Archive pour la catégorie 'saints'

BENOÎT XVI – SAINT JEAN DE LA CROIX – 14 DÉCEMBRE

14 décembre, 2015

https://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2011/documents/hf_ben-xvi_aud_20110216.html

BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

Salle Paul VI

Mercredi 16 février 2011

SAINT JEAN DE LA CROIX – 14 DÉCEMBRE

Chers frères et sœurs,

Il y a deux semaines, j’ai présenté la figure de la grande mystique espagnole Thérèse de Jésus. Je voudrais aujourd’hui parler d’un autre saint important de ces territoires, ami spirituel de sainte Thérèse, réformateur, avec elle, de la famille religieuse carmélitaine: saint Jean de la Croix, proclamé Docteur de l’Eglise par le Pape Pie XI, en 1926, et surnommé dans la tradition Doctor mysticus, «Docteur mystique». Jean de la Croix naquit en 1542 dans le petit village de Fontiveros, proche d’Avila, en Vieille Castille, de Gonzalo de Yepes et Catalina Alvarez. Sa famille était très pauvre, car son père, issu d’une famille noble de Tolède, avait été chassé de chez lui et déshérité pour avoir épousé Catalina, une humble tisseuse de soie. Orphelin de père dans son jeune âge, Jean, à neuf ans, partit avec sa mère et son frère Francisco pour Medina del Campo, non loin de Valladolid, un pôle commercial et culturel. Il y fréquenta le Colegio de los Doctrinos, en assurant également d’humbles travaux pour les sœurs de l’église-couvent de la Madeleine. Par la suite, vues ses qualités humaines et ses résultats dans les études, il fut admis d’abord comme infirmier dans l’Hôpital de la Conception, puis au Collège des jésuites, qui venait d’être fondé à Medina del Campo: Jean y entra à dix-huit ans et étudia pendant trois ans les sciences humaines, la rhétorique et les langues classiques. A la fin de sa formation, sa vocation lui était très claire: la vie religieuse et, parmi tous les ordres présents à Medina, il se sentit appelé au carmel. Au cours de l’été 1563, il débuta le noviciat chez les carmes de la ville, en prenant le nom religieux de Mattia. L’année suivante, il fut destiné à la prestigieuse université de Salamanque, où il étudia pendant un triennat les arts et la philosophie. En 1567, il fut ordonné prêtre et retourna à Medina del Campo pour célébrer sa première Messe entouré de l’affection de sa famille. C’est là qu’eut lieu la première rencontre entre Jean et Thérèse de Jésus. La rencontre fut décisive pour tous les deux: Thérèse lui exposa son programme de réforme du carmel, l’appliquant également à la branche masculine de l’ordre et proposa à Jean d’y adhérer «pour la plus grande gloire de Dieu»; le jeune prêtre fut fasciné par les idées de Thérèse, au point de devenir un grand défenseur du projet. Ils travaillèrent ensemble quelques mois, partageant les idéaux et les propositions pour inaugurer le plus rapidement possible la première maison des carmes déchaux: l’ouverture eut lieu le 28 décembre 1568 à Duruelo, un lieu isolé de la province d’Avila. Avec Jean, trois autres compagnons formaient cette première communauté masculine réformée. En renouvelant leur profession de foi selon la Règle primitive, tous les quatre adoptèrent un nouveau nom: Jean s’appela dès lors «de la Croix», nom sous lequel il sera universellement connu. A la fin de 1572, à la demande de sainte Thérèse, il devint confesseur et vicaire du monastère de l’Incarnation d’Avila, où la sainte était prieure. Ce furent des années d’étroite collaboration et d’amitié spirituelle, qui les enrichit tous deux. C’est à cette période que remontent aussi les plus importantes œuvres de Thérèse et les premiers écrits de Jean. L’adhésion à la réforme du carmel ne fut pas facile et coûta également de graves souffrances à Jean. L’épisode le plus traumatisant fut, en 1577, son enlèvement et son incarcération dans le couvent des carmes de l’antique observance de Tolède, à la suite d’une accusation injuste. Le saint fut emprisonné pendant des mois, soumis à des privations et des contraintes physiques et morales. En ce lieu, il composa, avec d’autres poésies, le célèbre Cantique spirituel. Finalement, dans la nuit du 16 au 17 août 1578, il réussit à fuir de façon aventureuse, se réfugiant dans le monastère des carmélites déchaussées de la ville. Sainte Thérèse et ses compagnons réformés célébrèrent avec une immense joie sa libération et, après une brève période pour retrouver ses forces, Jean fut destiné à l’Andalousie, où il passa dix ans dans divers couvents, en particulier à Grenade. Il assuma des charges toujours plus importantes dans l’ordre, jusqu’à devenir vicaire provincial, et il compléta la rédaction de ses traités spirituels. Il revint ensuite dans sa terre natale, comme membre du gouvernement général de la famille religieuse thérésienne, qui jouissait désormais d’une pleine autonomie juridique. Il habita au carmel de Ségovie, exerçant la charge de supérieur de cette communauté. En 1591, il fut relevé de toute responsabilité et destiné à la nouvelle province religieuse du Mexique. Alors qu’il se préparait pour ce long voyage avec dix autres compagnons, il se retira dans un couvent solitaire près de Jaén, où il tomba gravement malade. Jean affronta avec une sérénité et une patience exemplaires d’immenses souffrances. Il mourut dans la nuit du 13 au 14 décembre 1591, alors que ses confrères récitaient l’office de mâtines. Il les quitta en disant: «Aujourd’hui je vais chanter l’Office au ciel». Sa dépouille mortelle fut transférée à Ségovie. Il fut béatifié par Clément X en 1675 et canonisé par Benoît XIII en 1726. Jean est considéré comme l’un des plus importants poètes lyriques de la littérature espagnole. Ses plus grandes œuvres sont au nombre de quatre: «La montée du Mont Carmel», «La nuit obscure», «Les cantiques spirituels» et «La vive flamme d’amour». Dans les Cantiques spirituels, saint Jean présente le chemin de purification de l’âme, c’est-à-dire la possession progressive et joyeuse de Dieu, jusqu’à ce que l’âme parvienne à sentir qu’elle aime Dieu avec le même amour dont Il l’aime. La vive flamme d’amour poursuit dans cette perspective, en décrivant plus en détail l’état de l’union transformante avec Dieu. Le parallèle utilisé par Jean est toujours celui du feu: de même que le feu, plus il brûle et consume le bois, plus il devient incandescent jusqu’à devenir flamme, ainsi l’Esprit Saint, qui au cours de la nuit obscure purifie et «nettoie» l’âme, avec le temps l’illumine et la réchauffe comme si elle était une flamme. La vie de l’âme est une incessante fête de l’Esprit Saint, qui laisse entrevoir la gloire de l’union avec Dieu dans l’éternité. La montée du Mont Carmel présente l’itinéraire spirituel du point de vue de la purification progressive de l’âme, nécessaire pour gravir le sommet de la perfection chrétienne, symbolisée par le sommet du Mont Carmel. Cette purification est proposée comme un chemin que l’homme entreprend, en collaborant avec l’action divine, pour libérer l’âme de tout attachement ou lien d’affection contraire à la volonté de Dieu. La purification, qui pour parvenir à l’union d’amour avec Dieu doit être totale, commence par celle de la vie des sens et se poursuit par celle que l’on obtient au moyen des trois vertus théologales: foi, espérance et charité, qui purifient l’intention, la mémoire et la volonté. La nuit obscure décrit l’aspect «passif», c’est-à-dire l’intervention de Dieu dans ce processus de «purification» de l’âme. L’effort humain, en effet, est incapable tout seul d’arriver jusqu’aux racines profondes des inclinations et des mauvaises habitudes de la personne: il peut seulement les freiner, mais non les déraciner complètement. Pour cela, l’action spéciale de Dieu est nécessaire, qui purifie radicalement l’esprit et le dispose à l’union d’amour avec Lui. Saint Jean qualifie de «passive» cette purification, précisément parce que, bien qu’acceptée par l’âme, elle est réalisée par l’action mystérieuse de l’Esprit Saint qui, comme la flamme du feu, consume toute impureté. Dans cet état, l’âme est soumise à tous types d’épreuves, comme si elle se trouvait dans une nuit obscure. Ces indications sur les œuvres principales du saint nous aident à nous familiariser avec les points principaux de sa vaste et profonde doctrine mystique, dont l’objectif est de décrire un chemin sûr pour parvenir à la sainteté, l’état de perfection auquel Dieu nous appelle tous. Selon Jean de la Croix, tout ce qui existe, créé par Dieu, est bon. A travers les créatures, nous pouvons parvenir à la découverte de Celui qui a laissé en elles une trace de lui. La foi, quoi qu’il en soit, est l’unique source donnée à l’homme pour connaître Dieu tel qu’il est en soi, comme Dieu Un et Trine. Tout ce que Dieu voulait communiquer à l’homme, il l’a dit en Jésus Christ, sa Parole faite chair. Jésus Christ est le chemin unique et définitif vers le Père (cf. Jn 14, 6). Toute chose créée n’est rien par rapport à Dieu et ne vaut rien en dehors de Lui: par conséquent, pour atteindre l’amour parfait de Dieu, tout autre amour doit se conformer dans le Christ à l’amour divin. C’est de là que découle l’insistance de saint Jean de la Croix sur la nécessité de la purification et de la libération intérieure pour se transformer en Dieu, qui est l’objectif unique de la perfection. Cette «purification» ne consiste pas dans la simple absence physique des choses ou de leur utilisation; ce qui rend l’âme pure et libre, en revanche, est d’éliminer toute dépendance désordonnée aux choses. Tout doit être placé en Dieu comme centre et fin de la vie. Le processus long et fatigant de purification exige certainement un effort personnel, mais le véritable protagoniste est Dieu: tout ce que l’homme peut faire est d’«être disposé», être ouvert à l’action divine et ne pas lui opposer d’obstacle. En vivant les vertus théologales, l’homme s’élève et donne une valeur à son engagement. Le rythme de croissance de la foi, de l’espérance et de la charité va de pair avec l’œuvre de purification et avec l’union progressive avec Dieu jusqu’à se transformer en Lui. Lorsque l’on parvient à cet objectif, l’âme est plongée dans la vie trinitaire elle-même, de sorte que saint Jean affirme qu’elle parvient à aimer Dieu avec le même amour que celui avec lequel il l’aime, car il l’aime dans l’Esprit Saint. Voilà pourquoi le Docteur mystique soutient qu’il n’existe pas de véritable union d’amour avec Dieu si elle ne culmine pas dans l’union trinitaire. Dans cet état suprême, l’âme sainte connaît tout en Dieu et ne doit plus passer à travers les créatures pour arriver à Lui. L’âme se sent désormais inondée par l’amour divin et se réjouit entièrement en lui. Chers frères et sœurs, à la fin demeure la question: ce saint, avec sa mystique élevée, avec ce chemin difficile vers le sommet de la perfection, a-t-il quelque chose à nous dire à nous également, au chrétien normal qui vit dans les circonstances de cette vie actuelle, ou est-il un exemple, un modèle uniquement pour quelques âmes élues, qui peuvent réellement entreprendre ce chemin de la purification, de l’ascèse mystique? Pour trouver la réponse, nous devons avant tout tenir compte du fait que la vie de saint Jean de la Croix n’a pas été un «envol sur les nuages mystiques», mais a été une vie très dure, très pratique et concrète, tant comme réformateur de l’ordre, où il rencontra de nombreuses oppositions, que comme supérieur provincial, ou dans les prisons de ses confrères, où il était exposé à des insultes incroyables et à de mauvais traitements physiques. Cela a été une vie dure, mais précisément au cours des mois passés en prison, il a écrit l’une de ses œuvres les plus belles. Et ainsi, nous pouvons comprendre que le chemin avec le Christ, aller avec le Christ, «le Chemin», n’est pas un poids ajouté au fardeau déjà assez difficile de notre vie, ce n’est pas quelque chose qui rendrait encore plus lourd ce fardeau, mais il s’agit d’une chose totalement différente, c’est une lumière, une force, qui nous aide à porter ce fardeau. Si un homme porte en lui un grand amour, cet amour lui donne presque des ailes, et il supporte plus facilement toutes les épreuves de la vie, car il porte en lui cette grande lumière; telle est la foi: être aimé par Dieu et se laisser aimer par Dieu en Jésus Christ. Se laisser aimer est la lumière qui nous aide à porter le fardeau de chaque jour. Et la sainteté n’est pas notre œuvre, très difficile, mais elle est précisément cette «ouverture»: ouvrir les fenêtres de notre âme pour que la lumière de Dieu puisse entrer, ne pas oublier Dieu car c’est précisément dans l’ouverture à sa lumière que se trouve la force, la joie des rachetés. Prions le Seigneur afin qu’il nous aide à trouver cette sainteté, à nous laisser aimer par Dieu, qui est notre vocation à tous et la véritable rédemption. Merci.

