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SERMON EXCEPTIONNEL : « Ô Annonciation miraculeuse » (Saint Augustin)

28 novembre, 2012

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SERMON EXCEPTIONNEL : « Ô Annonciation miraculeuse » (Saint Augustin)

• « Le Verbe éternel se faisant homme, et daignant habiter parmi les hommes, tel est le grand mystère que célèbre aujourd’hui l’Eglise universelle, et dont elle salue chaque année le retour par des transports de joie. Après l’avoir une première fois reçu pour sa propre rédemption, le monde fidèle en a consacré le souvenir de génération en génération, afin de perpétuer l’heureuse substitution de la vie nouvelle à la vie ancienne. Maintenant donc, lorsque le miracle depuis longtemps accompli nous est remis annuellement sous les yeux dans le texte des divines Ecritures, notre dévotion s’enflamme et s’exhale en chants de triomphe et de joie. Le saint Evangile que nous lisions nous rappelait que l’archange Gabriel a été envoyé du ciel par le Seigneur pour annoncer à Marie qu’elle serait la Mère du Sauveur. L’humble Vierge priait, silencieuse et cachée aux regards des mortels; l’ange lui parla en ces termes : « Je vous salue, Marie, » dit-il, « je vous salue, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous » (Luc 1, 28). O annonciation miraculeuse ! ô salutation céleste, apportant la plénitude de la grâce et illuminant ce cœur virginal ! L’Ange était descendu porté sur ses ailes de feu et inondant de clartés divines la demeure et l’esprit de Marie. Député par le Juge suprême et chargé de préparer à son Maître une demeure digne de lui, l’ange, éblouissant d’une douce clarté, pénètre dans ce sanctuaire de la virginité, rigoureusement fermé aux regards de la terre : « Je vous salue, Marie, » dit-il, « je vous salue, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous » ; Celui qui vous a créée vous a prédestinée; Celui que vous devez enfanter vous a remplie de ses dons. A l’aspect de l’ange, la Vierge se trouble et se demande quelle peut être cette bénédiction. Dans son silence humble et modeste, elle se rappelle le vœu qu’elle a formé, et, jusque-là, tout à fait étrangère au langage d’un homme, elle se trouble devant un tel salut, elle est saisie de stupeur devant un tel langage, et n’ose d’abord répondre au céleste envoyé. Plongée dans l’étonnement, elle se demandait à elle-même d’où pouvait lui venir une telle bénédiction. Longtemps elle roula ces pensées dans son esprit, oubliant presque la présence de l’ange que lui rappelaient à peine quelques regards fugitifs attirés par l’éclat de l’envoyé céleste. Elle hésitait donc et s’obstinait dans son silence; mais l’ambassadeur de la Sainte Trinité, le messager des secrets célestes, le glorieux archange Gabriel, la contemplant de nouveau, lui dit : « Ne craignez pas, Marie, car vous avez trouvé grâce devant Dieu; voici que vous concevrez et enfanterez un fils, et vous le nommerez Jésus. Il sera grand et sera appelé le Fils du Très-Haut, et le Seigneur-Dieu lui donnera le siège de David son père; il régnera éternellement sur la maison de Jacob, a et son règne n’aura pas de fin » (Luc 1, 30-21). Alors Marie, pesant sérieusement ces paroles de l’ange et les rapprochant de son vœu de virginité perpétuelle, s’écria : « Comment ce que vous me dites pourra-t-il se réaliser, puisque je ne connais point d’homme ? ». Aurai-je un fils, moi qui ne connais point d’homme ? Porterai-je un fruit, moi qui repousse l’enfantement ? Comment pourrai-je engendrer ce que je n’ai point conçu ? De mon sein aride, comment pourrai-je allaiter un fils, puisque jamais l’amour humain n’est entré dans mon cœur et n’a pu me toucher. L’ange répliqua : Il n’en est point ainsi, Marie, il n’en est point ainsi; ne craignez rien ; que l’intégrité de votre vertu ne vous cause aucune alarme ; vous resterez vierge et vous vous réjouirez d’être mère; vous ne connaîtrez point le mariage, et un fils fera votre joie; vous n’aurez aucun contact avec un homme mortel, et vous deviendrez l’épouse du Très-Haut, puisque vous mettrez au monde le Fils de Dieu. Joseph, cet homme chaste et juste, qui est pour vous, non point un mari mais un protecteur, ne vous portera aucune atteinte ; mais « l’Esprit-Saint surviendra en vous », et, sans qu’il s’agisse ici d’un époux et d’affections charnelles, « la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre : voilà pourquoi le Saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu ». • O séjour digne de Dieu ! Avant que l’ange ne lui eût fait connaître clairement le Fils qui lui était promis au nom du ciel, Marie ne laissa échapper de ses lèvres pudiques aucune parole d’assentiment. Mais dès qu’elle sut que sa virginité ne subirait aucune atteinte, dès qu’elle en reçut l’attestation solennelle, faisant de son cœur un sanctuaire digne de la Divinité, elle répondit : « Voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre parole ». Comme si elle eût dit : « Mon cœur est prêt, ô Dieu, mon cœur est prêt », puisque mon sein doit rester intact. « Qu’il me soit fait selon votre parole », ô glorieux archange Gabriel; qu’il vienne dans sa demeure, « Celui qui a placé sa tente dans le soleil » (Ps XVIII, 6). Puisque je dois demeurer vierge, « que le Soleil de justice se lève en moi » (Malachie IV, 2) sous ses rayons je conserverai ma blancheur, et la fleur de mon intégrité s’épanouira dans une chasteté perpétuelle. « Que le juste sorte dans toute sa splendeur » (Isaïe LVI, 1), et que le Sauveur brille « comme un flambeau » (Eccli XLVIII, 1). Le flambeau du soleil illumine l’univers; il pénètre ce qui semble vouloir lui faire obstacle, et il n’en jette pas moins ses flots de lumière. Qu’il apparaisse donc aux yeux des hommes « le plus beau des enfants des hommes » ; « qu’il s’avance comme un époux sort du lit nuptial » (Ps XLIV, 3); car maintenant je suis assurée de persévérer dans mon dessein. Quelle parole humaine pourrait raconter cette génération ? Quelle éloquence serait suffisante pour l’expliquer ? Les droits de la virginité et de la nature sont conservés intacts, et un fils se forme dans les entrailles d’une vierge. Lorsque les temps furent accomplis, le ciel et la terre purent contempler cet enfantement sacré auquel toute paternité humaine était restée complètement étrangère. Telle est cette ineffable union nuptiale du Verbe et de la chair, de Dieu et de l’homme. C’est ainsi qu’entre Dieu et l’homme a été formé « le Médiateur de Dieu et des hommes, l’homme Christ Jésus » (I Timothée II, 5). Ce lit nuptial divinement choisi, c’est le sein d’une Vierge. Car le Créateur du monde venant dans le monde, sans aucune coopération du monde, et pour racheter le monde de toutes les iniquités qui le souillaient, devait sortir du sein le plus pur et entourer sa naissance d’un miracle plus grand que le miracle même de la création. Car, comme le dit lui-même le Fils de Dieu et de l’homme, le Fils de l’homme est venu « non point pour juger le monde, mais pour le sauver » (Jean XII, 47).
• O vous, Mère du Saint des Saints, qui avez semé dans le sein de l’Eglise le parfum de la fleur maternelle et la blancheur du lis des vallées, en dehors de toutes les lois de la génération et de toute intervention purement humaine; dites-moi, je vous prie, ô Mère unique, de quelle manière, par quel moyen la Divinité a formé dans votre sein ce Fils dont Dieu seul est le Père. Au nom de ce Dieu qui vous a faite digne de lui donner naissance à votre tour, dites-moi, qu’avez-vous fait de bien ? Quelle grande récompense avez-vous obtenue ? Sur quelles puissances vous êtes-vous appuyée ? Quels protecteurs sont intervenus ? A quels suffrages avez-vous eu recours ? Quel sentiment ou quelle pensée vous a mérité de parvenir à tant de grandeur ? La vertu et la sagesse du Père « qui atteint d’une extrémité à l’autre avec force et qui dispose toutes choses avec suavité » (Sagesse VIII, 1), le Verbe demeurant tout entier partout, et venant dans votre sein sans y subir aucun changement, a regardé votre chasteté dont il s’est fait un pavillon, dans lequel il est entré sans y porter atteinte et d’où il est sorti en y mettant le sceau de la perfection. Dites-moi donc comment vous êtes parvenue à cet heureux état ? Et Marie de répondre : Vous me demandez quel présent m’a mérité de devenir la mère de mon Créateur ? J’ai offert ma virginité, et cette offrande n’était pas de moi, mais de l’Auteur de tout bien; car tout don « excellent et parfait nous vient du Père des lumières » (Jacques I, 17). Toute mon ambition, c’est mon humilité ; voilà pourquoi « mon âme grandit le Seigneur, et mon esprit a tressailli en Dieu mon Sauveur » (Luc I, 47); car il a regardé, non pas ma tunique garnie de noeuds d’or, non pas ma chevelure pompeusement ornée et jetant l’éclat de l’or, non pas les pierres précieuses, les perles et les diamants suspendus à mes oreilles , non pas la beauté de mon visage trompeusement fardé; mais « il a regardé l’humilité de sa servante ». • Le Verbe est venu plein de douceur à son humble servante, selon l’oracle du Prophète : « Gardez-vous de craindre, fille de Sion. Voici venir à vous votre Roi plein de douceur et de bonté, assis sur un léger nuage » (Isaïe LXII, 11). Quel est ce léger nuage ? C’est la Vierge Marie dont il s’est fait une Mère sans égale. Il est donc venu plein de douceur, reposant sur l’esprit maternel, humble, « calme et craignant ses paroles » (Isaïe LXVI, 1). Il est venu plein de douceur, remplissant les cieux, s’abaissant parmi les humbles pour arriver aux superbes, ne quittant pas les cieux et présentant ses propres humiliations pour guérir avec une mansuétude toute divine ceux qu’oppressent les gonflements de l’orgueil. O profonde humilité ! O grandeur infinie des trésors de la sagesse et de la science de Dieu; que les « jugements de Dieu sont incompréhensibles et ses voies impénétrables » (Romains XI, 33). Le pain des Anges est allaité par les mamelles d’une mère; la source d’eau vive jaillissant jusqu’à la vie éternelle demande à boire à la Samaritaine, figure de l’Eglise ; il ne refuse pas de manger avec les publicains et les pécheurs, lui que les Anges au ciel servent dans la crainte et la terreur. Le Roi des rois a rendu à la santé le fils de l’officier, sans employer aucun remède et par la seule efficacité de sa parole. Il guérit le serviteur du centurion et loue la foi de ce dernier, parce qu’il a cru que le Seigneur commande à la maladie et à la mort comme lui-même commandait à ses soldats. Quelque cruelles que fussent les souffrances de la paralysie, il en trouva la guérison infaillible dans la visite miséricordieuse de Jésus-Christ. Une femme affligée depuis de longues années d’une perte de sang qui faisait de ses membres une source de corruption, s’approche avec foi du Sauveur qui sent aussitôt une vertu s’échapper de lui et opérer une guérison parfaite. Mais comment rappeler tant de prodiges ? Le temps nous manque pour énumérer tous ces miracles inspirés à notre Dieu par sa puissance infinie et sa bonté sans limite. Abaissant sa grandeur devant notre petitesse et son humilité devant notre orgueil, il est descendu plein de piété, et, nouveau venu dans le monde, il a semé dans le monde des prodiges nouveaux. C’est lui que les évangélistes nous dépeignent sous différentes figures : l’homme, le lion, le boeuf et l’aigle. Homme, il est né d’une Vierge sans le concours de l’homme ; lion, il s’est précipité courageusement sur la mort et s’est élevé sur la croix par sa propre vertu ; boeuf, il a été volontairement immolé dans sa passion pour les péchés du peuple; et comme un aigle hardi, il a repris son corps, est sorti du tombeau, a fait de l’air le marchepied de sa gloire, « est monté au-dessus des chérubins, prenant son vol sur les ailes des vents », et maintenant il siège au ciel, et c’est à lui qu’appartient l’honneur et la gloire dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il ».

