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SOLENNITÉ DES SAINTS APÔTRES PIERRE ET PAUL HOMÉLIE DU PAPE JEAN-PAUL II ET HOMÉLIE DU PATRIARCHE OECUMÉNIQUE BARTHOLOMAIOS I

28 juin, 2020

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SOLENNITÉ DES SAINTS APÔTRES PIERRE ET PAUL

HOMÉLIE DU PAPE JEAN-PAUL II
ET HOMÉLIE DU PATRIARCHE OECUMÉNIQUE BARTHOLOMAIOS I

Mardi 29 juin 2004

Paroles d’introduction du Pape:
Très chers frères et soeurs, le passage de l’Evangile que nous venons d’écouter en grec et en latin, nous invite à approfondir la signification de la fête des saints Apôtres Pierre et Paul d’aujourd’hui.
Je désire à présent vous inviter à écouter les réflexions que le Patriarche oecuménique, Sa Sainteté Bartholomaios I, nous présentera, en tenant compte du fait que nos deux voix parlent d’unité.

Homélie de Sa Sainteté Bartholomaios I, Patriarche oecuménique de Constantinople :

Votre Sainteté,
C’est avec des sentiments de joie et de tristesse que nous venons à Vous en ce jour important de la fête des saints Pierre et Paul, pour manifester notre amour à l’égard de la personne de Votre Sainteté et de tous les membres de l’Eglise-soeur de Rome, qui célèbre sa fête patronale. En nous réjouissant avec vous, nous regrettons toutefois que manque ce qui aurait pleinement complété notre joie à tous deux, c’est-à-dire le rétablissement de la pleine communion entre nos Eglises.
Aujourd’hui, nous concentrons notre regard sur l’heureux quarantième anniversaire de la rencontre à Jérusalem – en 1964 – de nos prédécesseurs de vénérée mémoire; une rencontre qui a mis fin au chemin de notre éloignement réciproque et qui a constitué le début du rapprochement entre nos Eglises.
Au cours de ce nouveau chemin, ont été accomplis de nombreux pas vers le rapprochement réciproque. Des dialogues ont été instaurés, des rencontres ont eu lieu, des lettres ont été échangées; l’amour s’est accru, mais nous ne sommes pas encore parvenus à l’objectif désiré. Il n’a pas été possible d’éliminer en quarante ans les oppositions qui se sont accumulées au cours de plus de neuf cent ans.
L’espérance – qui va de pair avec la foi et avec l’amour qui espère toujours – est l’un des dons importants de Dieu. Nous aussi, nous espérons que ce qui n’a pas été possible jusqu’à aujourd’hui sera obtenu à l’avenir, et, nous souhaitons, que ce soit un avenir proche. Peut-être s’agira-t-il d’un avenir lointain, mais notre attente et notre amour ne peuvent être soumis à de brèves limites temporelles. Notre présence ici aujourd’hui exprime dans toute son évidence notre désir sincère d’éliminer tous les obstacles ecclésiaux qui ne sont pas dogmatiques ou essentiels, afin que notre intérêt se concentre sur l’étude des différences essentielles et des vérités dogmatiques qui ont divisé jusqu’à aujourd’hui nos Eglises, ainsi que sur la façon de vivre la vérité chrétienne de l’Eglise unie.
Loin du désir de lier notre nom à des objectifs que seul l’Esprit Saint peut obtenir, nous n’attribuons pas à nos actions une efficacité plus grande que celle que Dieu voudra bien leur donner. Toutefois, en manifestant notre désir, nous oeuvrons inlassablement en vue de l’objectif pour lequel nous prions chaque jour: « l’union de tous ». Conscient en écoutant la prière sacerdotale de Jésus Christ de combien notre unité est nécessaire – afin que le monde croie qu’Il vient de Dieu – nous collaborons avec vous afin de parvenir à cette unité et nous exhortons chacun à prier avec ferveur pour le succès de nos efforts communs.
Très chers chrétiens,
L’unité des Eglises – dont nous parlons et pour laquelle nous demandons vos prières – n’est pas une unité terrestre, semblable aux unions d’Etats, aux corporations de personnes et de structures à travers lesquelles se crée une plus haute union organisative. Cela est très facile à réaliser et toutes les Eglises ont déjà constitué diverses organisations au sein desquelles elles collaborent dans différents secteurs.
