Archive pour la catégorie 'Père Frédéric Manns'

JÉRUSALEM, MÈRE DE DIEU – Frédéric Manns

10 mars, 2016

http://www.christusrex.org/www1/ofm/sbf/dialogue/mere_de_dieu.html

JÉRUSALEM, MÈRE DE DIEU

Frédéric Manns

Dans le dialogue inter religieux Marie tient peu de place, il faut l’avouer. Si les musulmans respectent la mère d’Issa, il n’en est pas toujours ainsi de la part des Juifs. Curieusement, la communauté judéo-chrétienne de Jérusalem, par souci de respect des frères aînés, répète qu’il est impossible de traduire en hébreu l’expression Marie, mère de Dieu, sans provoquer leur indignation. Pour ne choquer personne elle propose de traduire ’em immanouel ou ’em Yeshouah Eloheynou. Le concile d’Ephèse, qui a donné à Marie le titre de Theotokos, a connu les mêmes difficultés et les mêmes réticences. Les objections ne manquaient pas de la part de Nestorius. Malgré tout, l’Eglise a affirmé que Marie est la Theotokos ou la Dei Genitrix. C’est un fait que l’inculturation du message chrétien s’est faite dans le monde hellénistique. Mais, puisqu’il est impossible de réécrire l’histoire à rebours, une réflexion préliminaire doit rappeler la signification de l’expression : Marie, mère de Dieu. Le catéchisme de l’Eglise universelle au paragraphe 466 s’exprime ainsi : « Le Verbe en s’unissant dans sa personne une chair animée par une âme rationnelle est devenu homme. L’humanité de Jésus n’a d’autre sujet que la personne divine du Fils de Dieu qui l’a assumée et faite sienne dès sa conception. Pour cela le concile d’Ephèse a proclamé en 431 que Marie est devenue en toute vérité Mère de Dieu par la conception humaine du Fils de Dieu dans son sein : Mère de Dieu non pas parce que le Verbe de Dieu a tiré d’elle sa nature divine, mais parce que c’est d’elle qu’il tient le corps sacré doté d’une âme rationnelle uni auquel en sa personne le Verbe est dit naître selon la chair ». Plus loin, au paragraphe 495, le catéchisme continue: « Marie appelée dans les Evangiles mère de Jésus est appelée aussi sous l’inspiration de l’Esprit la Mère de mon Seigneur (Lc1,43). De fait, celui que Marie a conçu comme homme par l’action de l’Esprit et qui est devenu son Fils selon la chair est le Fils éternel du Père, la seconde personne de la Trinité. L’Eglise confesse que Marie est la Theotokos ». La traduction hébraïque de Lc 1,43 : ’em ’adony pourrait servir de modèle à une version moderne de l’expression Marie, mère de Dieu. La version syriaque de l’Evangile de Luc avait traduit : ’emeh de mary, Mar étant le titre réservé à Dieu. L’expression Marie “mère de Dieu” ne devrait pas choquer les frères aînés, parce que ce titre est attribué à Jérusalem. Du fait que la ville contient la présence symbolique de Dieu, elle est appelée Mère de Dieu. C’est ce qui ressort du targum du cantique des cantiques III,11 “Sortez, filles de Sion, voyez le roi Salomon avec le diadème dont sa mère l’a couronné, le jour de ses noces, le jour de la joie de son coeur”. “Quand le roi Salomon vint pour célébrer la dédicace du sanctuaire, un héraut cria à haute voix et dit ainsi : Sortez, habitants des districts de la terre d’Israël et peuple de Sion. Et regardez le roi Salomon avec le diadème et la couronne dont le peuple de la maison d’Israël le couronna au jour de la dédicace du Temple . Et réjouissez-vous pour la fête des Tentes pendant quatorze jours .”. Dans ce commentare les filles de Sion sont les habitants de la terre d’Israël et le peuple de Jérusalem. Le Roi Salomon est Dieu. Le nom Salomon indique directement Dieu dans tout le targum. La mère du Roi est le peuple de la maison d’Israël. La couronne que le peuple a posée sur Dieu est le Temple. Israël est mère de Dieu en tant qu’elle contient la présence de Dieu au temple. Le midrash Sifra Lev 9,221 applique la même interprétation à la tente du témoignage du désert après la théophanie du Sinaï. La présence de Dieu au milieu de son peuple fait de ce dernier la mère de Dieu. L’expression « Marie mère de Dieu » en fait ne choque pas plus les frères aînés juifs que l’affirmation de l’Incarnation de Dieu. Ce mystère est refusé également au nom de la transcendance de Dieu. Est-ce à dire que les chrétiens ont renoncé au monothéisme strict pour retourner à la mythologie grecque ? L’accusation est fréquente même dans les milieux ouverts au dialogue inter religieux. La foi au Christ dans la théologie chrétienne se remplit en Marie, mère de Dieu selon l’humanité, d’une lumière nouvelle : paradoxalement Marie ne cesse de dévoiler le visage humain de Dieu. Serge Boulgakov affirme que le secret que Marie dévoile est celui de la maternité de Dieu. L’amour de Dieu a un visage féminin, de nombreux théologiens l’ont rappelé récemment. Marie révèle encore un autre secret : celui de l’Eglise : « Il n’y a qu’une seule Vierge Mère et il me plaît de l’appeler l’Eglise », écrivait Clément d’Alexandrie. « La Mère de Dieu c’est l’Eglise qui prie », affirme de son côté Serge Boulgakov. Il existe donc un lien étroit et profond entre la présence de Marie et l’action de l’Eglise, entre la purification de l’âme en Marie et celle en Eglise. L’auteur de cette purification est l’Esprit de Dieu. Marie et l’Eglise sont les deux manifestations visibles de Celui qui reste invisible. L’Esprit est la Vierge et la Vierge est l’Eglise, selon l’affirmation de Saint Ambroise. Les icônes de Marie aux titres si variés ne font rien d’autre que de souligner les aspects différents de l’Eglise, vierge et mère. Marie est également à l’origine de la mémoire de l’Eglise. Elle méditait tous les souvenirs de l’Eglise des origines dans son cœur. Elle est l’archétype et la personnification de l’Eglise, corps du Christ et Temple de l’Esprit. Enfin, Marie, accueillant Dieu en elle lors de l’annonciation, montre que la nature humaine peut être complètement transfigurée par Dieu. Elle est l’image de l’âme fécondée par l’Esprit qui engendre le Seigneur. La Pentecôte, où Marie est présente comme mère de l’Eglise, n’est autre que la mission de l’Eglise visant à humaniser l’humanité tentée par l’animalité. Curieusement Marie de Nazareth, chantée par le monde entier et peinte par d’innombrables artistes, n’a pas de place dans l’encyclopédie Judaica. Une omission curieuse pour le moins pour la femme juive la plus célèbre dans le monde entier. « Les grands mystiques et les grands athées se rencontrent », disait Dostoïevski. C’est qu’il nous parlent d’un Dieu plus grand que notre cœur, que nos représentations mentales et que nos recherches spirituelles. Ce Dieu se révèle Autre et, pour qu’il vive, nos représentations confortables de Dieu et de Marie, doivent disparaître.

