Archive pour la catégorie 'Saint Augustin'

Augustin d’Hippone : La mort de Monique, sa maman

2 novembre, 2009

du site:

http://www.patristique.org/Augustin-d-Hippone-La-mort-de

Augustin d’Hippone : La mort de Monique, sa maman
lundi 27 août 2007

Seigneur, tu sais que ce jour-là, alors que j’étais avec ma mère, comme nous parlions ainsi et ue ce monde pour nous au fil des paroles perdait tout intérêt avec tous ses plaisirs, ma mère dit alors :
- Mon fils, en ce qui me concerne, plus rien n’a de charme pour moi dans cette vie. Que pourrais-je faire encore ici-bas ? Pourquoi y serais-je ? Je ne sais pas ; je n’ai plus rien à espérer en ce siècle. Une seule chose me faisait désirer de rester assez longtemps dans cette vie : te voir chrétien catholique avant ma mort. Je suis plus que comblée dans ce que mon Dieu m’a accordé : tu es allé jusqu’à mépriser les félicités de la terre et je te vois son serviteur. Qu’est-ce que je fais ici ?

Que lui ai-je répondu ? Je ne m’en souviens pas bien, d’autant que sur ces entrefaites, dans les cinq jours à peine ou ce ne fut guère plus, la fièvre la mit au lit. Et pendant sa maladie, un jour, elle subit une défaillance et son esprit perdit un instant conscience de ce qui l’entourait. Nous accourûmes, mais elle eut vite repris ses sens ; elle nous vit, mon frère et moi, debout près d’elle, et nous dit avec l’air de quelqu’un qui cherche quelque chose :
- Où étais-je ?
Puis arrêtant ses regards sur nous que la tristesse consternait :
- Vous enterrerez ici votre mère, dit-elle.

Moi, je me taisais et maîtrisais mes larmes ; mais mon frère lui dit quelque chose pour souhaiter, comme un sort plus heureux, qu’elle ne finît pas ses jours sur une terre étrangère, mais dans la patrie. Dès qu’elle entendit cela, son visage devint anxieux, et ses yeux lui lançaient des reproches parce qu’il avait de tels sentiments. Et puis, le regard fixé sur moi :
- Vois ce qu’il dit ! me fit-elle ;
et presque aussitôt, elle ajouta pour tous les deux :
- Enterrez ce corps n’importe où ! Ne vous troublez pour lui d’aucun souci ! Tout ce que je vous demande, c’est de vous souvenir de moi à l’autel du Seigneur, où que vous soyez.
Elle expliqua sa pensée en s’exprimant comme elle pouvait, puis se tut ; la maladie qui s’aggravait la faisait souffrir.

Mais moi, qui songeais à tes dons, ô Dieu invisible, à ce que tu sèmes dans le cœur de tes fidèles et d’où proviennent les moissons admirables, je me réjouissais et te rendais grâce, me rappelant ce que je savais, l’inquiétude si grande qui l’avait toujours agitée au sujet de la sépulture, qu’elle avait prévue et préparée pour elle près du corps de son mari. Oui, parce qu’ils avaient vécu en parfaite concorde, elle voulait encore, tant l’âme humaine a de peine à comprendre les choses divines, ajouter à ce bonheur et faire dire à son sujet par la postérité : il lui fut accordé, après un long voyage outre-mer, qu’une terre conjointe couvrît la terre des deux conjoints.

Mais à quel moment cette vanité, par la plénitude de ta bonté, avait-elle cessé d’occuper son cœur ? Je l’ignorais et j’étais dans la joie, tout surpris que ma mère me fut apparue ainsi. Déjà cependant, lors de notre entretien à la fenêtre, elle avait dit : « Que fais-je encore ici ? » et rien n’avait laissé voir qu’elle désirait mourir dans sa patrie. De plus, je l’appris plus tard, à peine étions-nous à Ostie que quelques-uns de mes amis, avec qui en toute confiance maternelle elle s’entretenait un jour sur le mépris de cette vie et le bienfait de la mort, en mon absence, furent stupéfaits d’une telle vertu dans une femme – c’est toi qui la lui avais donnée -, et lui demandèrent si elle ne redoutait pas de laisser son corps si loin de son pays.
- Rien n’est loin pour Dieu, répondit-elle, et il n’y a pas à craindre qu’il ne sache point où me retrouver à la fin du monde pour me ressusciter.

Ainsi donc, au neuvième jour de sa maladie, à la cinquante-sixième année de son âge, à trente-troisième de mon âge, cette âme religieuse et pieuse se détacha du corps. Je lui fermais les yeux et dans mon cœur s’amassaient les flots d’une immense tristesse…

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Source :

Saint Augustin, Les confessions, BA 14, X,26- XII,29.

Priére à tous les saints de St Augustin

31 octobre, 2009

du site:

http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/la-celebration-de-la-foi/les-grandes-fetes-chretiennes/toussaint/priere-a-tous-les-saints-de-st-augustin.html

Priére à tous les saints de St Augustin


Reine de tous les saints, glorieux Apôtres et Evangélistes, Martyrs invincibles, généreux Confesseurs, savants Docteurs, illustres Anachorètes, dévoués Moines et Prêtres, Vierges pures et pieuses femmes, je me réjouis de la gloire ineffable à laquelle vous êtes élevés dans le Royaume de Jésus-Christ, notre divin Maître.

Je bénis le Très-Haut des dons et des faveurs extraordinaires dont il vous a comblés et du rang sublime où il vous élève. O amis de Dieu !

O vous qui buvez à longs traits au torrent des délices éternelles, et qui habitez cette patrie immortelle, cette heureuse cité, où abondent les solides richesses ! Puissants Protecteurs, abaissez vos regards sur nous qui combattons, qui gémissons encore dans l’exil, et obtenez-nous la force et les secours que sollicite notre faiblesse pour atteindre vos vertus, perpétuer vos triomphes et partager vos couronnes.

O Vous tous, bienheureux habitants du ciel, saints amis de Dieu qui avez traversé la mer orageuse de cette vie périssable, et qui avez mérité d’entrer dans le port tranquille de la paix souveraine et de l’éternel repos !

O saintes âmes du paradis, vous qui, maintenant à l’abri des écueils et des tempêtes, jouissez d’un bonheur qui ne doit pas finir, je vous en conjure, au nom de la charité qui remplit votre coeur, au nom de Celui qui vous a choisis et qui vous a faits tels que vous êtes, écoutez ma prière.

Prenez part à nos travaux et à nos combats, vous qui portez sur vos vos fronts vainqueurs une couronne incorruptible de gloire ; ayez pitié de nos innombrables misères, vous qui êtes à jamais délivrés de ce triste exil ; souvenez-vous de nos tentations, vous qui êtes affermis dans la justice ; intéressez-vous à notre salut, vous qui n’avez plus rien à redouter pour le vôtre ; tranquillement assis sur la montagne de Sion, n’oubliez pas ceux qui gisent encore couchés dans la vallée des larmes.

Puissante armée des saints, troupe bienheureuse des apôtres et évangélistes, des martyrs, des confesseurs, des docteurs, des anachorètes et des moines, des prêtres, des saintes femmes et des vierges pures, priez sans cesse pour nous misérables pécheurs. Tendez-nous une main secourable, détournez de nos têtes coupables la justice irritée de Dieu ; faites entrer par vos prières notre frêle navire dans le port de la bienheureuse éternité.

Saint Augustin

SERMON DE SAINT AUGUSTIN SUR LES PASTEURS

12 septembre, 2009

DIMANCHE13 SEPTEMBRE 2009

OFFICE DES LECTURES – II

SERMON DE SAINT AUGUSTIN SUR LES PASTEURS

La charge du pasteur.

Toute notre espérance est dans le Christ, et toute notre gloire véritable et salutaire, c’est lui-même : ce n’est pas la première fois que votre charité reçoit cet enseignement. Car vous êtes dans le troupeau de celui qui veille sur Israël comme son berger. Mais, parce qu’il y a des pasteurs qui veulent recevoir ce nom alors qu’ils ne veulent pas remplir l’office de pasteurs, rappelons ce qui leur est dit par le prophète Ézéchiel. ~ Ecoutez avec attention; quant à nous, écoutons avec crainte.

La parole du Seigneur me fut adressée: Fils d’homme, prophétise sur les pasteurs d’Israël et parle-leur. Vous avez entendu faire cette lecture tout à l’heure ; c’est pourquoi nous avons décidé d’en parler avec vous. Dieu nous aidera à dire des choses vraies, du moment que nous ne disons pas des choses tirées de nous-même. Car si ce que nous disons est tiré de nous-même, nous serons pasteur pour nous-même et non pour les brebis; au contraire, Si ce que nous disons vient de lui, c’est lui qui est notre pasteur, quel que soit l’intermédiaire.

Voici ce que dit le Seigneur Dieu : Malheureux: pasteurs d’Israël, qui sont pasteurs pour eux seuls! Ne sont- ils pas les bergers des brebis? C’est-à-dire que les vrais bergers ne cherchent pas a assurer leur propre nourriture, mais celle des brebis. Le premier motif de reproche adressé a ces mauvais pasteurs, c’est qu’ils nourrissent eux-mêmes, et non pas les brebis. Qui sont-ils’? Ceux dont l’Apôtre a dit : Tous cherchent leurs propres intérêts, non ceux de Jésus Christ.

Quant à nous, nous occupons cette fonction qui oblige à une dangereuse reddition de comptes, parce que le Seigneur nous y a placé non pas selon notre mérite, mais par condescendance. Et nous devons faire une distinction nette entre deux choses: l’une, c’est que nous sommes chrétien ; l’autre, c’est que nous sommes évêque. Que nous soyons chrétien, c’est pour nous; que nous soyons évêque, c’est pour vous. En tant que chrétien, nous devons veiller à notre propre avantage; en tant qu’évêque, à votre avantage uniquement.

Beaucoup sont chrétiens sans être évêques; ils arrivent à Dieu par un chemin peut-être plus facile et ils marchent sans doute avec une allure d’autant plus dégagée qu’ils portent un moindre fardeau. Quant à nous, nous sommes chrétien, et nous devrons donc rendre compte à Dieu de notre propre vie ; mais nous sommes en outre évêque, et nous devrons donc rendre compte à Dieu de notre gestion.

LES CONFESSIONS DE SAINT AUGUSTIN: ENTRETIEN DE SAINTE MONIQUE AVEC SON FILS ET DERNIÈRES PAROLES DE SAINTE MONIQUE.

26 août, 2009

du site:

http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/augustin/confessions/confessions.htm

LES CONFESSIONS DE SAINT AUGUSTIN

CHAPITRE X.

ENTRETIEN DE SAINTE MONIQUE AVEC SON FILS SUR LE BONHEUR DE LA VIE ÉTERNELLE.

CHAPITRE XI.

