune. Marqués du sceau indélébile du divin, ils sont appelés à jouer un rôle actif en réparant les divisions et en promouvant la solidarité humaine.
Cela fait peser sur nous une grande responsabilité. Ceux qui honorent le Dieu Unique croient qu’il tiendra les êtres humains responsables de leurs actions. Les Chrétiens affirment que le don divin de la raison et de la liberté est à la base de ce devoir de répondre de ses actes. La raison ouvre l’esprit à la compréhension de la nature et de la destinée communes de la famille humaine, tandis que la liberté pousse les cœurs à accepter l’autre et à le servir dans la charité. L’amour indivisible pour le Dieu Unique et la charité envers le prochain deviennent ainsi le pivot autour duquel tout tourne. C’est pourquoi nous travaillons infatigablement pour préserver les cœurs humains de la haine, de la colère ou de la vengeance.
Chers amis, je suis venu à Jérusalem pour un pèlerinage de foi. Je remercie Dieu de cette occasion qui m’est donnée de vous rencontrer comme Évêque de Rome et Successeur de l’Apôtre Pierre, mais aussi comme fils d’Abraham, en qui « seront bénies toutes les familles de la terre » (Gn 12, 3 ; cf. Rm 4, 16-17). Je vous assure que l’Église désire ardemment coopérer au bien-être de la famille humaine. Elle croit fermement que la réalisation de la promesse faite à Abraham est universelle dans son ampleur, embrassant tout homme et toute femme, sans considération pour sa provenance ou pour son statut social. Tandis que Musulmans et Chrétiens poursuivent le dialogue respectueux qu’ils ont entamé, je prie pour qu’ils cherchent comment l’Unicité de Dieu est liée de façon inextricable à l’unité de la famille humaine. En se soumettant à son dessein d’amour sur la création, en étudiant la loi inscrite dans le cosmos et gravée dans le cœur de l’homme, en réfléchissant sur le don mystérieux de l’autorévélation de Dieu, puissent les croyants continuer à maintenir leurs regards fixés sur la bonté absolue de Dieu, sans jamais perdre de vue la manière dont elle se reflète sur le visage des autres !
Avec ces sentiments, je demande humblement au Tout-Puissant de vous apporter la paix et de bénir l’ensemble des populations bien-aimées de cette région. Puissions-nous nous efforcer de vivre dans un esprit d’harmonie et de coopération, rendant témoignage au Dieu Unique en servant généreusement les autres !