L’EGLISE DE JÉRUSALEM SE SOUVIENT DU DON DE L’ESPRIT – FRÉDÉRIC MANNS

18 août, 2015

http://198.62.75.1/www1/ofm/jub/JUBsymp1.html

L’EGLISE DE JÉRUSALEM SE SOUVIENT DU DON DE L’ESPRIT

FRÉDÉRIC MANNS

Studium Biblicum Franciscanum

Selon la volonté du St Père 1998 est l’année consacrée au St Esprit. L’Eglise-mère de Jérusalem née au Cénacle le jour de la Pentecôte ne peut ignorer cette date. On a pu reprocher à l’Eglise latine d’avoir ignoré l’Esprit trop longtemps, mais l’approche du Jubilé l’amène à un retour aux sources. Or la source de l’Eglise c’est l’Esprit.
Jérusalem est un microcosme unique en son genre. Non seulement toutes les Eglises y sont représentées, mais aussi tous les enfants d’Abraham. Faire Eglise à Jérusalem signifie travailler concrètement au dialogue oecuménique et inter-religieux. L’Esprit de Jésus est un esprit d’unité. C’est en mourant sur la croix pour rassembler les enfants de Dieu divisés que Jésus a donné l’Esprit.
L’an passé l’Eglise de Jérusalem avait cherché à répondre à la question de Jésus: Pour vous qui suis-je? Cette année elle profite du temps pascal pour se préparer à la Pentecôte et au don de l’Esprit. Une triple réfexion sera entreprise du 30 avril au 2 mai: après avoir scruté les Ecritures, un détour par la patristique permettra d’interroger la tradition chrétienne. Enfin la diversité des liturgies dans lesquelles l’Esprit continue à prier et à parler aux Eglises révèlera l’exégèse vécue par l’Eglise mère.
Tout d’abord un retour aux Ecritures s’impose. Ce sont elles qui nous enseignent que l’Esprit n’est pas seulement un souffle cosmique, mais qu’il est capable d’inspirer prophètes et les sages. Une lecture même rapide de la Bible montre qu’une grande inclusion littéraire délimite le livre sacré: au début du livre de la Genèse l’Esprit de Dieu plane sur les eaux et à la fin de l’Apocalypse un appel retentit: “L’Esprit et l’épouse disent: Viens Seigneur Jésus”. La finale de l’Apocalypse répond parfaitement au début de la Genèse. Toute l’Ecriture est ainsi mise sous la patronage de l’Esprit. Il faudrait ajouter: toute l’histoire du salut est éclairée par l’Esprit de Dieu. La clé qui ouvre les Ecritures et l’histoire du salut est l’Esprit. En d’autres termes, pour connaître l’Esprit il faut scruter les Ecritures. L’Esprit et la Parole entretiennent un rapport spécial.
La tradition chrétienne guidée par l’Esprit a sans cesse approfondi les Ecritures. Le fondateur de l’école biblique de Césarée, Origène, dans ses commentaires si riches et si instructifs, ouvre une ligne de pensée qui sera reprise en Orient, tandis qu’Augustin deviendra le chef de file de la tradition occidentale.
L’Eglise respire avec deux poumons. C’est à Jérusalem qu’on le découvre concrètement. Pour la tradition orientale l’Esprit est extase, sortie, don. Il est l’ouverture, le dynamisme de la charité divine qui se manifeste dans la création, la prophétie et dans l’incarnation du Fils de Dieu. Tandis que le Père est la source, le Fils la parole sortie du silence de Dieu, l’Esprit est le dynamisme divin. Le Père travaille dans la création par le moyen de ses deux mains que sont le Fils et l’Esprit selon l’expression de St Irénée (Adv. Haer. 1,22,1; 5,6,1). Ces deux mains sont inséparables dans leur action manifestatrice du Père et pourtant ineffablement distinctes. Le Verbe est en quelque sorte la main qui dégrossit l’oeuvre et l’Esprit la main qui la parfait. L’Esprit inonde la terre comme une eau bienfaisante qui unit les fidèles en une pâte, qui rafraîchit le sol et fait lever partout les moissons du Christ. L’Eglise répandue par toute la terre, appuyée sur l’Evangile, doit sa cohésion au même Esprit qui inspira les prophètes et qui, par les quatre évangélistes, souffle aux quatre coins du ciel la vie chrétienne. La gloire de l’homme c’est Dieu. Dieu se plaît à faire de l’homme le réceptacle de sa sagesse. La vie présente n’est que l’apprentissage de la vie incorruptible que donne l’Esprit.
Pour la tradition occidentale, représentée par St Augustin, l’Esprit est le lien d’unité entre l’aimé et l’aimant, étant lui-même l’amour. Il est le silence de la communion divine. Le Père et le Fils sont l’un pour l’autre, relatifs l’un à l’autre. L’Esprit est celui en qui ils s’unissent; s’accueillent et se reposent. L’Esprit brise la suffisance possible du face à face des deux premières figures. La tradition orientale lui a reconnu un rôle créateur et dynamique. Il est l’ouverture de la communion dynamique à ce qui n’est pas divin. Il est l’habitation de Dieu là où Dieu est en quelque sorte hors de lui-même. Aussi est-il appelé Amour. Il est l’extase de Dieu vers son autre, la créature. L’Esprit est en Dieu le terme de la communication substantielle.
Ces théologies diverses de l’Esprit sont vécues dans les liturgies des Eglises orientales et occidentales. La liturgie exploite la symbolique des couleurs lorsqu’elle prie l’Esprit. Le vêtement liturgique d’après la tradition arménienne rappelle que “le culte extérieur est l’image d’un ornement spirituel lumineux” (Nerses Shorali). L’Esprit revêt d’un vêtement celui qui s’approche de Dieu. Le christianisme médiéval a construit autour de la couleur rouge une théologie populaire de l’Esprit. La couleur, c’est d’abord de la lumière, tant sur le plan théologique que sur celui de la sensibilité. La couleur rouge c’est celle du sang et du vin, le sang de la vigne. C’est aussi celle du feu qui flambe et qui s’élance dans la nuit. Ce qui fait de la couleur rouge une source d’énergie christologique, c’est sa densité et sa concentration. C’est cette même couleur rouge qui suggère à la fois la Passion du Christ et qui symbolise l’Esprit. Tout se passe comme si c’était le même mystère qu’on insinuait avec la couleur rouge. Christologie et pneumatologie sont associées, bien que l’Esprit soit l’au-delà du Verbe. “Le Christ s’est offert dans un Esprit éternel”, affirme l’auteur de la lettre aux Hébreux 9,14. Dans le mystère de la Pentecôte le rouge-feu évoque les langues de feu qui descendirent sur les disciples. L’Esprit rend capable de parler. Le rouge est à la fois lumière et souffle, puissance et chaleur du feu. Il brille, éclaire et purifie.
Les liturgies orientales, qui célèbrent la divinisation de l’homme, renvoient à un autre symbole de l’Esprit: celui de l’eau. Dans le Christ Dieu a rassemblé l’humanité dispersée qui devient le corps du Christ. Le sang qui jaillit du côté transpercé du Christ enivre l’homme de ce grand amour. A l’unité du sang répond la diversité du feu, mais en fait le feu brûle déjà dans le sang. Le sang est chaud. L’Esprit est feu. C’est pourquoi le diacre verse dans le vin avant la communion un peu d’eau chaude pour symboliser le feu de l’Esprit.
La réflexion de l’Eglise de Jérusalem se veut oecuménique. Des évêques orthodoxes, arméniens, latins, coptes, syriens et melkites y participent. Elle se veut également inter-religieuse, puisqu’un juif et un musulman participent aux tables rondes. Le judaïsme connaît une théologie très variée de l’Esprit de Dieu ainsi que l’Islam qui dépend en partie du judéo-christianisme.
L’Esprit est la mémoire de l’Eglise, il est aussi son maître à penser. Il enseigne.
Le don messianique de l’Esprit a été annoncé sous forme d’onction. Cette onction est faite sur chaque chrétien lors de la confirmation et sur celui qui accepte au coeur de l’Église le sacerdoce ministériel. Le chrétien fait partie d’un peuple sacerdotal qui par le Christ peut offrir des sacrifices spirituels agréables à Dieu. L’Esprit lui confie la charge d’annoncer les merveilles que Dieu a réalisées lorsqu’il l’a fait passer à la vraie liberté des enfants de Dieu. L’Esprit ainsi conféré par le symbole de l’onction fait du chrétien un lutteur qui annonce l’évangile au milieu des plus grands obstacles. Cyrille de Jérusalem dans sa Catéchèse 18,3 rappelle que “de même que le pain eucharistique après l’épiclèse n’est plus du pain orinaire, mais le corps du Christ, le saint chrême n’est plus une huile ordinaire”.
Cyrille de Jérusalem, écrivait dans sa Catéchèse 16,1 “La grâce de l’Esprit est nécessaire si nous voulons parler de l’Esprit Saint. Car nous ne pouvons pas parler de façon adéquate de lui, mais nous pouvons le faire sans dégât, en nous limitant à ce qu’en disent les divines Ecritures”

 

