Archive pour la catégorie 'saint Paul'

BENOÎT XVI: LE CHRIST FUT ENGENDRÉ AVANT TOUTE CRÉATURE – Col 1, 3.12.18-20

19 novembre, 2014

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/audiences/2006/documents/hf_ben-xvi_aud_20060104_fr.html

BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 4 janvier 2006

LE CHRIST FUT ENGENDRÉ AVANT TOUTE CRÉATURE
Il est le premier-né de ceux qui ressuscitent d’entre les morts
Lecture: Col 1, 3.12.18-20

Chers frères et soeurs,
1. En cette première Audience générale de la nouvelle année, nous nous arrêtons pour méditer sur le célèbre hymne christologique contenu dans la Lettre aux Colossiens, qui est comme le solennel portail d’entrée de ce riche texte paulinien, ainsi qu’un portail d’entrée pour cette année. L’Hymne proposé à notre réflexion est encadré par une longue formule de remerciement (cf. vv. 3.12-14). Celle-ci nous aide à créer l’atmosphère spirituelle pour bien vivre ces premiers jours de 2006, ainsi que notre chemin tout au long de la nouvelle année (cf. vv. 15-20).
La louange de l’Apôtre, de même que la nôtre, s’élève vers « Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ » (v. 3), source de ce salut qui est décrit du point de vue négatif comme « arrachement à l’empire des ténèbres » (cf. v. 13), c’est-à-dire comme « rédemption et rémission des péchés » (v. 14). Il est ensuite proposé de manière positive comme « participation au sort des saints dans la lumière » (cf. v. 12) et comme entrée « dans le Royaume de son Fils bien-aimé » (v. 13).
2. C’est à ce point que s’ouvre l’Hymne, profond et intense, qui a comme centre le Christ, dont on exalte le primat et l’oeuvre, que ce soit dans la création ou dans l’histoire de la rédemption (cf. vv. 15-20). L’on trouve donc deux mouvements dans le chant. Dans le premier est présenté le premier-né de toute la création, le Christ, « Premier-né de toute créature » (v. 15). Il est, en effet, l’ »image du Dieu invisible », et cette expression est chargée de toute la signification que l’ »icône » possède dans la culture de l’Orient: on ne souligne pas tant la ressemblance, mais l’intimité profonde avec le sujet représenté.
Le Christ repropose parmi nous de manière visible le « Dieu invisible ». En Lui nous voyons le visage de Dieu, à travers la nature commune qui les unit. Le Christ, en raison de sa très haute dignité, précède « toutes les choses » non seulement à cause de son éternité, mais également et surtout à travers son oeuvre créatrice et providentielle: « car c’est en lui qu’ont été créées toutes choses, dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles… et tout subsiste en lui » (vv. 16-17). Elles ont même également été créées « pour lui » (v. 16). Et ainsi saint Paul nous indique une vérité très importante: l’histoire a un objectif, elle a une direction. L’histoire va vers l’humanité unie dans le Christ, elle va ainsi vers l’homme parfait, vers l’humanisme parfait. En d’autres termes, saint Paul nous dit: oui, il y a un progrès dans l’histoire. Il y a – si l’on veut – une évolution de l’histoire. Le progrès est tout ce qui nous rapproche du Christ et nous rapproche ainsi de l’humanité unie, du véritable humanisme. Dans ces indications, se cache donc également un impératif pour nous: travailler pour le progrès, une chose que nous voulons tous; nous pouvons le faire en travaillant pour le rapprochement des hommes au Christ; nous pouvons le faire en nous conformant personnellement au Christ, en allant ainsi dans la direction du véritable progrès.
3. Le deuxième mouvement de l’Hymne (cf. Col 1, 18-20) est dominé par la figure du Christ sauveur au sein même de l’histoire du salut. Son oeuvre se révèle tout d’abord dans le fait d’être « Tête du Corps, c’est-à-dire de l’Eglise » (v. 18): tel est l’horizon salvifique privilégié dans lequel se manifestent en plénitude la libération et la rédemption, la communion vitale qui existe entre la tête et les membres du corps, c’est-à-dire entre le Christ et les chrétiens. Le regard de l’Apôtre se tourne vers l’objectif ultime vers lequel converge l’histoire: le Christ est le « Premier-né d’entre les morts » (v. 18), il est celui qui ouvre les portes à la vie éternelle, en nous arrachant aux limites de la mort et du mal.
Voilà, en effet, ce pleroma, cette « plénitude » de vie et de grâce qui est dans le Christ lui-même et qui nous est donné et communiquée (cf. v. 19). Avec cette présence vitale, qui nous fait participer à la divinité, nous sommes transformés intérieurement, réconciliés, pacifiés: il s’agit là d’une harmonie de tout l’être racheté, dans lequel Dieu est désormais « tout en tous » (1 Co 15, 28), et vivre en chrétien signifie se laisser ainsi transformer intérieurement vers la forme du Christ. C’est alors que se réalise la réconciliation, la pacification.
4. Consacrons à présent un regard contemplatif à ce mystère grandiose de la rédemption, en reprenant les paroles de saint Proclus de Constantinople, mort en 446. Dans sa Première homélie sur la Mère de Dieu Marie, il repropose le mystère de la Rédemption comme une conséquence de l’Incarnation.
En effet, Dieu, rappelle l’Evêque, s’est fait homme pour nous sauver et nous arracher ainsi au pouvoir des ténèbres et nous reconduire dans le royaume du Fils bien-aimé, comme le rappelle précisément l’hymne de la Lettre aux Colossiens. « Celui qui nous a rachetés – observe Proclus – n’est pas un pur homme: en effet, tout le genre humain était asservi au péché; mais il n’était pas non plus un Dieu privé de nature humaine: il avait en effet un corps qui, s’il ne s’était pas revêtu de moi, ne m’aurait pas sauvé. Apparu dans le sein de la Vierge, Il revêtit l’habit du condamné. C’est là qu’eut lieu le terrible échange, il donna l’esprit et prit la chair » (8: Textes mariaux du premier millénaire, I Rome 1988, p. 561).
Nous nous trouvons donc devant l’oeuvre de Dieu, qui a accompli la Rédemption précisément parce qu’il était également un homme. Il est à la fois le Fils de Dieu, sauveur, mais également notre frère et c’est grâce à cette proximité qu’Il diffuse en nous le don divin.
Il est réellement le Dieu avec nous. Amen!

BENOÎT XVI: LE CULTE QUE LES CHRÉTIENS DOIVENT RENDRE À DIEU DANS LA PENSÉE DE SAINT PAUL

15 novembre, 2014

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/audiences/2009/documents/hf_ben-xvi_aud_20090107_fr.html

BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 7 janvier 2009

LE CULTE QUE LES CHRÉTIENS DOIVENT RENDRE À DIEU DANS LA PENSÉE DE SAINT PAUL

Chers frères et sœurs,

En cette première audience générale de 2009, je désire adresser à tous mes vœux fervents pour la nouvelle année qui vient de commencer. Ravivons en nous l’engagement à ouvrir au Christ notre esprit et notre cœur, pour être et vivre comme ses véritables amis. Sa compagnie aura pour effet que cette année, malgré ses inévitables difficultés, soit un chemin plein de joie et de paix. En effet, ce n’est que si nous restons unis à Jésus, que l’année nouvelle sera bonne et heureuse.
L’engagement d’union avec le Christ est l’exemple que nous offre également saint Paul. En poursuivant les catéchèses qui lui sont consacrées, nous nous arrêtons aujourd’hui pour réfléchir sur l’un des aspects importants de sa pensée, celui qui concerne le culte que les chrétiens sont appelés à exercer. Par le passé, on aimait parler d’une tendance plutôt anti-cultuelle de l’apôtre, d’une « spiritualisation » de l’idée du culte. Aujourd’hui, on comprend mieux que Paul voit dans la Croix du Christ un tournant historique, qui transforme et renouvelle radicalement la réalité du culte. C’est en particulier dans trois textes de la Lettre aux Romains qu’apparaît cette nouvelle vision du culte.
1. Dans Rm 3, 25, après avoir parlé de la « rédemption accomplie dans le Christ Jésus », Paul continue par une formule mystérieuse pour nous et dit ceci: Dieu « l’a exposé, instrument de propitiation par son propre sang moyennant la foi ». Avec cette expression pour nous plutôt étrange – « instrument de propitiation » – saint Paul fait allusion à ce qu’on appelle la « propitiation » du temple antique, c’est-à-dire le couvercle de l’arche de l’alliance, que l’on pensait être un point de contact entre Dieu et l’homme, un point de sa présence mystérieuse dans le monde des hommes. Le grand jour de la réconciliation – « yom kippur » -, cette « propitiation » était aspergée avec le sang d’animaux sacrifiés – un sang qui portait symboliquement les péchés de l’année écoulée au contact de Dieu, et ainsi les péchés jetés dans l’abîme de la bonté divine étaient presque absorbés par la force de Dieu, dépassés, pardonnés. La vie commençait à nouveau.
Saint Paul évoque ce rite et dit: ce rite était l’expression du désir que l’on puisse réellement mettre toutes nos fautes dans l’abîme de la miséricorde divine et les faire ainsi disparaître. Mais avec le sang des animaux, ce processus ne se réalise pas. Un contact plus réel entre faute humaine et amour divin était nécessaire. Ce contact a eu lieu dans la croix du Christ. Le Christ, vrai Fils de Dieu, qui s’est fait vrai homme, a assumé en lui toute notre faute. Il est lui-même le lieu de contact entre la misère humaine et la miséricorde divine; dans son cœur se dilue la masse triste du mal accompli par l’humanité et la vie se renouvelle.

