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Deux prières de l’apôtre Paul

21 avril, 2008

du site: 

http://www.bibliquest.org/PF/PF-nt10et12-Deux_prieres_de_Paul_ME1948.htm

Deux prières de lapôtre Paul

Éph. 3:14-21 ; Col. 1:9-20

Paul Fuzier

ME 1948 p. 3. Les sous-titres ont été ajoutés par Bibliquest

Table des matières :

1 La prière pour les Éphésiens

1.1 Premier amour

1.2 Que l’homme intérieur soit fortifié

2 La prière pour les Colossiens

2.1 Que Christ ait la première place

2.2 Amour dans la vérité — tenir ferme le chef

2.3 Connaissance de Sa volonté — marcher d’une manière digne du Seigneur — Lui plaire à tous égards

3 Conclusion

Dans le premier numéro du Messager Évangélique de lannée 1947, nous rappelions les paroles de lapôtre : « il y a ce qui me tient assiégé tous les jours, la sollicitude pour toutes les assemblées » (2 Cor. 11:28). Nous le faisions dans le sentiment de besoins multiples, demandant à Dieu quIl nous accorde d’être animés du même esprit. Continuons à intercéder avec persévérance pour toutes les assemblées. Plus que jamais nous avons besoin de le faire !

Dieu a voulu nous conserver dans sa Parole quelques-unes des prières formulées par lapôtre en faveur des assemblées auxquelles il pensait avec tant damour. Il nous semble particulièrement opportun, au début de cette nouvelle année, darrêter notre attention sur deux dentre elles.

1 La prière pour les Éphésiens

1.1 Premier amour

Lapôtre Paul, divinement inspiré, a adressé une épître aux chrétiens d’Éphèse, et plus tard lapôtre Jean communiqua à cette assemblée ce que lui disait pour elle la « grande voix » quil entendit à Patmos, dans la journée dominicale. Quest-ce qui caractérisait alors cette assemblée ? Labandon du premier amour. « Jai contre toi que tu as abandonné ton premier amour ». Longtemps auparavant, Dieu savait, quel travail lennemi allait opérer dans les cœurs. Il avait donc conduit lapôtre Paul à adresser à ces croyants lexhortation qui convenait et lavait amené à exprimer cette requête : « … afin que, selon les richesses de sa gloire, il vous donne d’être fortifiés en puissance, par son Esprit, quant à lhomme intérieur ; de sorte que le Christ habite, par la foi, dans vos cœurs et que vous soyez enracinés et fondés dans lamour ; afin que vous soyez capables de comprendre avec tous les saints quelle est la largeur et la longueur, et la profondeur et la hauteur, et de connaître lamour du Christ, qui surpasse toute connaissance ; afin que vous soyez remplis jusqu’à toute la plénitude de Dieu » (Éph. 3:16 à 19). En lisant Apoc. 2:4, nous comprenons quel discernement avait lapôtre de l’état des Éphésiens, et nous voyons comment Dieu dirigeait son fidèle serviteur pour quil présentât lexhortation nécessaire et demandât, dans sa prière, exactement ce qui convenait afin que ces croyants fussent gardés des pièges que ladversaire allait placer devant eux. Du côté de Dieu, jamais rien ne peut manquer !

Nous gémissons sur tant de misère et de manquements, sur tant de choses qui témoignent de labandon du premier amour. Cet abandon est la conséquence du fait que nous ne savons pas assez boire à la source, que nous sommes trop peu « enracinés et fondés dans lamour ». Il y eut, dans lhistoire dIsraël, un moment qui correspondait à la fraîcheur du premier amour. Huit siècles après, l’Éternel déclare à son peuple, par la bouche du prophète : « Je me souviens de toi, de la grâce de ta jeunesse, de lamour de tes fiançailles… », et dit de lui : « Mon peuple a fait deux maux : ils mont abandonné, moi, la source des eaux vives, pour se creuser des citernes, des citernes crevassées qui ne retiennent pas leau » (Jér. 2:2, 13). Cest la même histoire, quil sagisse du peuple terrestre ou de l’Église responsable.

Cest aussi lillustration de tant de déclins individuels !

1.2 Que l’homme intérieur soit fortifié

Si nous voulons retrouver plus de vie, plus de fraîcheur, plus de fidélité dans notre témoignage, noublions pas que le secret est renfermé dans la prière que lapôtre adressait à Dieu pour les Éphésiens. Notre « homme intérieur » a besoin d’être fortifié et, pour cela, il faut le nourrir de Christ de Christ agneau rôti, manne et vieux blé du pays. Aucune autre nourriture ne peut nous fortifier « quant à lhomme intérieur » ! Pourquoi sommes-nous si faibles ? Sans aucun doute, parce que nous sommes mal nourris. Cest une vérité incontestée dans le domaine physique, cest une vérité aussi dans le domaine spirituel. Avons-nous dès lenfance spirituelle « désiré ardemment le pur lait intellectuel » ? (1 Pierre 2:2). Si, au lieu de nous occuper de Christ et de la Parole, de nous attacher au « sain enseignement », nous allons courir, çà et là, pour chercher des « coloquintes sauvages » (2 Rois 4:38-41), nous nous affaiblirons individuellement et nous deviendrons une cause de faiblesse pour lassemblée. Le Saint Esprit, dont lactivité a toujours pour but de nous rafraîchir et de nous « fortifier en puissance », veut nous amener à la « source des eaux vives » et nous nourrir de Christ seul (Jean 7:37-39 ; 16:13-15). Ne contristons pas le Saint Esprit, « afin que Christ habite par la foi dans nos cœurs » et soit lunique objet de nos affections. Nourris de Lui et de son amour, « enracinés et fondés dans lamour », nous retrouverons le premier amour abandonné, car cest de son amour même que notre amour vivra !

2 La prière pour les Colossiens

2.1 Que Christ ait la première place

En écrivant à lassemblée de Colosses, lapôtre pensait aussi à celle de Laodicée et il combattait par la prière pour les Laodicéens comme pour les Colossiens. « Car je veux que vous sachiez quel combat jai pour vous et pour ceux qui sont à Laodicée, et tous ceux qui nont point vu mon visage en la chair, afin que leurs cœurs soient consolés, étant unis ensemble dans lamour.. » (Col. 2:1 et 2). En terminant sa lettre, il demande « quelle soit lue aussi dans lassemblée des Laodicéens » (4:16). Sans doute les besoins étaient-ils les mêmes à Colosses et à Laodicée. De même qu’à Éphèse, une seconde épître a été adressée à Laodicée (Apoc. 3:14-22). Nous avons vu ce qui caractérisait Éphèse lorsque la deuxième épître lui a été envoyée, nous savons aussi ce qui en était de Laodicée. Beaucoup de prétentions : « je suis riche, et je me suis enrichi, et je nai besoin de rien », tandis que l’état réel était tout différent : « tu es le malheureux et le misérable, et pauvre, et aveugle, et nu… ». À Laodicée, Christ na pas la première place (Col. 1:18), Il na même pas la dernière, Il est à la porte ! « Voici, je me tiens à la porte, et je frappe… ».

Comme pour Éphèse. Dieu savait aussi, à lavance, ce quil en serait de Laodicée et, par le ministère de lapôtre, Il adressait à cette assemblée lexhortation exactement appropriée à ses besoins. Cest la personne de Christ que présente lapôtre dans son épître aux Colossiens qui devait aussi être lue aux Laodicéens. Il fait briller ses gloires : image du Dieu invisible, premier-né de toute la création, premier-né dentre les morts, chef du Corps, de lAssemblée. Et lexhortation essentielle est celle-ci : tenez ferme le chef ! Serait-Il à la porte, si Laodicée avait tenu ferme le chef ?