FÊTE DE SAINT AUGUSTIN : « UN HOMME PLEINEMENT ACCOMPLI » (Card. Angelo Scola)

28 août, 2012

http://www.zenit.org/article-31680?l=french

FÊTE DE SAINT AUGUSTIN : « UN HOMME PLEINEMENT ACCOMPLI »

Entretien avec le card. Angelo Scola

Traduction d’Hélène Ginabat
ROME, lundi 27 août 2012 (ZENIT.org) – Pour le cardinal Angelo Scola, saint Augustin est « un génie de l’humanité et un grand saint, c’est-à-dire un homme pleinement accompli ». Il fut aussi, comme saint Ambroise, un courageux avocat « de la dimension publique de la foi et d’un sain concept de laïcité ».
Le cardinal Scola, archevêque de Milan, célèbrera l’eucharistie dans la basilique Saint-Pierre-au-Ciel-d’Or (San Pietro in Ciel d’Oro) à Pavie, en Italie, sur la tombe de saint Augustin, le 28 août 2012, en la mémoire liturgique du saint (cf. Zenit du 24 août 2012).
A cette occasion, le cardinal Angelo Scola livre une réflexion sur la figure du grand docteur de l’Eglise, dans un entretien avec l’Ordre de saint Augustin.
Eminence, qui est saint Augustin pour vous ?
Card. Angelo Scola – Un génie de l’humanité et un grand saint, c’est-à-dire un homme pleinement accompli. J’ai été impressionné, à ce sujet, par une affirmation de Jacques Maritain que je cite régulièrement aux jeunes, qui sont si souvent obsédés par le problème du succès et de la réalisation de soi : « Il n’existe de personnalité vraiment parfaite que chez les saints. Mais comment cela ? Les saints se sont-ils préoccupés de développer leur personnalité ? Non. Ils l’ont trouvée sans la chercher, parce qu’ils ne la cherchaient pas, mais Dieu seulement » (J. Maritain).
L’archevêque de Milan se rend sur la tombe de saint Augustin pour y célébrer l’Eucharistie : cette démarche renouvelle le lien particulier entre Ambroise et Augustin. Que peuvent-ils nous dire encore aujourd’hui ?
Ambroise et Augustin ont traversé des décennies troublées entre « l’antique », représenté par l’empire romain désormais exténué et en marche vers un déclin inexorable, et le « nouveau » qui s’annonçait à l’horizon, mais dont on ne voyait pas encore nettement les contours. Ils furent immergés dans une société à bien des égards semblable à la nôtre, secouée par des changements continuels et radicaux, sous la pression de peuples étrangers et serrée dans l’étau de la dépression économique due aux guerres et aux famines.
Dans de telles conditions, malgré la diversité profonde de leur histoire et de leur tempérament, Ambroise et Augustin furent des annonciateurs indomptables de l’avènement du Christ pour tout homme, dans l’humble certitude que la proposition chrétienne, lorsqu’elle est librement assumée, est une ressource précieuse pour la construction du bien commun.
Ils furent de vaillants défenseurs de la vérité, sans se préoccuper des risques et des difficultés que cela comporte, en ayant conscience que la foi ne mortifie pas la raison, mais l’achève ; et que la morale chrétienne perfectionne la morale naturelle, sans la contredire, en en favorisant la pratique. Si nous empruntons des expressions du débat contemporain, nous pourrions les définir comme deux paladins de la dimension publique de la foi et d’un sain concept de laïcité.
Quel enseignement peut-on tirer de l’expérience humaine et spirituelle de saint Augustin pour l’Année de la foi ?
Dans une de ses audiences générales consacrées à saint Augustin, Benoît XVI le cite : « Mais si le monde vieillit, le Christ est éternellement jeune. D’où l’invitation: « Ne refuse pas de rajeunir uni au Christ, qui te dit: Ne crains rien, ta jeunesse se renouvellera comme celle de l’aigle » (Serm. 81, 8) » (Benoît XVI, audience générale du 16 janvier 2008). Augustin est un témoin formidable du Christ qui est contemporain à tout homme, et d’un profond accord entre la foi et la vie.
En quoi la pensée et l’aventure humaine de saint Augustin sont-elles d’une actualité toujours nouvelle ?
C’est l’inquietum cor dont il nous parle au début des Confessions. Sa recherche inlassable, qui a fasciné les hommes de tous les temps, est particulièrement précieuse aujourd’hui pour nous qui sommes immergés – et souvent submergés – dans les tourments de ce début de troisième millénaire. Une recherche qui ne s’arrête pas à la dimension horizontale, même si celle-ci est infinie ; mais qui pénètre dans la dimension verticale. C’est le même Augustin qui en décrit la portée quand il affirme, dans un passage des Soliloques : « Je viens de prier Dieu. — Que veux-tu donc savoir? — Tout ce que j’ai demandé. — Résume-le en peu de mots. — Je désire connaître Dieu et l’âme. — Ne désires-tu rien de plus ? — Rien absolument. » (Augustin, Soliloques I, 2, 7).

Discerner la présence de Dieu – Libres propos tirés des sermons d’Augustin

1 août, 2012

http://www.assomption.org/Ressources/ItinerairesAugustiniens/IA30/Petit-1.htm

Discerner la présence de Dieu

Libres propos tirés des sermons d’Augustin

On pense que certains sont du froment et ils sont de l’ivraie ;
On pense que certains sont de l’ivraie, alors qu’ils sont du froment.
C’est à cause de ces choses cachées que l’Apôtre dit :
«Ne jugez de rien avant le temps, (1 Co 4,5) »
(Sermon Caillau II, 5, 3)

Sous ce titre un peu énigmatique se cache une intuition simple : la prédication d’Augustin nous donne aussi une manière de choisir, de distinguer nos façons de vivre et d’aimer.
En effet, dans ses sermons, l’évêque d’Hippone propose des orientations concrètes. Il doit non seulement expliquer la Parole de Dieu mais aussi montrer comment elle permet de discerner des situations, de s’orienter dans la vie. Dans sa prédication, Augustin semble toujours tenir compte des personnes, des institutions, de la communauté chrétienne. Chez lui, pas de « traité » ou de « méthode » mais bien une priorité de fait à un discernement en situation.
Quelques exemples : que faire, face à la déchirure donatiste qui brise l’unité ? Comment se situer dans la controverse avec Pélage ? Quelle est la responsabilité réelle des chrétiens dans la chute de Rome ? Autant de questions concrètes sur lesquelles la parole d’Augustin est attendue. Les réponses de l’évêque d’Hippone constituent aujourd’hui un champ privilégié d’étude d’une façon « augustinienne » de délibérer au plan spirituel.
Ces « libres propos » n’ont donc pas d’autre ambition que de constituer une « entrée en discernement » à partir des Sermons. Libre à chacun de dire s’il y reconnaît quelque chose de ses propres manières de s’arrêter, de considérer et de préférer.

