Archive pour la catégorie 'saint Paul'

Éphésiens 4, 11-16 et l’ecclésiologie du Concile Vatican II – 9/12

1 juillet, 2010

du site:

http://www.diocese-frejus-toulon.com/Ephesiens-4-11-16-et-l.html

Éphésiens 4, 11-16 et l’ecclésiologie du Concile Vatican II – 9/12

Père Mario Saint-Pierre, prêtre et théologien

Publié le jeudi 12 mars 2009 , par Père Mario Saint-Pierre

Paul, l’apôtre des Nations, n’a pas hésité un instant à expérimenter les approches pastorales qui lui permettaient de développer une évangélisation féconde. Les paroles fortes et profondes écrites à la communauté d’Éphèse, grâce à sa riche expérience et au succès connu dans cette ville, ne sont pas uniquement le fruit d’une réflexion théorique sur l’Église, mais aussi le fruit d’une expérience évangélisatrice qui s’est démultipliée avec force. Paul peut écrire dans sa lettre aux Éphésiens (4, 11-16) le passage le plus riche, le plus profond, le plus complexe, le plus articulé et le plus beau sur l’Église en croissance.

 11. Et c’est lui [le Christ] qui a donné
aux uns d’être apôtres,
aux autres d’être prophètes,
aux autres d’être évangélisateurs,
et aux autres d’être pasteurs et enseignants,

 12. en vue de [1] (pros) la formation des saints
pour (eis) l’œuvre du ministère,
pour (eis) la construction du Corps du Christ,

 13. jusqu’à (mekri) ce que nous parvenions
tous ensemble à (eis) l’unité
de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu,
à (eis) l’homme accompli,
à (eis) la taille maximale de la plénitude du Christ,

 14. afin que (hina) nous ne soyons plus
 des enfants ballottés,
menés à la dérive à tout vent de doctrine
par la tromperie des hommes
par leur ruse dans les moyens de séduction,

 15. mais que, vivant la vérité dans l’amour,
nous croissions à (eis) tous égards
[vers] Celui qui est la Tête, le Christ,

 16. de qui le corps tout entier
coordonné et bien uni
grâce à toutes les articulations qui le desservent
selon une activité répartie à la mesure de chaque partie
réalise la croissance du corps
pour (eis) sa construction dans l’amour.

Ainsi, le verset 11, qui ouvre une longue et unique phrase jusqu’au verset 16, énumère un ensemble de fonctions : apôtres, prophètes, évangélisateurs, pasteurs et enseignants. Michel Bouttier présente une explication globale de cette liste : « Seules sont retenues les fonctions liées à la révélation, à sa proclamation et à son enseignement. […] Nous sommes à la charnière de l’époque apostolique révolue et de l’Église en voie d’institutionalisation où l’épiscopat deviendra détenteur de l’autorité. » [2] Ici, les 5 fonctions sont toutes en rapport avec l’évangélisation. Les ministères ordonnés ne sont pas mentionnés explicitement, même s’ils peuvent être en quelque sorte pressentis et inclus dans la fonction de « pasteurs ». N’oublions pas que Paul est désormais absent de la communauté d’Éphèse. Il s’assure que les fonctions directement liées à l’engendrement de l’Église dans sa mission évangélisatrice sont maintenues, pour que l’Église continue sa croissance.

Le commentaire du père Jean-Noël Aletti va dans le même sens : « Ce n’est pas l’Église qui se donne à elle-même des ministres pour son bon fonctionnement, elle les reçoit du Christ lui-même. […] Le verset [11] énumère une hiérarchie de fonctions, qui sont par ailleurs les unes et les autres mentionnées dans le NT et sont toutes en rapport avec l’Évangile, à sa proclamation, à son interprétation, à sa prédication et à l’enseignement qui en découle. » […] « La liste d’Ép 4, 11 mentionne donc les seuls ministères directement impliqués dans l’annonce et l’explicitation de l’Évangile, du mystère. Car, en réalité, le v. 11 montre comment se réalise le mystère ; c’est en effet du Christ que vient l’initiative de doter l’Église, qui est son corps, d’apôtres et autres ministres qui la feront entrer dans la connaissance du mystère : la dynamique de l’annonce du mystère vient du Christ lui-même, telle est bien la pointe du verset. » [3] Il est très important de relever, à la lumière de ces deux exégètes, la dimension essentiellement évangélisatrice de chacune de ces cinq fonctions qui, comme on le verra dans les versets suivants, permettent la croissance ecclésiale.

Sans entrer dans les détails d’un travail exégétique minutieux, soulignons quelques aspects de cette ecclésiologie de croissance. D’abord, citons deux passages importants du père Aletti concernant l’ensemble de la phrase : « C’est grâce aux ministères directement impliqués dans l’annonce et l’interprétation du mystère, que tous les croyants sont en mesure d’œuvrer pour la croissance du corps ecclésial. L’Église est un ensemble organique où tout est lié. » […] « La croissance organique constitue le bouquet final, car elle exprime la vie, la vitalité du corps ; le texte fournit ici un critère pour juger de l’origine de la vitalité de l’Église : tout ce qui fait croître harmonieusement le corps vient du Christ. » [4] À l’aide de cette interprétation du père Jean-Noël Aletti sur les cinq fonctions pauliniennes (Ép 4, 11), nous comprenons l’importance du lien essentiel existant entre la mission évangélisatrice et la croissance de l’Église.

Paul utilise au verset 12 un verbe substantivé : « katartismon  ». Il s’agit d’un emploi unique dans le Nouveau Testament. Ce mot signifie : acte de compléter, de parfaire, de préparer, d’équiper et de former. Michel Bouttier souligne avec raison : « Le substantif « katartismon  » n’est employé qu’ici, mais Paul use du verbe qui correspond à ajuster et consolider les éléments divers assemblés pour former un tout – ainsi assembler (les pièces d’un navire). Il s’agit de la formation des saints, de leur équipement ; il n’y a pas d’hésitation possible pour ce passage : les saints, ce sont les fidèles. Cet assemblage comporte une double tâche, extensive et intensive : celle qui nécessite la consolidation en chacun de l’unité de l’être croyant, et celle qui nécessite l’assemblage de tous, destinés à constituer un corps. » [5] Ainsi la diversité des fonctions évangélisatrices a une origine christologique qui s’enracine dans le Mystère trinitaire, une finalité de communion ecclésiale qui se vérifie dans la croissance et une approche d’intégration qui permet une formation totale et unifiante du corps et des membres du corps. Cette approche d’intégration se vérifie dans le verset 16 où il est particulièrement question du « corps tout entier, coordonné et bien uni grâce à toutes les articulations qui le desservent selon une activité proportionnée à la mesure de chaque partie ». L’intégration dans la croissance et la fécondité de la mission évangélisatrice implique équilibre, harmonie, mesure, dosage, proportion, lien, etc. La réalité biologique intégrale s’impose en quelque sorte à la vision ecclésiologique qui, elle aussi, doit être qualifiée « d’intégrale ». Sans cette « mesure », l’Église ne peut croître, être en bonne santé, vivre et se multiplier.

Entre la tête et le corps, la croissance s’inscrit dans un double mouvement réciproque et dynamique :
 1. Éphésiens 4, 15 : du corps, la confession de foi permet la croissance vers la Tête, pourvu que toutes les parties du corps restent unies (un membre détaché du corps ne peut plus croître et vivre, il entrave l’équilibre du corps dans l’ensemble de sa croissance) ;
 2. Éphésiens 4, 16 : en retour, du Christ Tête, duquel ou de laquelle proviennent nourritures et articulations, le corps reçoit une croissance qualifiée, c’est-à-dire une croissance mesurée, équilibrée, harmonieuse. Ce double mouvement dans la croissance n’est possible que « dans la charité ». Paul utilise l’expression aux versets 15 et 16 : « C’est la charité qui réunit, édifie, cimente ; c’est par elle que nous formons un corps. Si nous voulons donc participer à l’esprit de vie qui descend de la tête, soyons mutuellement unis » (Saint Jean Chrysostome, Homélie sur l’épitre aux Éphésiens). C’est pourquoi, nous prions à propos de l’Église dans la prière eucharistique II du Missel romain : « Fais-la grandir dans ta charité…

Textes bibliques commentés: Romains 8, 18-27 (La creation en attente)

28 juin, 2010

du site:

http://www.taize.fr/fr_article170.html?date=2008-03-01

Textes bibliques commentés

Ces courtes méditations bibliques sont proposées pour soutenir une recherche de Dieu au cœur de la vie quotidienne. Il s’agit de prendre un moment pour lire en silence le texte biblique suggéré, accompagné du bref commentaire et des questions. On peut se réunir ensuite en petits groupes de trois à dix personnes chez l’un ou l’autre des participants pour un bref partage de ce que chacun a découvert, avec éventuellement un temps de prière.

