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ROMAINS 8 : 14 CAR TOUS CEUX QUI SONT CONDUITS PAR L’ESPRIT DE DIEU SONT FILS DE DIEU.

4 novembre, 2013

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LA SAGESSE CHRÉTIENNE

ROMAINS 8 : 14 CAR TOUS CEUX QUI SONT CONDUITS PAR L’ESPRIT DE DIEU SONT FILS DE DIEU.

La parole de connaissance La sagesse et la connaissance sont
complémentaires. Si une parole de connaissance éclaire une situation particulière, une parole de sagesse sera peut-être également nécessaire pour accomplir ce qui doit être accompli.
Il existe quatre aspects particuliers qui rendent ce don possible.
La connaissance fondamentale de Dieu.
Cette dernière n’est possible que par une révélation de Son Fils, notre Seigneur Jésus Christ. La Bible l’appelle « connaissance », et cela implique une relation intime et vivante avec Dieu.
Une compréhension profonde de la Parole de Dieu, saisie par le cœur.
Un sens divinement inspiré de ce qui est juste ou faux, sage ou insensé dans la vie.
Le Père connaît toutes choses et Il partage un peu ce qu’Il voit à ceux qui Le connaissent et qui ont Sa confiance. Ce genre de connaissance ne peut pas s’acquérir par l’étude.
C’est le Saint- Esprit qui la donne à notre esprit humain et elle ne peut être saisie que par un esprit renouvelé.
Il ne s’agit pas d’une possession permanente mais c’est essentiel à un instant donné. Etudier la Bible prépare nos cœurs et nos pensées à recevoir une parole de connaissance inspirée par le Saint- Esprit (2 Timothée 2 : 15).
1. Le don de la foi Il y a quatre sortes de foi :
2. La foi commune – que tout le monde a.
3. La foi salvatrice – un don qui apparaît dans Ephésiens 2 : 8 : Ephésiens 2 : 8 8 Car c’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu.
4. Une foi venant du fruit de l’Esprit ; une foi qui ne cesse de croître. Une foi qui donne la puissance ; le don
du Saint-Esprit Cette dernière, tout comme les autres dons de l’Esprit, est temporaire et est libérée pour répondre aux besoins du moment.
Comme pour les autres dons, une marche spirituelle quotidienne est essentielle pour cela. Il s’agit d’une manifestation de l’Esprit qui démontre la puissance surnaturelle de Dieu.
Il est inutile d’exhorter les églises à exercer la foi à ce niveau-là. Elles ne peuvent pas avoir une foi qui fait bouger les montagnes uniquement en essayant. Elle n’est pas un résultat d’efforts et de concentration.

Le don de guérison
1 Pierre 2 : 24 lui qui a porté lui-même nos péchés en son corps sur le bois, afin que morts aux péchés nous vivions pour la justice; lui par les meurtrissures du quel vous avez été guéris.
La guérison fait partie du plan de rédemption de Dieu. Jésus est mort pour le pardon du péché. Par Ses souffrances, nous sommes guéris aussi bien spirituellement que physiquement. L’efficacité de ce don dépend de notre attitude et de notre foi par rapport à la guérison ainsi que de l’attitude de la personne pour laquelle nous prions.
La guérison est une réponse à la foi, à un besoin éminent et à la volonté de Dieu.
Le don de guérison n’est pas le mandat de guérir tous et chacun arbitrairement, mais seulement ceux que le Saint- Esprit nous révèle.
La Bible ne montre aucun exemple de don de guérison spécialisé à un type de maladie.
Soyez sur vos gardes avec tous ceux qui disent avoir un tel don.

Le don d’opérer des miracles
L’expression « opérer des miracles » (du Grec : energemata dunameon) utilisée dans 1 Corinthiens 12 : 10 signifie littéralement « des opérations de puissance » et comprend une diversité de signes et de miracles mais pas un miracle spécifique. Les chrétiens ont tendance de mettre la guérison et la délivrance dans un même sac sous le terme de « miracles », comme cela est décrit dans Actes 8 : 6-7 : Actes 8 : 6-7
6 Les foules tout entières étaient attentives à ce que disait Philippe,
lorsqu’elles apprirent et virent les
miracles qu’il faisait.7 Car des esprits impurs sortirent de plusieurs
démoniaques, en poussant de grands cris, et beaucoup de paralytiques et de boiteux furent guéris. Néanmoins, les Ecritures indiquent qu’il existe une puissance qui dépasse de loin celle de guérir des maladies.
Jésus dit dans Jean 14 : 12 : Jean 14 : 6-12 Jésus lui dit : Je suis le chemin, la vérité, et la vie. Nul ne vient au Père que par moi. Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père. Et dès maintenant vous le connaissez, et vous l’avez vu.
Lire la suite Jésus a guéri et Il a délivré. Pourtant, Il dit que les croyants feraient de bien plus grandes choses que Lui. Le don d’opérer des miracles est à notre disposition aujourd’hui !

La prophétie
Le don de prophétie est une proclamation à un moment donné, inspirée par le Saint-Esprit.
Le Saint- Esprit donne l’inspiration de déclarer la vérité dans une situation ou une conversation bien précise.
La prophétie est utilisée pour encourager d’autres personnes sans connaître nécessairement leurs besoins spécifiques. Elle sert également à édifier, à exhorter et à réconforter, et se matérialise souvent plutôt dans une déclaration que dans une prédication.
Toute prophétie devrait toucher l’espérance et la foi des gens, les amener vers une rédemption éternelle et vers le Royaume de Dieu.
La prophétie n’est pas de prononcer tout ce qui vous passe par la tête en commençant par « Moi, le Seigneur, je te dis … ». Cependant, il est aussi vrai que le Seigneur encourage le prophète à être hardi, à faire confiance à Dieu et à prendre l’initiative.
Le principe est que le prophète est un serviteur du Saint-Esprit – et pas l’inverse. A ce point, il est nécessaire de dire un mot concernant les faux prophètes et les fausses prophéties. On a souvent abusé de la prophétie et ce n’est pas parce que quelqu’un prétend avoir une parole de Dieu que ce qu’il dit est nécessairement vrai.

Nous devons toujours confronter la prophétie à la Parole de Dieu pour se prémunir contre l’erreur.

JEAN-PAUL II: LECTURE: GA 4, 4-7

23 octobre, 2013

http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/audiences/2000/documents/hf_jp-ii_aud_20000920_fr.html

JEAN-PAUL II

AUDIENCE GÉNÉRALE

MERCREDI 20 SEPTEMBRE 2000

LECTURE:  GA 4, 4-7

1. Nous avons commencé cette rencontre sous le sceau trinitaire, défini de façon incisive et lumineuse par les paroles de l’Apôtre Paul dans l’Epître aux Galates (cf. 4, 4-7). Le Père, en communiquant l’Esprit Saint dans le coeur des croyants, réalise et révèle l’adoption filiale que le Christ a obtenue pour nous. En effet, l’Esprit « atteste que nous sommes des enfants de Dieu » (cf. Rm 8, 16). En nous tournant vers cette vérité, comme vers l’étoile polaire de la foi chrétienne, nous méditerons sur certains aspects existentiels de notre communion avec le Père, à travers le Fils et dans l’Esprit.
2. La façon typiquement chrétienne de considérer Dieu passe toujours à travers le Christ. Il est le Chemin, et personne ne va au Père si ce n’est grâce à Lui (cf. Jn 14, 6). A l’Apôtre Philippe qui l’implore:  « Seigneur, montre-nous le Père et cela nous suffit », Jésus déclare:  « Qui m’a vu a vu le Père » (Jn 14, 8-9). Le Christ, le Fils bien-aimé (cf. Mt 3, 17; 17, 5) est par excellence celui qui révèle le Père. Le véritable visage de Dieu ne nous est révélé que par celui « qui est dans le sein du Père ». L’expression originale grecque de l’Evangile de Jean (cf. 1, 18) indique une relation intime et dynamique d’essence, d’amour, de vie du Fils avec le Père. Cette relation du Verbe éternel, concerne la nature humaine qu’il a assumée dans l’Incarnation. C’est pourquoi, dans l’optique chrétienne l’expérience de Dieu ne peut jamais se réduire à un simple « sens du divin », et l’on ne peut pas considérer comme n’étant pas nécessaire la médiation de l’humanité du Christ, comme l’ont démontré les plus grands mystiques tels que saint Bernard, saint François d’Assise, sainte Catherine de Sienne, sainte Thérèse d’Avila, et de nombreux disciples du Christ de notre époque, de Charles de Foucauld à sainte Thérèse Bénédicte de la Croix (Edith Stein).
3. Divers aspects du témoignage de Jésus à l’égard du Père se reflètent dans chaque expérience chrétienne authentique. Il a tout d’abord témoigné que le Père est à l’origine de son enseignement:  « Ma doctrine n’est pas de moi , mais de celui qui m’a envoyé » (Jn 7, 16). Ce qu’il a fait connaître est exactement ce qu’ »il a entendu » du Père (cf. Jn 8, 26; 15, 15; 17, 8.14). L’expérience chrétienne de Dieu ne peut donc se développer qu’en totale cohérence avec l’Evangile.
Le Christ a également témoigné avec efficacité de l’amour du Père. Dans la merveilleuse parabole du fils prodigue, Jésus présente le Père toujours en attente de l’homme pécheur qui revient entre ses bras. Dans l’Evangile de Jean, Il insiste sur le Père qui aime les hommes:  « Dieu a tant aimé le monde qu’Il a donné son Fils unique » (Jn 3, 16). Et aussi:  « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon père l’aimera et nous viendrons vers lui et nous nous ferons une demeure chez lui » (Jn 14, 23). Celui qui fait vraiment l’expérience de l’amour de Dieu, ne peut que répéter avec une émotion toujours nouvelle l’exclamation de la première Lettre de Jean:  « Voyez quelle manifestation d’amour le Père nous a donnée pour que nous soyons appelés enfants de Dieu, et nous le sommes! » (1 Jn 3, 1). Dans cette lumière, nous pouvons nous adresser à Dieu avec l’invocation tendre, spontanée et intime:  Abba! Père. Elle se présente constamment sur les lèvres du fidèle qui se sent fils, comme nous le rappelle saint Paul dans le texte qui a ouvert notre rencontre (cf. Ga 4, 4-7).
4. Le Christ nous donne la vie même de Dieu, une vie qui franchit le temps et qui nous introduit dans le mystère du Père, dans sa joie et sa lumière infinie. L’évangéliste Jean en témoigne en transmettant les paroles sublimes de Jésus:  « Comme le Père en effet a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir aussi la vie en lui-même » (Jn 5, 26). « Oui, telle est la volonté de mon Père, que quiconque voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle, et je le ressusciterai au dernier jour [...] De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé et que je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi » (Jn 6, 40.57).
Cette participation à la vie du Christ, qui fait de nous des « fils dans le Fils » est rendue possible par le don de l’Esprit. En effet, l’Apôtre nous présente le fait d’être fils de Dieu en étroite liaison avec l’Esprit Saint:  « En effet, tous ceux qu’anime l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu » (Rm 8, 14). L’Esprit nous met en relation avec le Christ et avec le Père. « Dans cet Esprit, qui est le Don éternel, le Dieu un et trine s’ouvre à l’homme, à l’esprit humain. Le souffle caché de l’Esprit divin fait que l’Esprit humain s’ouvre à son tour en face de Dieu qui s’ouvre à lui pour le sauver et le sanctifier [...] Dans la communion de grâce avec la Trinité s’élargit « l’espace vital » de l’homme, élevé au niveau surnaturel de la vie divine. L’homme vit en Dieu et de Dieu:  il vit « selon l’Esprit » et « désire ce qui est spirituel »" (Dominum et vivificantem, n. 58).
5. Au chrétien illuminé par la grâce de l’Esprit, Dieu apparaît véritablement avec son visage paternel. Il peut s’adresser à Lui avec la confiance dont sainte Thérèse de Lisieux témoigne dans  ce  passage  autobiographique  intense:  « Le petit oiseau voudrait voler vers ce brillant soleil qui charme ses yeux, il voudrait imiter les aigles ses frères qu’il voit s’élever jusqu’au foyer Divin de la Trinité Sainte [...] Hélas tout ce qu’il peut faire, c’est de soulever ses petites ailes, mais s’envoler, cela n’est pas en son petit pouvoir [...] Avec un audacieux abandon, il veut rester à fixer son Divin soleil; rien ne saurait l’effrayer, ni le vent, ni la pluie » (Manuscrits autobiographiques, Paris 1957, p. 231).