DERNIÈRES PAROLES DE SAINTE MONIQUE.

ENTRETIEN DE SAINTE MONIQUE AVEC SON FILS SUR LE BONHEUR DE LA VIE ÉTERNELLE.
 

23.       A l’approche du jour où elle devait sortir de cette vie, jour que nous ignorions, et connu de vous, il arriva, je crois, par votre disposition secrète, que nous nous trouvions seuls, elle et moi, appuyés contre une fenêtre, d’où la vue s’étendait sur le jardin de la maison où nous étions descendus, au port d’Ostie. C’est là que, loin de la foule, après les fatigues d’une longue route, nous attendions le moment de la traversée.

Nous étions seuls, conversant avec une ineffable douceur, et dans l’oubli du passé, dévorant l’horizon de l’avenir ( Philip. III, 13), nous cherchions entre nous, en présence de la Vérité que vous êtes, quelle sera pour les saints cette vie éternelle « que l’oeil n’a pas vue, que l’oreille n’a pas entendue, et où n’atteint pas le coeur de l’homme (I Cor. II, 9). » Et nous aspirions des lèvres de l’âme aux sublimes courants de votre fontaine, fontaine de vie qui réside en vous (Ps. XXXV, 10), afin que, pénétrée selon sa mesure de la rosée céleste, notre pensée pût planer dans les hauteurs.

24.       Et nos discours arrivant à cette conclusion, que la plus vive joie des sens dans le plus vif éclat des splendeurs corporelles, loin de soutenir le parallèle avec la félicité d’une telle vie, ne méritait pas même un nom, portés par un nouvel élan d’amour vers Celui qui est, nous nous promenâmes par les échelons des corps jusqu’aux espaces célestes d’où les étoiles, la lune et le soleil nous envoient leur lumière; et montant encore plus haut dans nos, pensées, dans nos paroles, dans l’admiration de vos oeuvres, nous traversâmes nos âmes pour atteindre, bien au-delà, cette région d’inépuisable abondance, où vous rassasiez éternellement (447) Israël de la nourriture de vérité, et où la vie est la sagesse créatrice de ce qui est, de ce qui a été, de ce qui sera; sagesse incréée, qui est ce qu’elle a été, ce qu’elle sera toujours; ou plutôt en qui ne se trouvent ni avoir été, ni devoir être, mais l’être seul, parce qu’elle est éternelle; car avoir été et devoir être exclut l’éternité.

Et en parlant ainsi, dans nos amoureux élans vers cette vie, nous y touchâmes un instant d’un bond de coeur, et nous soupirâmes en y laissant captives les prémices de l’esprit, et nous redescendîmes dans le bruit dé la voix, dans la parole qui commence et finit. Et qu’y a-t-il là de semblable à votre Verbe, Notre-Seigneur, dont l’immuable permanence en soi renouvelle toutes choses (Sag. VII, 27)?

25.       Nous disions donc: qu’une âme soit; en qui les révoltes de la chair, le spectacle de la terre, des eaux, de l’air et des cieux, fassent silence, qui se fasse silence à elle-même qu’oublieuse de soi, elle franchisse le seuil intérieur; songes, visions fantastiques, toute langue, tout signe, tout ce qui passe, venant à se taire; car tout cela dit à qui sait entendre:

Je ne suis pas mon ouvrage; celui qui m’a fait est Celui qui demeure dans l’éternité ( Ps. XCIX, 3,5) ; que cette dernière voix s’évanouisse dans le silence, après avoir élevé notre âme vers l’Auteur de toutes choses, et qu’il parle lui seul, non par ses créatures, mais par lui-même, et que son Verbe nous parle, non plus par la langue charnelle, ni par la voix de l’ange, ni par le bruit de la nuée, ni par l’énigme de la parabole; mais qu’il nous parle lui seul que nous aimons en tout, qu’en l’absence de tout il nous parle; que notre pensée, dont l’aile rapide atteint en ce moment même l’éternelle sagesse immuable au-dessus de tout, se soutienne dans cet essor, et que, toute vue d’un ordre inférieur cessante, elle seule ravisse, captive, absorbe le contemplateur dans ses secrètes joies; qu’enfin la vie éternelle soit semblable à cette fugitive extase, qui nous fait soupirer encore; n’est-ce pas la promesse de cette parole : « Entre dans la joie de ton Seigneur (Matth. XXV, 21) ? » Et quand cela? Sera-ce alors que « nous ressusciterons tous, sans néanmoins être tous changés (I Cor. XV, 51)?»

26. Telles étaient les pensées, sinon les paroles, de notre entretien. Et vous savez, Seigneur, que ce jour même où nous parlions ainsi, où le monde avec tous ses charmes nous paraissait si bas, elle me dit: « Mon fils, en ce qui me regarde, rien ne m’attache plus à cette vie. Qu’y ferais-je? pourquoi y suis-je encore? J’ai consommé dans le siècle toute mon espérance. Il était une seule chose pour laquelle je désirais séjourner quelque peu dans cette vie, c’était

« de te voir chrétien catholique avant de mourir. Mon Dieu me l’a donné avec surabondance, puisque je te vois mépriser toute félicité terrestre pour le servir. Que fais-je encore ici? »

CHAPITRE XI.
DERNIÈRES PAROLES DE SAINTE MONIQUE.
 

27.       Ce que je répond,is à ces paroles, je ne m’en souviens pas bien; mais à cinq ou six jours de là, la fièvre la mit au lit. Un jour dans sa maladie, elle perdit connaissance et fut un moment enlevée à tout ce qui l’entourait. Nous accourûmes; elle reprit bientôt ses sens, et nous regardant mon frère et moi, debout auprès d’elle; elle nous dit comme nous interrogeant: « Où étais-je? » Et à l’aspect de notre douleur muette : « Vous laisserez ici, votre mère! » Je gardais le silence et je retenais mes pleurs. Mon frère dit quelques mots exprimant le voeu qu’elle achevât sa vie dans sa patrie plutôt que sur une terre étrangère. Elle l’entendit, et, le visage ému, le réprimant des yeux pour de telles pensées, puis me regardant: « Vois comme il parle, » me dit-elle; et s’adressant à tous deux: « Laissez ce corps partout; et que tel souci ne vous trouble pas. Ce que je vous demande seulement, c’est de vous souvenir de moi à l’autel du Seigneur, partout où vous serez. » Nous ayant témoigné sa censée comme elle pouvait l’exprimer, elle se tut, et le progrès de la maladie redoublait ses souffrances.

28.       Alors, méditant sur vos dons, ô Dieu invisible, ces dons que vous semez dans le coeur de vos fidèles pour en récolter d’admirables moissons, je me réjouissais et vous rendais grâces au souvenir de cette vive préoccupation qui l’avait toujours inquiétée de sa sépulture, dont elle avait fixé et préparé la place auprès du corps de son mari; parce qu’ayant vécu dans une étroite union, elle voulait encore, ô insuffisance de l’esprit humain pour les choses (448) divines! ajouter à ce bonheur, et qu’il fût dit par les hommes qu’après un voyage d’outremer, une même terre couvrait la terre de leurs corps réunis dans la mort même.

Quand donc ce vide de son coeur avait-il commencé d’être comblé par la plénitude de votre grâce? Je l’ignorais, et cette révélation qu’elle venait de faire ainsi me pénétrait d’admiration et de joie. Mais déjà, dans mon entretien à la fenêtre, ces paroles: « Que fais-je ici? » témoignaient assez qu’elle ne tenait plus à mourir dans sa patrie. J’appris encore depuis, qu’à Ostie même, un jour, en mon absence, elle avait parlé avec une confiance toute maternelle à plusieurs de mes amis du mépris de cette vie et du bonheur de la mort. Admirant la vertu que vous aviez donnée à une femme, ils lui demandaient si elle ne redouterait pas de laisser son corps si loin de son pays: «Rien n’est loin de Dieu, répondit-elle; et il n’est pas à craindre qu’à la fin des siècles, il ne reconnaisse pas la place où il doit me ressusciter. » Ce fut ainsi que, le neuvième jour de sa maladie, dans la cinquante-sixième année de sa vie, et la trente-troisième de mon âge, cette âme pieuse et sainte vit tomber les chaînes corporelles. 

SAINT AUGUSTIN

26 août, 2009

du site:

http://www.levangileauquotidien.org/main.php?language=FR&module=saintfeast&localdate=20090828&id=6244&fd=0

SAINT AUGUSTIN

Évêque d’Hippone, Docteur de l’Église
(354-430)

Saint Augustin est l’un des plus grands génies qui aient paru sur la terre et l’un des plus grands saints dont Dieu ait orné son Église. Moine, pontife, orateur, écrivain, philosophe, théologien, interprète de la Sainte Écriture, homme de prière et homme de zèle, il est une des figures les plus complètes que l’on puisse imaginer. Ce qu’il y a de plus admirable, c’est que Dieu tira cet homme extraordinaire de la boue profonde du vice pour l’élever presque aussi haut qu’un homme puisse atteindre; c’est bien à son sujet qu’on peut dire: « Dieu est admirable dans Ses Saints! »  Augustin naquit à Tagaste, en Afrique, l’an 354, et, s’il reçut de la part de sa sainte mère, Monique, les leçons et les exemples de la vertu, il reçut les exemples les plus déplorables de la part d’un malheureux père, qui ne se convertit qu’au moment de la mort. A l’histoire des égarements de coeur du jeune et brillant étudiant se joint l’histoire des égarements étranges de son esprit; mais enfin, grâce à trente années de larmes versées par sa mère, Dieu fit éclater invinciblement aux yeux d’Augustin les splendeurs de la vérité et les beautés seules vraies de la vertu, et le prodigue se donna tout à Dieu: « Le fils de tant de larmes ne saurait périr! » avait dit un prêtre vénérable à la mère désolée. Parole prophétique, qui renferme de grands enseignements pour les nombreuses Moniques des Augustins modernes.  C’est à Milan, sous l’influence d’Ambroise, qu’Augustin était rentré en lui-même. La voix du Ciel le rappela en Afrique où, dans une retraite laborieuse et paisible, avec quelques amis revenus à Dieu avec lui, il se prépara aux grandes destinées qui l’attendaient.   Augustin n’accepta qu’avec larmes l’évêché d’Hippone, car son péché était toujours sous ses yeux, et l’humilité fut la grande vertu de sa vie nouvelle. Il fut le marteau de toutes les hérésies de son temps; ses innombrables ouvrages sont un des plus splendides monuments de l’intelligence humaine éclairée par la foi, et ils demeurent comme la source obligée de toutes les études théologiques et philosophiques.   Si les écrits d’Augustin sont admirables par leur science, ils ne le sont pas moins par le souffle de la charité qui les anime; nul coeur ne fut plus tendre que le sien, nul plus compatissant au malheur des autres, nul plus sensible aux désastres de la patrie, nul plus touché des intérêts de Dieu, de l’Église et des âmes. Il passa les dix derniers jours de sa vie seul avec Dieu, dans le silence le plus absolu, goûtant à l’avance les délices de l’éternité bienheureuse.

Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l’année, Tours, Mame, 1950.    
 

SAINT AUGUSTIN: SERMON CXXXVII. LE BON PASTEUR (1).

2 mai, 2009

du site:

http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/augustin/sermons/serm137.htm

SAINT AUGUSTIN

SERMON CXXXVII. LE BON PASTEUR (1).
 

ANALYSE. — On serait porté à croire, surtout en lisant la fin de ce discours, que plusieurs s’étaient plaints de la sévérité des avertissements donnés par saint Augustin à son peuple. L’explication de l’Evangile du bon Pasteur lui fournissant l’occasion d’expliquer sa conduite, il en profite. Qu’est-ce donc que le bon Pasteur? Jésus-Christ s’appelle à la fois la porte et le bon Pasteur. C’est en lui-même et considéré comme chef de l’Église qu’il est la porte, c’est dans son Eglise même qu’il est Pasteur; et en disant que le bon pasteur doit entrer par la porte, il veut faire entendre que tout bon pasteur doit recevoir de lui sa vocation et être rempli de son amour. De plus un bon pasteur ne doit pas être un mercenaire? Qu’est-ce qu’un pasteur mercenaire? Un pasteur mercenaire, quoiqu’en disent certains ecclésiastiques, est celui dont la conduite, semblable à celle des Scribes et des Pharisiens; est en opposition avec son enseignement, Il ne remplit pas son devoir pour l’amour de Jésus-Christ, mais par intérêt; et voilà pourquoi il ne résiste pas avec vigueur aux attaques de l’ennemi, aux mauvais conseils et aux doctrines mauvaises. II faut le supporter dans l’Église, profiter même de l’enseignement salutaire qu’il donne au nom de l’Église; mais on doit se garder d’imiter sa lâcheté. C’est pour ne pas faire comme lui et ne mériter pas d’être condamné au tribunal suprême, que saint Augustin reprend avec fermeté, ne consultant que l’avantage spirituel de son troupeau.

1. Votre foi ne l’ignore pas, mes bien-aimés, nous savons même que vous l’avez appris du Maître qui enseigne du haut du ciel et en qui vous avez mis votre espoir: Celui qui pour nous a souffert et est ressuscité, Jésus-Christ Notre-Seigneur est le Chef de l’Église, l’Église est son corps, et la santé de ce corps c’est l’union de ses membres et le lien de la charité. Que la charité vienne à se refroidir, on est malade tout en faisant partie du corps de Jésus-Christ. Il est vrai, Celui qui a exalté notre Chef divin peut aussi guérir ses membres; mais c’est à la condition qu’un excès d’impiété ne les fera point retrancher de son corps et qu’ils y restent attachés jusqu’à ce qu’ils soient complètement guéris. Car il ne faut pas désespérer de ce qui lui est uni encore; mais on ne peut ni traiter ni guérir ce qui en est séparé. Or le Christ étant le Chef de l’Église et l’Église étant son corps, le Christ entier comprend et le chef et le corps. Mais le Chef est ressuscité. Nous avons donc au ciel notre chef qui intercède pour nous, et qui exempt de tout péché et affranchi de la mort, apaise Dieu irrité par nos iniquités. Il veut ainsi que ressuscitant nous-mêmes à la fin des siècles, transformés et pénétrés de la gloire céleste, nous parvenions où il est. Les membres en 

1. Jean, X, 1-16 .
 

effet ne doivent-ils pas suivre la tête? Ah! puisqu’ici même nous sommes ses membres, ne nous décourageons point; nous suivrons notre Chef. 2. Contemplez, mes frères, combien nous sommes aimés de ce Chef divin. Il est au ciel, et pourtant il souffre sur la terre tout le temps qu’y souffre son Église. Ici en effet il a faim, il a soif, il est dépouillé, il est étranger, il est malade, il est en prison. N’a-t-il pas dit qu’il endure tout ce que souffre son corps et qu’à la fin du monde plaçant ce corps à sa droite et à sa gauche les impies qui le foulent aujourd’hui, il dira aux élus de sa droite : « Venez, bénis de mon Père, recevez le royaume qui vous a été préparé dès la création du monde? » Et pourquoi ? « Parce que j’ai eu faim et que vous m’avez donné à manger. » Il énumère les autres services comme s’il en avait été l’objet. Les élus mêmes ne le comprennent pas et ils s’écrient : « Quand est-ce, Seigneur, que nous vous avons vu sans pain, sans asile et en prison? » Et il leur répond: « Toutes les fois que vous avez rendu ces bons offices de l’un des plus petits d’entre les miens, c’est à moi que vous les avez rendus. » Notre corps même présente quelque chose de semblable. La tête y est on haut et les pieds en (559) bas; si cependant au milieu d’une foule serrée quelqu’un te marche sur le pied, la tête ne dit-elle pas: Tu me blesses ? Ce n’est ni la tête ni la langue que l’on presse alors; elles sont en haut, elles sont en sûreté, personne ne les frappe; mais le lien de la charité unissant tout le corps, de la tête aux pieds, la langue ne sépare point sa cause de celle des autres membres et elle crie : Tu me blesses, quoique personne ne la -touche. Si donc notre langue, sans être touchée, peut dire alors qu’on la blesse, le Christ notre Chef ne peut-il dire, sans souffrir personnellement. « J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger? » Ne peut-il dire encore à ceux qui ont refusé ce service à ses membres : « J’ai eu faim, et vous ne m’avez pas donné à manger? » Comment enfin conclut-il ? Le voici : « Ceux-ci iront aux flammes éternelles, et les justes à l’éternelle vie (1). » 3. Dans les paroles que nous venons d’entendre, le Seigneur se présentait à la fois comme étant le pasteur et comme étant la porte. Il disait expressément : « Je suis la porte; » et expressément : « Je suis le pasteur. » C’est comme Chef qu’il est la porte, c’est dans ses membres qu’il est le pasteur. Aussi bien en établissant l’Église sur Pierre seulement, il lui dit : « Pierre, m’aimes-tu? —  Seigneur, je vous aime, répond Pierre. — Pais mes brebis. » Comme il disait une troisième fois : « Pierre m’aimes-tu ? » Pierre s’attrista de cette troisième demande (2) : si son Maître avait pu voir dans sa conscience qu’il le renierait, ne voyait-il pas dans sa foi combien il était sincère- à le confesser ? Mais Jésus ne cessa jamais de connaître Pierre; il le connaissait même lorsque Pierre s’ignorait, et Pierre s’ignorait quand il disait : « Je vous suivrai jusqu’à la mort; » il ne savait pas alors jusqu’où, allait sa faiblesse. Il arrive souvent à des malades de ne connaître point ce qui se passe en eux, tandis que le médecin le sait et quoique celui-ci ne souffre pas ce qu’endure le malade. L’un explique mieux ce qui se passe dans l’autre, que ce dernier n’exprime ce qui se passe en lui-même. Voilà ce qui avait lieu entre Pierre, malade alors, et le Seigneur, son médecin. Le premier prétendait avoir des forces et pourtant il n’en avait pas ; ruais en touchant les pulsations de son coeur, Jésus annonçait qu’il le renierait trois fois. On sait comment se réalisa la prédiction du médecin, et comment fat confondue la présomption du malade (3). Si donc le Sauveur l’interrogea après sa

1.  Matt. XXV, 31-46. — 2. Jean, XXI, 15-17. — 3. Luc, XXII, 33, 34, 55-61.

résurrection, ce n’est point qu’il ignorât combien était sincère l’amour qu’il professait pour lui; mais il voulait qu’en confessant trois fois son amour, il effaçât le triple reniement que lui avait arraché la crainte. 4. Aussi quand le Seigneur demande à Pierre « Pierre m’aimes-tu ? » c’est comme s’il lui disait : Que me donneras-tu, que m’accorderas-tu comme témoignage de ton amour? Eh ! que pouvait accorder Pierre au Seigneur ressuscité, quand il était sur le point de monter au ciel et d’y siéger à la droite du Père ? Jésus semblait donc lui dire : Ce que tu me donneras, ce que tu feras pour moi, situ m’aimes, c’est de paître mes brebis, c’est d’entrer par la porte, sans monter par ailleurs. On vous a dit, en lisant l’Évangile « Celui qui entre par la porte est le pasteur; mais celui qui monte par ailleurs est un voleur et un larron, qui cherche à troubler, à disperser et à ravir. » Qu’est-ce qu’entrer par la porte ? C’est entrer par le Christ. Qu’est-ce qu’entrer par le Christ? C’est l’imiter dans ses souffrances, c’est le reconnaître dans son humilité, et Dieu s’étant fait homme, c’est avouer que l’on est homme et non pas Dieu. Est-ce en effet imiter un Dieu fait homme que de vouloir paraître Dieu quand on n’est qu’un homme? On ne t’invite pas à devenir moins que tu es, mais on te dit: Reconnais que tu es homme, que tu es pécheur; reconnais que Dieu justifie et que tu es souillé. Avoue les taches de ton coeur, et tu feras partie du troupeau de Jésus-Christ; car cet aveu de tes fautes portera le médecin à te guérir, autant que l’éloigne de lui le malade qui prétend être en bonne santé. Le Pharisien et le Publicain n’étaient-ils pas montés au temple? L’un se vantait de sa bonne santé, et l’autre montrait ses plaies au Médecin. Le premier disait effectivement : « O Dieu, je vous rends grâces de ce que je ne suis pas comme ce Publicain. » Ainsi s’élevait-il superbement au dessus de lui, et si le Publicain n’eût pas été malade, dans l’impuissance de se préférer à lui, le Pharisien l’aurait haï. Avec de telles dispositions à la jalousie et à la haine, en quel état se trouvait donc le Pharisien montant au temple? Sûrement il était malade, et en se disant bien portant il ne fut point guéri quand il quitta le temple. Le Publicain au contraire tenait les yeux à terre sans oser les lever vers le ciel, et se frappant la poitrine il disait: « O Dieu, ayez pitié de moi, pauvre pécheur. » Et que (560) conclut le Seigneur? « En vérité je vous le déclare : le Publicain sortit du temple justifié, plutôt que le Pharisien; car quiconque s’élève sera abaissé, et quiconque s’abaisse sera élevé (1). » Ceux donc qui s’élèvent veulent monter par ailleurs dans le bercail; tandis que ceux qui s’abaissent, y entrent par la porte. Aussi est-il dit, de l’un, qu’il entre et de l’autre, qu’il monte. Monter, vous le voyez, c’est rechercher les grandeurs, ce n’est pas entrer, c’est tomber; au lieu que s’abaisser pour entrer par la porte, ce n’est pas tomber, c’est être pasteur. 5. Cependant le Seigneur fait figurer dans l’Évangile trois personnages que nous devons y étudier : le pasteur, le mercenaire et le voleur. Vous avez .sans douté remarqué à la lecture de l’Évangile, les caractères assignés par Jésus-Christ au pasteur, au mercenaire et au voleur. Le pasteur, a-t-il dit, donne sa vie pour ses brebis et il entre par la porte. Le voleur et le larron montent par ailleurs. Quant au mercenaire, il fuit lorsqu’il voit le loup ou le voleur, parce qu’étant mercenaire et non pasteur, il ne prend point souci des brebis. L’un entre par la porte, attendu qu’il est le pasteur; l’autre monte par ailleurs, attendu qu’il est un voleur; et le troisième tremble et prend la fuite à la vue des ravisseurs qui veulent s’emparer des brebis, attendu qu’il est mercenaire et qu’étant mercenaire il ne prend point souci du troupeau. Si nous parvenons à bien reconnaître ces trois sortes de personnages, votre sainteté saura qui vous devez aimer, qui vous devez supporter et de qui vous devez vous garder. Il faudra aimer le pasteur, supporter le mercenaire et vous garder du larron. Il y a en effet dans l’Église des hommes dont l’Apôtre dit qu’ils annoncent l’Évangile par occasion, recherchant auprès des hommes leurs propres avantages, argent, honneurs, louanges humaines (2). Ce qu’ils veulent, ce sont des présents de quelque nature, et ils ont moins en vue le salut de l’auditeur que leurs intérêts personnels. Quant au fidèle à qui le salut est annoncé par un homme qu’y n’y a point part, s’il croit en Celui qu’on lui annonce sans s’appuyer sur le prédicateur, il y aura profit pour l’un, perte pour l’autre. 6. Le Seigneur disait des Pharisiens: « Ils sont assis sur la chaire de Moïse (3). » Il n’avait pas en vue que les Pharisiens et son intention n’était 