En révélant ce changement, saint Paul nous dit: Avec la croix du Christ – l’acte suprême de l’amour divin devenu amour humain – le vieux culte comprenant des sacrifices d’animaux dans le temple de Jérusalem est terminé. Ce culte symbolique, culte de désir, est à présent remplacé par le culte réel: l’amour de Dieu incarné en Christ et porté à sa plénitude dans la mort sur la croix. Ce n’est donc pas la spiritualisation d’un culte réel, mais au contraire le culte réel, le vrai amour divin-humain remplace le culte symbolique et provisoire. La croix du Christ, son amour à travers la chair et le sang est le culte réel, qui correspond à la réalité de Dieu et de l’homme. Déjà avant la destruction extérieure du temple, selon Paul, l’ère du temple et de son culte est terminée: Paul se trouve ici en parfaite harmonie avec les paroles de Jésus, qui avait annoncé la fin du temple et annoncé un autre temple « pas fait de mains d’homme » – le temple de son corps ressuscité (cf. Mc 14, 58; Jn 2, 19sq). Cela est le premier texte.

2. Le deuxième texte dont je voudrais aujourd’hui parler se trouve dans le premier verset du chapitre 12 de la Lettre aux Romains. Nous l’avons écouté et je le répète encore: « Je vous exhorte donc, frères, par la miséricorde de Dieu, à offrir vos personnes en hostie vivante, sainte, agréable à Dieu: c’est là le culte spirituel que vous avez à rendre ». Dans ces paroles a lieu un paradoxe apparent: alors que le sacrifice exige généralement la mort de la victime, Paul en parle en revanche en relation avec la vie du chrétien. L’expression « offrir vos personnes », étant donné le concept qui suit de sacrifice, prend la nuance cultuelle de « donner en oblation, offrir ». L’exhortation à « offrir les corps » se réfère alors à la personne tout entière; en effet, dans Rm 6, 13, il invite à « s’offrir soi-même ». Du reste, la référence explicite à la dimension physique du chrétien coïncide avec l’invitation à « glorifier Dieu dans votre corps » (cf. 1 Co 6, 20): il s’agit d’honorer Dieu dans l’existence quotidienne la plus concrète, faite de visibilité relationnelle et perceptible.

Un comportement de ce genre est qualifié par Paul de « sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu ». C’est précisément ici que nous rencontrons le terme « sacrifice ». Dans l’usage courant, ce terme fait partie d’un contexte sacré et sert à désigner l’égorgement d’un animal, dont une partie peut être brûlée en l’honneur des dieux et une autre partie peut être consommée par ceux qui font l’offrande au cours d’un banquet. Paul l’applique en revanche à la vie du chrétien. En effet, il qualifie un tel sacrifice en se servant de trois adjectifs. Le premier – « vivant » – exprime la vitalité. Le deuxième – « saint » – rappelle l’idée paulinienne d’une sainteté liée non pas à des lieux ou à des objets, mais à la personne même des chrétiens. Le troisième – « agréable à Dieu » – rappelle peut-être la fréquente expression biblique du sacrifice « en parfum d’apaisement » (cf. Lv 1, 13.17; 23, 18; 26, 31; etc.).

Immédiatement après, Paul définit ainsi cette nouvelle façon de vivre: tel est « votre culte spirituel ». Les commentateurs du texte savent bien que l’expression grecque (ten logiken latreían) n’est pas facile à traduire. La Bible latine traduit: « rationabile obsequium ». Le même mot « rationabile » apparaît dans la première prière eucharistique, le Canon romain: dans celui-ci, on prie pour que Dieu accepte cette offrande comme « rationabile ». La traduction française habituelle « culte spirituel » ne reflète pas toutes les nuances du texte grec (ni du texte latin). Quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas d’un culte moins réel, ou même uniquement métaphorique, mais d’un culte plus concret et réaliste – un culte dans lequel l’homme lui-même, dans sa totalité d’être doté de raison, devient adoration, glorification du Dieu vivant.

Cette formule paulinienne, qui revient ensuite dans la Prière eucharistique romaine, est le fruit d’un long développement de l’expérience religieuse au cours des siècles précédant le Christ. Dans cette expérience, on rencontre des développements théologiques de l’Ancien Testament et des courants de la pensée grecque. Je voudrais au moins montrer quelques éléments de ce développement. Les Prophètes et de nombreux Psaumes critiquent avec force les sacrifices sanglants du temple. Le Psaume 50 (49), dans lequel c’est Dieu qui parle, dit par exemple: « Si j’ai faim, je n’irai pas te le dire, car le monde est à moi et son contenu. Vais-je manger la chair des taureaux, le sang des boucs, vais-je le boire? Offre à Dieu un sacrifice d’action de grâces… » (vv. 12-14). Dans le même sens, le Psaume suivant, 51 (50) dit: « … Car tu ne prends aucun plaisir au sacrifice: un holocauste tu n’en veux pas. Le sacrifice à Dieu c’est un esprit brisé; d’un cœur brisé, broyé, Dieu n’a point de mépris » (vv. 18sq). Dans le Livre de Daniel, à l’époque de la nouvelle destruction du temple par le régime hellénistique (ii siècle av. j.c.), nous trouvons un nouveau pas dans la même direction. Au milieu du feu, – c’est-à-dire de la persécution, de la souffrance – Azarias prie ainsi: « Il n’est plus, en ce temps, chef, prophète ni prince, holocauste, sacrifice, oblation ni encens, lieu où te faire des offrandes et trouver grâce auprès de toi. Mais qu’une âme brisée et un esprit humilié soient agréés de toi, comme des holocaustes de béliers et de taureaux… que tel soit notre sacrifice aujourd’hui devant toi et qu’il te plaise » (Dn 3, 38sq). Dans la destruction du sanctuaire et du culte, dans cette situation de manque de tout signe de la présence de Dieu, le croyant offre comme véritable holocauste, le cœur plein de contrition – son désir de Dieu.

Nous voyons un développement important, beau, mais avec un danger. Il y a une spiritualisation, une moralisation du culte: le culte devient uniquement une chose du cœur, de l’esprit. Mais il manque le corps, il manque la communauté. On comprend par exemple que le Psaume 51 et également le Livre de Daniel, malgré la critique du culte, souhaitent le retour au temps des sacrifices. Mais il s’agit d’un temps renouvelé, d’un sacrifice renouvelé, dans une synthèse qui n’était pas encore prévisible, ou ne pouvait pas encore être pensée.