L’EAU CHEZ SAINT JEAN – FRÉDÉRIC MANNS

14 juillet, 2015

http://www.interbible.org/interBible/ecritures/symboles/2010/sym_100528.html

L’EAU CHEZ SAINT JEAN – FRÉDÉRIC MANNS

PREMIÈRE PARTIE : LE SYMBOLE BIBLIQUE DE L’EAU

Le quatrième évangile [2] ne pouvait pas ignorer ce symbole fondamental associé d’une part au Jourdain et à la mer de Galilée, d’autre part aux piscines de Béthesda et de Siloé. En effet il apparaît dans huit chapitres du livre des signes, et une fois dans le livre de l’heure. L’ajout du chapitre 21 le mentionne une fois. Une progression caractérise ce symbole : dans les chapitres 1 et 5 l’eau signifie ce qui est préparation; dans les chapitres 4-12 l’eau est élevée au rang de symbole christologique; dans les chapitres 9-19 elle signifie le salut eschatologique apporté par Jésus.
Au chapitre 1 Jésus est baptisé dans les eaux du Jourdain. L’eau du baptême de Jean est opposée au baptême de Jésus dans l’Esprit. Je suis venu baptiser dans l’eau, affirme Jean et plus loin : Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est lui qui baptise dans l’Esprit Saint. Et moi j’ai vu et je témoigne que celui-ci est l’Élu de Dieu (1,33-34). La scène se passe à Béthanie, de l’autre côté du Jourdain! Le baptême dans l’eau évoque sans doute la purification précédant la nouvelle alliance annoncée par les prophètes Jérémie et Ézéchiel. C’est le Baptiste et ses disciples qui introduisent le symbole de l’eau dans le quatrième évangile.
Au chapitre 2, dans la scène des noces de Cana en Galilée, l’eau des jarres de purification [3] est opposée au vin. Le maître du repas ne sait pas d’où vient l’eau changée en vin. La scène est localisée en Galilée. L’eau devient un symbole qui annonce une réalité sacramentelle [4]. Le vin, œuvre du travail de l’homme, est symbole de justice et de joie eschatologique, tandis que l’eau, don gratuit de Dieu, exprime la piété divine. L’eau a une double fonction : elle permet la manifestation de la gloire de Jésus et transforme les disciples qui voyant ce signe croient en Jésus.
Au chapitre 3, dans le dialogue avec Nicodème, un maître en Israël, il est question à nouveau de la naissance de l’eau et de l’Esprit. À moins de renaître d’eau et d’Esprit nul ne peut entrer dans le Royaume de Dieu (3,3). Le chapitre se termine par une mention du baptême de Jésus. L’entretien de Jésus avec Nicodème se situe à Jérusalem. Ici encore l’eau, associée à l’Esprit, est un symbole sacramentel [5].
Au chapitre 4, le dialogue avec la Samaritaine oppose l’eau du puits de Jacob à l’eau vive que donne Jésus. Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : Donne-moi à boire, c’est toi qui l’aurais prié et il t’aurait donné de l’eau vive (4,10). C’est à Sycar en Samarie que la scène se situe. Après l’entretien de Nicodème avec Jésus la nuit, Jésus rencontre la Samaritaine en plein jour. Généralement les femmes venaient puiser l’eau le matin et le soir. Ici c’est en plein jour que la femme vient étancher sa soif. C’est auprès des puits que de nombreuses alliances furent scellées dans le premier Testament. Jésus fatigué révèle sa propre faiblesse. L’évangéliste comme d’habitude joue sur le double sens des expressions qui atteste le vocabulaire distinct de la communauté. Le dialogue débouche sur le problème du culte authentique qui doit être un culte en Esprit et en Vérité. Le salut qui vient des Juifs passe par la loi et les prophètes, mais également par la soif de connaître la révélation.
Au chapitre 5, lors de la guérison du paralytique à la piscine de Béthesda, il est question de l’eau agitée qui guérit. Le premier à entrer dans l’eau après qu’elle avait été agitée se trouvait guéri, quel que fût son mal (5,4). C’est à Jérusalem que la scène a lieu. L’eau a une vertu thérapeutique.
Au chapitre 6, après le signe de la multiplication des pains, Jésus marche sur les eaux du lac de Galilée. La scène évoque le passage de la mer Rouge qui dans la tradition juive symbolisait le baptême des Pères (1 Co 10,2).
Au chapitre 7, dans le contexte de la fête des Tentes, il est question de l’eau qui étanche la soif et de l’eau vive qui sortira du sein du Christ ou du croyant. Si quelqu’un a soif qu’il vienne et qu’il boive celui qui croit en moi. Selon le mot de l’Écriture : de son sein couleront des fleuves d’eau vive. Il parlait de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui (7,37-38). C’est au temple, dans le contexte de la fête des Tentes, après la procession qui remontait de la piscine de Siloé où l’eau avait été puisée, que Jésus fait cette déclaration. Plusieurs textes de l’Écriture trouvent ici leur accomplissement [6]. La Tosephta Succot admettait que l’eau de Siloé qui était versée en libation sur l’autel résumait toutes les eaux du monde, depuis les eaux de la création jusqu’aux eaux qui devaient jaillir de sous le Temple selon la prophétie de Zacharie. À l’eau de Siloé était associé l’Esprit du sanctuaire.
Au chapitre 9, dans la scène de la guérison de l’aveugle-né à Jérusalem, il est question de l’eau de Siloé. Or ce dernier terme devient un titre christologique. Les deux piscines de Jérusalem sont situées par rapport au Temple de Jérusalem [7].
Dans le livre de l’heure, l’eau associée au sang jaillit du côté du Christ en croix. Certains exégètes y ont vu la réalisation de la prophétie d’Éz 47, d’autres de la scène de Moïse qui frappe le rocher. Dans les deux hypothèses il s’agit d’eau vive que donne le Christ.
Au total des références sont faites à l’eau dans dix chapitres de l’Évangile de Jean. Les chiffres dix et un sont symboliquement identiques. Dans la dizaine le multiple revient à l’unité. Il est plus parfait que tous les nombres parfaits. La création avait été faite avec dix paroles. Noé apparaît à la dixième génération et était parfait parmi ceux de sa génération (Gn 6,9). Les dix plaies d’Égypte attestent la puissance de Dieu. Moïse avait reçu les dix paroles de Dieu au Sinaï.
Jésus fut baptisé par Jean, il fut immergé dans le Jourdain. On peut en déduire que l’humanité n’était pas encore totalement immergée et renouvelée ni en Noé, ni en Moïse et son peuple. Jésus, par contre, l’homme nouveau, (Jr 31,31-32) est capable de réaliser les prophéties de Jérémie et d’Ézéchiel, en créant une humanité régénérée par le bain du baptême, renouvelée avec un cœur et un esprit nouveau (Ez 36,26). Jésus est totalement purifié par l’eau vive. Son œuvre est de faire une nouvelle création.
En marchant sur les eaux Jésus manifeste sa puissance par rapport au cycle des eaux qui reconduisent sans cesse au préforme et au déluge. Il maitrise aussi les forces hostiles qui habitent la mer (Ap 13,1). Il est aussi capable d’apaiser la tempête (Lc 8,22-25) et les forces du mal qui habitent la mer. Avec le Christ on passe par la mort : c’est le sens du baptême (Rm 6,4-6). On se dépouille du vieil homme définitivement et on revêt l’humanité nouvelle du Christ ressuscité. La mort physique est la réalisation plénière et concrète du rite de l’immersion baptismale. D’où l’importance du rite d’immersion totale au baptême car lui seul symbolise vraiment la plénitude du symbole de renaissance par la mort. On ne peut pas rester immergé sous l’eau sans mourir. Le Christ fera disparaître les forces hostiles, la mer (Ap 21,1), mais, par contre, il donne de devenir en lui source jaillissante de vie éternelle (Jn 4,14).
Origène aborde dans ses Homélies sur la Genèse le thème privilégié du puits où les bergers des Patriarches abreuvaient leurs troupeaux. Il souhaite que l’eau du puits se transforme en source d’intelligence spirituelle pour tout homme, le juif et le chrétien :
L’outre est la lettre de la loi dont boit le peuple charnel pour en tirer quelque intelligence; cette lettre lui fait souvent défaut et ne peut avoir d’explication car en bien des points l’interprétation historique n’en peut. L’Église, elle, boit aux sources évangéliques et apostoliques qui ne tarissent jamais et qui se répandent sur les places publiques car elles sont abondantes et coulent toujours dans la largeur de l’interprétation spirituelle… Nous sommes souvent à côté du puits d’eaux vives, c’est-à-dire des divines Écritures, nous trompant sur elles. Nous possédons les livres et nous les lisons, mais nous n’allons pas jusqu’au sens spirituel. C’est pourquoi il faut des larmes et des prières incessantes pour que le Seigneur nous ouvre les yeux.

[2] Jones, L.P., The symbol of water in the Gospel of John. Sheffield 1977.
[3] Sur l’aspect historique de ces jarres de purification, voir Y. Magen-O. Rimon, Purity’ Broke Out in Israel. Stone Ves­sels in the Late Second Temple Period, University of Haifa : Haifa, 1994.
[4] O. Cullmann, Les sacrements dans l’Évangile johannique : la vie de Jésus et le culte de l’Église primitive (Études d’histoire et de philosophie religieuses 42), Presses universitaires de France : Paris 1951.
[5] O. Cullmann, Les sacrements dans l’Évangile johannique : la vie de Jésus et le culte de l’Église primitive (Études d’histoire et de philosophie religieuses 42), Presses universitaires de France : Paris, 1951.
[6] G. Bienaimé, « L’annonce des fleuves d’eau vive en Jean 7,37-39 », Revue théologique de Louvain 21 (1990) 281-310; 417-454.
[7] L. Devillers, « Une piscine peut en cacher une autre : à propos de Jean 5,1­9a. », Revue biblique 106 (1999) 175-205.

Source : La Terre Sainte 603 (septembre-octobre 2009).