S’arrêter
S’arrêter pour regarder ce que nous vivons est la première et la plus fondamentale décision de tout processus de discernement. Certes, nous devons rester « dans la course ». Et nous avons tendance à courir sans cesse. Mais après quoi, après qui courons-nous ? Notre course est-elle bien une « course au bonheur », une « course à vie » ? Sommes-nous en train de bâtir la cité de Dieu ou construisons-nous sur des biens périssables ?
Consentir à ce temps de pause peut être onéreux. La mise en perspective de ce que nous vivons n’est pas chose aisée. Et le monde, comme au temps d’Augustin, ne provoque pas franchement l’optimisme :
« Le monde est actuellement comme un pressoir ; il est écrasé sous l’épreuve (…). Il y a quelquefois des épreuves dans le monde, par exemple la famine, la guerre, la disette, la vie chère, la mortalité, la pauvreté, les rapines, l’avarice. Les pauvres sont pressurés, les cités sont dans la peine » (S. Denis, 24).
C’est pourtant bien dans ce monde que nous avons à chercher les traces de la présence de Dieu. Notre cité des hommes est bien marquée par la violence, le chômage, la maladie, les sectes. Mais la cité de Dieu s’y construit déjà. S’arrêter pour regarder les germes de solidarité, de fraternité, c’est dépasser le fatalisme, l’inaction, la paralysie, la peur.

Considérer

Il n’y a pas d’autre discernement chez Augustin que celui de l’Evangile. Celui-ci invite à ne pas vouloir trop vite séparer le bon grain de l’ivraie :
« Vous voyez l’ivraie au milieu du bon grain, vous voyez les mauvais chrétiens au milieu des bons et vous voulez les arracher ? » (S. 73,1).
Considérer les personnes et les événements avec justesse, telle semble être la recommandation d’Augustin. Comme les chrétiens auxquels il s’adresse, nous avons à faire la part de ce qui relève de l’objectivité des situations et ce qui peut être attribué à nos perceptions, nos humeurs… pas toujours très réfléchies. La vigilance est de rigueur parce que nos réactions premières sont peu amènes :
« Mais parfois, selon le jugement humain, on pense que certains sont du froment et ils sont de l’ivraie ; et on pense que certains sont de l’ivraie, alors qu’ils sont du froment. C’est à cause de ces choses cachées que l’Apôtre dit : « Ne jugez de rien avant le temps, jusqu’à ce que vienne le Seigneur qui illuminera les secrets des ténèbres et qui révèlera les pensées du cœur (I Co 4,5) » (Sermon Caillau II, 5, 3).
Un peu de bienveillance est donc nécessaire. Mettre en place les différents éléments de la situation. Mettre en perspective par rapport à eux est indispensable pour pouvoir envisager la parole, le conseil, la réponse à apporter. L’Evangile intervient ici pour nous rappeler un minimum de prudence, à défaut de miséricorde.
« Les bons grains peuvent dégénérer en paille, de même que la paille peut être trasformée en grain » (S 223, 2)
Il ne nous est pas donné de tout prévoir. Les choses sont parfois ambiguës. Le rapport à Dieu ou aux autres paraît parfois faussé chez certains. Mais ce n’est pas une raison pour passer son temps à se lamenter, à critiquer. Augustin le fait remarquer aux chrétiens d’Hippone :
« Les temps sont mauvais. Nos ancêtres eux-mêmes se sont lamentés sur leur époque et leurs aïeux ont fait de même et chez les hommes personne ne s’est jamais complu dans le temps où il vivait » (S. 25, 3).
Le seul moyen de ne pas sombrer dans la désespérance, c’est de préférer le tête-à-tête avec le « Maître intérieur ».

Préférer
Choisir ce tête-à-tête avec le « Maître intérieur » n’est pas facile. Nous sommes parfois si « embarqués » dans le tourbillon des activités, des fausses questions et des difficultés que nous ne sommes même plus capables d’être dans ce lieu nourricier que nous devrions préférer. Aujourd’hui par exemple, l’environnement est assez hostile aux jeunes. Les chrétiens d’Hippone étaient en butte aux mêmes railleries. Augustin leur demande de tenir bon :
« Faites, chrétiens, ce qu’ordonne le Christ et laissez les païens blasphémer. Ils sauront ce qu’il en coûte » (S 81, 9)
Préférer le Christ, c’est apprendre à le contempler, à le suivre, malgré nos limites, nos fragilités. Ce chemin, droit et profond, peut faire peur. Augustin ne cache pas à son auditoire les risques de l’aventure personnelle et collective :
« Veux-tu que je te dise par quel chemin le suivre ? C’est par les tribulations, les opprobes, les fausses accusations, les crachats au visage, la couronne d’épines, la croix et la mort » (S. 345,6).
A première vue, ce programme n’a rien de réjouissant. Il ne faudrait pas oublier cependant que l’homme doit garder les yeux fixés au Ciel :
« La cité sainte, la cité fidèle, la cité en pèlerinage sur la terre a ses fondations dans le Ciel. Pourquoi t’effraies-tu quand les Royaumes de la terre périssent ? Dieu t’a promis un Royaume dans le Ciel afin que tu ne périsses pas avec ceux de la terre » (S 105, 9)
On peut trouver ces propos très insuffisants face à des « techniques » de discernement. Mais ne faut-il pas préférer une certaine souplesse, une liberté, un accueil des promesses de l’au-delà pour bien s’engager ici bas ? Augustin ne se maintient pas dans une indétermination face à des choix fondamentaux dans ce monde. Il exhorte les chrétiens à la charité :
« Soyez doux, compatissants pour ceux qui souffrent. Secourez les malades. Et en ce temps où l’on trouve tant d’exilés, d’indigents et de malheureux, que votre hospitalité soit généreuse » (S. 81, 9).
Voilà donc le « cœur » d’un discernement de style augustinien : s’engager avec amour au service de l’Evangile, personnellement et communautairement. Le passage à l’action, qui est le terme de la délibération, doit s’opérer dans la joie du service mutuel. Nous avons peut-être aujourd’hui à retrouver ce « goût des autres », cette grammaire élémentaire du don de soi.
C’est dans les actes concrets que notre confiance en Dieu s’exprime le mieux. Choisir une orientation, mettre en l’œuvre l’exercice de sa liberté, inventer sa vie… tout cela revient en définitive à tenter d’approcher Dieu :
« Vois le Seigneur ton Dieu, vois celui qui est et la tête et le modèle de ta vie » (S. 296, 6).

Jean-François PETIT
Augustin de l’Assomption
Paris

HOMÉLIE DE S. AUGUSTIN POUR LA FÊTE DES APÔTRES PIERRE ET PAUL

27 juin, 2012

http://www.paperblog.fr/2790207/homelie-de-s-augustin-pour-la-fete-des-apotres-pierre-et-paul/

HOMÉLIE DE S. AUGUSTIN POUR LA FÊTE DES APÔTRES PIERRE ET PAUL

Le martyre des saints Apôtres Pierre et Paul a fait pour nous de ce jour un jour sacré. Nous ne parlons pas de quelques martyrs obscurs: Ce qu’ils proclament a retenti par toute la terre, et leur parole, jusqu’au bout du monde. Ces martyrs ont vu ce qu’ils ont prêché, après avoir vécu selon la justice, en proclamant la vérité, en mourant pour la vérité. C’est le bienheureux Pierre, le premier des Apôtres, celui qui aimait fougueusement le Christ, qui a eu le bonheur de s’entendre dire: Et moi, je te le déclare: Tu es Pierre. Car lui-même venait de dire: Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant. Et le Christ lui dit alors: Et moi, je te le déclare: Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église. Sur cette pierre je bâtirai la foi que tu viens de confesser. Sur cette parole que tu viens de dire: Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant, je bâtirai mon Église. Car tu es Pierre. Le nom de Pierre vient de la pierre, et non l’inverse. Le nom de Pierre vient de la pierre, comme «chrétien» vient de Christ. Ainsi que vous le savez, le Seigneur Jésus, avant sa passion, choisit ses disciples, et leur donna le nom d’Apôtres. Parmi eux, c est Pierre qui, presque en toute circonstance, mérita de personnifier toute l’Église à lui seul. C’est parce qu’il personnifiait l’Église à lui seul qu’il a eu le bonheur de s’entendre dire : Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux. En effet, ce n’est pas un homme seul, mais l’Église dans son unité, qui a reçu ces clefs. Ceci met en relief la prééminence de Pierre, car il a représenté l’universalité et l’unité de l’Église lorsqu’il lui fut dit: Je te confie, alors que c’était confié à tous. En effet, pour que vous sachiez que c’est l’Église qui a reçu les clefs du Royaume des cieux, écoutez ce que le Seigneur dit à tous ses Apôtres dans un autre endroit: Recevez l’Esprit Saint. Et aussitôt: Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus. Et c’est encore à juste titre que le Seigneur, après sa résurrection, confia à Pierre en personne la charge de faire paître ses brebis. Car il n’est pas le seul parmi les disciples qui méritait de faire paître les brebis du Seigneur; mais Si le Christ parle à un seul, c’est pour mettre en valeur l’unité. Et il s’adresse en premier à Pierre parce que Pierre est le premier parmi les Apôtres. ~ Ne sois pas triste, Apôtre, d’être interrogé trois fois: réponds une fois, réponds deux fois, réponds trois fois. Que ta confession soit victorieuse trois fois par l’amour, parce que ta présomption a été trois fois vaincue par la crainte. Il faut délier trois fois ce que tu avais lié trois fois. Délie par l’amour ce que tu avais lié par la crainte. Et cependant le Seigneur, une fois, deux fois, et trois fois, a confié ses brebis à Pierre. En un même jour, on célèbre la passion de deux Apôtres! Mais ces deux ne faisaient qu’un: bien qu’ils aient souffert à des jours différents, ils ne faisaient qu’un. Pierre a précédé, Paul a suivi. Nous célébrons le jour de fête de ces Apôtres, consacré pour nous par leur sang. Aimons leur foi, leur vie, leurs labeurs, leurs souffrances, ce qu’ils confessaient, ce qu’ils prêchaient.