1. Luc, XVIII, 10-14 — 2. Philip. I, 18. — 3. Matt. XXIII, 2.
 

pas d’envoyer à l’école des Juifs ceux qui croiraient en lui, pour y apprendre le chemin qui conduit au royaume des cieux. N’était-il pas venu effectivement pour former son Église, pour séparer du reste de la nation, comme on sépare le froment de la paille, les Israëlites qui étaient dans la bonne foi, qui avaient une bonne espérance et une charité véritable, pour faire de la circoncision comme une muraille, pour y joindre, comme une autre muraille, la gentilité, et pour servir lui-même de pierre angulaire à ces deux murs aboutissant à lui de directions opposées ? N’est-ce pas de l’union future de ces deux peuples qu’il disait : « J’ai aussi d’autres brebis qui ne sont pas de ce bercail, » du bercail des Juifs; « il faut que je les amène encore, afin qu’il n’y ait plus qu’un seul troupeau et un seul pasteur?» Aussi est-ce de deux barques qu’il appela ses disciples; ces deux barques désignaient les deux peuples qui devaient entrer dans l’Église, lorsque les Apôtres, après avoir jeté les filets, prirent cette multitude de poissons dont le poids faillit les rompre et qu’« ils en chargèrent ces deux mêmes barques (1). » Il y avait bien deux barques, mais il n’y a qu’une Église formée de deux peuples différents qui s’unissent dans le Christ. C’est ce qui était figuré aussi par Lia et Rachel, les deux épouses d’un même mari, de Jacob (2); par les deux aveugles assis près de la route et it qui lé Seigneur rendit la vue (3). Si enfin vous étudiez avec attention les Écritures, souvent vous y rencontrerez des figures de ces deux Églises qui n’en forment qu’une seule, comme l’indiquent et la pierre angulaire qui unit deux murs et le pasteur qui unit deux troupeaux. En venant donc pour enseigner son Église et pour établir son école en dehors du Judaïsme, comme nous la voyons établie aujourd’hui, le Seigneur ne voulait pas rendre disciples des Juifs ceux qui croiraient en lui. Sous le nom de Scribes et de Pharisiens il voulait désigner ceux qui un jour dans son Église diraient et ne feraient pas, comme il se désignait lui-même dans la personne de Moïse. Moïse effectivement figurait Jésus-Christ, et si en parlant au peuple il se voilait la face, c’était pour indiquer qu’en cherchant dans la Loi les joies et lés voluptés charnelles et qu’en ambitionnant un empire terrestre, les Juifs avaient devant les yeux un voile qui les empêcherait de reconnaître le Christ dans les Écritures. Aussi le voile tomba-t-il après la passion du Seigneur

1. Luc, V, 2-7. — 2. Genèse, XXIX. — 3. Matt. XX, 30-34

et on vit alors les secrets du sanctuaire. C’est pour ce motif qu’au moment où le Sauveur était suspendu à la croix, le voile du temple se déchira de haut en bas (1); et l’Apôtre Paul dit expressément : « Lorsque tu te seras converti au Christ, le voile disparaîtra (2); » au lieu «qu’il reste posé sur le coeur, » comme s’exprime le même Apôtre, lorsque tout en lisant Moïse, on ne s’est point attaché au Christ (3). Afin donc d’annoncer qu’il y aurait dans son Église de ces docteurs pervers, que clin le Seigneur? « Les Scribes et les Pharisiens sont assis sur la chaire de Moïse ; faites ce qu’ils disent, mais gardez-vous de faire ce qu’ils font. » 7. En entendant ce texte qui les condamne, il est de mauvais ecclésiastiques qui cherchent i en corrompre le sens; j’en ai réellement entendu quelques-uns qui voulaient l’altérer. S’ils le pouvaient, n’effaceraient-ils pas cette maxime de l’Évangile ? Dans l’impuissance d’y réussir, ils veulent au moins la fausser. Mais par sa grâce et par sa miséricorde, le Seigneur ne leur permet pas d’y parvenir non plus. Toutes ses paroles sont environnées du rempart protecteur de sa vérité; elles sont tellement posées que si un lecteur ou un interprète infidèle voulaient en retrancher ou y ajouter quoi que ce fût, un homme de coeur, pour rétablir le sens qu’on cherchait à pervertir, n’a qu’à rapprocher l’Ecriture d’elle-même en lisant ce qui précède ou ce qui suit. Comment donc s’y prennent ceux dont il est question dans ces mots : « Faites ce qu’ils disent ? » C’est aux laïques, affirment-ils que cela s’adresse.
Il est vrai, que fait un laïque qui veut se bien conduire, lorsqu’il voit un ecclésiastique se conduisant mal? Le Seigneur a dit, se rappelle-t-il « Faites ce qu’ils disent; gardez-vous de faire ce qu’ils font. » Je vais donc suivre les voies tracées par le Seigneur, sans imiter un tel dans ses moeurs. Je recevrai, quand il parlera, non pas sa parole, mais la parole de Dieu. Qu’il s’attache à sa passion, pour moi je m’attache à Dieu. Car si pour me défendre devant Dieu je disais un jour : Seigneur, j’ai vu cet homme qui est votre clerc, se conduire mal et je me suis mal conduit; le Seigneur ne me répondrait-il pas, mauvais serviteur, ne t’avais-je pas dit: « Faites ce qu’ils disent; gardez-vous de faire ce qu’ils font? » — Quant au laïque mauvais, infidèle, qui ne fait partie ni du troupeau du Christ, ni du froment du Christ et qu’on supporte simplement comme 

1. Matt. XXVII, 51. — 2. II Cor. III, 16. — 3. Ibid. 15.

on laisse la paille sur l’aire, que réplique-t-il quand on se met à le presser en lui citant la parole de Dieu? — Laisse-moi; à quoi bon me parler ainsi? Les évêques, les ecclésiastiques mêmes ne font pas ce que tu dis, et tu prétends que je le fasse? — C’est se chercher, non pas un- avocat de mauvaise cause, mais un compagnon de supplice. Comment être défendu au jour du jugement par un méchant qu’on aura voulu imiter ? Quand le diable parvient à séduire, ce n’est pas pour régner, c’est pour être condamné avec ceux qu’il dupe; ainsi en s’attachant aux traces des méchants, on s’associe à eux pour l’enfer, on ne s’en fait pas des protecteurs pour le ciel. 8. Comment donc ces ecclésiastiques qui se conduisent mal faussent-ils la pensée du Seigneur, quand on leur oppose qu’il a eu raison de déclarer : « Faites ce qu’il disent; gardez-vous de faire ce qu’ils font ? » La sentence est irréprochable répondent-ils. Il vous est dit de faire ce que nous disons et de ne pas faire ce que nous faisons. C’est qu’il ne vous est pas permis d’offrir le sacrifice que nous offrons. — Quelles supercheries de la part de ces….. de ces mercenaires! Ah! s’ils étaient de vrais pasteurs, ils ne parleraient pas ainsi. Aussi pour leur fermer la bouche, il suffit d’observer la suite des paroles du Seigneur. « Ils sont assis, dit-il,  sur la chaire de Moïse ; faites ce qu’ils disent, mais gardez-vous de faire ce qu’ils font, car ils disent et ne font pas. » Que signifie ce langage, tues frères ? S’il était ici question du sacrifice à offrir, nous ne lirions point : « Ils disent et ne font pas; » car le sacrifice est une action, c’est une offrande faite à Dieu. Qu’est-ce donc qu’ils disent sans le faire ? Le voici dans les paroles qui suivent: « Ils lient des fardeaux pesants et qu’on ne peut porter, et les placent sur les épaules des hommes, sans vouloir même les remuer du doigt (1). » Voilà des reproches manifestes et clairement exprimés. Mais en voulant fausser la pensée du Seigneur, ces malheureux montrent que dans l’Eglise ils ne cherchent que leurs propres avantages et qu’il n’ont pas lu l’Evangile. S’ils en connaissaient seulement une page et en avaient lu le texte entier, jamais ils n’avanceraient ce qu’ils osent avancer. 9. Voyez plus clairement encore qu’il y a dans l’Eglise de ces mauvais docteurs. On pourrait nous objecter que le Seigneur ne parlait que des Pharisiens, que des Scribes, que des Juifs, et qu’il 