Revenons à saint Paul. Il est l’héritier de ces développements, du désir du vrai culte, dans lequel l’homme lui-même devient gloire de Dieu, adoration vivante avec tout son être. Dans ce sens, il dit aux Romains: « Offrez vos personnes en hosties vivantes… c’est là le culte spirituel » (Rm 12, 1). Paul répète ainsi ce qu’il avait déjà indiqué dans le chapitre 3: le temps des sacrifices d’animaux, des sacrifices de remplacement, est terminé. Le temps est venu du culte véritable. Mais il y a là aussi le risque d’un malentendu: on peut facilement interpréter ce nouveau culte dans un sens moralisant: en offrant notre vie, c’est nous qui faisons le vrai culte. De cette manière, le culte avec les animaux serait remplacé par le moralisme: l’homme lui-même accomplirait tout à lui seul, avec son effort moral. Et cela n’était certainement pas l’intention de saint Paul. Mais la question demeure: Comment devons-nous donc interpréter ce « culte spirituel, raisonnable »? Paul suppose toujours que nous sommes devenus « un dans le Christ Jésus » (Ga 3, 28), que nous sommes morts dans le baptême (cf. Rm 1) et que nous vivons à présent avec le Christ, pour le Christ, en Christ. Dans cette union – et seulement ainsi – nous pouvons devenir en Lui et avec Lui « hostie vivante », offrir le « culte vrai ». Les animaux sacrifiés auraient dû remplacer l’homme, le don de soi de l’homme, et ils ne pouvaient pas le faire. Jésus Christ, dans son don au Père et à nous, n’est pas un remplacement, mais il porte réellement en lui l’être humain, nos fautes et notre désir; il nous représente réellement, il nous assume en lui. Dans la communion avec le Christ, réalisée dans la foi et dans les sacrements, nous devenons, malgré tous nos manquements, un sacrifice vivant: le « culte vrai » s’accomplit.

Cette synthèse se trouve à la fin du Canon romain, dans lequel on prie afin que cette offrande devienne « rationabile » – que se réalise le culte spirituel. L’Eglise sait que, dans la Très Sainte Eucharistie, le don de soi du Christ, son sacrifice véritable devient présent. Mais l’Eglise prie pour que la communauté célébrante soit vraiment unie au Christ, soit transformée; elle prie, afin que nous-mêmes devenions ce que nous ne pouvons pas être avec nos forces: une offrande « rationabile » qui plaît à Dieu. Ainsi, la prière eucharistique interprète les paroles de saint Paul de manière juste. Saint Augustin a éclairci tout cela de façon merveilleuse dans le 10 livre de sa Cité de Dieu. Je ne cite que deux phrases: « Tel est le sacrifice des chrétiens: Bien qu’étant nombreux, nous ne sommes qu’un seul corps dans le Christ »… « Toute la communauté (civitas) rachetée, c’est-à-dire la congrégation et la société des saints, est offerte à Dieu à travers le Prêtre suprême qui s’est donné lui-même » (10, 6: ccl 47, 27sq).
3. Pour finir, encore une très brève parole sur le troisième texte de la Lettre aux Romains concernant le nouveau culte. Saint Paul s’exprime ainsi dans le chapitre 15: « En vertu de la grâce que Dieu m’a faite d’être un officiant (hierourgein) du Christ Jésus auprès des païens, ministre de l’Evangile de Dieu, afin que les païens deviennent une offrande agréable, sanctifiée dans l’Esprit Saint » (15, 15sq). Je ne voudrais souligner que deux aspects de ce texte merveilleux à propos de la terminologie unique dans les lettres pauliniennes. Tout d’abord, saint Paul interprète son action missionnaire parmi les peuples du monde pour construire l’Eglise universelle comme action sacerdotale. Annoncer l’Evangile pour unir les peuples dans la communion du Christ ressuscité est une action « sacerdotale ». L’apôtre de l’Evangile est un véritable prêtre, il accomplit ce qui est le centre du sacerdoce: il prépare le vrai sacrifice. Et le deuxième aspect: l’objectif de l’action missionnaire est – ainsi pouvons-nous dire – la liturgie cosmique: que les peuples unis dans le Christ, le monde, devienne comme tel gloire de Dieu, « offrande agréable, sanctifiée dans l’Esprit Saint ». Ici apparaît l’aspect dynamique, l’aspect de l’espérance dans le concept paulinien du culte: le don de soi du Christ implique la tendance à attirer chacun à la communion de son corps, d’unir le monde. Ce n’est qu’en communion avec le Christ, l’Homme-modèle, un avec Dieu, que le monde devient tel que nous le désirons tous: miroir de l’amour divin. Ce dynamisme est toujours présent dans l’Eucharistie – ce dynamisme doit inspirer et former notre vie. Et avec ce dynamisme, nous commençons la nouvelle année. Merci de votre patience.

LA FOLIE DE LA PRÉDICATION DE LA CROIX

13 novembre, 2014

http://www.sourcedevie.com/html/C031-folie-predication-croix.htm

Source de Vie – mis le 05/04/2005

Ce texte est la mise par écrit d’un message donné oralement par Henri VIAUD-MURAT, message qui a été enregistré sur cassette audio. Afin de garder la spontanéité de ce qui a été donné, la mise par écrit a été faite en conservant l’intégralité de l’enregistrement oral, sauf quelques modifications mineures qui étaient nécessaires à la compréhension du texte écrit.

LA FOLIE DE LA PRÉDICATION DE LA CROIX

Le thème de ce message peut effrayer certains parce qu’il parle de la folie de la prédication de la Croix. La prédication de la Croix est une folie, mais pas pour n’importe qui. Elle est une folie pour ceux qui périssent. Pour nous qui croyons, dit l’apôtre Paul, elle est la puissance de Dieu. Donc Paul met une barrière déjà très nette entre ceux qui croient et ceux qui ne croient pas.
Je veux vous lire dans la Bible ce passage de la première épître aux Corinthiens, où Paul nous explique quelle est sa mission de prédicateur. Il dit au chapitre 1, au verset 17 : « Ce n’est pas pour baptiser que Christ m’a envoyé ». Il connaissait l’importance du baptême, il le pratiquait aussi, sûrement, mais ce n’était pas pour cela que Dieu l’avait envoyé. « C’est pour annoncer l’évangile, sans la sagesse du langage, afin que la Croix de Christ ne soit pas rendue vaine ». Pour moi qui vous parle de la Croix de Christ, je sais que c’est une grande responsabilité parce que la manière dont je peux en parler pourrait risquer de rendre vaine la Croix de Christ.
Vous vous rendez compte de la responsabilité de celui qui parle et de ceux qui écoutent, mais surtout de celui qui parle avec la sagesse du langage, c’est-à-dire un langage humain, un langage avec des belles phrases humaines, de beaux arguments humains qui risquent d’annuler la puissance du message de la Croix, de le rendre vain ! « Car la prédication de la Croix est une folie pour ceux qui périssent, mais pour nous qui sommes sauvés, elle est une puissance de Dieu ». Le mot grec « logos » qui est utilisé dans le texte n’est pas « la prédication de la Croix », mais la « Parole de la Croix ». C’est une parole qui sort du cœur de Dieu. Jésus est la Parole, Il est la Parole vivante (la Bible est la Parole écrite) et la Parole de la Croix est la puissance de Dieu pour nous qui sommes sauvés.
« Je détruirai la sagesse des sages, et j’anéantirai l’intelligence des intelligents ». Ce n’est pas toujours facile à comprendre, mais quand le Saint-Esprit nous montre ce que Dieu veut dire, notre cœur est ouvert. Dieu ne veut pas de l’intelligence des hommes pour expliquer le message de la Croix et nous n’avons pas besoin nous-mêmes de l’intelligence des hommes pour l’entendre et pour l’accepter. Nous avons besoin de l’action du Saint-Esprit dans le cœur. Tout ce qu’il nous faut, c’est un cœur ouvert à la vérité.
Si je dis devant Dieu : « Seigneur, je veux te connaître, toi, celui que tu as envoyé et cette puissance qui vient de toi, que tu as placé dans la Parole de la Croix », c’est parce que cette Parole de la Croix concerne l’œuvre de Jésus. Ce qu’on appelle la croix, ce n’est qu’un morceau de bois sur lequel Jésus a été cloué et sur lequel Il est mort. Donc, quand on parle de la Croix, on parle de la mort de Jésus-Christ, Jésus le Fils de Dieu. Dieu le Fils a pris la peine de venir s’incarner dans un corps semblable au nôtre mais sans péché, pour un seul but : monter sur cette croix et mourir. Nous savons qu’Il n’est pas resté sur la croix ni dans la tombe, le troisième jour Il est ressuscité !
Jésus est passé par une mort physique complète. Il n’est pas mort à 50 pour cent ou à 90 pour cent. Il est mort à 100 pour cent. Il est passé par cette épreuve à 100 pour cent. La motivation qui était dans son cœur, et dans le cœur du Père qui l’a envoyé, l’a poussé à faire cela, et cette motivation nous le savons : c’est l’amour. C’est parce que Dieu est amour qu’Il a envoyé Jésus dans un corps comme le nôtre pour vivre selon la loi, parfaitement, sans désobéir, mais aussi pour mourir sur cette croix.
Pourquoi ce message de la Croix est-il une folie pour ceux qui périssent ? C’est une folie parce que la Bible nous dit que si Jésus est venu mourir sur une croix, ce n’était pas pour lui-même (Il n’a jamais rien fait pour lui-même). Dans cette mort expiatoire, sur la Croix, il y avait la condamnation qui devait revenir à tous les hommes. Et Jésus a accepté qu’elle vienne sur lui pour recevoir la condamnation qui devait tomber sur tous les hommes à cause des péchés du monde.