LA COMPLEXITÉ DU RETOUR AUX SOURCES UN CAS TYPE : LES AUGUSTINES DE LA MISÉRICORDE DE JÉSUS

20 juin, 2012

http://www.scourmont.be/Armand/writings/augustines.htm

LA COMPLEXITÉ DU RETOUR AUX SOURCES UN CAS TYPE :

LES AUGUSTINES DE LA MISÉRICORDE DE JÉSUS

(notes sur le site)

Le retour aux sources ou au charisme du fondateur est l’un des principaux critères donnés par Vatican II pour le discernement à effectuer dans l’œuvre du renouveau des communautés religieuses. Ce critère s’applique de façon très différente selon qu’il s’agisse d’un groupement religieux fondé à une époque récente et pour une tâche apostolique précise et limitée, ou qu’il s’agisse d’un ordre ancien issu d’un grand courant spirituel plutôt que d’un fondateur clairement identifié, et ayant connu une évolution considérable au cours de son histoire.
Appelé par quelques religieuses hospitalières de l’Ordre des Augustines de la Miséricorde de Jésus à réfléchir avec elles sur l’histoire de leur Institut, j’ai vite été frappé de l’intérêt extrême que peut présenter cette histoire pour l’historien de la vie religieuse. L’évolution de ce groupement religieux au long des siècles exprime assez bien la situation où se trouvent plusieurs instituts qui doivent, lorsqu’il est question de retour aux sources ou de fidélité à la Tradition, établir une hiérarchie entre des fidélités diverses et d’importance inégale.
Après avoir rappelé en quelques mots les grandes étapes de l’histoire des Augustines, je tracerai également un rapide tableau d’ensemble de l’histoire de la vie religieuse en général, pour montrer comment s’y inscrivent les mutations qu’a connues l’Ordre des Augustines. Dans une troisième section je reprendrai d’une façon quelque peu plus détaillée l’histoire du monachisme augustinien et des divers groupements religieux qui, au cours des siècles, se sont rattachés à la Règle augustinienne. Enfin, dans une dernière section, j’analyserai comment se situe aujourd’hui l’Ordre des Augustines face aux divers courants de la Tradition auxquels elles ont été amenées à se rattacher successivement.

Quelques grandes dates dans l’histoire des Augustines [1]
L’origine des Augustines de la Miséricorde de Jésus se situe au milieu du XIe siècle à Dieppe. En cet endroit existait, depuis la fondation même de la ville, vers 800 ou même un peu auparavant, un Hôtel-Dieu desservi par des Frères Hospitaliers. À ceux-ci se joignirent, vers l’an 1055, des sueurs qui vaquaient au soin des pauvres et des malades aussi bien à travers toute la ville qu’à l’Hôtel-Dieu même.
À partir de la seconde moitié du XII le siècle, ces sueurs deviennent religieuses « régulières », vivant selon la Règle de saint Augustin, et faisant les trois voeux solennels de religion de même que celui d’hospitalité envers les pauvres malades. Elles se rattachent alors à l’Ordre des Ermites de saint Augustin, comme en fera foi encore un peu plus tard les Constitutions qu’elles rédigeront vers 1420.
Plus de soixante ans après le Concile de Trente, diverses pressions extérieures les amènent, au cours du XVIIe siècle, à se mouler dans les cadres juridiques établis par ce Concile et par le Pape Pie V pour les Religieuses cloîtrées. Cette «réforme» s’étant faite avec l’aide de. Chanoinesses régulières venues du prieuré de Pontoise, les sueurs de Dieppe se rattacheront désormais à l’Ordre canonial des Chanoinesses régulières de saint Augustin et non plus à l’Ordre mendiant des Ermites de saint Augustin.
Les Constitutions rédigées pour les Augustines par le Père Robert Lignier, s. j., au cours des années 1626-1628 furent définitivement approuvées en 1666 et elles restèrent en vigueur jusqu’à leur révision en 1923 à la suite de la promulgation du code de droit canon. Elles furent évidemment à nouveau modifiées après Vatican Il.
Voyons maintenant comment chaque tournant de cette histoire s’éclaire si on le replace à l’intérieur de l’évolution de la vie religieuse en général.

Survol de l’histoire de la vie religieuse [2]
L’histoire de la vie religieuse remonte aux premières générations chrétiennes. Dès ce moment on retrouve à travers toutes les « Églises » de la jeune chrétienté des ascètes et des vierges des deux sexes. Ils vivent au sein de la communauté ecclésiale, pratiquant non seulement le célibat mais aussi une ascèse rigoureuse et montrant une égale assiduité à la célébration du culte, à la visite aux pauvres et au soin des malades. On y trouve déjà, bien qu’encore non institutionnalisées, à peu près toutes les formes de vie religieuse que nous connaissons maintenant.
Un mouvement ascétique particulièrement vigoureux caractérisait les églises judéo-chrétiennes, et donna naissance au monachisme. À partir de la fin du troisième siècle et du début du quatrième, ce mouvement se développe avec une intensité et une rapidité surprenantes? à travers tous les pays de l’Orient d’abord, d’Occident ensuite. Non seulement ce mouvement canalisa une très grande partie des énergies spirituelles, mais devint l’objet de l’attention – et parfois des préoccupations – des autorités ecclésiastiques et civiles au point que les autres façons dé vivre les Conseils évangéliques furent graduellement reléguées dans l’ombre. La réforme de Charlemagne, au début du IXe siècle durcira ce rétrécissement de l’éventail des formes de vie religieuse. À partir de ce moment une seule forme de vie religieuse est reconnue en Occident: la vie monastique selon la Règle de saint Benoît. Cette situation restera inchangée jusqu’au moment de la grande réforme grégorienne du XIe et du XII, siècles.
En ces siècles (XI-XIIe) un souffle de vie nouvelle passe sur l’Église. L’étau dans lequel la réforme carolingienne avait coincé la vie religieuse se desserre et plusieurs formes nouvelles apparaissent. Ce sont d’abord de nouvelles formes de vie monastique qui se manifestent, caractérisées par un retour à la pauvreté et à la simplicité. Cîteaux, Camaldoli, Vallombreuse, Grandmont, etc. Parallèlement apparaissent aussi avec profusion les ordres canoniaux (chanoines réguliers, hospitaliers et chevaliers) de même que les ordres mendiants (Franciscains, Dominicains, Carmes, Servites et Ermites de saint Augustin). Les uns et les autres adoptent presque tous la Règle de saint Augustin.
Il est évident que toutes ces fondations nouvelles ne jaillirent pas comme des générations spontanées. Dès les siècles précédents de nombreux groupements s’étaient lentement constitués pour le service des pauvres, des malades et des captifs de même que pour de nombreuses tâches apostoliques. Ce sont durant longtemps des sortes de confréries ou de pieuses associations de laïcs. Ce fut évidemment le cas des soeurs de Dieppe, comme d’ailleurs des frères du même Hôtel-Dieu [3] , avant leur agrégation à l’Ordre des Ermites de saint Augustin (fondé en 1256).
À partir de la fin du XIII° siècle une grave crise s’annonce. Grave crise de civilisation, au cours de laquelle l’Europe allait se disloquer et la « chrétienté » s’écrouler. Au début du XVIe siècle, de toutes parts les mystiques et les prophètes crient le besoin de réforme, jusqu’à ce que, la réforme officielle ne venant pas, Luther entreprenne la sienne. Mais au sein même de l’Église, dès avant Trente, un mouvement de réforme s’était manifesté dans la vie religieuse, De nombreuses communautés religieuses qui joueront un rôle important dans l’Église jusqu’à nos jours naissent alors, même si elles ne sont pas reconnues officiellement comme « instituts religieux ». Quant au Concile de Trente, il ne traita, dans sa Session XXV, que de ceux qui étaient considérés comme religieux par le droit: de Regularibus et Monialibus, c’est-à-dire des religieux et religieuses à voeux solennels. Son but était avant tout de réformer des abus, et ses décisions furent particulièrement absolues par rapport aux femmes, qui furent sévèrement emmurées.
Si l’on comprend la sévérité du Concile de Trente face à bien des communautés de moniales relâchées, menant bal au monastère et recevant visiteur sur visiteur, on comprend tout aussi bien que les hospitalières de Dieppe, qui étaient de braves filles toutes dévouées à leur apostolat auprès des malades, ne se soient pas senties concernées par cette législation nouvelle. Ce fut sans doute la conclusion aussi du Cardinal de Joyeuse en 1615 et de Mgr François de Harlay en 1624, qui firent des projets de réforme mais n’y donnèrent pas suite. Ce fut le syndic de la ville de Dieppe qui, pour des raisons tout autres que religieuses, provoqua l’application des décisions de Trente à Dieppe. On fit venir des Chanoinesses de Pontoise pour réaliser cette « réforme » à Dieppe, et les sœurs de Dieppe devinrent dès lors elles aussi des Chanoinesses régulières. Cette mutation impliquait, surtout du fait de la « clôture », une modification profonde de ce qui avait été le charisme propre de ces religieuses depuis près de six siècles, et dont l’annaliste de l’Hôtel-Dieu de Québec donne la description suivante: « C’était une assemblée de filles pieuses et charitables qui s’occupaient à secourir les pauvres malades dans tous les quartiers de la ville. Elles en avaient aussi beaucoup chez elles, qu’elles servaient avec une grande ferveur. »
Il est un peu déconcertant de voir comment des pressions extérieures amenèrent les sueurs de Dieppe à abandonner leur style traditionnel de vie et d’apostolat afin de se conformer à des prescriptions canoniques générales, tout juste au moment où leur propre style de vie allait graduellement obtenir droit d’existence dans l’Église. En effet, lorsqu’au début du XVIIe siècle saint François de Sales eut l’idée d’une communauté de religieuses qui ne vivraient pas derrière les murs d’un cloître mais se dévoueraient au milieu du monde dans l’exercice de la charité, l’opposition à l’apostolat des religieuses hors clôture et sans vœux solennels était si vivace que ses Visitandines durent se muer en moniales cloîtrées, comme les hospitalières de Dieppe. Mais ce que n’avait pas réussi saint François de Sales, saint Vincent de Paul et Louise de Marillac le réussirent, avec la fondation des Filles de la Charité. Ils trouvèrent la véritable solution ; ignorant les distinctions des canonistes, acceptant facilement d’être privées du nom de « religieuses », elles ne firent que des vœux privés et ainsi, sous la forme d’une Société de pieuses femmes sans voeux publics, purent jouir de la liberté des enfants de Dieu et joindre une authentique pratique des conseils évangéliques au service des pauvres, à l’instar des premières sœurs de Dieppe. Le mouvement était donné et de nombreuses communautés semblables d’hommes et de femmes se multiplièrent, pour assurer l’enseignement et le soin des malades ou d’autres formes de dévouement évangélique. Peu à peu, le droit suivant la vie, l’Église les reconnaîtra officiellement comme religieux et religieuses.
En 1900, dans la Constitution Conditae a Christo Léon XIII consacrera cette évolution en reconnaissant comme authentiquement religieuses les communautés à voeux simples. Mais les Normae publiées l’année suivante par la Congrégation des Évêques et Réguliers allaient conduire à un nivellement des Instituts religieux. Systématisant à outrance le concept de vie religieuse, elles entraient dans le détail de l’organisation des Congrégations et des Ordres et donnaient un modèle précis de Constitutions. Dans les révisions des Constitutions qui furent exécutées à ce moment, de même qu’après la publication du code de droit canon en 1917, plusieurs Ordres et Congrégations perdirent presque totalement l’originalité de leur charisme et se donnèrent des Constitutions pratiquement interchangeables. Les Augustines de la Miséricorde de Jésus ne purent échapper à ce nivellement dans la révision de leurs Constitutions en 1923.

