SOLENNITÉ DES SAINTS APÔTRES PIERRE ET PAUL HOMÉLIE DU PAPE JEAN-PAUL II ET HOMÉLIE DU PATRIARCHE OECUMÉNIQUE BARTHOLOMAIOS I
28 juin, 2020SOLENNITÉ DES SAINTS APÔTRES PIERRE ET PAUL
HOMÉLIE DU PAPE JEAN-PAUL II
ET HOMÉLIE DU PATRIARCHE OECUMÉNIQUE BARTHOLOMAIOS I
Mardi 29 juin 2004
Paroles d’introduction du Pape:
Très chers frères et soeurs, le passage de l’Evangile que nous venons d’écouter en grec et en latin, nous invite à approfondir la signification de la fête des saints Apôtres Pierre et Paul d’aujourd’hui.
Je désire à présent vous inviter à écouter les réflexions que le Patriarche oecuménique, Sa Sainteté Bartholomaios I, nous présentera, en tenant compte du fait que nos deux voix parlent d’unité.
Homélie de Sa Sainteté Bartholomaios I, Patriarche oecuménique de Constantinople :
Votre Sainteté,
C’est avec des sentiments de joie et de tristesse que nous venons à Vous en ce jour important de la fête des saints Pierre et Paul, pour manifester notre amour à l’égard de la personne de Votre Sainteté et de tous les membres de l’Eglise-soeur de Rome, qui célèbre sa fête patronale. En nous réjouissant avec vous, nous regrettons toutefois que manque ce qui aurait pleinement complété notre joie à tous deux, c’est-à-dire le rétablissement de la pleine communion entre nos Eglises.
Aujourd’hui, nous concentrons notre regard sur l’heureux quarantième anniversaire de la rencontre à Jérusalem – en 1964 – de nos prédécesseurs de vénérée mémoire; une rencontre qui a mis fin au chemin de notre éloignement réciproque et qui a constitué le début du rapprochement entre nos Eglises.
Au cours de ce nouveau chemin, ont été accomplis de nombreux pas vers le rapprochement réciproque. Des dialogues ont été instaurés, des rencontres ont eu lieu, des lettres ont été échangées; l’amour s’est accru, mais nous ne sommes pas encore parvenus à l’objectif désiré. Il n’a pas été possible d’éliminer en quarante ans les oppositions qui se sont accumulées au cours de plus de neuf cent ans.
L’espérance – qui va de pair avec la foi et avec l’amour qui espère toujours – est l’un des dons importants de Dieu. Nous aussi, nous espérons que ce qui n’a pas été possible jusqu’à aujourd’hui sera obtenu à l’avenir, et, nous souhaitons, que ce soit un avenir proche. Peut-être s’agira-t-il d’un avenir lointain, mais notre attente et notre amour ne peuvent être soumis à de brèves limites temporelles. Notre présence ici aujourd’hui exprime dans toute son évidence notre désir sincère d’éliminer tous les obstacles ecclésiaux qui ne sont pas dogmatiques ou essentiels, afin que notre intérêt se concentre sur l’étude des différences essentielles et des vérités dogmatiques qui ont divisé jusqu’à aujourd’hui nos Eglises, ainsi que sur la façon de vivre la vérité chrétienne de l’Eglise unie.
Loin du désir de lier notre nom à des objectifs que seul l’Esprit Saint peut obtenir, nous n’attribuons pas à nos actions une efficacité plus grande que celle que Dieu voudra bien leur donner. Toutefois, en manifestant notre désir, nous oeuvrons inlassablement en vue de l’objectif pour lequel nous prions chaque jour: « l’union de tous ». Conscient en écoutant la prière sacerdotale de Jésus Christ de combien notre unité est nécessaire – afin que le monde croie qu’Il vient de Dieu – nous collaborons avec vous afin de parvenir à cette unité et nous exhortons chacun à prier avec ferveur pour le succès de nos efforts communs.
Très chers chrétiens,
L’unité des Eglises – dont nous parlons et pour laquelle nous demandons vos prières – n’est pas une unité terrestre, semblable aux unions d’Etats, aux corporations de personnes et de structures à travers lesquelles se crée une plus haute union organisative. Cela est très facile à réaliser et toutes les Eglises ont déjà constitué diverses organisations au sein desquelles elles collaborent dans différents secteurs.
L’unité à laquelle les Eglises aspirent est une recherche spirituelle qui vise à vivre ensemble la communion spirituelle avec la personne de notre Seigneur Jésus Christ. Elle ne pourra avoir lieu que lorsque nous aurons tous « l’esprit du Christ », l’ »amour du Christ », « la foi du Christ », « l’humilité du Christ », « la disposition sacrificielle du Christ » et – en général – lorsque nous vivrons tout ce qui est du Christ comme lui l’a vécu ou, du moins, lorsque nous désirerons sincèrement vivre comme il veut que nous vivions.