2008 mars

Romains 8, 18-27 : La Création en attente

J’estime que les souffrances du temps présent ne sauraient être comparées à la gloire à venir qui sera révélée pour nous. Aussi la création attend-elle avec un ardent désir la révélation des fils de Dieu. Car la création a été soumise à la vanité, non de son gré, mais à cause de celui qui l’y a soumise, avec l’espérance qu’elle aussi sera affranchie de la servitude de la corruption, pour avoir part à la liberté de la gloire des enfants de Dieu. Or, nous savons que, jusqu’à ce jour, la création tout entière gémit et souffre les douleurs de l’enfantement. Et ce n’est pas elle seulement ; mais nous aussi, qui avons les prémices de l’Esprit, nous aussi nous gémissons en nous-mêmes, en attendant l’adoption, la rédemption de notre corps. Car c’est en espérance que nous sommes sauvés. Or, l’espérance qu’on voit n’est plus espérance : ce qu’on voit, peut-on l’espérer encore ? Mais si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons avec persévérance.
De même aussi l’Esprit nous aide dans notre faiblesse, car nous ne savons pas ce qu’il nous convient de demander dans nos prières. Mais l’Esprit lui-même intercède par des soupirs inexprimables ; et celui qui sonde les coeurs connaît quelle est la pensée de l’Esprit, parce que c’est selon Dieu qu’il intercède en faveur des saints. (Romains 8, 18-27)Dans ce texte, saint Paul nous dépeint une image de la création en attente de sa libération : elle est en train de « gémir ». Cette description d’un univers blessé, entravé dans son fonctionnement, semble bien rejoindre la réalité du monde tel que nous le connaissons : que de misères et d’injustices, de désirs inassouvis, de richesses gaspillées, de fausses pistes…
Mais le message de l’apôtre va bien au-delà de la simple constatation d’une situation malheureuse. C’est en fait une bonne nouvelle, car l’aspiration de la création est décrite en termes de douleurs d’enfantement. Pour ceux qui savent déchiffrer le langage de Dieu, les gémissements sont porteurs d’espérance.
Plus important encore, ce texte nous renseigne sur la place des croyants dans cet univers, de ceux qui vivent de l’Esprit de Dieu. Loin de les sortir d’un monde marqué par l’insatisfaction, la présence en eux de l’Esprit les fait vivre davantage en solidarité avec le reste du créé. Leurs soupirs, la voix de l’Esprit en eux, se confond avec ceux de la création en attente. Plus encore, ces gémissements sont prière, l’expression d’un dialogue à l’intérieur même de Dieu. Dès lors, pourquoi s’inquiéter de ne pas savoir prier convenablement ? Par son Fils et son Esprit, Dieu s’est identifié avec sa création à un point tel que le cri du cœur meurtri de la créature se transforme en moteur de sa libération. Nos pauvres balbutiements deviennent le langage de Dieu. Notre soif de plénitude traduit une espérance authentique, qui ne peut être déçue (Romains 5, 5).
 Est-ce que l’espérance joue un rôle dans ma vie ? Quelles réalités me permettant d’espérer est-ce que je vois autour de moi ?
 Dans quelle mesure ma foi me rend plus solidaire des souffrances de la famille humaine, des « gémissements de la création » ?
 En quoi les paroles de saint Paul à la fin du texte m’aident à comprendre la prière chrétienne ?

Prier sans cesse (1 Th 5,17)

28 juin, 2010

du site:

http://jerusalem.cef.fr/index.php/fraternites/prier-dans-la-ville/prier-sans-cesse

Prier sans cesse

La dernière clef de la prière nous ouvre la Demeure du «sans cesse» (1 Th 5,17). Car Jésus lui-même n’a pas hésité à nous demander de prier sans cesse (Lc 18,1). Dieu n’est-il pas en effet devant nous sans relâche (Ps 16,8) ? Et son amour pour nous n’est-il pas de toujours à toujours (Rm 8,31-39) ? La clef de la prière continuelle nous conduit donc en finale à entrer dans le mystère de l’ininterruption d’un regard de foi et d’une attitude d’amour. Car quand on croit vraiment, c’est pour tout le temps et quand on aime véritablement, c’est pour toujours.
C’est alors que nous sommes finalement amenés à comprendre que la prière, avant d’être une attitude particulière, un temps fort, un moment réservé, une technique en action, est une respiration d’âme. Saint Augustin dit très bien que celui qui porte en lui, toujours vivant, le désir du ciel, est quasiment en prière incessante. Ainsi en est-il de celui qui aime. Il sait quel est le but de sa vie, l’objet de son attente, le désir de son cœur. Toute sa vie aime puisqu’elle en a le désir. Que notre désir du ciel soit donc grand et, en étant simplement vivant, il laissera murmurer en nous une prière incessante.
N’est-ce pas là ce que l’Écriture veut nous dire quand elle déclare que, nous regardant comme des vivants revenus de la mort (Rm 6,13), nous sommes déjà sauvés car Dieu nous a ressuscités et fait asseoir aux cieux dans le Christ Jésus (Ep 2,6). Certes, notre existence court ici-bas. Et il faut bien faire tout ce qu’il faut faire. Mais si Dieu est en nous, nous sommes aussi en Dieu. C’est «l’état de grâce». L’éternité descend dans le temps. La Divinité imprègne notre humanité. La Vie éternelle est déjà commencée. Dieu demeure en nous et nous demeurons en lui. N’est-il pas dès lors sans cesse en prière celui qui peut redire : Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi (Ga 2,20) ? Même s’il dort, son cœur se souvient. Même quand il travaille, son âme prie. Même en se penchant sur les choses de la terre, son esprit s’élève. Tout en vaquant au quotidien de l’existence, il recherche les choses d’en haut, là où se trouve le Christ assis à la droite de Dieu. Il songe aux choses d’en haut, non aux choses de la terre. Il est comme mort et sa vie est désormais cachée avec le Christ en Dieu (Col 3,1-3). Sans même avoir à y penser, il prie sans cesse parce qu’il vit sous le regard de Dieu, tout désireux de Dieu et aimant Dieu qui est tout en tout et tout en tous (Col 3,11 ; 1 Co 15,28).
Nous avons donc réellement entre nos mains cette ultime clef de la prière qui peut la rendre en nous «continuelle». Rien de plus difficile sans doute. Mais rien de plus simple aussi. Il suffit de vivre attentivement, humblement, affectueusement, sous le regard de Dieu. Disons-le : il faut vivre amoureusement auprès de Dieu. D’un Dieu de tendresse qui n’attend de nous que d’être vu et accepté pour ce qu’il est : un père, un époux, un ami. Demandez à ceux qui aiment amoureusement s’ils ont besoin de se forcer beaucoup pour penser à l’être aimé ! Ils y pensent «sans cesse» puisqu’ils aiment «toujours».
Voilà ce que nous fait découvrir la prière continuelle. Le matin, le soir et à midi, je pense à lui (Ps 118 ; 55,18). Et quand vient la nuit, je dors, mais mon cœur veille (Ct 5,2). Tout devient occasion de l’accueillir en nous ou de nous tourner vers lui. Ce n’est plus nous qui pensons et agissons, c’est Dieu qui pense et agit en nous. On prie comme l’on vit. On prie continuellement puisqu’en nous la vie n’a pas de cesse !
«Le vrai spirituel, dit Clément d’Alexandrie, prie durant toute sa vie ; car prier est pour lui effort d’union à Dieu et il rejette tout ce qui est inutile, parce qu’il est parvenu à cet état où il a déjà reçu en quelque sorte la perfection qui consiste à agir par amour.» Et il conclut par cette admirable formule qui devient notre souhait dernier : «Toute sa vie est une liturgie sacrée».

Il anticipe l’Éternité puisqu’il porte sur lui l’ultime clef du Paradis.

HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI – SOLENNITÉ DES SAINTS APÔTRES PIERRE ET PAUL – 28 juin 2007

28 juin, 2010

du site:

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/homilies/2007/documents/hf_ben-xvi_hom_20070628_vespri_fr.html

CÉLÉBRATION DES PREMIÈRES VÊPRES
DE LA SOLENNITÉ DES  SAINTS APÔTRES PIERRE ET PAUL

HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI

Basilique Saint-Paul-hors-les-Murs
Jeudi 28 juin 2007

Messieurs les Cardinaux,
vénérés frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,
chers frères et sœurs!