1. Matt. XXIII, 2-4.

n’y a parmi nous personne qui leur ressemble. Quels sont alors ceux qu’envisage le Sauveur quand il s’écrie : « Ce ne sont pas tous ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur, qui entreront dans le royaume des cieux ? » et quand il ajoute : « Beaucoup me diront, en ce jour-là: Seigneur, Seigneur, n’est-ce pas en votre nom que nous avons prophétisé, en votre nom que nous avons .fait beaucoup de miracles, et en votre nom que nous avons bu et mangé ? » Est-ce au nom du Christ que les Juifs font tout cela? Il est évident toutefois qu’il ne s’agit ici que, de ceux qui portent le nom du Christ. Et que dit ensuite le Sauveur ? « Je leur déclarerai alors : Je ne vous ai jamais connus. Éloignez-vous de moi, vous qui opérez l’iniquité (1). » Prête l’oreille aux gémissements que l’Apôtre répand sur eux. Les uns, dit-il, annoncent l’Evangile par charité, les autres par occasion, et ceux-ci « ne l’annoncent pas avec droiture (2). » L’Evangile est droit, mais eux ne le sont pas. Ce qu’ils annoncent est droit, mais eux ne sont pas droits. Pourquoi ne sont-ils pas droits ? Parce qu’ils cherchent dans l’Église autre chose que Dieu et ne cherchent pas Dieu même. S’ils cherchaient Dieu, ils seraient purs, attendu que Dieu est le légitime époux de l’âme, et que chercher en Dieu autre chose que Dieu même, ce n’est pas le chercher purement. En voici la preuve, lues frères. Une épouse n’est pas pure, si elle aime son mari parce qu’il est riche ; ce n’est pas lui qu’elle aime alors, c’est plutôt son or. Mais si elle l’aime véritablement, elle l’aime jusque dans le dépouillement et l’indigence. En l’aimant parce qu’il est riche, que fera-t-elle, si par suite des vicissitudes humaines, il vient à être proscrit et jeté tout-à-coup dans la misère ? Il est possible qu’elle le quitte. Ce serait la preuve qu’elle ne l’aimait pas, mais qu’elle aimait son bien. Car si elle l’aimait réellement, elle l’aimerait plus.vivement encore quand il tombe dans la pauvreté, puisque la compassion se joindrait en elle à l’amour. 10. Et pourtant, mes frères, notre Dieu ne saurait tomber jamais dans la pauvreté. Il est riche, c’est lui qui atout fait, le ciel et la terre, la mer et les Anges. Tout ce que nous voyons et tout ce que nous ne voyons pas dans le ciel, c’est lui qui l’a fait. Mais nous ne devons pas aimer ses richesses, nous devons l’aimer lui-même, lui qui en est l’auteur, car il ne t’a promis

1. Matt. VII, 21-23. — 2. Philip. I, 17.

que lui. Montre-lui quelque chose de plus précieux que lui, et il te le donnera: La terre est belle,. le ciel et les Anges sont beaux ; mais leur Créateur est plus beau encore. Ainsi donc ceux qui annoncent Dieu avec amour, ceux qui annoncent Dieu pour Dieu même, ceux-là sont de vrais pasteurs et non pas des mercenaires. Leur âme est pure, comme l’exigeait Notre-Seigneur Jésus-Christ quand il disait à Pierre: « Pierre, m’aimes-tu? M’aimes-tu? » C’est-à-dire : Es-tu pur? N’as-tu pas un coeur adultère? Est-ce tes intérêts et non pas les miens que tu cherches dans l’Église ? Ah! si tu es pur, tu m’aimes, « pais mes brebis (1); » tu ne. seras pas un mercenaire, mais un vrai pasteur. 11. Pour ceux qui excitent les gémissements de l’Apôtre, ils ne prêchaient pas l’Évangile avec pureté. Que dit néanmoins l’Apôtre ? « Mais qu’importe, pourvu que le Christ soit annoncé de quelque manière que ce puisse être, ou par occasion, ou par un vrai zèle (2)? » C’était tolérer des mercenaires. Le pasteur annonce le Christ avec un vrai zèle, le mercenaire l’annonce par occasion et avec d’autres .vues. Ils le prêchent toutefois l’un et l’autre. Écoute ce cri d’un vrai pasteur: « Pourvu, dit Paul, que le Christ, soit prêché, ou par occasion, ou par un vrai zèle! » Ce bon pasteur laisse agir les mercenaires. Ils font le bien où ils peuvent, ils sont utiles autant qu’ils en sont capables. Avait-il, dans d’autres circonstances, besoin de quelqu’un qui pût servir de modèle aux faibles? Il écrivait: « Je vous ai envoyé Timothée, pour vous rappeler mes voies (3). » Qu’est-ce à dire ? Je vous ai envoyé un pasteur qui doit vous rappeler mes voies, parce qu’il se conduit comme je me conduis. Que dit-il encore de ce pasteur qu’il envoie ailleurs ? « Je n’ai personne qui me soit aussi intimement uni et qui s’inquiète pour vous avec une affection aussi sincère. » Mais n’avait-il pas avec lui beaucoup de disciples ? Lisez encore : « C’est que tous cherchent leurs intérêts, et non les intérêts de Jésus-Christ (4). » En d’autres termes: J’ai voulu vous envoyer un pasteur, car il y a beaucoup de mercenaires, et if ne fallait pas vous en envoyer maintenant. — On peut dans d’autres occasions et pour d’autres affaires envoyer un mercenaire; mais il fallait un pasteur pour ce que Paul avait en vue. Hélas ! il en trouve un à peine dans ce grand nombre de mercenaires; c’est qu’effectivement

1. Jean, XXI, 16. — 2. Philip. I, 18. — 3. I Cor. IV, 17. —  4 Philip. 20,21.

il y a beaucoup de mercenaires et peu de pasteurs. Cependant, qu’est-il dit des mercenaires ? « En vérité je vous le déclare, ils ont reçu leur récompense (1). » Du pasteur au contraire que nous enseigne l’Apôtre? « Quiconque se tient pur de ces choses, sera un vase d’honneur sanctifié et utile au Seigneur, préparé pour toutes les bonnes oeuvres: » non pas pour quelques-unes, mais pour toutes; «préparé pour toutes les bonnes oeuvres (2). » Voilà pour les pasteurs. 12. Quant aux mercenaires : « le mercenaire prend la fuite lorsqu’il voit le loup rôder autour des brebis. » Ainsi s’exprime le Seigneur. Et pourquoi le mercenaire prend-il la fuite? «Parce qu’il n’a point souci des brebis. » Par conséquent le mercenaire rend des services tant qu’il ne voit ni loup, ni voleur, ni larron. En voit-il? Il prend la fuite. Quel mercenaire ne prend pas la fuite, ne sort pas de l’Église, lorsqu’il voit le loup et le larron ? Les loups et les larrons sont nombreux. Ce sont ceux-ci qui montent par ailleurs? Et quels sont ceux qui montent par ailleurs ? Ceux du parti de Donat qui veulent faire proie des brebis de Jésus-Christ. Ils montent par ailleurs, ils n’entrent point par le Christ, car ils ne sont pas humbles. Ils sont orgueilleux et ils montent. Qu’est-ce à dire, ils montent? Ils s’élèvent. D’où s’élèvent-ils ? D’un parti, car ils prétendent porter le nom d’un parti. N’étant point dans t’unité, ils sont d’un parti et c’est de ce parti qu’ils montent, qu’ils s’élèvent pour enlever les brebis. Voyez comment ils s’élèvent. C’est nous, disent-ils, qui sanctifions, c’est nous qui justifions, c’est nous qui faisons des justes. Voilà jusqu’où ils montent. Mais qui s’élève sera humilié (3); le Seigneur notre Dieu peut les humilier. Le loup désigne le diable. Or le diable et ceux qui marchent à sa suite cherchent à tromper; aussi est-il dit qu’ils sont revêtus de peaux de brebis et qu’intérieurement ils sont des loups rapaces (4). Eh bien ! qu’un mercenaire voie quelqu’un mal parler, avoir des sentiments pernicieux pour son salut, faire des actes coupables,et obscènes; malgré l’autorité qu’on lui connaît dans l’Église, où pourtant il n’est qu’un mercenaire puisqu’il y cherche son intérêt; ce mercenaire , tout en voyant un homme périr dans son péché, être saisi au gosier et traîné par le loup au supplice, ne lui dira pas : Tu fais mal, et ne lui fera aucun reproche, par égard pour ses propres intérêts.

1 Matt. VI, 4. — 2. II Tim. II, 21. — 3. Luc, XIV, 11. — 4. Matt. VII, 16.

N’est-ce pas fuir quand. on voit le loup? En ne disant pas : Tu fais le mal, ce n’est pas le corps, c’est l’âme qui prend la fuite. Le corps est immobile, mais le coeur s’en va, quand on voit un pécheur et qu’on ne lui dit pas: Tu fais mal, quand on va même jusqu’à s’entendre avec lui. 13. Ne voyez-vous pas souvent, mes frères, monter ici des prêtres et des évêques, et du haut dé cette tribune engagent-ils à autre chose qu’à s’abstenir de prendre le bien d’autrui, de faire des fraudes, de commettre des crimes ? Assis sur la chaire de Moïse, ils ne sauraient parler autrement, et c’est plutôt elle qui parle qu’eux-mêmes. — N’est-il pas dit toutefois : « Cueille-t-on des raisins sur les épines et des figues sur les chardons? » et encore: «Tout arbre se reconnaît à son fruit (1) ? » Comment donc un Pharisien peut-il enseigner la vertu ? Le Pharisien est l’épine; comment cueillir le raisin sur l’épine ? — Ah! c’est que vous avez dit, Seigneur : « Faites ce qu’ils disent, mais gardez-vous de faire ce qu’ils font. » — Ainsi vous me commandez de cueillir le raisin sur l’épine, quoique vous ayez dit en personne: « Cueille-t-on le raisin sur des épines ? » — Voici ce que répond le Seigneur: Je ne te commande pas de cueillir le raisin sur des épines; mais examine, regarde bien s’il n’arrive pas souvent à la vigne, lorsqu’elle court sur la terre, de s’entre!acer dans des épines? Plusieurs fois, mes frères, nous avons vu des ceps de vigne appuyés sur ces figuiers sauvages qui forment ici des haies épineuses; ces ceps déploient leurs rameaux, ils les entrelacent dans les épines, et au milieu de ces épines on voit pendre des grappes. Mais est-ce sur les épines qu’on les cueille ou plutôt sur la vigne qui s’y entrelace ? Oui, les Pharisiens sont des buissons épineux; mais une fois assis sur la chaire de Moïse, la vigne s’attache à eux; à eux sont suspendues des grappes, d’excellents conseils, de salutaires préceptes. Cueille le raisin, tu ne te blesseras point dans l’épine si tu es attentif à ces mots: « Faites ce qu’il disent, mais gardez-vous de faire ce qu’ils font. » Leurs actions sont des épines, tandis que leurs discours sont le raisin, mais le raisin produit par la vigne, c’est-à-dire par la chaire de Moïse. 14. Ces mercenaires fuient donc quand ils voient le loup, quand ils voient le larron. Mais, comme je le disais, il ne peuvent, du haut de cette chaire, que vous répéter : Faites le bien, ne soyez point 