MAIS CE TRÉSOR, NOUS LE PORTONS DANS DES VASES D’ARGILE. » (2 CO 4, 7)

5 novembre, 2014

http://paroledevie.free.fr/adultes/index.php?date0=0301

MAIS CE TRÉSOR, NOUS LE PORTONS DANS DES VASES D’ARGILE. » (2 CO 4, 7)

Quelques textes
pour approfondir la parole de vie
Le commentaire de Chiara Lubich:

Impressionnés par les prédicateurs de leur époque, les chrétiens de Corinthe avaient tendance à leur comparer l’apôtre Paul, un homme simple, fragile et physiquement éprouvé, qui renonçait aux grandes phrases suggérées par la sagesse humaine1. C’est pourtant à lui que, sur la route de Damas, Jésus s’était pleinement révélé, en l’invitant à faire connaître sa lumière à tous les hommes2. Paul était bien le premier à se rendre compte de l’écart entre la grandeur de sa mission et la faiblesse de sa propre personne : un trésor placé dans un pauvre vase de terre cuite.
Bien souvent, nous faisons le même constat : notre pauvreté, notre insuffisance, notre impuissance devant des situations qui nous dépassent. Nous percevons notre tendance au mal, et la difficulté à y résister à cause de la faiblesse de notre volonté. Comme Paul, nous nous sentons des vases d’argile.
Et ces faiblesses, ces fragilités, nous les décelons chez les personnes qui nous entourent, en famille, dans la communauté ou le groupe dont nous faisons partie. Tout particulièrement pendant ce mois où l’on célèbre la semaine de prière pour l’unité des chrétiens, nous ressentons douloureusement le fait que, malgré le trésor que Dieu nous a donné, nous n’avons pas réussi à vivre en unité.

« Mais ce trésor, nous le portons dans des vases d’argile. »
À regarder les vases d’argile que nous sommes, nous pourrions perdre courage. Mais ce qui a de la valeur – et sur quoi nous voulons porter toute notre attention – c’est le trésor que nous portons en nous ! Paul, lui, savait que son vase d’argile était habité par la lumière du Christ3, ce qui lui donnait l’audace de tout oser pour la diffusion de son Royaume. Comme chrétiens, nous portons, nous aussi un trésor infini : la sainte Trinité. En regardant en nous, nous pouvons découvrir une immensité, un soleil divin au fond de nous. Autour de nous, au-delà du « vase d’argile » qui nous saute aux yeux chez les autres, découvrons aussi le trésor qui est en eux. Allons ainsi au-delà de l’apparence. La lumière de la Trinité qui habite en nous, rappelle Jean Paul II, « doit être aussi perçue sur le visage des frères qui sont à nos côtés »4.

« Mais ce trésor, nous le portons dans des vases d’argile. »
Cette Parole de Vie nous est adressée. À nous tous. « Les chrétiens doivent faire connaître ensemble ce trésor qui resplendit glorieux dans le visage du Ressuscité. »5 Mais il nous faut entrer en communion avec lui pour prendre conscience de la richesse que nous possédons. Oui, nous pouvons apprendre à vivre avec la sainte Trinité, jusqu’à nous perdre en elle. Oui, nous pouvons établir un rapport personnel avec chacune des trois Personnes divines, le Père, le Fils et l’Esprit Saint, afin que ce soit Dieu lui-même qui vive et agisse en nous.
Le Père est en nous, présent dans notre vase d’argile. Nous pouvons nous décharger sur lui de tous nos soucis comme nous le suggère l’apôtre Pierre6. À un père on se confie en pleine confiance. Un père est un soutien, une certitude pour son fils qui, comme un enfant, se jette avec insouciance dans ses bras.
Le Fils est lui aussi au fond de nous. Le Verbe incarné, Jésus, vit en nous. Nous l’aimons partout où il est présent : dans l’Eucharistie, dans la Parole, quand nous sommes unis en Son nom, dans le pauvre, dans l’autorité qui le représente… au plus profond de notre cœur. Nous pouvons même apprendre à l’aimer dans nos limites, nos faiblesses, nos échecs, parce qu’il a assumé notre faiblesse et notre fragilité, sans être lui-même pécheur. Jésus, Verbe incarné, qui a tout partagé avec nous, peut nous soutenir dans toutes les épreuves de la vie, en nous suggérant comment les dépasser, afin de nous redonner lumière, force et paix. Et à l’Esprit Saint, nous nous confions avec assurance, comme à un autre nous-mêmes. Il nous répond toujours quand nous l’invoquons et nous suggère des paroles de sagesse. Il nous réconforte, nous soutient, nous aime comme un véritable ami, en nous donnant la lumière.
Que voulons-nous de plus ? Un seul Amour a pris place dans notre cœur : c’est notre trésor. Le vase d’argile, chez nous comme chez les autres, ne nous découragera plus. Il nous rappellera simplement que la lumière et la vie que Dieu veut dégager en nous et autour de nous n’est pas tant le fruit de nos capacités humaines que l’effet de sa présence à l’œuvre en nous, si on sait la reconnaître et l’aimer.
Alors, comme Paul, nous pourrons nous aussi tout oser pour le Royaume de Dieu, et tendre plus fortement à une communion pleine et visible entre les chrétiens, afin de pouvoir répéter comme lui : « Mais ce trésor, nous le portons dans des vases d’argile, pour que cette incomparable puissance soit de Dieu et non de nous » (2 Co 4, 7).

GALATES 5.22 – MAIS LE FRUIT DE L’ESPRIT C’EST L’AMOUR, LA JOIE, LA PAIX, LA PATIENCE, L’AMABILITÉ, LA BONTÉ, LA FIDÉLITÉ,

29 octobre, 2014

http://www.topchretien.com/topbible/galates.5.22/SEM/

GALATES 5.22 – MAIS LE FRUIT DE L’ESPRIT C’EST L’AMOUR, LA JOIE, LA PAIX, LA PATIENCE, L’AMABILITÉ, LA BONTÉ, LA FIDÉLITÉ,

COMMENTAIRES BIBLIQUES

Si nous prenons bien soin d’agir sous l’égide et la puissance de l’Esprit, bien que nous ne puissions pas être complètement libérés des diverses tentations et risques de corruption dus à notre nature corrompue, ces derniers ne pourront pas prévaloir sur nous.
Les croyants sont engagés dans un véritable « conflit » : ils désirent vraiment que la Grâce puisse les conduire vers une victoire totale et rapide. Ceux qui désirent être véritablement conduits par le Saint-Esprit, ne sont plus sous le régime de la loi, avec les ordonnances qu’elle réclame, ni exposés à sa terrible malédiction. Leur haine du péché, et leurs désirs de sainteté, montrent qu’ils ont une part dans le salut offert par l’Évangile.
Les œuvres de la chair sont nombreuses et manifestes. Les péchés qu’elles comportent ferment les « portes du ciel » aux hommes. Cependant, combien voit-on de personnes qui professent être chrétiennes, annonçant leur espérance pour le ciel, tout en vivant dans le péché !
Le « fruit de l’Esprit », ou de la nature renouvelée que nous revêtons, est nommé dans ce texte. Comme l’apôtre avait nommé préalablement les œuvres de la chair, non seulement nuisibles à ceux qui les pratiquent, mais aussi pour leur entourage, de la même façon, dans ce texte, il remarque principalement le fruit de l’Esprit, qui tend à rendre les chrétiens heureux, à titre personnel, mais aussi sur le plan fraternel.
Le fruit de l’Esprit montre clairement que de tels chrétiens sont menés par le Saint-Esprit. En décrivant les œuvres de la chair et le fruit de l’Esprit, il nous est enseigné ce que nous devons éviter, ce à quoi nous devons nous opposer, et ce que nous devons chérir et « cultiver » ; ce type de conduite doit être effectué avec un cœur sincère, conformément aux principes de la véritable vie chrétienne : le péché ne règne plus désormais dans notre corps mortel, nous ne devons plus lui céder quoi que ce soit, Romains 6:12, mais chercher à l’endiguer.
Christ ne « possédera » jamais ceux qui veulent rester des « serviteurs » du péché. Il n’est pas suffisant que nous cessions de pratiquer le mal, nous devons aussi apprendre à faire le bien. La nature de nos conversations témoignera toujours des principes spirituels qui nous animent et nous gouvernent, Romains 8:5. Nous devons chercher sérieusement à mortifier les vaines actions de notre corps mortel, pour marcher en nouveauté de vie. Non pas en étant désireux des honneurs et de la gloire de ce monde, mais en n’excitant aucune provocation ni jalousie, et en cherchant à donner abondamment les bons fruits qui proviennent de la vie « en » Jésus-Christ, à la louange et à la gloire de Dieu !