Au cours de ces Premières Vêpres de la solennité des saints Pierre et Paul, nous commémorons avec gratitude ces deux Apôtres, dont le sang, avec celui de tant d’autres témoins de l’Evangile, a rendu féconde l’Eglise de Rome. Dans leur souvenir, je suis heureux de vous saluer tous, chers frères et sœurs, à commencer par Monsieur le Cardinal-Archiprêtre et par les autres Cardinaux et Evêques présents, par le Père Abbé et par la Communauté bénédictine à laquelle est confiée cette Basilique, jusqu’aux ecclésiastiques, aux religieuses et aux religieux et aux fidèles laïcs réunis ici. J’adresse un salut particulier à la délégation du Patriarcat œcuménique de Constantinople, qui répond à la présence de la délégation du Saint-Siège à Istanbul, à l’occasion de la fête de saint André. Comme j’ai eu l’occasion de le dire il y a quelques jours, ces rencontres et ces initiatives ne constituent pas simplement un échange de politesses entre Eglises, mais elles veulent exprimer l’engagement commun à faire tout ce qui est possible pour accélérer les temps de la pleine communion entre l’Orient et l’Occident chrétiens. Avec ces sentiments, je me tourne avec respect vers les Métropolites Emmanuel et Gennadios, envoyés par le cher Frère Bartholomaios I, auquel j’adresse une pensée reconnaissante et cordiale. Cette Basilique qui a vu des événements d’une profonde signification œcuménique, nous rappelle combien il est important de prier ensemble pour implorer le don de l’unité, cette unité à laquelle  saint  Pierre et saint Paul ont consacré leur existence jusqu’au sacrifice suprême du sang.
Une très ancienne tradition, qui remonte aux temps apostoliques, raconte que c’est précisément à proximité de ce lieu que se déroula leur dernière rencontre avant le martyre:  ils se seraient embrassés, bénis mutuellement. Et sur la porte principale de cette Basilique, ils sont représentés ensemble, avec les scènes du martyre de chacun d’eux. Dès le début, donc, la tradition chrétienne a considéré Pierre et Paul inséparables l’un de l’autre, même s’ils eurent chacun une mission différente à accomplir:  Pierre fut le premier à confesser la foi dans le Christ, Paul obtint le don de pouvoir en approfondir la richesse. Pierre fonda la première communauté des chrétiens provenant du peuple élu, Paul devint l’apôtre des païens. Avec des charismes différents, ils œuvrèrent pour une unique cause:  l’édification de l’Eglise du Christ. Dans l’Office des Lectures, la liturgie offre à notre méditation ce texte bien connu de saint Augustin:  « Un seul jour est consacré à la fête des deux apôtres. Mais eux aussi ne faisaient qu’un. Bien qu’ils aient subi le martyre en des jours différents, ils ne faisaient qu’un. Pierre précéda, Paul suivit… C’est pourquoi nous célébrons ce jour de fête, consacré pour nous par le sang des apôtres » (Disc. 295, 7.8). Et saint Léon le Grand commente:  « De leurs mérites et de leurs vertus, supérieurs à ce que l’on peut dire, nous ne devons rien penser qui les oppose, rien qui les divise, parce que l’élection les a rendus des pairs, la difficulté des semblables et la fin des égaux » (In natali apostol., 69, 6-7).
A Rome, le lien qui rapproche Pierre et Paul dans la mission a pris, dès les premiers siècles, une signification très spécifique. Comme le couple mythique des frères Romulus et Rémus, auxquels l’on faisait remonter la naissance de Rome, ainsi Pierre et Paul furent considérés comme les fondateurs de l’Eglise de Rome. Saint Léon le Grand dit à ce propos, en s’adressant à la ville:  « Voici tes saints pères, tes vrais pasteurs qui, pour te rendre digne du royaume des cieux, ont édifié beaucoup mieux et avec bien plus de bonheur que ceux qui œuvrèrent à jeter les premières fondations de tes murs » (Homélies 82, 7). Bien qu’humainement différents l’un de l’autre, et bien que la relation entre eux ne fût pas exempte de tensions, Pierre et Paul apparaissent donc comme les initiateurs d’une nouvelle cité, comme la concrétisation d’une manière nouvelle et authentique d’être frères, rendue possible par l’Evangile de Jésus Christ. C’est pourquoi l’on pourrait dire qu’aujourd’hui l’Eglise de Rome célèbre le jour de sa naissance, puisque les deux Apôtres en établirent les fondations. En outre, Rome ressent aujourd’hui avec davantage de conscience quelle est sa mission et sa grandeur. Saint Jean Chrysostome écrit que « le ciel n’est pas aussi splendide lorsque le soleil diffuse ses rayons, que ne l’est la ville de Rome qui rayonne de la splendeur de ces flambeaux ardents (Pierre et Paul) à travers le monde… Telle est la raison pour laquelle nous aimons cette ville… pour ces deux piliers de l’Eglise » (Comm. a Rm 32).
Nous commémorerons l’Apôtre Pierre plus particulièrement demain, en célébrant le Sacrifice divin dans la Basilique vaticane, construite sur le lieu où il subit le martyre. Ce soir, notre regard se tourne vers saint Paul, dont les reliques sont conservées avec une grande vénération dans cette Basilique. Au début de la Lettre aux Romains, comme nous venons de l’entendre, il salue la communauté de Rome en se présentant comme le « serviteur du Christ Jésus, apôtre par vocation » (1, 1). Il utilise le terme serviteur, en grec doulos, qui indique une relation d’appartenance totale et inconditionnée à Jésus, le Seigneur, et qui traduit l’hébreu ‘ebed, faisant ainsi allusion aux grands serviteurs que Dieu a choisis et appelés pour une mission importante. Paul est conscient d’être « apôtre par vocation », c’est-à-dire non en vertu d’une candidature spontanée ni d’une charge qui lui aurait été confiée humainement, mais uniquement par un appel et une élection divine. Dans son épistolier, l’Apôtre des nations répète plusieurs fois que tout dans sa vie est le fruit de l’initiative gratuite et miséricordieuse de Dieu (cf. 1 Co 15, 9-10; 2 Co 4, 1; Ga 1, 15). Il fut choisi « pour annoncer l’Evangile de Dieu » (Rm 1, 1), pour répandre l’annonce de la Grâce divine qui réconcilie en Christ, l’homme avec Dieu, avec lui-même et avec les autres.
Par ses Lettres, nous savons que Paul fut bien plus qu’un habile orateur; il partageait même avec Moïse et avec Jérémie le manque de talent oratoire. « C’est un corps chétif et sa parole est nulle » (2 Co 10, 10), disaient de lui ses adversaires. Les résultats apostoliques extraordinaires qu’il put obtenir ne sont donc pas à attribuer à une brillante rhétorique ou à des stratégies apologétiques et missionnaires raffinées. Le succès de son apostolat dépend surtout d’une implication personnelle dans l’annonce de l’Evangile avec un dévouement total pour le Christ; un dévouement qui ne craignit pas les risques, les difficultés et les persécutions:  « Ni mort ni vie – écrivait-il aux Romains -, ni anges ni principautés, ni présent ni avenir, ni puissances, ni hauteur ni profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus notre Seigneur » (8, 38-39). Nous pouvons en tirer une leçon plus que jamais importante pour chaque chrétien. L’action de l’Eglise est crédible et efficace uniquement dans la mesure où ceux qui en font partie sont disposés à payer de leur personne leur fidélité au Christ, dans chaque situation. Là où cette disponibilité fait défaut, manque l’argument décisif de la vérité dont dépend l’Eglise elle-même.
Chers frères et sœurs, comme aux commencements, aujourd’hui aussi le Christ a besoin d’apôtres prêts à se sacrifier eux-mêmes. Il a besoin de témoins et de martyrs comme saint Paul:  autrefois violent persécuteur des chrétiens, lorsque sur le chemin de Damas il tomba à terre ébloui par la lumière divine, il passa sans hésitation du côté du Crucifié et il le suivit sans regret. Il vécut et travailla pour le Christ; pour Lui, il souffrit et il mourut. Combien son  exemple  est  aujourd’hui d’actualité!
Et c’est précisément pour cette raison que je suis heureux d’annoncer officiellement que nous consacrerons à l’Apôtre Paul une année jubilaire spéciale du 28 juin 2008 au 29 juin 2009, à l’occasion du bimillénaire de sa naissance, que les historiens situe entre 7 et 10 après Jésus-Christ. Cette « Année de saint Paul » pourra se dérouler de manière  privilégiée à Rome, où depuis vingt siècles est conservé sous l’autel pontifical de cette Basilique le sarcophage qui, selon l’avis concordant des spécialistes et une tradition incontestée, conserve les restes de l’apôtre Paul. Dans l’enceinte de la Basilique pontificale et de l’Abbaye bénédictine homonyme attenante pourront donc avoir lieu une série d’événements liturgiques, culturels et œcuméniques, ainsi que diverses initiatives pastorales et sociales, toutes inspirées à la spiritualité paulinienne. En outre, une attention particulière pourra être accordée aux pèlerins qui, de différents lieux, voudront se rendre dans un esprit de pénitence auprès de la tombe de l’Apôtre pour y trouver un bénéfice spirituel. Des Congrès d’études et des publications spéciales sur des textes pauliniens verront également le jour, pour faire connaître toujours mieux l’immense richesse de l’enseignement qu’ils renferment, véritable patrimoine de l’humanité rachetée par le Christ. En outre, partout à travers le monde, des initiatives analogues pourront être réalisées dans les diocèses, dans les sanctuaires, dans les lieux de culte, par des institutions religieuses, d’étude et d’assistance, qui portent le nom de saint Paul ou qui s’inspirent de sa figure et de son enseignement. Il y a enfin un aspect particulier qui devra être soigné avec une attention particulière au cours de la célébration des divers moments du bimillénaire paulinien:  je veux parler de la dimension œcuménique. L’Apôtre des nations, particulièrement engagé dans l’annonce de la Bonne Nouvelle à tous les peuples, s’est totalement prodigué pour l’unité et la concorde entre tous les chrétiens. Veuille-t-il nous guider et nous protéger dans cette célébration bimillénaire, en nous aidant à progresser dans la recherche humble et sincère de la pleine unité de tous les membres du Corps mystique du Christ. Amen! 

Entrevue avec Paul de Tarse

21 juin, 2010

du site:

http://www.interbible.org/interBible/source/lampe/2009/lampe_090612.html

Entrevue avec Paul de Tarse

Si Paul de Tarse vivait aujourd’hui et nous accordait une entrevue, à quoi pourrait ressembler l’échange? Propos recueillis (ou imaginés) par Alain Gignac, professeur à la Faculté de théologie et de sciences des religions de l’Université de Montréal.

Remarque : Cette activité de créativité peut être reprise en situation catéchétique : demander aux participants d’imaginer, écrire et mettre en scène un dialogue entre eux et un personnage biblique.

Journaliste : Paul de Tarse, merci de votre disponibilité. Vous n’avez pas besoin de présentation. Je saute donc directement à ma première question. Quel effet cela vous fait-il que le pape Benoît XVI ait placé la présente année sous votre patronage, en l’honneur du bimillénaire de votre naissance ?

Paul : Je me suis toujours considéré comme un serviteur, voire un esclave de Jésus Christ, et je n’ai jamais cherché ma gloire, mais le succès de l’évangélisation. Ça me fait donc un peu drôle d’être célèbre à ce point. À ma mort, je comptais peut-être plus de querelles et d’échecs à mon actif que de consensus et de réussites. Il faut dire que j’ai une personnalité passionnée et un comportement combatif et militant. J’étais à la marge de l’Église, pour ainsi dire.

(J) Vos propos m’étonnent, car on vous considère parfois comme le fondateur de l’Église.

(P) Ce n’est qu’après ma mort qu’on a pris conscience que mes positions théologiques s’étaient avérées des conditions gagnantes pour la définition et l’expansion de la foi chrétienne. Après coup, je suis donc devenu, ou plutôt mes lettres sont devenues, une référence pour l’identité chrétienne.

(J) Mais à lire les Actes des Apôtres, on a l’impression que, voyageur infatigable, vous avez évangélisé à vous seul tout l’Empire romain !