La vie religieuse augustinienne
Tout comme on parle d’Ordre monastique pour désigner non pas un Ordre religieux au sens canonique du mot, mais l’ensemble des Ordres et Communautés menant la vie monastique sous ses diverses formes, ainsi on appelle Ordre augustinien, au sens large du mot, l’ensemble des Ordres et Congrégations qui se rattachent d’une façon ou d’une autre à la Règle de saint Augustin. Les Augustines de la Miséricorde de Jésus appartenant à cet Ordre augustinien, il sera bon de dire quelques mots de l’origine et du développement de ce grand mouvement spirituel à travers les siècles.
Homme d’une grande sensibilité et d’un don inné pour l’amitié, enthousiasmé par surcroît par tout ce qu’il avait appris des Pères du désert, Augustin vécut pratiquement toute sa vie dans la fraternité avec des compagnons. Sa première expérience de vie commune, il la vécut à Cassisiacum en 386, dans une maison de campagne aux environs de Milan, avec sa mère, son fils et quelques amis intimes, entre sa conversion et son baptême. Rentré en Afrique en 388, il fait de sa maison familiale un monastère où il mène avec des frères, une vie de prière, d’étude et de travail manuel. C’est un monastère laïc de type traditionnel comme ceux qu’il avait connus en Italie, surtout à Rome. Devenu prêtre, puis évêque d’Hippone, il organise près de la cathédrale, toujours dans sa résidence, un monastère clérical qui devient une sorte de Séminaire d’où sortiront au moins une bonne dizaine d’évêques. En 396 il réunit aussi dans un Monastère dirigé par sa sueur un certain nombre de vierges d’Hippone.
Comme toutes les formes de vie cénobitique, le monachisme augustinien a pour idéal la reconstitution de la vie de la communauté primitive des chrétiens à Jérusalem. Sa caractéristique propre fut l’effort pour unir harmonieusement l’idéal monastique de solitude et de contemplation avec l’activité sacerdotale ou apostolique [4] .
Lorsque les invasions arabes de la fin du Vlle siècle firent disparaître à peu près toute vie chrétienne en Afrique, ce fut également la fin définitive du monachisme augustinien. Des diverses communautés qui, plus tard, se rattacheront à la Règle de saint Augustin, aucune ne sera « monastique » au sens propre du mot.
Il existe de la Règle de saint Augustin une version féminine (= la lettre 211 ou Objurgatio) et une version masculine (= Regula ad servos Dei). Durant très longtemps on a pensé que la version masculine était une adaptation de la version féminine. Les récentes études critiques de Luc Verheijen de même que celles de T. J. Van Bave) ont démontré le contraire [5] . La règle masculine comporte elle-même deux pièces qui nous sont parvenues tantôt jointes et tantôt séparées: ce sont, selon la nomenclature adoptée par Verheijen, l’Ordo Monasterii et le Praecep­tum. Vers 345 Alypius, ami d’Augustin, rend visite à saint Jérôme, à Bethléem, et en rapporte l’idée d’une Règle et quelques éléments pour la composition d’un office liturgique monastique. II rédige l’Ordo Monasterii, qui reçoit l’approbation de saint Augustin et, peut-être, un préambule qui met l’accent sur l’amour de Dieu et du prochain. Il fait adopter l’Ordo Monasterii à Thagaste. Quelque temps plus tard, Augustin suit l’exemple de son ami et met par écrit un enseignement oral qu’il avait commencé à donner depuis quelques années aux frères laïcs d’Hippone. C’est le Praeceptum, seul document qui puisse être dit réellement « règle d’Augustin », quoique lui-même ne l’ait jamais désigné par le vocable « règle », ce terme n’ayant pas, à l’époque, la signification de règle monastique. Tous les autres documents dits « règle de saint Augustin » (il y en a neuf en tout) dérivent de ces trois textes fondamentaux (la lettre 211, l’ Ordo Monasterii et le Praeceptum), soit par combinaisons diverses, soit par transposition du masculin au féminin.
Comme je l’ai dit plus haut, le monachisme augustinien s’éteignit pour toujours à la suite des invasions arabes en Afrique. La Règle augustinienne par ailleurs sera reprise par divers groupes religieux non monastiques es au Me et au XIII, siècles: les ordres canoniaux et la plupart des ordres mendiants. Parmi ces derniers se trouvent les Ermites de saint Augustin, Ordre constitué en 1256 de plusieurs groupements d’ermites installés dans les bourgs et les villes où leurs membres vivaient en commun tout en exerçant un apostolat [6] .
En 1215 le Concile de Latran, ému de la prolifération quelque peu anarchique des Ordres religieux, avait décidé qu’aucune congrégation nouvelle ne serait autorisée et que quiconque voudrait fonder une association religieuse devrait adopter une règle déjà approuvée. Cette législation était certes malheureuse, car elle allait figer pour longtemps l’évolution spontanée de la vie religieuse. Par ailleurs elle allait rendre très populaire la règle de saint Augustin. En effet, la règle de saint Benoît ne convenait nullement à tous ces groupements nouveaux de chanoines et de mendiants à orientation missionnaire. Par contre, la règle de saint Augustin pouvait s’accommoder facilement à n’importe quel genre de vie chrétienne vécue à l’intérieur d’un contexte de vie commune. Ne prévoyant aucune structure institutionnelle, elle s’accommodait de n’importe laquelle [7] .