ENZO BIANCHI POUR LA FÊTE DE PIERRE ET PAUL

23 septembre, 2013

http://rouen.catholique.fr/spip.php?article1818

ENZO BIANCHI POUR LA FÊTE DE PIERRE ET PAUL

29 juin – Saints Pierre et Paul

Années A – B – C – Commentaire

Saint Pierre & saint Paul avec une âme suppliante. Fresque du XIVe. Barcelone. Musée National d’Art de Catalogne
L’accolade dans le martyre et le primat de la charité
La solennité des saints Pierre et Paul réunit, dans une unique célébration, Pierre, le premier disciple à avoir été appelé selon les récits synoptiques, le premier des douze apôtres, et Paul, qui n’a pas été disciple de Jésus, ni ne fit partie du groupe des Douze, mais que l’Église appelle « l’Apôtre » : l’envoyé par excellence, bien que ce titre, que lui-même se donne, ne lui soit jamais reconnu dans les Actes des apôtres. Cette fête, déjà attestée dans le plus ancien calendrier liturgique qui nous soit parvenu, la Depositio marthyrum, du IIIe siècle, met en commun deux apôtres de Jésus morts à Rome en des temps différents, mais l’un et l’autre martyrs, victimes des persécutions contre les chrétiens : deux vies offertes en libation à cause de Jésus et de l’Évangile.
Les deux apôtres sont ainsi réunis dans la célébration liturgique, après que leurs vies terrestres les ont vus plutôt s’opposer l’un à l’autre : leur communion, parce que vécue dans la parresia, la franchise évangélique, n’a pas toujours été facile, et a même souvent été laborieuse. Le bas-relief en calcaire conservé à Aquilée, tout comme l’iconographie traditionnelle qui représente leur accolade, cherche à exprimer précisément cette communion au prix fort, qui a garanti à chacun des deux de mener à terme son œuvre comme fondement de l’Église de Rome, le lieu où leur course prit fin, le lieu qui les vit l’un et l’autre martyrs à l’époque de Néron, mis à mort pour le même motif.
Pierre est parmi les premiers hommes que Jésus a appelés : un pêcheur de Bethsaïda, sur le lac de Tibériade, un homme qui n’a certainement pas accordé beaucoup de temps à la formation intellectuelle et qui vivait sa foi surtout dans le culte synagogal du sabbat puis, après avoir été appelé par Jésus, à travers l’enseignement de ce maître qui parlait comme personne d’autre avant lui. Homme généreux et impulsif, Pierre suivit Jésus en répondant avec élan à la vocation, mais il restait toutefois inconstant, victime facile de la peur, capable même de lâcheté, au point de méconnaître celui qu’il suivait comme disciple.
Toujours proche de Jésus, il apparaît comme le représentant des autres disciples, parmi lesquels il occupait une position prééminente : on ne pourrait pas parler de la vie de Jésus sans mentionner Pierre, qui osa, le premier, confesser avec audace que Jésus est le Messie (voir Mt 16,16). Quand les disciples, tout comme une grande partie de la foule, se demandaient si Jésus était un prophète ou s’il était même « le » prophète des temps derniers, s’il était le Messie, l’Oint du Seigneur, ce fut Pierre, sollicité par Jésus, qui confessa la foi : les quatre évangiles rapportent chacun différemment les mots utilisés, mais ils attestent tous la priorité de Pierre à reconnaître la vraie identité de Jésus. Toutefois Pierre fit cette confession non pas comme « porte-parole » des Douze, mais animé par une force intérieure, par une révélation qui ne pouvait lui venir que de Dieu. Croire que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu, n’était pas possible en ne faisant qu’analyser et interpréter l’accomplissement éventuel des Écritures : c’est Dieu lui-même, le Père qui est dans les cieux, qui révéla à Pierre l’identité de Jésus (voir Mt 16,17). Ainsi Jésus a-t-il reconnu dans son disciple Simon une « roche », Céphas, une pierre, sur la foi duquel la communauté, l’Église pouvait trouver son fondement.
Pierre, que Jésus appelle le « bienheureux », qu’il déclare roche solide capable de confirmer la foi de ses frères, ne sera pas exempt d’erreurs, de chutes, d’infidélités à son Seigneur. Immédiatement après la confession de foi que l’on vient de rappeler, il manifestera sa manière trop mondaine de comprendre le chemin de passion de Jésus, à tel point que ce dernier l’appellera « Satan » (Mt 16,23). Puis, à la fin de la vie terrestre de Jésus, Pierre déclarera bien trois fois qu’il ne l’a jamais rencontré : la peur et la volonté de se sauver soi-même le conduiront à déclarer avec force « ne pas connaître » (Mt 26,70.72.74) ce Jésus dont il avait reçu la connaissance par Dieu même ! Jésus, qui l’avait assuré de sa prière pour que sa foi ne défaille pas, après la Résurrection, le reconfirmera à sa place, en lui demandant toutefois, lui aussi par trois fois, de lui attester son amour : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » (Jn 21,15.16.17.) Touché au vif par cette question, Pierre deviendra l’apôtre de Jésus, le pasteur de ses premières brebis à Jérusalem, puis parmi les communautés judaïques en Palestine, à Antioche ensuite et enfin à Rome, où il déposera la vie à son tour, à l’exemple de son Maître et Seigneur. Et à Rome, Pierre retrouvera aussi Paul : nous ne savons pas si cela se fit dans le quotidien du témoignage chrétien, mais dans tous les cas à travers le signe éloquent du martyre.
Paul, « l’autre », l’apôtre différent, a été placé à côté de Pierre dans son altérité, comme pour garantir dès les premiers pas que l’Église chrétienne est toujours plurielle et qu’elle se nourrit de diversité. Juif de la diaspora, originaire de Tarse, la capitale de la Cilicie, monté à Jérusalem pour devenir scribe et rabbi dans le sillage de Gamaliel, l’un des maîtres les plus fameux de la tradition rabbinique, Paul était un pharisien, expert zélé de la loi de Moïse, qui n’a connu ni Jésus ni ses premiers disciples, mais qui se distingua par son opposition et sa persécution envers le mouvement chrétien naissant. Paul se définit comme un « avorton » (1 Co 15, 8) par rapport aux autres apôtres qui avaient vu le Seigneur Jésus ressuscité, mais il demandait à être reconnu comme envoyé, serviteur, apôtre de Jésus Christ au même titre qu’eux, parce qu’il avait mis sa vie au service de l’Évangile, il s’était fait l’imitateur du Christ jusque dans ses souffrances, il s’était dépensé en voyages apostoliques dans toute la Méditerranée orientale, il était habité par une sollicitude pour toutes les Églises de Dieu. Sa passion, son intelligence, son engagement à annoncer le Seigneur Jésus transparaissent dans toutes ses lettres et les Actes des apôtres en donnent également un témoignage sincère. C’est lui « l’apôtre des gentils », comme il se définit lui-même, alors que Pierre est « l’apôtre des circoncis » (Ga 2,8).
Pierre et Paul, l’un et l’autre disciples et apôtres du Christ, et pourtant si différents : Pierre, un pauvre pêcheur, Paul, un intellectuel rigoureux ; Pierre, un Juif palestinien venu d’un obscur village, Paul, un Juif de la diaspora et citoyen romain ; Pierre, lent à comprendre et à œuvrer en conséquence, Paul, consumé par l’urgence eschatologique… Voilà deux apôtres qui ont eu des styles différents, qui ont servi le Seigneur selon des modalités très diverses, qui ont vécu l’Église de manière parfois dialectique pour ne pas dire opposée, mais l’un et l’autre ont cherché à suivre le Seigneur et sa volonté, et ensemble, grâce à leur diversité précisément, ils ont su donner un visage à la mission chrétienne et un fondement à l’Église de Rome, qui préside dans la charité. Il est juste alors de célébrer leur mémoire ensemble, car c’est la mémoire de l’unité dans la diversité, de deux vies offertes par amour pour le même Seigneur, d’une charité vécue dans l’attente du retour du Christ.

Source : Enzo Bianchi : « Donner sens au temps, Les grandes fêtes chrétiennes », p. 127-132 Éditions Bayard, 2004.

BENOÎT XVI: LES ÉPOUX PRISCILLE ET AQUILAS (8 juillet)

8 juillet, 2013

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/audiences/2007/documents/hf_ben-xvi_aud_20070207_fr.html

BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 7 février 2007

LES ÉPOUX PRISCILLE ET AQUILAS (8 juillet)

Chers frères et soeurs,

En faisant un nouveau pas dans cette sorte de galerie de portraits des premiers témoins de la foi chrétienne, que nous avons commencée il y a quelques semaines, nous prenons aujourd’hui en considération un couple d’époux. Il s’agit des conjoints Priscille et Aquilas, qui se trouvent dans le groupe des nombreux collaborateurs qui ont entouré l’apôtre Paul, que j’avais déjà brièvement mentionnés mercredi dernier. Sur la base des informations en notre  possession,  ce  couple d’époux joua un rôle très actif au temps des origines post-pascales de l’Eglise.
Les noms d’Aquilas et de Priscille sont latins, mais l’homme et la femme qui les portent étaient d’origine juive. Cependant, au moins Aquilas provenait géographiquement de la diaspora de l’Anatolie septentrionale, qui s’ouvre sur la Mer Noire – dans la Turquie actuelle -, alors que Priscille, dont le nom se trouve parfois abrégé en Prisca, était probablement une juive provenant de Rome (cf. Ac 18, 2). C’est en tout cas de Rome qu’ils étaient parvenus à Corinthe, où Paul les rencontra au début des années 50; c’est là qu’il s’associa à eux car, comme nous le raconte Luc, ils exerçaient le même métier de fabricants de toiles ou de tentes pour un usage  domestique,  et  il  fut   même accueilli dans leur maison (cf. Ac 18, 3). Le motif de leur venue à Corinthe avait été la décision de l’empereur Claude de chasser de Rome les Juifs résidant dans l’Urbs. L’historien Romain Suétone nous dit, à propos de cet événement, qu’il avait expulsé les Juifs car « ils provoquaient des tumultes en raison d’un certain Crestus » (cf. « Les vies des douze Césars, Claude », 25). On voit qu’il ne connaissait pas bien le nom – au lieu du Christ, il écrit « Crestus » – et qu’il n’avait qu’une idée très confuse de ce qui s’était passé. Quoi qu’il en soit, des discordes régnaient à l’intérieur de la communauté juive autour de la question de savoir si Jésus était ou non le Christ. Et ces problèmes constituaient pour l’empereur un motif pour expulser simplement tous les juifs de Rome. On en déduit que les deux époux avait déjà embrassé la foi chrétienne à Rome dans les années 40, et qu’ils avaient à présent trouvé en Paul quelqu’un non seulement qui partageait cette foi avec eux – que Jésus est le Christ – mais qui était également un apôtre, appelé personnellement par le Seigneur Ressuscité. La première rencontre a donc lieu à Corinthe, où ils l’accueillent dans leur maison et travaillent ensemble à la fabrication de tentes.
Dans un deuxième temps, ils se rendirent en Asie mineure, à Ephèse. Ils jouèrent là un rôle déterminant pour compléter la formation chrétienne du juif alexandrin Apollos, dont nous avons parlé mercredi dernier. Comme il ne connaissait que de façon sommaire la foi chrétienne, « Priscille et Aquilas l’entendirent, ils le prirent à part et lui exposèrent avec plus d’exactitude la Voie de Dieu » (Ac 18, 26). Quand, à Ephèse, l’Apôtre Paul écrit sa Première Lettre aux Corinthiens, il envoie aussi explicitement avec ses propres salutations celles d’ »Aquilas et Prisca [qui] vous saluent bien dans le Seigneur, avec l’Eglise qui se rassemble chez eux » (16, 19). Nous apprenons ainsi le rôle très important que ce couple joua dans le milieu de l’Eglise primitive:  accueillir dans leur maison le groupe des chrétiens locaux, lorsque ceux-ci se rassemblaient pour écouter la Parole de Dieu et pour célébrer l’Eucharistie. C’est précisément ce type de rassemblement qui est appelé en grec « ekklesìa » – le mot latin est « ecclesia », le mot français « église » – qui signifie convocation, assemblée, regroupement. Dans la maison d’Aquilas et de Priscille, se réunit donc l’Eglise, la convocation du Christ, qui célèbre là les saints Mystères. Et ainsi, nous pouvons précisément voir la naissance de la réalité de l’Eglise dans les maisons des croyants. Les chrétiens, en effet, jusque vers le III siècle, ne possédaient pas leurs propres lieux de culte:  dans un premier temps, ce furent les synagogues juives, jusqu’à ce que la symbiose originelle entre l’Ancien et le Nouveau Testament ne se défasse et que l’Eglise des Gentils ne soit obligée de trouver sa propre identité, toujours profondément enracinée dans l’Ancien Testament. Ensuite, après cette « rupture », les chrétiens se réunissent dans les maisons, qui deviennent ainsi « Eglise ». Et enfin, au III siècle, naissent de véritables édifices de culte chrétien. Mais ici, dans la première moitié du I et du II siècle, les maisons des chrétiens deviennent véritablement et à proprement parler des « églises ». Comme je l’ai dit, on y lit ensemble les Saintes Ecritures et l’on célèbre l’Eucharistie. C’est ce qui se passait, par exemple, à Corinthe, où Paul mentionne un certain « Gaïus vous salue, lui qui m’a ouvert sa maison, à moi et à toute l’Eglise » (Rm 16, 23), ou à Laodicée, où la communauté se rassemblait dans la maison d’une certaine Nympha (cf. Col 4, 15), ou à Colosse, où le rassemblement avait lieu dans la maison d’un certain Archippe (cf. Phm 1, 2).
De retour à Rome, Aquilas et Priscille continuèrent à accomplir cette très précieuse fonction également dans la capitale de l’Empire. En effet, Paul, écrivant aux Romains, envoie précisément ce salut:  « Saluez Prisca et Aquilas, mes coopérateurs dans le Christ Jésus; pour me sauver la vie ils ont risqué leur tête, et je ne suis pas seul à leur devoir de la gratitude:  c’est le cas de toutes les Eglises de la gentilité; saluez aussi l’Eglise qui se réunit chez eux » (Rm 16, 3-5). Quel extraordinaire éloge des deux conjoints dans ces paroles! Et c’est l’apôtre Paul lui-même qui le fait. Il reconnaît explicitement en eux deux véritables et importants collaborateurs de son apostolat. La référence au fait d’avoir risqué la vie pour lui est probablement liée à des interventions en sa faveur au cours d’un de ses emprisonnements, peut-être à Ephèse même (cf. Ac 19, 23; 1 Co 15, 32; 2 Co 1, 8-9). Et le fait qu’à sa gratitude, Paul associe même celle de toutes les Eglises des gentils, tout en considérant peut-être l’expression quelque peu excessive, laisse entrevoir combien leur rayon d’action a été vaste, ainsi, en tous cas que leur influence en faveur de l’Evangile.
La tradition hagiographique postérieure a conféré une importance particulière à Priscille, même s’il reste le problème de son identification avec une autre Priscille martyre. Dans tous les cas, ici, à Rome, nous avons aussi bien une église consacrée à Sainte Prisca sur l’Aventin que les catacombes de Priscille sur la Via Salaria. De cette façon se perpétue la mémoire d’une femme, qui a été certainement une personne active et d’une grande valeur dans l’histoire du christianisme romain. Une chose est certaine:  à la gratitude de ces premières Eglises, dont parle saint Paul, doit s’unir la nôtre, car c’est grâce à la foi et à l’engagement apostolique de fidèles laïcs, de familles, d’époux comme Priscille et Aquilas, que le christianisme est parvenu à notre génération. Il ne pouvait pas croître uniquement grâce aux Apôtres qui l’annonçaient. Pour s’enraciner dans la terre du peuple, pour se développer de façon vivante, était nécessaire l’engagement de ces familles, de ces époux, de ces communautés chrétiennes, et de fidèles laïcs qui ont offert l’ »humus » à la croissance de la foi. Et c’est toujours et seulement ainsi que croît l’Eglise. En particulier, ce couple démontre combien l’action des époux chrétiens est importante. Lors-qu’ils sont soutenus par la foi et par une forte spiritualité, leur engagement courageux pour l’Eglise et dans l’Eglise devient naturel. Leur vie commune quotidienne se prolonge et en quelque sorte s’élève en assumant une responsabilité commune en faveur du Corps mystique du Christ, ne fût-ce qu’une petite partie de celui-ci. Il en était ainsi dans la première génération et il en sera souvent ainsi.
Nous pouvons tirer une autre leçon importante de leur exemple:  chaque maison peut se transformer en une petite Eglise. Non seulement dans le sens où dans celle-ci doit régner le typique amour chrétien fait d’altruisme et d’attention réciproque, mais plus encore dans le sens où toute la vie familiale sur la base de la foi, est appelée à tourner autour de l’unique domination de Jésus Christ. Ce n’est pas par hasard que dans la Lettre aux Ephésiens, Paul compare la relation matrimoniale à la communion sponsale qui existe entre le Christ et l’Eglise (cf. Eph 5, 25-33). Nous pourrions même considérer que l’Apôtre façonne indirectement la vie de l’Eglise tout entière sur celle de la famille. Et en réalité, l’Eglise est la famille de Dieu. Nous honorons donc Aquilas et Priscille comme modèles d’une vie conjugale engagée de façon responsable au service de toute la communauté chrétienne. Et nous trouvons en eux le modèle de l’Eglise, famille de Dieu pour tous les temps.