(P) Je crois qu’il s’agit d’une illusion d’optique voulue par mon ancien collaborateur Luc, qui voulait, pour ainsi dire, réhabiliter ma réputation. J’y suis présenté sous un angle très favorable. Certes, je me suis dépensé sans compter pour l’Évangile (n’acceptant presque aucune aide monétaire des communautés). Toutefois, le christianisme s’est répandu de bouche à oreille, par les voyageurs, en commençant par ceux qui font du commerce. Encore aujourd’hui, on ne sait pas qui a apporté l’Évangile à Rome, à Alexandrie et à Antioche, les trois plus grosses villes de l’Empire. L’évangile n’a pas besoin de héros pour se propager.

(J) Les gens d’aujourd’hui vous font plusieurs reproches…

(P) Cela n’a pas beaucoup changé. De mon vivant, j’étais plutôt contesté.

(J) C’est peut-être pour cela que Benoît XVI invite cette année les catholiques à vous redécouvrir avec des yeux neufs (et peut-être, dans certains cas, à vous découvrir, tout simplement). Mais dites-moi, comment expliquez-vous que les gens vous perçoivent comme extrêmement vantard, voire vaniteux ?

(P) Cela vient de mon style littéraire, qui respecte les procédés d’écriture de mon époque, où le téléphone, internet et la télévision n’existaient pas. Lorsqu’on communique à distance par écrit, et même en présence, il faut aller chercher l’attention et l’émotion des gens. Les intéresser. Alors, on met des effets et on caricature. Et comme je l’ai dit auparavant, il m’a fallu souvent me défendre, car je n’avais pas connu Jésus de Nazareth — je veux dire, de son vivant. Je n’ai jamais eu l’autorité de mon collègue Céphas, que vous connaissez mieux sous son nom grec : Pierre, car il avait été le premier témoin de la résurrection. Moi, je viens après tous les autres…

(J) On dit aussi que vous êtes moralisateur…

(P) J’ai toujours répété avant tout aux chrétiens qu’il fallait se laisser transformer, pour que Christ prenne forme en nous ; que c’est le Souffle de Dieu qui nous rend libres et porte fruit en nous. Mais je me devais aussi de les exhorter à persévérer et à grandir dans la foi. Car la foi doit aussi agir, changer peu à peu le monde, bien que tout soit grâce, ultimement. Je ne suis pas pour la Loi, car Christ suffit. J’ai été clair là-dessus. Donc pas de règles, mais je suis incapable d’accepter deux comportements : ce qui nuit aux personnes, ce qui nuit à la communauté. D’où mon principe : une bonne décision, c’est une décision qui édifie, qui construit l’individu et la communauté.

(J) On dit encore que vous êtes un sexiste invétéré. Des féministes iraient jusqu’à vous bannir du Nouveau Testament.

(P) Ô, vous savez, ce n’est pas moi qui ai placé mes lettres, des écrits de circonstances, dans le Nouveau Testament ! Mes disciples ont gardé mes lettres les plus significatives, parce qu’elles disaient certaines choses de la foi. Si j’ai une certaine fierté, c’est d’avoir été un des premiers chrétiens à écrire : je n’avais que l’Écriture (qui deviendra après ma mort votre Ancien Testament) pour m’inspirer. J’ai peut-être parfois tourné en rond, balbutié des réponses incomplètes ou imprécises. Mais il fallait faire vite. J’ai toujours été aspiré par l’urgence pastorale…

(J) Donc vous admettez que vos propos sur les femmes sont sexistes ?

(P) Oui et non. Moi-même, avec le recul, je prends conscience de deux choses. Premièrement, j’appartenais à un monde très patriarcal, comme disent les féministes. J’ai beau être chrétien, je ne suis pas un extraterrestre par rapport à mon époque! Ne me demandez pas d’être un homme rose. Deuxièmement, et on l’oublie souvent, j’étais révolutionnaire sur la réciprocité homme-femme, comme je l’ai martelé aux Corinthiens. Bref, il y a certains de mes propos qui sont sexistes (bien que certains soient le fait de mes disciples), mais il y a certaines formules qui sont des graines de féminisme! L’important, aujourd’hui, c’est de ne pas lire mes lettres avec des yeux sexistes pour s’appuyer sur l’un ou l’autre de mes versets afin de justifier l’inégalité. Je l’ai bien dit : « Il n’y a ni Juif ni Grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni mâle ni femelle, car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus » (Ga  3,28, Bible Nouvelle Traduction). L’Église a-t-elle compris cela? La société, qui peine encore à l’équité salariale, a-t-elle compris cela? Le Royaume de Dieu n’est pas encore arrivé!

(J) On vous reproche d’être très complexe, difficile à comprendre. Sérieusement, croyez-vous qu’on puisse se servir de vos lettres en catéchèse ?

(P) Mes lettres sont essentiellement des catéchèses! Non pas des récits, mais des mots que j’ai cherché à mettre sur mon expérience spirituelle et sur celle des communautés que j’avais fondées. Mes destinataires ne savaient pas lire, pour la plupart. Alors ils se réunissaient et demandaient à un des leurs qui le pouvait, de lire ma lettre. Ils en discutaient. Ils faisaient répéter le lecteur. Ils s’aidaient mutuellement à comprendre. Pourquoi ne pas faire de même aujourd’hui? Lire par petits morceaux, en discuter, voir comment cela résonne dans nos vies. Catéchiser, c’est faire écho. Mes images, mes phrases chocs, mes interpellations : tout cela cherche à transmettre ma foi.

(J) En terminant, lequel de vos textes nous recommanderiez-vous pour réfléchir sur la catéchèse ?

(P) Dans ma plus longue lettre, adressée aux chrétiens de Rome, et qu’on peut considérer à juste titre comme un bilan de vingt ans de prédications et de mission, j’ai cité une hymne que j’avais moi-même reçue (un procédé que j’ai utilisé souvent). L’hymne dit, en gros, qu’il faut intérioriser la foi qu’on nous propose, et que c’est en disant sa foi qu’on  la rend effective et agissante : « Si tu te sers de ta bouche pour confesser que Jésus est le Seigneur, et de ton cœur pour croire que Dieu l’a réveillé  d’entre les morts, tu seras sauvé. Dans ton cœur la foi devient justice, sur tes lèvres la confession mène au salut » (Rm 10,9-10, BNT) Il faut intérioriser le récit de la fidélité du Christ, au point de s’en sentir partie prenante et d’être capable de raconter, à notre tour, cette merveilleuse histoire de salut.

Pape Benoît: Saint Paul, le martyre et son héritage

6 juin, 2010

je ne suis pas capable de bien traduire et de l’italien au français et je ne peux pas vous dire  mon souvenir du Père Padovese, le nonce apostolique assassiné, mais mon cœur est plein de sa mémoire, quand il ya des enterrements qui se tiendra à Milan, je vais le traduire, peut-être avec l’aide d’un traducteur, l’homélie de l’archevêque de Milano Tettamanzi

à la mémoire du Mons. Luigi Padovese, je vous propose, du site:

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/audiences/2009/documents/hf_ben-xvi_aud_20090204_fr.html

BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 4 février 2009

SAINT PAUL

Le martyre et son héritage

Chers frères et sœurs,

La série de nos catéchèses sur la figure de saint Paul est arrivée à sa conclusion:  nous souhaitons parler aujourd’hui de la fin de sa vie terrestre. L’antique tradition chrétienne témoigne de manière unanime que la mort de Paul eut lieu suite au martyre subi ici à Rome. Les écrits du nouveau Testament ne nous racontent pas cet épisode. Les Actes des Apôtres achèvent leur récit en évoquant l’emprisonnement de l’Apôtre, qui pouvait toutefois recevoir tous ceux qui venaient le voir (cf. Ac 28, 30-31). C’est uniquement dans la deuxième Lettre à Timothée que nous trouvons ces paroles prémonitoires:  « Quant à moi je suis déjà répandu en libation et le moment de mon départ est venu » (2 Tm 4, 6; cf. Ph 2, 17). On a ici recours à deux images, l’image cultuelle du sacrifice, qu’il avait déjà utilisée dans la première Lettre aux Philippiens en interprétant le martyre comme une partie du sacrifice du Christ, et l’image marine de jeter les amarres:  deux images qui ensemble, font discrètement allusion à l’événement de la mort, et d’une mort dans le sang.

Le premier témoignage explicite sur la fin de saint Paul nous vient du milieu des années 90 du Ier siècle, c’est-à-dire un peu plus de trois décennies après sa mort effective. Il s’agit précisément de la Lettre que l’Eglise de Rome, avec son évêque Clément I, écrivit à l’Eglise de Corinthe. Dans ce texte épistolaire, l’on est invité à garder devant les yeux l’exemple des apôtres, et, immédiatement après avoir mentionné le martyre de Pierre, on lit ceci:  « A cause de la jalousie et de la discorde, Paul fut obligé de nous montrer comment l’on obtient le prix de la patience. Arrêté sept fois, exilé, lapidé, il fut le héraut du Christ en Orient et en Occident, et en raison de sa foi, il s’acquit une gloire pure. Après avoir prêché la justice au monde entier, et après être parvenu à l’extrémité de l’Occident, il subit le martyre devant les gouvernants; c’est ainsi qu’il quitta ce monde et qu’il parvint au lieu saint, devenu ainsi le plus grand modèle de patience » (1 Clem 5, 2). La patience dont il parle est l’expression de sa communion à la passion du Christ, de la générosité et de la constance avec laquelle il a accepté le long chemin de souffrance, afin de pouvoir dire:  « Je porte dans mon corps les marques de Jésus » (Ga 6, 17). Nous avons entendu dans le texte de saint Clément que Paul serait arrivé jusqu’à « l’extrémité de l’occident ». L’on se demande s’il s’agit d’une allusion à un voyage en Espagne, que saint Paul aurait fait. Il n’existe pas de certitudes sur ce point, mais il est vrai que saint Paul dans sa Lettre aux Romains exprime son intention d’aller en Espagne (cf. Rm 15, 24).