1. Matt. VII, 16.

parjures, gardez-vous de tromper, de surprendre personne. Il est pourtant des hommes assez égarés pour consulter l’évêque sur les moyens à prendre afin de s’approprier le domaine d’autrui. Nous le savons par nous-même, nous ne l’aurions pas cru autrement. Plusieurs donc veulent que nous leur donnions des conseils pervers, que nous leur apprenions à mentir et à tromper; ils s’imaginent nous plaire ainsi. Mais par la grâce du Christ et si le Seigneur me permet de parler ainsi, jamais aucun d’eux n’a réussi à nous tenter et à obtenir de nous ce qu’il désirait; car pourvu que Celui qui nous a appelé nous en fasse la grâce, nous sommes pasteur et non pas mercenaire. Cependant que dit l’Apôtre? « Pour moi, je me mets fort peu en peine d’être jugé par vous ou par un tribunal humain; bien plus, je ne me juge pas moi-même. A la vérité, ma conscience ne me reproche rien, mais je ne suis pas pour cela justifié, et celui qui me juge, c’est le Seigneur (1). » Ce ne sont pas vos louanges qui me mettent la conscience en bon état. Pourquoi louez-vous ce que vous ne voyez pas? C’est à Celui qui voit de louer, à Lui encore de reprendre s’il voit en moi quelque chose   qui blesse son regard. Car nous sommes bien éloignés de nous croire parfaitement guéris et nous nous frappons la poitrine en disant à Dieu: Aidez-moi dans votre miséricorde à ne point pécher. Je crois pouvoir le dire cependant, puisque je parle en sa présence et n’ayant en vue que votre salut: nous gémissons bien souvent sur les péchés de nos frères; ces péchés nous accablent et nous tourmentent le coeur; nous en reprenons de temps en temps les auteurs, ou plutôt nous ne cessons de les en reprendre. J’invoque le témoignage de tous ceux qui voudront réveiller leurs souvenirs : combien de fois n’avons-nous pas repris et repris avec force nos frères dans le désordre! 15. Je révèle maintenant des desseins à votre sainteté. Vous êtes, par la grâce du Christ, le peuple de Dieu, un peuple catholique, les membres du Sauveur. Vous n’êtes point séparés de l’unité, mais en communication avec ceux qui tiennent aux Apôtres, avec ceux qui honorent la mémoire des saints Martyrs et il y en a dans tout l’univers; vous êtes l’objet ne notre sollicitude et nous devons rendre bon compte de vous. 

1. I Cor. IV, 3, 4.

Vous savez en quoi consiste- ce compte. Pour vous, ô mon Dieu, vous n’ignorez pas que j’ai parlé, que je n’ai pas gardé le silence, vous connaissez avec quelles dispositions j’ai parlé et combien j’ai pleuré devant vous lorsqu’on n’écoutait pas mes avertissements: N’est-ce pas là tout le compte dont je suis chargé ?  Ce qui nous rassure en effet, c’est ce que le Saint-Esprit a fait dire au prophète Ezéchiel. Vous vous rappelez le passage relatif à la sentinelle. « Fils de l’homme, est-il écrit, je t’ai établi sentinelle pour la maison d’Israël. Quand je dirai à l’impie: Impie, tu mourras de mort, si tu ne lui parles pas; » car je te parle à toi pour que tu lui reportes mes paroles ; si donc tu ne les lui reporte pas, « et que le glaive vienne le frapper et le mettre à mort, » comme j’en ai menacé le pécheur ; « l’impie sans doute mourra dans son péché, mais  je demanderai compte de son sang aux mains de la sentinelle. » Pourquoi? Parce qu’elle ne l’a pas averti. « Au contraire, si la sentinelle voit venir l’épée, si de plus elle sonne de la trompette pour inviter à prendre la fuite et que l’impie « ne se mette pas sur ses gardes, » c’est-à-dire ne se corrige pas pour échapper au supplice dont Dieu le menace; « si l’épée vient en effet et le mette à mort ; l’impie sans doute mourra dans son iniquité, mais toi, tu auras sauvé ton âme (1). » N’est-ce pas ce qu’enseigne aussi le passage suivant de l’Evangile ? « Seigneur, y dit le serviteur paresseux, je savais que vous êtes un homme dur ou sévère, que vous moissonnez  où vous n’avez pas semé, que vous cueillez où vous n’avez rien mis, j’ai donc eu peur et je suis allé enfouir mon talent dans la terre: voici ce qui est à vous. — Serviteur mauvais, répond le Seigneur, et d’autant plus paresseux que tu me connaissais pour un homme dur et sévère, moissonnant où je n’ai pas semé et recueillant ou je n’ai rien mis : » l’avarice même que tu m’imputes devait t’apprendre que je veux profiter de mon argent. « Tu devais donc mettre cet argent chez les banquiers et en revenant je l’aurais repris avec les intérêts (2).» Le Seigneur dit-il ici: Tu devais mettre cet argent et le reprendre? C’est nous, mes frères, qui le mettons à la banque et c’est Lui qui viendra le reprendre. Priez pour obtenir que nous soyons prêts alors,

1. Ezéch. XXXIII, 7-9. — 2. Luc, XIX, 20-23.

Augustin d’Hippone : J’ai soif de Toi

2 mars, 2009

dal sito:

 http://www.patristique.org/article.php3?id_article=63
 
 Augustin d’Hippone : J’ai soif de Toi
Traduction parue aux Éditions A.I.M.
  Luc Fritz
Augustin de l’Assomption, fondateur du site.

Les « Enarrationes in psalmos » ou « Exposés sur les Psaumes » sont un commentaire de la totalité du Psautier par saint Augustin († 430). L’évêque d’Hippone mit plusieurs dizaines d’années à rédiger cette oeuvre monumentale, la seule, durant la période patristique, à commenter l’ensemble du Psautier. Nous en publions des extraits qui traitent du thème de la soif de Dieu.

Les Enarrationes in psalmos occupent deux tomes de la patrologie latine de Migne (PL 36-37). Ils ont été rédigés sur une trentaine d’années. Certains de ces Exposés ont été dictés, d’autres prêchés.

La soif de Dieu est l’un des thèmes qui traversent les Enarrationes. À l’homme au coeur inquiet et altéré, saint Augustin propose d’apaiser sa soif véritable, sa quête de Dieu :

« Mon âme a soif de toi.
Certains ont soif, mais non de Dieu.
Celui qui veut obtenir quelque chose brûle de désir.
Le désir, c’est la soif de l’âme.

Et voyez combien les désirs du cœur humain sont nombreux.
L’un désire l’or,
l’autre désire l’argent,
un autre désire des terres,
un autre des héritages.
Un autre veut beaucoup d’argent,
un autre beaucoup d’admiration,
un autre une grande maison,
un autre une femme,
un autre des honneurs,
un autre des enfants.
Voyez donc tous ces désirs qui remplissent le cœur humain.

Tous les êtres humains ont des désirs qui les brûlent comme un feu.
Il est rare d’en trouver un seul qui dise : Mon âme a soif de Toi.

Les êtres humains ont soif des choses de ce monde.
Ils ne comprennent pas qu’ils sont dans le désert de Juda.
Ils sont dans ce lieu où leur âme doit avoir soif de Dieu.

Donc nous devons dire : Mon âme a soif de toi,
oui, nous devons tous le dire. »

Saint Augustin : J’ai longtemps erré

1 mars, 2009

du site:

http://users.skynet.be/prier/textes/PR0242.HTM 
 
J’ai longtemps erré
Auteur : Saint Augustin
 
J’ai longtemps erré comme une brebis égarée…
Je t’ai cherché dans les merveilles que tu as créées.
J’ai demandé à la terre si elle était mon Dieu,
elle m’a répondu que non.
Je l’ai demandé à la mer, à ses abîmes,
tous les êtres qu’ils contiennent m’ont répondu :
cherchez-le au-dessus de nous.
J’ai interrogé le ciel, la lune, le soleil, les étoiles,
toutes m’ont répondu : nous ne sommes pas votre Dieu.

Maudit soit l’aveuglement qui m’empêchait de te voir.
Maudite soit la surdité
qui ne me permettait pas d’entendre ta voix !
Sourd et aveugle que j’étais,
je ne m’attachais qu’aux merveilles de ta création.

Je me suis fatigué à te chercher hors de moi,
Toi qui habites en moi, pourvu que j’en aie le désir.
J’ai parcouru les bourgs et les places publiques,
et je ne t’ai pas trouvé,
parce que je cherchais en vain ce qui était en moi.

Mais tu m’as éclairé de ta lumière,
alors je t’ai vu et je t’ai aimé,
car on ne peut t’aimer sans te voir,
ni te voir sans t’aimer.
O temps malheureux où je ne t’ai point aimé ! 

SAINT AUGUSTIN – PRIÈRE

25 novembre, 2008

du site:

http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/augustin/soliloques/index.htm#_Toc4396527