CÉLÉBRATION DES PREMIÈRES VÊPRES DE LA SOLENNITÉ DE SAINTS APÔTRES PIERRE ET PAUL, À L’OCCASION DE L’INAUGURATION DE L’ANNÉE PAULINIENNE – HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI (2008)

28 juin, 2013

 http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/homilies/2008/documents/hf_ben-xvi_hom_20080628_vespri_fr.html

CÉLÉBRATION DES PREMIÈRES VÊPRES DE LA SOLENNITÉ DE SAINTS APÔTRES PIERRE ET PAUL, À L’OCCASION DE L’INAUGURATION DE L’ANNÉE PAULINIENNE

HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI

Basilique Saint-Paul-hors-les-Murs
Samedi 28 juin 2008

 Votre Sainteté et chers délégués fraternels,
Messieurs les cardinaux,
Vénérés frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,
Chers frères et sœurs,

Nous sommes réunis auprès de la tombe de saint Paul, qui naquit il y a deux mille ans à Tarse de Cilicie, dans l’actuelle Turquie. Qui était ce Paul? Dans le temple de Jérusalem, devant la foule agitée qui voulait le tuer, il se présente lui-même avec ces mots:  « Je suis juif:  né à Tarse, en Cilicie, mais élevé ici dans cette ville [Jérusalem], j’ai reçu, à l’école de Gamaliel, un enseignement strictement conforme à la Loi de nos pères; je défendais la cause de Dieu avec une ardeur jalouse… » (Ac 22, 3). A la fin de son chemin, il dira de lui-même:  « J’ai reçu la charge… [d'enseigner] aux nations païennes la foi et la vérité » (1 Tm 2, 7; cf. 2 Tm 1, 11). Maître des nations, apôtre et annonciateur de Jésus Christ, c’est ainsi qu’il se décrit lui-même en regardant rétrospectivement le parcours de sa vie. Mais avec cela, son regard ne va pas seulement vers le passé. « Maître des nations » – cette parole s’ouvre à l’avenir, vers tous les peuples et toutes les générations. Paul n’est pas pour nous une figure du passé, que nous rappelons avec vénération. Il est également notre maître, pour nous aussi apôtre et annonciateur de Jésus Christ.
Nous sommes donc réunis non pour réfléchir sur une histoire passée, irrévocablement révolue. Paul veut parler avec nous – aujourd’hui. C’est pourquoi j’ai voulu promulguer cette « Année paulinienne » spéciale:  pour écouter et pour apprendre à présent de lui, qui est notre maître, « la foi et la vérité », dans lesquelles sont enracinées les raisons de l’unité parmi les disciples du Christ. Dans cette perspective, j’ai voulu allumer, pour ce bimillénaire de la naissance de l’Apôtre, une « Flamme paulinienne » spéciale, qui restera allumée pendant toute l’année dans un brasero spécifique placé dans le quadriportique de la Basilique. Pour conférer de la solennité à cet événement, j’ai également inauguré la « Porte paulinienne », à travers laquelle je suis entré dans la Basilique accompagné par le Patriarche de Constantinople, par le cardinal archiprêtre et par les autres autorités religieuses. C’est pour moi un motif de joie profonde que l’ouverture de l’ »Année paulinienne » assume un caractère œcuménique, en raison de la présence de nombreux délégués et représentants d’autres Eglises et communautés ecclésiales, que j’accueille le cœur ouvert. Je salue tout d’abord Sa Sainteté le Patriarche Bartholomaios I et les membres de la délégation qui l’accompagne, ainsi que le groupe nombreux de laïcs qui, de différentes parties du monde, sont venus à Rome pour vivre avec Lui et avec nous tous, ces moments de prière et de réflexion. Je salue les délégués fraternels des Eglises qui ont un lien particulier avec l’Apôtre Paul – Jérusalem, Antioche, Chypre, Grèce – et qui forment le cadre géographique de la vie de l’Apôtre avant son arrivée à Rome. Je salue cordialement les frères des différentes Eglises et communautés ecclésiales d’Orient et d’Occident, en même temps que vous tous qui avez voulu prendre part à cette ouverture solennelle de l’ »Année » consacrée à l’Apôtre des Nations.
Nous sommes donc ici rassemblés pour nous interroger sur le grand Apôtre des Nations. Nous nous demandons non seulement:  qui était Paul? Nous nous demandons surtout:  Qui est Paul? Que me dit-il? En cette heure, au début de l’ »Année paulinienne » que nous inaugurons, je voudrais choisir dans le riche témoignage du Nouveau Testament trois textes, dans lesquels apparaît sa physionomie intérieure, la spécificité de son caractère. Dans la Lettre aux Galates, il nous a offert une profession de foi très personnelle, dans laquelle il ouvre son cœur aux lecteurs de tous les temps et révèle quelle est l’impulsion la plus profonde de sa vie. « Je vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et qui s’est livré pour moi » (Ga 2, 20). Tout ce que Paul accomplit part de ce centre. Sa foi est l’expérience d’être aimé par Jésus Christ de manière tout à fait personnelle; elle est la conscience du fait que le Christ a affronté la mort non pour quelque chose d’anonyme, mais par amour pour lui – de Paul – et que, en tant que Ressuscité, il l’aime toujours, c’est-à-dire que le Christ s’est donné pour lui. Sa foi est le fait d’être frappé par l’amour de Jésus Christ, un amour qui le bouleverse jusqu’au plus profond de lui-même et qui le transforme. Sa foi n’est pas une théorie, une opinion sur Dieu et sur le monde. Sa foi est l’impact de l’amour de Dieu sur son cœur. Et ainsi, cette foi est l’amour pour Jésus Christ.
Paul est présenté par de nombreuses personnes comme un homme combatif qui sait manier l’épée de la parole. De fait, sur son parcours d’apôtre les disputes n’ont pas manqué. Il n’a pas recherché une harmonie superficielle. Dans la première de ses Lettres, celle qui s’adresse aux Thessaloniciens, il dit:  « Nous avons cependant trouvé l’assurance qu’il fallait pour vous annoncer, au prix de grandes luttes, l’Evangile de Dieu… Jamais, vous le savez, nous n’avons eu un mot de flatterie » (1 Th 2, 2.5). Il considérait que la vérité était trop grande pour être disposé à la sacrifier en vue d’un succès extérieur. La vérité dont il avait fait l’expérience dans la rencontre avec le Ressuscité méritait pour lui la lutte, la persécution, la souffrance. Mais ce qui le motivait au plus profond, était d’être aimé par Jésus Christ et le désir de transmettre cet amour aux autres. Paul était un homme capable d’aimer, et toute son œuvre et sa souffrance ne s’expliquent qu’à partir de ce centre. Les concepts de base de son annonce se comprennent uniquement à partir de celui-ci. Prenons seulement l’une de ses paroles-clés:  la liberté. L’expérience d’être aimé jusqu’au bout par le Christ lui avait ouvert les yeux sur la vérité et sur la voie de l’existence humaine – cette expérience embrassait tout. Paul était libre comme un homme aimé par Dieu qui, en vertu de Dieu, était en mesure d’aimer avec Lui. Cet amour est à présent la « loi » de sa vie et il en est précisément ainsi de la liberté de sa vie. Il parle et agit, mû par la responsabilité de la liberté de l’amour. Liberté et responsabilité sont liées ici de manière inséparable.  Se  trouvant dans la responsabilité de l’amour, il est libre; étant quelqu’un qui aime, il vit totalement dans la responsabilité de cet amour et ne prend pas la liberté comme prétexte pour l’arbitraire et l’égoïsme. C’est dans le même esprit qu’Augustin a formulé la phrase devenue ensuite célèbre:  Dilige et quod vis fac (Tract. in 1Jo 7, 7-8) – aime et fais ce que tu veux. Celui qui aime le Christ comme Paul l’a aimé peut vraiment faire ce qu’il veut, car son amour est uni à la volonté du Christ et donc à la volonté de Dieu; car sa volonté est ancrée à la vérité et parce que sa volonté n’est plus simplement sa volonté, arbitre du moi autonome, mais qu’elle est intégrée dans la liberté de Dieu et apprend de celle-ci le chemin à parcourir.
Dans  la  recherche  du  caractère intérieur de saint Paul je voudrais, en deuxième lieu, rappeler la parole que le Christ ressuscité lui adressa sur la route de Damas. Le Seigneur lui demande d’abord:  « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu? ». A la question:  « Qui es-tu, Seigneur? », est donnée la réponse:  « Je suis Jésus, celui que tu persécutes » (Ac 9, 4). En persécutant l’Eglise, Paul persécute Jésus lui-même:  « Tu me persécutes ». Jésus s’identifie avec l’Eglise en un seul sujet. Dans cette exclamation du Ressuscité, qui transforma la vie de Saul, est au fond désormais contenue toute la doctrine sur l’Eglise comme Corps du Christ. Le Christ ne s’est pas retiré au ciel, en laissant sur la terre une foule de fidèles qui soutiennent « sa cause ». L’Eglise n’est pas une association qui veut promouvoir une certaine cause. Dans celle-ci, il ne s’agit pas d’une cause. Dans celle-ci il s’agit de la personne de Jésus Christ, qui également en tant que Ressuscité est resté « chair ». Il a la « chair et les os » (Lc 24, 39), c’est ce qu’affirme le Ressuscité dans Luc, devant les disciples qui l’avaient pris pour un fantôme. Il a un corps. Il est personnellement présent dans son Eglise, « Tête et Corps » forment un unique sujet dira saint Augustin. « Ne le savez-vous pas? Vos corps sont les membres du Christ », écrit Paul aux Corinthiens (1 Co 6, 15). Et il ajoute:  de même que, selon le Livre de la Genèse, l’homme et la femme deviennent une seule chair, ainsi le Christ devient un seul esprit avec les siens, c’est-à-dire un unique sujet dans le monde nouveau de la résurrection (cf. 1 Co 6, 16sq). Dans tout cela transparaît le mystère eucharistique, dans lequel l’Eglise donne sans cesse son Corps et fait de nous son Corps:  « Le pain que nous rompons, n’est-il pas communion au corps du Christ? Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps, car nous avons tous part à un seul pain » (1 Co 10, 16sq). En ce moment, ce n’est pas seulement Paul, mais le Seigneur lui-même qui s’adresse à nous:  Comment avez-vous pu laisser déchirer mon Corps? Devant le visage du Christ, cette parole devient dans le même temps une question urgente:  Réunis-nous tous hors de toute division. Fais qu’aujourd’hui cela devienne à nouveau la réalité:  Il y a un unique pain, et donc, bien qu’étant nombreux, nous sommes un unique corps. Pour Paul, la parole sur l’Eglise comme Corps du Christ n’est pas une comparaison quelconque. Elle va bien au-delà d’une comparaison:  « Pourquoi me persécutes-tu? » Le Christ nous attire sans cesse dans son Corps à partir du centre eucharistique, qui pour Paul est le centre de l’existence chrétienne, en vertu duquel tous, ainsi que chaque individu, peuvent faire de manière personnelle l’expérience suivante:  Il m’a aimé et s’est donné lui-même pour moi.
Je voudrais conclure par l’une des dernières  paroles  de  saint  Paul, une exhortation à Timothée de la prison, face à la mort:  « Prends ta part de souffrance pour l’annonce de l’Evangile », dit l’apôtre à son disciple (2 Tm 1, 8). Cette parole, qui se trouve à la fin des chemins parcourus par l’apôtre, comme un testament renvoie en arrière, au début de sa mission. Alors qu’après sa rencontre avec le Ressuscité, Paul, aveugle, se trouvait dans sa maison de Damas, Ananie reçut le mandat d’aller chez le persécuteur craint et de lui imposer les mains, pour qu’il retrouve la vue. A Ananie, qui objectait que ce Saul était un dangereux persécuteur des chrétiens, il fut répondu:  Cet homme doit faire parvenir mon nom auprès des peuples et des rois. « Et moi, je lui ferai découvrir tout ce qu’il lui faudra souffrir pour mon Nom » (Ac 9, 15sq). La charge de l’annonce et l’appel à la souffrance pour le Christ vont de pair inséparablement. L’appel à devenir le maître des nations est dans le même temps et intrinsèquement un appel à la souffrance dans la communion avec le Christ, qui nous a rachetés à travers sa Passion. Dans un monde où le mensonge est puissant, la vérité se paye par la souffrance. Celui qui veut éviter la souffrance, la garder loin de lui, garde loin de lui la vie elle-même et sa grandeur; il ne peut pas être un serviteur de la vérité et donc un serviteur de la foi. Il n’y a pas d’amour sans souffrance – sans la souffrance du renoncement à soi-même, de la transformation et de la purification du moi pour la véritable liberté. Là où il n’y a rien qui vaille la peine de souffrir, la vie elle-même perd sa valeur. L’Eucharistie – le centre de notre être chrétiens – se fonde sur le sacrifice de Jésus pour nous, elle est née de la souffrance de l’amour, qui a atteint son sommet dans la Croix. Nous vivons de cet amour qui se donne. Il nous donne le courage et la force de souffrir avec le Christ et pour Lui dans ce monde, en sachant que précisément ainsi notre vie devient grande, mûre et véritable. A la lumière de toutes les lettres de saint Paul, nous voyons que sur son chemin de maître des nations s’est accomplie la prophétie faite à Ananie à l’heure de l’appel:  « Et moi je lui ferai découvrir tout ce qu’il lui faudra souffrir pour mon Nom ». Sa souffrance le rend crédible comme maître de vérité, qui ne cherche pas son propre profit, sa propre gloire, la satisfaction personnelle, mais qui s’engage pour Celui qui nous  a  aimés et qui s’est donné lui-même pour nous tous.
En cette heure, nous rendons grâce au Seigneur, car il a appelé Paul, le rendant lumière des nations et notre maître à tous, et nous le prions:  Donne-nous aujourd’hui aussi des témoins de la résurrection, touchés par ton amour et capables d’apporter la lumière de l’Evangile dans notre temps. Saint Paul, prie pour nous! Amen.