2.2 Amour dans la vérité — tenir ferme le chef

Comme autrefois à Colosses, bien des fausses doctrines sont enseignées dans la chrétienté aujourdhui. Notre manque de discernement spirituel nous met en danger de les recevoir. Certes, cest une chose excellente et désirable que davoir « le cœur large » envers tous les enfants de Dieu. Mais si lamour ne sallie pas à la vérité cest un faux amour, qui nous conduit vite à des associations regrettables, à lacceptation (volontaire ou tacite) de doctrines opposées à lenseignement des Écritures. On ne veut pas passer pour un « esprit étroit », on se glorifie même dune certaine largeur de vue et lon entrouvre la porte que lennemi aura vite fait douvrir complètement qui conduira à la ruine dun témoignage fidèle. En présence de tels dangers, écoutons ce que dit lapôtre aux Colossiens et aux Laodicéens : « Comme donc vous avez reçu le Christ Jésus, le Seigneur, marchez en Lui, enracinés et édifiés en Lui, et affermis dans la foi, selon que vous avez été enseignés, abondant en elle avec des actions de grâces. Prenez garde que personne ne fasse de vous sa proie, par la philosophie et par de vaines déceptions, selon lenseignement des hommes, selon les éléments du monde, et non selon Christ » (2:6 à 8). Tenons ferme le Chef ! Cest seulement ainsi que nous pourrons être « remplis de la connaissance de sa volonté, en toute sagesse et intelligence spirituelle, pour marcher dune manière digne du Seigneur pour lui plaire à tous égards, portant du fruit en toute bonne œuvre, et croissant par la connaissance de Dieu : étant fortifiés en toute force, selon la puissance de sa gloire, pour toute patience et constance, avec joie, rendant grâces au Père.. » (Col. 1:9-12).

2.3 Connaissance de Sa volonté — marcher d’une manière digne du Seigneur — Lui plaire à tous égardsÊtre rempli de la connaissance de sa volonté, cest être débarrassé de toute volonté propre et ne connaître rien dautre que la volonté de Dieu. Écouter, garder et pratiquer, « ce sera là votre sagesse et votre intelligence » (Deut. 4:1 et 6 ; cf. Col. 1:9). Ce nest pas une connaissance théorique de la volonté de Dieu, elle a en vue un but pratique : « pour marcher dune manière digne du Seigneur pour lui plaire à tous égards ». Marcher par lEsprit, marcher dans lamour, marcher comme des enfants de lumière, marcher soigneusement, marcher dans la vérité (Gal. 5:16 à 26 ; Éph. 5:2, 8, 15 ; 2 Jean 4), cest cela « marcher dune manière digne du Seigneur », reflétant les caractères du divin Modèle. Dans une telle marche, nous pouvons « Lui plaire à tous égards » et jouir de Sa communion, ce qui est indispensable pour « porter du fruit en toute bonne œuvre » (cf. Jean 15:1 à 6). Dieu est alors connu dune manière réelle et pratique, dans ses caractères, dans tout ce quIl est Lui-même (cest davantage que « la connaissance de sa volonté ») et l’âme peut croître et se développer, puisant dans cette connaissance de Dieu ce qui lui donnera son plein accroissement. La force morale quelle a trouvée lui procurera, au milieu des épreuves du désert, « patience et constance, avec joie ». Le racheté est ainsi conduit jusquau plus haut degré, il devient un adorateur : « rendant grâces au Père ». Dieu est connu comme Père (il faut le connaître comme tel pour pouvoir adorer, cf. Jean 4:23) cest plus intime que « la connaissance de Dieu ». Il faut dabord obéir pour « connaître Dieu » ; ensuite, lon peut jouir de son amour, le Saint Esprit non contristé nous faisant goûter la douceur de notre relation avec Lui comme Père : connaissance de sa volonté connaissance de Dieu rendant grâces au Père… Le croyant peut rendre grâces en pensant à tout ce que Dieu a fait pour lui, à tout ce quIl lui a donné en lui donnant le « Fils de son amour » !

3 Conclusion

Notre Dieu est toujours le Même, invariable dans son amour et dans les tendres soins de son amour. Ne sait-Il pas à quels dangers nous serons exposés tout au long de cette année nouvelle, si nous avons à la passer ici-bas ? Beaucoup mieux que nous-mêmes, Il connaît nos besoins et Il veut y répondre parfaitement, nous avertissant, nous exhortant et nous fournissant à lavance toutes les ressources nécessaires, comme Il le faisait autrefois pour Éphèse et Laodicée. Prenons donc courage, au milieu de tout ce qui est susceptible de nous décourager et puisons abondamment aux ressources divines qui demeurent jusqu’à la fin. « Enracinés et fondés dans lamour », attachons-nous à Christ, « tenons ferme le chef », nourrissons-nous et nourrissons les âmes de sa Personne et de son amour, afin que nous soyons tous « remplis de la connaissance de sa volonté, en toute sagesse et intelligence spirituelle, pour marcher dune manière digne du Seigneur pour lui plaire à tous égards, portant du fruit en toute bonne œuvre, et croissant par la connaissance de Dieu : étant fortifiés en toute force, selon la puissance de sa gloire, pour toute patience et constance, avec joie, rendant grâces au Père… ».

Oh ! si mes yeux pouvaient sans cesse

Suivre cet astre glorieux ;

Si je pouvais de ta tendresse

Voir tous les reflets radieux ;

Mon âme alors, pleine de zèle,

Saurait taimer plus ardemment, Et, connaissant mieux son Mod

èle, Prendrait tout son accroissement.

Frédéric Manns : PAUL, FONDATEUR DU CHRISTIANISME ?

25 février, 2008

du site: 

http://198.62.75.5/www1/ofm/sbf/dialogue/paul.html

PAUL, FONDATEUR DU CHRISTIANISME ?

Frédéric Manns

Décidément l’idée lancée par Joseph Klausner en 1939 dans son ouvrage De Jésus à Paul fait son chemin. C’est à Paul de Tarse, juif de la Diaspora, que le christianisme devrait d’être devenu une religion qui a conquis le monde. Sans lui le christianisme serait resté une secte juive. Paul aurait été le premier à affirmer qu’on peut suivre le Messie, sans se soumettre à toutes les pratiques juives. En employant les mêmes mots, mais en leur donnant un sens différent, judaïsme et christianisme se sont dès le départ mal compris.
Paul n’a pas connu Jésus de son vivant. Il a même persécuté les adeptes du Crucifié. Il ne s’est converti qu’après avoir eu une vision du Christ ressuscité sur le chemin de Damas. Ses épîtres écrites avant les Evangiles rendent compte de la querelle qui oppose, depuis la crucifixion, les juifs qui suivent Jésus et leurs coreligionnaires qui se rattachent aux différents courants du judaïsme.
Un des textes fondateurs de Paul est à l’origine de vingt siècles de débats : «Abraham eut deux fils, un de la femme esclave et un de la femme libre, mais le fils de la servante était né selon la chair, tandis que le fils de la femme libre l’était par l’effet de la promesse. Il y a là une allégorie: ces femmes sont, en effet, les deux alliances. [...]Agar correspond à la Jérusalem actuelle puisqu’elle est esclave avec ses enfants. Mais la Jérusalem d’en haut est libre, et c’est elle notre mère» (Galates 4, 21-26).
Tout est dit : la femme esclave, c’est Israël, la Jérusalem terrestre, l’ancienne alliance entre Dieu et un peuple élu selon la chair. La femme libre est le «Nouvel Israël», dont la capitale est au ciel et dont le peuple est engendré selon l’esprit. Ce que la tradition postérieure va résumer ainsi : aux juifs la chair, aux chrétiens l’esprit.
La théologie chrétienne apparaît d’emblée aux juifs comme une captation d’héritage, à la fois dépossession, relégation et exclusion. Pour ne pas avoir reconnu le Messie, les juifs s’écarteraient eux-mêmes du projet de Dieu, jusqu’au jour où ils l’accepteraient. Du reste, la portée de ses propos n’échappe pas à Paul, qui persiste : «Je demande donc: est-ce pour une chute définitive qu’ils [les juifs] ont trébuché ? Certes non ! Mais grâce à leur faute, les païens ont accédé au salut, pour exciter la jalousie d’Israël» (Romains 11,11). «Exciter la jalousie d’Israël», Paul va y parvenir mieux que prévu. Il proclame qu’ «il n’y a plus ni juif ni Grec» (Galates 3, 28), et ajoute : «Si vous vous faites circoncire, le Christ ne vous servira plus de rien. Et j’atteste encore une fois à tout homme qui se fait circoncire qu’il est tenu de pratiquer la Loi intégralement. Vous avez rompu avec le Christ si vous placez votre justice dans la Loi ; vous êtes déchu de la grâce» (Galates 5, 2-3). La grâce : autre sujet de discorde. Pour Paul, c’est la foi – don de Dieu – qui sauve l’homme et non ses œuvres ; c’est la sincérité de la croyance et non pas l’exemplarité de la pratique. Autrement dit, le respect de la Loi, pratiqué par les juifs, est pour l’apôtre insuffisant, voire inutile. Entre les deux religions, cette divergence-là est peut-être la plus grande.