SAINT AUGUSTIN – PRIÈRE

DU: LES SOLILOQUES 1,1, 2-6

2. O Dieu, créateur de l’univers ! accordez-moi d’abord de vous bien prier, ensuite de me rendre digne d’être exaucé par vous, enfin d’être délivré (1) ; ô Dieu ! par qui toutes les choses qui n’auraient pas d’existence par elles-mêmes tendent à exister; ô Dieu ! qui ne laissez pas périr les créatures mêmes qui se détruisent l’une l’autre; ô Dieu ! qui avez créé de rien ce monde, que les yeux de tous les hommes regardent comme votre plus bel ouvrage;
1. Quoique converti depuis peu de temps, saint Augustin exprime dans ce passage la nécessité et la puissance de la grâce avec beaucoup de force, et cela dans un ouvrage purement philosophique et à une époque où d ne pouvait pas être encore familiarisé avec le langage de la théologie.
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ô Dieu ! qui n’êtes pas l’auteur du mal et qui le permettez pour prévenir un plus grand mal; ô Dieu ! qui faites voir au petit nombre de ceux qui se tournent. vers la vérité que le mal lui-même n’est rien; ô Dieu ! qui donnez la perfection à l’univers même avec des défauts; ô Dieu ! dont les ouvrages n’offrent aucune dissonance, puisque ce qu’il y a de plus imparfait répond à ce qu’il y a de meilleur; ô Dieu ! qu’aime toute créature qui peut aimer, le sachant ou à son insu; ô Dieu ! en qui sont toutes choses et qui ne souffrez rien, ni de la honte, ni de la méchanceté,.ni des erreurs de quelque créature que ce soit; ô Dieu ! qui avez voulu que les coeurs purs connussent seuls la vérité (1) ; ô Dieu ! père de la vérité, père de la sagesse, père de la véritable et souveraine vie, père de la béatitude, père du bon et du beau, père de la lumière intelligible, père des avertissements et des inspirations qui dissipent notre assoupissement, père de Celui qui nous a enseigné à retourner vers vous !
3. Je vous invoque, ô Dieu de vérité! dans qui, de qui et par qui sont vraies toutes les choses qui sont vraies; ô Dieu de sagesse! dans qui, de qui et par qui sont sages tous les êtres doués de sagesse; ô Dieu véritable et souveraine vie ! dans qui, de qui et par qui vivent tous les êtres qui possèdent la véritable et souveraine vie; ô Dieu de béatitude ! en qui, de quiet par qui sont heureuses toutes les créatures qui jouissent de la félicité; ô Dieu, bonté et beauté! par qui, de qui et dans qui sont bonnes et belles toutes les choses qui possèdent la bonté et la beauté; ô Dieu, lumière intelligible! dans qui, de qui et par qui sont rendues intelligibles toutes les choses qui brillent à notre esprit; ô Dieu ! qui avez pour royaume ce monde intellectuel, que les sens ne peuvent apercevoir; ô Dieu ! qui gouvernez votre royaume par des lois dont nos empires terrestres portent l’empreinte; ô Dieu ! se détourner de vous c’est tomber; se convertir à vous c’est se relever; demeurer en vous c’est se conserver; ô Dieu ! se retirer de vous c’est mourir; retourner vers vous c’est revivre; habiter en vous c’est vivre; ô Dieu ! personne ne vous quitte , s’il n’est trompé; personne ne vous cherche, s’il n’est averti ; personne ne vous trouve s’il n’est purifié; ô Dieu ! vous abandonner c’est périr, vous être attentif c’est vous aimer, vous voir c’est vous posséder; ô Dieu ! c’est vers vous que la foi nous éveille,
1. Rét. liv. 1, ch. IV, n. 2
à vous que l’espérance nous élève, à vous que la charité nous unit; ô Dieu ! par qui nous triomphons de l’ennemi, je vous implore; ô Dieu! c’est à vous que nous devons de ne pas périr entièrement; c’est vous qui nous exhortez à veiller; c’est vous qui nous faites distinguer le bien du mal; c’est vous qui nous faites embrasser le bien et fuir le mal, c’est par votre secours que nous résistons à l’adversité; c’est par vous que nous savons bien commander et bien obéir ; c’est vous qui nous apprenez à regarder comme étrangères les choses que nous croyions autrefois nous appartenir, et comme nous appartenant celles que nous regardions autrefois comme étrangères; c’est vous qui empêchez en nous l’attachement aux plaisirs et aux attraits des méchants; c’est vous qui ne permettez pas que les vanités du monde nous rapetissent; c’est par vous que ce qu’il y a de plus grand en nous n’est pas soumis à ce qu’il y a d’inférieur; c’est par vous que la mort sera absorbée dans sa victoire (1) ; c’est vous qui nous convertissez, c’est vous qui nous dépouillez de ce qui n’est pas et qui nous revêtez de ce qui est; c’est vous qui nous rendez dignes d’être exaucés; c’est vous qui nous fortifiez; c’est vous qui nous persuadez toute vérité; c’est vous qui nous suggérez toute bonne pensée, qui ne nous ôtez pas le sens et qui ne permettez à personne de nous l’ôter ; c’est vous qui nous rappelez dans la voie; c’est vous qui nous conduisez jusqu’à la porte; c’est vous qui faites ouvrir à ceux qui frappent (2); c’est vous qui nous donnez le pain de vie; c’est par vous que nous désirons de boire à cette fontaine qui doit nous désaltérer à jamais (3); c’est vous qui êtes venu convaincre le monde sur le péché, sur la justice et sur le jugement (4); c’est par vous que ceux quine croient point n’ébranlent point notre foi; c’est par vous que nous improuvons l’erreur de ceux qui pensent que les âmes ne méritent rien auprès de vous; c’est par vous que nous ne sommes point assujétis aux éléments faibles et pauvres (5) ; ô Dieu ! qui nous purifiez et nous préparez aux récompenses éternelles, soyez-moi propice !
4. Ô Dieu ! qui êtes seul tout ce que je viens de dire, venez à mon secours; vous êtes la seule substance éternelle et véritable, où il n’y a ni discordance, ni confusion, ni changement, ni indigence, ni mort, mais souveraine
1 Cor. XV. 54. — 2 Matth. VII, 8. — 3. Jean, VI, 35. — 4. Ib. XVI, 8. — 5. Gal. IV, 9.
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concorde, évidence souveraine, souveraine immutabilité, souveraine plénitude, souveraine vie. Rien ne manque en vous, rien n’y est superflu. En vous celui qui engendre et celui qui est engendré n’est qu’un (1) ; ô Dieu! c’est à vous que sont soumises toutes les créatures capables de soumission; c’est à vous qu’obéit toute âme bonne; d’après vos lois les pôles tournent, les astres poursuivent leur course, le soleil active le jour, la lune repose la nuit, et pendant les jours que forment les vicissitudes de la lumière et de l’obscurité; pendant les mois dus aux accroissements et aux décroissements de la lune; pendant les années que composent ces successions de l’été, de l’automne, du printemps et de l’hiver; pendant ces lustres où le soleil achève sa course; au milieu de ces orbes immenses que décrivent les astres pour revenir sur eux-mêmes, le monde entier observe, autant que la matière insensible en est capable, une constance invariable dans la marche et les révolutions du temps; ô Dieu ! c’est vous qui, par les lois constantes que vous avez établies, éloignez le trouble du mouvement perpétuel des choses muables, et qui, par le frein des siècles qui s’écoulent, rappelez ce mouvement à l’image de la stabilité; vos lois donnent à l’âme le libre arbitre, et selon les règles inviolables que rien ne peut détruire, assignent des récompenses aux bons, des châtiments aux méchants; ô Dieu ! c’est de vous que nous viennent tous les biens, c’est vous qui empêchez tous les maux de nous atteindre; ô Dieu ! rien n’est au-dessus de vous, rien n’est hors de vous, rien n’est sans vous; ô Dieu! tout vous est assujéti, tout est en vous, tout est avec vous; vous avez fait l’homme à votre image et à votre ressemblance, ce que connaît celui qui se connaît : exaucez, exaucez, exaucez-moi, ô mon Dieu, ô mon Seigneur, mon roi, mon père, mon Créateur, mon espérance, mon bien, ma gloire, ma demeure, ma patrie, mon salut, ma lumière, ma vie; exaucez, exaucez, exaucez-moi, à la manière que si peu connaissent.
5. Enfin, je n’aime que vous, je ne veux suivre que vous, je ne cherche que vous, je suis disposé à ne servir que vous; vous seul avez droit de me commander, je désire être à vous. Commandez, je vous conjure, prescrivez tout ce que vous voudrez; mais guérissez et ouvrez mon oreille pour que j’entende votre
1. Rét. livr. 1, ch. IV, n. 3.
voix; guérissez et ouvrez mes yeux, pour que je puisse apercevoir les signes de votre volonté. Eloignez de moi la folie, afin que je vous connaisse. Dites-moi où je dois regarder pour vous voir, et j’ai la confiance d’accomplir fidèlement tout ce que vous m’ordonnerez. Recevez, je vous en supplie, ô Dieu et père très-clément, ce fugitif dans votre empire. Ah ! j’ai souffert assez longtemps; assez longtemps j’ai été l’esclave des ennemis que vous foulez aux pieds; assez longtemps j’ai été le jouet des tromperies; je suis votre serviteur, j’échappe à l’esclavage de ces maîtres odieux : recevez-moi; pour eux je n’étais qu’un étranger, et quand je fuyais loin de vous, ils m’ont bien reçu. Je sens que j’ai besoin de retourner vers vous; je frappe à votre porte, qu’elle me soit ouverte; enseignez-moi comment on parvient jusqu’à vous. Je ne possède rien que ma volonté; je ne sais rien, sinon qu’il faut mépriser ce qui est changeant et passager, pour rechercher ce qui est immuable et éternel. C’est ce que je fais, ô mon Père ! parce que c’est la seule chose que je connaisse; mais j’ignore comment on peut arriver jusqu’à vous. Inspirez-moi, éclairez-moi, fortifiez-moi. Si c’est par la foi que vous trouvent ceux qui vous cherchent, donnez-moi la foi; si c’est parla vertu, donnez-moi la vertu; si c’est par la science, donnez-moi la science. Augmentez en moi la foi, augmentez l’espérance, augmentez la charité.
Oh ! que votre bonté est admirable et singulière !
6. Je vous désire, et c’est à vous que je demande encore les moyens de suivre ce désir. Si vous nous abandonnez, nous périssons; mais vous ne nous abandonnez point, parce que vous êtes le souverain bien, et personne ne vous a jamais cherché avec droiture sans vous trouver. Ceux-là vous ont cherché avec droiture à qui vous avez accordé la grâce de vous chercher avec droiture. Faites, ô Père ! que je vous cherche ; préservez-moi de l’erreur, et qu’en vous cherchant, je ne rencontre que vous. Si je ne désire plus que vous, faites, ô Père ! que je vous trouve enfin. S’il reste en moi quelques désirs d’un bien passager, purifiez-moi et rendez-moi capable de vous voir. Quant à la santé de ce corps mortel, comme je ne sais de quelle utilité elle peut être pour moi ou pour ceux que j’aime, je vous la confie entièrement, ô Père souverainement sage et souverainement bon ! et je vous [428] demanderai pour lui ce que vous m’inspirerez au besoin; seulement, ce que je sollicite de votre souveraine clémence, c’est de me convertir entièrement à vous, c’est de m’empêcher de résister à la grâce qui me porte vers vous: et tandis que j’habite dans ce corps mortel, faites que je sois pur, magnanime, juste, prudent; que j’aime parfaitement et que je reçoive votre sagesse; que je sois digne d’habiter et que j’habite, en effet, dans le royaume éternel, séjour de la suprême félicité. Ainsi soit-il (1).

Saint Augustin – prière

22 septembre, 2008

du site:

http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/augustin/soliloques/index.htm#_Toc4396527

SAINT AUGUSTIN – PRIÈRE

LES SOLILOQUES

LIVRE PREMIER. 2-6

2. O Dieu, créateur de l’univers ! accordez-moi d’abord de vous bien prier, ensuite de me rendre digne d’être exaucé par vous, enfin d’être délivré (1) ; ô Dieu ! par qui toutes les choses qui n’auraient pas d’existence par elles-mêmes tendent à exister; ô Dieu ! qui ne laissez pas périr les créatures mêmes qui se détruisent l’une l’autre; ô Dieu ! qui avez créé de rien ce monde, que les yeux de tous les hommes regardent comme votre plus bel ouvrage;

1. Quoique converti depuis peu de temps, saint Augustin exprime dans ce passage la nécessité et la puissance de la grâce avec beaucoup de force, et cela dans un ouvrage purement philosophique et à une époque où d ne pouvait pas être encore familiarisé avec le langage de la théologie.

