Archive pour la catégorie 'Père du désert'

1. LA CONCEPTION DU DESERT CHEZ LES MOINES D’EGYPTE

23 février, 2011

du site:

http://eocf.free.fr/text_cours_monachisme_egypte_7.htm

INITIATION AU MONACHISME DES PREMIERS SIÈCLES CHRÉTIENS

Égypte et Palestine

par Soeur Véronique DUPONT, osb, Venière

CHAPITRE VII

BREVE SYNTHESE

DE LASPIRITUALITE DES PERES DU DESERT

1. LA CONCEPTION DU DESERT CHEZ LES MOINES D’EGYPTE

Pour bien comprendre la théologie spirituelle des Pères du désert d’Egypte, il convient d’entrer dans la signification du désert pour les égyptiens.
Dans la philosophie et la spiritualité grecques, le thème du désert est considéré comme étant par excellence l’endroit où l’homme jouit du calme; en effet, on joue sur les mots grecs eremios, eremia qui veut dire : désert, et eremia qui signifie : calme, tranquillité. Nous allons retrouver cela, après Philon et sous son influence, dans toute une lignée d’auteurs chrétiens, entre autres lorsqu’ils parlent de la solitude de Jean-Baptiste, ce prototype des anachorètes. Par exemple, chez Clément d’Alexandrie : « Dans le désert, Jean-Baptiste jouissait de la vie calme et de la solitude », ou chez Origène : « Jean-Baptiste fuyant le tumulte des villes, s’en alla au désert où l’air est plus pur, le ciel plus ouvert et Dieu plus familier », ou chez Méthode d’Olympe qui, dans Le Banquet, évoque le désert comme « un endroit où aucun mal ne peut pousser, où tout genre de corruption est stérilisé, zone d’accès difficile pour la foule ». Ainsi, le désert va apparaître comme l’endroit par excellence où se retirera le sage pour méditer loin de la foule, de la corruption et du bruit des villes. Saint Jérôme va aussi idéaliser – et lui de manière très exagérée – le désert où il n’arrivera d’ailleurs pas à vivre. Mais ce n’est pas ainsi qu’il convient de se représenter, dans sa réalité, le désert des moines d’Egypte.
Les égyptiens, hommes du terroir, paysans de la vallée du Nil ou du delta de ce même fleuve, ont en effet une toute autre conception du désert. Le contraste, en Egypte, est très violent entre la terre cultivée sur une très étroite bande de terrain, de la vallée du Nil et les immenses zones désertiques. La vallée fertile est le domaine du dieu de la vie, Osiris, tandis que le désert, terre hostile, est le lieu du dieu malfaisant. Pour un égyptien, le désert est aussi le lieu des tombeaux et donc le domaine de la mort, dans lequel on va rencontrer des bandes de brigands, des nomades et des animaux dangereux (vipères à cornes, hyènes, chacals…) qui sont, pour les égyptiens chrétiens, de vrais démons. Mais je vous ai déjà parlé de cela lorsque nous avons étudié la vie de saint Antoine.. Le désert va être « fertilisé » par les moines; ils vont l’habiter par milliers et le désert devient une cité, avec des jardins.. Il n’est plus le désert, il sera dépeuplé de ses moines…

2. LE COMBAT DE L’ASCETE AU DESERT
Le combat de l’ascète au désert, contre le démon, évoque le récit de la tentation de Jésus (qui fut conduit au désert pour y être tenté par le diable) parce que c’est au désert que l’on peut rencontrer le diable et se mesurer avec lui.
Jésus remporte la victoire sur Satan et inaugure « publiquement » l’oeuvre rédemptrice. Dans cette perspective, le moine allant au désert lutter contre le démon et triompher de lui, reproduit, continue, d’une certaine manière, l’action rédemptrice. L’assimilation entre le Christ et lui est poussée très loin : le moine est un athlète qui va au désert pour affronter les démons, lutter avec eux « les yeux dans les yeux, à front découvert » comme l’écrit Cassien.
Les embûches du démon vont se présenter sous la forme de huit vices, écrivent Evagre puis Cassien. Ces huit vices se classent ainsi :

- Trois concernent le corps (ou les biens extérieurs) :
. La gourmandise (plutôt d’ailleurs la gloutonnerie : l’excès de boire et de manger)
. la luxure,
. l’avarice.
- Trois résident dans l’âme sensible :
. la colère,
. la tristesse,
. la paresse (ou le dégoût de la vie spirituelle, ou l’acédie).
- Deux sont très gros et difficilement déracinables :
. La vaine gloire,
. l’orgueil
l’orgueil de la chair attaque les commençants
. désobéissance
. jalousie
. critique
l’orgueil de l’esprit attaque les moines avancés
. présumer de ses forces
. mépriser la grâce.