Ce qui est en revanche très intéressant dans la lettre de Clément, c’est la succession des deux noms de Pierre et de Paul, même s’ils seront intervertis dans le témoignage d’Eusèbe de Césarée du iv siècle, qui en parlant de l’Empereur Néron écrivait:  « Pendant son règne, Paul fut décapité précisément à Rome et Pierre y fut crucifié. Le récit est confirmé par le nom de Pierre et de Paul, qui est encore aujourd’hui conservé sur leurs sépulcres dans cette ville » (Hist. eccl. 2, 25, 5). Eusèbe poursuit ensuite en rapportant la déclaration précédente d’un prêtre romain du nom de Gaius, remontant aux débuts du ii siècle:  « Je peux te montrer les trophées des apôtres:  si tu vas au Vatican ou sur la Via Ostiense, tu y trouveras les trophées des fondateurs de l’Eglise » (ibid., 2, 25, 6-7). Les « trophées » sont les monuments sépulcraux, et il s’agit des sépultures elles-mêmes de Pierre et de Paul qu’aujourd’hui encore, deux mille ans après, nous vénérons nous aussi dans les mêmes lieux:  que ce soit ici au Vatican en ce qui concerne Pierre, ou dans la Basilique Saint-Paul-hors-les-Murs sur la Via Ostiense en ce qui concerne l’Apôtre des nations.

Il est intéressant de noter que les deux grands apôtres sont mentionnés ensemble. Même si aucune source antique ne parle d’un éventuel ministère commun à Rome, la conscience chrétienne qui suivra sur la base de leur sépulture à tous deux dans la capitale de l’empire, les associera également comme fondateurs de l’Eglise de Rome. C’est en effet ce que l’on lit chez Irénée de Lyon, vers la fin du ii siècle, à propos de la succession apostolique dans les diverses Eglises:  « Comme il serait trop long d’énumérer les successions de toutes les Eglises, nous prendrons la très grande et très antique Eglise connue de tous, l’Eglise fondée et établie à Rome par les deux très glorieux apôtres Pierre et Paul » (Adv. haer. 3, 3, 2).

Laissons cependant à présent de côté la figure de Pierre et concentrons-nous sur celle de Paul. Son martyre est raconté pour la première fois par les Actes de Paul, écrits vers la fin du II siècle. Ceux-ci rapportent que Néron le condamna à mort par décollation, et que celle-ci fut exécutée immédiatement après (cf. 9, 5). La date de la mort varie déjà dans les sources antiques, qui la situent entre la persécution lancée par Néron lui-même après l’incendie de Rome, qui eut lieu en juillet de l’an 64, et la dernière année de son règne, c’est-à-dire 68 (cf. Jérôme, De viris ill., 5, 8). Le calcul dépend beaucoup de la chronologie de l’arrivée de Paul à Rome, un débat dans lequel nous ne pouvons pas entrer ici. Des traditions successives précisèrent deux autres éléments. L’un, le plus légendaire, est que le martyre eut lieu aux Acquae Salviae, sur la via Laurentina, et que sa tête rebondit trois fois, ce qui à chaque fois suscita l’écoulement d’un flot d’eau, c’est la raison pour laquelle le lieu porte le nom, aujourd’hui encore, de « Tre fontane », Trois fontaines (Actes de Pierre et Paul du Pseudo Marcel, du v siècle). L’autre, en harmonie avec l’antique témoignage, déjà mentionné, du prêtre Gaius, est que sa sépulture eut lieu non seulement « en dehors de la ville… au deuxième mille sur la via Ostiense », mais plus précisément « dans le domaine de Lucina », qui était une femme chrétienne (Passion de Paul du Pseudo Abdia, du vi siècle). C’est là que, au IV siècle, l’empereur Constantin érigea une première église, ensuite largement agrandie entre le IV et le V siècle par les empereurs Valentinien II, Théodose et Arcadius. Après l’incendie de 1800, fut ici érigée l’actuelle basilique Saint-Paul-hors-les-Murs.

Quoi qu’il en soit, la figure de saint Paul a un rayonnement qui va bien au-delà de sa vie terrestre et de sa mort; en effet, il a laissé un extraordinaire héritage spirituel. Lui aussi, comme un véritable disciple de Jésus, devint un signe de contradiction. Alors que parmi ceux qu’on appelait les « ébionites » – un courant judéo-chrétien – il était considéré comme apostat par la loi mosaïque, dans le livre des Actes des Apôtres apparaît une grande vénération envers l’apôtre Paul. Je voudrais à présent faire abstraction de la littérature apocryphe, comme les Actes de Paul et Tecla et un recueil de lettres apocryphes entre l’Apôtre Paul et le philosophe Sénèque. Il est surtout important de constater que, très vite, les Lettres de saint Paul entrent dans la liturgie, où la structure prophète-apôtre-Evangile est déterminante pour la forme de la liturgie de la Parole. Ainsi, grâce à cette « présence » dans la liturgie de l’Eglise, la pensée de l’Apôtre devient dès le début une nourriture spirituelle pour les fidèles de tous les temps.

Il est évident que les Pères de l’Eglise et ensuite tous les théologiens se sont nourris des Lettres de saint Paul et de sa spiritualité. Il est ainsi resté au cours des siècles, jusqu’à aujourd’hui, le véritable maître et apôtre des nations. Le premier commentaire patristique qui nous soit parvenu sur un écrit du Nouveau Testament est celui du grand théologien d’Alexandrie, Origène, qui commente la Lettre de Paul aux Romains. Ce commentaire n’est malheureusement conservé qu’en partie. Saint Jean Chrysostome, en plus des commentaires de ses Lettres, a écrit sur lui sept Panégyriques mémorables. Saint Augustin lui devra le pas décisif de sa propre conversion, et il fera référence à Paul tout au long de sa vie. De ce dialogue permanent avec l’Apôtre dérive sa grande théologie catholique et également la théologie protestante de tous les temps. Saint Thomas d’Aquin nous a laissé un beau commentaire aux Lettres pauliniennes, qui représente le fruit le plus mûr de l’exégèse médiévale. Un véritable tournant eut lieu au xvi siècle avec la Réforme protestante. Le moment décisif de la vie de Luther fut ce que l’on appelle « Turmerlebnis », (1517) au cours duquel il trouva en un instant une nouvelle interprétation de la doctrine paulinienne de la justification. Une interprétation qui le libéra des scrupules et des angoisses de sa vie précédente et lui donna une nouvelle confiance radicale dans la bonté de Dieu qui pardonne tout sans condition. A partir de ce moment, Luther identifia le droit judéo-chrétien, condamné par l’Apôtre, avec l’ordre de la vie de l’Eglise catholique. Et l’Eglise lui apparut donc comme l’expression de l’esclavage de la loi, à laquelle il opposa la liberté de l’Evangile. Le Concile de Trente, de 1545 à 1563, interpréta de manière profonde la question de la justification et trouva en continuité avec toute la tradition catholique la synthèse entre la loi et l’Evangile, conformément au message de l’Ecriture Sainte lue dans sa totalité et son unité.

Le XIX siècle, recueillant le meilleur héritage du siècle des Lumières, connut un renouveau du paulinisme, en particulier sur le plan du travail scientifique développé par l’interprétation historique et critique de l’Ecriture Sainte. Nous laisserons de côté le fait qu’à ce siècle-là également, comme ensuite au xx siècle, apparut un véritable dénigrement de saint Paul. Je pense en particulier à Nietzsche, qui dénigrait la théologie de l’humilité de saint Paul, en opposant à celle-ci sa théologie de l’homme fort et puissant. Mais laissons tout cela de côté, et examinons le courant essentiel de la nouvelle interprétation scientifique de l’Ecriture Sainte et du nouveau paulinisme de ce siècle. On a souligné ici en particulier comme central dans la pensée paulinienne le concept de liberté:  dans celui-ci a été identifié le cœur de la pensée paulinienne, comme par ailleurs l’avait déjà pressenti Luther. Or le concept de liberté était toutefois réinterprété dans le contexte du libéralisme moderne. De plus, on souligne fortement la différence entre l’annonce de saint Paul et l’annonce de Jésus. Et saint Paul apparaît presque comme un nouveau fondateur du christianisme. Il est vrai que chez saint Paul, le caractère central du Royaume de Dieu, déterminant pour l’annonce de Jésus, est transformé dans le caractère central de la christologie, dont le point déterminant est le mystère pascal. Et du mystère pascal découlent les Sacrements du Baptême et de l’Eucharistie, comme présence permanente de ce mystère, à partir duquel croît le Corps du Christ et se construit l’Eglise. Mais, je dirais, sans entrer à présent dans les détails, que c’est précisément dans le nouveau caractère central de la christologie et du mystère pascal que se réalise le Royaume de Dieu, l’annonce authentique de Jésus devenant concrète, présente et active. Nous avons vu dans les catéchèses précédentes que cette nouveauté paulinienne est précisément la fidélité la plus profonde à l’annonce de Jésus. Dans le progrès de l’exégèse, en particulier au cours des deux cents dernières années, croissent également les convergences entre exégèse catholique et exégèse protestante, réalisant ainsi un consensus remarquable précisément sur le point qui fut à l’origine du plus grand désaccord historique. Il s’agit donc d’une grande espérance pour la cause de l’œcuménisme, si centrale pour le Concile Vatican ii.
Enfin, je voudrais brièvement évoquer une fois de plus les divers mouvements religieux, apparus à l’époque moderne au sein de l’Eglise catholique, et qui se réfèrent au nom de saint Paul. C’est ce qui a eu lieu au xvi siècle avec la « Congrégation de saint Paul », dite des barnabites, au xix siècle avec les missionnaires de saint Paul, ou Paulistes, et au XX siècle avec la « Famille paulinienne » sous de multiples formes, fondée par le bienheureux Giacomo Alberione, pour ne pas parler de l’Institut séculier de la « Compagnie de saint Paul ». En résumé, demeure lumineuse devant nous la figure d’un apôtre et d’un penseur chrétien extrêmement fécond et profond, dont chacun peut tirer profit de l’étude. Dans l’un de ses panégyriques, saint Jean Chrysostome fit une comparaison originale entre Paul et Noé, en s’exprimant ainsi:  Paul « n’assembla pas des planches pour fabriquer une arche; au contraire, au lieu d’unir des planches de bois, il composa des lettres et ainsi arracha aux flots non pas deux, trois ou cinq membres de sa famille, mais tout l’œkoumène qui était sur le point de périr » (Paneg. 1, 5). C’est précisément cela que peut encore et toujours faire l’apôtre Paul. Puiser chez lui, tant dans son exemple apostolique que dans sa doctrine, sera donc un encouragement, sinon une garantie, pour la consolidation de l’identité chrétienne de chacun de nous et le rajeunissement de l’Eglise tout entière.