Reprenons les différents éléments du débat. Paul a été marqué par son apparition du Ressuscité. Sa conviction profonde est que le Christ est vivant et continue à vivre dans la communauté des croyants. Pour lui, les deux femmes d’Abraham [1] symbolisent les deux alliances. Paul s’inspire en fait d’Ezéchiel 23,2 pour qui les deux femmes symbolisaient la Judée et la Samarie. Agar représente l’économie juive et la Jérusalem d’ici-bas. Quant à Sara, elle est le type [2] de la Jérusalem céleste et la mère des croyants.
La typologie que Paul exploite n’est pas une invention chrétienne. Elle est un procédé juif de lecture biblique, comme L. Ginzberg [3] l’a rappelé. Paul emploie le mot « allégorie ». Or l’allégorie se subdivise en interprétation typologique et en interprétation philosophique et mystique. Non seulement les rabbins tannaites connaissaient les dorshei reshumot [4], mais le livre de la Sagesse donne déjà une interprétation symbolique des plaies d’Egypte. Le serpent élevé par Moïse est un symbole de salut et la manne symbolise la parole de Dieu [5]. A Qumran le puits découvert dans le désert est le symbole de la Torah [6]. Bien plus, dans la Bible elle-même, en Osée 12,5, la lutte de Jacob avec l’ange devient l’objet d’une relecture : elle symbolise la prière.
Le judaïsme avait interprété également le conflit entre Isaac et Ismaël comme un combat spirituel. Le Targum Néofiti et Jonathan Gen 21,9 évoquent une rivalité spirituelle entre les deux. Sara vit qu’Ismaël adorait une idole [7]. Telle est aussi l’interprétation de Sifre Dt 6,4 et du midrash Genèse Rabba 53,11. Paul s’inscrit dans cette tradition juive. L’enfant de la chair persécutait l’enfant de l’esprit. Avec le problème des judaïsants Paul a sous les yeux un conflit entre chair et esprit.
Si Paul a choisi Agar comme symbole de l’ancienne alliance, c’est qu’il est convaincu que, comme Agar était esclave, les judaïsants demeurent esclaves de la Tora donnée au Sinaï [8]. Maintenant la valeur des 613 commandements, ils tombent sous le joug pesant de la Tora qui les asservit. Chassée de la maison, Agar s’enfuit vers le désert du Sud selon Gen 16,7. La version liturgique du Targum mentionne Hegra comme l’endroit où Agar découvrit le puits et rencontra l’ange. Gen 21,21 affirme qu’Ismaël s’établit dans le désert de Pharan. Or le Talmud, au traité Sab 89a identifie Pharan, à la suite de Dt 33,3, avec le Sinaï. Paul est en pleine harmonie avec la tradition juive.
La théologie de la grâce mérite un approfondissement. En Ga 3, 24-25 Paul reprend une pensée rabbinique : la loi a été notre surveillant, en attendant le Christ afin que nous soyons justifiés par la foi. Mais après la venue de la foi, nous ne sommes plus soumis à ce surveillant. En grec c’est le mot de pédagogue qui est employé. Or dans le livre des Proverbes 8,30 il est question de la sagesse qui se définit comme « enfant chéri ». Ce terme a été compris au sens de pédagogue. La Loi était donc auprès de Dieu comme sagesse et comme un pédagogue. Son but comme maître était de conduire les hommes à la foi qui donnerait la justice. « Avant la venue de la foi nous étions gardés en captivité sous la Loi, en vue de la foi qui devait être révélée» (Ga 3,23). Cette mission de la Loi a été accomplie par le Christ. L’homme n’a donc plus besoin d’un maître. Il est justifié par la foi, sans la loi. Voilà le résultat de la conversion dramatique de Paul.
Le renversement des valeurs pharisiennes se traduit curieusement chez Paul par un rapprochement de la théologie essénienne. Les Esséniens étaient une secte juive indépendante quant à leur idéologie et à leur organisation. Ils prétendaient être le véritable Israël, les élus de Dieu, et ils s’appelaient les fils de la lumière. Ils pensaient que leur élection était un effet de la grâce de Dieu et qu’elle remontait à la création du monde. « Et moi je sais que ce n’est pas à l’homme qu’appartiennent les oeuvres de justice, ni au fils de l’homme la perfection de la voie : c’est au Dieu très haut qu’appartiennent toutes les oeuvres de justice, tandis que la voie de l’homme n’est pas ferme, si ce n’est par l’Esprit que Dieu a créé pour lui en vue de rendre parfaite une voie pour les fils des hommes, afin que toutes ses oeuvres connaissent la force de sa puissance et l’immensité de sa miséricorde envers tous les fils de sa bienveillance » (1QH 4,30-32). Privé de la grâce de Dieu l’homme est esclave du péché. La nature pécheresse de l’homme, les esséniens la désignent du terme de « chair ».
La communauté des Esséniens se définit comme ville sainte, maison et temple de Dieu : «C’est la maison de sainteté pour Israël et la maison de sainteté pour Aaron; ils sont témoins de vérité en vue du jugement et les élus de la bienveillance chargés d’expier pour la terre et de faire les sanctions sur les impies. C’est le mur éprouvé, la pierre d’angle précieuse; ses fondements ne trembleront pas ni ne s’enfuiront de leur place. C’est la demeure de suprême sainteté pour Aaron dans la connaissance en vue de l’alliance du droit et pour faire des offrandes d’agréable odeur et la maison de perfection et de vérité en Israël pour établir l’alliance selon les préceptes éternels » (1QS 8,5-10).
Cet enseignement essénien est repris dans la lettre de Paul aux Romains 9,30-32 où il cite les textes de Is 28,16 et Osée 2,25 exploités par Qumran. Rom 9,6-23 est l’expression classique de la théologie de la double prédestination à la perdition et à la gloire. Les Esséniens auraient volontiers signés ces versets de Paul selon lesquels tous ceux qui sont de la postérité d’Israël ne sont pas Israël. Ils ont légué à Paul l’image de la communauté comme maison spirituelle, comme temple de Dieu et comme cité de Dieu. Paul a assimilé la conception essénienne selon laquelle la communauté et ses membres sont élus par un décret intemporel de la grâce de Dieu. Dans sa théologie de la croix il reprend l’enseignement de l’élection par grâce divine. La grâce de Dieu envers l’homme s’est accomplie dans le sacrifice du Christ par lequel les élus sont sauvés. Même la chute du premier homme n’est qu’une condition pour que la grâce soit manifestée en un seul homme, le Christ (Rom 5,15). Selon les rabbins l’humanité était souillée par la chute d’Adam jusqu’à ce que la loi vînt libérer Israël. Selon l’interprétation de Paul la mort gouvernait l’homme et le péché n’était pas compté. Mais depuis Moïse la loi est venue pour que la faute soit complète. Mais là où le péché avait abondé, la grâce surabondait par la mort du seul Jésus-Christ. Pour les rabbins le don de la loi entraînait la libération du péché originel, alors que pour Paul le péché est devenu par la révélation de la loi, intolérable. La puissance rédemptrice de la croix est au coeur de l’évangile de Paul. Par la doctrine essénienne de la grâce élective de Dieu, Paul peut justifier sa théorie selon laquelle la croix est un simple acte de grâce qui n’a pas dû aux mérites de l’homme, puisque le monde entier est sous l’emprise du péché et que c’est Dieu qui élit par sa grâce. La croix est donc le seul chemin du salut.
La conséquence en est que l’homme n’est justifié que par la foi. C’est la réponse de l’élu à la grâce de Dieu. Paul a ainsi transformé la structure de la doctrine essénienne de sorte qu’il lui a été possible d’affronter l’interprétation que le judaïsme donnait de la loi. La foi est rattachée au don de l’Esprit. Les actions exécutées en fonction de la loi sont inscrites dans le domaine de la chair. Pour Paul les bonnes actions sont liées à la chair dans une opposition entre la chair pécheresse et l’Esprit qui est un don de la grâce, hors de tout mérite. Pour les Esséniens l’homme ne peut être justifié par lui-même; il a besoin de Dieu. Les Esséniens reprochaient aux Pharisiens d’être des interprètes des «choses faciles». Ils avaient choisi la voie facile de la justification par les oeuvres de la loi. Or la Loi ne peut pas donner l’Esprit (Ga 3,1-5).
Paul s’est converti à la foi en Jésus deux ans après la crucifixion. Il n’a connu qu’indirectement les récits concernant le ministère de Jésus qui circulaient avant de devenir les évangiles. Il a dû penser l’événement-Jésus et particulièrement l’événement du salut représenté dans la mort et la résurrection de Jésus. Il lui fallait dire comment et pourquoi le salut est manifesté en Jésus. Paul se trouve en situation de rupture avec son monde : pour annoncer Jésus il faut comprendre et interpréter cette histoire récente comme un événement salvateur qui s’inscrit dans l’histoire des relations entre Dieu et son peuple. Il ne peut pas se contenter de répéter que le Royaume de Dieu est proche; il doit mettre au centre de son message que Dieu est intervenu en Jésus par pure grâce.