L’unité à laquelle les Eglises aspirent est une recherche spirituelle qui vise à vivre ensemble la communion spirituelle avec la personne de notre Seigneur Jésus Christ. Elle ne pourra avoir lieu que lorsque nous aurons tous « l’esprit du Christ », l’ »amour du Christ », « la foi du Christ », « l’humilité du Christ », « la disposition sacrificielle du Christ » et – en général – lorsque nous vivrons tout ce qui est du Christ comme lui l’a vécu ou, du moins, lorsque nous désirerons sincèrement vivre comme il veut que nous vivions.
Dans le cadre de cet effort spirituel très délicat, apparaissent des difficultés dues au fait que la plupart d’entre nous présentent très souvent leurs positions, leurs opinions et leurs évaluations comme si elles étaient des expressions de l’esprit, de l’amour et, en général, de l’esprit du Christ. Etant donné que ces opinions et ces évaluations personnelles, et parfois les vécus personnels eux-mêmes, ne coïncident ni entre eux, ni avec le vécu du Christ, des désaccords apparaissent. En bonne foi, à travers les dialogues ecclésiaux, nous cherchons à nous comprendre mutuellement avec une surabondance d’amour; de même que nous tentons de constater en quoi et pourquoi se différencient nos vécus, qui s’expriment à travers des formulations dogmatiques diverses. Nous ne faisons pas de discours abstraits sur des questions théoriques, sur lesquelles notre position n’a pas de conséquences pour la vie. Nous recherchons, parmi tant de vécus, qui s’expriment à travers diverses formulations, celui qui exprime correctement, ou du moins le mieux possible, l’esprit du Christ.
Rappelez-vous du comportement des deux disciples du Christ lorsqu’il ne fut pas accepté par les habitants d’une certaine région. Les deux disciples s’indignèrent et demandèrent au Christ s’ils pouvaient prier Dieu de faire descendre le feu du ciel contre ceux qui avaient refusé de l’accueillir. La réponse du Seigneur fut celle qui a été donnée à tant de chrétiens au cours des siècles: « Vous ne savez pas de quel esprit vous êtes. Car le fils de l’homme n’est pas venu perdre les âmes des hommes, mais les sauver » (Lc 9, 55-56). De nombreuses fois des fidèles, au cours des siècles, ont demandé au Christ d’approuver des oeuvres qui ne s’accordaient pas avec son esprit. Plus encore, ils ont attribué au Christ leurs opinions et enseignements, en soutenant que les uns et les autres interprétaient l’esprit du Christ. C’est de là qu’ont découlé les désaccords entre les fidèles, qui, par conséquent, se sont divisés en groupes prenant la forme actuelle des diverses Eglises.
Aujourd’hui, les efforts communs tendent à vivre l’esprit du Christ, d’une façon qu’il approuverait si on le lui demandait. Un tel vécu présuppose une pureté de coeur, des buts désintéressés, une sainte humilité, en un mot: une sainteté de vie. Les oppositions accumulées et les intérêts séculaires ne nous permettent pas de voir avec clarté et retardent la compréhension commune de l’esprit du Christ, à laquelle succédera également l’unité tant désirée des Eglises, dans le même esprit, dans le même Corps et dans son même Sang. Naturellement, du point de vue spirituel, cela n’a aucun sens d’accepter et de réaliser une union extérieure lorsque demeure la diversité en ce qui concerne l’esprit.
Ainsi, on comprend que l’on ne cherche pas à niveler les traditions, les usages et les habitudes de tous les fidèles et que l’on cherche seulement à vivre en commun la personne de Jésus Christ un, unique et immuable dans l’Esprit Saint, la communion du vécu dans l’événement de l’Incarnation du Logos de Dieu, et de la descente de l’Esprit Saint sur l’Eglise, ainsi que le vécu commun de l’événement de l’Eglise comme Corps du Christ qui récapitule toute chose en lui. Ce vécu spirituel recherché constitue le vécu suprême de l’homme, constitue son union avec le Christ et, par conséquent, le dialogue sur ce point est le plus important de tous. C’est pourquoi nous avons demandé et nous demandons aux chrétiens de prier avec ferveur notre Seigneur Jésus Christ, afin qu’il guide les coeurs vers la réalisation de cette aspiration de façon à ce que, une fois obtenue, nous puissions fêter ensemble, si Dieu le veut, chaque célébration ecclésiale dans la pleine communion spirituelle et la joie. Amen.