PIERRE ET PAUL AUX ORIGINES DE L’ÉGLISE DE ROME – PAUL POUPARD

27 juin, 2013

http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/pierre_et_paul_aux_origines_de_l_eglise_de_rome.asp

PIERRE ET PAUL AUX ORIGINES DE L’ÉGLISE DE ROME

PAUL POUPARD

Président du Conseil pontifical de la culture

Depuis la première année sainte de l’Église de Boniface VIII en 1300, les temps ont bien changé, comme le visage de Rome qui accueille les pèlerins. Mais la démarche demeure la même : aller prier aux Limina Apostolorum, ou « Mémoires des apôtres », ces lieux sacrés de Rome où sont conservés et vénérés les tombeaux des apôtres Pierre et Paul, grâce auxquels la Ville est devenue le centre de l’unité catholique. Dès le IIe siècle, les fidèles se rendent à Rome pour voir et vénérer les trophées des apôtres Pierre et Paul, et contempler sa basileia, sa royale majesté. Au IVe siècle, le pèlerinage de Rome devient en Occident le parallèle de celui qui, en Orient, conduisait à Jérusalem au tombeau du Seigneur.
C’est parce que Pierre est venu à Rome et qu’il y a été enseveli après son martyre qu’irrésistiblement les pèlerins ont afflué vers Saint-Pierre, lieu de sa sépulture, et que le pape, son successeur, s’est établi à son voisinage. Les deux faits ont la même origine. L’emplacement de la basilique Saint-Pierre n’a pas été choisi arbitrairement. L’édifice s’élève au-dessus de la tombe ; très précisément, le cœur de la basilique, l’autel de la confession, a été édifié au-dessus de sa sépulture. Son Éminence le Cardinal Paul Poupard, président du Conseil pontifical de la culture et auteur de Rome Pèlerinage (Bayard-L’Emmanuel, 1997) relate ici comment la tradition et les épîtres de la fin du Ier siècle se sont trouvées confirmées par les fouilles archéologiques menées depuis 1940 dans les Grottes vaticanes et à Saint-Paul-hors-les-Murs.

Le témoignage de la tradition
Une tradition immémoriale affirme que Pierre, venu à Rome implanter l’Église au cœur de l’empire y périt martyr. Que pouvons-nous dire de sûr à ce sujet à la lumière de l’histoire et de l’archéologie ? Les zones d’ombre se sont progressivement réduites depuis que le pape Pie XII fit entreprendre des travaux gigantesques, à l’occasion de la sépulture de son prédécesseur, le pape Pie XI.
Une première constatation s’impose, et elle est capitale. Aucune voix ne s’est jamais élevée dans l’Antiquité contre cette croyance du martyre de Pierre à Rome. Cet argument a silentio, du silence, a une grande force. Quant aux textes allégués en faveur de la tradition, il s’agit de l’épître de saint Clément de Rome aux Corinthiens et de l’Épître aux Romains de saint Ignace d’Antioche.
Clément, l’évêque de Rome, écrit aux Corinthiens vers la fin du Ier siècle pour apaiser les dissensions qui divisaient la communauté chrétienne. Dans sa lettre, il évoque la multitude innombrable des fidèles qui ont péri à Rome pendant la persécution de Néron, et en particulier les apôtres Pierre et Paul : « Jetons les yeux sur nos excellents apôtres : Pierre qui, victime d’une injuste jalousie, souffrit non pas une ou deux, mais de nombreuses fatigues et qui, après avoir rendu son témoignage, s’en est allé au séjour de gloire qui lui était dû. C’est par suite de la jalousie et de la discorde que Paul a montré le prix de la patience […] et, ayant rendu son témoignage devant ceux qui gouvernent, il a quitté le monde et s’en est allé au saint lieu ». Clément a peut-être connu personnellement les deux apôtres. Des allusions de sa lettre on peut légitimement déduire que c’est Rome qu’il évoque, cette ville dont il est l’évêque et d’où il écrit.
C’est de Smyrne qu’Ignace, évêque d’Antioche en Syrie, écrit son épître aux Romains, sous le règne de Trajan, peut-être en 107. « Je ne vous donne pas des ordres, leur écrit-il, comme Pierre et Paul ; ils étaient des apôtres, et moi, je ne suis qu’un condamné ; ils étaient libres, et moi, jusqu’à présent, je suis esclave ; mais si je souffre, je deviendrai un affranchi de Jésus-Christ en qui je ressusciterai libre ». On ne peut qu’être frappé par la mention conjointe des deux apôtres, à qui Ignace rendra bientôt témoignage, à Rome précisément, par son propre martyre.
Au début du IIIe siècle apparaît la tradition selon laquelle l’apôtre Pierre aurait été crucifié la tête en bas, comme le pèlerin peut le voir sur un très beau relief du XVe siècle dans les Grottes vaticanes. La cruauté de Néron rend ce supplice possible, mais rien ne permet de l’affirmer avec certitude. Par contre, c’est sur des bases solides que repose la tradition du martyre et de la sépulture de Pierre au Vatican pendant la persécution de Néron, décrite par une célèbre page des Annales de Tacite. Après l’incendie criminel de l’an 64, il ne subsistait à Rome aucun autre lieu capable d’abriter de tels sinistres et grandioses spectacles. Le Circus Maximus avait été endommagé par le feu et le Circus Flaminius était trop petit. Les Romains avaient coutume de placer les croix des condamnés le long des voies. On peut penser que celle de Pierre a été dressée, avec d’autres mentionnées par Tacite, le long d’une de ces routes au voisinage du cirque.
Quant à la tradition bien affirmée de la sépulture de Pierre au Vatican, le premier document qui l’atteste est un célèbre passage de Gaïus, que nous a conservé l’historien Eusèbe. Celui-ci, dans son Histoire ecclésiastique, rapporte la polémique de ce docte prêtre romain avec Proclus, membre de la secte hérétique montaniste, dans les dernières années du IIe ou les premières années du IIIe siècle. Pour affaiblir l’autorité de l’Église romaine, Proclus exaltait la présence en Asie Mineure de la tombe de l’apôtre Philippe et d’autres grands personnages de la chrétienté primitive. Gaïus répliqua avec force : « Mais moi, je puis te montrer les trophées des saints apôtres. En effet, si tu veux te rendre au Vatican ou sur la voie d’Ostie, tu trouveras les trophées de ceux qui ont fondé cette Église ». Gaïus parle de « trophées ». On ne peut réduire la signification de ce terme à de simples monuments commémoratifs, dans ce contexte polémique qui oppose ces trophées à des insignes tombes d’Asie Mineure. Le raisonnement, autrement, serait sans aucune portée. Il s’agit d’un mot grec, tropaion, qui signifie « monument de victoire », entendons ici de la victoire obtenue par les deux martyrs au nom de Jésus-Christ : en subissant la mort, ils entraient victorieusement dans la vie avec le Ressuscité.
Ainsi, dès la fin du IIe siècle apparaît le ferme témoignage que Pierre avait au Vatican sa tombe glorieuse, comme Paul avait la sienne sur la voie d’Ostie. Dans le Vatican de Néron, un monument s’imposait par son importance. C’était le cirque commencé par l’empereur Caligula (37-41) et terminé par Néron (54-68). Les fouilles ont pu le localiser le long du côté sud de l’actuelle basilique Saint-Pierre, entre l’Arco delle Campane et la Piazza di Santa Marta, c’est-à-dire à ga ornement était l’obélisque dressé en son centre, que, d’après Pline l’Ancien, Caligula avait fait venir tout exprès d’Égypte. C’est ce même obélisque que le pèlerin peut contempler aujourd’hui au centre de la place Saint-Pierre, où il fut transféré en 1586 par l’architecte Domenico Fontana sur l’ordre du pape Sixte Quint. Les fouilles récentes ont permis de retrouver les fondations primitives de l’obélisque.
On sait aussi, grâce aux mêmes fouilles, que, dès le Ier siècle, la plaine vaticane recevait des tombes le long des voies qui la traversaient. Cet antique usage est bien attesté, comme le pèlerin le découvre en voyant les tombeaux qui bordent la via Appia. Riches et pauvres s’y côtoyaient, ces derniers se glissant dans les petits espaces demeurés libres entre les somptueux tombeaux érigés pour les patriciens romains. Rien d’étonnant à ce qu’un pauvre crucifié, reconnaissable après sa mort – il n’avait été ni défiguré par le feu, ni broyé par les fauves – soit recueilli par les fidèles et que son cadavre soit déposé dans une fosse creusée dans le sol nu.

Les fouilles de Pie XII
Le pape Pie XI avait exprimé le désir d’être enterré ad caput Sancti Petri, au plus près de la tombe de l’apôtre Pierre. Pour accéder à ce vœu, son successeur Pie XII fit entreprendre, en juillet 1940, les travaux nécessaires à la mise en place du lourd sarcophage dans les Grottes vaticanes. On appelle ainsi le sous-sol de la basilique Saint-Pierre, formé par la différence de niveau entre l’ancienne et la nouvelle basilique. Ses voûtes basses, supportées par des pilastres qui le divisent en trois nefs, soutiennent le pavement de l’édifice actuel. À peine eut-on atteint 0,20 m de profondeur, au cours des travaux, qu’apparut le pavement de l’ancienne basilique constantinienne, puis, sous ce pavement, un grand nombre de sépultures chrétiennes. En creusant plus profondément, on découvrit des murs de fondation de l’antique sanctuaire et une nécropole romaine – celle-ci peut se visiter aujourd’hui en obtenant une autorisation préalable – que la construction de ce dernier avait ensevelie.
L’exploitation scientifique de ce chantier d’une ampleur imprévue devait fournir des informations importantes et incontestées. Deux campagnes de fouilles furent successivement menées, de 1939 à 1949, puis de 1953 à 1958. L’examen du sol révéla une donnée étonnante : pour créer la base nécessaire à la construction de l’édifice de Constantin, ses architectes avaient dû à la fois remplir de terre et entrecouper d’œuvres massives de soutènement une zone encore non utilisée de la nécropole, et en même temps entailler une partie de la colline du Vatican. Pourquoi Constantin avait-il choisi, pour bâtir sa basilique, un endroit déjà occupé par un cimetière, et par ailleurs si peu favorable, car le sol argileux demandait d’importants travaux de drainage et des travaux de terrassement à flanc de coteau ? Tout aurait dû lui faire écarter ce site. Tout, sauf la tradition vivante à son époque de la présence du tombeau de Pierre, tout près du lieu de son martyre.
Les pilastres qui supportent la voûte des Grottes vaticanes, sous la nef centrale de la basilique, reposent sur un fond artificiellement formé d’un mélange d’argile et de sable. L’édifice est érigé au-dessus de l’endroit où la tradition localisait la tombe de Pierre. Les fouilles ont exhumé une tombe pauvre, appelée thêta, recouverte de tuiles, dont l’une porte un sceau que l’on peut dater du règne de l’empereur Vespasien (69-79). Tout le matériel trouvé aux alentours immédiats remonte à la même époque : fragment de petite lampe portant la marque de son atelier de fabrication, morceaux de verre irisé et doré à l’égyptienne.

La nécropole païenne
Une nécropole plus récente a été mise au jour, qui remonte aux IIe et IIIe siècles. Cette nécropole païenne commença à accueillir des tombes chrétiennes, comme le révèlent les inscriptions des monuments funéraires. C’est ainsi que le petit sépulcre païen des Julii de la seconde moitié du IIe siècle se transforme en sépulcre chrétien, à la première moitié du IIIe siècle. En sa décoration lumineuse, on retrouve les scènes chères aux chrétiens. Sur les murs se succèdent les images du Bon Pasteur, du pêcheur mystique, de Jonas englouti par le monstre marin, ce qui symbolise le Christ descendu aux enfers et ressuscité après trois jours à la lumière des cieux. Et, au plafond, parmi les sarments couleur émeraude d’une vigne symbolique, s’élève, sur un quadrige tiré par des chevaux blancs, la radieuse représentation du Christ-Soleil, glorieuse image de la résurrection espérée. Le contraste est grand entre la richesse de cette décoration et l’humilité de la position de cette tombe, entre deux autres sépulcres qui l’étouffent, pour ainsi dire, à l’intérieur de la nécropole. C’est que rien n’était excessif pour décorer un édifice dont le privilège était de se trouver au voisinage immédiat de la memoria de Pierre.