Ceux qui affirment que Paul est le fondateur du christianisme oublient que dans les Evangiles Jésus a fait une révolution concernant les lois de la pureté alimentaire. Dans l’Evangile de Marc, qui passe pour être le plus ancien, cet enseignement sur le pur et l’impur est rapporté: «Il n’est rien d’extérieur à l’homme qui pénétrant en lui, puisse le rendre impur, mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui le rend impur ». Dans les Actes des Apôtres Pierre qui se rend à Césarée chez le centurion romain reçoit l’ordre de manger des animaux impurs. Dieu venait de lui montrer qu’il ne faut appeler aucun homme souillé ou impur. L’épisode est suivi de la Pentecôte des païens,l’Esprit descendant sur les invités.
Bien avant Paul, Jésus et Pierre ont obligé les Juifs à repenser certaines idées reçues. Bien que les Evangiles relisent ces prises de position à la lumière de Pâque, il est impossible d’éliminer tout noyau historique de leur présentation. Impossible de dire que le christianisme est né dans un milieu païen et qu’il n’a rien en commun avec le judaïsme observant de Jésus. Que Klausner ait voulu faire de Paul le fondateur du christianisme, on le comprend, puisqu’il écrivait avant la découverte de Qumran. Mais depuis que les textes de la Mer Morte ont été publiés, il paraît de plus en plus difficile de maintenir cette position.
Autre élément de réflexion: le thème de l’humilité de Dieu qui « demeure avec le contrit et l’humble » (Is 57,15) est porté à son accomplissement dans l’enseignement de Jésus qui proclame bienheureux les pauvres. Pour Paul ce thème culmine dans l’idée de kénose, thème selon lequel Dieu se dépouille par amour de ses attributs divins pour se faire homme. Paul n’a pas kidnappé la Bible pour la soumettre à la culture hellénistique. La Bible est le livre de l’alliance de Dieu avec les hommes. Dieu parle avec Noé avant de parler à Abraham. Que Paul ait abandonné l’imposition de la circoncision aux convertis, c’est clair. Mais ce fait est à resituer dans le contexte culturel du monde païen qui assimilait la circoncision à la castration.
Jésus a affirmé avoir été envoyé aux brebis perdues de la maison d’Israël, mais cela ne l’a pas empêché de guérir la fille de la Cananéenne. Tout juif observant qu’il fût, il n’a pas hésité à sortir des limites territoriales d’Israël pour se rendre dans la Décapole. Pour le juif il était essentiel d’ériger un mur de protection devant la Tora pour maintenir sa propre identité. Pour Jésus et pour Paul, c’est dans l’ouverture, un excès d’ouverture, que se trouve l’identité du juif appelé à témoigner devant les hommes d’un Dieu d’alliance et de communion. Le chemin de la sainteté n’est pas celui des restrictions, il est celui qui porte à la liberté, liberté de Jésus devant les Pharisiens, liberté de Paul devant les judaïsants. C’est bien Jésus le juif qui demeure le fondateur du christianisme qu’il définit d’ailleurs comme le rassemblement de l’Israël eschatologique par le choix des douze. Le génie de Paul est d’avoir compris que l’inculturation était une nécessité vitale.

[1] K. Berger, «Abraham in den paulinischen Hauptbriefen», MThZ 17 (1966) 47-89. [texte]

[2] Il est plus juste de parler de typologie que d’allégorie. Eusèbe, Vita Const 3,33 présente le Saint-Sépulcre comme la nouvelle Jérusalem annoncée par prophètes. [texte]

[3] On Jewish Law and Lore, New York 1977, 132. Voir aussi I. Christiansen, Die Tecknik der allegorische Auslegungswissenschaft bei Philo von Alexandrien, Tübingen 1969. Paul lui-même exploite l’allégorie en 1 Co 10,1-13 et en 2 Co 3,14-18. [texte]

[4] Ainsi en Mekilta de R. Ismaël, Ex 15,22. «Ils ne trouvèrent pas d’eau» est interprété : «Ils ne trouvèrent pas la Torah», comme en Is 55,1. Dieu montra à Moïse un arbre signifie que Dieu enseigna la Torah (yarah) qui est appelé un arbre de vie en Pr 3,18. [texte]

[5] Sag 16,6.26. [texte]

[6] CD 6,2-10. [texte]

[7] Cf. Targum Ex 32,6 (Néofiti et Jonathan). Josèphe, Ant 1,215 et Jérôme, Quaestiones 24 connaissent cette tradition : quod idola ludo fecerit. Voir M. McNamara, The New Testament and the Palestinian Targum to the Pentateuch, Rome 1966,164-168. Par contre, Tosephta Sota 6,6 donne l’interprétation de R. Ismaël du verbe mshq : le verbe signifierait ‘verser le sang’. Cf. 2 Sam 2,14. [texte]

[8] On trouve des échos de cette problématique en Jn 8,33. [texte]

SAINT BERNARD: De la joie spirituelle, sur ces paroles de l’Apôtre: « Le royaume de Dieu ne consiste pas dans le boire et le manger, etc. (Rom. XIV, 17). »

12 février, 2008

du site: 

http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/bernard/index.htm

SAINT BERNARD

DIX-HUITIÈME SERMON. De la joie spirituelle, sur ces paroles de l’Apôtre: « Le royaume de Dieu ne consiste pas dans le boire et le manger, etc. (Rom. XIV, 17). »