Homélie du Saint-Père:
1. « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16, 16). Interrogé par le Seigneur, Pierre, au nom des autres Apôtres également, prononce sa profession de foi.
En celle-ci est affirmé le fondement certain de notre chemin vers la pleine communion. Si, en effet, nous voulons l’unité des disciples du Christ, nous devons repartir du Christ. Comme à Pierre, il nous est demandé à nous aussi de confesser qu’Il est la pierre d’angle, le Chef de l’Eglise. J’ai écrit dans la Lettre encyclique Ut unum sint: « Croire au Christ signifie vouloir l’Eglise; vouloir l’Eglise signifie vouloir la communion de grâce qui correspond au dessein du Père de toute éternité » (n. 9).
2. Ut unum sint! Voilà d’où jaillit notre engagement de communion, en réponse à l’ardent désir du Christ. Il ne s’agit pas d’un vague rapport de bon voisinage, mais du lien indissoluble de la foi théologale en vertu duquel nous avons été destinés non pas à la séparation, mais à la communion.
Nous vivons aujourd’hui avec douleur ce qui, au cours de l’histoire, a rompu notre lien d’unité dans le Christ. Dans cette optique, notre rencontre d’aujourd’hui n’est pas seulement un geste de courtoisie, mais une réponse au commandement du Seigneur. Le Christ est le Chef de l’Eglise et nous voulons ensemble continuer à faire ce qui est humainement possible pour combler ce qui nous sépare encore et qui nous empêche de communier au même Corps et Sang du Seigneur.
3. Avec ces sentiments, je désire exprimer ma profonde reconnaissance à Votre Sainteté, pour sa présence et pour les réflexions qu’elle nous a proposées. Je suis également heureux de célébrer avec vous le souvenir des saints Pierre et Paul, qui coïncide cette année avec le quarantième anniversaire de la rencontre bénie, qui a eu lieu à Jérusalem les 5 et 6 janvier 1964, entre le Pape Paul VI et le Patriarche Athénagoras I.
Votre Sainteté, je désire Vous remercier de tout coeur d’avoir accueilli mon invitation à rendre visible et à réaffirmer aujourd’hui, à travers cette rencontre, l’esprit qui animait ces deux pèlerins particuliers, qui dirigèrent leurs pas l’un vers l’autre, et choisirent de s’embrasser pour la première fois précisément sur le lieu où naquit l’Eglise.
4. Cette rencontre ne peut pas être qu’un souvenir. Elle est un défi pour nous! Elle nous indique le chemin de la redécouverte et de la réconciliation réciproque. Un chemin qui n’est certainement ni facile, ni dépourvu d’obstacles. Dans le geste émouvant de nos prédécesseurs à Jérusalem, nous pouvons trouver la force de surmonter tout malentendu et difficulté, pour nous consacrer sans relâche à cet engagement d’unité.
L’Eglise de Rome s’est placée avec une ferme volonté et une grande sincérité sur la voie de la pleine réconciliation, à travers des initiatives qui se sont révélées, à chaque fois, possibles et utiles. Je désire exprimer aujourd’hui le souhait que tous les chrétiens intensifient leurs efforts, chacun de leur côté, afin d’hâter le jour où se réalisera pleinement le désir du Seigneur: « Que tous soient un » (Jn 17, 11.21). Que notre conscience ne nous reproche pas d’avoir oublié des étapes, d’avoir négligé des opportunités, de n’avoir pas tenté toutes les voies!
5. Nous le savons bien: l’unité que nous recherchons est avant tout un don de Dieu. Mais nous sommes conscients que hâter l’heure de sa pleine réalisation dépend également de nous, de notre prière, de notre conversion au Christ.
Votre Sainteté, en ce qui me concerne, je tiens à confesser que sur la voie de la recherche de l’unité, je me suis toujours laissé guider, comme par une boussole sûre, par l’enseignement du Concile Vatican II. La Lettre encyclique Ut unum sint:, publiée quelques jours avant la mémorable visite de Votre Sainteté à Rome, en 1995, réaffirmait précisément ce que le Concile avait annoncé dans le Décret sur l’oecuménisme Unitatis redintegratio, dont nous célébrons cette année le quarantième anniversaire de la promulgation.
‘ai eu plusieurs fois l’occasion de souligner, en des circonstances solennelles, et je le répète aujourd’hui également, que l’engagement pris par l’Eglise catholique lors du Concile Vatican II est irrévocable. On ne peut y renoncer!
6. Le rite de l’imposition du Pallium aux nouveaux Archevêques métropolitains contribue à compléter la solennité et la joie de la célébration d’aujourd’hui et à l’enrichir de contenus spirituels et ecclésiaux.Vénérés Frères, le Pallium, que vous recevrez aujourd’hui en présence du Patriarche oecuménique, notre Frère dans le Christ, est un signe de la communion qui vous unit à titre particulier au témoignage apostolique de Pierre et de Paul. Il vous lie à l’Evêque de Rome, Successeur de Pierre, appelé à accomplir un service ecclésial particulier à l’égard du Collège épiscopal tout entier. Je vous remercie de votre présence et je vous présente tous mes voeux pour votre ministère en faveur des Eglises métropolitaines présentes dans diverses Nations. Je vous accompagne volontiers de mon affection et de ma prière.
7. « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant! ». Combien de fois reviennent dans ma prière quotidienne ces paroles, qui constituent la profession de foi de Pierre! Dans la précieuse icône donnée par le Patriarche Athénagoras I au Pape Paul VI le 5 janvier 1964, les deux saints Apôtres, Pierre le Coryphée et André le Protoclite, s’embrassent, dans un langage éloquent d’amour, sous le Christ glorieux. André a été le premier à se placer à la suite du Seigneur, Pierre a été appelé à confirmer ses frères dans la foi.
Leur baiser sous le regard du Christ est une invitation à poursuivre le chemin entrepris, vers cet objectif d’unité que nous voulons atteindre ensemble.
Qu’aucune difficulté ne nous freine. Mais allons plutôt de l’avant avec espérance, soutenus par l’intercession des Apôtres et par la protection maternelle de Marie, Mère du Christ, Fils du Dieu vivant.