ENCORE UNE FOIS LE PÉCHÉ ORIGINEL, Frédéric Manns

15 avril, 2015

http://www.christusrex.org/www1/ofm/sbf/dialogue/peche.html

ENCORE UNE FOIS LE PÉCHÉ ORIGINEL

Frédéric Manns

L’anthropologie juive, affirment certains, voit l’homme comme un être irréductible, accompli dès sa création. Au joug de la loi juive l’Eglise semble avoir substitué celui du péché originel, lui-même constitutif d’une culpabilité généralisée à toute l’humanité
C’est au Ve siècle, que l’Eglise, avec saint Augustin, a instauré le péché originel comme constitutif de la condition humaine, s’éloignant en cela de la conception judaïque de l’homme. Qu’en est-il de la théologie du péché originel due à Saint Augustin ? Il convient d’examiner les choses de près.
Le judaïsme ancien avait maintes fois mis le Messie en rapport avec Adam. Le Testament de Lévi 18 avait prophétisé que le Messie ouvrirait la porte du Paradis et qu’il enlèverait le glaive menaçant Adam. Le midrash Genèse Rabbah 12,6 rapportait une ancienne tradition selon laquelle le Messie restituerait les six objets qui furent enlevés à l’humanité à cause de la faute d’Adam . L’apôtre Paul s’insérait dans cette tradition lorsqu’il traçait un parallèle entre Jésus et Adam et affirmait que Jésus, le nouvel Adam, était venu pour sauver le premier Adam . Les conséquences que Paul tirait de cette affirmation devaient surprendre ses anciens collègues pharisiens et ses condisciples de la yeshiba de Rabban Gamaliel. Si le Christ était la plénitude de la loi, celle-ci n’avait plus de raison d’être. Son rôle de pédagogue étant terminé, la loi devenait source de malédiction .
La réponse juive donnée aux affirmations de Paul se vérifie en trois domaines: celui de la désobéissance d’Adam, celui de la pénitence d’Adam et celui de la sépulture d’Adam. Il nous suffira d’examiner ici le premier domaine.
Gen 3 présente la désobéissance d’Adam comme l’origine de la mort: “Tu es glaise et tu retourneras à la glaise” (3,19). Le mythe de la chute forme un épisode isolé dans l’Écriture . Le premier écho à ce texte se trouve en Ben Sira 25,23: “C’est avec la femme qu’a commencé le péché, et c’est à cause d’elle que nous mourons tous”. L’auteur du livre de la Sagesse donne une autre explication du phénomène de la mort: “Dieu n’a pas créé la mort et il ne prend pas plaisir au trépas des justes” (1,13). “C’est par l’envie du diable que la mort est entrée dans le monde” (2,24). Formé à la philosophie platonicienne, l’auteur du livre de la Sagesse introduit le principe de l’immortalité de l’âme dans son texte. La condamnation d’Adam devenait une exhortation à vivre dans la justice, car “la justice est immortelle et l’injustice conduit à la mort” (1,15).
Dans les milieux apocalyptiques le péché d’Adam est à peine mentionné. Le livre d’Hénoch éthiopien, au livre des veilleurs (1-36), y fait une brève allusion lorsque Raphaël montre à Hénoch l’arbre de la sagesse du Paradis: “C’est pour avoir mangé de son fruit qu’Adam et Eve connurent la vérité et furent chassés du Paradis” (32,6). L’auteur du livre des veilleurs souligne par contre la responsabilité des anges qui se sont unis aux filles des hommes et ont introduit ainsi le mal dans le monde. Par contre l’auteur de 4 Esdras attache à nouveau une importance plus grande au péché d’Adam. C’est parce qu’il a désobéi à l’ordre de Dieu qu’Adam a été condamné à mort et dans sa condamnation il a entraîné tous ses descendants (3,7). Affligé d’un mauvais coeur, il fut puni, lui et tous ceux qui naquirent de lui (3,21). Même le don de la loi au Sinaï n’a pu arracher le coeur mauvais (3,20). Puisque la création entière a été frappée les difficultés s’amoncellent partout (7,11-12).
Dans les milieux piétistes l’accent est mis également sur le péché d’Adam. La Vie d’Adam et d’Eve en témoigne. Adam reproche à Eve de n’avoir pas été capable de faire pénitence dans l’eau du Jourdain après la chute. C’est par la jalousie du diable, qui a refusé d’adorer l’image de Dieu en Adam, que le péché est entré dans le monde (12-15). Et le péché d’Adam aura comme conséquence le péché de Caïn (22-24).
Les rabbins connaissent l’idée que la mort est entrée dans le monde à cause du péché d’Adam. Le midrash Genèse Rabbah 17,8 rapporte une tradition du maître tannaïte R. José affirmant que les femmes doivent se couvrir la tête, parce que celui qui a commis une faute a honte d’être vu. De plus, les femmes suivent le cercueil lors des funérailles pour indiquer que ce sont elles qui ont amené la mort dans le monde. Le midrash Sifre Dt 6,4 orchestre la croyance en la corruption des hommes due au péché d’Adam: Jacob craint qu’il ait un fils indigne, car d’Abraham naquit l’impur Ismaël et d’Isaac naquit l’impur Esaü. La liturgie juive répète cette tradition dans le Targum Néofiti Gen 49,2. Au troisième siècle les maîtres amoraim conservent encore des traces de cette croyance. Le Talmud, au traité Sabbat 55b, rapporte la tradition suivante de R. Johanan: “Quand le serpent eut raison d’Eve, il lui infligea une souillure qui disparut pour les Israélites lorsqu’ils se tinrent devant le Sinaï”. En d’autres termes, R. Johanan reconnaît qu’Eve fut souillée après le péché. Il s’agit probablement d’une souillure morale dont les Israélites furent lavés lorsqu’ils acceptèrent la loi. Mais leur innocence retrouvée fut de brève durée, puisqu’en fabriquant le veau d’or, ils redonnèrent autorité à l’ange de la mort sur eux. Le Talmud, au traité Jebamot 103b, fait état de cette tradition.
Un second témoin de l’existence d’une souillure dans l’humanité après la chute d’Adam se trouve dans le traité Aboda Zara 22b du Talmud de Babylone. Abba bar Kahana, un maître amora, affirme: “Jusqu’à la troisième génération des Patriarches, la souillure ne leur fut pas enlevée, car Abraham eut pour fils Ismaël et Isaac eut pour fils Esaü. C’est Jacob qui le premier engendra douze fils exempts de défauts”. Le traité Pesahim 56a attribue une tradition semblable à R. Simon ben Laqish .
Il semble donc que les maîtres tannaïtes et amoraim aient connu la thèse d’une transmission du péché à la postérité d’Adam. Bientôt, par réaction contre Paul qui orchestrait la même affirmation, la chute d’Adam allait perdre sa place centrale pour n’être considérée que comme un péché à côté d’autres péchés. Lorsque les rabbins affirment que la Shekinah remonte au premier ciel après le péché d’Adam, puis au second ciel après le péché de Caïn et ainsi de suite après les fautes de la génération d’Enosh et de celle du déluge, ils réduisent implicitement la faute d’Adam à n’être qu’une faute à côté d’autres. Cette conviction est répétée en Genèse Rabbah 19,7 et Nombres Rabbah 13,2. Mais il y a plus. R. Méir semble contredire le texte de Gen 3 et considère la mort comme nécessaire dans le plan du monde. Commentant Gen 1,31 “Et Dieu vit que cela était très bon” (twb m’wd), il s’exprime ainsi: “Le terme m’wd (très) signifie la mort (mwt). Ainsi le verset signifie que Dieu vit que la mort était très bonne” . Le problème de la mort trouve donc une explication différente de celle de la Bible. Dans d’autres textes les rabbins n’hésiteront pas à présenter la foi d’Abraham comme l’antidote de la chute d’Adam. L’auteur de Genèse Rabbah 14,6 émet l’hypothèse suivante: “C’est Abraham qui devait être créé le premier, mais Dieu se dit: Peut-être péchera-t-il et n’y aura-t-il personne pour réparer son oeuvre? En créant Adam, je suis sûr que s’il se pervertit, Abraham viendra et remettra les choses en ordre”.
Généralement les rabbins verront un correctif à la chute d’Adam dans l’acte de foi par lequel Israël accepte d’obéir à la loi de façon inconditionnée. Lorsque Dieu descendit sur le Sinaï, il était escorté de myriades d’anges; ceux-ci ornèrent les Israélites de couronnes et les pourvoyèrent d’armes qui les rendirent invulnérables contre la mort . Ces armes devaient faire contrepoids à l’épée des chérubins postés à la porte du Paradis pour en garder l’entrée. La loi devint ainsi un moyen de libération et d’affranchissement.
Pour éviter de trop mettre en évidence le péché d’Adam les rabbins souligneront toujours plus une autre cause du mal: la tendance au mal présente dans le coeur de l’homme. En effet Dieu avait créé Adam avec deux penchants . Quand Dieu dit que tout était bon, il embrassait du même regard le mauvais et le bon penchant . Comment le mauvais penchant pouvait-il être bon? C’est que sans lui l’homme ne bâtirait pas de maison, ne prendrait pas de femme et n’engendrerait pas d’enfants. La présence en l’homme de cet ennemi intérieur n’entache en rien sa pureté originelle et ne compromet pas sa vertu . Une telle conception s’éloignait des affirmations des rabbins tannaïtes et des maîtres chrétiens qui soulignaient le “péché originel” d’Adam .
Il faut relire les sources juives avant de faire des affirmations à l’emporte-pièce concernant le christianisme. Le judaïsme a connu bel et bien une affirmation de la souillure dans l’humanité après le péché d’Adam.

VOUS PUISEREZ AVEC JOIE AUX SOURCES DU SALUT – Frédéric Manns

24 février, 2015

http://www.christusrex.org/www1/ofm/sbf/dialogue/fetes.html

VOUS PUISEREZ AVEC JOIE AUX SOURCES DU SALUT

Frédéric Manns

Dans le calendrier juif le mois de Tishri, qui correspond à notre mois de septembre/octobre, est le mois par excellence des fêtes. Le premier du mois la fête du nouvel an commémore la création de l’homme, le jugement final et la royauté de Dieu. Evoquer dans un même regard le début et la fin de l’humanité, c’est méditer sur le sens de l’aventure humaine. La corne de bélier qu’on sonne à la synagogue en souvenir du bélier qu’Abraham sacrifia à la place de son fils Isaac fait mémoire des mérites des Pères qui intercèdent aujourd’hui pour leurs enfants.
Le nouvel an est suivi de dix jours de pénitence au cours desquels on demande pardon à tous ceux qu’on a offensés. La réconciliation avec les frères prépare ainsi le don de la miséricorde de Dieu. « Confessez vos péchés les uns aux autres » recommandait Saint Jacques aux premiers chrétiens issus de la Synagogue.
Le dix du mois la fête des Expiations se déroule dans le jeûne, la prière et l’aveu des péchés. Le pardon de Dieu est accordé seulement pour les péchés commis contre Dieu. Les péchés commis contre le prochain ne sont pardonnés que si on se réconcilie avec eux. « Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons » enseigne Jésus.
A l’époque du Temple le grand prêtre entrait dans le Saint des Saints pour en faire l’aspersion avec le sang des taureaux et des boucs. « Notre grand prêtre n’est pas dans la nécessité d’offrir des victimes d’abord pour ses propres péchés, ensuite pour ceux de son peuple. Il l’a fait une fois pour toutes en s’offrant lui-même », affirme l’auteur de la lettre aux Hébreux.
Du quinze au vingt-deux les juifs célèbrent la fête des Tentes sous le signe de la joie. Ils habitent dans des tentes pour faire mémoire du passage au désert après la sortie d’Egypte. Ils prennent en main un bouquet formé d’une branche de palmier, d’un rameau de myrte, d’un rameau de saule et d’un cédrat (etrog). Ces quatre « espèces » symbolisent le peuple: en effet, de même que certaines sont parfumées, des fidèles se distinguent par leurs bonnes oeuvres. De même que d’autres n’ont ni odeur ni beauté, certains pèlerins sont dépourvus de tout mérite. Mais Dieu considère le peuple dans son entier lorsqu’il le juge et le parfum des uns se communique aux autres. Ainsi le peuple expérimente la communion des saints.
Dans le Temple de Jérusalem chaque jour les prêtres descendaient à Siloé pour y puiser de l’eau qu’on versait en libation sur l’autel. Ce rite impliquait une supplication pour la pluie. C’est dans ce contexte que Jésus s’est écrié: « Que celui qui a soif vienne à moi et qu’il boive. De son sein couleront des fleuves d’eau vive ». Chaque soir, on allumait quatre chandeliers dans la cour des femmes au Temple. La cérémonie était appelée « joie du puisage de l’eau ». L’évangile de Jean situe dans ce contexte la déclaration de Jésus: « Je suis la lumière du monde ».
La liturgie des Tentes comportait un autre élément important. Au chant du Hosanna les pèlerins tournaient sept fois autour de l’autel tenant les palmes à la main. Ces cercles concentriques des pèlerins évoquaient l’expérience spirituelle de Dieu qui entoure son peuple et l’étreint: « Sa gauche, sous ma tête et sa droite m’étreint » chantait l’auteur du Cantique des cantiques. C’est aussi la prise de Jéricho, la ville des palmes, qu’évoquent ces cercles autour de l’autel. Jéricho symbolise les puissances du mal qui s’opposent à la prise de possession de la terre promise. Même si le mal est vaincu, il faut actualiser chaque année sa destruction pour évoquer le victoire eschatologique.
Enfin lors de la fête on offrait soixante-dix sacrifices pour toutes les nations du monde. Pour Israël c’était la promesse de l’intimité des nations et de la concorde universelle.
Les premières générations chrétiennes n’hésiteront pas un instant à montrer que la liturgie juive trouve son achèvement dans le Christ. C’est lui qui est roi, juge et grand prêtre. C’est lui qui donne l’eau vive de l’Esprit aux croyants et qui illumine le monde. C’est lui « notre paix » qui réconcilie juifs et païens.