SAINT AMBROISE – 7 DÉCEMBRE

9 décembre, 2015

http://fratsaintmarcvendee.free.fr/docpage9/peres/pere13.htm

SAINT AMBROISE – 7 DÉCEMBRE

1) VIE Saint Ambroise de Milan, Docteur de l’Eglise (339-397) Avec saint Augustin, saint Jérôme et le pape Grégoire le Grand, saint Ambroise de Milan est l’un des  » quatre grands docteurs d’Occident « . Les conciles du Moyen Âge – comme aussi Thomas d’Aquin et Luther – le citent constamment comme un des témoins éprouvés de l’orthodoxie ecclésiale. Saint Ambroise de Milan a aussi exercé en Orient une influence dont peu d’autres Pères de l’Église latine peuvent se prévaloir. Ses écrits ont été traduits en grec.. Saint Ambroise est issu d’une famille appartenant à la noblesse romaine chrétienne depuis plusieurs générations. Son père était le plus haut fonctionnaire impérial de la Gaule. C’est là que saint Ambroise de Milan est né, probablement vers 339. Conformément aux habitudes de l’époque, il ne reçut pas le baptême, mais resta catéchumène jusqu’à l’âge adulte. Après la mort de son père, sa mère retourna avec ses trois enfants à Rome, où saint Ambroise de Milan bénéficia de la solide formation en philosophie, en rhétorique et en littérature. Elle comportait aussi l’apprentissage de la langue grecque que saint Ambroise de Milan parlait couramment. Conformément à sa formation Ambroise entra au service de l’État. D’abord advocatus au tribunal de la préfecture de Sirmium puis conseiller de Probus, le préfet de l’endroit, et dès 370, c’est-à-dire à l’âge de trente ans à peine, gouverneur consulaire de la province d’ÉmilieLigurie, à Milan. Lors de l’élection du successeur de l’évêque (arien) de la ville, la fraction arienne et la fraction nicéenne de la communauté ne parvenant pas à s’entendre sur un candidat commun. Saint Ambroise, responsable du maintien de l’ordre public, se précipite personnellement dans la cathédrale pour aplanir le différend. Un enfant se serait soudain écrié :  » Ambroise évêque ! « , et tous se seraient spontanément mis d’accord, pour faire d’Ambroise le nouvel évêque de la ville. Mais Ambroise hésita à accepter cette fonction, et chercha même à y échapper. Encore catéchumène, Ambroise avait de bonnes raisons d’hésiter à accepter cette fonction. Il n’avait aucune expérience pastorale ni théologique. Il n’était même pas baptisé. Saint Ambroise de Milan reçut le baptême le 7 décembre 373 (traditionnellement en 374). En l’espace de quelques jours, il aurait reçu successivement toutes les ordinations ecclésiastiques puis la consécration épiscopale. Diplomate de formation, Ambroise travaillera à réconcilier la communauté, divisée par des controverses théologiques Il est un pasteur et un homme de gouvernement efficace soucieux de la rectitude de la foi et de la paix sociale. Il répond aux attentes pastorales de sa communauté et ne tarde pas à réconcilier les partis opposés dans le clergé et dans le peuple En dépit de sa remarquable efficacité en matière de politique ecclésiastique, la vie quotidienne pendant les vingt-quatre années de l’épiscopat de saint Ambroise de Milan était, en effet, essentiellement faite d’activités pastorales, comme le montrent ses écrits. Non seulement il célébrait quotidiennement la sainte messe (qui est ainsi appelée pour la première fois dans sa Lettre XX, 4), mais aussi, à la façon de nos heures canoniales actuelles, des cultes de la parole, avec chants et lectures, répartis tout au long de la journée, et même la nuit. Les dimanches et jours de fête, et tous les jours pendant le temps de préparation des candidats au baptême, il prononçait des homélies d’une force de conviction si simple qu’elles attiraient même Augustin, pourtant particulièrement critique (Confessions VI, 3-4). Ses relations avec les empereurs successifs (qui favorisent tantôt les catholiques, tantôt les hérétiques ariens) sont mouvementées. En 390, l’empereur Théodose fait massacrer toute une partie de la population de Thessalonique pour arrêter des émeutes. Pour cette raison, saint Ambroise lui refusera l’accès de son église à Milan, exigeant qu’il se soumette d’abord à la pénitence publique de l’Eglise. L’empereur, subjugué, obéit et, après des mois de pénitence, Théodose ne communie plus dans le sanctuaire avec les prêtres (selon le privilège impérial), mais au milieu des laïcs. Saint Augustin doit, en partie à saint Ambroise, sa conversion, , car il épiait ses sermons en cachette, écoutait sa pensée, admirait la parole de ce grand orateur. Saint Ambroise avait un grand souci de belles liturgies. Il introduisit dans l’Eglise latine, l’usage grec de chanter des hymnes qui étaient à la fois des prières, des actions de grâce et des résumés du dogme. Il en composa plusieurs que nous chantons encore aujourd’hui. Travailleur infatigable, il a trouvé le temps de rédiger ses oeuvres. Les pères de l’Eglise catholique ont été les chantres de Marie, particulièrement saint Ambroise de Milan considéré comme un père de la mariologie occidentale ; il disait de Marie, « Elle est le Temple de Dieu non pas le dieu du Temple « . Il propose Marie comme modèle de toutes les vertus, son influence sur la spiritualité mariale populaire est très profonde. Saint Ambroise de Milan est mort le Samedi saint (4 avril) 397 et saint il a été enterré le lendemain près de la tombe des martyrs Gervais et Protais, dont il avait retrouvé dans des circonstances miraculeuses les ossements oubliés le 17 juin 386. Saint Ambroise de Milan repose aujourd’hui dans ses vêtements épiscopaux entre les deux saints, dans une châsse vitrée, dans la crypte de la basilique.

2) Textes de SAINT AMBROISE Ouvre ta bouche à la Parole de Dieu ……       Parlons donc du Seigneur Jésus, parce que lui-même est la Sagesse, est la Parole et le Verbe de Dieu.      Car il est encore écrit : Ouvre ta bouche à la parole de Dieu. Il inspire celui qui fait écho à ses discours et médite ses paroles. Parlons toujours de lui. Quand nous parlons de la sagesse, c’est lui ; quand nous parlons de la vertu, c’est lui ; quand nous parlons de la justice, c’est lui ; quand nous parlons de la paix, c’est lui ; quand nous parlons de la vérité, de la vie, de la rédemption, c’est lui.      Ouvre ta bouche à la parole de Dieu, est-il écrit. Ouvre la bouche, toi; c’est lui qui parle. Aussi David a-t-il dit : J’écouterai ce que le Seigneur dit en moi, et le Fils de Dieu a dit lui-même : Ouvre largement ta bouche et je la remplirai. Tous ne sont pas capables, comme Salomon ni comme Daniel, d’apprécier la valeur infinie de la sagesse; cependant l’esprit de sagesse est communiqué à tous, selon leur capacité, du moins à tous ceux qui sont croyants. Si tu crois, tu possèdes l’esprit de sagesse.       » Mes commandements resteront dans ton coeur. Tu les répéteras sans cesse, à la maison ou en voyage, que tu sois couché ou que tu sois levé.  » (Dt 6, 6- 7)      Médite donc toujours, aie toujours à la bouche les réalités divines, assis dans ta maison. Nous pouvons entendre « la maison  » de l’Église; nous pouvons l’entendre aussi dans notre maison intérieure, afin de parler au-dedans de nous. Parle avec réflexion, pour éviter le péché, pour ne pas pécher par bavardage. Lorsque tu es assis à la maison, parle avec toi-même comme avec celui qui te jugera. Parle sur la route pour ne jamais être dans l’oisiveté. Tu parleras sur la route, si tu parles dans le Christ, parce que la route, c’est le Christ. Sur la route, parle à toi-même, parle au Christ. Écoute comment lui parler: Je veux qu’en tout lieu les hommes prient en levant les mains saintement, sans colère ni dispute. Parle dans ton sommeil, pour que le sommeil de la mort ne te surprenne pas. Ecoute comment parler dans le sommeil: je ne donnerai pas de sommeil à mes yeux ni de repos à mes paupières avant d’avoir trouvé un abri pour mon Seigneur, une tente pour le Dieu de Jacob.      Que tu te lèves ou te relèves, parle de lui, afin d’accomplir ce qu’il t’ordonne. Écoute comment le Christ t’éveille. Ton âme dit: « J’entends mon bien-aimé qui frappe à la porte ». Et le Christ dit : « Ouvre-moi, ma soeur, mon épouse ». Écoute comment tu fais se lever le Christ. L’âme dit : « Je vous en conjure, filles de Jérusalem, n’éveillez pas, ne réveillez pas mon amour ». L’amour, c’est le Christ.            SAINT AMBROISE DE MILAN – IV° S Homélie sur le psaume 36 (55-56)               Ouvre la porte ……       Dieu se fait docteur ; il illumine l’esprit de chacun, y répandant la clarté de sa connaissance, à condition toutefois que tu ouvres la porte de ton coeur et que tu accueilles la clarté de la grâce céleste. Quand tu doutes, empresse-toi de chercher, car « celui qui cherche trouve et à celui qui frappe, on ouvrira ». Nombreuses sont les obscurités dans les écrits prophétiques. Mais si, avec la main de ton âme, tu frappes, à la porte des Écritures, en examinant avec soin le sens caché, tu ne tarderas pas à trouver peu à peu la raison de ce qui est dit.      Ce n’est pas un autre que le Verbe de Dieu qui t’ouvrira, lui dont on lit dans l’Apocalypse que l’Agneau ouvrit le livre scellé que jusque-là personne n’avait pu ouvrir. Seul en effet le Seigneur Jésus, dans son Évangile, a révélé les énigmes des prophètes et les mystères de la loi ; seul, il a apporté la clé de la science et nous a donné la faculté d’ouvrir. SAINT AMBROISE DE MILAN – IV° S Homélie sur le psaume118 (sermon 8)                                                                                  

 

VIE DE JESUS CHRIST – DISPUTE ENTRE LA MISÉRICORDE ET LA JUSTICE, LA VÉRITÉ ET LA PAIX.

3 décembre, 2015

http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/bonaventure/index.htm

VIE DE JESUS CHRIST – DISPUTE ENTRE LA MISÉRICORDE ET LA JUSTICE, LA VÉRITÉ ET LA PAIX.