 

SOLENNITÉ DES SAINTS APÔTRES PIERRE ET PAUL (2011) – HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI

27 juin, 2019

http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/homilies/2011/documents/hf_ben-xvi_hom_20110629_pallio.html

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Pierre et Paul 

CHAPELLE PAPALE EN LA SOLENNITÉ DES SAINTS APÔTRES PIERRE ET PAUL (2011)

MESSE ET IMPOSITION DU PALLIUM AUX NOUVEAUX ARCHEVÊQUES MÉTROPOLITAINS

HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI

Basilique Vaticane 29 juin 2011

Chers frères et sœurs,

« Non iam dicam servos, sed amicos » – « Je ne vous appelle plus serviteurs mais amis ! » (cf. Jn 15, 15). À soixante années du jour de mon Ordination sacerdotale, j’entends encore résonner en moi ces paroles de Jésus, que notre grand Archevêque, le Cardinal Faulhaber, avec une voix désormais un peu faible et cependant ferme, nous adressa à nous les nouveaux prêtres à la fin de la cérémonie d’Ordination. Selon le déroulement liturgique de l’époque, cette acclamation signifiait alors aux nouveaux prêtres l’attribution explicite du mandat pour remettre les péchés. « Non plus serviteurs, mais amis » : je savais et j’avais conscience qu’à ce moment précis, ce n’était pas seulement une parole rituelle, ni une simple citation de la Sainte Écriture. J’avais conscience qu’en ce moment-là, le Seigneur Lui-même me l’adressait de façon toute personnelle. Dans le Baptême et dans la Confirmation, Il nous avait déjà attirés vers Lui, Il nous avait déjà accueillis dans la famille de Dieu. Cependant, ce qui arrivait à ce moment-là était quelque chose de plus encore. Il m’appelle ami. Il m’accueille dans le cercle de ceux auxquels il s’était adressé au Cénacle. Dans le cercle de ceux que Lui connaît d’une façon toute particulière et qui ainsi sont amenés à Le connaître de façon particulière. Il me donne la faculté, qui fait presque peur, de faire ce que Lui seul, le Fils de Dieu, peut dire et faire légitimement : Moi, je te pardonne tes péchés. Il veut que moi – par son mandat – je puisse prononcer avec son « Je » une parole qui n’est pas seulement une parole mais plus encore une action qui produit un changement au plus profond de l’être. Je sais que derrière cette parole, il y a sa Passion à cause de nous et pour nous. Je sais que le pardon a son prix : dans sa Passion, Lui-même est descendu dans la profondeur obscure et sale de notre péché. Il est descendu dans la nuit de notre faute, et c’est seulement ainsi qu’elle peut être transformée. Et par le mandat de pardonner, Il me permet de jeter un regard sur l’abîme de l’homme et sur la grandeur de sa souffrance pour nous les hommes, qui me laisse deviner la grandeur de son amour. Il me dit : « Non plus serviteurs, mais amis ». Il me confie les paroles de la Consécration eucharistique. Il m’estime capable d’annoncer sa Parole, de l’expliquer de façon juste et de la porter aux hommes d’aujourd’hui. Il s’en remet à moi. « Vous n’êtes plus serviteurs mais amis » : c’est une affirmation qui procure une grande joie intérieure et qui, en même temps, dans sa grandeur, peut faire frémir au long des décennies, avec toutes les expériences de notre faiblesse et de son inépuisable bonté.
« Non plus serviteurs mais amis » : dans cette parole est contenu tout le programme d’une vie sacerdotale. Qu’est-ce que vraiment l’amitié ? Idem velle, idem nolle – vouloir les mêmes choses et ne pas vouloir les mêmes choses, disaient les anciens. L’amitié est une communion de pensée et de vouloir. Le Seigneur nous dit la même chose avec grande insistance : « Je connais les miens et les miens me connaissent » (cf. Jn 10, 14). Le Pasteur appelle les siens par leur nom (cf. Jn 10, 3). Il me connaît par mon nom. Je ne suis pas n’importe quel être anonyme dans l’immensité de l’univers. Il me connaît de façon toute personnelle. Et moi, est-ce que je Le connais Lui ? L’amitié qu’Il me donne peut seulement signifier que moi aussi je cherche à Le connaître toujours mieux ; que moi dans l’Écriture, dans les Sacrements, dans la rencontre de la prière, dans la communion des Saints, dans les