1. Pourquoi nous éloignons-nous de la route, nous qui courons après la joie! Sans doute on se réjouit ans le royaume de Dieu, mais cette joie n’est pas la première. La joie qu’on goûte dans le royaume de Dieu n’a rien de charnel, rien de mondain, ce n’est pas une joie qui à la fin se change en deuil, mais une joie -en laquelle la tristesse elle-même finit par se changer, car ce n’est pas la joie de ceux qui se réjouissent quand ils ont mal fait, ni l’allégresse qu’ils ressentent dans les pires choses, mais c’est une joie qu’on ressent dans le Saint-Esprit. D’où vient une pareille joie, sinon de la justice et de la paix de l’âme ? Que celles-ci donc s’écoulent comme le miel coule de ses cellules, afin qu’il soit plus facile d’en recueillir la douce liqueur, pendant qu’elle est fluide encore, dans des vases plus solides. Un jour viendra où nous mangerons le miel dans toute sa pureté, alors notre joie sera pleine et entière,et nous nous réjouirons non-seulement dans le Saint-Esprit, mais encore par la vertu du Saint-Esprit. Oui, un jour viendra où nous goûterons une joie spirituelle complète, qui ne prendra plus sa source dans des motifs corporels, ni dans les oeuvres de miséricorde, ni dans les larmes de la pénitence, ni dans la pratique de la justice, ni dans les épreuves de la patience, mais bien plutôt dans la présence du Saint-Esprit, sur qui les anges mêmes brûlent du désir de fixer leurs regards. Sans douté, en attendant, la sagesse me tient lieu de sel, et assaisonne le reste comme si elle n’était pas elle-même un aliment, oui, en attendant, je soupire après ma réfection, car je n’ai pas même le loisir maintenant d’avaler ma salive. En effet, il y a le sage qui trouve aux choses le goût qu’elles ont, quant à celui qui trouve, à la sagesse elle-même, le goût qui lui est propre et qu’elle a en effet, celui-là non-seulement est sage mais de plus il est heureux; car c’est là proprement voir Dieu tel qu’il est, et ce qu’on entend par le fleuve de délices dont le cours réjouit la cité de Dieu, par le torrent de volupté, et l’abondance enivrante de sa maison.

2. Mais à présent, Seigneur, voici que le vin fait défaut; oui le vin manque à ces noces, je veux dire le vin des désirs charnels et des concupiscences mondaines. Il est dit : « Le fiel des dragons, et le venin des aspics dont la morsure est incurable, voilà leur vin à eux (Deut. XXXII, 33). » Ah, mes frères, puisse ce vin nous faire constamment défaut, car ce n’est point là de bon vin. Le bon vin ne se récolte pas dans les vignes de l’iniquité, on ne le puise que dans les urnes de la purification. Ce n’est point avec le raisin de Gomorrhe, mais avec l’eau de la Judée qu’il se, fait. « Vous avez conservé le bon vin jusqu’à cette heure (Joan. II, 10), » disait le maître d’hôtel de l’Évangile. Et, en effet, c’est le meilleur vin qui se trouve réservé jusqu’à présent, je veux parler non pas de celui qui se fait avec de l’eau, mais bien de celui qui s’exprime des grandes grappes de raisin de la terre promise, qu’on est obligé de porter en attendant, dans des voiturés, tant que nous ne connaissons que Jésus-Christ et même que Jésus-Christ crucifié. Est-ce que le vin ne faisait point défaut ainsi à celui qui, s’écriait : «Mon âme a refusé toute consolation (Psal. LXXVI)? » Mais il semble avoir goûté de l’eau changée en vin quand il ajoute : « Je me suis souvenu dit Seigneur, et me suis trouvé dans les délices. » En effet, que n’éprouve-t-on point en la présence de celui dont le seul souvenir est plein de délices? C’est de la même manière que les apôtres ont aussi goûté de l’eau qui avait été changée en vin, quand « on les vit sortir du conseil pleins de joie, parce qu’ils avaient été jugés dignes de souffrir des opprobres pour le nom de Jésus (Act. V, 41). » N’est-ce pas. en effet, du vin qui vient de l’eau, que la joie qui naît des opprobres C’était l’accomplissement des promesses de la Vérité qui leur avait dit : «Votre tristesse se changera en joie (Joan. XVI, 20), » c’est-à-dire, votre eau se change en vin. Vous vous étonnez que de l’eau devienne du vin? Mais elle devient même du pain, car vous n’avez pas oublié sans doute de manger votre pain, ce pain dont il est dit : « Vous nous pourrirez d’un pain (le larmes, et vous nous ferez boire l’eau de nos pleurs avec abondance (Psal. LXXIX, 6). » Et la table quelle est-elle ? Ecoutez, le voici : « Il y avait six urnes de pierres placées là pour les purifications des Juifs (Joan. II, 6). » Si vous êtes un vrai Israélite, un Israélite non point selon la chair, mais selon l’esprit , vous serez six ans entiers au service du Seigneur, et la septième année vous serez libre ; vous vous purifierez dans six urnes ; vous travaillerez pendant six jours, vous serez délivré après six épreuves, et le septième jour le mal n’approchera pas, de vous. Non-seulement vous serez délivré dans ces six urnes, mais même vous boirez un vin que vous puiserez en elles, quand vous commencerez, selon le conseil de l’Apôtre, à vous glorifier non pas seulement dans vos espérances, mais même dans vos tribulations (Rom. V, 3).

3. Voilà en effet, les deux sortes de joie qu’on goûte dans le Saint-Esprit, l’une a la pensée des biens de la vie future, l’autre dans le support des maux de là vie présente. II n’y a là rien de charnel, rien de mondain, rien qui sente la vanité, il n’y a que l’esprit de vérité, la sagesse céleste même dont la douceur se fait sentir également dans la pensée des biens futurs, et dans le support des maux présents. L’Apôtre a dit: «Réjouissez-vous sans cesse dans le Seigneur, oui je vous le répète, réjouissez-vous; » et, nous faisant connaître aussitôt quels sont les motifs de cette double joie, il continue en ces termes : et Que votre modestie soit connue de tous -les hommes, le Seigneur est proche (Philipp. IV, 4 et 5). » Or, que faut-il entendre par cette modestie, sinon la patience et la mansuétude? Réjouissons-nous donc à la :pensée des choses que nous espérons, car le Seigneur est proche. Oui, je vous le redis, réjouissons-nous des choses que nous avons à souffrir, pour que notre modestie soit connue de tous, car, selon l’Apôtre : « La tribulation produit le, patience, la patience l’épreuve et l’épreuve l’espérance, or cette espérance ne nous trompe point (Rom. V, 4).»

4. Mais pour que notre coeur devienne capable de ressentir cette double joie spirituelle, il y a deux choses également nécessaires pour pratiquer la justice et pour conserver la paix, deux choses que la Sainte-Écriture nous recommande avec instance.. Ainsi l’exercice de la justice semble se renfermer tout entier dans le double précepte de ne point faire aux autres ce que nous ne voudrions point que les autres nous fissent, selon la recommandation que l’Apôtre en fait aux Gentils, dans sa lettre, et selon le précepte même du Seigneur qui a dit à ses propres apôtres : « Faites aux hommes tout ce que vous voulez qu’ils vous fassent (Matt. VII, 11, et Luc. VI, 31). » D’ailleurs, comme nous péchons tous en bien des choses, il est impossible que dans ce lieu et ce temps de scandales , car les anges qui doivent les arracher tous du royaume de Dieu, ne sont pas encore venus s’acquitter de leur mission, et nous ne somme pas encore citoyens de l’heureuse cité jusqu’aux conflits de laquelle le Seigneur fait reposer la paix, il est impossible, dis-je, que nous réussissions à conserver ici-bas une paix inaltérable entre nous, si celui à qui il arrive par hasard de blesser son frère ne prend garde de ne pas se laisser aller à des sentiments pleins de hauteur et d’animosité, en même temps que celui qui se sent blessé fait en sorte de ne pas se montrer inexorable.

5. Etudions-nous donc, mes frères, à nous montrer aussi humbles pour donner satisfaction à ceux qui ont quelque chose à nous reprocher, que faciles à pardonner à ceux qui nous ont offensés, attendu que, non-seulement la conservation de la paix entre nous est à ce prix, mais encore parce que, sans cela, nous ne saurions nous rendre Dieu même propice, il ne veut point, en effet, recevoir le présent que lui offre l’homme qui n’a pas commencé par aller se réconcilier avec son frère (Matt. V, 24), et il réclame rigoureusement le paiement de la dette qu’il avait d’abord remise à son serviteur quand il voit qu’il ne fait pas grâce lui-même à son compagnon, de ce qu’il lui doit. Mais si nous avons ces trois choses en nous, la. justice, la paix et la joie dans le Saint-Esprit, n’en soyons pas pour cela peins d’assurance que le royaume de Dieu est en nous, mais au contraire, travaillons à l’oeuvre de notre salut avec plus de crainte et de tremblement, nous souvenant que nous ne portons encore ce précieux trésor que dans des vases de terre faciles à se briser.