S. BONAVENTURE DE L’ORDRE DES FRÈRES MINEURS, CARDINAL-ÉVÊQUE D’ALBANE,

CHAPITRE II. Dispute entre la Miséricorde et la Justice, la Vérité et la Paix.   A ces mots, la Miséricorde, ayant avec soi la Paix, ébranlait les entrailles du Père et le portait à nous secourir; mais la Justice accompagnée de la Vérité, s’y opposait; et il y eut une ardente contestation entre elles, selon que le raconte saint Bernard dans un long et magnifique discours. Je vais l’abréger le plus succinctement que je pourrai, et comme je me propose de citer souvent les paroles si pleines de douceur de ce Saint, ce sera pour l’ordinaire en y retranchant, pour éviter la trop grande longueur.   11 Voici donc en peu de mots ce qu’il dit sur ce sujet : « La Miséricorde criait au Seigneur : « Eh quoi ! Seigneur, détournerez-vous éternellement vos regards et oublierez-vous de faire miséricorde (1)? » Et il y avait longtemps qu’elle murmurait ce langage à ses oreilles. Le Seigneur répondit : « Que vos soeurs soient appelées, vous savez qu’elles vous sont opposées ; écoutons-les à leur tour ». « Après qu’on les eut appelées, la Miséricorde commença en ces termes : « La créature raisonnable a besoin de la pitié de Dieu, car elle est devenue malheureuse; elle est tombée dans l’excès de la misère; et le temps d’avoir pitié est arrivé, il est déjà passé. » La Vérité de son côté s’écriait : « Il faut, Seigneur, que la parole que vous avez prononcée, s’accomplisse; il faut qu’Adam meure tout entier, qu’il meure avec tous ceux qui étaient en lui, quand en prévariquant il mangea le fruit défendu. » — « Et pourquoi donc, Seigneur, m’avez-vous créée? reprit  la Miséricorde. La Vérité sait bien que c’en est fait de moi , si vous êtes toujours sans pitié. » — « Si le prévaricateur, dit la Vérité, échappe à votre sentence, votre vérité s’anéantit également et ne demeure plus éternellement. » 1 Ps. 73.   12 « Cette affaire fut donc déférée au Fils, et la Vérité et la Miséricorde apportèrent les mêmes raisons en sa présence. La Vérité ajoutait : « J’avoue, Seigneur , que la Miséricorde est poussée par un zèle qui est bon ; mais il n’est pas selon la Justice, car elle veut que l’on épargne le pécheur de préférence à sa soeur. » — « Et toi, s’écriait la Miséricorde, tu ne pardonnes ni à l’un ni à l’autre, et tu sévis avec tant d’indignation contre les prévaricateurs, que tu enveloppes ta soeur dans le même châtiment. » — Néanmoins la Vérité reprenait avec force : « Seigneur , c’est contre vous que cette dispute est dirigée, et il est à redouter que la parole de votre père n’y trouve sa ruine. » — La Paix dit alors : « Mettez fin à de semblables disputes : toute contemplation est messéante aux vertus. » « Vous voyez que c’était une question grave, et que, de part et d’autre, on alléguait des raisons fortes et concluantes. Il ne semblait pas que l’on pût conserver et la Miséricorde et la Vérité dans ce qui concernait l’homme. Or, le Roi écrivit une sentence qu’il donna à lire à la Paix, qui se tenait plus proche de lui; et cette sentence était ainsi conçue : L’une dit : « Je péris si Adam ne meurt pas. » L’autre ajoute : « C’en est fait de moi s’il n’obtient miséricorde. Que la mort devienne donc un bien, et qu’il soit fait ainsi selon la   13  demande de l’une et de l’autre. » Toutes restèrent dans l’étonnement à cette parole de la sagesse, et consentirent à la mort d’Adam, pourvu qu’il obtint miséricorde. « Mais comment, demanda-t-on , la mort peut-elle devenir un bien, lorsque son nom seul fait frémir à entendre?» Le roi répondit : « La mort du pécheur, il est vrai, est un mal effroyable (1) ; mais la mort des saints est précieuse (2) : elle est la porte de la vie. Que l’on trouve quelqu’un qui consente à mourir par charité, sans être soumis naturellement  à la mort : elle ne pourra retenir un innocent sous son empire; mais il y fera une brèche par où s’échapperont ceux qui auront été délivrés. » « Ce discours acquit l’assentiment de tous. « Mais où trouver un tel homme? » répondit-on. La Vérité revint donc sur la terre, et la Miséricorde demeura au ciel. Car selon le prophète : « Votre miséricorde, Seigneur, est dans les cieux, et votre vérité s’élève jusqu’aux nues (3)» Celle-ci parcourut l’univers entier ; mais elle ne vit aucun homme exempt de tache, pas même l’enfant qui ne compte qu’un jour sur la terre (4). La Miséricorde, de son côté, parcourut le ciel ; mais elle ne trouva personne dont la charité pût aller jusque-là. Car nous sommes tous serviteurs, et lors  1 Ps. 33. — 2 Ps. 115. — 3 Ps. 35. — 4 Job., 25.   14  même que nous avons fait tout bien, nous devons dire ces paroles de l’Evangile de saint Luc : « Nous sommes des serviteurs inutiles (1). » « Il ne se rencontra donc personne qui eût assez de charité pour livrer sa vie en faveur de serviteurs inutiles. Or, les deux vertus reviennent au jour marqué pleines d’une anxiété profonde. La Paix, voyant qu’elles n’avaient pas trouvé ce qu’elles désiraient, leur dit : « Vous êtes sans intelligence et sans pensée aucune (2). Il n’est personne qui fasse le bien, il n’en est pas un seul (3); mais que celui qui a donné le conseil nous vienne lui-même en aide. » Le Roi comprit ce que cela signifiait, et il répondit : « Je me repens d’avoir fait l’homme (4); c’est pourquoi il me faut faire pénitence pour l’ouvrage de mes mains. » Et, ayant appelé Gabriel, il lui dit : « Allez et dites à la fille de Sion : Voici votre Roi qui vient (5). » Ainsi parle saint Bernard. Vous voyez dans quel grand péril nous a jetés et nous jette encore le péché; quelles difficultés se présentent pour lui trouver un remède. Les Vertus consentirent donc à cette proposition, principalement dans la personne du Fils ; car la personne du Père ne semble en quelque sorte que terrible et puissante, et ainsi la 1 Luc., 18. — 2 Joan., 15. — 3 Ps. 13. — 4 Gén., 7. — 5 Zach., 9.   Miséricorde et la Paix auraient pu encourir quelque soupçon. La personne du Saint-Esprit étant toute pleine de bénignité, la Justice et la Vérité auraient pu également être soupçonnées d’avoir sacrifié quelques-uns de leurs droits. C’est pourquoi la personne du Fils fut acceptée, comme tenant le milieu, pour apporter ce remède. Mais il faut comprendre tout cela, non dans un sens propre, mais seulement figurée. Ce fut donc. alors que s’accomplirent ces paroles du Prophète : « La Miséricorde et la Vérité sont venues à la rencontre l’une de l’autre ; la Justice et la Paix se sont donné le baiser de réconciliation (1). » Voilà ce que nous pouvons méditer sur ce qui est arrivé dans les cieux.  1 Ps. 84.  

DIEU FRAPPE À LA PORTE DE LA VOLONTÉ DE MARIE – SAINTE CATHERINE DE SIENNE, O.P.

3 décembre, 2015

http://www.vatican.va/spirit/documents/spirit_20010904_caterina-siena_fr.html  

DIEU FRAPPE À LA PORTE DE LA VOLONTÉ DE MARIE

DES ORATIONS DE SAINTE CATHERINE DE SIENNE, O.P.

 (Ecrite pour le jour de l’Annonciation 1379)

« O Marie, tu deviens le livre dans lequel aujourd’hui est écrite notre règle. En toi, aujourd’hui, est écrite la sagesse du Père éternel; en toi, aujourd’hui, se manifeste la force et la liberté de l’homme. Si je considère, Trinité éternelle, ton grand dessein, je vois que dans ta lumière tu as vu la dignité et la noblesse de la race humaine; et ainsi, comme l’amour te contraignit à tirer l’homme de toi-même, ce même amour te contraint à le racheter, car il s’était perdu. Tu as montré de façon admirable ton amour pour l’homme avant méme que celui-ci n’existât, quand tu as voulu le tirer de toi-même uniquement par amour; mais tu lui as montré un plus grand amour en te donnant toi-même, en t’enfermant aujourd’hui dans la fragilité de son humanité. Que pouvais-tu lui donner de plus que te donner toi-même? C’est donc en toute vérité que tu peux lui dire: «Qu’aurais-je dû ou qu’aurais-je pu faire pour toi que je ne l’aie fait? ». Ainsi, je vois que ce que ta sagesse, en ce grand et éternel dessein, a vu devoir être fait pour le salut de l’homme, ta clémence a voulu le faire et, aujourd’hui, ta puissance l’a réalisé. Quelle façon as-tu trouvée, Trinité éternelle, pour que, fidèle à ta vérité, tu fis miséricorde à l’homme et que toutefois ta justice fût satisfaite? Quel remède nous as-tu donné? Oh, le voici, le remède adapté: tu as déterminé de nous donner le Verbe, ton Fils unique; tu as voulu qu’il prit le poids de notre chair qui t’avait offensé, pour que, en souffrant dans cette humanité, il satisfasse à ta justice, non en vertu de l’humanité, mais en vertu de la divinité qui lui est unie. Et ainsi fut accomplie ta vérité et furent satisfaites la justice et la miséricorde. O Marie, je vois ce Verbe qui t’est donné être en toi et néanmoins il n’est pas séparé du Père, de même que la parole que l’homme a dans l’esprit, bien que proférée et communiquée aux autres, ne le quitte pourtant pas et n’est pas séparée de son coeur. En tout cela se manifeste la dignité de l’homme, pour qui Dieu a fait de si grandes choses. En toi, Marie, se manifestent aussi, en ce jour, la force et la liberté de l’homme, puisque, après la décision de réaliser un si grand dessein, un ange t’est envoyé pour t’annoncer le mystère du dessein divin et chercher l’approbation de ta volonté; et le Fils de Dieu ne descend pas en toi avant que tu n’y consentes par un acte de ta volonté. Il attendait à la porte de ta volonté que tu lui ouvres parce qu’il voulait venir en toi; et il n’y serait jamais entré si tu ne lui avais pas ouvert en disant: Voici la setvante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole. O Marie, la divinité éternelle frappait à ta porte; mais, si tu n’avais pas ouvert la porte de ta volonté, Dieu ne se serait pas incarné en toi. Honte à toi, ô mon âme, qui vois qu’aujourd’hui Dieu, en Marie, a établi avec toi des liens de parenté. Aujourd’hui il t’est montré que bien que tu aies été créée sans toi, tu ne seras pas sauvée sans toi. O Marie, mon doux amour, en toi est écrit le Verbe qui nous donne la doctrine de vie; et toi, tu es le livre qui nous présente cette doctrine. »

Préparé par l’Institut de Spiritualité: Université Pontificale Saint Thomas d’Aquin

BENOÎT XVI – SAINT COLOMBAN, UN SAINT « EUROPÉEN » – 23 NOVEMBRE

23 novembre, 2015

http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2008/documents/hf_ben-xvi_aud_20080611.html

BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 11 juin 2008  

SAINT COLOMBAN, UN SAINT « EUROPÉEN » – 23 NOVEMBRE

Chers frères et sœurs,

Aujourd’hui, je voudrais parler du saint abbé Colomban, l’Irlandais le plus célèbre du bas Moyen-Age:  il peut à juste titre être appelé un saint « européen », parce que comme moine, missionnaire et écrivain, il a travaillé dans divers pays de l’Europe occidentale. Avec les Irlandais de son époque, il été conscient de l’unité culturelle de l’Europe. Dans une de ses lettres, écrite vers l’an 600 et adressée au Pape Grégoire le Grand, on trouve pour la première fois l’expression « totius Europae – de toute l’Europe », avec une référence à la présence de l’Eglise sur le continent (cf. Epistula I, 1). Colomban était né vers 543 dans la province de Leinster, dans le sud-est de l’Irlande. Eduqué chez lui par d’excellents maîtres qui l’orientèrent vers l’étude des arts libéraux, il s’en remit ensuite à la conduite de l’abbé Sinell de la communauté de Cluain-Inis, dans le nord de l’Irlande, où il put approfondir l’étude des Saintes Ecritures. A l’âge de vingt ans environ, il entra dans le monastère de Bangor dans le nord-est de l’île, où se trouvait l’abbé Comgall, un moine très célèbre pour sa vertu et sa rigueur ascétique. En pleine harmonie avec son abbé, Colomban pratiqua avec zèle la discipline sévère du monastère, en menant une vie de prière, d’ascèse et d’études. Il y fut également ordonné prêtre. La vie à Bangor et l’exemple de l’abbé influèrent sur la conception du monachisme que Colomban mûrit avec le temps et diffusa ensuite au cours de sa vie. A l’âge d’environ cinquante ans, suivant l’idéal ascétique typiquement irlandais de la « peregrinatio pro Christo », c’est-à-dire de se faire pèlerin pour le Christ, Colomban quitta l’île pour entreprendre avec douze compagnons une œuvre missionnaire sur le continent européen. En effet, nous devons avoir à l’esprit que la migration de peuples du nord et de l’est avait fait retomber dans le paganisme des régions entières déjà christianisées. Autour de l’an 590, le petit groupe de missionnaires accosta sur la côte bretonne. Accueillis avec bienveillance par le roi des Francs d’Austrasie (la France actuelle), ils demandèrent uniquement une parcelle de terre non-cultivée. Ils obtinrent l’antique forteresse romaine d’Annegray, en ruine et abandonnée, désormais recouverte par la forêt. Habitués à une vie de privation extrême, les moines réussirent en quelques mois à construire sur les ruines le premier monastère. Ainsi, leur réévangélisation commença a avoir lieu tout d’abord à travers le témoignage de leur vie. En même temps que la nouvelle culture de la terre, commença également une nouvelle culture des âmes. La renommée de ces religieux étrangers qui, en vivant de prière et dans une grande austérité, construisaient des maisons et défrichaient la terre, se répandit très rapidement en attirant des pèlerins et des pénitents. Beaucoup de jeunes demandaient à être accueillis dans la communauté monastique pour vivre, à leur manière, cette vie exemplaire qui renouvelle la culture de la terre et des âmes. Très vite la fondation d’un second monastère fut nécessaire. Il fut édifié à quelques kilomètres de distance, sur les ruines d’une antique ville thermale, Luxeuil. Le monastère allait ensuite devenir le centre du rayonnement monastique et missionnaire de tradition irlandaise sur le continent européen. Un troisième monastère fut érigé à Fontaine, à une heure de route plus au nord. Colomban  vécut  pendant  environ vingt ans à Luxeuil. C’est là que le saint écrivit pour ses disciples la Regula monachorum – qui fut pendant un certain temps plus répandue en Europe que celle de saint Benoît -, qui trace l’image idéale du moine. C’est la seule règle monastique irlandaise ancienne aujourd’hui en notre possession. Il la compléta avec la Regula coenobialis, une sorte de code pénal pour les infractions des moines, avec des punitions assez surprenantes pour la sensibilité moderne, et qui ne s’expliquent que par la mentalité de l’époque et du contexte. Avec une autre œuvre célèbre intitulée De poenitentiarum misura taxanda, écrite également à Luxeuil, Colomban introduisit sur le continent la confession et la pénitence privées et répétées; elle fut appelé la pénitence « tarifée » en raison de la proportion entre la gravité du péché et le type de pénitence imposée par le confesseur. Ces nouveautés éveillèrent le soupçon des évêques de la région, un soupçon qui se transforma en hostilité lorsque Colomban eut le courage de les critiquer ouvertement en raison des mœurs de certains d’entre eux. L’occasion saisie pour manifester ce différend fut la dispute sur la date de Pâques:  l’Irlande suivait en effet la tradition orientale en opposition avec la tradition romaine. Le moine irlandais fut convoqué en 603 à Chalon-sur-Saône pour rendre compte devant un synode de ses habitudes relatives à la pénitence et à la Pâque. Au lieu de se présenter au synode, il envoya une lettre dans laquelle il minimisait la question en invitant les Pères synodaux à discuter non seulement du problème de la date de Pâques, un problème mineur selon lui, « mais également de toutes les règles canoniques nécessaires que beaucoup – chose plus grave – ne respectent pas » (cf. Epistula II, 1). Dans le même temps, il écrivit au Pape Boniface IV – comme quelques années plus tôt, il s’était adressé à Grégoire le Grand (cf. Epistula I) – pour défendre la tradition irlandaise (cf. Epistula III). Intransigeant comme il l’était sur toute question morale, Colomban entra par la suite en conflit avec la maison royale, parce qu’il avait reproché avec dureté au roi Théodoric ses relations adultérines. Il en naquit un réseau d’intrigues et de manœuvres au niveau personnel, religieux et politique qui, en l’an 610, se traduisit par un décret d’expulsion de Luxeuil contre Colomban et tous les moines d’origine irlandaise, qui furent condamnés à un exil définitif. Ils furent escortés jusqu’à la mer et embarqués aux frais de la cour vers l’Irlande. Mais le navire s’échoua non loin de la plage et le capitaine, y voyant un signe du ciel, renonça à l’entreprise et, de peur d’être maudit par Dieu, ramena les moines sur la terre ferme.  Ceux-ci  au  lieu  de rentrer à Luxeuil, décidèrent d’entamer une nouvelle œuvre d’évangélisation. Ils s’embarquèrent sur le Rhin et remontèrent le fleuve. Après une première étape à Tuggen près du lac de Zurich, ils se rendirent dans la région de Bregenz près du lac de Constance pour évangéliser les Allemands. Mais peu de temps après, Colomban, à cause d’événements politiques peu favorables à son œuvre, décida de traverser les Alpes avec la plupart de ses disciples. Seul un moine du nom de Gallus demeura; à partir de son monastère se  développera  ensuite  la  célèbre  abbaye de Saint-Gall, en Suisse. Arrivé en Italie, Colomban trouva un accueil bienveillant auprès de la cour royale lombarde, mais il dut immédiatement affronter de grandes difficultés:  la vie de l’Eglise était déchirée par l’hérésie arienne qui prévalait encore chez les Lombards et par un schisme qui avait éloigné la majeure partie des Eglises d’Italie du Nord de la communion avec l’Evêque de Rome. Colomban prit place avec autorité dans ce contexte, en écrivant un libelle contre l’arianisme et une lettre à Boniface IV pour le convaincre d’effectuer certains pas décisifs en vue d’un rétablissement de l’unité (cf. Epistula V). Lorsque le roi des Lombards, en 612 ou 613, lui assigna un terrain à Bobbio, dans la vallée de la Trebbia, Colomban fonda un nouveau monastère qui allait par la suite devenir un centre de culture comparable à celui très célèbre de Montecassino. C’est là qu’il finit ses jours:  il mourut le 23 novembre 615 et c’est à cette date qu’il est fêté dans le rite romain jusqu’à nos jours. Le message de saint Colomban se concentre en un ferme rappel à la conversion et au détachement des biens terrestres en vue de l’héritage éternel. Avec sa vie ascétique et son comportement sans compromis face à la corruption des puissants, il évoque la figure sévère de saint Jean Baptiste. Son austérité, toutefois, n’est jamais une fin en soi, mais ce n’est que le moyen de s’ouvrir librement à l’amour de Dieu et de répondre avec tout son être aux dons reçus de Lui, en reconstruisant ainsi en lui l’image de Dieu, en défrichant dans le même temps la terre et en renouvelant la société humaine. Je cite de ses Instructiones:  « Si l’homme utilise correctement cette faculté que Dieu a accordée à son âme, alors il sera semblable à Dieu. Rappelons-nous que nous devons lui rendre tous les dons qu’il a déposés en nous lorsque nous étions dans la condition originelle. Il nous a enseigné la manière de le faire avec ses commandements. Le premier d’entre eux est celui d’aimer le Seigneur de tout notre cœur, parce qu’il nous a aimés lui le premier, depuis le commencement des temps, avant même que nous venions à la lumière de ce monde » (cf. Instr. XI). Ces paroles, le saint irlandais les incarna réellement dans sa propre vie. Homme de grande culture – il composa également des poésies en latin et un livre de grammaire -, il se révéla riche de dons de grâce. Il fut un inlassable bâtisseur de monastères ainsi qu’un prédicateur pénitentiel intransigeant, en dépensant toute son énergie pour nourrir les racines chrétiennes de l’Europe en train de naître. Avec son énergie spirituelle, avec sa foi, avec son amour pour Dieu et pour le prochain, il devint réellement un des Pères de l’Europe:  il nous montre encore aujourd’hui où sont les racines desquelles peut renaître notre Europe.

MARTIN DE TOURS – 11 NOVEMBRE

10 novembre, 2015

http://nouvl.evangelisation.free.fr/leblanc_martin_de_tours.htm

MARTIN DE TOURS – 11 NOVEMBRE

Évêque, Apôtre des Gaules (316-400)  