LE MYSTÈRE DE LA CHARITÉ

2 mai, 2010

du site:

http://biblio.domuni.org/cours/theologie/charite/charite_1-08.htm

LE MYSTÈRE DE LA CHARITÉ

B – Saint Paul

Il n’y a pas d’épître de S. Paul qui n’ait son mot sur la charité ; mais dans la plupart, la charité est un thème plus ou moins développé, plusieurs fois repris. Je note seulement quelques grands points caractéristiques :

Dès la 1 aux Thaloniciens, apparaît la triade : “ l’activité de votre foi, le labeur de votre charité, la constance de votre espérance, [6] qui sont l’œuvre de N.S. Jésus-Christ ” (1, 3 ; 5, 8). Qu’est-ce que cette charité ?

1. C’est d’abord l’amour dont Dieu nous aime, amour qui est au principe de toute l’économie du salut, c’est-à-dire de tout le grand dessein qui n’a été révélé pleinement que dans le Christ.

“ Béni soit Dieu le Père de N.S.J.C. qui nous a bénis et comblés de bienfaits spirituels, aux cieux dans le Christ. C’est ainsi qu’il nous a élus en lui, dès avant la création du monde, pour être saints et immaculés en sa présence, dans l’amour, déterminant d’avance que nous serions pour lui des fils adoptifs par J.C. Ainsi lui a-t-il plu de vouloir, afin que fût louée la splendeur de la grâce dont il nous a favorisés dans le Bien-Aimé ” (Ep 1, 3-6).

Du côté de Dieu, l’agapè est le principe d’une libéralité toute gratuite, qui se manifeste dans toute la série des bienfaits divins, jusqu’aux plus éclatants : le Christ, Fils de Dieu, livré à la mort pour nous, est, pour ainsi dire, la preuve objective de cet amour, dont par ailleurs le gage nous est intérieurement donné par le Saint-Esprit :

“ L’espérance ne déçoit point, parce que l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous fut donné. C’est en effet alors que nous étions sans force, c’est alors, au temps fixé, que le Christ est mort pour des impies : – à peine en effet voudrait-on mourir pour un homme juste ; pour un homme de bien, oui, peut-être osera-t-on mourir – mais la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ, alors que nous étions encore pécheurs, est mort pour nous ” (Rm 5, 5-8).

Cet Esprit, présence active de l’amour de Dieu en nous, nous assimile au Christ, fils comme lui et héritiers :

“ La preuve que vous êtes des fils, c’est que Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils qui crie : Abba ! Père ! Aussi n’es-tu plus un esclave, mais un fils ; fils et donc héritier de par Dieu ” (Ga 4, 6-7).

2. La charité, c’est donc aussi l’amour dont nous aimons Dieu précisément comme un Père. Car si l’Esprit répand dans nos cœurs l’amour dont Dieu nous aime, et réalise la présence active dans notre cœur, il y suscite notre réponse, amour filial qui nous fait invoquer le Père et nous met en communion intime avec lui, faisant qu’en définitive tout ne peut tourner qu’à notre bien :

“ La science enfle, c’est la charité qui édifie. Si quelqu’un s’imagine connaître quelque chose, il ne connaît pas encore comme il faut connaître ; mais si quelqu’un aime Dieu (agapan ton théon), celui-là est connu de Dieu ”, i. e. en termes bibliques, est aimé de Dieu, est connu de lui comme ami (I Co 8, 1b-3).

“ Et nous savons qu’avec ceux qui l’aiment (tois agapôsin ton théon), Dieu collabore en tout pour leur bien, avec ceux qu’il a élus selon son dessein éternel. Car ceux que d’avance il a discernés, il les a aussi prédestinés à reproduire l’image de son Fils, afin qu’il soit l’aîné d’une multitude de frères ” (Rm 8, 28-29).

3. Et voilà pourquoi la même charité est aussi l’amour dont nous aimons nos frères, amour qui s’apprend à l’école de Dieu :

“ Sur l’amour fraternel, vous n’avez pas besoin qu’on vous écrive (philadelphias), car vous avez personnellement appris de Dieu à vous aimer les uns les autres (eis to agapan allélous) ” (1 Th 4, 9).

Il le faut bien, car c’est encore un grand mystère que cette charité [7] fraternelle, celui même de l’édification de l’Église, c’est-à-dire du Corps du Christ, dont précisément l’agapè est le lien. Ici, il faudrait trop citer ; c’est comme vous le savez, un des apports les plus personnels de S. Paul, un des grands centres de sa pensée ; là où S. Jean mettra en avant l’exemple du Christ, et son commandement nouveau, S. Paul invoque le mystère du Christ et de l’Église. Quelques textes suffiront à évoquer ce thème particulièrement étudié aujourd’hui :

“ Mais vivant selon la vérité et dans la charité, nous grandissons de toutes manières vers Celui qui est la tête, le Christ, dont le corps entier reçoit concorde et cohésion par toutes sortes de jointures qui le nourrissent et l’actionnent selon le rôle de chaque partie, opérant ainsi sa croissance et se construisant lui-même, dans la charité ” (Ep 4, 15-16).

C’est bien une nouvelle cité, c’est la maison de Dieu, qui se construit ainsi et qui appelle des rapports tout nouveaux, un amour, une amitié, caractéristique de cette société-là :

“ Ainsi donc, vous n’êtes plus des étrangers ni des hôtes ; vous êtes concitoyens des saints, vous êtes de la maison de Dieu. Car la construction que vous êtes a pour fondation les apôtres et les prophètes et pour pierre d’angle, le Christ Jésus lui-même ” (Ep 2, 19-20).

Jusque-là, il y avait le peuple de Dieu, Israël, et les Nations ;: mais le Christ “ a tué la Haine ”, surmonté cette division, réunissant les deux peuples en un seul, c’est-à-dire appelant tous les hommes, Juifs, Grecs et barbares (Ep 2, 14-17). Aussi la grande et essentielle chose est-elle l’amour :

“ Aussi, je vous en conjure par tout ce qu’il peut y avoir d’appel pressant dans le Christ, de persuasion dans l’amour, de communion dans l’Esprit, de tendresse compatissante, mettez le comble à ma joie en restant bien unis : nourrissez le même amour, ne soyez qu’une seule âme, pensez tous de même ; n’accordez rien à l’esprit de parti, rien à la vaine gloire, mais que chacun par l’humilité estime les autres supérieurs à soi ; ne recherchez pas individuellement vos propres intérêts, mais que plutôt chacun songe à ceux des autres. Ayez entre vous les mêmes sentiments qui furent dans le Christ Jésus ” (Ph 2, 1-5). “ Et puis, par-dessus tout, la charité en laquelle se noue la perfection. Avec cela que la paix du Christ règne dans vos cœurs : tel est bien le terme de l’appel qui vous a rassemblés en un même corps ” (Col 3, 14-15).

Je ne m’arrête pas au grand texte célèbre, l’hymne à la charité (1 Co 13). Il est trop connu pour qu’en parler en général soit bien utile et une étude détaillée nous entraînerait trop loin ; vous la ferez vous-même et, en tout cas, je la laisse à vos cours d’exégèse. Vous savez qu’on a discuté sur le point de savoir s’il s’agit là d’autre chose que de la charité fraternelle. Il s’agit d’elle, bien sûr, directement ; mais si on l’entendait d’une simple attitude morale, on resterait très évidemment bien en deçà du texte de S. Paul ; ici encore, c’est bien le mystère de la charité qui est présent, explicitement proposé par un de ses côtés, mais impliquant toutes ses dimensions et sa profondeur. Cette charité qui dépasse tous les charismes, elle est le lien de la perfection, le lien de tout le Corps qui est l’Église, elle est la “ voie ” (une voie qui les dépasse toutes – 1 Co 12, 31) enseignée par le Christ et par où nous imitons Dieu.

“ Oui, cherchez à imiter Dieu, comme ses enfants bien-aimés, et suivez la voie de l’amour (peripateite in agapè), à l’exemple du Christ qui vous a aimés et s’est livré pour nous, s’offrant à Dieu en sacrifice d’agréable odeur ” (Ep 5, 1-2).

[8] Et cette idée de sacrifice a arraché à S. Paul une expression qui fera problème et dont l’influence a été grande dans la réflexion chrétienne :

“ Je souhaiterais d’être moi-même anathème, séparé du Christ pour mes frères, ceux de ma race selon la chair… ” (Rm 9, 3).