Bien sûr, il ne faut pas attribuer aux démons toutes les difficultés! Il y a eu des exagérations. Cependant, les démons s’attaquaient effectivement aux moines de la manière suivante :

- par des tentations (action sur les sens intérieurs)
- par des obsessions (action sur les sens extérieurs)
- par des illusions (présentation subtile du mal sous l’apparence du bien).

Les armes du combat vont être :
- La prière, premier devoir du moine. La pensée de Dieu doit accompagner le moine partout. Bien sûr, il s’agit en tout premier lieu de la prière des psaumes. Jean Cassien montre les moines se relayant pour chanter les psaumes la nuit afin de ne pas être vaincus par les démons aux premiers temps du monachisme.
- Le travail, qui n’est pas séparé de la prière et remplit les heures de la journée car le moine vit du travail de ses mains.
. Le jeûne, excellent moyen d’asservir la chair à l’esprit, mais attention à la vaine gloire et à l’orgueil!

Les victoires :
Car le moine ainsi affermi remporte des victoires, il acquiert peu à peu la maîtrise de soi, la paix du coeur et entre dans la paix de Dieu. Au cours de ses luttes comme de ses victoires, il découvre et vit la contemplation de Dieu.
Le moine ne part pas au désert pour lutter contre le démon mais pour trouver Dieu et c’est bien parce qu’il cherche Dieu que les démons l’attaquent.

3. CHERCHER DIEU
Les moines d’Egypte restent très discrets sur leur vie intérieure. Le moine, comme son nom l’indique, recherche l’unité, l’unification, c’est-à-dire qu’il renonce à tout ce qui est source de division, de partage dans ses activités extérieures certes, mais surtout dans sa vie psychique. Cette exigence essentielle correspond à la fuite au désert. Autrement dit, dans le désert, le moine cherche l’hesychia. Ce mot, difficile à traduire, intraduisible… désigne la tranquillité, la solitude, l’état intérieur dans lequel on peut pratiquer sans distraction le souvenir de Dieu (vivre en présence de Dieu). L’invocation constante « Dieu, viens à mon aide… »tellement mise à l’honneur par Cassien, fait revenir le moine au souvenir constant de Dieu. C’est, pour nous occidentaux, l’inhabitation divine et pour les orientaux la déification. Cette vie avec Dieu peut conduire jusqu’à la transfiguration du corps et de l’âme, ce qui est arrivé à Arsène, au sujet duquel je vous rapporterai l’apophtegme suivant :
Un jour un frère se rendit à la cellule d’Arsène. Mais avant d’entrer, il se tint un moment devant la porte et il aperçut le Vieillard comme entièrement revêtu de feu. Quand celui-ci vint l’accueillir, il le vit fortement ému et lui demanda aussitôt s’il avait vu quelque chose, à quoi le frère répondit qu’il n’avait rien vu, voulant respecter, au prix d’un pieux mensonge, le secret du Veillard.
Certains ont des extases, mais ne consentent pas volontiers à dire ce qu’ils ont vu : c’est leur vie intime, personnelle, avec le Seigneur. Ils ont une grande pudeur à la laisser entrevoir; ils le feront toutefois, s’ils jugent que cela peut être utile à leurs frères. Mais relatons présentement un épisode de la vie de Sylvanos qui dira cela mieux que des explications.
Un jour le disciple de Sylvanos, Zaccharias, entrant dans la cellule, trouva Sylvanos en extase, les mains tendues vers le ciel. Il referma la porte et sortit. Il revint à la sixième heure, puis à la neuvième heure (l’heure du repas!…) et le trouva de même. A la dixième heure, il revint et cette fois-ci, il le trouva assis. Il lui dit :’Qu’as-tu aujourd’hui, Père?’ lL vieillard lui répondit : ‘J’ai été malade mon fils’. Mais le frère lui saisit les pieds et lui dit : ‘je ne te lâcherai pas que tu ne m’aies dit ce que tu as vu’. Alors le Vieillard dit : ‘J’ai été ravi au ciel et j’ai vu la gloire de Dieu; je me suis tenu là jusqu’à présent, et me voici maintenant congédié’.
Mais ce que voient les moines dans leurs visions ce sont… des attributs de Dieu, car « nul ne peut voir Dieu sans mourir ».
Ces visions nous laissent entrevoir la pureté du coeur des Anciens. Libérés de leurs passions, ils « parviennent » à la prière pure dont la vision est la pure lumière. Vous retrouvez là notre ami Evagre. Quelle est cette lumière? C’est la lumière sans forme, la lumière de la Trinité, la lumière « du lieu de Dieu », et ce lieu de Dieu c’est l’intime du coeur (le coeur au sens de centre de l’être, pas à celui de tout l’affectif), c’est l’intellect lui-même revêtu de la lumière qui est celle même de Dieu, qui est Dieu même car « Dieu est lumière ». En son essence, Dieu est lumière et c’est cette lumière qui imprègne le lieu de Dieu. Ce que le moine voit, dans l’état de la prière pure, c’est le reflet lumineux de Dieu sur lui.
Nous sommes là au point le plus élevé de la vision mystique chez les moines d’Orient. Et souvenons-nous que dans leur quête de Dieu, les moines ont toujours dans le coeur le grand désir de la sixième béatitude : « Bienheureux les coeurs purs car ils verront Dieu », et que la vision de Dieu leur sera donnée à l’heure de leur mort, à l’heure de leur Pâque.
Nous atteignons là un sommet spirituel. Sa présentation n’est pas faite pour nous décourager, loin de là. Ce don de Dieu est très marquant d’une période fondatrice unique dans laquelle la suite de la spiritualité monastique a sa racine. Ce sommet est un don tout gratuit de Dieu.