Les Augustines et le retour aux sources
À leurs débuts et durant plusieurs siècles les hospitalières de Dieppe furent une confrérie de pieuses filles se dévouant au soin des pauvres et des malades de la ville. C’est là que s’exprime dans toute sa simplicité et toute sa clarté leur charisme propre, antérieur à toute institutionnalisation.
À l’époque de structuration que fut le XIIIe siècle elles s’adjoignirent à l’ordre des Ermites de saint Augustin, et il est probable qu’elles aient adopté dès auparavant la Règle de saint Augustin. Après le Concile de Trente elles furent projetées malgré elles dans une « réforme » qui en fit des Chanoinesses de saint Augustin. Enfin, à l’instar des autres Instituts elles subirent le nivellement canonique du début du XXe siècle. Lorsqu’elles s’interrogent aujourd’hui sur leur fidélité à leurs traditions, il apparaît déjà qu’elles ont à établir une hiérarchie entre leurs fidélités à divers courants spirituels auxquels elles ont été rattachées mais qui correspondent de façons inégales à leur charisme originel. Je voudrais qu’il soit clair que je n’entends pas, en ce qui suit, tracer des lignes de conduite aux Augustines de la Miséricorde de Jésus, mais simplement décrire ce qui, à l’historien de la vie religieuse, semble découler objectivement de l’analyse des faits.
a) Au-delà de la fidélité à des cadres juridiques hérités de Trente ou du code de droit canon, elles doivent avant tout fidélité aux diverses grandes traditions spirituelles dans lesquelles s’est moulée leur histoire.
b) Mais en premier lieu il me semble important de préciser qu’il ne peut aucunement être question pour elles de fidélité à une quelconque tradition monastique. À aucun moment de leur histoire elles n’ont vécu la vie monastique au sens propre du terme et à aucun moment elles ne furent un Ordre monastique. A fortiori elles ne peuvent se rattacher au monachisme augustinien qui cessa d’exister au début du VIII’ siècle. De plus, tout le Moyen-âge a été très soucieux de distinguer la vie canoniale et la vie des Mendiants de la vie monastique. L’utilisation dans leurs documents des mots moniale et monastère ne doit pas faire illusion. En latin le mot monialis (plus souvent sanctimonialis) est un terme générique pour désigner toute religieuse ou toute femme consacrée à Dieu. Saint Augustin lui-même l’emploie souvent dans ses écrits pour désigner des vierges habitant dans le monde [8] . Le féminin latin de moine (monachus) n’est pas rnonialis mais bien monacha. Quant au mot monastère il est lui aussi un terme générique désignant à peu près tout genre de maison religieuse. Dans la tradition proprement monastique, le mot monasteriurn désigne non pas, comme on le pense souvent, un édifice ayant une architecture déterminée, mais tout lieu où vivent un moine ou des moines. La grotte d’un ermite dans la montagne est appelée monastère, tout aussi bien que la cabane où vivent deux ou trois frères ou encore les grands bâtiments copiés sur l’architecture des châteaux médiévaux ou des édifices publics modernes que nous avons pris l’habitude d’appeler monastères de nos jours.
c) La fidélité des Augustines à la tradition augustinienne n’est pas la fidélité à Augustin comme â un « fondateur », mais la fidélité à un grand courant spirituel, celui des ordres mendiants et canoniaux, qui ont trouvé dans la spiritualité d’Augustin le meilleur de leur nourriture spirituelle.
d) Au-delà de toutes ces traditions et de tous ces courants, l’essentiel de la fidélité des Augustines réside évidemment dans la fidélité au modèle de vie des premières hospitalières de Dieppe, Le charisme propre d’un institut s’exprime toujours au meilleur de sa pureté dans la période qui précède toute institutionnalisation.

* * *
En cette période de mutations rapides où nous vivons, les Augustines sont comme prédisposées, de par leurs racines augustiniennes mêmes, à l’évolution et à l’adaptation. Nul homme n’a été aussi ouvert à l’évolution et au changement qu’Augustin. Il a vécu à une période de profonds bouleversements et a donné, dans ses lettres 36, 54 et 55 entre autres, des principes qui sont encore d’actualité. Selon lui il y a ce qui doit rester immuable: l’Écriture Sainte et la Tradition de l’Église universelle. Tout le reste peut varier à condition que l’on maintienne la paix et la charité dans le respect des personnes, surtout des « petits » dans la foi, et dans la liberté des observances [9] . L’amour fraternel, l’humilité et la pauvreté resteront toujours les grandes caractéristiques de sa spiritualité, de même qu’un lien étroit entre l’action et la contemplation. Il revient sans cesse dans sa prédication sur la complémentarité de Marthe et de Marie, se refusant sans cesse et absolument à opposer l’une à l’autre [10] .
D’ailleurs l’orientation nettement missionnaire et apostolique de la tradition canoniale devrait mettre en garde contre ce danger qu’Augustin a combattu de privilégier la contemplation aux dépens du service des pauvres. L’insertion efficace dans le monde – autre caractéristique de la tradition canoniale – et la grande mobilité des membres en fonction d’une implantation rapide là où naissent les besoins nouveaux – caractéristique principale des ordres mendiants – ouvrent aux Augustines d’aujourd’hui des possibilités illimitées à l’intérieur même de la fidélité à leurs traditions, pour la découverte de nouveaux modes de présence aux pauvres et aux malades dans un monde radicalement différent de celui du Moyen-âge.
Au surplus, le charisme originel des premières hospitalières de Dieppe ne répugne à aucune de ces possibilités nouvelles, tant il est grand et ouvert dans sa simplicité.
Demeuré durant des siècles un tout petit groupe et n’ayant jamais connu un grand développement numérique, l’Ordre des Augustines de la Miséricorde a été plus vulnérable que les « Grands Ordres » aux influences externes au cours de son évolution. Par ailleurs la période de jaillissement de son charisme propre, antérieure à toute institutionnalisation, a été exceptionnellement longue. Ce fait met les Augustines d’aujourd’hui, en regard des exigences de renouveau, dans une situation de liberté évangélique beaucoup plus grande que ne le sont les nombreuses communautés nées au cœur même de périodes de structuration canonique (réformes grégorienne ou post-tridentine) et pour qui il est souvent difficile de séparer le charisme de la structure dans laquelle il a été moulé dès le début. Cette situation privilégiée constitue sans doute pour les Augustines un défi à relever aussi bien qu’une responsabilité et une mission.

Armand Veilleux, o.c.s.o.

Abbaye cistercienne, Mistassini, Qué., Canada

LES CONFESSIONS DE SAINT AUGUSTIN : CHAPITRE PREMIER., I,II,III, IV

17 juin, 2012

http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/augustin/confessions/livre1.htm#_Toc509572055

LES CONFESSIONS DE SAINT AUGUSTIN

CHAPITRE PREMIER., I,II,III, IV

GRANDEUR DE DIEU.

1. « Vous êtes grand, Seigneur, et infiniment louable (Ps, CXLIV, 3) ; grande est votre puissance, et il s n’est point de mesure à votre sagesse (Ps. CXLVI, 5). » Et c’est vous que l’homme veut louer, chétive partie de votre création, être de boue, promenant sa mortalité, et par elle le témoignage de son péché, et la preuve éloquente que vous résistez, Dieu que vous êtes, aux superbes (I Petr. V, 5 )! Et pourtant il veut vous louer, cet homme, chétive partie de votre création! Vous l’excitez à se complaire dans vos louanges; car vous nous avez faits pour vous, et notre coeur est inquiet jusqu’à ce qu’il repose en vous.
Donnez-moi, Seigneur, de savoir et de comprendre si notre premier acte est de vous invoquer ou de vous louer, et s’il faut, d’abord, vous connaître ou vous invoquer. Mais qui vous invoque en vous ignorant? On peut invoquer autre que vous dans cette ignorance. Ou plutôt ne vous invoque-t-on pas pour vous connaître? « Mais est-ce possible, sans croire ? Et comment croire, sans apôtre (Rom. X, 14) ? » Et: « Ceux. là loueront le Seigneur, qui le recherchent (Ps. XXI, 27). » Car le cherchant, ils le trouveront, et le .trou vaut, ils le loueront. Que je vous cherche Seigneur, en vous invoquant, et que je vous invoque en croyant en vous; car vous nous avez été annoncé. Ma foi vous invoque, Seigneur, cette foi que vous m’avez donnée, que vous m’avez inspirée par l’humanité de votre Fils, par le ministère de votre apôtre.

CHAPITRE II.
DIEU EST EN L’HOMME; L’HOMME EST EN DIEU.

2. Et comment invoquerai-je mon Dieu, mon Dieu et Seigneur? car l’invoquer, c’est l’appeler en moi. Et quelle place est en moi, pour qu’en moi vienne mon Dieu? pour que Dieu vienne en moi, Dieu qui a fait le ciel et la terre? Quoi! Seigneur mon Dieu, est-il en moi de quoi vous contenir? Mais le ciel et la terre que vous avez faits, et dans qui vous m’avez fait, vous contiennent-ils?
Or, de ce que sans vous rien ne serait, suit-il que tout ce qui est, vous contienne? Donc, puisque je suis, comment vous demandé-je de venir en moi, qui ne puis être sans que vous soyez en moi? et pourtant je ne suis point aux lieux profonds, et vous y êtes; « car si je descends en enfer je vous y trouve (Ps CXXXVIII,8). » Je ne serais donc point, mon Dieu, je ne serais point du tout si vous n’étiez en moi. Que dis-je? je ne serais point si je n’étais en vous, « de qui, par qui et en qui toutes choses sont (Rom. XI, 36.» (363) Il est ainsi, Seigneur, il est ainsi. Où donc vous appelé-je, puisque je suis en vous? D’où viendrez-vous en moi? car où me retirer hors du ciel et de la terre, pour que de là vienne en moi mon Dieu qui a dit: « C’est moi qui « remplis le ciel et la terre (Jérém. XXIII, 24)? »

CHAPITRE III.
DIEU EST TOUT ENTIER PARTOUT.

3. Etes-vous donc contenu par le ciel et la terre, parce que vous les remplissez? ou les remplissez-vous, et reste-t-il encore de vous, puisque vous n’en êtes pas contenu? Et où répandez-vous, hors du ciel et de la terre, le trop plein de votre être? Mais avez-vous besoin d’être contenu, vous qui contenez tout, puisque vous n’emplissez qu’en contenant? Les vases qui sont pleins de vous ne vous font pas votre équilibre; car s’ils se brisent, vous ne vous répandez pas; et lorsque vous vous répandez sur nous, vous ne tombez pas, mais vous nous élevez; et vous ne vous écoulez pas, mais vous recueillez.
Remplissant tout, est-ce de vous tout entier que vous remplissez toutes choses? Ou bien, tout ne pouvant vous contenir, contient-il partie de vous, et toute chose en même temps cette même partie? ou bien chaque être, chacune; les plus grands, davantage; les moindres, moins? Y a-t-il donc en vous, plus et moins? Ou plutôt n’êtes-vous pas tout entier partout, et, nulle part, contenu tout entier?