Et enfin, cette charité, dans son rôle d’union et d’assimilation au Christ et par là de la communion de tous les fidèles, a un sacrement :

“ La coupe de bénédiction que nous bénissons, n’est-elle pas communion au sang du Christ ? Le pain que nous rompons, n’est-il pas communion au corps du Christ ? Au moment qu’il n’y a qu’un pain, à nous tous nous ne formons qu’un corps, car tous nous avons part à ce pain unique ” ( 1 Co 10, 16-17).

Saint Paul et la Vierge Marie – Mère de Dieu

30 avril, 2010

du site:

http://copiste.romandie.com/post/11137/127225

Saint Paul et la Vierge Marie – Mère de Dieu

Une très belle page du Père Jean Galot sur le site des Pères Jésuites en Italie:

Le titre le plus nécessaire aurait été « Mère de Jésus » ou « Mère du Christ ». Il était affirmé sans séparation dans le mystère de l’Incarnation. Pour affirmer que le Fils de Dieu est venu sur terre pour vivre comme un homme et avec les hommes, on doit reconnaître qu’il est né de la Vierge Marie et qu’une femme est la mère de ce Fils. L’intervention d’une femme a été nécessaire pour une naissance réellement humaine ; la maternité de cette femme appartient au mystère de l’Incarnation.
Jésus est un homme, du sexe masculin, mais uni par un lien indissoluble au sexe féminin parce qu’une femme l’a enfanté et parce que cette femme a rempli totalement son rôle de mère envers lui.
Saint Paul a souligné la portée de ce mystère, en rappelant le grand geste du Père qui a fait don de son fils à l’humanité : « Mais, quand l’accomplissement du temps est venu, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme… » (Galates 4,4). Le nom de Marie n’est pas prononcé mais l’importance essentielle de la contribution de la femme est mise en lumière. Sans cette femme , le Père n’aurait pas pu donner son Fils comme il l’a fait par la naissance de Jésus. « Né d’une femme » est une caractéristique de l’identité du Sauveur, qui fait découvrir, dans un homme, avec la faiblesse de la chair, la personnalité de celui qui avant, dans l’éternité, était né du Père.
Dans cette naissance « d’une femme », Paul discerne l’humilité de la venue du Fils qui a accepté les conditions habituelles de la naissance humaine. Il ne considère pas explicitement la grandeur de la femme qui intervient dans une naissance au caractère extraordinaire. Mais il fait comprendre que cette femme a été associée par sa maternité, au projet divin de communication de la filiation divine à tous les hommes : le Fils est né d’une femme « afin qu’on fasse de nous des fils adoptifs ».
Ainsi, la maternité de Marie est élevée à un niveau divin, quant à son orientation fondamentale. La dignité de Marie comme mère apparaît plus clairement : le Fils que la femme a enfanté est destiné à partager sa filiation divine personnelle avec tous les hommes. Le Père qui, en envoyant son Fils sur terre, est à l’origine de cette maternité exceptionnelle, s’en sert pour répandre dans l’humanité sa propre paternité qui fait naître des fils adoptifs. Jamais une maternité n’aurait pu revendiquer une efficacité aussi grande et universelle.
Ce niveau divin attribué à la maternité de Marie n’exprime pas encore la suprématie de sa dignité. Seul le titre « Mère de Dieu » peut définir cette suprématie. Saint Paul n’a jamais fait usage de ce titre parce que son attention ne se portait pas sur la dignité propre à Marie dans la naissance du Christ, mais sur l’abaissement de Dieu qui manifestait ainsi un amour infini envers les hommes.

L’Hymne aux Philippiens, Textes pour l’adoration

28 avril, 2010

du site:

http://www.jeannedarc-versailles.com/L-Hymne-aux-Philippiens.html

L’Hymne aux Philippiens

Textes pour l’adoration du mercredi 29 Avril 2009

Jean-Marie Calmel  5 avril 2009     Imprimer
           
 Saint Paul écrit aux Philippiens alors qu’il est en prison à Ephèse (Philippiens II, 5-11). La communauté des Philippiens lui est particulièrement chère. Il leur écrit une lettre d’amitié empreinte d’une grande joie. Saint Paul les exhorte au bien et en même temps les réconforte. Cette hymne est une conversation pleine d’émotion et de délicatesse.

Ce passage reprend une hymne des tout premiers temps de l’Eglise. Saint Paul l’a peut-être repris d’un chant utilisé par les premières communautés chrétiennes.

Approfondissons le temps pascal où nous vivons en contemplant ce mystère avec Saint Paul : l’abaissement de Jésus et son exaltation par Son Père. Cette contemplation nous amène à « avoir entre nous les mêmes sentiments qui furent dans le Christ Jésus ».

I. Abaissement de Jésus

« Lui, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu ». La condition(en latin, forme) est la substance, la morphologie. Jésus est Dieu mais Il est une personne distincte. Il a les mêmes prérogatives que Son Père et aurait pu réclamer une égalité de traitement, de dignité manifestée et reconnue, même dans Son existence terrestre. Il a préféré « s’anéantir Lui-même » Il a préféré se priver de la Gloire qui Lui revenait de fait pour ne la recevoir que du Père.

Jésus attendait tout de Son Père. Jésus se retirait souvent pour prier Son Père. Avant la résurrection de Lazare, Il « lève les yeux en haut et dit : « Père, je Te rends grâces de m’avoir écouté » Jean, XI, 41 .

Jésus, par acte d’obéissance libre, se soumet à Son Père en toutes choses : « C’est de Dieu que Je suis sorti et que Je viens : Je ne viens pas de moi-même, mais Lui m’a envoyé » (Jean, VIII, 42) dira Jésus à Ses apôtres. Entre le Père et le Fils règne l’union vivante la plus intime qu’on puisse imaginer.

« Prenant condition d’esclave, et devenant semblable aux hommes » :Jésus est né d’une Vierge, n’a commis aucun péché mais Il a pris un corps et une âme pour être l’un de nous. Jésus est devenu homme, Il est accueilli par les hommes comme l’un d’entre eux. Jésus n’a pas cherché à s’imposer par les attributs de Sa Gloire. « Le Fils de l’homme est venu pour servir et donner Sa Vie » Mat. XX, 28. Un esclave ne commande pas, Il obéit. Jésus montrera jusqu’à quel point Il se fait serviteur en lavant les pieds de Ses apôtres le Jeudi Saint.

Il y a une progression dans l’abaissement : « S’étant comporté comme un homme, Il s’humilia plus encore, obéissant jusqu’à la mort, et à la mort sur une Croix ! »

Jésus a accepté de mourir d’une manière infamante, réservée aux esclaves et aux séditieux ! Pour Benoît XVI, Jésus nous montre ainsi Sa participation pleine et authentique à notre réalité humaine de douleur et de mort. Au cœur du scandale de la Croix, seule la chair de Jésus est meurtrie et a subi des humiliations. Le Christ achève par cette offrande le suprême don qu’Il fit de Lui-même par Son Incarnation : « du bois de la crèche au bois de la Croix » : Jésus couronne Sa mission : être le sacrement de la Tendresse du Père ! Cette mort est le pivot : maintenant Dieu va exalter Son Fils !

II. Exaltation de Jésus

Le Christ reçoit toute Sa Gloire de Son Père ! La Gloire découle de la Croix, elle en donne le sens.

« Aussi Dieu L’a-t-Il exalté et Lui a-t-Il donné le Nom qui est au-dessus de tout nom ». Aussi : c’est parce que Jésus s’est anéanti qu’Il a pu recevoir cette exaltation de Son Père : Il a été « surexalté » par la Résurrection et l’Ascension. Dans Sa Gloire Pascale, le Christ se manifeste à nouveau dans la splendeur de Sa Majesté Divine. Le Père, qui avait accueilli l’acte d’obéissance du Fils dans Son Incarnation et dans Sa Passion, l’exalte de façon suréminente.

Chaque homme reçoit un nom après sa naissance. Jésus est à nouveau dans la Gloire et reçoit le nom de Jésus, nom qu’Il a déjà reçu à la circoncision mais qui est réalisé : Jésus a sauvé tous les hommes !

« Pour que tout, au nom de Jésus, s’agenouille, au plus haut des cieux, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue proclame de Jésus-Christ qu’Il est Seigneur, à la Gloire de Dieu le Père ».

Dieu donne à Jésus une seigneurie universelle qui lui permet de recevoir l’hommage de toute la création. Jésus reçoit une reconnaissance publique et de toute la création. Même dans la Gloire, Jésus reste décentré de Lui-même : Il reçoit l’hommage de toute la création « à la Gloire de Dieu le Père ». Jésus reçoit Sa Gloire de Son adoration vers le Père. Ce que désirait Dieu en créant le monde est réalisé : la soumission du monde au Fils est la glorification du Père ; tout l’hymne est compris dans les attributs que Saint Paul donne à Jésus : Seigneur, titre adressé à Dieu, Jésus nom de Son humanité et Christ : le Messie qui vient nous sauver.

III. Les vertus familiales

« La Gloire de Dieu, c’est l’homme vivant et la vie de l’homme, c’est la vision de Dieu » nous dit Saint Irénée. Contemplons Dieu dans Sa Gloire ! Comme Il s’est abaissé en devenant homme et en mourant sur une croix, Il s’abaisse devant nous en se rendant présent dans l’hostie ! Il accepte d’être dans une hostie pour être vraiment présent avec nous. Dans l’adoration, je prends conscience que cette vie nouvelle qu’Il a reçue de Son Père, Il me la donne par amour gratuit !

Je suis invité à proclamer avec toute l’Eglise du Ciel et de la terre que Jésus-Christ est le Seigneur et à en vivre les fruits. Jésus a dit : « Tout ce que vous demanderez en mon nom, Mon Père vous le donnera ». Mais, pour cela, Jésus nous dit : « Ce que je vous demande, c’est de vous aimer les uns les autres ». La prière familiale, l’adoration familiale nous permettent de confesser la Majesté de Dieu et de nous reconnaître unis les uns aux autres par cette Vie Divine reçue sur la Croix.