Sur le chemin de Damas Paul…

4 août, 2007

du site:

http://www.inxl6.org/article1881.php

Prière > Une vie donnée pour le Christ

Sur le chemin de Damas Paul est né à Tarse, au sud de l’Asie mineure dans une famille de pharisiens devenus citoyens romains ; d’où ses deux noms : Saül (hébreux) et Paul (romain).

Rubrique Prière inXL6
25/01/2007

Paul est né à Tarse , au sud de l’Asie mineure dans une famille de pharisiens devenus citoyens romains ; d’où ses deux noms : Saül (hébreux) et Paul (romain).
Il étudie à Jérusalem et combat tout d’abord la secte juive que forment les premiers chrétiens avec un zèle acharné. Il vote la mort du premier diacre, Etienne, et assiste à son martyr près de Damas en 34 ou 35.
Paul est réputé pour son caractère violent et intraitable mais aussi pour son énergie, son courage et son sens de l’organisation.
Sous l’impulsion de l’Esprit, Paul devient l’apôtre des païens. Il parcourt Chypre, l’Asie Mineure, la Macédoine, la Grèce et va peut-être jusqu’en Espagne et en Orient.
Arrêté, jugé et décapité à Rome en 67, il est enterré à Rome, non loin de l’Apôtre Pierre.
Sur le chemin de Damas…
Sur le chemin de Damas, Paul fait une expérience spirituelle radicale qui lui permet de repartir d’un autre pied, dans une nouvelle voie (lire les Actes des Apôtres 9,1-9).* « Soudain une lumière venue du ciel », « une voix qui lui disait »
Sa rencontre avec Jésus passe par des signes : lumière éclatante, voix… Signes de Dieu qui se révèle aux hommes. Signes que l’on les retrouve dans la Bible au moment de l’Exode, du Baptême, de la Transfiguration de Jésus, à la Pentecôte.

* « Saül, Saül »
Appelé par son nom, (comme Moïse, Jérémie, Samuel, Marie-Madeleine), identifié en tant qu’individu, il est reconnu comme une personne.

* « Pourquoi me persécutes-tu ? »
Paul est rejoint au cœur de ses actes.

* « Qui es-tu ? »
La conversion, ce n’est pas seulement une révélation assénée à Paul ; c’est une relation qui commence, et c’est dans ce dialogue que le Christ se révèle à lui.

* « Relève-toi »
Paul est invité à se redresser. Il ne reste pas à terre, écrasé par le poids de sa culpabilité face à ses erreurs passées. Il a senti quelque chose de l’ordre du pardon qui le remet debout, debout dans sa vie.

* « Va »
Jésus offre à Paul une alliance et Il fait confiance à ses talents. A Paul, il est demandé la même confiance à on te dira ce que tu dois faire.

* « Il ne voyait rien »
C’est bien en lui qu’est la réponse et non à l’extérieur. Mais il peut compter sur le soutien de son entourage qui le conduit par la main.

Le récit de la conversion de Saint-Paul conduit chacun de nous à s’interroger sur l’origine de sa relation personnelle à Dieu.

Le discernement chez Saint-Paul D’où vient donc à cet homme, presque inquiétant d’audace et de passion, une telle assurance pour annoncer le message en des régions inconnues, une telle hardiesse dans la parole, alors qu’il se sent bien souvent faible et tremblant (1 Co 2, 3) ? C’est qu’il n’agit pas de lui-même, qu’il n’a reçu mission d’aucune instance humaine. Mais c’est par la grâce qu’il a été choisi et qu’il a été mis à part pour l’évangile. Sa force est d’être apôtre de et par la volonté de Dieu (1 Co 1, 1). Son évangile ne lui a pas été transmis par un homme mais par la révélation de Jésus-Christ (1 Ga 1, 12). Ainsi, l’illumination qui l’avait foudroyé sur le chemin de Damas, la rencontre face à face : « c’est moi que tu persécutes », voilà sur quoi se fonde son inébranlable certitude ; voilà où est né et se renouvelle son amour passionné du Christ.Désormais, tout au long de son ministère, sa certitude recevra confirmation par les signes et prodiges qui accompagnent la parole, par la puissance de l’Esprit qui attire les païens à la foi et manifeste ses dons en surabondance (Rm 15, 19 ; 1 Co 12). Cette puissance de l’Esprit est la marque de l’authenticité de son action. Aussi est-il rempli d’assurance, certain que Dieu mène tout au grès de sa volonté (Ep 1, 11), qu’il produit en nous le vouloir et le faire (Ph2, 13) ; lui, le Dieu de toute consolation (2 Co 1, 3), qui peut, par sa puissance qui agit en nous, faire au-delà de tout ce que nous pouvons demander ou concevoir.


Extrait de :
« Le discernement chez Saint-Paul », par Jean Gouvernaire, sj (suppl. à la revue « Vie chrétienne », n°193)

SAINT BERNARD -PREMIER SERMON POUR LE JOUR DE LA CONVERSION DE SAINT PAUL. –

29 juin, 2007

du site:

http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/bernard/tome03/homsaints/saints001.htm

Saint Bernard

PREMIER SERMON POUR LE JOUR DE LA CONVERSION DE SAINT PAUL.

 Comment nous devons nous convertir à son exemple.

24 janvier

1. C’est avec raison, mes bien chers frères, que toutes les nations célèbrent aujourd’hui avec des transports d’allégresse, la fête de la conversion du Docteur des nations. Que de rameaux, en effet, sont sortis de ce tronc! Paul converti devient la conversion du monde entier. Il convertit bien des hommes quand il vivait, et maintenant encore, quoiqu’il ait cessé de vivre sur la terre, il en convertit toujours beaucoup à Dieu, par le ministère de la prédication ; et, bien qu’il mène à présent en Dieu une vie bien plus heureuse qu’autrefois, il ne cesse pas, dans son sein, de convertir encore les hommes, et cela par son exemple, par ses prières et par sa doctrine. Si donc, la mémoire de sa conversion est un jour de fête pour les hommes, c’est qu’elle est encore une source de biens pour ceux qui en conservent le souvenir. En effet, dans ce souvenir, le pécheur conçoit l’espoir du pardon, et se trouve ainsi porté à faire pénitence; quant à celui qui déjà se repent de ses fautes, il trouve la forme d’une conversion parfaite. Qui est-ce qui désormais pourrait se laisser aller au désespoir, à la pensée de la grandeur de ses fautes, quand il entend raconter comment Saul fut tout à coup changé en un vase d’élection, au moment même où il ne respirait que menaces et carnage contre les disciples du Seigneur? Quel homme, sous le poids de ses iniquités, pourra dire maintenant : je ne saurais m’élever à de meilleurs sentiments, en voyant au milieu de la route que parcourait le plus cruel persécuteur du nom chrétien, cet homme, le coeur débordant de rage, changé tout à coup en un prédicateur fidèle? Cette seule conversion nous montre à tous, dans un jour, la grandeur de la miséricorde et l’efficacité éclatante de la grâce de Dieu.