La « memoria » de Pierre
Les fouilles ont en effet démontré que l’autel central de la basilique Saint-Pierre est construit exactement au-dessus de la memoriade l’apôtre. C’est Clément VIII qui l’a fait édifier (1592-1605). En descendant sous le riche baldaquin de bronze du Bernin, on remonte du flamboyant XVIe siècle renaissant vers les siècles passés, grâce aux dispositions de Jean-Paul II qui a remis en communication directe l’autel de la Confession de Pierre avec son tombeau, caché depuis cent cinquante ans par la grande statue de Pie VI à genoux, de Canova. Sous l’autel de Clément VIII se trouve un autre autel, celui de Calixte II (1119-1124), et, sous celui-ci, un autre encore, de Grégoire le Grand (590-604), encastré dans l’autel de Calixte II. En allant au-dessous, on rencontre un monument constantinien de forme quadrangulaire revêtu de marbre blanc et de porphyre rouge. Constantin l’a lui-même dédié à l’apôtre. Il remonte peut-être aux cérémonies commémoratives de la victoire décisive du pont Milvius, le 28 octobre 312.

Le Mur rouge
Entre ses murs de marbre, ce monument constantinien enferme une construction plus ancienne, un petit édicule. Considéré manifestement par l’empereur comme digne d’un exceptionnel respect, cet édicule est élevé sur une petite place rectangulaire de 8 mètres du nord au sud et de 4 mètres d’est en ouest, appelée conventionnellement par les chercheurs le campo P. Les chambres funéraires qui l’entourent remontent aux années 130 à 150. Sur le côté ouest se dresse un mur appelé Mur rouge, à cause de la couleur rouge vif dont il est peint. Derrière, un chemin – clivus – donnait accès à d’autres chambres funéraires. En dessous de ce chemin, un égout permettait l’écoulement des eaux. Les tuiles dont il est recouvert portent un sceau indiquant les propriétaires, personnages historiques bien connus, puisqu’il s’agit d’Aurelius Caesar, le futur empereur Marc Aurèle, et de sa femme, Faustina Augusta. Nous sommes donc entre 146, date à laquelle Faustina prit le nom d’Augusta, et 161, où le nouvel empereur prit le nom de Marc Aurèle.
Certaines des tombes fort modestes qui s’appuient sur le Mur rouge témoignent par leurs tuiles d’une origine antérieure. Quant au petit édicule, le plus important pour le pèlerin, il subit diverses destructions et déformations, qui n’empêchent pourtant pas une sérieuse reconstitution. Deux niches superposées sont creusées dans le Mur rouge. Entre elles s’avance, comme une table, une plaque de travertin soutenue par deux colonnettes de marbre blanc ; celle de gauche est encore bien visible dans la maçonnerie ajoutée à une époque postérieure. Dans le pavé, une ouverture fermée par une dalle, et d’une orientation différente, donnait sur une sorte de cachette doublée de petites plaques de marbre, où l’on a retrouvé des ossements, des restes de vieilles étoffes, des morceaux de verre, des pièces de monnaie. Nul doute qu’on y ait déposé quelques restes alors jugés dignes du plus grand respect.

Le trophée de Gaïus
Si tous les archéologues ne s’accordent pas en tout point, le pèlerin peut du moins avoir la certitude, en ce lieu sacré, de l’existence d’un édicule construit dans la nécropole vaticane vers 160, et inclus par Constantin dans son monument érigé en mémoire de saint Pierre. Il s’agit sans aucun doute du fameux trophée dont parlait le prêtre Gaïus quelques années plus tard. L’identité de l’édicule du Mur rouge et de ce trophée est désormais admise par tous les savants. Cet édicule n’a pu être construit en ce point que fort malaisément. Une raison impérieuse commandait donc de le situer là, et non pas ailleurs. Quelle autre raison, pour ce point précis, sinon la présence en ce lieu d’une dépouille mortelle déjà vénérée en cet endroit même ?
Peut-on aller plus loin et assurer avec certitude que la tombe de Pierre existait réellement sous l’édicule ? Les fouilles ont révélé des indices d’une fosse antique, dont l’orientation est la même que celle de l’ouverture dont nous avons parlé plus haut, et qui est différente de celle de l’édicule lui-même. Les ossements humains qui ont été retrouvés sous les fondations du Mur rouge n’ont, à l’examen scientifique, révélé aucun rapport avec l’apôtre Pierre. Mais à l’intérieur du monument constantinien, les fouilles ont fait apparaître en 1941 un loculus large de 0,77 m sur 0,29 et haut de 0,315, revêtu à l’intérieur de bandes de marbre grec, creusé dans le mur préexistant, le mur G pour les spécialistes, postérieur au Mur rouge, mais antérieur au monument constantinien qui l’a respecté et inclus. Il contenait, lors de l’inventaire, du plâtras tombé de haut, jusqu’à mi-hauteur, avec des ossements qui y étaient mêlés. On recueillit ces ossements dans une petite caisse de bois et on les déposa dans un lieu voisin situé dans les Grottes vaticanes.

La cachette et la caissette
Aussi surprenant que la chose paraisse, ils y restèrent longtemps oubliés ! Et devant la cachette vide, les spécialistes formulèrent naturellement l’hypothèse qu’elle avait été destinée à recevoir les restes de Pierre. Ainsi s’exprimèrent le père Antoine Ferma en 1952, Jérôme Carcopino en 1953, le père Engelbert Kirschbaum et Pascal Testini en 1957. C’est Margherita Guarducci qui redécouvrit en 1953 la caissette de bois contenant le matériel prélevé dans la cachette. Outre les os, elle contenait aussi de la terre, des fragments de plâtre rouge, de petits restes d’étoffe précieuse et deux fragments de marbre. Tout cela fut confié à l’examen scientifique du professeur Venerando Correnti. Après une longue et minutieuse analyse, le savant conclut, en juin 1963, que les ossements appartenaient à un seul individu de sexe masculin, de constitution robuste, âgé au moment de sa mort de soixante à soixante-dix ans. Les analyses expérimentales du tissu mêlé à la terre révélèrent de l’or authentique, de l’étoffe teinte de vraie pourpre, et de la terre analogue à celle du lieu.

Conclusions de l’enquête
Cette enquête permet de conclure, en récapitulant les données de l’analyse. Selon une tradition séculaire, Pierre vint à Rome et y subit le martyre sous le règne de Néron dans les jardins du Vatican, près du cirque impérial, situé le long du côté sud de la basilique actuelle. L’existence dans la nécropole voisine de tombes chrétiennes dans un cimetière païen s’explique par la conviction que la sépulture de Pierre était dans le voisinage immédiat. Seule cette conviction explique qu’aient été affrontées les difficultés énormes pour ériger en cet endroit la basilique constantinienne, malgré la nécessité de bousculer des tombes et d’opérer des travaux de terrassement considérables, à mi-pente de la colline. Le monument constantinien en l’honneur de Pierre était donc considéré comme le sépulcre du martyr. À l’intérieur de ce monument-sépulcre, le loculus creusé dans le mur G fut revêtu de marbre à l’époque de Constantin, et ne fut jamais violé jusqu’à sa découverte en 1941, lors des fouilles entreprises sur l’ordre du pape Pie XII.
De ce loculus proviennent les ossements conservés dans un lieu voisin, où ils furent repris en 1953. Ces ossements sont donc ceux qui, au temps même de Constantin, ont été considérés comme les restes mortels du saint apôtre Pierre. Leur examen anthropologique le confirme. Le tissu de pourpre tissé de fils d’or dans lequel ils furent enveloppés atteste la haute dignité qu’on leur attribuait, en parfaite consonance avec le porphyre royal qui ornait l’extérieur du monument. La terre qui les entoure comme d’une croûte s’est révélée à l’examen pétrographique correspondre au sable marneux où fut creusée la tombe primitive, alors qu’en d’autres lieux du Vatican la terre est constituée d’argile bleue ou de sable jaune.
Tous ces éléments forment entre eux comme les anneaux d’une chaîne qui conduit à identifier ce qui a été conservé des ossements de Pierre. Ce fut, après examen personnel, la conviction du pape Paul VI, qui déclara en célébrant les saints apôtres Pierre et Paul, le 29 juin 1976 :
« Pour ce qui est de saint Pierre, nous avons la chance d’être parvenus à cette certitude – annoncée par Pie XII, notre prédécesseur de vénérée mémoire – que la tombe de saint Pierre est ici, en ce vénérable lieu où a été construite cette solennelle basilique qui lui est consacrée et où nous sommes rassemblés en ce moment dans la prière. »

Pierre et Paul
On ne peut dissocier Pierre et Paul. L’Église de Rome a été fondée par les deux apôtres. L’un et l’autre y sont morts martyrs. Et le pèlerinage le plus antique conduit à vénérer leurs restes mortels. L’histoire de Saint-Paul-hors-les-Murs, pour être moins complexe que celle de la basilique Saint-Pierre, n’en est pas moins ténébreuse. Le pèlerin qui arrive à la moderne basilique ne soupçonne rien des siècles passés, puisqu’un malencontreux incendie détruisit les 15 et 16 juillet 1823 presque entièrement la première basilique.
Comment pouvons-nous reconstituer l’histoire ? Paul, l’apôtre des Gentils, appartient à une famille d’origine juive, établie à Tarse en Cilicie, – la Turquie actuelle – où elle a acquis droit de cité romain. Après ses voyages missionnaires, il va porter le produit d’une collecte à Jérusalem. Poursuivi par le ressentiment tenace des Juifs, il est arrêté et conduit à Césarée devant le procurateur Félix. Celui-ci le garde prisonnier pendant deux ans. Devant Festus qui lui succède, Paul en appelle à César, puisqu’il est citoyen romain. C’est en 60 qu’il arrive à Rome, après un naufrage sur les rivages de Malte. De 61 à 63, il jouit de ce qu’on appelle la custodia libera, ce qui lui permet d’écrire plusieurs de ses épîtres et d’annoncer le royaume de Dieu avec assurance. Fit-il, de 63 à 66, une dernière tournée apostolique en Orient ou vers l’Espagne ? Rien ne permet de répondre à cette question. En 66, en tout cas, il est de nouveau prisonnier à Rome. Et il a la tête tranchée sur la route de Rome à Ostie, en 67.

Le témoignage de Luc
Il vaut la peine de relire, après le récit de la tempête et du naufrage que nous a laissé saint Luc, auteur des Actes des Apôtres, l’évocation de l’arrivée à Rome et la prédication de l’apôtre intrépide, au cœur de l’empire romain. C’est sur cette page missionnaire que se termine la grande fresque des Actes des Apôtres brossée par le médecin compagnon de Paul.
« C’est trois mois plus tard que nous avons pris la mer sur un bateau qui avait hiverné dans l’île ; il était d’Alexandrie et portait les Dioscures comme enseigne. Nous avons débarqué à Syracuse pour une escale de trois jours. De là, bordant la côte, nous avons gagné Reggio. Le lendemain, le vent du sud s’est levé et nous sommes arrivés en deux jours à Pouzzoles. Nous avons trouvé là des frères qui nous ont invités à passer une semaine chez eux. Voilà comment nous sommes allés à Rome. Depuis cette ville, les frères qui avaient appris notre arrivée sont venus à notre rencontre jusqu’au Forum d’Appius et aux Trois-Tavernes. Quand il les vit, Paul rendit grâces à Dieu : il avait repris confiance.
Lors de notre arrivée à Rome, Paul avait obtenu l’autorisation d’avoir un domicile personnel, avec un soldat pour le garder. Trois jours plus tard, il invita les notables juifs à s’y retrouver. Quand ils furent réunis, il leur déclara :

« Frères, moi qui n’ai rien fait contre notre peuple ou contre les règles reçues de nos pères, je suis prisonnier depuis qu’à Jérusalem j’ai été livré aux mains des Romains. Au terme de leur enquête, ces derniers voulaient me relâcher, car il n’y avait rien dans mon cas qui mérite la mort. Mais l’opposition des Juifs m’a contraint de faire appel à l’empereur sans avoir pour autant l’intention de mettre en cause ma nation. Telle est la raison pour laquelle j’ai demandé à vous voir et à m’entretenir avec vous. En réalité, c’est à cause de l’espérance d’Israël que je porte ces chaînes… »
Ils lui répondirent : « Nous n’avons reçu, quant à nous, aucune lettre de Judée à ton sujet, et aucun frère à son arrivée ne nous a fait part d’un rapport ou d’un bruit fâcheux sur ton compte. Mais nous demandons à t’entendre exposer toi-même ce que tu penses : car, pour ta secte, nous savons bien qu’elle rencontre partout l’opposition ».
Ayant convenu d’un jour avec lui, ils vinrent le retrouver en plus grand nombre à son domicile. Dans son exposé, Paul rendait témoignage au Règne de Dieu et, du matin au soir, il s’efforça de les convaincre, en parlant de Jésus, de sortir de la loi de Moïse et des prophètes. Les uns étaient convaincus par ce qu’il disait, les autres refusaient de croire…
Paul vécut ainsi deux années entières à ses frais et il recevait tous ceux qui venaient le trouver, « proclamant le Règne de Dieu et enseignant ce qui concerne le Seigneur Jésus-Christ avec une entière assurance et sans entraves » (Actes 28, 11-31).

La via Appia
Je n’ai jamais pu fouler les pavés de l’antique voie appienne, la via Appia, sans évoquer cette arrivée à Rome du vigoureux apôtre, épuisé par les épreuves, prisonnier entravé par les chaînes du Christ, mais toujours intrépide pour annoncer l’Évangile. De longue date, il avait désiré voir Rome pour porter la bonne nouvelle dans ce haut lieu de l’empire.
Des riches patriciens ou des pauvres esclaves, qui pouvait se soucier du petit Juif arrivant avec d’autres prisonniers, encadrés par un détachement de soldats, dans le va-et-vient de la grande foule cosmopolite vaquant à ses affaires et à ses plaisirs ? Selon l’usage, Paul passa sans doute dix jours au corps de garde du camp des prétoriens sur le mont Coelius. Burrhus, préfet des prétoriens, autrement dit le chef de la police impériale, ayant pu se convaincre de la véracité du bon témoignage rendu au prisonnier par le gouverneur Festus, l’autorisa à prendre un logement hors du camp, avec toujours son bras droit enchaîné au bras gauche du soldat chargé de le garder.