personnes qui s’approchent de moi et que Lui m’envoie, je cherche à Le connaître toujours plus. L’amitié n’est pas seulement connaissance, elle est surtout communion du vouloir. Elle signifie que ma volonté grandit vers le « oui » de l’adhésion à la sienne. Sa volonté, en effet, n’est pas pour moi une volonté externe et étrangère, à laquelle je me plie plus ou moins volontiers, ou à laquelle je ne me plie pas. Non, dans l’amitié, ma volonté en grandissant s’unit à la sienne, sa volonté devient la mienne et ainsi, je deviens vraiment moi-même. Outre la communion de pensée et de volonté, le Seigneur mentionne un troisième, un nouvel élément : Il donne sa vie pour nous (cf. Jn 15, 13 ; 10, 15). Seigneur, aide-moi à Te connaître toujours mieux ! Aide-moi à ne faire toujours plus qu’un avec ta volonté ! Aide-moi à vivre ma vie non pour moi-même, mais à la vivre avec Toi pour les autres ! Aide-moi à devenir toujours plus Ton ami !
La Parole de Jésus sur l’amitié se place dans le contexte du discours sur la vigne. Le Seigneur associe l’image de la vigne avec la tâche confiée aux disciples : « Je vous ai institués pour que vous alliez et que vous portiez du fruit et un fruit qui demeure » (Jn 15, 16). La première tâche donnée aux apôtres, aux amis, est de se mettre en route – institués pour que vous alliez -, de sortir de soi-même et d’aller vers les autres. Puissions-nous ici entendre ensemble la parole du Ressuscité adressée aux siens, avec laquelle Saint Matthieu termine son évangile : « Allez et enseignez à tous les peuples… » (cf. Mt 28, 19s). Le Seigneur nous exhorte à dépasser les limites du milieu dans lequel nous vivons, à porter l’Évangile dans le monde des autres, afin qu’il envahisse tout et qu’ainsi le monde s’ouvre au Royaume de Dieu. Cela peut nous rappeler que Dieu-même est sorti de Lui-même, Il a abandonné sa gloire pour nous chercher, pour nous donner sa lumière et son amour. Nous voulons suivre le Dieu qui se met en chemin, surpassant la paresse de rester repliés sur nous-mêmes, afin que Lui-même puisse entrer dans le monde.
Après la parole sur la mise en route, Jésus continue : portez du fruit, un fruit qui demeure ! Quel fruit attend-Il de nous ? Quel est le fruit qui demeure ? Eh bien, le fruit de la vigne est le raisin à partir duquel se prépare par la suite le vin. Arrêtons-nous un instant sur cette image. Pour que le bon raisin puisse mûrir, il faut non seulement du soleil mais encore de la pluie, le jour et la nuit. Pour que parvienne à maturité un vin de qualité, il faut le foulage, le temps nécessaire à la fermentation, le soin attentif qui sert au processus de la maturation. Le vin fin est caractérisé non seulement par sa douceur, mais aussi par la richesse de ses nuances, l’arôme varié qui s’est développé au cours du processus de maturation et de fermentation. N’est-ce pas déjà une image de la vie humaine, et selon un mode spécial, de notre vie de prêtre ? Nous avons besoin du soleil et de la pluie, de la sérénité et de la difficulté, des phases de purification et d’épreuve, comme aussi des temps de cheminement joyeux avec l’Évangile. Jetant un regard en arrière nous pouvons remercier Dieu pour les deux réalités : pour les difficultés et pour les joies, pour les heures sombres et les heures heureuses. Dans les deux cas nous reconnaissons la présence continuelle de son amour, qui toujours nous porte et nous supporte.
Maintenant, nous devons cependant nous demander : de quelle sorte est le fruit que le Seigneur attend de nous ? Le vin est l’image de l’amour : celui-ci est le vrai fruit qui demeure, celui que Dieu veut de nous. N’oublions pas pourtant que dans l’Ancien Testament le vin qu’on attend du raisin de qualité est avant tout une image de la justice qui se développe dans une vie vécue selon la loi de Dieu ! Et nous ne disons pas qu’il s’agit d’une vision vétérotestamentaire et dépassée aujourd’hui : non, cela demeure toujours vrai. L’authentique contenu de la Loi, sa summa, est l’amour pour Dieu et le prochain. Ce double amour, cependant, n’est pas simplement quelque chose de doux. Il porte en lui la charge de la patience, de l’humilité, de