« MIS À PART DÈS LE SEIN DE MA MÈRE  » (JÉRÉMIE ET PAUL)

25 octobre, 2014

http://www.bible-service.net/extranet/current/pages/1319.html

« MIS À PART DÈS LE SEIN DE MA MÈRE  » (JÉRÉMIE ET PAUL)

Théologie

Choisis par Dieu pour une mission divine, Jérémie et Paul sont « mis à part dès le sein maternel » : pour quels enjeux ?
Parmi les personnages bibliques choisis par Dieu pour une mission divine, Jérémie et Paul sont  » mis à part dès le sein maternel ». Si l’expression n’est pas utilisée pour Samson, Jean-Baptiste ou Jésus, les parallèles sont pourtant nombreux. Quels sont les enjeux de cette mise à part ? Comment éclaire-t-elle la mission donnée à l’élu ? Et quelle liberté réserve-t-elle à l’appelé ?
L’expression « mis à part » (ou « consacré » selon les traductions), signifie « choisi parmi un groupe pour être institué dans une mission ». Elle sous-entend une délimitation, une définition et une séparation. Dans l’Ancien Testament, elle qualifie la distinction entre le pur et l’impur, entre le profane et le sacré. Elle désigne également la mission confiée au peuple élu (Cf. Lv 20,26).

• Le choix de Dieu
La mise à part s’inscrit dans le mouvement de l’appel de Dieu. Pour Jérémie, Paul, Samson ou Jean-Baptiste, choisis dès le sein de leur mère, l’initiative du choix revient à Dieu de manière absolue. La perception d’un Dieu qui façonne sa créature dans le sein maternel, qui en connaît d’emblée toute l’existence (Cf. Ps 139), est placée ici au cœur de la vocation. Cette tradition est complétée dans le Psaume 51 (50) où l’élu de Dieu se reconnaît pécheur dès le sein de sa mère, et donc déjà placé sous le regard de Dieu. On peut parler d’une « prédestination » de la part de Dieu qui raisonne comme un appel à orienter et engager toute sa vie sur la voie qu’il nous ouvre.
La mise à part est liée aussitôt à une mission. C’est là son fondement et son but. Jérémie est mis à part dès le sein maternel car Dieu « fait (de lui) un prophète pour les nations « . De même, Paul est mis à part pour voir se révéler le Fils et l’annoncer aux païens. Jean-Baptiste, lui, reçoit la mission d’être prophète du Très-Haut, de marcher devant, sous le regard du Seigneur, et de préparer ses chemins (Lc 1,16.76).

• La réponse de l’élu
Pour accomplir sa mission, l’élu est supposé avoir une vie intime avec le Seigneur, une connaissance particulière. L’assurance de la présence du Seigneur avec lui ou de l’Esprit en lui, le rendra fidèle à sa mission. Sa fidélité ne lui vient pas d’une qualité personnelle qu’il détiendrait mais de sa capacité à accueillir la grâce de Dieu. Ainsi Jérémie se considère trop jeune ou incapable d’assumer sa mission au point de maudire le jour de sa naissance. Mais le Seigneur lui confirme son choix à plusieurs reprises pour lui ôter ses doutes. L’élu devient comme l’instrument du Seigneur.
La consécration réduirait-elle la liberté de l’élu, puisque sa mise à part a lieu dès le sein de sa mère ? Le Seigneur appelle et suscite une réponse de l’élu. Celui-ci accepte d’accueillir sa grâce, son Esprit, devenir son mandataire et rester fidèle en dépit de l’adversité rencontrée. Les réticences de Jérémie à l’encontre de l’appel divin montrent qu’entre Dieu et son envoyé, s’instaure un dialogue. La liberté de l’élu se situe non pas du côté de l’appel, mais du côté de sa réponse et de son consentement à faire la volonté de Dieu. L’appelé ne connaît pas d’emblée la mission qui lui est confiée. Il la découvrira progressivement, se laissera modeler par elle, et aura à l’accepter librement (ou y renoncer) à chaque instant. Elle s’inscrit dans le dessein de Dieu, lequel échappe à l’élu. C’est dans ce oui à la volonté de Dieu que se dit la liberté de l’appelé.
Jésus accomplit pleinement cette adhésion libre à la volonté du Père. Sa mise à part et sa mission sont exprimées dès l’Annonciation : le fruit du sein de Marie est saint et béni, recevra le nom de Jésus, sera grand et appelé fils du Très-Haut, recevra le trône de David son père et régnera pour toujours (Lc 1,31-32). Sa conception mystérieuse par l’action de l’Esprit Saint manifeste la volonté de Dieu. Sa mission accueillie et assumée, Jésus la vivra dans la connaissance intime du Père. Il priera pour la partager avec ceux que le Père lui a donnés et qu’il lui demande de consacrer alors (Jn 17). Mis à part et consacré pour la mission, Jésus vient accomplir et donner sens à toute vocation.

Christophe RAIMBAULT.

« SI JE N’AI PAS LA CHARITÉ… » MÉDITATION DU PÈRE CANTALAMESSA

6 octobre, 2014

http://www.theotokos.fr/prieres-chretiennes/prieres.php?action=detail&id_priere=173

« SI JE N’AI PAS LA CHARITÉ… »

MÉDITATION DU PÈRE CANTALAMESSA

« SI JE N’AI PAS LA CHARITÉ, CELA NE SERT DE RIEN « 

Homélie sur la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 12,31.13,1-13

« Parmi les dons de Dieu, vous cherchez à obtenir ce qu’il y a de meilleur. Eh bien, je vais vous indiquer une voie supérieure à toutes les autres.
Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, je ne suis plus qu’airain qui sonne ou cymbale qui retentit.
Quand j’aurais le don de prophétie et que je connaîtrais tous les mystères et toute la science, quand j’aurais la plénitude de la foi, une foi à transporter des montagnes, si je n’ai pas la charité, je ne suis rien.
Quand je distribuerais tous mes biens en aumônes, quand je livrerais mon corps aux flammes, si je n’ai pas la charité, cela ne me sert de rien.
La charité est longanime ; la charité est serviable ; elle n’est pas envieuse ; la charité ne fanfaronne pas, ne se gonfle pas ;
elle ne fait rien d’inconvenant, ne cherche pas son intérêt, ne s’irrite pas, ne tient pas compte du mal ;
elle ne se réjouit pas de l’injustice, mais elle met sa joie dans la vérité.
Elle excuse tout, croit tout, espère tout, supporte tout.
La charité ne passe jamais. Les prophéties ? elles disparaîtront. Les langues ? elles se tairont. La science ? elle disparaîtra.
Car partielle est notre science, partielle aussi notre prophétie.
Mais quand viendra ce qui est parfait, ce qui est partiel disparaîtra.
Lorsque j’étais enfant, je parlais en enfant, je pensais en enfant, je raisonnais en enfant ; une fois devenu homme, j’ai fait disparaître ce qui était de l’enfant.
Car nous voyons, à présent, dans un miroir, en énigme, mais alors ce sera face à face. A présent, je connais d’une manière partielle ; mais alors je connaîtrai comme je suis connu.
Maintenant donc demeurent foi, espérance, charité, ces trois choses, mais la plus grande d’entre elles, c’est la charité.