Martyre et sépulture
Dans les Actes, saint Luc rapporte le séjour romain de Paul et son annonce de l’Évangile, d’abord aux Juifs, jusqu’à la fin abrupte du récit. La seule chose qui soit certaine sur cette période de captivité est l’écriture, par l’apôtre, des lettres aux Colossiens, aux Éphésiens et à Philémon. Dans cette considérable marge d’incertitudes et d’hypothèses, il semble prudent d’admettre que Pierre vint à Rome alors que Paul, contre lequel aucune charge n’avait été retenue, avait fini par être libéré ; que Paul y revint après son dernier périple missionnaire, après aussi les hécatombes de Néron, où Pierre avait péri crucifié et avait été furtivement enseveli un soir d’automne par quelques fidèles. En arrivant à Rome vers l’année 67, Paul trouvait une communauté chrétienne décimée et humiliée. Quelles que soient les conditions de son retour, il ne dut pas enseigner longtemps sans être dénoncé et arrêté. C’est alors qu’il aurait dicté sa dernière lettre à Timothée, comme son testament spirituel. Condamné, Paul devait avoir la tête tranchée, supplice réservé aux citoyens romains. D’après le témoignage d’Eusèbe, son martyre eut lieu la quatorzième année du règne de Néron, soit entre juillet 1967 et juin 1968. La tradition rapporte que la tête, en rebondissant trois fois sur le talus, y aurait fait jaillir trois sources, nos modernes Tre Fontane. Rien ne permet d’accréditer cette version de caractère légendaire, adoptée par saint Grégoire, mort en 604.
Pour Paul comme pour Pierre, la proximité du lieu du supplice et du tombeau semble un fait historique. Pour Paul, ce lieu était voisin du Tibre, les décapitations se faisant généralement au long des fleuves. Un sarcophage de la fin du IVe siècle représente du reste la décapitation de saint Paul près d’un fleuve. Attesté dès la première moitié du IVe siècle, le culte liturgique supposait la présence d’un sanctuaire ad corpus édifié à cet endroit. Or celui-ci est situé, comme pour Pierre, dans la nécropole qui bordait la route, au milieu de tombes païennes portant des urnes, des inscriptions, des peintures et des stucs qui vont des derniers temps de la république jusqu’au IVe siècle, à deux kilomètres des murs d’Aurélien et de la porte du même nom. Sans avoir pour la sépulture de Paul les mêmes détails que pour celle de Pierre, nous avons la même certitude : la tombe de l’apôtre des Gentils se trouve au-dessous de l’autel majeur de l’actuelle basilique Saint-Paul-hors-les-Murs. Il y eut d’abord en cet endroit une construction constantinienne. Un mur c suite.

« Paulo Apostolo mart (yri) »
La construction d’une basilique monumentale sur cet emplacement remonte en 386, un demi-siècle après la mort de Constantin. Les empereurs Valentinien II, Théodose et Arcadius écrivent alors au préfet de Rome, Salluste, pour s’assurer de l’approbation du Sénat et du peuple romain pour ce projet destiné à édifier une grande basilique remplaçant celle qui avait été « anciennement » consacrée à saint Paul. À 1,37 m sous la table d’autel actuelle, une plaque de marbre de 2,12 m sur 1,27 m porte l’inscription – datant selon les uns de la première, selon les autres de la seconde moitié du IVe siècle – PAULO APOSTOLO MART. La plaque est composée de plusieurs morceaux rapportés. Seul celui qui porte le mot PAULO est muni de trois orifices, un rond et deux carrés, qui ne peuvent qu’être liés au culte funéraire de saint Paul. En effet, l’orifice rond, le seul qui n’abîme pas l’inscription, et qui donc peut lui être contemporain, est relié à un petit puits qui devait rejoindre la tombe. La présence sur le marbre des traces d’un couvercle métallique articulé, permettant d’ouvrir et de fermer à volonté l’orifice, semble bien le rapporter, ainsi que son conduit, à l’usage attesté par ailleurs aux catacombes de verser des parfums dans les tombeaux chrétiens. Un poème de Prudence, du début du Ve siècle, fait allusion à cet usage. Cependant, ce culte a ensuite changé de forme : les deux puits carrés sont venus abîmer l’inscription PAULO. Ils furent construits plus tard pour rejoindre, à des niveaux différents, le puits rond. Ainsi le bloc de maçonnerie sous-jacent a été retravaillé avant que l’on repose l’ancienne plaque, dont il est impossible, dans l’état actuel, de se représenter l’état primitif, encore qu’elle soit le témoin vénérable d’un culte vraisemblablement antérieur à la grandiose construction de 386.
Telles sont les données de l’archéologie, qui rejoignent ce qu’écrivait le prêtre Gaïus, déjà cité, dans sa lettre au montaniste Proclus : « Je puis te montrer les trophées des Apôtres. Que tu ailles au Vatican ou sur la route d’Ostie, tu y rencontreras les trophées de ceux qui ont établi l’Église romaine ».
Beaucoup d’incertitudes demeurent sur ces temps reculés. Qui furent les premiers chrétiens de Rome ? Quels ont été les premiers missionnaires ? L’histoire ne nous le dit pas. Nous savons seulement que saint Paul parle de l’Église de Rome comme d’une Église nombreuse, connue, célèbre par sa foi et ses œuvres. Quand il arrive dans la ville, saint Luc nous précise au livre des Actes des Apôtres que les frères de cette ville viennent à sa rencontre sur la voie appienne. Nous savons les martyres et la sépulture de Pierre au Vatican, ensuite de Paul sur la voie d’Ostie.
Depuis lors, comme l’assure le vieil adage, tous les chemins mènent à Rome. Et découvrir la Rome de Pierre et Paul est pour le moderne Romée une réponse au vœu de Paul : « Il faut aussi que je voie Rome » (Actes des Apôtres 19, 21).

PAUL POUPARD
AVRIL 2002

PAUL EN COMMUNION AVEC L’EGLISE DE JÉRUSALEM

26 juin, 2013

http://www.bible-service.net/extranet/current/pages/853.html

PAUL EN COMMUNION AVEC L’EGLISE DE JÉRUSALEM

Pourquoi Paul, après quatorze années d’action missionnaire, est-il monté à Jérusalem rencontrer Jacques, Pierre et Jean ?
Une question se pose au lecteur attentif : pourquoi Paul, après quatorze années d’action missionnaire, est-il monté à Jérusalem rencontrer Jacques, Pierre et Jean, figures d’autorité dans la communauté chrétienne primitive ? Paul leur reconnaît cette autorité, il les appelle donc d’abord « ceux qui sont considérés » (Ga 2,2.6), puis « ceux qui sont considérés comme des colonnes » (Ga 2,9).

Face aux apôtres de Jérusalem
Le texte de Ga 2 montre à quel point la situation était tendue : Paul monte pour « exposer » l’Évangile qu’il proclame parmi les païens. À titre de vérification, il emmène avec lui Tite qui est grec, et non circoncis. Mais il doit se garder des « faux frères qui se sont insinués, des intrus, qui espionnent notre liberté, celle que nous avons en Christ Jésus, pour nous réduire en esclavage » (2,4).

Le regard de Dieu
Au v. 6 commence une longue phrase embrouillée qui s’étend sur quatre versets, elle est « apocopée », c’est-à-dire que la construction s’interrompt brutalement pour reprendre autrement, signe de la passion et de l’émotion de Paul ! « De la part de ceux qui sont considérés… », mais Paul s’interrompt aussitôt : « Ce qu’ils étaient alors, peu m’importe, Dieu ne regarde pas les visages ! » La considération qui s’attache aux apôtres de Jérusalem est liée à leur rang dans la communauté, lui n’en tient pas compte, ne voulant voir que selon les critères de Dieu ! Une seule chose importe, ces hommes considérés « ne lui ont rien réclamé de plus », autrement dit pour Paul il n’est pas question de légitimation humaine ; seul Dieu légitime ses envoyés. D’ailleurs, les autorités de Jérusalem ont constaté que Dieu avait fait confiance à Paul, qu’il l’avait crédité de l’annonce de la Bonne Nouvelle aux incirconcis, comme il avait envoyé Pierre aux circoncis. Le même Esprit est à l’œuvre en chacun des deux apôtres.

Le partage des terrains missionnaires
Arrêtons-nous un instant sur le vocabulaire : « J’ai été crédité de l’évangile des incirconcis. » Le verbe est celui de la foi, pisteuô, mais bizarrement il est passif et suivi d’un complément direct ; au plus près il faudrait traduire : « Je suis crédité de l’annonce de l’Évangile aux incirconcis, comme Pierre aux circoncis » (v. 7). La racine grecque de pistis (« la foi »), est totalement du côté de la confiance et du crédit accordé (le mot est employé en grec moderne pour les banques de crédit) ; Paul affirme que Dieu connaît la fidélité de ses envoyés et leur fait confiance !
Le parallélisme avec Pierre est remarquable : selon la passionnante étude de Lucien Legrand (L’Apôtre des nations ?, 2001), nous assistons à un véritable partage des terrains missionnaires. Pierre ira vers les circoncis (les juifs), c’est-à-dire tous les comptoirs juifs de la grande diaspora orientale passant par Babylone au Nord, Alexandrie au Sud et allant jusqu’en Asie. Paul ira vers les incirconcis (les païens ou les grecs), c’est-à-dire tout l’empire romain occidental, où le judaïsme est moins présent. Mais il s’agit bien du même et unique Évangile !

S’inscrire dans la tradition
Toutefois, le mouvement de la phrase ne s’arrête pas à ces considérations qui restent annexes, il entraîne le lecteur plus loin et culmine sur le v. 9 : « Et parce qu’ils connaissaient la grâce qui m’a été faite, Jacques, Céphas et Jean, ceux qui sont considérés comme des colonnes, nous donnèrent la main, à moi et à Barnabas, en signe de communion. » Paul ici reconnaît la place éminente des trois apôtres, « ceux qui sont considérés comme des colonnes », et il leur attribue l’initiative de la main tendue. Nous reviendrons sur l’importance de ce terme de koinônia qui, dans la bouche de Paul, scelle dans le Christ mort et ressuscité l’unité des communautés chrétiennes. Pour l’instant, soulignons l’importance du geste : Paul, parti en franc-tireur au nom d’une mission qu’il ne veut tenir que de Dieu seul, au moment où il récolte les fruits de cette mission, ressent comme une révélation impérieuse et incontournable la nécessité de monter à Jérusalem auprès de ceux qui étaient apôtres avant lui, pour recevoir d’eux « une main de communion ». Paul, l’avorton, le treizième apôtre, ne peut faire autrement que de venir s’inscrire dans la tradition chrétienne déjà présente à Jérusalem.

La communauté de Jérusalem
On constatera que la communauté jérusalémite est, elle-même, la réunion de judéo-chrétiens venus d’horizons divers, et que le groupe des trois noms n’est pas homogène : d’une part Céphas et Jean, disciples de Jésus depuis le début, de l’autre Jacques, ce « frère » de Jésus que les Actes des Apôtres introduisent brutalement au chapitre 12 comme une présence de fait. Pierre, avant de quitter Jérusalem, confie la responsabilité de la communauté « à Jacques et aux frères » (Ac 12,17). Le kérygme ancien rapporté par Paul en 1 Co 15,1-8 énonce aussi successivement « Céphas et les douze », « Jacques et tous les apôtres ». Tôt dans l’histoire de la première communauté de Jérusalem, la famille de Jésus est venue y jouer un rôle important en la personne de Jacques. Quelles que soient ses réticences ou plutôt ses désaccords avec Jacques de Jérusalem dont les tendances judaïsantes sont manifestes, Paul le reconnaît comme « colonne », et sans jamais se prononcer sur l’autorité réelle de Jacques, il reçoit de lui la main de communion qu’il est venu chercher. Il ne s’agit ni de soumission ni de compromission, mais de la vérité même de l’Évangile, qui exige la communion de ceux que Dieu a crédités de sa confiance pour la mission auprès de tous les hommes.
Désormais nul ne saurait se prévaloir d’une autorité apostolique s’il s’oppose à l’unique Évangile et renonce à la communion une fois scellée au nom de cet Évangile. Paul s’autorisera de ce moment pour se dresser s’il le faut contre Céphas (Ga 2,11-14) !

Concluons…
Une conclusion semble s’imposer, l’apostolat de Paul repose sur trois piliers qui se confortent mutuellement : l’appel du Seigneur qui l’a saisi et l’a mis en route pour cette extraordinaire aventure missionnaire à laquelle il ne cessera de se consacrer, « oubliant ce qui est derrière, tout tendu vers ce qui est devant, [il] poursuit le but vers le prix attaché à l’appel d’en haut venu de Dieu dans le Christ Jésus » (Ph 3,14) ; la vie des communautés qu’il a « engendrées » : « comme un père traite ses enfants, nous vous avons exhortés, encouragés et adjurés de vous conduire de façon digne de Dieu qui vous appelle à son Royaume et à sa gloire » (1 Th 2,12) ; enfin la communion gardée avec la première communauté de Jérusalem, quels que soient ceux qui sont alors à sa tête, et en dépit – osons-le dire – du ressentiment manifeste que Paul nourrit à l’égard de Jacques de Jérusalem.
D’une façon ou d’une autre, il n’est pas de communauté chrétienne si le lien de communion n’est pas assuré avec ceux qui furent témoins oculaires de Jésus de Nazareth durant son existence terrestre.

Roselyne Dupont-Roc, SBEV / Éd. du Cerf, Cahier Évangile n° 147 (mars 2009), « Saint Paul : une théologie de l’Église ? « , pages 14-16.

PIERRE ET PAUL, DEUX GÉANTS DE LA FOI

26 juin, 2013

http://www.croire.com/Definitions/Bible/Saint-Paul/Pierre-et-Paul-deux-geants-de-la-foi

PIERRE ET PAUL, DEUX GÉANTS DE LA FOI

Pierre, l’homme aux clés et Paul, l’homme à l’épée, si souvent associés, aussi bien dans l’histoire de la mission que dans la liturgie, et dans les représentations artistiques. Par le P. Marchadour, bibliste.
Pierre et Paul seront réunis dans leur confession de foi jusqu’au sang à Rome, puisqu’ils y ont été martyrisés pour leur foi en Jésus.