CHAPITRE IV.
GRANDEURS INEFFABLES DE DIEU.

4. Qu’êtes-vous donc, mon Dieu? qu’êtes-vous, sinon le Seigneur Dieu? « Car quel autre Seigneur que le Seigneur, quel autre Dieu que notre Dieu (Ps XVII, 32)? » O très-haut, très-bon, très-puissant, tout-puissant, très-miséricordieux et très-juste, très-caché et très-présent, très-beau et très-fort, stable et incompréhensible, immuable et remuant tout, jamais nouveau, jamais ancien, renouvelant tout et conduisant à leur insu les superbes au dépérissement, toujours en action, toujours en repos, amassant sans besoin, vous portez, remplissez et protégez ; vous créez, nourrissez et perfectionnez, cherchant lorsque rien ne vous manque!
Votre amour est sans passion; votre jalousie sans inquiétude; votre repentance, sans douleur; votre colère, sans trouble; vos oeuvre changent, vos conseils ne changent pas. Vous recouvrez ce que vous trouvez et n’avez jamais perdu. Jamais pauvre, vous aimez le gain; jamais avare, et vous exigez des usures. On vous donne de surérogation pour vous rendre débiteur; et qu’avons-nous qui ne soit vôtre? Vous rendez sans devoir; en payant, vous donnez et ne perdez rien. Et qu’ai-je dit, mon Dieu, ma vie, mes délices saintes? Et que dit-on de vous en parlant de vous? Mais malheur à qui se tait de vous! car sa parole est muette.

LE RÔLE DES AUGUSTINS DANS LA NOUVELLE ÉVANGÉLISATION

13 juin, 2012

http://www.zenit.org/article-31111?l=french

LE RÔLE DES AUGUSTINS DANS LA NOUVELLE ÉVANGÉLISATION

Par le Prieur général, le P. Robert F. Prevost

Traduction d’Océane Le Gall

ROME, mardi 12 juin 2012 (ZENIT.org) – Les Ordres mendiants, nés il y a plusieurs siècles, ont aujourd’hui une valeur très importante que nous pouvons partager et offrir à l’Eglise, a expliqué le P. Robert F. Prevost, Prieur général de l’ordre de Saint-Augustin lors de la réunion des Supérieurs généraux des ordres Mendiants.
Le P. Prévost participera, ainsi que le cardinal Prosper Grech, également de l’Ordre de Saint Augustin, à la XIIIème assemblée générale ordinaire du Synode des évêques sur La nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne qui se tiendra à Rome du 7 au 28 octobre prochain.
Les Supérieurs généraux des Ordres mendiants se sont réunis pour réfléchir précisément à ce qu’ils peuvent apporter à l’Eglise dans le cadre de ce synode et de cette nouvelle évangélisation. A ce propos, le P. Prevost pense que « leurs charismes peuvent aujourd’hui être utiles » et méritent d’être soulignés.
Mgr Rino Fisichella, président du Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation est intervenu à leur rencontre pour parler du rôle que les religieux peuvent avoir dans ce domaine et sur les défis qu’ils sont appelés à affronter.
Dix membres de l’Union des supérieurs généraux ont été élus pour participer au Synode, dont 5 appartiennent aux Ordres mendiants : les Ministres généraux des Frères mineurs, Frères conventuels et frères capucins, le Maitre Général des pères dominicains et le Prieur général de l’Ordre de Saint Augustin.
Les ordres mendiants ont fait leur apparition au XIIIe siècle à un moment de profond changement pour la société marquée par la renaissance des villes et la naissance des universités.
Les nouveaux Ordres religieux conservent la dimension spirituelle et contemplative propre aux Ordres monastiques, leur mode de vie et de prière, mais mettent leurs communautés au service de l’Eglise.
Le Prieur général de l’Ordre de Saint-Augustin explique : « Dans le respect de nos charismes, nous pensons comme Ordres mendiants qu’il est important de nous rencontrer pour réfléchir à certains aspects de notre vie, en particulier à la pauvreté évangélique et la fraternité qui sont pour nous, Augustins, des éléments très importants. La vie commune est un élément fondamental de notre charisme auquel s’ajoute naturellement celui du service apostolique ».
Concernant le prochain synode sur la nouvelle évangélisation et la présence des Ordres mendiants aux travaux, le P. Prevost relève qu’ils y auront une « place importante » et se dit convaincu qu’encore aujourd’hui, de par leur expérience et leur histoire, leur identité et action, ces ordres ont « beaucoup à dire et à offrir » à la communauté chrétienne, « non pas individuellement en tant que frères, prêtres ou religieux, mais en tant que communauté et fraternité ».
Ainsi, durant leur réunion, pères et frères des Ordres mendiants ont beaucoup insisté sur cette dimension communautaire, se penchant sur la théologie de leur vie religieuse et sur les défis du monde actuel qui, selon eux, à encore aujourd’hui besoin du message qu’ils peuvent offrir.
Le P. Prevost a passé en revue les trois domaines d’action où les Augustins auraient leur part à jouer dans ce processus de la nouvelle évangélisation : le service pastoral selon le charisme de saint Augustin, le dialogue entre foi et raison, le témoignage de la fraternité, toujours et quoi qu’il arrive, partout où l’Eglise a besoin.
« Pour nous Augustins, a-t-il dit, il est important de fonctionner en termes de communauté. Nous sommes des frères consacrés et nous offrons au monde le témoignage que nous rendons sous les divers aspects de notre vie. Je parle de notre engagement de foi qui naît de notre vie spirituelle, de la dimension contemplative faite de silence, d’écoute, d’ouverture à la présence de Dieu, au mystère de la présence de Dieu. »
Face à toutes ces personnes qui, aujourd’hui, ne savent plus comment entreprendre une recherche de Dieu, thème de prédilection des Augustins, le P. Prevost pense que les religieux de l’Ordre de Saint-Augustin « ont des choses à dire ».
Mais dans cette optique, a-t-il ajouté, et « toujours ouverts à la mission de l’Eglise », il est important que les religieux se trouvent aussi « là où les besoins se font le plus sentir ».
« Notre ordre n’a jamais eu qu’une seule dimension dans son apostolat. Certes, la culture, l’étude, la recherche, et l’enquête théologique son bien présentes : encore aujourd’hui beaucoup d’Augustins travaillent dans ces domaines et ils peuvent contribuer à la mission de l’Eglise dans un monde qui change rapidement. »
« Répondre aux défis du monde d’aujourd’hui dans ce domaine », est très important estime le P. Prevost : « Le pape, citant aussi saint Augustin, parle de la nécessité d’un binôme foi et raison : je pense que nous, Augustiniens, nous avons un devoir qui nous attend dans cette nouvelle ».
Le prieur général de l’Ordre de Saint-Augustin souligne un autre champ d’action : « Vivre un mode de vie communautaire qui peut être un modèle pour le monde, aujourd’hui en crise au niveau économique et au plan de la dignité des personnes ».
« En tant que communautés dites ‘internationales’, nous pouvons être une présence prophétique qui dit au monde qu’il est possible de vivre ensemble, qu’il est possible de surmonter les différences en reconnaissant la valeur des différentes cultures et indiquant la voie qu’il faut prendre pour marcher ensemble », a fait remarquer le P. Prevost, avant de conclure : « En tant qu’Ordre de Saint-Augustin, nous pouvons aussi être ‘témoignage’, et encourager d’autres à vivre en dialogue, compréhension, justice et acceptation de la dignité des personnes pour marcher ensemble vers le Royaume ».

Trois commentaires de saint Augustin sur l’Ascension

19 mai, 2012

http://www.prierenfamille.com/Fiche.php?Id=337

Trois commentaires de saint Augustin sur l’Ascension

Les mystères de l’homme et de Dieu…
Un corps formé de terre est donc placé au sommet des cieux…
Et quand Il eut dit ces paroles, ils Le virent s’élever : la fête de ce jour nous manifeste les mystères de l’homme et de Dieu :
sous une seule et même personne, reconnais dans Celui qui élève, la divine 

l’Ascension de Jésus est la promesse de notre future entrée au ciel
En transportant la nature humaine dans les cieux, Il a montré que le ciel peut s’ouvrir aux croyants ; et en élevant aux régions célestes le vainqueur de la mort, Il a montré aux vainqueurs où ils devaient Le suivre.
L’Ascension du Seigneur est la confirmation de la foi catholique, en nous permettant de croire en sécurité pour l’avenir au don futur ; nous attendons la faveur de ce miracle, dont nous avons déjà perçu l’effet présentement.
Que chaque fidèle, après avoir vu de si grandes choses, apprenne, par ce qu’il voit déjà réalisé, à espérer les choses promises, regardant la bonté passée et présente de son Dieu comme un gage des bien futurs. (Saint Augustin, sermon 3 sur l’Ascension)