2. Saint Luc nous dit : « Tout à coup une lumière du ciel l’environna de toutes parts (Act. IX, 4). » O faveur vraiment inestimable de la bonté divine ! Elle inonde de l’éclat d’une lumière céleste le corps de celui qui n’est pas même encore capable d’ouvrir les yeux de l’âme aux rayons de cette lumière, elle répand sur lui la clarté qu’elle ne pouvait pas encore répandre en lui. « En même temps une voix se faisait entendre. » Les témoignages que rendent la lumière et la parole sont bien dignes de foi, et il n’y a point lieu de douter de la vérité quand elle entre dans notre âme en même temps par nos yeux et par nos oreilles. C’est ainsi, oui, c’est de la même manière que précédemment, sur les bords du Jourdain, une colombe apparut et une voix se fit entendre sur la tête du Seigneur; c’est ainsi encore que sur une montagne, quand Jésus-Christ se transfigura devant ses disciples, ils entendirent la voix du Père. « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? » Saul est pris sur le fait; il ne peut ni feindre, ni nier. Il tient à la main les lettres de sa cruelle mission, de son autorité exécrable, de l’injuste pouvoir qui lui est donné. « Pourquoi me persécutes-tu ? » dit la voix. Mais quoi, est-ce le Christ qu’il persécutait en massacrant ses membres sur la terre ? Est-ce que si ceux qui ont attaché son corps sacré à la croix ont persécuté Jésus-Christ, celui qui était transporté d’une haine inique contre son corps qui est l’Eglise, car l’ Eglise est, le corps de Jésus-Christ, ne. 1e persécutait pas aussi lui-même ? Enfin, s’il a donné son propre sang pour prix de la rédemption des âmes, ne vous semble-t-il pas que celui qui, poussé par la méchanceté, détourne de lui, par de pernicieux exemples et par le scandale, les âmes qu’il a rachetées, lui fait endurer une persécution beaucoup plus cruelle encore que celle des Juifs mêmes qui ont fait couler son sang.

3. Reconnaissez , mes frères , et redoutez l’alliance de ceux qui mettent obstacle au salut des âcres. C’est un sacrilège horrible qui l’emporte en quelque sorte sur le crime même de ceux qui ont porté des mains impies sur le Seigneur de majesté. Il semblait que le temps des persécutions était passé, mais, vous le voyez, elles ne font défaut ni au chrétien, ni au Christ lui-même. Et ce qu’il y a de plus grave, c’est que ce sont ceux qui ont reçu du Christ le nom de chrétiens qui le persécutent aujourd’hui. Oui, mon Dieu, ce sont vos proches et vos amis qui fondent sur vous et se lèvent contre volis. On dirait que tous les chrétiens, depuis le plus petit jusqu’au plus grand, se sont concertés contre vous ; le mal a envahi le. corps fout entier, et n’ pas laissé une place intacte depuis la tête jusqu’aux pieds, et même il a pris naissance parmi les anciens de votre peuple, parmi vos vicaires sur la terre, parmi ceux-là mêmes qui semblent établis pour régir votre peuple. On ne peut plus dire avec le proverbe : « Tel peuple, tel prêtre, » car le prêtre et le peuple sont loin de se ressembler. Hélas, hélas ! Seigneur Dieu ! Les premiers à vous persécuter sont précisément ceux qui recherchent avec amour les premières places dans votre Eglise et y tiennent le premier rang! Ils se sont emparés de la citadelle de Sion et de tousses remparts; et maintenant ils promènent librement et comme il leur plait l’incendie dans la cité tout entière. Leur genre de vie est misérable, mais le bouleversement de votre peuple est bien plus misérable encore. Et plût au ciel qu’ils bornassent là le mal qu’ils font ! Peut-être s’en trouverait-il qui, prévenus et prémunis par les avertissements du ciel, se donneraient garde de faire ce qu’ils font, tout en pratiquant ce qu’ils enseignent, suivant ces paroles : « Faites ce qu’ils vous disent, mais ne regardez pas ce qu’ils font (Matt. XXIII, 3). » De nos jours, les ordres sacrés sont un moyen de faire des gains honteux, on spécule sur la piété. On trouve des gens d’un empressement excessif à recevoir ou plutôt à prendre des fonctions à charge d’âmes. Mais cette charge est pour eux le moindre de leurs soucis, le salut des âmes est la dernière de leurs préoccupations. Pouvait-on soulever une persécution plus grave contre le Sauveur des âmes ? Le reste des hommes agit mal envers Notre-Seigneur, et on peut bien dire que, de nos jours, il y a beaucoup d’antéchrists. Toutefois, on peut bien leur dire que, eu égard aux bienfaits et au pouvoir que ses ministres reçoivent de lui, leur persécution lui est plus cruelle et il la ressent plus vivement, bien que, à côté d’eux, il y en ait beaucoup qui agissent en mille manières différentes et en mille occasions diverses contre le salut du prochain. Voilà ce que le Christ a sous les yeux, et il garde le silence; voilà ce qu’il souffre, et il fait comme si de rien n’était. Aussi, devons-nous fermer également les yeux, et garder le silence, d’autant plus qu il s’agit de nos prélats et des chefs de nos églises. Oui, il le faut, et d’ailleurs ils aiment mieux eux-mêmes qu’il en soit ainsi, et échapper au jugement des hommes, au risque de subir un jour le terrible jugement réservé à ceux qui sont placés à la tête des autres, et de recevoir les châtiments rigoureux réservés à ceux qui ont eu la puissance en main.

4. J’ai peur, mes très-chers frères, qu’il ne se trouve un persécuteur du Christ jusque parmi nous; car la raison même nous dit que nuire au salut, c’est persécuter le Sauveur. Quelles actions de grâces, pour le salut de mon âme, puis-je rendre à celui de mes frères qui me verse le breuvage empoisonné de la détraction fraternelle ? C’est avec raison que les détracteurs sont représentés comme des êtres odieux à Dieu même (Rom. I, 31). Mais que dirons-nous, aussi, de celui qui, par son exemple, prêche le relâchement aux autres, les trouble par sa singularité, les inquiète par sa curiosité, et les fatigue par son impatience et ses murmures, de celui enfin qui contriste l’esprit de Dieu dont ils sont remplis, en scandalisant le moindre de ceux qui croient en lui? N’est-ce pas là manifestement persécuter le Seigneur? Aussi, mes frères, pour que le nom et le crime de persécuteurs du Christ soient à jamais loin de nous, je vous en prie, mes bien-aimés, montrons-nous constamment tous pleins de bienveillance et de douceur, supportons-nous les uns les autres avec patience, et excitons-nous mutuellement à ce qu’il y a de mieux et de plus parfait. Quel est le serviteur de Dieu qui croira avoir fait assez de ne le point persécuter, si, de plus, il ne se conduit point envers lui en véritable serviteur ? Quelle récompense pourrions-nous espérer si nous nous bornions à ne point lui résister sans songer à l’assister? D’ailleurs, s’il y avait un cœur assez faible pour se tenir satisfait de n’être pas contre Dieu, s’il n’est pas pour lui, qu’il écoute ce que le Christ lui-même a dit : « Celui qui n’est point avec moi, est contre moi; et celui qui n’amasse point avec moi, dissipe (Matt. XII, 30). »

5. « Saul , Saul, pourquoi me persécutez-vous? Il répondit : Seigneur, qui êtes-vous (Act. IX, 4 et 5) ? » On voit, à ces mots , qu’en effet, la lumière d’en haut n’était que répandue autour de lui et n’avait pas encore pénétré dans son âme. En effet, Paul entendait la parole du Seigneur, mais il ne voyait pas sa face, parce qu’il n’en était encore qu’à entendre pour croire, car, comme il le dit plus tard, « la foi vient de l’ouïe (Rom. X, 17). » Qui êtes-vous, dit-il? Car il ne connaissait point celui qu’il persécutait, et voilà pourquoi il obtint miséricorde, c’est parce qu’il ne savait pas ce qu’il faisait. Apprenez, par là, mes frères, combien Dieu est un juste juge, et qu’il considère non-seulement ce que nous faisons, mais encore dans quelles dispositions d’âme nous le faisons, et prenez bien garde de ne point regarder comme petit, quelque petit que ce soit en effet, le mal que vous faites sciemment. Ne dites point dans votre cœur : c’est peu de chose, je n’ai pas besoin de m’en corriger, il n’y a pas grand mal pour moi à demeurer dans ces péchés véniels sans gravité. Parler ainsi, mes frères bien-aimés, c’est de l’impénitence, c’est un blasphème contre le Saint-Esprit, un blasphème irrémissible. Paul blasphéma aussi, mais non point contre le Saint-Esprit, parce qu’il blasphémait sans le savoir. Et comme son blasphème n’était point contre l’Esprit-Saint, il en obtint le pardon.