Remarque préalable: Nous connaissons la vie de saint Martin grâce à Sulpice Sévère, ami de Paulin de Nole, dont la cécité fut guérie par notre saint d’aujourd’hui. Saint Martin de Tours, souvent appelé Martin le Miséricordieux, l’un des plus grands saints de France, serait né, en 316 ou 317, à Sabaria, ou Savaria de Pannonie, aujourd’hui Szombathely dans l’actuelle Hongrie. Mais il est mort à Candes le 8 novembre 397. C’est l’un des saints les plus connus de la chrétienté, et, en France, de nombreux villages portent son nom. Le père de Martin, originaire de Pavie, en Italie était un officier supérieur chargé de l’administration de l’armée romaine. C’est peut-être pour cela que Martin porte ce nom: Martin signifiant « voué à Mars », le dieu de la guerre. À cette époque, la Chrétienté se développait beaucoup, et Martin enfant eut certainement de nombreux contacts avec des chrétiens; vers l’âge de 10 ans, Martin voulut se convertir au christianisme car il se sentait déjà attiré par le Christ. Le père de Martin vécut très mal cette conversion, car, militaire de haut niveau il était voué au culte de l’Empereur, et son fils aurait dû conserver ce culte. Aussi força-t-il Martin à entrer dans l’armée dès l’âge de quinze ans. Dès lors, Martin suivit son père au gré des affectations de la garnison. Cependant, Martin, fils d’officier, bénéficiait du grade de circitor avec une double solde. Le rôle de Martin, circitor, était d’inspecter les postes de garde et d’assurer la surveillance de nuit de la garnison. Il possédait alors un esclave qu’il traitait comme son propre frère. Notons que Martin ne dépassera jamais le grade de sous-officier. Bientôt Martin fut affecté en Gaule. Et c’est là qu’eut lieu l’acte le plus spectaculaire et connu de saint Martin. Au cours d’une de ses rondes, un soir d’hiver 338, à Amiens, il partagea son manteau avec un déshérité transi de froid. Martin ne pouvait rien faire d’autre, car il n’avait déjà plus de solde, l’ayant généreusement distribuée. La nuit suivante le Christ lui apparut en songe vêtu de ce même pan de manteau. Martin avait 18 ans. La tradition indique que le reste du manteau, appelé « cape » sera placé plus tard, à la vénération des fidèles, dans une pièce dont le nom est à l’origine du mot: chapelle, cappella en italien, chapel en anglais, Kapelle en allemand). On raconte aussi que la cape de saint Martin de Tours, fut envoyée comme relique à la Chapelle palatine d’Aix-la-Chapelle pour Charlemagne, et qu’elle était emportée lors des batailles et portée en bannière. La cape de saint Martin serait aussi à l’origine du mot « Capet »  nom de la dynastie des Rois de France. Saint Martin est vraiment le symbole de l’unité franque. Nous sommes en mars 354. C’est l’époque des grandes invasions germaniques, et les Barbares sont aux portes de l’Empire romain. Martin va donc participer à la campagne sur le Rhin, contre les Alamans, à Civitas Vangionum, en Rhénanie. Ses convictions religieuses lui interdisant de verser le sang, il refusa de se battre, mais, pour prouver qu’il n’était pas un lâche et qu’il croyait à la Providence et à la protection divine, il proposa de servir de bouclier humain. Il fut enchaîné et exposé à l’ennemi mais, pour une raison inexpliquée, les Barbares demandèrent la paix. Selon Sulpice Sévère, Martin servira encore deux années dans l’armée romaine, puis il se fera baptiser à Pâques, toujours en garnison à Amiens. En 356, Martin, qui a 40 ans, peut quitter l’armée; il se rend à Poitiers pour rejoindre  Hilaire, évêque de la ville depuis 350, et se mettre à son service. Tous les deux, Hilaire et Martin, avaient le même âge et appartenaient à l’aristocratie. Mais le statut de Martin: ancien homme de guerre, l’empêchait de devenir prêtre. Alors Hilaire forma Martin qui deviendra simplement exorciste, la fonction d’exorciste étant alors considérée comme inférieure et humiliante. La Chrétienté était, à cette époque, déchirée par divers courants de pensée antagonistes dont l’arianisme qui niait la divinité du Christ, contrairement aux trinitaires de l’Église romaine. Or les ariens étaient très influents auprès du pouvoir romain décadent qui se cherchait une foi nouvelle. C’est ainsi qu’Hilaire, un trinitaire, fut victime de ses ennemis, politiques et religieux; tombé en disgrâce il fut exilé. Martin fut alors averti en songe, qu’il devait rejoindre ses parents afin de les convertir. Martin les rejoignit en Pannonie, en Hongrie, ou en Illyrie: on ne sait pas très bien. Il réussit à convertir sa mère mais son père resta étranger à la foi de Martin qui partit s’installer à Milan, en Italie, pour essayer de retrouver Hilaire, alors en exil. Chassé de Milan par les ariens, Martin partit s’isoler sur l’île de Gallinaria, sur la côte ligure. Enfin, en 360, Martin, qui avait 44 ans, put revenir en France pour rejoindre saint Hilaire, libéré. Sur les conseils d’Hilaire, Martin s’installa comme ermite près de Poitiers. Des disciples étant venus le rejoindre, Martin fonda le monastère de Ligugé, premier Monastère d’Occident qui fut le principal lieu de l’activité d’évangélisation de saint Martin pendant dix ans. C’est là qu’il accomplit ses premiers miracles se faisant ainsi reconnaître par le peuple comme un saint homme. Puis, Martin fut élu évêque de Tours. Comment cela put-il se faire? Comme Martin avait d’abord refusé l’épiscopat, les habitants de Tours l’enlevèrent et le proclamèrent évêque le 4 juillet 371, sans son consentement. Alors Martin se soumit en pensant qu’il s’agissait là sans aucun doute de la volonté divine; mais il ne modifia rien à son train de vie. Il créa, près de Tours, le monastère de Marmoutier, qui eut pour règle une extrême  pauvreté, la mortification et la prière. Le monastère de Marmoutier était construit en bois; Martin vivait dans une cabane de bois dans laquelle, dit-on, il repoussait les apparitions diaboliques et conversait avec les anges et les saints. C’est cette vie faite de courage viril et militaire que Martin imposa à sa communauté. Marmoutier, centre de formation pour l’évangélisation des campagnes, compta rapidement quatre-vingt moines et devint la principale base de propagation du christianisme en Gaule.   Martin fonda également les premières églises rurales de la Gaule, tout en sillonnant une partie de l’Europe: Allemagne, Luxembourg, Suisse, Espagne… Martin, escorté de ses moines et de ses disciples, en grande partie pour des raisons de sécurité, parcourut les campagnes, à pied ou à dos d’âne, pour les évangéliser. En effet, à cette époque les campagnes étaient toujours païennes: aussi Martin faisait-il détruire les temples et les idoles. Là où il ne pouvait pas aller, il envoyait ses moines. On remplaçait les sanctuaires païens par des églises ou des ermitages. Comme rien de fâcheux ne leur arrivait, les païens, émerveillés, en conclurent que le vrai Dieu était celui des chrétiens. Il est impossible de passer ici, sous silence, l’épisode de la condamnation pour magie, de Priscillien, l’évêque d’Avila. Martin de Tours était présent à Trèves, en 385, lorsque des évêques d’Espagne demandèrent à l’empereur Maxime la condamnation de Priscillien. Rejoint par Ambroise de Milan, Martin demanda la grâce pour les disciples de Priscillien, et l’obtint. Pourtant, ce qui suit nous paraît assez obscur; en effet, Martin de Tours refusa dès lors de participer aux assemblées épiscopales, ce qui, avec ses efforts pour sauver de la mort Priscillien, le fit suspecter d’hérésie. Cependant, nous savons que le pape Sirice s’élèvera contre les procédés de Maxime. Et, plus tard, l’empereur Théodose 1er déclara nulles les décisions de Maxime dans cette affaire. Nous sommes en 397. Martin est appelé à Candes pour réconcilier des clercs.  Malgré son grand âge, 84 ans, Martin s’y rend. Son intervention est couronnée de succès, mais le lendemain, 8 novembre 397, épuisé par sa vie de soldat du Christ, Martin meurt à Candes, sur un lit de cendre comme mouraient les saints hommes. Immédiatement, disputé par les Poitevins et les Tourangeaux, le corps de Martin est subtilisé par ces derniers et rapidement reconduit, par le fleuve, la Loire, jusqu’à Tours où il fut enterré le 11 novembre 397. Nota: Moine-évêque, missionnaire, Apôtre de la Gaule et d’une partie de l’Europe, Saint Martin est le premier saint vénéré sans avoir subi le martyre. Aujourd’hui plus de 236 communes portent son nom en France, et plus de 4 000 églises sont placées sous son vocable; son nom de baptême est devenu le nom de famille le plus fréquent de France.

*****

Nous allons maintenant vous donner quelques détails intéressants sur la vie de saint Martin, dont certains sont assez étonnants. Ainsi, après la mort de Martin à Candes, on transporta son corps à Tours. Une légende raconte que les fleurs se mirent à éclore en plein novembre, au passage de son corps sur la Loire, entre Candes et Tours. Ce phénomène étonnant donnera naissance à l’expres-sion “été de la saint Martin”. Hier, nous avons découvert l’extraordinaire vie de saint Martin. Aujourd’hui, nous allons nous arrêter sur quelques faits étonnants, que certains d’entre nous pourraient appeler des fioretti. – Traversant les Alpes, Martin fut un jour attaqué par des brigands. L’un des voleurs lui demanda s’il avait peur. Martin lui répondit qu’il n’avait jamais eu autant de courage et qu’il plaignait les brigands. Et il se mit à leur expliquer l’Évangile. Les voleurs le délivrèrent et l’un d’eux demanda à Martin de prier pour lui. – Un jour, voyant des oiseaux se disputer des poissons, il expliqua à ses disciples que les démons se disputaient les âmes des chrétiens de la même façon. C’est ainsi que l’on donna à ces oiseaux pécheurs le nom de martin-pécheurs. – Selon la légende, saint Martin portant la bonne parole sur les côtes flamandes, aurait perdu son âne parti brouter ailleurs, pendant qu’il tentait d’évangéliser les pêcheurs d’un petit village qui deviendra Dunkerque. À la nuit tombée, les enfants du pays le retrouvèrent dans les dunes, en train de manger des chardons et des oyats, plantes utilisées pour fixer les dunes sablonneuses. Pour les remercier, saint Martin transforma toutes les petites crottes de l’âne en brioches, les craquandoules. – La puissance de saint Martin sur les démons était extraordinaire. Martin portait à l’idolâtrie des coups dont elle ne se relevait pas; aussi Martin était-il souvent en proie aux attaques des démons. Un jour, à Trèves, il chassait le démon chez un serviteur du proconsul Tétradius; celui-ci se convertit. Entrant, un autre jour, dans une maison, il y aperçut un démon à l’aspect épouvantable. Martin lui commanda de s’en aller; mais le démon prit possession d’un homme qui fut transformé en bête furieuse, prête à mordre quiconque approcherait. Indigné, le saint va vers lui, met ses doigts dans la bouche du possédé et interpelle l’esprit impur: si tu as quelque puissance, dévore cette main que j’étends sur toi! Le démon prit alors la fuite, comme si la main de l’évêque dégageait des flammes.

***** Maintenant nous allons rapporter quelques miracles: – Près de Chartres, Martin obtint du Seigneur la résurrection d’un enfant mort, qu’une maman éplorée lui présentait. Elle était accompagnée d’une grande foule de païens qui tous se convertirent. – Nous voici à Ligugé. Pendant une absence de Martin, un jeune catéchumène meurt. À son retour, trois jours plus tard, bouleversé par la douleur de ses disciples, Martin va prier près du corps du catéchumène. II supplie le Seigneur de lui rendre la vie. Le jeune homme revient à la vie et raconte son expérience dans l’au-delà après sa mort. Sulpice Sévère, le biographe de saint Martin affirme qu’il avait lui-même assisté à plusieurs miracles. En voici quelques-uns, choisis au hasard. – Arrivé un jour, dans un village païen, l’évêque Martin  décida d’abattre l’arbre sacré. Les paysans s’y opposèrent. Alors Martin fut attaché, sur sa propre demande, à l’arbre, du côté où celui-ci devait nécessairement s’abattre; mais l’arbre tomba du côté opposé, sauvant le saint qu’il devait écraser. Bouleversée par ce miracle, toute la communauté païenne se convertit. – Un autre jour, l’évêque mit le feu à un temple païen; les flammes, poussées par le vent, menaçaient de s’attaquer à une maison voisine. Martin monta sur le toit et supplia le Ciel d’épargner cette maison; aussitôt les flammes se détournèrent. – Alors qu’il était en voyage, Martin fut attaqué par un brigand qui allait le percer de son épée; à ce moment-même, le malfaiteur tomba à la renverse. Effrayé, il s’enfuit. A Trèves, l’évêque guérit une jeune fille paralytique qui se mourait, en lui versant quelques gouttes d’huile bénite, dans la bouche. Aux portes de Paris, Martin rencontra un lépreux horriblement défiguré; il le prit dans ses bras et l’embrassa. Aussitôt, le lépreux fut guéri.

***** On pourrait multiplier les exemples. Ce charisme de guérison fit de Martin un digne successeur des apôtres. Mais poursuivons. Quand Martin percevait une résistance exceptionnelle, de la part des païens, à ses efforts d’évangélisation, il avait recours à son arme favorite, la pénitence. Se revêtant d’une haire à même la peau, il se couvrait de cendres, priait et jeûnait pendant trois jours. C’est ainsi qu’il convertit le village de Levroux, dans le Berri, dont les habitants s’étaient enrichis par des pratiques occultes maléfiques. Au bout des trois jours, des anges lui ordonnèrent de retourner dans ce lieu d’abominations. Les habitants y étaient comme paralysés. Martin détruisit leur temple et les idoles. Revenus de leur engourdissement, les païens reconnurent dans ces événements un signe du Ciel et devinrent chrétiens. Nous terminerons par une petite  remarque: durant les trois premiers siècles de son existence, l’Église s’était surtout répandue dans les zones urbaines. La chrétienté d’alors  était essentiellement constituée de gens modestes, artisans, commerçants, esclaves affranchis. Par contre, les paysans et beaucoup d’aristocrates étaient, pour des raisons d’ailleurs très différentes, réfractaires à la foi chrétienne. Dans les campagnes, le paganisme et les superstitions étaient si profondément ancrées que le mot « paganus », paysan, avait fini par désigner les païens. Et le dernier refuge du paganisme, ce sera la campagne.