la maturation dans la formation de notre volonté jusqu’à son assimilation à la volonté de Dieu, à la volonté de Jésus-Christ, l’Ami. Ainsi seulement, l’amour véritable se situe aussi dans le devenir vrai et juste de tout notre être, ainsi seulement il est un fruit mûr. Son exigence intrinsèque, la fidélité au Christ et à son Église, requiert toujours d’être réalisée aussi dans la souffrance. Ainsi vraiment grandit la véritable joie. Au fond, l’essence de l’amour, du vrai fruit, correspond à l’idée de se mettre en chemin, de marcher : l’amour signifie s’abandonner, se donner ; il porte en soi le signe de la croix. Dans ce contexte Grégoire-le-Grand a dit une fois : si vous tendez vers Dieu, veillez à ne pas le rejoindre seul (cf. H Ev 1,6,6 : PL 76, 1097s) – une parole qui doit nous être, à nous comme prêtres, intimement présente chaque jour.
Chers amis, je me suis peut-être attardé trop longtemps sur la mémoire intérieure des soixante années de mon ministère sacerdotal. Il est maintenant temps de penser à ce qui est propre au moment présent.
À l’occasion de la Solennité des Saints Apôtres Pierre et Paul, j’adresse mon salut le plus cordial au Patriarche Œcuménique Bartolomeo Ier et à la Délégation qu’il a envoyée et que je remercie vivement pour la visite appréciée en cette heureuse circonstance des Saints Apôtres Patrons de Rome. Je salue également Messieurs les Cardinaux, les Frères dans l’Épiscopat, Messieurs les Ambassadeurs et les Autorités civiles, ainsi que les prêtres, les compagnons de ma première Messe, les religieux et les fidèles laïcs. Je vous remercie tous pour votre présence et pour votre prière.
Aux Archevêques Métropolitains nommés après la dernière Fête des grands Apôtres, le pallium va maintenant être imposé. Qu’est-ce que cela signifie ? Celui-ci peut nous rappeler avant tout le joug léger du Christ qui nous est déposé sur les épaules (cf. Mt 11, 29s). Le joug du Christ est identique à son amitié. C’est un joug d’amitié et donc un « joug doux », mais justement pour cela aussi, un joug qui exige et qui modèle. C’est le joug de sa volonté, qui est une volonté de vérité et d’amour. Ainsi, c’est pour nous surtout le joug qui introduit les autres dans l’amitié avec le Christ et nous rend disponibles aux autres pour en prendre soin comme Pasteurs. Avec cela, nous atteignons un sens supplémentaire du pallium : tissé avec de la laine des agneaux bénis en la fête de Sainte Agnès, il nous rappelle ainsi le Pasteur devenu Lui-même Agneau par amour pour nous. Il rappelle le Christ qui a marché sur les montagnes et dans les déserts, où son agneau – l’humanité – s’était égaré. Le pallium nous rappelle que Lui a pris l’agneau, l’humanité – moi – sur ses épaules, pour me ramener à la maison. Il nous rappelle de cette manière que, comme Pasteurs à son service, nous devons aussi porter les autres, les prendre, pour ainsi dire, sur nos épaules et les porter au Christ. Il nous rappelle que nous pouvons être Pasteurs de son troupeau qui reste toujours sien et ne devient pas nôtre. Enfin, le pallium signifie aussi très concrètement la communion des Pasteurs de l’Église avec Pierre et avec ses successeurs – il signifie que nous devons être des Pasteurs pour l’unité et dans l’unité et que c’est seulement dans l’unité dont Pierre est le symbole que nous conduisons vraiment vers le Christ.
Soixante années de ministère sacerdotal – chers amis, je me suis peut-être trop attardé sur des éléments particuliers. Mais en cet instant, je me suis senti poussé à regarder ce qui a caractérisé ces dizaines d’années. Je me suis senti poussé à vous dire – à tous, prêtres et Évêques comme aussi aux fidèles de l’Église – une parole d’espérance et d’encouragement ; une parole, murie à travers l’expérience, sur le fait que le Seigneur est bon. Cependant, c’est surtout un moment de gratitude : gratitude envers le Seigneur pour l’amitié qu’Il m’a donnée et qu’Il veut nous donner à tous. Gratitude envers les personnes qui m’ont formé et accompagné. Et en tout cela se cache la prière qu’un jour le Seigneur dans sa bonté nous accueille et nous fasse contempler sa joie. Amen !