LE SYMBOLE BIBLIQUE DE L’EAU – PAR FRÉDERIC MANNS

3 septembre, 2014

http://www.interbible.org/interBible/ecritures/symboles/2010/sym_100423.html

LE SYMBOLE BIBLIQUE DE L’EAU

PAR FRÉDERIC MANNS

L’eau est, dans la Bible comme dans la vie, un trésor dont on néglige peut-être l’importance. Le père Manns nous rappelle les cinq axes principaux sur lesquels s’articulent le thème de l’eau nous incitant à ne pas perdre une goutte de notre lecture des textes.
L’Esprit de Dieu planant sur les eaux

Le symbole biblique de l’eau associé à l’Esprit est l’objet d’une grande inclusion dans l’histoire biblique : il revient en Genèse 1,2 et en Apocalypse 22,17. L’eau est source de vie et fait revivre l’esprit.
Les valences de l’eau sont diversifiées dans la Bible : l’eau purifie et féconde, elle étanche la soif et elle guérit. Zacharie 13 avait annoncé qu’une source devait jaillir de Jérusalem pour la purification des habitants. Dans le premier Testament l’eau symbolisait soit la Loi soit l’Esprit [1].

Cinq symbolismes majeurs
Cinq directions essentielles du symbolisme de l’eau sont connues : celle de l’eau germinale et fécondante, celle de l’eau médicinale, source miraculeuse ou boisson d’éternité, celle de l’eau lustrale, celle enfin de l’eau diluviale permettant la purification et la régénération du genre humain.
L’eau germinale et fécondante s’explique par le fait qu’une des premières expériences de l’humanité est d’établir le lien entre la pluie et la croissance de la végétation. L’eau tombe du ciel, féconde la terre après l’avoir purifiée. Il en est de même de la Parole de Dieu qui vient du ciel, purifie et féconde, affirme le midrash Cantiques Rabbah. Ce commentaire juif rappelle que l’eau est conservée dans des jarres de terre et non pas dans des vases en or ou en argent, ce qui signifie que la Parole de Dieu demeure chez celui qui est humble, qui sait qu’il est fait de terre et qu’il retournera à la terre.
L’eau est médicinale puisqu’elle est l’inductrice de toute fécondité. Elle peut également redonner, prolonger et sauver la vie puisqu’elle en est la donatrice première.
L’eau est purifiante comme le prouve l’expérience courante de l’eau utilisée pour laver et pour faire disparaître les impuretés. Par l’immersion du bain rituel ou du baptême le symbolisme de l’eau fécondante, régénératrice, médicinale et purificatrice se concentrent dans un même rite.
L’eau est diluviale comme les mythes diluviaux universels l’attestent. Le déluge rejoint le mythe de l’éternel retour aux origines. La notion cyclique du temps exprime cette réalité. Il s’agit de rejoindre l’idéal de l’origine car celui-ci n’a pas été encore corrompu par l’histoire. Le déluge est l’événement purificateur qui permet la fin d’une humanité et le début d’une humanité nouvelle.
Moïse exprime la même réalité que Noé. Il est « tiré et sauvé des eaux » pour donner naissance à un peuple libre. En passant la mer Rouge, le peuple est libéré, il est immergé dans l’eau, il renaît, tout en étant préservé du passage par la mort, contrairement aux Égyptiens et à tous ceux qui ont été engloutis par le déluge mais sont finalement sauvés comme Noé. Noé et Moïse enfant flottent sur les eaux du déluge, alors que le peuple passe à pied sec dans les eaux de la mer (Ex 14,21).
Le salut que Dieu apporte à son peuple est symbolisé par l’eau : le Seigneur fait couler de l’eau, ou jaillir des sources dans le désert. Le Seigneur va désaltérer les assoiffés : la soif représente l’exil, l’oppression, et l’eau la libération, le bonheur. En Isaïe 44,3-5, le salut va plus loin que la simple libération, l’eau devient symbole de l’Esprit qui inspire à Israël une nouvelle fidélité au Seigneur. De la même façon, Dieu change les steppes arides en pays verdoyants, symbole de renouveau et de vivification (Isaïe 41,19; 45,18) où le salut et la justice ruissellent comme la rosée et germent comme les plantes (ls 49,9; 55,13). Inversement, Dieu peut assécher les rivières, dévaster la nature, en signe de sa puissance que rien n’arrête, de sa victoire sur ses ennemis, ou de la manifestation de sa colère contre l’impiété.
La fête des Tentes avait mis au centre de la liturgie la procession à la piscine de Siloé en passant par la porte des eaux. C’est de là que devait jaillir la source annoncée par le prophète Ézéchiel, source qui allait se jeter dans la mer Morte.
Au chapitre 21 de l’Évangile selon saint Jean la pêche miraculeuse au bord du lac de Galilée exploite le symbolisme des 153 gros poissons qui peut renvoyer à la gematrie (valeur numérique des lettres) de Eglaim de Ézéchiel 47,10, endroit où les pêcheurs jetteront leurs filets.
La prophétie d’Ézéchiel 47 est fondamentale dans la tradition juive. Dans la version de la Tosephta Succot 3,3 et du Midrash Pirqe de Rabbi Eliézer 51 l’eau qui sort du Temple se divise en trois, une partie va vers la grande mer, une partie vers la mer Morte et une partie vers la mer de Tibériade. D’après la version du Targum Ez 47,8 les eaux de la mer Morte sont purifiées au contact avec l’eau qui sort du Temple.
L’eau, capable de jouer le rôle d’un miroir, a comme caractéristique d’échapper. Elle échappe parce qu’elle n’a pas de forme tout en étant capable d’épouser toutes les formes possibles et imaginables. Elle va épouser la forme d’un vase et dès qu’elle est versée dans un verre, elle en épouse la forme. Elle échappe parce qu’elle a une très grande capacité de division. Elle s’évapore et, si on l’enferme, elle profite de la moindre faille. La maîtrise de l’eau a mis beaucoup de temps dans l’histoire.
Les eaux symbolisent la totalité des virtualités, la matrice de toutes les possibilités d’existence. Elles précèdent toute forme et l’immersion en elles, symbolise la régression dans le préformel, la régénération totale, une nouvelle naissance, car elles contiennent les germes de vie nouvelle, elles guérissent et, dans les rites funéraires, elles symbolisent la vie éternelle. Elles sont ainsi élevées au rang de symbole de vie. C’est pourquoi l’eau deviendra symbole de la Parole de Dieu et de l’Esprit de Dieu.

[1] F. Manns, Le symbole eau-esprit dans le judaïsme ancien, Jérusalem, Franciscan Printing Press, 1983.