Trois ans après sa conversion (en 37), Paul a souhaité se rendre à Jérusalem pour voir Pierre (Galates 1,18-19). Ce sont deux géants de la foi qui se retrouvent. Pour Paul, soupçonné de faire bande à part, il est essentiel de faire comprendre aux Galates que, depuis le commencement, ce ne fut jamais le cas. C’est vrai qu’il a attendu trois ans, ce qui souligne sa liberté et sa vocation propre, née sur la route de Damas. Mais, pour contrer l’accusation d’être isolé et à part, il tient à faire savoir aux Galates qu’il a voulu rencontrer le chef de l’Église.

Le premier concile
La seconde rencontre entre Paul et Pierre se déroule beaucoup plus tard, après le second voyage de Paul, sans doute en 51. Paul a acquis de l’expérience, il a beaucoup reçu de la communauté d’Antioche où il a passé douze années. Il a appris à travailler avec Barnabé, puis seul, comme responsable d’Église, tout en étant secondé par des collaborateurs bien choisis.
Dans sa longue période missionnaire, des conflits ont surgi entre les divers courants, qui portaient surtout sur l’ouverture vers le monde païen : faut-il imposer aux païens les institutions et les rites juifs (circoncision, fêtes, sabbat, règles alimentaires), comme le pense Jacques, frère du Seigneur ? Ou faut-il, selon la pratique de Paul, se dégager de ces rites pour offrir le message de Jésus dans sa radicalité et sa pureté, aux nations païennes ? Le conflit est sérieux. C’est pour tenter de faire un bon discernement qu’une rencontre officielle entre les grandes figures de l’Église est alors organisée à Jérusalem.

Deux décisions sont prises
Nous en avons deux versions, une dans les Actes (Actes 15,1-29), l’autre dans la lettre aux Galates (Galates 2,1-10). Avec des nuances, elles se rejoignent pour l’essentiel. Deux décisions sont prises : d’abord les missions respectives de Pierre vers les Juifs et de Paul vers les païens sont reconnues l’une et l’autre comme légitimes : « Jacques, Cephas et Jean, considérés comme des colonnes de l’Église, nous donnèrent la main à moi et à Barnabé en signe de communion afin que nous allions, nous vers les païens, eux vers les circoncis ». (Galates 2,9). C’est un pas important, qui devrait faire taire les opposants judaïsants à Paul, et lui accorder une plus grande liberté d’esprit pour poursuivre le travail auprès des païens.
Ensuite une seconde décision, porte sur des rites alimentaires particuliers que les païens seraient invités à respecter (Actes 15,29). Mais il semble que Paul ne l’a jamais imposée à ses Églises.

 La place de Jacques
On note que l’énumération des autorités par Paul suit un ordre particulier « Jacques, Céphas et Jean » (Galates 2,9). On peut en déduire que Jacques a pris la première place dans l’Église-mère de Jérusalem. Il est vraisemblable que la famille terrestre de Jésus, qui avait résisté à son enseignement de son vivant, a changé de comportement après la Résurrection. Elle a même revendiqué une place dominante dans l’Église-mère de Jérusalem après la Résurrection, se donnant comme mission de ne laisser personne gauchir le message originel de Jésus.

DEUXIEME LECTURE – Romains 10, 8 – 13 – COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT

15 février, 2013

http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut.html

DIMANCHE 17 FÉVRIER: COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT

DEUXIEME LECTURE – Romains 10, 8 – 13

Frères,
8 nous lisons dans l’Ecriture :
 « La Parole est près de toi,
 elle est dans ta bouche et dans ton coeur. »
 Cette Parole, c’est le message de la foi que nous proclamons.
9 Donc, si tu affirmes de ta bouche que Jésus est Seigneur,
 si tu crois dans ton coeur que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts,
 alors tu seras sauvé.
10 Celui qui croit du fond de son coeur
 devient juste ;
 celui qui, de sa bouche, affirme sa foi
 parvient au salut.
11 En effet, l’Ecriture dit :
 « Lors du jugement, aucun de ceux qui croient en lui
 n’aura à le regretter. »
12 Ainsi, entre les Juifs et les païens,
 il n’y a pas de différence :
 tous ont le même Seigneur,
 généreux envers tous ceux qui l’invoquent.
13 Il est écrit en effet :
 « Tous ceux qui invoqueront le nom du Seigneur
 seront sauvés. »

Tout le raisonnement de Paul aboutit à la conclusion : « Entre les Juifs et les païens, il n’y a pas de différence ». Précisons tout de suite que ces Juifs et ces païens dont parle Paul sont tous des Chrétiens : soit d’origine juive, soit d’origine païenne. Et c’est bien cela le fond de son discours : que vous soyez des Juifs convertis au christianisme, ou que vous soyez d’anciens païens convertis au christianisme, vous êtes « avant tout » des Chrétiens. « Ainsi, entre les Juifs et les païens, il n’y a pas de différence : tous ont le même Seigneur, généreux envers tous ceux qui l’invoquent. »
 Si Paul insiste, c’est que le problème était bien là. Probablement parce que, à Rome comme dans toutes les communautés chrétiennes du premier siècle, la même question s’est posée. Etait-il bien normal de traiter de la même manière des Juifs et des païens ? Que des Juifs deviennent Chrétiens, c’était évidemment conforme au plan de Dieu. Puisque Dieu avait préparé son peuple pendant de longs siècles à recevoir le Messie, une fois celui-ci venu et reconnu, tous les Juifs auraient pu devenir Chrétiens. C’était évidemment le souhait de Paul. Mais les choses se sont passées autrement. C’est une minorité seulement du peuple juif qui a adhéré à Jésus-Christ ; en revanche, ce sont des païens qui ont constitué le noyau le plus important des communautés chrétiennes. Entre ces Chrétiens d’origines si diverses (soit juive, soit païenne), la cohabitation posait inévitablement des problèmes : sur le plan des habitudes quotidiennes, tout les séparait et les sujets de discussion ne manquaient pas : la loi, la circoncision, les coutumes alimentaires.
 Plus profondément, pour certains Juifs devenus Chrétiens, c’était une affaire de principe : ils acceptaient de mauvais gré l’entrée dans l’Eglise des anciens païens, ceux qu’ils appelaient les « incirconcis ». Car Israël était le peuple élu ; c’est en son sein que devait naître le Messie ; logiquement, les Juifs devaient être les fondements de l’Eglise ; alors une question revenait souvent : accepter des non-Juifs dans l’Eglise, n’était-ce pas une infidélité à l’Alliance, à l’élection du peuple juif ?
 Cette question-là, lorsque Paul écrit aux Romains, il y a longtemps qu’il l’a résolue. Car si on fermait l’entrée de l’Eglise aux païens, si on leur refusait le baptême, cela reviendrait à dire que Jésus ne peut sauver que des Juifs. Cette position-là est évidemment intenable. Alors, comme toujours, Paul est allé chercher la solution du problème dans l’Ecriture, c’est-à-dire dans ce que nous appelons aujourd’hui l’Ancien Testament. Et il a trouvé la réponse chez le prophète Joël : « Tous ceux qui invoqueront le nom du SEIGNEUR seront sauvés. » Joël, parlait, justement, du temps de la venue du Messie : « Je répandrai mon Esprit sur toute chair. Vos fils et vos filles prophétiseront, vos vieillards auront des songes, vos jeunes gens auront des visions. Même sur les serviteurs et sur les servantes, en ce temps-là je répandrai mon Esprit… Alors tous ceux qui invoqueront le Nom du SEIGNEUR seront sauvés. » (Jl 3, 1 – 5).
 Argument imparable, puisque c’était dans l’Ecriture ; mais bien surprenant quand même pour les contemporains de Paul : suffit-il réellement d’invoquer le Nom de Jésus pour être sauvé ? Jusqu’ici, il fallait être circoncis et pratiquer la Loi scrupuleusement ; les choses auraient-elles changé ? Oui, répond Paul ; car Jésus-Christ, lui aussi, mérite le Nom de Seigneur !
 Désormais, tout homme qui invoque le Seigneur Jésus-Christ peut être sauvé. N’est-ce pas ce que Jésus lui-même a déclaré à Nicodème ? « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, son unique, pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle. » Jésus a bien dit « tout homme ». Et il a ajouté : « Car Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. » (Jn 3, 16-17). Le monde, ici, veut bien dire « toute l’humanité ».
 Mais ce message reste dur à admettre pour certains. Alors Paul n’hésite pas à se répéter : « Celui qui (au sens de « tout homme qui ») croit du fond de son coeur devient juste ; celui qui (« tout homme qui »), de sa bouche, affirme sa foi parvient au salut. »
 Première remarque de vocabulaire : dans le langage de Paul, héritier de l’Ancien testament, « devenir juste » ou être sauvé », c’est exactement la même chose. On a ici un bel exemple du parallélisme si habituel dans les textes bibliques. Deuxième remarque de vocabulaire : entendons-nous sur le sens du mot « croire » ici : le parallèle entre « bouche » et « coeur », sur lequel Paul insiste, dit bien que la foi n’est pas affaire d’opinion ; en employant le mot coeur, selon le sens que ce mot avait à l’époque, il vise la profondeur de l’engagement de toute la personne. Ainsi, aux yeux de Paul, une autre phrase de l’Ecriture est désormais accomplie ; le livre du Deutéronome affirmait : « La Parole est près de toi, elle est dans ta bouche et dans ton coeur. » Au temps du Deutéronome, il s’agissait de la Loi qu’il fallait pratiquer, maintenant dit Paul, cette parole, c’est tout simplement le message de la foi en Jésus-Christ. 
 La voilà, la Bonne Nouvelle que Paul adresse à ceux qui ont reçu le Baptême : sans mérites de notre part, le salut nous est donné gratuitement par Dieu ; il nous faut simplement l’accueillir librement dans la foi : « Si tu affirmes de ta bouche que Jésus est Seigneur, si tu crois dans ton coeur que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, tu seras sauvé. Celui qui croit du fond de son coeur devient juste, celui qui, de sa bouche, affirme sa foi parvient au salut. »

LA PAROLE DE LA CROIX CHEZ SAINT PAUL

12 février, 2013

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LA PAROLE DE LA CROIX CHEZ SAINT PAUL

THÉOLOGIE

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Rien ne disposait Paul à devenir le messager de l’Evangile de Jésus-Christ crucifié et ressuscité…
Rien ne disposait Paul[1] à devenir l’apôtre des nations et le messager de l’Evangile de Jésus-Christ crucifié et ressuscité. C’est dans sa rencontre avec Celui qu’il persécutait qu’il lui a été donné de comprendre que Jésus qu’il croyait, « maudit de Dieu » était, en réalité, son Fils, un Fils parfaitement « obéissant jusqu’à la mort et la mort sur la croix… élevé au rang de Seigneur de l’univers (Ph 2,9-11). Sur le chemin de Damas, Dieu a, en effet, « ôté le voile » qui empêchait Paul de voir sa gloire sur le visage du Christ Jésus crucifié. Dans le « dévoilement » du Fils (Ga 1,13-17), il a perçu le sens de la croix et la gratuité radicale de l’initiative de Dieu à son égard.
Parce qu’il lui a été révélé que la Passion est l’expression parfaite de l’amour du Christ pour son Père et pour l’humanité, en même temps que la révélation de la nature paradoxale de la toute-puissance du Dieu de Jésus-Christ, Paul a donc décidé de ne chercher que Jésus Christ crucifié, pour être crucifié avec lui : «  Avec le Christ, je suis un crucifié. Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est Christ qui vit en moi. Car ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi » (Ga 2,19-20). En conséquence, s’il sera dominé par l’annonce de l’évangile qu’il a reçu (1 Co 15,3-5), le ministère de Paul sera surtout déterminé par la révélation de la nature déconcertante de la puissance de Dieu qui se donne à voir dans la faiblesse de Jésus-Christ crucifié. Alors que la première tradition chrétienne évoquait la mort de Jésus, mais sans nécessairement s’attarder sur la nature de cette mort, l’insistance sur la mort de Jésus par crucifixion sera même un trait caractéristique de la prédication de Paul[2].
Comme on le constate à la lecture des deux premiers chapitres de la 1ère lettre aux Corinthiens rédigée dans les années 53-54[3], Paul, pour la première fois, mettra en œuvre une « théologie de la croix[4] » qui ne relève pas d’une construction intellectuelle ou d’une théorie religieuse, car la croix a « parlé » dans son existence, lorsque Dieu s’est révélé à lui sous la figure d’un crucifié.