HOMÉLIE POUR LA SOLENNITÉ DES SAINTS PIERRE ET PAUL LE 29 JUIN :« LES COLONNES DE L’ÉGLISE »

28 juin, 2018

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HOMÉLIE POUR LA SOLENNITÉ DES SAINTS PIERRE ET PAUL LE 29 JUIN :« LES COLONNES DE L’ÉGLISE »

à la Chapelle du Lac Poulin et à la Chapelle du Lac Raquette par Mgr Hermann Giguère P.H., recteur de ces dessertes. Textes: Actes 12, 1-11 : Emprisonnement de Pierre, 2 Timothée 4, 6-18 : J’ai combattu le bon combat, écrit Paul, j’ai achevé ma course et Matthieu 16, 13-19 : Profession de foi et primauté de Pierre.

Le 29 juin la liturgie nous fait célébrer la solennité des saints apôtres Pierre et Paul, les deux colonnes de l’Église. Aujourd’hui, à Rome le pape François remet à certains évêques le pallium, un ornement en forme de ruban laineux qu’ils portent sur leurs épaules. Ce signe marque leur lien particulier avec le pape, successeur de saint Pierre. Comme vous le voyez cette fête solennelle nous met devant les yeux deux personnes qui sont liées entre elles depuis les débuts de l’Église et qui continuent d’en être les gardiens et les piliers.
Les trois textes de l’Écriture que nous venons d’entendre nous disent l’essentiel de ce que sont saint Pierre et saint Paul pour l’Église et pour nous aujourd’hui.