Bethléem – Réflexions – Frédéric Manns, ofm

7 janvier, 2013

http://198.62.75.1/www1/ofm/sites/TSbtmanns2.html

Bethléem – Réflexions

Frédéric Manns, ofm

« Maison du pain » : telle serait selon Jérôme l’étymologie populaire du terme Bethléem. Dans un village ignoré, loin des agitations impériales de la forteresse romaine située non loin de là et connue sous le nom de l’Hérodion, paraît un enfant qui dans la fragilité de sa venue met un terme à l’attente inquiète d’Israël. Sur la tige de Jessé une fleur vient d’éclore. 
Jésus n’est pas l’homme divin que la mythologie grecque célébrait dans sa quête de sagesse. Il n’est pas non plus le symbole de l’humanité exaltée au point de devenir Dieu. Il est Dieu qui se fait homme. Le scandale chrétien est l’humanisation de Dieu, sa kénose, son humilité. 
Le message d’un Dieu qui s’humilie est déjà contenu dans les évangiles de l’enfance. Tandis que l’Evangile de Marc s’ouvre sur la proclamation du Règne de Dieu, Matthieu et Luc ont senti le besoin d’insister sur le mystère de l’Incarnation de Dieu. Le Dieu qui se fait homme vient accomplir les Ecritures d’Israël: « Si tu pouvais déchirer les cieux et descendre ». Un Dieu qui partage la condition de l’homme, qui souffre avec son peuple, qui intervient pour le libérer, voilà une nouveauté surprenante, mais déjà annoncée par les Ecritures. 
La Bible avait célébré l’efficacité de la Parole qui fut l’instrument de la création du monde. « Par sa Parole les cieux ont été faits ». Cette parole n’était autre que la Sagesse de Dieu. Ben Sira est arrivé à cette conclusion après de longues méditations. Le Nouveau Testament qui accomplit l’Ancien Testament en le dépassant, affirme dans le Prologue de l’Evangile de Jean: « Le Verbe s’est fait chair et il a demeuré parmi nous ». La Parole devient une personne en qui la gloire de Dieu se manifeste. Bethléem, la cité du roi David, accueille ce message révélé aux petits et non pas aux sages. La Sagesse a dressé sa tente au milieu des hommes. Dieu se révèle comme l’Emmanuel, un Dieu avec les hommes. 
Les Pères de l’Eglise frappés par une telle nouveauté ont commenté bien des fois cet événement. Une bonne nouvelle de cette envergure ne peut être que chantée, car elle réjouit le coeur. Elle ouvre les portes à une espérance illimitée. Irénée de Lyon, héritier de la tradition johannique, célèbre la nouveauté absolue de l’incarnation. Dieu fait toutes choses nouvelles. La naissance du Verbe fait craquer l’écorce de vétusté du monde. Tout ce qui est vieux et usé recule devant la naissance de Jésus. Celui qui vient de Dieu apporte avec lui toute la nouveauté. « Cieux nouveaux, terre nouvelle », avait annoncé le prophète Isaïe. C’est dire que la naissance de l’enfant de Bethléem a une dimension cosmique. Toute la création attend la libération, puisqu’elle a été soumise au péché. 
En s’incarnant la Parole de Dieu se fait ce que nous sommes pour que nous devenions ce qu’elle est. La terre est transformée en cieux au moment de l’incarnation par celui qui devient le « laboureur de Dieu », selon l’expression de Clément d’Alexandrie. Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu, répéteront les Pères de l’Eglise. Il s’est fait pauvre pour nous enrichir. Il s’est fait petit pour nous permettre de grandir. 
L’incarnation du Fils de Dieu signifie la vocation de l’homme à être divinisé. Fils de Dieu, nous le sommes réellement, affirme Saint Jean dans sa première lettre. Reconnaître cette dignité, c’est renoncer à proclamer l’absurdité du monde. La condition humaine a été tellement ennoblie qu’une étincelle divine resplendit en chaque créature. L’Esprit de Dieu qui a couvert Marie de son ombre est encore capable de répéter le même miracle. 
Les maîtres spirituels, en méditant le mystère du Verbe incarné, ont souvent parlé du Verbe abrégé. La parole longue de l’Ancien Testament qui a inspiré les prophètes s’abrège dans l’enfant qui naît à Bethléem. Et cette parole demande à naître dans le coeur des croyants. Saint François en conclura que le prédicateur doit faire une parole brève, puisque le Christ est la parole brève du Père, celle qui résume la Loi et les Prophètes. Le Christ, parole brève, résume son enseignement en un seul commandement: celui de l’amour. Il suffit que le prédicateur centre son homélie sur ce thème fondateur. 
Noël évoque une triple naissance: la naissance du Fils unique engendré par le Père céleste dans l’essence divine, celle qui s’accomplit à Bethléem par une mère qui dans sa fécondité garde l’absolue pureté; et celle par laquelle Dieu naît chez ceux qui l’accueillent. C’est dire que la symphonie de Noël reste inachevée tant que le coeur des croyants reste fermé. 
La Parole qui s’incarne demande de bannir tout ce qui est désincarné, rétréci et étriqué. Elle n’est plus simplement objet d’étude et d’approfondissements intellectuels. Etant devenue une personne, elle exige adoration, contemplation et respect. Plonger dans ce mystère c’est dilater son coeur et son regard pour éviter de se recroqueviller dans un repli frileux devant les possibilités étonnantes de notre monde. 
Rappeler l’incarnation en tête des Evangiles c’est redire l’originalité de la pensée chrétienne. Le Fils de Dieu qui partage la condition de l’homme est l’Adam nouveau, celui qui réalise pleinement la vocation de l’homme. Il est la Sagesse de Dieu annoncée dans l’Ancien Testament qui établit sa demeure parmi les hommes. Il est l’Emmanuel qui souffre et se réjouit avec l’humanité et la ramène vers le Père. A partir de Noël tout s’achemine sous la poussée de l’amour vers la Face du Père. Le temps est déjà enveloppé par l’éternité, parce que l’éternité s’est engagée dans le temps. La nuit du monde se transforme progressivement en clarté. 
Le Fils de Dieu lorsqu’il devient fils de la terre se laisse contenir en un point de l’espace et du temps. Bien plus il se laisse conditionner par une langue et une culture. En réalité, c’est lui qui contient l’univers. Il ne veut pas s’approprier à travers son corps le monde comme une proie, mais il le fait corps d’unité, chair cosmique et eucharistique. En lui le monde devient corporéité spirituelle, il est vivifié par l’Esprit. 
Le judaïsme et l’Islam refusent l’incarnation du Fils de Dieu en raison de la transcendance de Dieu. Un Dieu ne peut se mêler à sa créature qu’au risque de perdre sa divinité, affirment-ils. Le christianisme proclame que Dieu aime les hommes au point de devenir homme. L’incarnation n’est pas une humiliation de la raison de l’homme, mais la reconnaissance de la vraie dignité de l’homme. Elle est la finalité de la création : tout a été créé pour lui, affirme saint Paul. Origène, dans son Commentaire de l’Evangile de Matthieu 14,7 rappelait que le corps du Christ n’est pas quelque chose à côté de l’Eglise qui est son corps. Dieu ne les a pas unis comme deux, mais en une seule chair, défendant que l’homme sépare l’Eglise et Dieu. D’une façon invisible le mystère de l’incarnation se prolonge dans l’Eglise. 
La vie que Dieu a communiquée est une irradiation de son amour trinitaire. Le but de l’incarnation du Fils de Dieu a été de rendre possible la communion avec Dieu et entre les hommes. Un Dieu qui ne serait pas Trinité ne serait ni amour ni partage. Or ce partage commence à Noël et signifie le salut. 
Faire étape à Bethléem, c’est pour Jean Paul II fêter la rencontre du Christ eucharistique qui est la maison du pain de vie. C’est aussi préparer l’humanité pour le retour du retour en gloire du Fils de Dieu. 
Non loin de là au camp palestinien de Deheishe le pape en saluant les réfugiés qui depuis la guerre de 1948 connaissent une situation de précarité rend hommage à la dignité de tout homme. C’est une même logique qui le pousse à vénérer l’enfant de la crèche et le pauvre sans défense. Les réfugiés du monde entier connaissent une condition difficile qui fut celle de la sainte famille lorsqu’elle dut fuir en Egypte pour échapper à la colère d’Hérode. Il est urgent pour les chrétiens de déchiffrer les signes d’un autre monde qui commence à germer dans le nôtre. 

Gloire à Dieu et paix sur terre – Frédéric Manns

19 décembre, 2012

http://198.62.75.1/www1/ofm/sbf/dialogue/paix.html

Gloire à Dieu et paix sur terre

Frédéric Manns

Le dialogue interreligieux à Jérusalem a une caractéristique unique. Loin d’être replié sur soi, il a une dimension universelle. La violence expérimentée en Israël trouve immédiatement un écho dans tout le monde juif. Le monde musulman est attentif de son côté à la moindre injustice faite aux musulmans de Jérusalem et le monde chrétien ne peut pas ignorer la situation des frères chrétiens de Terre sainte. Jérusalem est une ville symbole. Pour ne pas désacraliser l’héritage de cette ville, il est urgent que le dialogue interreligieux se traduise dans un dialogue politique, puisque religion et politique ne sont pas séparés en Orient.
Les religions seront partie intégrante de la solution politique qui devra mettre fin aux années de violence. Un espoir de paix est né le 1 décembre 2003 lorsque des personnalités représentatives de la gauche israélienne et des forces palestiniennes ont choisi de signer officiellement un accord de paix annoncé depuis quelque temps.
En pleine escalade de violence cet accord, boudé par Ariel Sharon, démontre au monde entier que la paix est possible et que les Israéliens ont un partenaire pour la négocier. Apparemment le monde chrétien fut absent de cette négociation. En fait, sans les auspices du ministère suisse des affaires étrangères, la rencontre entre Juifs et musulmans n’aurait pas été possible. De plus, le Patriarche latin de Jérusalem a choisi comme thème de sa lettre de Noël la condamnation du terrorisme. C’est dans une dynamique de la paix qu’il entend orienter son Eglise. Les chrétiens font donc partie de l’échiquier du Moyen Orient.
L’accord de Genève ne représente pas une initiative privée. Les ex-ministres israélien et palestinien Yossi Beilin et Yasser Abed Rabbo ont été rejoints par l’ex-président travailliste Amram Mitzna et par l’ex-président de la Knesset Avraham Burg. Du côté palestinien, les anciens ministres Nabil Kassis et Hisham Abdel Razek ont trouvé l’appui du Tanzim de Marwan Barghouti représenté par Kadoura Fares et Mohamed Khourani.
Amram Mitzna commente cet événement : « Si le chef du gouvernement choisit d’appliquer l’initiative de Genève, il entrera dans les annales de l’Histoire comme celui qui a fondé Israël en tant qu’Etat juif et démocratique. Cet événement sera encore plus important que la Déclaration d’Indépendance de 1948, car il s’agissait alors d’un geste unilatéral, qui n’avait été reconnu que par quelques Etats dans le monde. »
Pour M. Mitzna, ceux qui s’opposent à ce projet craignent la paix, car l’essence même de ces gens du refus, c’est la provocation, l’intimidation et le combat. Et ils ont peur, car, désormais, nombreux sont ceux qui sont susceptibles de comprendre que durant trois ans, on les a trompés ».
Yasser Arafat, sans considérer l’accord comme officiel, déclarait « soutenir tout effort, notamment de la part de ces groupes israéliens qui sont pour la paix des braves que nous avons entamée avec mon ancien partenaire Rabin ».
Il faut avoir le courage de regarder la situation en face. Comment maintenir le contrôle militaire des territoires, tandis que la population palestinienne actuelle, dans les huit ans à venir, dépassera la population juive. Dans ce cas, un Israël démocratique cessera d’être un Etat juif, ou bien l’Etat juif cessera d’être démocratique, dominant une majorité arabe de plus en plus grande privée de droits civiques.                                    
Le Saint-Siège, qui vient de nommer un évêque auxiliaire de Jérusalem pour les chrétiens d’expression hébraïque, répète qu’il est favorable à l’existence et à la coopération de deux Etats en Terre-Sainte et souligne l’urgence de mettre fin au conflit. Le Patriarche de Jérusalem, de son côté a lancé à l’occasion de Noël une offensive de la non violence pour que le dialogue remplace la voix des armes.             
Pour que l’accord de Genève prenne corps, il faudra que la communauté internationale crée les conditions de son application. Le monde chrétien, s’il ne veut pas rester absent de ce concert des nations, doit reprendre rapidement la tradition des pèlerinages aux lieux saints pour traduire son intérêt au problème de la paix en Orient.