Paulette Leblanc

BENOÎT XVI – SIMON LE CANANÉEN ET JUDE THADDÉE – 28 OCTOBRE

29 octobre, 2015

http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2006/documents/hf_ben-xvi_aud_20061011.html

BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 11 octobre 2006

SIMON LE CANANÉEN ET JUDE THADDÉE – 28 OCTOBRE

Chers frères et soeurs,

Nous prenons aujourd’hui en considération deux des douze Apôtres:  Simon le Cananéen et Jude Thaddée (qu’il ne faut pas confondre avec Judas Iscariote). Nous les considérons ensemble, non seulement parce que dans les listes des Douze, ils sont toujours rappelés l’un à côté de l’autre (cf. Mt 10, 4; Mc 3, 18; Lc 6, 15; Ac 1, 13), mais également parce que les informations qui les concernent ne sont pas nombreuses, en dehors du fait que le Canon néo-testamentaire conserve une lettre attribuée à Jude Thaddée. Simon reçoit un épithète qui varie dans les quatre listes:  alors que Matthieu et Marc le qualifient de « cananéen », Luc le définit en revanche comme un « zélote ». En réalité, les deux dénominations s’équivalent, car elles signifient la même chose:  dans la langue juive, en effet, le verbe qana’ signifie:  « être jaloux, passionné » et peut être utilisé aussi bien à propos de Dieu, en tant que jaloux du peuple qu’il a choisi (cf. Ex 20, 5), qu’à propos des hommes qui brûlent de zèle en servant le Dieu unique avec un dévouement total, comme Elie (cf. 1 R 19, 10). Il est donc possible que ce Simon, s’il n’appartenait pas précisément au mouvement nationaliste des Zélotes, fût au moins caractérisé par un zèle ardent pour l’identité juive, donc pour Dieu, pour son peuple et pour la Loi divine. S’il en est ainsi, Simon se situe aux antipodes de Matthieu qui, au contraire, en tant que publicain, provenait d’une activité considérée comme totalement impure. C’est le signe évident que Jésus appelle ses disciples et ses collaborateurs des horizons sociaux et religieux les plus divers, sans aucun préjugé. Ce sont les personnes qui l’intéressent, pas les catégories sociales ou les étiquettes! Et il est beau de voir que dans le groupe de ses fidèles, tous, bien que différents, coexistaient ensemble, surmontant les difficultés imaginables:  en effet, Jésus lui-même était le motif de cohésion, dans lequel tous se retrouvaient unis. Cela constitue clairement une leçon pour nous, souvent enclins à souligner les différences, voire les oppositions, oubliant qu’en Jésus Christ, nous a été donnée la force pour concilier nos différences. Rappelons-nous également que le groupe des Douze est la préfiguration de l’Eglise, dans laquelle doivent trouver place tous les charismes, les peuples, les races, toutes les qualités humaines, qui trouvent leur composition et leur unité dans la communion avec Jésus. En  ce  qui  concerne ensuite Jude Thaddée, il est ainsi appelé par la tradition qui réunit deux noms différents:  en effet, alors que Matthieu et Marc l’appellent simplement « Thaddée » (Mt 10, 3; Mc 3, 18), Luc l’appelle « Jude fils de Jacques » (Lc 6, 16; Ac 1, 13). Le surnom de Thaddée est d’une origine incertaine et il est expliqué soit comme provenant de l’araméen taddà, qui veut dire « poitrine » et qui signifierait donc « magnanime », soit comme l’abréviation d’un nom grec comme « Théodore, Théodote ». On ne connaît que peu de choses de lui. Seul Jean signale une question qu’il posa à Jésus au cours de la Dernière Cène. Thaddée dit au Seigneur:  « Seigneur, pour quelle raison vas-tu te manifester à nous, et non pas au monde? ». C’est une question de grande actualité, que nous posons nous aussi au Seigneur:  pourquoi le Ressuscité ne s’est-il pas manifesté dans toute sa gloire à ses adversaires pour montrer que le vainqueur est Dieu? Pourquoi s’est-il manifesté seulement à ses Disciples? La réponse de Jésus est mystérieuse et profonde. Le Seigneur dit:  « Si quelqu’un m’aime, il restera fidèle à ma parole; mon Père l’aimera, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui » (Jn 14, 22-23). Cela signifie que le Ressuscité doit être vu et perçu également avec le coeur, de manière à ce que Dieu puisse demeurer en nous. Le Seigneur n’apparaît pas comme une chose. Il veut entrer dans notre vie et sa manifestation est donc une manifestation qui implique et présuppose un coeur ouvert. Ce n’est qu’ainsi que nous voyons le Ressuscité. A Jude Thaddée a été attribuée la paternité de l’une des Lettres du Nouveau Testament, qui sont appelées « catholiques » car adressées non pas à une Eglise locale déterminée, mais à un cercle très vaste de destinataires. Celle-ci est en  effet  adressée  « aux appelés, bien-aimés de Dieu le Père et réservés pour Jésus Christ » (v. 1). La préoccupation centrale de cet écrit est de mettre en garde les chrétiens contre tous ceux qui prennent le prétexte de la grâce de Dieu pour excuser leur débauche et pour égarer leurs autres frères avec des enseignements inacceptables, en introduisant des divisions au sein de l’Eglise « dans leurs chimères » (v. 8), c’est ainsi que Jude définit leurs doctrines et leurs idées particulières. Il les compare même aux anges déchus et, utilisant des termes forts, dit qu’ »ils sont partis sur le chemin de Caïn » (v. 11). En outre, il les taxe sans hésitation de « nuages sans eau emportés par le vent; arbres de fin d’automne sans fruits, deux fois morts, déracinés; flots sauvages de la mer, crachant l’écume de leur propre honte; astres errants, pour lesquels est réservée à jamais l’obscurité des ténèbres » (vv. 12-13). Aujourd’hui, nous ne sommes peut-être plus habitués à utiliser un langage aussi polémique qui, toutefois, nous dit quelque chose d’important. Au milieu de toutes les tentations qui existent, avec tous les courants de la vie moderne, nous devons conserver l’identité de notre foi. Certes, la voie de l’indulgence et du dialogue, que le Concile Vatican II a entreprise avec succès, doit assurément être poursuivie avec une ferme constance. Mais cette voie du dialogue, si nécessaire, ne doit pas faire oublier le devoir de repenser et de souligner toujours avec tout autant de force les lignes maîtresses et incontournables de notre identité chrétienne. D’autre part, il faut bien garder à l’esprit que notre identité demande la force, la clarté et le courage face aux contradictions du monde dans lequel nous vivons. C’est pourquoi le texte de la lettre se poursuit ainsi:  « Mais vous, mes bien-aimés, – il s’adresse à nous tous – que votre foi très sainte soit le fondement de la construction que vous êtes vous-mêmes. Priez dans l’Esprit Saint, maintenez-vous dans l’amour de Dieu, attendant la miséricorde de notre Seigneur Jésus Christ en vue de la vie éternelle. Ceux qui sont hésitants, prenez-les en pitié… » (vv. 20-22). La Lettre se conclut sur ces très belles paroles:  « Gloire à Dieu, qui a le pouvoir de vous préserver de la chute et de vous rendre irréprochables et pleins d’allégresse, pour comparaître devant sa gloire:  au Dieu unique, notre Sauveur, par notre Seigneur Jésus Christ, gloire, majesté, force et puissance, avant tous les siècles, maintenant et pour tous les siècles. Amen » (vv. 24-25). On voit bien que l’auteur de ces lignes vit en plénitude sa propre foi, à laquelle appartiennent de grandes réalités telles que l’intégrité morale et la joie, la confiance et, enfin, la louange; le tout n’étant motivé que par la bonté de notre unique Dieu et par la miséricorde de notre Seigneur Jésus Christ. C’est pourquoi Simon le Cananéen, ainsi que Jude Thaddée, doivent nous aider à redécouvrir toujours à nouveau et à vivre inlassablement la beauté de la foi chrétienne, en sachant en donner un témoignage à la fois fort et serein. 

LE CŒUR ET LA PRIÈRE DANS LES EXCLAMATIONS – DE SAINTE THÉRÈSE D’AVILA – PAR J. LEVEQUE

15 octobre, 2015

http://j.leveque-ocd.pagesperso-orange.fr/exclamations.htm

LE CŒUR ET LA PRIÈRE DANS LES EXCLAMATIONS – DE SAINTE THÉRÈSE D’AVILA – PAR J. LEVEQUE

(cette « étude » sur Sainte Teresa et de J. Leveque dont j’ai déjà reporté différents écrits, je vous propose l’introduction et une des parties, mais je voudrais vous prier de tout léger…si vous voulez)  