« Si je n’ai pas la charité »
Nous consacrons notre réflexion à la deuxième lecture qui contient un message très important. Il s’agit du célèbre hymne de saint Paul à la charité. « Charité » est le terme religieux signifiant « amour ». Il s’agit donc d’un hymne à l’amour, peut-être le plus célèbre et le plus sublime ayant jamais été écrit.
Lorsque le christianisme apparut sur la scène du monde, divers auteurs avaient déjà chanté l’amour. Le plus célèbre était Platon qui avait écrit un traité entier sur ce thème. Le nom commun de l’amour était alors eros (d’où viennent nos termes « érotique » et « érotisme »). Le christianisme sentit que cet amour passionnel de recherche et de désir ne suffisait pas pour exprimer la nouveauté du concept biblique. Il évita donc complètement le terme eros et le remplaça par celui de agape, qui devrait se traduire par « amour spirituel » ou par « charité », si ce terme n’avait pas désormais acquis un sens trop restreint (faire la charité, œuvre de charité).
La principale différence entre les deux amours est la suivante : l’amour de désir, ou érotique, est exclusif ; il se consume entre deux personnes ; l’ingérence d’une troisième personne signifierait sa fin, la trahison. Parfois l’arrivée même d’un enfant parvient à mettre en crise ce type d’amour. L’amour de don, ou agape embrasse en revanche toute personne, il n’en exclut aucune, pas même l’ennemi. La formule classique du premier amour est celle que nous entendons sur les lèvres de Violetta dans la Traviata de Verdi : « Aime-moi Alfredo, aime-moi autant que je t’aime ». La formule classique de la charité est celle de Jésus qui dit : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». Il s’agit d’un amour fait pour circuler, pour se diffuser.
Il existe une autre différence : l’amour érotique, dans sa forme la plus typique qui est l’état amoureux, ne dure pas, de par sa nature, ou ne dure qu’en changeant d’objet, c’est-à-dire en tombant successivement amoureux de différentes personnes. Saint Paul dit en revanche que la charité « demeure », que c’est même la seule chose qui demeure éternellement, et qui demeurera même lorsque la foi et l’espérance auront disparu.
Entre ces deux amours – celui de recherche et de don – il n’existe toutefois pas de séparation nette et d’opposition, mais plutôt un développement, une croissance. Le premier, l’eros est pour nous le point de départ, le deuxième, la charité est le point d’arrivée. Entre les deux existe tout un espace pour une éducation à l’amour et pour grandir dans l’amour. Prenons le cas le plus commun qui est l’amour du couple. Dans l’amour entre deux époux, au début dominera l’eros, l’attrait, le désir réciproque, la conquête de l’autre, et donc un certain égoïsme. Si, chemin faisant, cet amour ne s’efforce pas de s’enrichir d’une dimension nouvelle, faite de gratuité, de tendresse réciproque, de capacité à s’oublier pour l’autre et se projeter dans les enfants, nous savons tous comment il se terminera.
Le message de Paul est d’une grande actualité. L’ensemble du monde du spectacle et de la publicité semble s’être aujourd’hui engagé à enseigner aux jeunes que l’amour se réduit à l’eros et l’eros au sexe ; que la vie est une idylle permanente, dans un monde où tout est beau, jeune, sain, où la vieillesse et la maladie n’existent pas, et où tous peuvent dépenser autant qu’ils le désirent. Mais ceci est un mensonge colossal qui génère des attentes disproportionnées qui, déçues, provoquent des frustrations, des rébellions contre la famille et la société et ouvrent souvent la voie au crime. La parole de Dieu nous aide à faire en sorte que le sens critique ne s’éteigne pas complètement chez les personnes, face à ce qui leur est servi quotidiennement.

Père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale.

Source : AELF

20. MÉTHODE DE TRAVAIL DE PAUL

2 octobre, 2014

http://www.cursillos.ca/action/st-paul/paul20-methode.htm

20. MÉTHODE DE TRAVAIL DE PAUL

Nous pouvons nous demander si Paul avait une méthode de travail qu’il utilisait de façon systématique dans ses voyages missionnaires. Bien qu’il n’eût pas toujours un plan déterminé, il savait bien ce qu’il voulait et où il allait. Nous retrouvons deux constantes dans ses déplacements.

Juifs priant à la synagogue
Juifs de la diaspora
priant dans une synagogue.
Paul y retrouvait
une ambiance familière.
En premier lieu, il suivait le chemin des émigrants juifs, ceux qu’on appelait les Juifs de la diaspora. Des colonies étaient établies dans différentes villes de l’empire romain et avaient développé tout un réseau de synagogues. Cela permettait à Paul de retrouver rapidement une ambiance familière.

Ensuite, il choisissait les endroits où il pouvait exercer son métier. Cela lui permettait de vivre au milieu d’artisans laborieux, de les mieux connaître et de rester indépendant au point de vue financier. Barnabé agissait de la même manière.
En arrivant dans une ville, Paul et Barnabé se rendaient dans le quartier juif et y cherchaient du travail. Selon la coutume orientale, on les recevait dans la communauté, et Paul commençait tout de suite à exercer son métier de tissage. Les jours de sabbat, les deux missionnaires se rendaient à la synagogue.
La loi impériale interdisait de prêcher ouvertement une nouvelle religion (religio illicita). Seule la Synagogue avait la permission expresse de faire des prosélytes. Ceci favorisait les chrétiens car pendant des dizaines d’années, les non-Juifs ne distinguaient pas entre le christianisme et le judaïsme. Ça leur semblait être la même religion.
Dans le quartier juif d’Antioche, le jour du Sabbat, tous les bazars étaient fermés. De nombreux Juifs et de nombreux «craignant-Dieu» (sympathisants non-Juifs) se rendaient à la synagogue. Au-dessus de la porte d’entrée, on voyait deux branches d’olivier encadrant l’inscription : «Temple des Hébreux.» Dans le sous-sol étaient aménagées des salles de bain. Quiconque avait touché à de la viande interdite ou à un cadavre, devait d’abord faire les ablutions de purification rituelle. À l’étage, il y avait la salle de prières, où se dressait le candélabre à sept branches. Au milieu de la salle se trouvait le pupitre de lecture et, derrière un rideau, on conservait les rouleaux de la Bible. Pendant les prières et les réflexions, les femmes étaient assises sur le côté, derrière une grille de bois.
Paul prêchant à la synagogueLa nouvelle de l’arrivée de deux scribes se répandit rapidement. Paul et Barnabé portaient le manteau blanc et brun (le talith) qui les distinguait des prosélytes. Paul se présenta comme docteur de la Loi et Barnabé comme lévite. Après la lecture du texte des Écritures, on invita Paul à adresser la parole à l’assemblée.
Ben-Chorin, un écrivain Juif, estime qu’il était conforme à la tradition d’inviter Paul, un disciple de Gamaliel, à prononcer la réflexion du jour. Il commence alors par présenter une interprétation traditionnelle de l’Écriture; puis il annonce le message de Jésus, ce qui est régulièrement ressenti comme un scandale par ses auditeurs juifs.
Paul disposait d’un double schéma de prédication missionnaire : le premier à l’usage des Juifs, l’autre à l’usage des non-Juifs. Dans les Actes des Apôtres (13, 15) Luc nous a conservé les grands traits d’une réflexion missionnaire adressée à un public de synagogue.
Tous les jours de sabbat, les Juifs lisaient le Psaume 22. Ils le savaient par coeur et le considéraient comme un psaume messianique. L’ancêtre inspiré a peint, mille ans avant Paul, un tableau grandiose des souffrances du Messie. C’est le psaume que Jésus a récité sur la Croix : «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?» (Ps 22, 2)
Faisant référence à ce psaume, Paul disait aux Juifs que ce n’est pas leur rêve de domination mondiale que le Messie réalisera, mais cet autre rêve des prophètes : la conversion et la réunion de tous les peuples et la constitution du royaume universel de Dieu, à travers les souffrances du Messie. Le psaume 22 se termine par cette vision d’avenir : «Toutes les extrémités de la terre se souviendront et se tourneront vers Yahvé. Toutes les familles des nations païennes se prosterneront devant sa face. Car au Seigneur appartient l’empire, et il domine sur les nations.»

L’affrontement est dû au
fait que Paul semble
déprécier la Loi de Moïse
et que, d’autre part,
il prône l’égalité absolue
entre païens et juifs,
ce qui revient à supprimer l’Élection d’Israël.