Lorsque la peur s’empare des artistes – Pére Manns

18 septembre, 2012

http://198.62.75.4/opt/xampp/custodia/?p=1314

Lorsque la peur s’empare des artistes

SBF Dialogue

L’autocensure artistique est à la une des journaux. Les artistes redoutent les réactions du monde musulman, alors qu’auparavant ils ne se souciaient guère du monde chrétien et peu du public juif. En Allemagne l’autocensure d’Idoménée a ému récemment le monde du spectacle. Au nom de la sécurité du public la direction de l’Opéra allemand a décidé, fin septembre, de supprimer de son programme l’opéra de Mozart. En effet dans la scène finale Idoménée, le roi de Crète, brandit les têtes de Poséidon, Jésus, Bouddha et Mahomet. Pourtant aucune intimidation n’avait été adressée à l’Opéra. La police régionale avait seulement mis en garde l’Opéra contre d’éventuelles réactions de musulmans qui pourraient se sentir offusqués.
Les blocages mentaux dans le domaine de la liberté d’expression se multiplient. Le débat est sensible en Allemagne après la conférence de Benoit XVI à Regensbourg, comme il l’avait été au Danemark l’an passé. En février, lors du carnaval de Düsseldorf, les organisateurs ont demandé aux participants de ne pas exhiber de satires de l’islam. En 2004 un char du défilé représentait un ayatollah coincé dans un hamburger géant baptisé « Burger Mollah de chez MacBush ». La sécurité avant toutes choses, s’est justifié le président du comité. Ne réveillons pas les chiens qui dorment.
L’Espagne de Zapatero, qui n’est pas tendre pour l’Eglise catholique, a elle aussi été touchée par cette vague d’autocensure. Le folklore de nombreuses communes commémorait chaque année la reconquête du pays par des évocations de batailles opposant « maures » et « chrétiens ». Près de Valence, les festivités se concluent par la destruction d’une figure géante de Mahomet. Beaucoup d’autres municipalités avaient arrêté ces pratiques, à la demande de l’Eglise, après Vatican II. Sans respect des autres, il n’y a pas de dialogue.
En Italie, où dans certaines écoles catholiques on avait enlevé le crucifix pour ne pas blesser la sensibilité des jeunes musulmans, les menaces de Smith se sont répétées contre la peinture de l’Eglise S. Petronio de Bologne qui met Mahomet en enfer. Le pape qui a demandé pardon aux juifs devrait faire la même demande de pardon aux musulmans.
En Angleterre la galerie Whitechapel, dans l’exposition consacrée à l’artiste Hans Bellmer, a écarté dix dessins érotiques, étant donné que dans le quartier habitent des musulmans. La liste de ces autocensures sera certainement allongée prochainement. Personne n’en doute.
On est malgré tout autorisé à se poser quelques questions. La société dite démocratique et laïque aurait-elle peur de certains sujets et ne respecterait-elle que les musulmans? Il est vrai que le monde artistique a une sensibilité à fleur de peau et sait d’où vient la violence et le terrorisme. Il vaut mieux prévenir que guérir. L’auto-critique est certainement une valeur à sauver dans la formation des jeunes générations, mais est-elle absolue? N’a-t-elle pas aussi ses limites? En France on a communiqué à grands frais sur le Da Vinci Code sans qu’il ait été précisé une seule fois qu’il s’agissait d’une œuvre de fiction aux antipodes de la réalité historique et biblique. Pourquoi le monde artistique utilise-t-il deux poids et deux mesures? Ce n’est pas ainsi qu’il contribuera à rétablir un dialogue authentique. L’art serait-il donc un reflet de la société? Ne faudrait-il pas revenir aux livres de jadis intitulés: Du bon usage des critiques? Peut-on évoquer les divergences de vues entre le monde islamique et l’Occident sans tomber dans le piège de l’idéologie? Les questions sont nombreuses. Leur réponse se trouve, en partie, dans l’Histoire. En quelques années, les attentats islamistes, les revendications communautaires et la poussée intégriste ont suscité une crainte légitime envers une religion éloignée de la culture chrétienne. Le retour à l’histoire qui est maîtresse de vie s’impose si on veut contribuer au réveil de la sagesse.
Frédéric Manns

SBF La Parole de Dieu: De la lecture liturgique à la lecture personnelle de l’Ecriture (Frédéric Manns, ofm)

11 février, 2012

http://www.custodiaterrasanta.com/SBF-La-Parole-de-Dieu-De-la.html

SBF La Parole de Dieu: De la lecture liturgique à la lecture personnelle de l’Ecriture

10/01/2009

La communauté de Taizé a décidé de faire imprimer et de distribuer un million de Bibles en chinois pendant l’année 2009. Fr. Alois Loser, le prieur de la communauté, a diffusé cette nouvelle le 28 décembre lors de la clôture de la 31° assemblée européenne des jeunes. C’est la version du Studium Biblicum Franciscanum de Hong Kong qui sera imprimée. C’est là sans doute un des fruits du synode sur l’Ecriture qui nous encourage à reprendre notre réflexion sur la Parole de Dieu.

Index:
Dieu se révèle à l’homme
L’Église des premiers siècles lit la Bible
Quelques grands interprètes de la Bible
La “lectio divina” naît dans les monastères
La Bible imprimée : chrétiens et protestants se divisent
Un défi pour le futur : Lire la Bible en Église

Le christianisme n’est pas une religion du Livre, mais une religion de la révélation de Dieu, un Dieu qui parle et fait alliance avec les hommes. C’est cependant grâce au texte que le chrétien entre en relation avec Dieu, un Dieu qui s’intéresse à l’histoire des hommes.
L’Evangile de Luc se conclut sur la scène des disciples d’Emmaüs. Deux hommes quittent Jérusalem après la mort de Jésus et rentrent chez eux. Ils sont déçus parce qu’ils espéraient que Jésus serait celui qui délivrerait Israël des Romains. Jésus les rejoint sur la route et « ouvrit pour eux les Ecritures ». Il explique, commente et interprète. Jésus part de Moïse, des prophètes et des autres écrits. L’exégète est Jésus, Dieu fait homme, mort et ressuscité.
Dans la suite du récit, les deux hommes font halte au village d’Emmaüs. Jésus prend le pain et le distribue. « Alors, leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent », dit Luc. En d’autres mots l’eucharistie est le haut lieu de réception et de compréhension des Ecritures. Le Livre est une nourriture. Il renferme la parole, une parole appelée à s’épanouir à l’intérieur des esprits et des corps.
Le principe d’interprétation du texte ne doit pas dépendre seulement de la critique historique ou de la subjectivité de l’interprète. Il doit s’ancrer dans la tradition de l’Eglise. C’est la lecture christologique qui rend raison de la richesse de l’Ecriture. Sinon le lecteur risque de tomber dans l’arbitraire subjectif ou dans le fanatisme fondamentaliste.
Vatican II a relié fortement la Bible, la parole de Dieu, la tradition et le magistère : l’Eglise reconnaît ainsi qu’il y a une source unique, la révélation de Dieu, qui passe à travers des canaux multiples, qu’on ne peut isoler les uns des autres. C’est pourquoi l’Eglise encourage à lire et à méditer la parole de Dieu, comme l’a fait le dernier synode des évêques à Rome, en octobre. La Bible est sur la place publique. Il ne faut pas la séparer de sa source, qui est le Dieu vivant. Il faut la recevoir pour la mettre en pratique.