Etudes sur l’Orthodoxie Copte en France 

17 janvier – Saint Antoine Abbé

17 janvier, 2011

du site:

http://missel.free.fr/Sanctoral/01/17.php

17 janvier – Saint Antoine Abbé

Historique

Antoine, né vers 251 en Haute Egypte, avait dix-huit ans lorsque moururent ses parents, chrétiens à la fortune considérable, qui lui laissaient le soin d’élever sa petite sœur. Observant et pratiquant, il fut un jour vivement frappé par cette invitation de Jésus : « Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel : viens et suis-moi ! » (Mat, XIX 21). Il obéit, mais fit toutefois une réserve des ressources nécessaires à sa sœur. Bientôt il fut impressionné par une autre parole du Sauveur : « Ne vous mettez pas en peine du lendemain. » (Mat, VI 34). Il se débarrassa de sa réserve, confia sa sœur à une communauté de vierges, et se retira dans une solitude voisine de Qéman, entre Memphis et Arsinoé ; conduit par un vieil ascète, Antoine partagea son temps entre la prière et le travail. Cette demi-retraite ne lui suffit pas longtemps ; quand sa réputation lui amena trop des visiteurs, il se réfugia dans un des anciens tombeaux égyptiens de la montagne où, de temps à autre, un ami lui apportait des provisions. Là commencèrent ses tribulations : le démon lui livrait de furieuses attaques. Un matin l’ami charitable le trouva étendu inanimé sur le sol ; il le rapporta au village où, le croyant mort, on prépara ses funérailles. Antoine reprit ses sens et demanda à être ramené immédiatement dans sa grotte.
Les assauts du démon continuèrent. Antoine chercha une retraite encore plus profonde, au delà du Nil. Vingt ans, il vécut enfermé dans un château ruiné, toujours aux prises avec Satan.
« Le diable, qui hait tout ce qui est digne de louange et qui envie toutes les bonnes actions des hommes… résolut d’user contre lui de tous les efforts qui seraient en sa puissance. La première tentation dont il se servit pour le détourner de la vie solitaire, fut de lui mettre devant les yeux les biens qu’il avait quittés, le soin qu’il était obligé d’avoir de sa sœur, la noblesse de sa race, l’amour des richesses, le désir de la gloire, les diverses voluptés qui se rencontrent dans les délices, et tous les autres plaisirs de la vie. Il lui représentait d’un côté les extrêmes difficultés et les travaux qui se rencontrent dans l’exercice de la vertu, la faiblesse de son corps, le long temps qui lui restait encore à vivre ; et, enfin, pour tâcher de le détourner de la sainte résolution qu’il avait prise, il éleva dans son esprit comme une poussière et un nuage épais de diverses pensées. Mais se trouvant trop faible pour ébranler un aussi ferme dessein que celui d’Antoine, et voyant qu’au lieu d’en venir à bout, il était vaincu par sa constance, renversé par la grandeur de sa foi et porté par terre par ses prières continuelles, alors, se confiant avec orgueil, selon les paroles de l’Évangile, aux armes de ses reins, qui sont les premières embûches qu’il emploie contre les jeunes gens, il s’en servit pour l’attaquer, le troublant la nuit et le tourmentant de jour, de telle sorte que ceux qui se trouvaient présents voyaient le combat qui se passait entre eux. Le démon présentait à son esprit des pensées d’impureté, mais Antoine les repoussait par ses prières. Le démon chatouillait ses sens, mais Antoine rougissait de honte, comme s’il y eût en cela de sa faute, fortifiait son corps par la foi, par l’oraison et par les veilles. Le démon se voyant ainsi surmonté, prit de nuit la figure d’une femme et en imita toutes les actions afin de le tromper ; mais Antoine élevant ses pensées vers