6. « Qui êtes-vous, Seigneur? Et le Seigneur lui dit : Je suis Jésus de Nazareth que vous persécutez (Ibidem, 5). » Je suis le Sauveur que vous persécutez à votre perte; je suis celui dont votre loi a dit : « Il sera appelé le Nazaréen (Matt. II, 23), » et vous ignorez que cette prédiction est accomplie. Mais lui : « Seigneur, que voulez-vous que je fasse (Ibidem)? » Voilà, mes frères, le modèle d’une vraie conversion. « Mon cœur est prêt, dit-il, Seigneur, mon cœur est prêt (Psal. CVII, 2). » Je suis tout prêt et sans trouble dans l’âme pour garder vos commandements. Seigneur , que voulez-vous que je fasse ? Parole courte, mais pleine de sens, mais vive et efficace, mais digne d’obtenir un bon accueil (1 Tim. I, 15) ! Combien peu font preuve d’une telle obéissance, font une telle abnégation de leur propre volonté, au point de ne se réserver pas même leur propre coeur, et de ne rechercher constamment qu’une seule chose, non point leur volonté, mais la volonté de Dieu, et de s’écrier sans cesse : « Seigneur, que voulez-vous que je fasse? » Ou avec Samuel : « parlez Seigneur, votre serviteur écoute (I Reg. III, 10), » hélas ! nous avons bien plus d’imitateurs de l’aveugle de l’Évangile que de ce nouvel apôtre ! Le Seigneur avait dit à un aveugle : « Que voulez-vous que je fasse pour vous (Luc. XVIII, 41) ? » Quelle bonté, Seigneur, quel honneur et quelle grâce! Est-ce donc ainsi que le Seigneur s’informe de la volonté de son esclave pour la faire ? En vérité, cet aveugle était bien aveugle, pour n’avoir point vu cela, pour ne s’en être point ému, et ne s’être point écrié : Dieu me préserve de vous le dire, Seigneur, dites-moi plutôt ce que vous voulez que je fasse, car l’ordre exige, non que vous vous informiez de ma volonté, mais que je m’inquiète de la vôtre. Vous voyez, mes frères, combien il était nécessaire qu’il se fit là une vraie conversion. Il est encore de même aujourd’hui, telle est la faiblesse et la perversité de plusieurs qu’on est obligé de leur demander quelle est leur volonté, et de leur dire aussi, que dois-je faire pour vous? au lieu de dire eux-mêmes : « Seigneur, que voulez-vous- que je fasse? » Les ministres et les vicaires du Christ sont dans la nécessité de chercher ce que ces hommes veulent qu’on leur commande, non point quelle est la volonté du maître. L’obéissance de ces gens-là n’est pas complète, ils ne sont point disposés à obéir en toute chose, ils n’ont point l’intention de suivre partout celui qui n’est pas venu sur la terre pour faire sa volonté mais celle de son père. Ils distinguent, jugent et décident en quoi ils doivent obéir à ceux qui leur commandent quelque chose, que dis-je, en quoi ils doivent obéir? C’est en quoi leur supérieur doit faire leur volonté que je devrais dire. Que ceux qui sont dans ces dispositions, tout en voyant qu’on les supporte, qu’on condescend et qu’on se prête à leur faiblesse, ne restent point dans l’état où ils sont; qu’ils rougissent, je les en prie, d’être toujours comme des enfants; s’ils ne veulent s’entendre dire un jour Qu’ai-je du faire pour vous que je n’aie pas fait? Et si, après avoir abusé de la patience et de la bienveillance de leurs supérieurs, ils craignent que toute l’indulgence dont ils ont été l’objet ne mette le comble à leur trop juste condamnation.

7. « Seigneur, que voulez-vous que je fasse? Et le Seigneur lui répondit : Levez-vous, entrez dans la ville, et là, on vous dira ce que vous avez à faire (Act. IX, 7). » O Sagesse qui disposes et règles tout, en effet, avec douceur ! Tu adresses à un homme, pour connaître de lui ta volonté, celui à qui tu parles toi-même, afin de lui faire apprécier les avantages de la vie commune et pour que, une fois qu’il aura été instruit par un. homme, il sache lui-même venir en aide à ses semblables, dans la mesure des grâces qu’il aura reçues. « Entrez dans la ville. » Voue voyez, mes frères, que ce n’est pas sans une disposition particulière de Dieu, que vous êtes vous-mêmes entrés dans la cité par excellence? du Seigneur des vertus, pour y apprendre quelle est la volonté de Dieu. Certainement celui qui vous a rempli d’une crainte salutaire, ô mon frère, et a tourné votre coeur vers le désir de votre sainte volonté vous a dit aussi : « Levez-vous, et entrez dans la cité. » Mais remarquez combien dans les lignes suivantes la simplicité et la douceur chrétiennes nous sont particulièrement recommandées. « Ayant ouvert les yeux, il ne voyait point, et les gens de sa suite le conduisaient par la main (Act. IX, 8). » O heureuse cécité que celle qui frappe de ténèbres salutaires, pour les convertir, ceux dont les veux n’étaient jadis ouverts que pour le mal. Je pense que dans les trois jours que Paul passe sans manger, dans une prière continuelle, il faut voir une règle de conduite donnée à ceux qui, venant de renoncer au siècle, ne respirent pas encore dans les consolations du ciel. Ils doivent aussi attendre le Seigneur en toute patience, prier sans relâche, chercher, demander et frapper, et leur Père des cieux finira par les exaucer en un temps opportun. Il ne les oubliera point pour toujours, il viendra à eux et y viendra même sans trop tarder. Si vous êtes avec le Seigneur plein de bonté et de miséricorde, pendant trois jours entiers, sans manger, vous pouvez être sûrs qu’il ne vous renverra point à jeûn.

8. Après cela, Ananie reçoit l’ordre d’imposer les mains à Saul : mais il ne s’y prête point sans résistance, car il est bien éclairé. Remarquez que c’est la conduite que plus tard saint Paul lui-même recommande de suivre à l’un de ses disciples, en lui disant : « N’imposez pas trop vite les mains à personne (I Tim. V, 22). » Il vit, dit notre Évangéliste, (a) un homme qui lui imposa les mains, pour lui faire recouvrer la vue (Act, IX, 12). » Or, mes frères, bien que Paul eût eu cette vision, il ne recouvra point encore pour cela la vue. Pensez-vous qu’il n’attendit point que Ananie vînt lui imposer les mains, parce qu’il ne connut peut-être qu’en songe qu’il devait venir? Si je vous fais cette réflexion, mes frères, c’est parce que je crains qu’il n’y en ait parmi vous qui se noient éclairés, bien qu’ils ne l’aient encore été qu’en songe, et qui, au lieu de permettre qu’on les conduise par la main, se posent en guides pour les autres, car lorsqu’on n’a point encore reçu la charge d’administrer les choses, quand on n’est pas encore établi pour en être le dispensateur, enfin lorsqu’on n’a pas encore reçu l’ordre de voir et de prévoir, pour ceux qui, bien que ayant les yeux ouverts, ne voient rien, osent présumer de leurs forces, dans de pareilles entreprises, c’est avoir l’esprit rempli de pensées vaines, et se nourrir de vains songes. Gardons-nous de ce défaut,. mes frères, autant qu’il dépendra de nous; préférons être sans honneur, et conduits par la main, à l’école de l’humble et doux Jésus, Notre-Seigneur, à qui est l’honneur et la gloire, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

a Saint Bernard désigne ici l’Évangéliste saint Luc par le mot Seigneur; toutefois il est hors de doute que les paroles qu’il rapporte ici sont de saint Luc, non point de Notre-Seigneur.

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