L’Église des premiers siècles lit la Bible
Aux premiers siècles de notre ère, pour les communautés chrétiennes naissantes, les « Ecritures » désignent la Bible hébraïque et il n’est pas question de leur adjoindre un deuxième livre.
Des écrits sur Jésus apparaissent très tôt. Les lettres de l’apôtre Paul sont les textes les plus anciens. L’ancien persécuteur des chrétiens se met à proclamer le kérygme : « Le Christ est mort pour nous et il est ressuscité pour notre justification ». Celui qui reçoit le baptême obtient le pardon de ses péchés. Paul avait cependant mis en garde les chrétiens de Corinthe: « La lettre tue, l’esprit vivifie ».
Les quatre Evangiles furent rédigés après avoir connu une période de tradition orale. Leur origine est liturgique. Mais le noyau de ces écrits accompagnant les enseignements itinérants des apôtres et des prophètes, n’est que l’ombre portée de l’événement fondateur: la mort et la résurrection de Jésus.
Pour les jeunes Eglises chrétiennes, la question de la sélection des témoignages les plus fiables sur Jésus émerge seulement au courant du IIe siècle, quand l’éclatement doctrinal se profile. La montée en puissance du christianisme sur le pourtour méditerranéen s’accompagne en effet d’une floraison de doctrines entâchées par des philosophies ésotériques venues de Grèce, d’Iran ou d’Egypte, comme la gnose – un mot grec signifiant « connaissance ».
En quelques décennies, les courants gnostiques déferlent sur le christianisme oriental. Ils se caractérisent par une opposition entre le monde matériel, voué à la perdition, et le monde spirituel, objet d’une connaissance supérieure et réservé à une petite élite. Pour les désavouer, Irénée de Lyon recourt, à la fin du IIe siècle, à la notion de « tradition »: est considéré comme vrai ce qui a été reçu directement des apôtres et conservé intact dans les Eglises fondées par les apôtres, en particulier celle de Rome.
Irénée de Lyon fait ainsi remonter les quatre Evangiles à des apôtres directs (Matthieu et Jean) ou à leurs compagnons (Marc et Luc) et montre que les quatre textes proclament différemment la même chose. Le quatuor sonne juste, sans dissonance. Pourquoi quatre? Parce qu’il y a quatre points cardinaux, répond, imperturbable, Irénée. La réponse ne convainc visiblement pas des chrétiens qui manipulent, à cette époque, près d’une quinzaine d’Evangiles. Citons le célèbre Evangile de Thomas, déterré en Egypte en 1945 et titré « Paroles cachées de Jésus écrites par Thomas ».

Quelques grands interprètes de la Bible
C’est dans ce contexte polémique que s’impose la nécessité d’opérer un tri et de déterminer une règle qui définit les textes lui appartenant de droit. Ainsi naît l’idée d’un canon des Ecritures. Loin des bibliothèques gnostiques, les écrits chrétiens sont d’abord des paroles proclamées, à des fins d’enseignement ou de célébration.
Les siècles suivants vont alors faire apparaître un nouveau personnage, banal pour nous modernes, mais révolutionnaire pour l’Antiquité tardive: le lecteur privé des Ecritures.
Origène, à Césarée maritime, établit la première école biblique. Après avoir résout les problèmes de critique textuelle, il écrit ses commentaires allégoriques dont certains se rapprochent du midrash juif. A Bethléhem Jérôme traduit la Bible en latin, la Vulgate, et revient au texte hébreu, alors qu’Augustin d’Hippone préférait la traduction grecque des Septante.
Augustin qui vit à Milan est en recherche de la vérité. Déçu de tout, lassé des philosophes et de leurs contradictions, il se rend à l’église pour entendre les sermons de l’évêque Ambroise. Fasciné par cet homme pieux, Augustin se glisse ensuite dans son bureau, dont la porte est toujours ouverte. Et là, Ambroise, qui ne pensait pas être vu, lit un livre à voix basse. Pourquoi cette scène bouleverse-t-elle à ce point Augustin ? Simplement parce qu’elle le fait basculer dans un monde neuf, qui est encore aujourd’hui le nôtre: celui du livre comme compagnon intime, miroir de l’âme et ami de la solitude. La Bible chrétienne, dont les contours commencent alors à se dessiner, est le premier livre à jouer ce rôle en Occident. Le monde gréco-romain était un monde d’orateurs, formé à l’art de la rhétorique; le monde chrétien va devenir un monde de lecteurs. Le livre devient le lieu même où se joue la vie spirituelle.
La “lectio divina” naît dans les monastères
C’est du côté des premiers moines, au Ve siècle, que la pratique de la lectio divina, ou « lecture des textes divins », va se répandre, au point de devenir l’un des piliers de la vie monastique, avec le travail manuel et la prière du choeur. D’abord liturgique et public, le rapport au livre devient personnel. Il s’agit de lire la Bible comme une parole qui m’est adressée, à moi et à nul autre, à l’instant même où je la lis. Devenu un manuscrit copié à la plume d’oie dans le silence du scriptorium, le livre n’est plus une simple suite de propositions dédiées à l’enseignement, mais le lieu même où la vie spirituelle se joue. Dans les hermitages de Cappadoce les moines apprennent par cœur les Psaumes et les Evangiles pour les ruminer jour et nuit. Dans le désert de Juda Cariton, Sabbas et Eythyme fondent des laures où les moines travaillent et méditent les Ecritures durant la semaine et se retrouvent pour la liturgie dominicale.
A la fin du XIIe siècle, le prieur de la grande Chartreuse Guigues II fait de la lecture silencieuse le « premier barreau de l’échelle qui monte au ciel ». Il rédige en 1150 L’Echelle du moine, où il distingue quatre étapes dans la vie du moine : lecture, méditation, prière et contemplation. La lecture signifie cependant la recherche du sens littéral du texte.
Plus tard, François d’Assise veut que l’Evangile vécu au quotidien soit l’unique règle des Frères Mineurs, ce qui exige une méditation constante des saintes Ecritures. L’Institution du tiers ordre pour les laïcs met à la disposition du peuple chrétien les Evangiles. Mais les livres sont chers. Jusqu’à la Renaissance, la Bible existe principalement pour les clercs des monastères et des universités. Pour le peuple, elle se transmet par la liturgie qui la met en scène, la prédication qui l’explique et l’art qui la représente. Ainsi, les cathédrales avec leurs sculptures colorées, sont une Bible de pierre.
La lecture monastique commence cependant à ébranler la pierre des cathédrales. Peu à peu, la relation personnelle au livre saint remet en question les intermédiaires institutionnels. Une brèche apparaît, dans laquelle entreront au XVIe siècle les mouvements de réforme de l’Eglise.

La Bible imprimée : chrétiens et protestants se divisent
Le premier livre à sortir des presses de Gutenberg à Strasbourg en 1455 est la Bible. Gutenberg préfère imprimer sur papier plutôt que sur parchemin, ce qui lui permet d’abaisser considérablement le poids du livre. La technique devient ainsi l’alliée des humanistes et des réformés, pareillement soucieux de démocratiser l’accès à la Bible, en l’arrachant à la prédiction et à la liturgie. Malgré tout la Bible reste coûteuse et volumineuse. Cependant, la révolution est en marche. Elle fera du livre saint un objet malléable, offert à toutes les lectures et à toutes les interprétations.
« Sola fides » s’écrie alors Luther, court-circuitant la hiérarchie ecclésiale et son clergé. Pour le moine allemand la foi à l’intérieur du coeur ne doit avoir pour seul répondant, à l’extérieur, que le livre saint, lisible par tous.
Joignant le geste à la parole, l’initiateur de la Réforme traduit la Bible latine dans une langue allemande encore en formation, mais qu’il veut la plus proche possible de celle qui est utilisée par le peuple. Il poursuit ainsi un mouvement inauguré aux XIIe et XIIIe siècles, avec les premières traductions de la Bible en français. A l’époque, leur diffusion n’avait pas dépassé le cercle des familles royales. Cette fois, par l’imprimerie, le mouvement s’accélère et le public s’élargit.
Mais cette Bible des humanistes et des réformés n’est sans doute qu’un rêve: celui d’un accès simple et direct à une Parole divine qui illuminerait le lecteur aussitôt qu’il la découvrirait. Eloignée d’une lecture spirituelle qui dissimulait ses aspérités, la Bible apparaît à l’époque moderne comme un texte embarrassant: les contradictions historiques sautent aux yeux des fins lettrés que sont Baruch Spinoza (1632-1677) et surtout Richard Simon (1638-1712), auteur du grand ouvrage Histoire critique du Vieux Testament (1678). Simon, prêtre catholique, compare les différentes versions disponibles, révise les traductions et discute l’attribution des premiers textes de la Bible à Moïse. Il entend cependant laisser l’Ecriture à sa dimension divine, limitant l’objet et la portée de sa critique savante.

Un défi pour le futur : Lire la Bible en Église
Les mutations que le rapport au livre saint a connues au cours des siècles ne sont donc pas pour autant des fractures. Avec Internet commence une nouvelle mutation : la Bible est maintenant à la disposition de tous les navigateurs en toutes les langues du monde et avec des centaines de commentaires. C’est maintenant la lecture personnelle qui renvoie à une lecture plus communautaire. La dialectique poursuit son chemin : dans un premier temps de la lecture collective à la lecture personnelle, puis de la lecture personnelle à la lecture communautaire. Pour le chrétien de 2009, il s’agit plutôt d’intégrer sans les opposer ces trois usages du livre qui en ont bouleversé la réception: la lecture collective, la lecture personnelle et la lecture critique. Le recours à la lectio divina prôné par le synode devrait permettre de réaliser ce défi. Vatican II a rappelé que la hiérarchie institutionnelle est soumise à la parole de Dieu qui la jugera.
L’Orient a soif aujourd’hui de la parole de Dieu. La Bible qui est une vraie nourriture sera capable d’apaiser la faim des populations chinoises et asiatiques grâce à la générosité de la communauté de Taizé. L’Esprit qui parle au cœur des lecteurs leur permettra de saisir la richesse de la parole de Dieu. Les communautés chrétiennes auront pour tâche d’expliquer le texte millénaire qui est parole de Dieu pour aujourd’hui.

Frédéric Manns, ofm

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