Quelles conséquences tirer de cet événement pour notre vie quotidienne ?
Notre Sauveur est monté au ciel : ne nous troublons donc pas sur la terre.
Que notre esprit soit là où Il est, et ici sera le repos. Montons de cœur avec le Christ, en attendant que, son jour promis étant venu, nous le suivions aussi de corps.
Déposer le fardeau de nos vices et de nos péchés…
Cependant, il faut bien savoir que ni l’orgueil, ni l’avarice, ni la luxure ne montent avec notre médecin.
Et c’est pourquoi, si nous voulons suivre le médecin dans son ascension, nous devons déposer le fardeau de nos vices et de nos péchés. Ils nous chargent tous, pour ainsi dire, de chaînes, ils s’efforcent de nous retenir captifs dans les filets de nos fautes…
Montons avec Lui et tenons en haut nos cœurs, attachés au Seigneur
La résurrection du Seigneur est notre espérance, l’Ascension du Seigneur, notre glorification.
Si donc nous célébrons l’Ascension du Seigneur avec droiture, avec fidélité, avec dévotion,
avec sainteté et avec piété, montons avec Lui et tenons en haut nos cœurs.
Mais, en montant, gardons-nous de nous enorgueillir et de présumer de nos propres mérites.
Nous devons tenir nos cœurs en haut, attachés au Seigneur.
Car le cœur élevé, mais pas vers le Seigneur, cela s’appelle l’orgueil ;
tandis que le cœur au Seigneur, cela s’appelle refuge.
Voyez l’étonnante merveille :
Dieu est élevé, tu t’élèves toi-même et Il fuit loin de toi ; tu t’humilies et Il descend vers toi…
Le Christ est ressuscité pour nous donner l’espérance, puisqu’Il ressuscite l’homme qui meurt.
Il nous a donné cette assurance afin qu’en mourant, nous ne désespérions pas
et que nous ne pensions pas que notre vie finit dans la mort.
Car nous étions dans l’anxiété au sujet de notre âme elle-même, et c’est le Sauveur, en ressuscitant, qui nous a donné confiance en la résurrection de la chair.
Il te faut d’abord croire, afin qu’ensuite tu mérites par ta foi de voir Dieu.
Veux-tu voir Dieu ?
Ecoute-Le Lui-même : Bienheureux ceux qui ont le coeur pur, parce qu’ils verront Dieu. (Mt 5, 8)
Pense donc avant tout à purifier ton coeur : enlève tout ce que tu y vois qui puisse déplaire à Dieu. (Saint Augustin, sermon 2 sur l’Ascension)

Augustin d’Hippone : Donne-moi de reposer en toi

3 février, 2012

http://www.patristique.org/Augustin-d-Hippone-Donne-moi-de.html

Augustin d’Hippone : Donne-moi de reposer en toi

par Luc Fritz

Vous trouverez ici, sous forme psalmodiée, une prière de saint Augustin.

Qui me donnera, Seigneur, de reposer en toi ?
Qui me donnera que tu viennes en mon cœur et que tu l’enivres,
afin que j’oublie mon malheur,
et que je t’embrasse, toi, mon seul bien ?

Seigneur, qu’es-tu pour moi ?
Aie pitié, pour que je parle !
Et moi, qui suis-je pour toi,
pour que tu m’ordonnes de t’aimer ?

[…]

Dis-moi au nom de ta miséricorde,
Seigneur mon Dieu, ce que tu es pour moi.
Dis à mon âme : ton salut c’est moi.
Dis-le, de façon que je l’entende.

Voici les oreilles de mon cœur, Seigneur,
et dis à mon âme : ton salut c’est moi.
Je veux quêter cette parole, et te saisir.
Ne me cache pas ta face…, que je la voie.

Étroite est la maison de mon âme
pour que tu viennes y loger :
qu’elle se dilate grâce à toi !
Elle tombe en ruines : répare-la.

Elle a de quoi offenser tes yeux :
je l’avoue, je le sais.
Mais qui la purifiera ?
Vers quel autre que toi crierai-je ?

[…]

Je crois et c’est pourquoi je parle.
Seigneur, tu le sais.
Ne t’ai-je pas confessé mes fautes ?
N’as-tu pas remis l’impiété de mon cœur ?

Je n’entre pas en jugement avec toi,
Tu es la vérité,
Je ne veux pas me tromper moi-même,
de peur que mon iniquité ne se mente à elle-même.

Je n’entre pas en jugement avec toi,
Tu es la vérité.
Si tu retiens les fautes, Seigneur,
Seigneur, qui subsistera ?

SAINT AUGUSTIN : CE QU’IL SAIT AVEC CERTITUDE, C’EST QU’IL AIME DIEU.

27 août, 2011

du site:

http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/augustin/confessions/livre10.htm#_Toc509574567

SAINT AUGUSTIN – LES CONFESSIONS – LIVRE DIXIÈME –

CHAPITRE VI.

CE QU’IL SAIT AVEC CERTITUDE, C’EST QU’IL AIME DIEU.
 
8.         Ce que je sais, de toute la certitude de la conscience, Seigneur, c’est que je vous aime. Vous avez percé mon coeur de votre parole, et à l’instant je vous aimai. Le ciel et la terre et tout ce qu’ils contiennent ne me disent-ils pas aussi de toutes parts qu’il faut que je vous aime? Et ils ne cessent de le dire aux hommes, « afin qu’ils demeurent sans excuse ( Rom. I, 20). » Mais le langage de votre miséricorde est plus intérieur en celui dont vous daignez avoir pitié, et à qui il vous plaît de faire grâce (Ibid, IX ; 15); autrement le ciel et la terre racontent vos louanges à des sourds.
Qu’aimé-je donc en vous aimant? Ce n’est point la beauté selon l’étendue, ni la gloire selon le temps, ni l’éclat de cette lumière amie à nos yeux, ni les douces mélodies du chant, ni la suave odorance des fleurs et des parfums, ni la manne, ni le miel, ni les délices de la volupté.
Ce n’est pas là ce que j’aime en aimant mon Dieu, et pourtant j’aime une lumière, une mélodie, une odeur, un aliment, une volupté, en aimant mon Dieu; cette lumière, cette mélodie, cette odeur, cet aliment, cette volupté, suivant l’homme intérieur; lumière, harmonie, senteur, saveur, amour de l’âme, qui défient les limites de l’étendue, et les mesures du temps, et le souffle des vents, et la dent de la faim, et le dégoût de la jouissance, Voilà ce que j’aime en aimant mon Dieu.
9.         Et qu’est-ce enfin? J’ai interrogé la terre, et elle m’a dit: « Ce n’est pas moi. » Et tout ce qu’elle porte m’a fait même aveu. J’ai interrogé la mer et les abîmes, et les êtres animés qui glissent sous les eaux, et ils ont répondu: « Nous ne sommes pas ton Dieu; cherche au-dessus de nous. » J’ai interrogé les vents, et l’air avec ses habitants m’a dit de toutes parts: « Anaximènes se trompe; je ne suis pas Dieu. » J’interroge le ciel, le soleil, la lune, les étoiles, et ils me répondent: « Nous ne sommes pas non plus le Dieu que tu cherches. » Et je dis enfin à tous les objets qui se pressent aux portes de mes sens: « Parlez-moi de mon Dieu, puisque vous ne l’êtes pas; dites-moi de lui quelque chose. » Et ils me crient d’une voix éclatante: « C’est lui qui nous a faits ( Ps. XCIX, 3). »
La voix seule de mon désir interrogeait les créatures, et leur seule beauté était leur réponse. Et je me retournai vers moi-même, et je me suis dit : Et toi, qu’es-tu? Et j’ai répondu:
« Homme. » Et deux êtres sont sous mon obéissance; l’un extérieur, le corps; l’autre en moi et caché, l’âme. Auquel devais-je plutôt demander mon Dieu, vainement cherché, à travers le voile de mon corps, depuis la terre jusqu’au ciel, aussi loin que je puisse lancer en émissaires les rayons de mes yeux? (454)
Il valait mieux consulter l’être intérieur, car tous les envoyés des corps s’adressaient au tribunal de ce juge secret des réponses du ciel et de la terre et des créatures qui s’écriaient Nous ne sommes pas Dieu, mais son ouvrage. L’homme intérieur se sert de l’autre comme instrument de sa connaissance externe; moi, cet homme intérieur, moi esprit, j’ai cette connaissance par le sens corporel. J’ai demandé mon Dieu à l’univers, et il m’a répondu : Je ne suis pas Dieu, je suis son oeuvre.
10.       Mais l’univers n’offre-t-il pas même apparence à quiconque jouit de l’intégrité de ses sens? Pourquoi donc ne tient-il pas à tous même langage? Animaux grands et petits le voient, sans pouvoir l’interroger, en l’absence d’une raison maîtresse qui préside aux rapports des sens. Les hommes ont ce pouvoir afin que les grandeurs invisibles de Dieu soient aperçues par l’intelligence de ses ouvrages ( Rom. I, 20). Mais ils cèdent à l’amour des créatures; et, devenus leurs esclaves, ils ne peuvent plus être leurs juges.
Et elles ne répondent qu’à ceux qui les interrogent comme juges; et ce n’est point que leur langage, ou plutôt leur nature, varie, si l’un ne fait que voir, si l’autre, en voyant, interroge; mais dans leur apparente constance, muettes pour celui-ci, elles parlent à celui-là, ou plutôt elles parlent à tous, mais elles ne sont entendues que des hommes qui confrontent ces dispositions sensibles avec le témoignage intérieur de la vérité. Car la Vérité me dit : Ton Dieu n’est ni le ciel, ni la terre, ni tout autre corps. Et leur nature même dit aux yeux: Toute grandeur corporelle est moindre en sa partie qu’en son tout. Et tu es supérieure à tout cela; c’est à toi que je parle, ô mon âme, puisque tu donnes à ton corps cette vie végétative, que nul corps ne donne à un autre. Mais ton Dieu est la vie même de la vie. 
 

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