En regard des grandes œuvres écrites de Thérèse d’Avila ses dix-sept Exclamations font, de prime abord, modeste figure ; mais dès que l’on entreprend de les étudier pour elles-mêmes, dès qu’on se propose d’entrer dans l’intimité que Thérèse réserve à son Dieu à travers ces quelques textes rédigés après la communion dans le courant de l’année 1569, on est frappé de la vigueur spirituelle qui en émane, et plus encore de la sûreté théologique avec laquelle la Madre exprime ce qui lui tient à cœur et ce qu’elle a sur le cœur. Elle le dit à Dieu, elle se le dit à elle-même, mêlant librement la réflexion à la prière, comme la trame et la chaîne d’un même tissu. Elle le dit parce qu’elle a besoin de le dire, sans aucune préoccupation d’auditoire ni de correspondant, car ces Exclamations ne sont destinées à personne qu’à elle-même, et ce trait suffirait déjà à les singulariser. Si Thérèse a mis par écrit ces quelques soliloques, ce n’est pas par coquetterie spirituelle ni pour le plaisir d’engranger, mais en obéissant, certains jours, à une sorte de nécessité intérieure. Elle s’en explique d’ailleurs dans l’Exclamation XVIIème. « Que de choses je pourrais ajouter encore, pour me prouver que je ne m’entends pas moi-même ! Mais puisque je sais très bien, mon Dieu, que vous ne les ignorez pas, à quoi bon tout ceci ? C’est afin qu’aux jours où mes misères se font vivement sentir et où ma raison s’aveugle, j’essaie de la retrouver dans cet écrit de ma main. Souvent, en effet, je me trouve si misérable, si faible, si pusillanime, que je cherche, mon Dieu, ce qu’est devenue votre servante » 17,2 (1). Il s’agit donc, pour Thérèse, de fixer certaines intuitions, d’étoffer certaines découvertes, de flécher son accès personnel à certains textes de l’Écriture. C’est de tels moments de lucidité que Thérèse a voulu comme autant de jalons d’une route douloureusement frayée et comme autant de repères pour les jours d’incertitude ou d’aveuglement. L’importance de ces méditations priantes dans l’itinéraire spirituel de Thérèse se mesure assez bien à la place qu’y tient le paradoxe. C’est 1e signe, en effet, que Thérèse aborde là des énigmes en elle-même ou des mystères en Dieu qui se dérobent aux approches trop sereines et appellent quelque folie du langage. Très souvent Thérèse part d’un paradoxe, paradoxe de sa vie ou des voies de Dieu, ou bien elle débouche, comme seule issue possible, sur l’amour paradoxal du Seigneur, qu’elle chante alors avec une ferveur quasi psalmique, ou bien encore c’est l’un des paradoxes de l’Écriture qui la met sur la voie d’une nouvelle confiance et d’une nouvelle paix. Les expériences dont nous trouvons ici la trace ont été vitales pour elle et ont sans doute modifié de manière décisive son regard sur la vie, sur Dieu, sur elle-même et sa manière de répondre à l’amour de son Seigneur. C’est donc bien le cœur de Thérèse qui se dit spontanément dans ces pages, non pas le cœur au sens banal du terme, qui ne retient que des connotations émotives, mais le cœur tel que l’entendent les hommes de la Bible, le cœur qui comprend autant qu’il aime, le tout de l’homme intérieur, le creuset où les idées, les émotions et les affects se muent en réponses, en décisions et en projets. Sans essayer de retenir toutes les richesses de pareils textes, et sans reprendre par le menu un travail d’analyse souvent passionnant, nous essaierons d’en livrer les principaux résultats en isolant quelques points de plus grande résonance : le temps et la vie, la quête de Dieu et le désir, la réciprocité de l’amour, le service de Dieu, le salut des hommes, et enfin la véritable liberté. ….. ….. LA GUERRE D’AMOUR Ce qui meut Thérèse, ce qui la soutient sur la route, ce qui lui donne la hâte du Royaume, c’est la certitude d’être aimée et de pouvoir aimer. Nous parvenons, avec ce nouveau thème, au cœur de l’expérience spirituelle de Thérèse telle qu’elle nous est livrée dans les Exclamations. Aimer Dieu et jouir de Dieu (amar, gozar), c’est le bonheur que Thérèse attend pour l’au-delà : « Il me semble, mon Seigneur, que mon âme trouve le repos quand elle considère ce que sera sa jouissance, si votre miséricorde lui accorde de jouir de vous » 4,1. « Que je ne sois pas privée, mon Dieu, que je ne sois pas privée de jouir en paix d’une si grande beauté » 14,2. Mais cet amour qui vient de Dieu nous est déjà offert sur la terre : Thérèse le perçoit déjà à l’œuvre dans sa vie : « Ô Amour qui m’aimes plus que je ne puis moi-même m’aimer et comprendre ! » 17,1. Elle affectionne, spécialement dans la seizième Exclamation, de le décrire dans le langage du paradoxe : l’amour est une peine, une blessure 16,1, une brûlure, la plaie laissée par une flèche 16,2 ; mais pour rien au monde elle ne voudrait être privée d’un « mal si précieux », d’un « tourment si pénible et si délicieux », de la joie « d’une souffrance si bien employée » 16,2.  À ce tourment il n’est pas de remède « parmi ceux dont les mortels disposent » 16.2. Certes, lorsque la solitude s’épaissit – non pas que Dieu soit absent, mais parce que l’âme vit « absente de lui » – il peut être apaisant de se souvenir que le Seigneur est en tout lieu ; mais le soulagement est de courte durée, car « lorsque redoublent la force de l’amour et les élancements de cette peine, le cœur qui aime beaucoup n’admet ni conseil ni consolation, sauf de celui qui l’a blessé » 16,1. Et Dieu exauce cette confiance farouche et jalouse en venant, « quand il le veut, guérir soudain la blessure qu’il a faite ». Comment s’étonner de cette conduite paradoxale de Dieu, puisque son amour pour nous est, dès sa source, insondable gratuité ? C’est le thème de la septième Exclamation : si le Maître du ciel et de la terre « met ses délices à être avec les enfants des hommes » (Pr 8,31), ce n’est pas faute d’avoir quelqu’un en qui se complaire (cf. Mt 3,17), puisqu’il nous a donné sur la terre quelqu’un qui le connaît comme le connaît son Fils unique et que les trois Personnes divines se connaissent, s’aiment et prennent ensemble leurs délices 7,2. « En quoi mon amour est-il nécessaire, demande alors Thérèse, pourquoi le voulez-vous, mon Dieu, ou qu’y gagnez-vous ? ». Dieu-Amour, qui n’a besoin de rien, crée en nous les conditions de la réciprocité en nous offrant la médiation de son Fils. Et Thérèse de conclure : « Sous cette protection, tu pourras t’approcher ; puisque Sa Majesté met ses délices en toi, tu pourras l’implorer pour que toutes les choses de la terre soient impuissantes à t’empêcher de prendre tes délices, toi aussi, et de te réjouir de la grandeur de ton Dieu » 7,3.  Dieu est origine, Dieu a l’initiative, et c’est toujours lui qui commence ce que Thérèse nomme hardiment la guerre d’amour (esta guerra de amor) 16.3. C’est l’idée qu’elle développe dans la seizième Exclamation, en proposant son exégèse d’un verset du Cantique (2,16) :  « Mon Bien-Aimé est à moi, et moi je suis à lui ». L’ordre des termes n’est pas indifférent : ce n’est pas Thérèse qui, d’emblée, est au Bien-Aimé, car, dit-elle, « un pareil amour ne peut partir de chose aussi basse que le mien » 16,2. Si donc l’amour de Thérèse, sans s’arrê-ter en chose créée, peut atteindre son Créateur, c’est qu’au départ déjà son Bien-Aimé est à elle. C’est lui qui déclenche « l’admirable bataille » 16,4. Le Seigneur s’empare de la forteresse, c’est-à­dire la partie supérieure de l’âme, et il jette dehors les sens et les puissances. Celles-ci, dans le trouble et à l’abandon, commencent par errer sur les places et dans les faubourgs, conjurant les filles de Jérusalem de leur donner des nouvelles de leur Dieu. Puis, « lasses de se voir sans lui, elles reviennent conquérir leur conquistador ». Dans ce combat qu’elles savent inégal, elles luttent jusqu’à l’épuisement de leurs forces, et, finalement, c’est « en se donnant pour vain-cues » qu’elles parviennent à « vaincre leur vainqueur » 16.3. Dieu commence et recommence. Dieu donne, il suffit d’ouvrir les mains : « Ô chrétiens, chrétiens ! considérez la fraternité que vous avez avec ce grand Dieu ! » 14,2. « Il est temps, maintenant, de prendre ce que nous donne ce Seigneur compatissant, notre Dieu ; puisqu’il veut des amitiés, qui donc refusera la sienne à celui qui n’a pas refusé de verser son sang et de perdre la vie pour nous ? » 14,3. Mais comment rester fidèle, dans le quotidien, à cette amitié sans cesse proposée par le Seigneur ? comment répondre à « cette pitié tellement sans mesure » par un amour suffisamment gratuit, alors que les œuvres de nos mains menacent à chaque instant de se changer en idoles ? À cette question Thérèse a trouvé une réponse dans un épisode de l’Évangile qu’elle a lu et relu avec son cœur de femme et qu’elle commente dans sa cinquième Exclamation : l’accueil de Jésus par Marthe et Marie. L’argumentation de Thérèse est facile à résumer. Marthe se plaint ; mais de quoi au juste se plaint-elle ? D’avoir à servir le Seigneur ? Sûrement pas, car l’amour transforme le travail en repos. Aussi bien ne s’adresse-t­elle pas à sa sœur, mais directement à Jésus ; et c’est bien lui qui est en cause : apparemment il ne se soucie pas de Marthe et ne semble pas désireux de la voir demeurer avec lui. Thérèse ajoute même, à propos de Marthe, et c’est là aussi une remarque bien féminine: « Peut-être se croyait-elle moins aimée que sa sœur ? ». Mais c’est surtout la réponse de Jésus qui retient l’attention de Thérèse, parce qu’elle vient la confirmer dans une cer.titude qui lui est chère : c’est que l’amour non seulement englobe tous les types de vocations dans l’Église, mais unifie le cœur en toute situation. Et la Madre fixe cette conviction dans une de ces formules extrêmement denses dont elle a le secret : « Vous lui répondîtes, Seigneur, que seul l’amour donne du prix à toutes les choses, et que le plus nécessaire, c’est que l’amour soit si grand que rien n’empêche d’aimer » 5,2.

BENOÎT XVI – SAINTE THÉRÈSE DE L’ENFANT JÉSUS – 01 OCTOBRE

1 octobre, 2015

http://www.levangileauquotidien.org/main.php?language=FR&module=saintfeast&localdate=20151001&id=6942&fd=0

BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre

Mercredi 6 avril 2011

SAINTE THÉRÈSE DE L’ENFANT JÉSUS – 01 OCTOBRE

Chers frères et sœurs,

Je voudrais vous parler aujourd’hui de sainte Thérèse de Lisieux, Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face, qui ne vécut que 24 ans dans ce monde, à la fin du XIXe siècle, conduisant une vie très simple et cachée mais qui, après sa mort et la publication de ses écrits, est devenue l’une des saintes les plus connues et aimées. La «petite Thérèse» n’a jamais cessé d’aider les âmes les plus simples, les petits, les pauvres, les personnes souffrantes qui la priaient, mais elle a également illuminé toute l’Eglise par sa profonde doctrine spirituelle, au point que le vénérable Pape Jean-Paul II, en 1997, a voulu lui conférer le titre de Docteur de l’Eglise, s’ajoutant à celui de patronne des missions, qui lui avait été attribué par Pie XI en 1927. Mon bien-aimé prédécesseur la définit «experte en scientia amoris» (Novo Millennio ineunte, n. 42). Cette science, qui voit resplendir dans l’amour toute la vérité de la foi, Thérèse l’exprime principalement dans le récit de sa vie, publié un an après sa mort sous le titre Histoire d’une âme. C’est un livre qui eut immédiatement un immense succès, et qui fut traduit dans de nombreuses langues et diffusé partout dans le monde. Je voudrais vous inviter à redécouvrir ce petit-grand trésor, ce commentaire lumineux de l’Evangile pleinement vécu! L’Histoire d’une âme, en effet, est une merveilleuse histoire d’Amour, racontée avec une telle authenticité, simplicité et fraîcheur que le lecteur ne peut qu’en être fasciné! Mais quel est cet Amour qui a rempli toute la vie de Thérèse, de son enfance à sa mort? Chers amis, cet Amour possède un Visage, il possède un Nom, c’est Jésus! La sainte parle continuellement de Jésus. Reparcourons alors les grandes étapes de sa vie, pour entrer au cœur de sa doctrine.
Thérèse naît le 2 janvier 1873 à Alençon, une ville de Normandie, en France. C’est la dernière fille de Louis et Zélie Martin, époux et parents exemplaires, béatifiés ensemble le 19 octobre 2008. Ils eurent neuf enfants; quatre d’entre eux moururent en bas âge. Les cinq filles survécurent, et devinrent toutes religieuses. A l’âge de 4 ans, Thérèse fut profondément frappée par la mort de sa mère (Ms A, 13r). Son père s’installa alors avec ses filles dans la ville de Lisieux, où se déroulera toute la vie de la sainte. Plus tard, Thérèse, frappée d’une grave maladie nerveuse, fut guérie par une grâce divine, qu’elle-même définit comme le «sourire de la Vierge» (ibid., 29v-30v). Elle reçut ensuite la Première Communion, intensément vécue (ibid., 35r), et plaça Jésus Eucharistie au centre de son existence.
La «Grâce de Noël» de 1886 marque un tournant important, qu’elle appelle sa «complète conversion» (ibid., 44v-45v). En effet, elle guérit totalement de son hypersensibilité infantile et commence une «course de géant». A l’âge de 14 ans, Thérèse s’approche toujours plus, avec une grande foi, de Jésus Crucifié, et prend à cœur le cas, apparemment désespéré, d’un criminel condamné à mort et impénitent (ibid., 45v-46v). «Je voulus à tout prix l’empêcher de tomber en enfer» écrit la sainte, dans la certitude que sa prière le mettrait en contact avec le Sang rédempteur de Jésus. C’est sa première expérience fondamentale de maternité spirituelle: «tant j’avais de confiance en la Miséricorde infinie de Jésus», écrit-elle. Avec la très Sainte Vierge Marie, la jeune Thérèse aime, croit et espère avec «un cœur de mère» (cf. RP 6/10r).
En novembre 1887, Thérèse se rend en pèlerinage à Rome avec son père et sa sœur Céline (ibid. 55v-67r). Pour elle, le moment culminant est l’audience du Pape Léon XIII, auquel elle demande l’autorisation d’entrer, à l’âge de quinze ans à peine, au carmel de Lisieux. Un an plus tard, son désir se réalise: elle devient carmélite «pour sauver les âmes et prier pour les prêtres» (ibid., 69v). Dans le même temps, commence également la douloureuse et humiliante maladie mentale de son père. C’est une grande souffrance qui conduit Thérèse à la contemplation du Visage de Jésus dans sa passion (ibid., 71rv). Ainsi, son nom de religieuse — sœur Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face — exprime le programme de toute sa vie, dans la communion aux mystères centraux de l’Incarnation et de la Rédemption. Sa profession religieuse, en la fête de la Nativité de Marie, le 8 septembre 1890, est pour elle un véritable mariage spirituel dans la «petitesse» évangélique, caractérisée par le symbole de la fleur: «Quelle belle fête que la Nativité de Marie pour devenir l’épouse de Jésus! — écrit- elle — C’était la petite Sainte Vierge d’un jour qui présentait sa petite fleur au petit Jésus» (ibid., 77r). Pour Thérèse, être religieuse signifie être l’épouse de Jésus et mère des âmes (cf. Ms B, 2v). Le même jour, la sainte écrit une prière qui indique toute l’orientation de sa vie: elle demande à Jésus le don de l’Amour infini, d’être la plus petite, et surtout elle demande le salut de tous les hommes: «Qu’aucune âme ne soit damnée aujourd’hui» (Pri 2). Son Offrande à l’Amour miséricordieux, faite en la fête de la Très Sainte Trinité de 1895, est d’une grande importance (Ms A, 83v-84r; Pri 6): une offrande que Thérèse partagea immédiatement avec ses consœurs, étant déjà vice-maîtresse des novices.
Dix ans après la «Grâce de Noël», en 1896, arrive la «Grâce de Pâques», qui ouvre la dernière période de la vie de Thérèse, avec le début de sa passion en union profonde avec la Passion de Jésus. Il s’agit de la passion du corps, avec la maladie qui la conduira à la mort à travers de grandes souffrances, mais il s’agit surtout de la passion de l’âme, avec une très douloureuse épreuve de foi (Ms C, 4v-7v). Avec Marie à côté de la Croix de Jésus, Thérèse vit alors la foi la plus héroïque, comme une lumière dans les ténèbres qui envahissent son âme. La carmélite a conscience de vivre cette grande épreuve pour le salut de tous les athées du monde moderne, qu’elle appelle «frères». Elle vit alors encore plus intensément l’amour fraternel (8r-33v): envers les sœurs de sa communauté, envers ses deux frères spirituels missionnaires, envers les prêtres et tous les hommes, en particulier les plus lointains. Elle devient véritablement une «sœur universelle»! Sa charité aimable et souriante est l’expression de la joie profonde dont elle nous révèle le secret: «Jésus, ma joie est de T’aimer» (PN 45/7). Dans ce contexte de souffrance, en vivant le plus grand amour dans les petites choses de la vie quotidienne, la sainte conduit à son accomplissement sa vocation d’être l’Amour au cœur de l’Eglise (cf. Ms B, 3v).
Thérèse meurt le soir du 30 septembre 1897, en prononçant les simples paroles «Mon Dieu, je vous aime!», en regardant le Crucifix qu’elle serrait entre ses mains. Ces dernières paroles de la sainte sont la clé de toute sa doctrine, de son interprétation de l’Evangile. L’acte d’amour, exprimé dans son dernier souffle, était comme la respiration continuelle de son âme, comme le battement de son cœur. Les simples paroles «Jésus je T’aime» sont au centre de tous ses écrits. L’acte d’amour à Jésus la plonge dans la Très Sainte Trinité. Elle écrit: «Ah tu le sais, Divin Jésus je T’aime, / L’Esprit d’Amour m’embrase de son feu, / C’est en T’aimant que j’attire le Père» (PN 17/2).
Chers amis, nous aussi, avec sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, nous devrions pouvoir répéter chaque jour au Seigneur que nous voulons vivre d’amour pour Lui et pour les autres, apprendre à l’école des saints à aimer de manière authentique et totale. Thérèse est l’un des «petits» de l’Evangile qui se laissent conduire par Dieu dans les profondeurs de son Mystère. Un guide pour tous, surtout pour ceux qui, dans le Peuple de Dieu, accomplissent le ministère de théologiens. Avec l’humilité et la charité, la foi et l’espérance, Thérèse entre continuellement dans le cœur de la Sainte Ecriture qui renferme le Mystère du Christ. Et cette lecture de la Bible, nourrie par la science de l’amour, ne s’oppose pas à la science académique. La science des saints, en effet, dont elle parle elle-même dans la dernière page de l’Histoire d’une âme, est la science la plus élevée. «Tous les saints l’ont compris et plus particulièrement peut-être ceux qui remplirent l’univers de l’illumination de la doctrine évangélique. N’est-ce point dans l’oraison que les saints Paul, Augustin, Jean de la Croix, Thomas d’Aquin, François, Dominique et tant d’autres illustres Amis de Dieu ont puisé cette science divine qui ravit les plus grands génies?» (Ms C, 36r). Inséparable de l’Evangile, l’Eucharistie est pour Thérèse le Sacrement de l’amour divin qui s’abaisse à l’extrême pour s’élever jusqu’à Lui. Dans sa dernière Lettre, sur une image qui représente l’Enfant Jésus dans l’Hostie consacrée, la sainte écrit ces simples mots: «Je ne puis craindre un Dieu qui s’est fait pour moi si petit! (…) Je l’aime car Il n’est qu’Amour et Miséricorde!» (LT 266).
Dans l’Evangile, Thérèse découvre surtout la Miséricorde de Jésus, au point d’affirmer: «A moi il a donné sa Miséricorde infinie, et c’est à travers elle que je contemple et adore les autres perfections divines! (…) Alors toutes m’apparaissent rayonnantes d’amour, la Justice même (et peut-être encore plus que toute autre) me semble revêtue d’amour» (Ms A, 84r). Ainsi s’exprime-t-elle dans les dernières lignes de l’Histoire d’une âme: «Je n’ai qu’à jeter les yeux dans le Saint Evangile, aussitôt je respire les parfums de la vie de Jésus et je sais de quel côté courir… Ce n’est pas à la première place, mais à la dernière que je m’élance… Oui je le sens, quand même j’aurais sur la conscience tous les péchés qui se peuvent commettre, j’irais, le cœur brisé de repentir, me jeter dans les bras de Jésus, car je sais combien Il chérit l’enfant prodigue qui revient à Lui» (Ms C, 36v-37r). «Confiance et Amour» sont donc le point final du récit de sa vie, deux mots qui comme des phares ont éclairé tout son chemin de sainteté, pour pouvoir guider les autres sur sa propre «petite voie de confiance et d’amour», de l’enfance spirituelle (cf. Ms C, 2v-3r; LT 226). Confiance comme celle de l’enfant qui s’abandonne entre les mains de Dieu, inséparable de l’engagement fort, radical du véritable amour, qui est un don total de soi, pour toujours, comme le dit la sainte en contemplant Marie: «Aimer c’est tout donner, et se donner soi-même» (Pourquoi je t’aime, ô Marie, PN 54/22). Ainsi Thérèse nous indique à tous que la vie chrétienne consiste à vivre pleinement la grâce du Baptême dans le don total de soi à l’Amour du Père, pour vivre comme le Christ, dans le feu de l’Esprit Saint, Son propre amour pour tous les autres.

LA PLUS GRANDE VERTU EST LA CHARITÉ – BIENHEUREUX JEAN DOMINICI

2 septembre, 2015

http://www.vatican.va/spirit/documents/spirit_20010130_dominici_fr.html

LA PLUS GRANDE VERTU EST LA CHARITÉ – BIENHEUREUX JEAN DOMINICI

« La foi et l’espérance n’ont leur raison d’être que pour l’homme; la charité existe en Dieu. La foi peut transporter les montagnes; la charité crée les montagnes, le ciel et la terre. La foi exhorte la créature à faire tous ses efforts pour s’acheminer vers le paradis; la charité demande à Dieu de la faire descendre sur la terre pour que l’homme parvienne au ciel par la route de sa propre charité. La foi dit à l’homme: Sers Dieu, comme c’est ton devoir. La charité dit à Dieu: Fais-toi homme et mets-toi au service de l’homme car il te doit plus qu’il ne peut te donner.
La foi dit à l’homme: Frappe à la porte du ciel, pour qu’il s’ouvre à toi. La charité dit à Dieu: Déchire le ciel pour que l’homme le trouve ouvert.La foi enseigne à l’homme à mourir par amour pour Dieu. La charité invite Dieu à mourir pour l’homme, et l’homme à mourir pour son Dieu.La foi montre Dieu à l’homme, mais de loin. La charité rapproche l’homme de Dieu; elle qui a fait de Dieu un homme, elle fait que l’homme soit Dieu.
La foi est une dame parce qu’elle règne seulement ici-bas où nous n’avons pas de cité permanente, mais où nous attendons la cité future. La charité est l’impératrice du ciel et de la terre. La foi est paysanne, la charité est citadine.La foi est l’impératrice de beaucoup d’humbles créatures; la charité est l’impératrice des anges. La foi est située au-dessus des esclaves; la charité au-dessus des enfants bien-aimés et des saints.
Réfléchissez bien à ceci.S’il y avait dans le soleil un monde pareil au nôtre, par quoi ce monde serait-t-il éclairé, chauffé, réjoui et dirigé? Nullement par les rayons du soleil, mais par sa substance seulement, puisque le soleil contiendrait dans sa substance cet univers entier. En fait, il éclaire, chauffe, réjouit et dirige notre monde non par lui-même, car il ne peut venir jusqu’à nous, mais par son rayon. La raison pour laquelle le soleil accom­plit tout cela par son rayon est qu’il ne peut venir à nous. Songe que cela est encore plus vrai de Dieu.
Le Père, comparable au soleil, engendre son rayon, qui est son Verbe éternel et essentiel. Le Père et le Verbe, comme le soleil et le rayon, pro­duisent la chaleur essentielle qui est l’Esprit Saint, si bien que ce soleil divin est puissance, lumiere et feu; Père, Fils et Saint-Esprit; puissance, vérité et charité; un seul Dieu et trois personnes; et ce soleil divin est tout entier puissant, tout entier brillant, tout entier ardent.Non pas trois puissant mais une seule; non pas trois lumières, mais une seule, non pas trois feux, mais un seul.
Néanmoins, ici peut naître un léger doute, On a dit que nous tous sommes en Dieu, et que Dieu est amour; il peut donc sembler que nous sommes tous dans l’amour de charité et qu’ainsi nous sommes tous dans la vérité, et tous dans la vraie puissance. Mais cela est faux, parce que peu d’hommes sont dans la charité; beaucoup, au contraire, vivent dans l’erreur et le mensonge, et le plus grand nombre est faible et paralysé par sa fragilité.
Je réponds d’abord par un exemple. Beaucoup de poissons sont au soleil, mais comme ils sont protégés par l’eau, ils ne succombent pas à la chaleur. Beaucoup d’aveugles sont dans la lumière et ne voient pas; beaucoup de récipients contiennent des aliments et ne mangent pas.Vous voyez donc qu’il ne suffit pas d’être dans un lieu pour participer à sa vertu, si l’on n’y est pas disposé. Un malade mange sans profit, un mort approché du feu ne sent pas la chaleur. Quelqu’un qui se trouve au soleil et qui se fait asperger sans cesse d’eau glacée ne se réchauffe pas et ne cesse de frissonner. Ainsi, bien que nous soyons placés dans le feu divin, qui ne réchauffe pas le corps mais qui embrase l’âme, nous ne retirons aucun bénéfice de ce feu divin si l’on ne cesse de jeter sur notre âme la grêle des désirs charnels, la glace de l’esprit du monde, la bise des tentations. Il est nécessaire que nous tenions notre âme éloignée de tout cela et alors il sera vrai, comme dit le psalmiste, que nul n’échappe à son ardeur. »

Du Traité de l’amour de charité du bienheureux Jean Dominici

Préparé par l’Université Pontificale URBANIANA,
avec la collaboration des Instituts Missionnaires

 

12345...51