Je suis poussé à me convertir, à conformer ma façon de penser, d’agir, de décider aux sentiments de Jésus. Saint Grégoire de Naziance nous dit : « Lui, Jésus, t’aime ». Quelle parole de tendresse ! C’est un grand réconfort mais aussi une grande responsabilité jour après jour.

Et comment imiter le Christ si ce n’est en priorité en devenant humble comme Lui ? « Que chacun par l’humilité estime les autres supérieurs à soi » nous dit Saint Paul : l’humilité et la douceur sont à la base des autres vertus. Vaine est la prière sans l’humilité : après la prière, l’humilité est le premier besoin de l’homme » nous dit Sainte Angèle de Foligno. Oublions-nous pour chercher le bien de nos parents, de nos frères et sœurs. Acceptons de nous dévouer au bien de notre famille, de tous ceux qui nous entourent ; par notre exemple, nos paroles, nos gestes de service. Sachons accepter les petites remarques, les reproches même injustes par amour pour Jésus et en union avec Ses souffrances. « Qui s’élève s’abaisse, qui s’abaisse s’élève ». Jésus nous a montré le chemin.

Si je suis humble, je peux obéir. Je peux aussi pardonner et recevoir le pardon. Et voici les biens procurés par l’humilité : la douceur, la patience, l’humanité, la tempérance, la docilité. Et une grande joie, une paix profonde rayonnera dans nos familles.

Le Saint Père nous dit : « Plus la famille sera imprégnée de l’esprit et des valeurs de l’Evangile, plus l’Eglise en sera elle-même enrichie ». Appliquons à nos communautés familiales l’enseignement de Saint Paul aux communautés chrétiennes : réconfortons-nous les uns les autres, exhortons-nous à faire le bien, encourageons-nous, ayons de la tendresse et de la compassion pour chaque membre de nos familles, en particulier pour les plus faibles.

Prenons comme modèle et prions la Sainte Vierge de nous aider : « Marie, vaisseau d’humilité, tu as charmé le Père Eternel », nous dit Sainte Catherine de Sienne que nous fêtons aujourd’hui. La seule gloire de Marie, c’est que « le Père a regardé l’humilité de Sa Servante ».

MALTE

16 avril, 2010

du site:

http://456-bible.123-bible.com/calmet/M/malte.htm

MALTE

Melita , île célèbre dans la mer d’Afrique. On croit que son nom de Melita lui vient de la grande quantité de miel qui s’y trouvait autrefois. Sa longueur est d’orient en occident , et sa largeur du septentrion au midi. Son circuit est de soixante milles, ou de vingt lieues. Cette île est attribuée à l’Afrique par les géographes , parce que, tirant une ligne de l’orient à l’occident, elle se trouve enfermée dans la mer d’Afrique. Son terrain est pierreux et ingrat. Elle porte toutefois d’excellents fruits , des melons et du coton.

Saint-Paul, ayant fait naufrage sur les côtes de Malte , fut très-bien reçu avec ses compagnons par ceux de cette île, qui leur donnèrent le couvert , et leur allumèrent du feu pour les sécher. Mais saint Paul ayant pris un fagot de sarments pour le jeter au feu (Ac 28 :1-3), une vipère qui y était cachée, ayant senti la chaleur, se jeta à la main de Paul, qui, sans s’effrayer, la secoua dans le feu. Les assistants se disaient l’un à l’autre : Il faut quecet homme soit un homicide , puisqu’après avoir échappé du naufrage , la vengeance divine le poursuit encore. Ils s’attendaient à tout moment de le voir tomber mort; mais, considérant qu’il ne lui en était rien arrivé, ils commencèrent à le regarder comme une divinité.

Publius , gouverneur de l’île , les reçut fort humainement , et les traita fort bien pendant trois jours. Comme son père était malade de fièvre et de dyssenterie, saint Paul l’alla voir, lui imposa les mains et le guérit. Alors tous ceux de l’île qui avaient des malades les lui amenèrent, et il leur rendit la santé; et lorsque saint Paul et sa compagnie se rembarquèrent , ils les pourvurent abondamment de tout ce qui leur était nécessaire pour le voyage. On assure que depuis l’arrivée de saint Paul à Malte , il n’y a plus ni vipère, ni aucun autre animal venimeux, et que ceux même qu’on y porte d’ailleurs n’y peuvent vivre, surtout en l’endroit où saint Paul fut mordu , qui est une caverne d’où l’on emporte tous les jours de la terre et des pierres , pour chasser les animaux venimeux , et pour servir de préservatif et de remède contre les morsures des scorpions et des serpents. On ne peut pas dire que ce soit une propriété naturelle du pays, puisque, quand saint Paul y aborda, les habitants l’ayant vu mordu d’une vipère, jugèrent qu’il allait tomber mort. Cela ne peut donc venir que de la bénédiction particulière de saint Paul, qui s’étendit sur toute l’île. Un voyageur assure qu’on y voit de petits enfants manier les scorpions sans danger. Plusieurs Maltais se convertirent à la prédication de saint Paul, et la maison de Publius, qui en fut le premier évêque, fut changée en église. Saint Paul y demeura trois mois entiers.

Un religieux de la Charité, natif de cette île, m’a écrit que Malte était une ancienne colonie des Carthaginois , qu’elle avait toujours parlé le langage d’Afrique, comme elle fait encore aujourd’hui ; que c’est pour cela que ceux qui étaient avec saint Paul, qui tous étaient Grecs ou Latins, appellent les Maltais barbares ; que les Romains n’y ont jamais introduit leur langue parmi le peuple; qu’on y parle aujourd’hui arabe parmi le peuple ; qu’à la Valette on parle italien, à cause des chevaliers qui y ont leur demeure ; mais que les peuples de la campagne n’entendent point cette langue ; qu’à la vérité il y a deux paroisses de Grecs à la Valette : mais elles sont pour les Grecs qui sont sortis de Rhodes avec les .chevaliers et ont suivi leur fortune à Malte ; que, malgré toutes les révolutions qui sont arrivées à cette île, elle a toujours conservé la religion catholique dans sa pureté depuis saint Paul jusqu’aujourd’hui.

Il m’écrit de plus que le lieu où saint Paul échoua est une langue de terre baignée par la mer de deux côtés, située au nord de l’île, et à l’ouest de son étendue, qu’on a appelé toujours depuis le cale de saint Paul; que ta tradition de cette île est que saint Paul fut véritablement mordu d’une vipère, et qu’en la secouant dans le feu il maudit toutes les vipères de l’île, et que toutes celles qu’on y a vues depuis sont sans venin ; car il y en a encore aujourd’hui, mais elles ne sont pas dangereuses. On en a quelquefois porté en Sicile par curiosité, et aussitôt qu’elles sont arrivées en cette île, elles sont devenues venimeuses comme les autres; et dès qu’on les a rapportées à Malte, elles ont perdu leur qualité venimeuse.

Il ajoute qu’on trouve tous les jours quantité de vipères et d’autres serpents pétrifiés dans l’île de Malte, comme aussi des langues, des yeux, des viscères de serpents, qui ont tous la vertu de garantir de la morsure des animaux venimeux ceux qui en portent sur eux quelques morceaux ; et pour ceux qui n’en portent point ou qui n’en ont point, s’il leur arrive d’avoir été mordus par un serpent, ils se guérissent sûrement en prenant dans de. l’eau de la râclure de ces serpents pétrifiés, ou de leurs langues, de leurs yeux ou de leurs viscères aussi pétrifiés, ou même de la râclure des pierres de la grotte où saint Paul a logé ; et cela n’est point un effet du climat du pays ; puisqu’avant son arrivée à Malte les vipères et les autres animaux venimeux y étaient aussi dangereux qu’ailleurs.

Il existe, dit Barbié du Bocage, deux opinions relativement à l’île de Malte, sur laquelle la tempête jeta saint Paul : l’une, toute vivante dans Ille de Malte, située entre la Sicile et l’Afrique, veut que ce soit sur cette île que le saint Apôtre ait trouvé son salut ; l’autre, qui offre aussi quelque vraisemblance, le fait aborder dans l’île de Méléda, au nord-ouest de Raguse, sur la côte de Dalmatie. Il faut, dans cette dernière opinion, supposer que, lorsque la tempête surprit saint Paul dans son vogage à Rome, Brindes était le port vers lequel on se dirigeait pour aborder en Italie ; et en effet, Brindes était alors le port le plus fréquenté pour le passage de l’Italie. en Grèce, et réciproquement. La tempête aurait, dans ce cas, porté le navire plus au nord que la position de Brindes, l’aurait fait échouer sur le rivage de Méléda. 

L’autre opinion est pourtant plus communément partagée.

M. Michaud a vu l’île de Malte en revenant de l’Orient. La ville se compose de deux cités : l’ancienne, c’est Malte ; la nouvelle, c’est la Valette. Ou appelle la cité de Malte, la cité vieille ou la cité notable. a J’ai voulu la visiter, dit M. Michaud (Corresp. d’Orient, lettr. CLXXXVIII, tom. VII, pag. 469, 470); on en fait remonter l’origine aux Carthaginois ; elle est aussi bien bâtie que la Valette; mais ses rues sont désertes ; on nous a montré hors de la ville la grotte miraculeuse de saint Paul, et les souterrains qu’on appelle Catacombes : la grotte est taillée dans une pierre molle qui se reproduit, dit-on, à mesure qu’on en détache des fragments; à côté de cette merveille de la nature est une belle statue en marbre de saint Paul. Tout le monde sait que saint Paul fut jeté dans l’île par un naufrage, et qu’il y apporta la parole de l’Evangile. C’est à un miracle du saint Apôtre que les Maltais attribuent la faveur de n’avoir point dans leur pays des reptiles venimeux. 

1...89101112...14