LA « PAROLE DE LA CROIX » EST FOLIE
Pour bien saisir les enjeux de la « théologie de la croix » que Paul va élaborer[5], il n’est peut-être pas inutile de rappeler que la communauté de Corinthe était confrontée à de multiples problèmes, mais ce qui par-dessus tout semblait inquiéter l’apôtre, c’était l’existence de tensions identitaires au sein de la communauté (1 Co 1, 11). Chaque groupe en présence se référait, semble-t-il, à une figure fondatrice qui donnait une orientation particulière à l’expression de sa foi : Paul, Apollos ou Céphas (1 Co 1,12). Or, devant ces divisions (1 Co 1,10-17), conséquence d’une trop grande importance accordée à la parole (cf. 1 Co 2,1-5), à la connaissance (1 Co 8,1-3.11) ou à certaines manifestations de l’Esprit (1 Co 12-14)[6], que fait Paul ? Il plante la croix du Christ au milieu de la communauté déchirée de Corinthe : « Le Christ est-il divisé ? Est-ce au nom de Paul que vous avez été crucifiés ? » (1 Co 1,13)
A ceux qui sont divisés, Paul oppose ainsi un événement scandaleux qui n’offre, à cette époque, aucune possibilité de référence identitaire, puisque la crucifixion était le « supplice le plus cruel et le plus infamant[7] » qui soit, celui que l’on réservait aux criminels et aux esclaves. Après avoir rappelé que l’unité de la communauté chrétienne n’a pas d’autre origine et fondement que la croix du Christ, l’apôtre consacre ensuite un long développement à la « parole de la croix » qui proclame sur Dieu le contraire de ce que les hommes conçoivent et comprennent habituellement de lui : « Le langage de la croix, en effet, est folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui sont en train d’être sauvés, pour nous, il est puissance de Dieu (…) Les Juifs demandent des miracles et les Grecs recherchent la sagesse ; mais nous, nous prêchons un Messie crucifié, scandale pour les juifs, folie pour les païens, mais pour ceux qui sont appelés, tant Juifs que Grecs, il est Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes» (1 Co 1,18.22-25)
Bien qu’inséparable de « la proclamation de la résurrection de celui qui est devenu, par elle, le Crucifié[8] », la « parole de la croix[9] »,  est, pour l’apôtre Paul, un « scandale » pour les Juifs et une « folie » pour les Grecs. Elle est un « scandale », une pierre d’achoppement, parce que l’aspect sous lequel le Messie se présente est en totale contradiction avec l’attente des Juifs et les représentations qu’ils se faisaient du Messie[10]. La croix semble même être la preuve par excellence que Celui qui y est pendu ne peut être le Messie. La croix est une « folie » pour les Grecs au sens où ne peut prétendre être dieu, même au sens mythologique, quelqu’un qui subit une telle mort, infrahumaine, réservée aux esclaves.
L’événement de la croix heurte ainsi de plein fouet les deux cultures, grecque et juive. C’est un défi pour la raison puisque la croix proclame la puissance de Dieu là où la sagesse des hommes ne perçoit que l’impuissance et l’échec. C’est un non-sens apparent, une aberration, qui rejoint l’humanité – représentée ici par les Grecs à la recherche de la sagesse et les Juifs qui attendent de Dieu des signes de puissance -, dans sa quête de vérité en faisant éclater les limites de la sagesse et de la piété, surtout lorsqu’à travers elles les hommes prétendent identifier Dieu, et par là se sauver eux-mêmes ou se poser comme leur propre fondement[11]. La croix « scandalise tout ce qui mesure (et c’est la folie même) les choses divines à la mesure du visible et de l’humain[12] »
A la lumière de la Résurrection, la mort de Jésus sur la croix, comprise par les hommes comme signe de faiblesse et d’anéantissement, met donc en échec toutes les représentations divines que l’être humain peut se faire, en même temps qu’elle donne accès à une nouvelle connaissance de Dieu (1 Co 1,23-25 ; 2 Co 13,4). Le Dieu que Juifs et Grecs croyaient connaître et dominer, est un Dieu qui se manifeste au cœur de l’humanité là où  le plus horrible revêt, par la mort du Fils comprise comme mort d’oblativité (Ga 1,4 ; 2,20 ; Ph 2,8), la forme la plus extrême de l’Amour[13]. Avec les conséquences qui en découlent pour la vie de l’Eglise et pour l’existence de chacun.

IL S’EST FAIT OBÉISSANT JUSQU’À LA MORT SUR LA CROIX
Pour illustrer les conséquences opérées par la « parole de la croix » pour la vie de l’Eglise, Paul indique ensuite aux chrétiens de Corinthe, comment, par leurs origines sociales ou leurs histoires personnelles, ils sont une illustration de la « folie » qui est au cœur de la prédication chrétienne : « Considérez, frères, qui vous êtes, vous qui avez reçu l’appel de Dieu : il n’y a parmi vous ni beaucoup de sages aux yeux des hommes, ni beaucoup de gens de bonne famille. Mais ce qui est folie dans le monde, Dieu l’a choisi pour confondre les sages ; ce qui est faible dans le monde, Dieu l’a choisi pour confondre ce qui est fort ; ce qui dans le monde est vil et méprisé, ce qui n’est pas, Dieu l’a choisi pour réduire à rien ce qui est, afin qu’aucune créature ne puisse s’enorgueillir devant Dieu » (1 Co 1,26-29) [14].
Parce qu’elle rassemble des hommes et des femmes vils, faibles méprisables (cf. 1 Co 6,9-11) mais choisis, élus et aimés par Dieu, la communauté de Corinthe manifeste donc aux yeux du monde la grâce de Dieu qui appelle et sauve tout être humain sans condition et sans tenir compte de ses identités mondaines[15]. Accomplissement de la révélation biblique, la « parole de la croix » trouve ainsi, dans la réflexion de Paul, un corrélat ecclésiologique. Car ce qui vaut pour la mort du Christ sur la croix, avec le renversement qu’un tel événement induit par rapport aux représentations que l’on se fait de Dieu, cela vaut aussi pour les communautés chrétiennes qui incarnent la manière dont Dieu élit ce qui est faible et détruit ce qui est fort en contredisant les critères et les attentes des hommes[16].
Mais c’est aussi à l’intérieur de chaque communauté chrétienne, comprise comme Corps du Christ, que la « parole de la croix » fonde des exigences de fraternité, de solidarité, de communion et d’attention aux membres les plus faibles de la communauté « pour lesquels le Christ est mort » (1 Co 8,11). La manière dont Paul, dans la lettre aux Philippiens, relie sa bouleversante exhortation à l’humilité et à l’unité au Christ qui s’est abaissé et humilié en est une très belle illustration : « Ayez un même amour, un même cœur ; recherchez l’unité, ne faites rien par rivalité, rien par gloriole, mais, avec humilité, considérez les autres comme supérieurs à vous. Que chacun ne regarde pas à soi seulement, mais aussi aux autres. Comportez-vous ainsi entre vous, comme on le fait en Jésus Christ : lui qui est de condition divine n’a pas considéré comme une proie d’être l’égal de Dieu, mais il s’est dépouillé, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes, et, par son aspect, il était reconnu comme un homme ; il s’est abaissé devenant obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix. C’est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé et lui  a conféré le Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse, dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue proclame que le Seigneur, c’est Jésus Christ à la gloire du Père » (Ph 2,2-11)[17]
En invitant chaque baptisé à se comporter au sein de sa communauté chrétienne dans la fidélité au Christ Jésus qui s’est abaissé et s’est fait obéissant jusqu’à la mort sur la croix, Paul entend poser ici le critère ultime et décisif pour une vie communautaire réellement chrétienne (Ph 2,5). A cet effet, il rappelle que la communion requise des baptisés ne peut être que le reflet de la communion trinitaire qui se révèle sur la croix. Il n’y a donc pas d’autre exigence pour le baptisé que de revêtir les sentiments du Christ qui, en s’abaissant et en s’humiliant a « tué le mur de la haine » (Ep 2,14-18) et réconcilié l’humanité avec Dieu et avec elle-même « en ayant établi la paix par le sang de la croix » (Col 1,20). La « parole de la croix » fonde ainsi un « universalisme » que l’on retrouvera dans la manière dont Paul construira des communautés où « il n’y a plus ni Juif ni Grec, ni esclave  ni homme libre, ni l’homme et la femme » (Ga 3,28)[18].
Enfin – c’est une autre forme d’universalité -, si « la croix est l’excès de la honte, elle est pour nous le témoignage que, quelle que soit l’abjection dans laquelle un homme puisse tomber, en elle il trouvera la croix du Christ, lui qui s’est abaissé, humilié (cf.Ph 2,8), pour compatir avec lui »[19]

POUR QUE NE SOIT PAS RÉDUITE À NÉANT LA CROIX DU CHRIST
C’est le troisième aspect de notre réflexion ; il s’inscrit dans le droit fil du développement de Paul qui, après avoir montré aux chrétiens de Corinthe comment ils incarnent le monde nouveau né de la mort et de la résurrection du Christ, poursuit sa réflexion en évoquant sa venue à Corinthe : « Moi-même, quand je suis venu chez vous, frères, ce n’est pas avec le prestige de la parole ou de la sagesse que je suis venu vous annoncer le mystère de Dieu. Car j’ai décidé de ne rien savoir parmi vous, sinon Jésus Christ et Jésus Christ crucifié ». Ce à quoi il ajoute « Aussi ai-je été devant vous faible, craintif et tout tremblant ; ma parole et ma prédication n’avaient rien des discours persuasifs de la sagesse, mais elles étaient une démonstration faite par la puissance de l’Esprit, afin que votre foi ne soit pas fondée sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu » (1 Co 2,3-5)
Voilà qui montre que l’orientation de la réflexion de Paul sur le Christ, mort crucifié et ressuscité[20], avec ses conséquences par rapport aux représentations que l’on se fait de Dieu et à la vie des communautés chrétiennes, éclaire aussi la manière dont l’apôtre envisage son ministère, notamment en s’interdisant toute annonce de l’Évangile qui risquerait de le réduire à un simple discours de sagesse humaine : « Le Christ ne m’a pas envoyé baptiser, mais annoncer l’Évangile, et cela sans recourir à la sagesse du discours pour que ne soit pas réduite à néant la croix du Christ » (1 Co 1,17 ; 2,3-5). C’est la raison pour laquelle Paul défendra farouchement l’Évangile qu’il a reçu (Ga 1,6-9 ; 2,14ss) contre ceux qui, trahissant l’œuvre salvifique du Christ,  en prônant surtout le retour à la loi de Moïse, annoncent des évangiles  qui ne sont pas conformes à cet Evangile dont il ne cesse d’approfondir les conséquences pour l’humanité.
C’est aussi pour cela qu’à la lumière de la croix Paul interprètera les échecs et les épreuves qu’il rencontre. Ils sont un des lieux privilégiés de la configuration de l’apôtre au Christ et de la participation à son œuvre salvifique : « Sans cesse nous portons dans notre corps l’agonie de Jésus » (2 Co 4,10)[21]. Et l’auteur de la lettre aux Colossiens écrira : « Je trouve maintenant ma joie dans les souffrances que j’endure pour vous, et je complète ce qui manque aux tribulations du Christ en ma chair pour son corps qui est l’Église » (Col 1,24)[22]. Il n’en est pas moins vrai que s’ils sont l’occasion, pour l’apôtre, de communier aux souffrances du Christ sur la croix, les épreuves, les faiblesses et les échecs sont surtout le lieu où l’apôtre peut expérimenter la présence du Ressuscité et la puissance de l’Amour de Dieu qui  console et rend fort (2 Co 1,3-5). D’autant plus que « nos détresses d’un moment sont légères par rapport au poids extraordinaire de gloire éternelle qu’elles nous préparent. Notre objectif n’est pas ce qui se voit, mais ce qui ne se voit pas ; ce qui se voit est provisoire, mais ce qui ne se voit pas est éternel » (2 Co 4,17 ; Rm 8,18).
On se souvient ici de ce passage de la lettre aux Philippiens où Paul lie de manière indissociable la puissance de la Résurrection et la communion aux souffrances du Christ : « Car il s’agit de le connaître, lui, avec la puissance de sa Résurrection et la communion à ses souffrances, de devenir semblable à lui dans sa mort afin de parvenir, s’il l’est possible, à la Résurrection d’entre les morts » (Ph 3,10-11).  Pourquoi une telle insistance ? Parce que, pour le disciple de Jésus, souffrances et persécutions sont « le moyen par lequel la puissance de Dieu se révèle en plénitude, comme dans le « logos tou staurou », lorsque la fragilité et la vulnérabilité deviennent le lieu même de la puissance divine[23] » Ce à quoi Jean Noël Aletti ajoute : « De plus, le disciple du Christ ne souffre pas seul, il souffre avec le Christ[24] et avec les autres croyants[25]; mieux étant en Christ, membre du corps du Christ, c’est en quelque sorte le corps du Christ qui souffre en lui et par lui[26] ». Pas de dolorisme ni de masochisme donc dans le désir qu’a Paul de participer aux souffrances du Christ, puisque c’est dans la perspective de la communion avec le Ressuscité, qui est le Vivant, que les souffrances sont envisagées et éprouvées. Pour que la puissance de Dieu puisse vraiment et paradoxalement se manifester.
Pour Paul, tel est le grand mystère de l’Annonce de l’Évangile : c’est dans la faiblesse et la pauvreté des situations que la puissance de Dieu peut donner toute sa mesure[27] (1 Co 1,26ss ; 2 Co 4,7-10). C’est aussi le mystère de toute vie baptismale et de tout apostolat où, au plus profond de sa misère, de sa faiblesse, de ses échecs et de ses souffrances, s’impose la nécessité d’accueillir l’œuvre de la toute-puissance divine : « À ce sujet, par trois fois, j’ai prié le Seigneur de l’écarter de moi. Mais il m’a déclaré : ‘Ma grâce te suffit ; ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse afin que repose sur moi la puissance du Christ’. Donc, je me complais dans les faiblesses, les insultes, les contraintes, les persécutions et les angoisses pour le Christ. Car lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort » (2 Co 12,8-10).
Que dire en conclusion ? Que la croix, dans l’œuvre de Paul, est toujours en référence avec le Ressuscité ou le Seigneur de Gloire[28]. Comprise comme « parole de la croix », elle porte avec elle un langage qui n’est pas de négativité, puisqu’il s’inscrit toujours dans un contexte d’amour (Ga 2,21), de réconciliation (Col 1,28), de paix (Ep 2,14-18), de justice, de sanctification et de délivrance (lCo 1,30). La croix a ainsi, dans l’œuvre de Paul, une fonction de révélation[29] qui fait qu’à l’amour de Dieu manifesté par et sur la croix (Rm 8,31-39), le baptisé est invité à répondre dans un même élan d’amour et d’oblativité[30].
Mais, parce que la foi au Christ, crucifié et ressuscité comporte – et comportera toujours – un aspect de « scandale » et de « folie », on comprendra que la révélation chrétienne et l’existence du baptisé soient, pour Paul, irrémédiablement marqués du double sceau de la contradiction et de l’espérance qui lui est intimement liée[31],et qui fonde une manière particulière d’habiter la condition humaine (2 Co 4,8ss).

© Mgr Pierre Debergé, recteur de l’Institut catholique de Toulouse, SBEV, Bulletin Information Biblique n° 76 (juin 2011) p. 1.

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