Dans son exposé, Paul en appelle à l’expérience intime de chacun : «Vous savez bien que la Loi de Moïse ne vous a pas rendus justes (ne vous a pas justifiés). C’est en Jésus que vous trouverez la rémission des péchés, la paix et la réconciliation avec Dieu.»
Paul s’aventurait en terrain miné en affirmant que la Loi de Moïse comportait des limites et que ces limites pouvaient être franchies ? Un seul l’avait fait avant lui : Etienne, et on l’avait mis à mort. Non seulement Paul lui emboîte le pas mais il va encore plus loin.
Les lettres de Paul sont pleines de citations qu’il puise dans la version grecque de la Septante. Il a été le premier à qualifier les Écritures «d’Ancien Testament» (2 Co 3, 14). Il a compris que le Christ était venu accomplir la promesse. Pour lui, le christianisme est dans la continuité de cette histoire extraordinaire du salut qui a commencé avec Abraham et qui s’est réalisée en Jésus Christ.
Les discours de Paul a l’habitude de remuer profondément ses auditeurs, Juifs et Païens. À Antioche de Pisidie, on en parle tout au long de la semaine, et le samedi suivant, la synagogue est pleine à capacité. Au milieu des païens avides d’écouter les prédicateurs étrangers, les juifs se découvrent en minorité et ils sont furieux : «À la vue de cette foule, les Juifs furent pris de fureur, et c’était des injures qu’ils opposaient aux paroles de Paul. Paul et Barnabé eurent alors la hardiesse de déclarer : C’est à vous d’abord que devait être adressée la parole de Dieu ! Puisque vous la repoussez et que vous vous jugez vous-mêmes indignes de la vie éternelle, alors nous nous tournons vers les païens. Car tel est bien l’ordre que nous tenons du Seigneur: «Je t’ai établi lumière des nations, pour que tu apportes le salut aux extrémités de la terre». (Actes, 13, 44-46)
Selon Ben-Chorin, «si Paul s’était contenté d’annoncer le Messie en la personne de Jésus de Nazareth, il n’aurait pas provoqué un tel conflit avec la synagogue. L’affrontement est dû au fait que d’une part, il semble déprécier la Loi de Moïse et que, d’autre part, il prône l’égalité absolue entre païens et juifs, ce qui revient à supprimer l’Élection d’Israël.» Paul explique que la situation privilégiée d’Israël a joué son rôle, mais avec la venue du Christ, elle a pris fin. Ce n’est pas l’appartenance au peuple élu qui décide du salut, mais la foi en Jésus Christ. Le Messie est venu pour renverser le mur qui séparait les Juifs et les païens : «Dans le Christ il n’y a pas de différence entre Juifs et païens, entre hommes libres et esclaves, entre hommes et femmes.»
Paul et Barnabé ne cessent de marquer des points et la colère des juifs atteint son paroxysme. Les femmes se montrent les plus exaltées. Elles assaillent de leurs plaintes les notables de la ville. Le résultat ne se fait pas attendre : c’est aux faiseurs de troubles que s’en prennent les dirigeants. Ils sont chassés de la ville. «Ceux-ci, ayant secoué contre eux la poussière de leurs pieds, gagnèrent Iconium ; quant aux disciples, ils restaient remplis de joie et d’Esprit Saint.» (Actes 13, 51-52)
Parmi les chrétiens, Paul est celui qui a le mieux compris l’esprit universaliste du Christ. Pour avoir prêché le salut pour tous, il sera persécuté comme apostat et la haine de son peuple le poursuivra sans relâche, partout où il ira.

LAISSEZ-VOUS RÉCONCILIER PAR LE CHRIST – RÉCONCILIATION CHEZ SAINT PAUL)

15 septembre, 2014

http://www.africamission-mafr.org/reconciliation_paul.htm

Missionnaires d’Afrique
Spiritualité
Innocent Maganya M.Afr.

LAISSEZ-VOUS RÉCONCILIER PAR LE CHRIST – RÉCONCILIATION CHEZ SAINT PAUL)

Innocent Maganya -Cette année du bimillénaire de la naissance de Paul, apôtre des nations, nous a permis de revisiter certains de ses enseignements et de les approfondir. Un aspect important de sa pensée est celui de la réconciliation. Le monde dans lequel nous vivons est un monde en crise à tous les niveaux ; c’est un monde marqué par des conflits sociaux, politiques et religieux. Saint Paul peut nous aider à affronter ces conflits dans un esprit chrétien. Il y a chez saint Paul quatre textes principaux qui parlent de la réconciliation. Évidemment, chaque texte doit être lu dans son contexte. Il s’agit de 2 Co 5, 11-21 ; Col 1, 12-23 ; Eph 2, 11-22 ; Rm 5, 6-11. Ces textes nous offrent une base solide, non seulement pour une théologie et une spiritualité de la réconciliation, mais aussi pour un ministère de la réconciliation. Nous allons concentrer notre attention sur la relation entre Paul et la communauté de Corinthe.
Paul débarque dans cette communauté après son expérience d’Athènes où le discours philosophique à l’aréopage n’a pas été un succès. Paul décide de partir de son expérience personnelle avec le Christ afin de pouvoir toucher le cœur des Corinthiens. C’est tout tremblant de peur qu’il entre à Corinthe (1 Co 2, 3-4). Dans sa première lettre, il traite de problèmes d’ordre pastoral : divisions et factions entre groupes rivaux, etc. Les chrétiens prennent parti et se rangent derrière tel ou tel apôtre. Il y a des jalousies et des calomnies au sein de la communauté. Toutes ces questions peuvent nuire à la cohésion de la communauté. La deuxième lettre est motivée par une remise en question de son autorité apostolique. On le qualifie d’homme qui ne sait pas tenir sa parole, d’homme qui change facilement de décision. Il est insulté par certains membres de la communauté. Son message sur le Christ crucifié est rejeté. Paul se défend et appelle la communauté à se réconcilier.
Paul se présente à la communauté de Corinthe comme un apôtre itinérant, persécuté et malade, un homme tremblant, un apôtre qui souffre la passion du Christ. Mais il a été réconforté par le Christ de qui il a reçu son mandat. Il ne cherche pas sa propre gloire, il ne prêche rien d’autre que le Christ, le Christ crucifié, mort pour tous. Il insiste sur le fait qu’il est ministre au service de l’Évangile et du Christ (2 Co 3,6). L’annonce de l’Évangile est pour lui un devoir : « Si j’annonce l’Évangile, je ne peux pas m’en vanter : je le fais par contrainte, et malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile » (1 Co 9, 17-18). Le Christ est le fondement sur lequel Paul se base pour appeler les Corinthiens à la réconciliation. « Frères, je vous en prie au nom de Jésus Christ, notre Seigneur : mettez-vous d’accord au lieu d’être divisés. Soyez unis, ayez un même esprit et la même façon de voir » (1 Co 1, 10-11).
La voie de l’abaissement est une stratégie délibérément choisie par Paul pour laisser transparaître le message du Christ. Il me semble que nous devons redécouvrir cette stratégie missionnaire de Paul. Il nous invite à une attitude humble, dépouillée de toute prétention, centrée sur le Christ. Ce n’est pas nous qui agissons, mais c’est le Christ qui agit et nous, nous sommes ses collaborateurs. Nous sommes des ambassadeurs du Christ. Aux Corinthiens, Paul ne donne pas des ordres. Il supplie, comme un mendiant. C’est là que réside toute la force persuasive de saint Paul. Dans un processus de réconciliation, il faut parfois cette attitude d’abaissement : ne pas tenir à ses certitudes, même si nous pensons que nous avons raison. Ce qui est important, c’est de créer un climat qui favorise le dialogue et l’harmonie, afin de retrouver la paix.
Au milieu des divisions, des rivalités, des querelles d’influence, Paul se présente comme un ambassadeur qui apporte un message de paix et de réconciliation. C’est par sa mort et sa résurrection que le Christ nous a réconciliés avec Dieu. Selon Paul, nous sommes aussi des agents de la réconciliation. Les prédicateurs de l’Évangile ne doivent pas être sources de divisions. La communauté ne doit pas non plus les considérer comme tels. Il dit aux pasteurs : « Vous êtes des administrateurs du mystère de Dieu. » Et aux communautés chrétiennes il dit : « Apprenez à ne pas vous servir de l’un ou l’autre de nous pour vous enfler vous-mêmes ».
Théologie de la réconciliation
Paul développe sa théologie de la réconciliation autour de trois arguments, à savoir l’unicité du baptême, la folie du message évangélique et la mort du Christ. Tous les chrétiens ont été baptisés dans le Christ. Les querelles entre les Corinthiens n’ont pas de sens. Paul essaie de montrer que la seule personne à qui ils appartiennent, c’est le Christ. Le chapitre 12 de la première lettre aux Corinthiens insiste beaucoup sur la communauté comme corps. « Que vous soyez Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres, l’Esprit, qui est un, a fait de nous un seul corps au moment de notre baptême. Et nous avons bu de l’Esprit qui est un » (1 Co 12,12).
Le deuxième argument autour duquel Paul développe sa théologie est la folie du message évangélique, c’est-à-dire le paradoxe de la croix. « Alors que les Juifs attendent des miracles et que les Grecs veulent la sagesse, nous proclamons un messie crucifié » (1Co 1, 22-23). Aux yeux du monde, la croix est signe de faiblesse, d’impuissance de Dieu. Mais pour ceux qui ont été appelés, elle est signe de sa puissance. Nul ne peut comprendre ce langage de la folie de la croix, si ce n’est par l’Esprit et dans l’Esprit (1 Co 2, 2-16). Sans l’aide de l’Esprit de Dieu, on peut se laisser facilement entraîner par une mentalité sectaire qui pousse à diviser plutôt qu’à unir et à réconcilier.
Le troisième argument est celui de la mort du Christ : « L’amour du Christ nous obsède et nous disons : si lui est mort pour tous, nécessairement tous sont morts. Et il est mort pour tous afin que, s’ils vivent, ils ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux » (2 Co 5, 14-15). Il y a, chez saint Paul, un lien étroit entre la mort du Christ et la réconciliation. Dans la lettre aux Corinthiens, tout comme dans la lettre aux Romains, les affirmations sur la mort du Christ précèdent toujours celles sur la réconciliation.
Notre monde a besoin de témoins authentiques de la réconciliation entre Dieu et les hommes. L’appel à la réconciliation reste pour nous un défi, mais aussi une vocation à vivre en ambassadeurs du Christ. Nous sommes appelés à être des ambassadeurs de la paix et de la réconciliation. Comme saint Paul, nous sommes appelés à vivre la réconciliation et à nous engager dans cette noble œuvre dans un monde de haine, de violence, d’inimitié, d’exclusion, de lutte pour le pouvoir.
Nous sommes des ambassadeurs du Christ, des ambassadeurs de paix dans un monde sans paix, des ambassadeurs de la réconciliation. Pour mieux vivre ce ministère, Paul nous invite à contempler la croix, signe par excellence de la réconciliation entre Dieu et les hommes, et à imiter l’expérience kénotique du Christ. C’est là qu’il a puisé toute la sagesse et toute la force pour appeler et interpeller la communauté à la réconciliation. Puissions-nous, à notre tour, être des ambassadeurs de paix et de réconciliation en commençant dans nos propres communautés.
Innocent Maganya M.Afr.