Dans le cadre de cet effort spirituel très délicat, apparaissent des difficultés dues au fait que la plupart d’entre nous présentent très souvent leurs positions, leurs opinions et leurs évaluations comme si elles étaient des expressions de l’esprit, de l’amour et, en général, de l’esprit du Christ. Etant donné que ces opinions et ces évaluations personnelles, et parfois les vécus personnels eux-mêmes, ne coïncident ni entre eux, ni avec le vécu du Christ, des désaccords apparaissent. En bonne foi, à travers les dialogues ecclésiaux, nous cherchons à nous comprendre mutuellement avec une surabondance d’amour; de même que nous tentons de constater en quoi et pourquoi se différencient nos vécus, qui s’expriment à travers des formulations dogmatiques diverses. Nous ne faisons pas de discours abstraits sur des questions théoriques, sur lesquelles notre position n’a pas de conséquences pour la vie. Nous recherchons, parmi tant de vécus, qui s’expriment à travers diverses formulations, celui qui exprime correctement, ou du moins le mieux possible, l’esprit du Christ.
Rappelez-vous du comportement des deux disciples du Christ lorsqu’il ne fut pas accepté par les habitants d’une certaine région. Les deux disciples s’indignèrent et demandèrent au Christ s’ils pouvaient prier Dieu de faire descendre le feu du ciel contre ceux qui avaient refusé de l’accueillir. La réponse du Seigneur fut celle qui a été donnée à tant de chrétiens au cours des siècles: « Vous ne savez pas de quel esprit vous êtes. Car le fils de l’homme n’est pas venu perdre les âmes des hommes, mais les sauver » (Lc 9, 55-56). De nombreuses fois des fidèles, au cours des siècles, ont demandé au Christ d’approuver des oeuvres qui ne s’accordaient pas avec son esprit. Plus encore, ils ont attribué au Christ leurs opinions et enseignements, en soutenant que les uns et les autres interprétaient l’esprit du Christ. C’est de là qu’ont découlé les désaccords entre les fidèles, qui, par conséquent, se sont divisés en groupes prenant la forme actuelle des diverses Eglises.
Aujourd’hui, les efforts communs tendent à vivre l’esprit du Christ, d’une façon qu’il approuverait si on le lui demandait. Un tel vécu présuppose une pureté de coeur, des buts désintéressés, une sainte humilité, en un mot: une sainteté de vie. Les oppositions accumulées et les intérêts séculaires ne nous permettent pas de voir avec clarté et retardent la compréhension commune de l’esprit du Christ, à laquelle succédera également l’unité tant désirée des Eglises, dans le même esprit, dans le même Corps et dans son même Sang. Naturellement, du point de vue spirituel, cela n’a aucun sens d’accepter et de réaliser une union extérieure lorsque demeure la diversité en ce qui concerne l’esprit.
Ainsi, on comprend que l’on ne cherche pas à niveler les traditions, les usages et les habitudes de tous les fidèles et que l’on cherche seulement à vivre en commun la personne de Jésus Christ un, unique et immuable dans l’Esprit Saint, la communion du vécu dans l’événement de l’Incarnation du Logos de Dieu, et de la descente de l’Esprit Saint sur l’Eglise, ainsi que le vécu commun de l’événement de l’Eglise comme Corps du Christ qui récapitule toute chose en lui. Ce vécu spirituel recherché constitue le vécu suprême de l’homme, constitue son union avec le Christ et, par conséquent, le dialogue sur ce point est le plus important de tous. C’est pourquoi nous avons demandé et nous demandons aux chrétiens de prier avec ferveur notre Seigneur Jésus Christ, afin qu’il guide les coeurs vers la réalisation de cette aspiration de façon à ce que, une fois obtenue, nous puissions fêter ensemble, si Dieu le veut, chaque célébration ecclésiale dans la pleine communion spirituelle et la joie. Amen.
Homélie du Saint-Père:
1. « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16, 16). Interrogé par le Seigneur, Pierre, au nom des autres Apôtres également, prononce sa profession de foi.
En celle-ci est affirmé le fondement certain de notre chemin vers la pleine communion. Si, en effet, nous voulons l’unité des disciples du Christ, nous devons repartir du Christ. Comme à Pierre, il nous est demandé à nous aussi de confesser qu’Il est la pierre d’angle, le Chef de l’Eglise. J’ai écrit dans la Lettre encyclique Ut unum sint: « Croire au Christ signifie vouloir l’Eglise; vouloir l’Eglise signifie vouloir la communion de grâce qui correspond au dessein du Père de toute éternité » (n. 9).
2. Ut unum sint! Voilà d’où jaillit notre engagement de communion, en réponse à l’ardent désir du Christ. Il ne s’agit pas d’un vague rapport de bon voisinage, mais du lien indissoluble de la foi théologale en vertu duquel nous avons été destinés non pas à la séparation, mais à la communion.