126

ô Dieu ! qui n’êtes pas l’auteur du mal et qui le permettez pour prévenir un plus grand mal; ô Dieu ! qui faites voir au petit nombre de ceux qui se tournent. vers la vérité que le mal lui-même n’est rien; ô Dieu ! qui donnez la perfection à l’univers même avec des défauts; ô Dieu ! dont les ouvrages n’offrent aucune dissonance, puisque ce qu’il y a de plus imparfait répond à ce qu’il y a de meilleur; ô Dieu ! qu’aime toute créature qui peut aimer, le sachant ou à son insu; ô Dieu ! en qui sont toutes choses et qui ne souffrez rien, ni de la honte, ni de la méchanceté,.ni des erreurs de quelque créature que ce soit; ô Dieu ! qui avez voulu que les coeurs purs connussent seuls la vérité (1) ; ô Dieu ! père de la vérité, père de la sagesse, père de la véritable et souveraine vie, père de la béatitude, père du bon et du beau, père de la lumière intelligible, père des avertissements et des inspirations qui dissipent notre assoupissement, père de Celui qui nous a enseigné à retourner vers vous !

3. Je vous invoque, ô Dieu de vérité! dans qui, de qui et par qui sont vraies toutes les choses qui sont vraies; ô Dieu de sagesse! dans qui, de qui et par qui sont sages tous les êtres doués de sagesse; ô Dieu véritable et souveraine vie ! dans qui, de qui et par qui vivent tous les êtres qui possèdent la véritable et souveraine vie; ô Dieu de béatitude ! en qui, de quiet par qui sont heureuses toutes les créatures qui jouissent de la félicité; ô Dieu, bonté et beauté! par qui, de qui et dans qui sont bonnes et belles toutes les choses qui possèdent la bonté et la beauté; ô Dieu, lumière intelligible! dans qui, de qui et par qui sont rendues intelligibles toutes les choses qui brillent à notre esprit; ô Dieu ! qui avez pour royaume ce monde intellectuel, que les sens ne peuvent apercevoir; ô Dieu ! qui gouvernez votre royaume par des lois dont nos empires terrestres portent l’empreinte; ô Dieu ! se détourner de vous c’est tomber; se convertir à vous c’est se relever; demeurer en vous c’est se conserver; ô Dieu ! se retirer de vous c’est mourir; retourner vers vous c’est revivre; habiter en vous c’est vivre; ô Dieu ! personne ne vous quitte , s’il n’est trompé; personne ne vous cherche, s’il n’est averti ; personne ne vous trouve s’il n’est purifié; ô Dieu ! vous abandonner c’est périr, vous être attentif c’est vous aimer, vous voir c’est vous posséder; ô Dieu ! c’est vers vous que la foi nous éveille,

1. Rét. liv. 1, ch. IV, n. 2

à vous que l’espérance nous élève, à vous que la charité nous unit; ô Dieu ! par qui nous triomphons de l’ennemi, je vous implore; ô Dieu! c’est à vous que nous devons de ne pas périr entièrement; c’est vous qui nous exhortez à veiller; c’est vous qui nous faites distinguer le bien du mal; c’est vous qui nous faites embrasser le bien et fuir le mal, c’est par votre secours que nous résistons à l’adversité; c’est par vous que nous savons bien commander et bien obéir ; c’est vous qui nous apprenez à regarder comme étrangères les choses que nous croyions autrefois nous appartenir, et comme nous appartenant celles que nous regardions autrefois comme étrangères; c’est vous qui empêchez en nous l’attachement aux plaisirs et aux attraits des méchants; c’est vous qui ne permettez pas que les vanités du monde nous rapetissent; c’est par vous que ce qu’il y a de plus grand en nous n’est pas soumis à ce qu’il y a d’inférieur; c’est par vous que la mort sera absorbée dans sa victoire (1) ; c’est vous qui nous convertissez, c’est vous qui nous dépouillez de ce qui n’est pas et qui nous revêtez de ce qui est; c’est vous qui nous rendez dignes d’être exaucés; c’est vous qui nous fortifiez; c’est vous qui nous persuadez toute vérité; c’est vous qui nous suggérez toute bonne pensée, qui ne nous ôtez pas le sens et qui ne permettez à personne de nous l’ôter ; c’est vous qui nous rappelez dans la voie; c’est vous qui nous conduisez jusqu’à la porte; c’est vous qui faites ouvrir à ceux qui frappent (2); c’est vous qui nous donnez le pain de vie; c’est par vous que nous désirons de boire à cette fontaine qui doit nous désaltérer à jamais (3); c’est vous qui êtes venu convaincre le monde sur le péché, sur la justice et sur le jugement (4); c’est par vous que ceux quine croient point n’ébranlent point notre foi; c’est par vous que nous improuvons l’erreur de ceux qui pensent que les âmes ne méritent rien auprès de vous; c’est par vous que nous ne sommes point assujétis aux éléments faibles et pauvres (5) ; ô Dieu ! qui nous purifiez et nous préparez aux récompenses éternelles, soyez-moi propice !

4. Ô Dieu ! qui êtes seul tout ce que je viens de dire, venez à mon secours; vous êtes la seule substance éternelle et véritable, où il n’y a ni discordance, ni confusion, ni changement, ni indigence, ni mort, mais souveraine

1 Cor. XV. 54. — 2 Matth. VII, 8. — 3. Jean, VI, 35. — 4. Ib. XVI, 8. — 5. Gal. IV, 9.

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concorde, évidence souveraine, souveraine immutabilité, souveraine plénitude, souveraine vie. Rien ne manque en vous, rien n’y est superflu. En vous celui qui engendre et celui qui est engendré n’est qu’un (1) ; ô Dieu! c’est à vous que sont soumises toutes les créatures capables de soumission; c’est à vous qu’obéit toute âme bonne; d’après vos lois les pôles tournent, les astres poursuivent leur course, le soleil active le jour, la lune repose la nuit, et pendant les jours que forment les vicissitudes de la lumière et de l’obscurité; pendant les mois dus aux accroissements et aux décroissements de la lune; pendant les années que composent ces successions de l’été, de l’automne, du printemps et de l’hiver; pendant ces lustres où le soleil achève sa course; au milieu de ces orbes immenses que décrivent les astres pour revenir sur eux-mêmes, le monde entier observe, autant que la matière insensible en est capable, une constance invariable dans la marche et les révolutions du temps; ô Dieu ! c’est vous qui, par les lois constantes que vous avez établies, éloignez le trouble du mouvement perpétuel des choses muables, et qui, par le frein des siècles qui s’écoulent, rappelez ce mouvement à l’image de la stabilité; vos lois donnent à l’âme le libre arbitre, et selon les règles inviolables que rien ne peut détruire, assignent des récompenses aux bons, des châtiments aux méchants; ô Dieu ! c’est de vous que nous viennent tous les biens, c’est vous qui empêchez tous les maux de nous atteindre; ô Dieu ! rien n’est au-dessus de vous, rien n’est hors de vous, rien n’est sans vous; ô Dieu! tout vous est assujéti, tout est en vous, tout est avec vous; vous avez fait l’homme à votre image et à votre ressemblance, ce que connaît celui qui se connaît : exaucez, exaucez, exaucez-moi, ô mon Dieu, ô mon Seigneur, mon roi, mon père, mon Créateur, mon espérance, mon bien, ma gloire, ma demeure, ma patrie, mon salut, ma lumière, ma vie; exaucez, exaucez, exaucez-moi, à la manière que si peu connaissent.

5. Enfin, je n’aime que vous, je ne veux suivre que vous, je ne cherche que vous, je suis disposé à ne servir que vous; vous seul avez droit de me commander, je désire être à vous. Commandez, je vous conjure, prescrivez tout ce que vous voudrez; mais guérissez et ouvrez mon oreille pour que j’entende votre

1. Rét. livr. 1, ch. IV, n. 3.

voix; guérissez et ouvrez mes yeux, pour que je puisse apercevoir les signes de votre volonté. Eloignez de moi la folie, afin que je vous connaisse. Dites-moi où je dois regarder pour vous voir, et j’ai la confiance d’accomplir fidèlement tout ce que vous m’ordonnerez. Recevez, je vous en supplie, ô Dieu et père très-clément, ce fugitif dans votre empire. Ah ! j’ai souffert assez longtemps; assez longtemps j’ai été l’esclave des ennemis que vous foulez aux pieds; assez longtemps j’ai été le jouet des tromperies; je suis votre serviteur, j’échappe à l’esclavage de ces maîtres odieux : recevez-moi; pour eux je n’étais qu’un étranger, et quand je fuyais loin de vous, ils m’ont bien reçu. Je sens que j’ai besoin de retourner vers vous; je frappe à votre porte, qu’elle me soit ouverte; enseignez-moi comment on parvient jusqu’à vous. Je ne possède rien que ma volonté; je ne sais rien, sinon qu’il faut mépriser ce qui est changeant et passager, pour rechercher ce qui est immuable et éternel. C’est ce que je fais, ô mon Père ! parce que c’est la seule chose que je connaisse; mais j’ignore comment on peut arriver jusqu’à vous. Inspirez-moi, éclairez-moi, fortifiez-moi. Si c’est par la foi que vous trouvent ceux qui vous cherchent, donnez-moi la foi; si c’est parla vertu, donnez-moi la vertu; si c’est par la science, donnez-moi la science. Augmentez en moi la foi, augmentez l’espérance, augmentez la charité.

Oh ! que votre bonté est admirable et singulière !

6. Je vous désire, et c’est à vous que je demande encore les moyens de suivre ce désir. Si vous nous abandonnez, nous périssons; mais vous ne nous abandonnez point, parce que vous êtes le souverain bien, et personne ne vous a jamais cherché avec droiture sans vous trouver. Ceux-là vous ont cherché avec droiture à qui vous avez accordé la grâce de vous chercher avec droiture. Faites, ô Père ! que je vous cherche ; préservez-moi de l’erreur, et qu’en vous cherchant, je ne rencontre que vous. Si je ne désire plus que vous, faites, ô Père ! que je vous trouve enfin. S’il reste en moi quelques désirs d’un bien passager, purifiez-moi et rendez-moi capable de vous voir. Quant à la santé de ce corps mortel, comme je ne sais de quelle utilité elle peut être pour moi ou pour ceux que j’aime, je vous la confie entièrement, ô Père souverainement sage et souverainement bon ! et je vous [428] demanderai pour lui ce que vous m’inspirerez au besoin; seulement, ce que je sollicite de votre souveraine clémence, c’est de me convertir entièrement à vous, c’est de m’empêcher de résister à la grâce qui me porte vers vous: et tandis que j’habite dans ce corps mortel, faites que je sois pur, magnanime, juste, prudent; que j’aime parfaitement et que je reçoive votre sagesse; que je sois digne d’habiter et que j’habite, en effet, dans le royaume éternel, séjour de la suprême félicité. Ainsi soit-il (1).

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