Tiré du Petit Echo N° 1004 2009/8

AUDIENCE GÉNÉRALE DE JEAN-PAUL II : LECTURE: PH 2, 6-9 (2003)

12 septembre, 2014

http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/audiences/2003/documents/hf_jp-ii_aud_20031119_fr.html

AUDIENCE GÉNÉRALE DE JEAN-PAUL II

Mercredi 19 novembre 2003

CHRIST, SERVITEUR DE DIEU – LECTURE: PH 2, 6-9

1. La Liturgie des Vêpres comprend, outre les Psaumes, également quelques cantiques bibliques. Celui qui vient d’être proclamé est certainement l’un des plus significatifs et de forte teneur théologique. Il s’agit d’un hymne inséré dans le deuxième chapitre de la Lettre de saint Paul aux chrétiens de Philippes, la ville grecque qui fut la première étape de l’annonce missionnaire de l’Apôtre en Europe. Le Cantique est considéré comme l’expression de la liturgie chrétienne des origines et c’est une joie pour notre génération de pouvoir s’associer, après deux millénaires, à la prière de l’Eglise apostolique.
Le Cantique révèle une double trajectoire verticale, un mouvement tout d’abord descendant, puis ascendant. En effet, d’un côté, il y a la descente humiliante du Fils de Dieu quand, dans l’Incarnation, il devient homme par amour des hommes. Il tombe dans la kenosis, c’est-à-dire dans le « dépouillement » de sa gloire divine, poussé jusqu’à la mort sur la croix, le supplice des esclaves qui en a fait le dernier des hommes, le transformant en véritable frère de l’humanité souffrante, pécheresse et rejetée.
2. De l’autre côté, voilà l’ascension triomphale qui s’accomplit dans la Pâque, lorsque le Christ est rétabli par le Père dans la splendeur de la divinité et est célébré comme le Seigneur par tout l’univers et par tous les hommes désormais rachetés. Nous nous trouvons face à une grandiose relecture du mystère du Christ, en particulier du mystère pascal. Saint Paul, outre à proclamer la résurrection (cf. 1 Co 15, 3-5), a également recours à la définition de la Pâque du Christ comme « exaltation », « élévation », « glorification ».
De l’horizon lumineux de la transcendance divine, le Fils de Dieu a donc franchi la distance infinie qui existe entre le Créateur et la créature. Il ne s’est pas accroché comme à une proie à sa « nature égale à Dieu », qui lui revient par nature et non par usurpation: il n’a pas voulu conserver jalousement cette prérogative comme un trésor, ni l’utiliser à son propre avantage. Au contraire, le Christ « dépouilla », « humilia » sa propre personne et apparut pauvre, faible, destiné à la mort infamante de la crucifixion. C’est précisément de cette humiliation extrême que part le grand mouvement ascensionnel décrit dans la deuxième partie de l’hymne paulinien (cf. Ph 2, 9-11).
3. Dieu « exalte » à présent son Fils en lui conférant un « nom » glorieux, qui, dans le langage biblique, indique la personne elle-même et sa dignité. Or, ce nom est « Kyrios », « Seigneur », le nom sacré du Dieu biblique, appliqué à présent au Christ ressuscité. Celui-ci place dans une attitude d’adoration l’univers, décrit selon la tripartition du ciel, de la terre et des enfers.
Dans le final de l’hymne, le Christ glorieux apparaît ainsi comme le Pantokrator, c’est-à-dire le Seigneur tout-puissant qui trône de manière triomphale dans les absides des basiliques paléochrétiennes et byzantines. Il porte encore les signes de la passion, c’est-à-dire de sa véritable humanité, mais il se révèle à présent dans la splendeur de la divinité. Proche de nous dans la souffrance et dans la mort, le Christ nous attire à présent à Lui dans la gloire, en nous bénissant et en nous faisant participer à son éternité.
4. Nous concluons notre réflexion sur l’hymne paulinien en laissant la parole à saint Ambroise, qui reprend souvent l’image du Christ qui « se dépouilla lui-même », en s’humiliant et comme en s’annulant (exinanivit semetipsum) dans l’incarnation et dans l’offrande de sa propre personne sur la croix.
En particulier, dans le Commentaire du Psaume CXVIII, l’Evêque de Milan s’exprime ainsi: « Le Christ, pendu sur la croix… fut transpercé par la lance et il s’en écoula du sang et de l’eau plus doux que tout onguent, victime agréable à Dieu, répandant dans le monde entier le parfum de la sanctification… Alors Jésus, transpercé, répandit le parfum du pardon des péchés et de la rédemption. En effet, devenu homme, de Verbe qu’il était, il avait été profondément limité, et il est devenu pauvre, bien qu’étant riche, pour nous enrichir de sa misère (cf. 2 Co 8, 9); il était puissant, il s’est manifesté comme un misérable, si bien qu’Hérode le méprisait et se moquait de lui; il savait ébranler la terre, et pourtant, il restait accroché à ce tronc; il enfermait le ciel dans une étreinte de ténèbres, il mettait le monde en croix, et pourtant, il avait été mis en croix; il baissait la tête, et pourtant, le Verbe en sortait; il avait été anéanti, et pourtant, il remplissait toute chose. Il est descendu étant Dieu, il est monté étant un homme; le Verbe est devenu chair afin que la chair puisse revendiquer pour elle le trône du Verbe à la droite de Dieu; il était entièrement couvert de plaies, et pourtant, un onguent s’en écoulait, il apparaissait déchu, et pourtant, on le reconnaissait comme Dieu » (III, 8, SAEMO IX, Milan-Rome 1987, pp. 131.133).

123456...14