Nous vivons aujourd’hui avec douleur ce qui, au cours de l’histoire, a rompu notre lien d’unité dans le Christ. Dans cette optique, notre rencontre d’aujourd’hui n’est pas seulement un geste de courtoisie, mais une réponse au commandement du Seigneur. Le Christ est le Chef de l’Eglise et nous voulons ensemble continuer à faire ce qui est humainement possible pour combler ce qui nous sépare encore et qui nous empêche de communier au même Corps et Sang du Seigneur.
3. Avec ces sentiments, je désire exprimer ma profonde reconnaissance à Votre Sainteté, pour sa présence et pour les réflexions qu’elle nous a proposées. Je suis également heureux de célébrer avec vous le souvenir des saints Pierre et Paul, qui coïncide cette année avec le quarantième anniversaire de la rencontre bénie, qui a eu lieu à Jérusalem les 5 et 6 janvier 1964, entre le Pape Paul VI et le Patriarche Athénagoras I.
Votre Sainteté, je désire Vous remercier de tout coeur d’avoir accueilli mon invitation à rendre visible et à réaffirmer aujourd’hui, à travers cette rencontre, l’esprit qui animait ces deux pèlerins particuliers, qui dirigèrent leurs pas l’un vers l’autre, et choisirent de s’embrasser pour la première fois précisément sur le lieu où naquit l’Eglise.
4. Cette rencontre ne peut pas être qu’un souvenir. Elle est un défi pour nous! Elle nous indique le chemin de la redécouverte et de la réconciliation réciproque. Un chemin qui n’est certainement ni facile, ni dépourvu d’obstacles. Dans le geste émouvant de nos prédécesseurs à Jérusalem, nous pouvons trouver la force de surmonter tout malentendu et difficulté, pour nous consacrer sans relâche à cet engagement d’unité.
L’Eglise de Rome s’est placée avec une ferme volonté et une grande sincérité sur la voie de la pleine réconciliation, à travers des initiatives qui se sont révélées, à chaque fois, possibles et utiles. Je désire exprimer aujourd’hui le souhait que tous les chrétiens intensifient leurs efforts, chacun de leur côté, afin d’hâter le jour où se réalisera pleinement le désir du Seigneur: « Que tous soient un » (Jn 17, 11.21). Que notre conscience ne nous reproche pas d’avoir oublié des étapes, d’avoir négligé des opportunités, de n’avoir pas tenté toutes les voies!
5. Nous le savons bien: l’unité que nous recherchons est avant tout un don de Dieu. Mais nous sommes conscients que hâter l’heure de sa pleine réalisation dépend également de nous, de notre prière, de notre conversion au Christ.
Votre Sainteté, en ce qui me concerne, je tiens à confesser que sur la voie de la recherche de l’unité, je me suis toujours laissé guider, comme par une boussole sûre, par l’enseignement du Concile Vatican II. La Lettre encyclique Ut unum sint:, publiée quelques jours avant la mémorable visite de Votre Sainteté à Rome, en 1995, réaffirmait précisément ce que le Concile avait annoncé dans le Décret sur l’oecuménisme Unitatis redintegratio, dont nous célébrons cette année le quarantième anniversaire de la promulgation.
‘ai eu plusieurs fois l’occasion de souligner, en des circonstances solennelles, et je le répète aujourd’hui également, que l’engagement pris par l’Eglise catholique lors du Concile Vatican II est irrévocable. On ne peut y renoncer!
6. Le rite de l’imposition du Pallium aux nouveaux Archevêques métropolitains contribue à compléter la solennité et la joie de la célébration d’aujourd’hui et à l’enrichir de contenus spirituels et ecclésiaux.Vénérés Frères, le Pallium, que vous recevrez aujourd’hui en présence du Patriarche oecuménique, notre Frère dans le Christ, est un signe de la communion qui vous unit à titre particulier au témoignage apostolique de Pierre et de Paul. Il vous lie à l’Evêque de Rome, Successeur de Pierre, appelé à accomplir un service ecclésial particulier à l’égard du Collège épiscopal tout entier. Je vous remercie de votre présence et je vous présente tous mes voeux pour votre ministère en faveur des Eglises métropolitaines présentes dans diverses Nations. Je vous accompagne volontiers de mon affection et de ma prière.
7. « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant! ». Combien de fois reviennent dans ma prière quotidienne ces paroles, qui constituent la profession de foi de Pierre! Dans la précieuse icône donnée par le Patriarche Athénagoras I au Pape Paul VI le 5 janvier 1964, les deux saints Apôtres, Pierre le Coryphée et André le Protoclite, s’embrassent, dans un langage éloquent d’amour, sous le Christ glorieux. André a été le premier à se placer à la suite du Seigneur, Pierre a été appelé à confirmer ses frères dans la foi.
Leur baiser sous le regard du Christ est une invitation à poursuivre le chemin entrepris, vers cet objectif d’unité que nous voulons atteindre ensemble.
Qu’aucune difficulté ne nous freine. Mais allons plutôt de l’avant avec espérance, soutenus par l’intercession des Apôtres et par la protection maternelle de Marie, Mère du Christ, Fils du Dieu vivant.