I – Saint Paul : l’Apôtre des périphéries, de l’annonce de l’Évangile aux nations
Commençons par saint Paul. Vous connaissez son histoire. Il est un jeune juif très cultivé. Élevé dans la culture de son temps, il parle la langue grecque qui est l’anglais du temps. Il est très religieux. Il a étudié la Bible, que les juifs appellent la Loi et les Prophètes. Il est un pratiquant sérieux et, comme plusieurs après la mort de Jésus, il voit d’un mauvais oeil certains de ses coreligionnaires se regrouper autour des disciples de Jésus qui prêchent le message laissé par leur Maître avec un succès remarquable. Il décide avec d’autres de mettre fin à cette dérive, et il les persécute.
Lors d’une de ses expéditions contre les disciples de Jésus il est renversé de son cheval sur la route de Damas en Syrie et là ses yeux s’ouvrent, il voit et rencontre Jésus qui lui apparaît et lui dit « Pourquoi me persécutes-tu? ». À partir de ce moment, après une période de réflexion, il commence à faire le tour des villes de l’Empire romain. Il fait trois longs voyages autour de la Méditerranée (voir détails à la fin) et finit sa vie en prison à Rome pendant deux ans (60-62) où il est décapité selon la tradition vers l’an 62.
Cette brève histoire de saint Paul illustre son activité unique dans les débuts de l’Église. Au cours de ses voyages il a rassemblée des communautés à Corinthe, à Ephèse, à Philippes, à Thessalonique, à Rome etc. Nous lisons encore aujourd’hui les lettres qu’il leur écrivait. Ces lettres sont comme la base dogmatique, rationnelle et intellectuelle de notre foi en Jésus. C’est saint Paul qui a argumenté pour expliquer le message de Jésus aux païens. Ses explications, nous touchent encore aujourd’hui et sont d’une actualité remarquable.
Malgré ses succès dans l’évangélisation, saint Paul ne s’est jamais dissocié de ceux qui avaient vécu avec Jésus, les Douze choisis par Jésus lui-même dont saint Pierre était le chef. Quelques mots sur ce dernier.
II – Saint Pierre : le Roc de l’Église qui confesse la foi en Jésus et qui affermit ses frères et soeurs dans la foi
Le texte de l’évangile de saint Mathieu que je viens de lire présente une scène connue. Jésus demande à ses disciples ce qu’on pense de lui et c’est saint Pierre qui répond en faisant au nom de tous un acte de foi et de confiance absolue en Jésus : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ». Et Jésus lui confie la mission d’être la pierre sur laquelle sera bâtie l’Église. « Tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon Église. »
On sait que saint Pierre aura de la misère à rester fidèle à cette mission. Il reniera son maître par trois fois lors de la passion de Jésus en disant qu’il ne le connaissait pas. C’est la peur alors qui le fait agir. Cette peur va se transformer en audace et en fidélité inébranlable le jour de la Pentecôte. À partir de ce moment, il prêche l’Évangile de Jésus, il annonce qu’il est ressuscité et il invite à la conversion. Il guérit des malades comme Jésus, il subit la persécution, il est emprisonné comme le raconte la première lecture que nous avons entendue, il guide les autres apôtres. Il est reconnu comme le chef et le premier des apôtres.
Saint Paul vient le voir à Jérusalem et reconnaît sa primauté. Les deux, nous racontent les Actes des Apôtres, un récit des débuts de l’Église écrit par saint Luc, ont parfois divergé d’opinion, mais ils ont toujours gardé une union intime au service de l’évangile, saint Paul, le prédicateur, reconnaissant et respectant saint Pierre, le premier des apôtres et le chef de l’Église

III– La dévotion aux colonnes de l’Église
Au cours des siècles, les chrétiens ont gardé précieusement le souvenir et l’héritage des deux colonnes de l’Église que sont saint Pierre et saint Paul. Sur le lieu de leur martyre à Rome on a érigé deux basiliques à l’époque de Constantin. Les pèlerinages aux tombeaux de saint Pierre et saint Paul ont fait partie de la vie de l’Église et se continuent aujourd’hui. Les évêques doivent faire ce pèlerinage « ad limina apostolorum » littéralement « au seuil des basiliques des apôtres » à tous les cinq ans pour montrer qu’ils se rattachent directement à ces deux colonnes de l’Église et que, comme eux, ils sont prêts à donner leur vie pour le Christ, à être « offert en sacrifice » (2 Timothée 4, 6).
Par ce pèlerinage, ils veulent aussi montrer à tout le peuple chrétien que l’Église est une assemblée de croyantes et de croyants non pas isolés dans leur foi, mais réunis en communauté autour de leurs pasteurs, un édifice spirituel où toutes les pierres ont leur place, des pierres qui s’appuient sur la pierre angulaire qui est le Christ.

Conclusion
Que les deux colonnes de l’Église que nous fêtons aujourd’hui viennent raffermir et soutenir notre foi afin qu’elle demeure solide et qu’elle rayonne autour de nous. Que cette Eucharistie où nous nous rencontrons ensemble dans la variété de nos histoires autour de la table du Seigneur soit le signe de cette Église accueillante et ouverte que nous formons.

Amen!

Mgr Hermann Giguère, P.H.
Séminaire de Québec
28 juin 2014