Jésus-Christ et considérant quelle est la noblesse et l’excellence de l’âme qu’il nous a donnée, éteignit ces charbons ardents dont il voulait, par cette tromperie, embraser son cœur. Le démon lui remit encore devant les yeux les douceurs de la volupté, mais Antoine, comme entrant en colère et s’en affligeant, se représenta les gênes mortelles dont les impudiques sont menacés et les douleurs de ce remords qui, comme un ver insupportable, rongera pour jamais leur conscience. Ainsi, en opposant ces saintes considérations à tous ces efforts, ils n’eurent aucun pouvoir de lui nuire. Et quelle plus grande honte pouvait recevoir le démon, lui qui ose s’égaler à Dieu, que de voir une personne de cet âge se moquer de lui et que, se glorifiant comme il fait, d’être par sa nature toute spirituelle élevé au-dessus de la chair et du sang, de se trouver terrassé par un homme revêtu d’une chair fragile ? Mais le Seigneur qui, par l’amour qu’il nous porte, a voulu prendre une chair mortelle, assistait son serviteur et le rendait victorieux du diable. » (Saint Athanase, Vie de Saint Antoine)
Sollicité par les visiteurs qui venaient lui demander ou des miracles ou une règle de vie, il établit en 305 des ermitages où ses disciples, attentifs à ses discours et s’inspirant de ses exemples, pratiquaient un héroïque détachement.
En 311, Antoine entendit dire que la persécution de Maximin ensanglantait l’Egypte ; il descendit à Alexandrie pour encourager les martyrs et partager leurs souffrances. Il s’attendait à être mis à mort, mais il ne fut pas inquiété. L’année suivante, il reprit le chemin de sa solitude ; animé d’une sainte émulation, il s’y imposa des jeûnes et des veilles plus austères. Il s’enfonça dans le désert de la Haute Egypte pour fixer sa résidence au mont Qualzoum, appelé plus tard Mont Saint Antoine, où il s’installa près d’une source, au milieu d’une palmeraie. Il cultivait lui-même un petit jardin pour aider à sa subsistance. Les disciples restés près du Nil construisirent le monastère de Pispir où Antoine les venait visiter à intervalles réguliers. Dans ses dernières années, il permit à deux de ses disciples, Macaire et Amathas, de rester près de lui. De 312 jusqu’à sa mort, Antoine demeura dans son ermitage où il y recevait des visiteurs animés de dispositions fort diverses : les uns lui demandant des miracles ou des enseignements, les autres cherchaient à l’embarrasser, comme ces philosophes grecs ou ces ariens qu’il réduisit au silence. Athanase, son futur biographe, y vint à plusieurs reprises ; l’empereur Constantin lui écrivit pour se recommander à ses prières.
Vers 340, se place la rencontre d’Antoine et de l’ermite Paul dans les circonstances qu’a décrites saint Jérôme, dans la vie du second. Antoine ambitionnait d’imiter plus parfait que lui ; il apprit en songe qu’un anachorète, riche en mérites, vivait depuis longtemps dans une partie du désert qu’il croyait inhabitée. Sans tarder, il se mit à la recherche du saint homme, parvint non sans peine jusqu’à sa cellule, mais la trouva fermée. Paul qui l’avait pressenti, ne veut voir aucun être humain. Enfin, Paul céda aux instances réitérées d’Antoine, et les deux ermites tombèrent dans les bras l’un de l’autre, se saluant mutuellement par leur nom, s’entretenant des choses de Dieu, pendant qu’un corbeau apportait leur nourriture, un pain entier ce jour-là. On sait comment Paul mourut en l’absence de son visiteur, et reçut d’Antoine la sépulture dans une fosse que creusèrent deux lions du désert. Sur la fin de sa vie, Antoine descendit une seconde fois à Alexandrie où il convertit nombre d’hérétiques et d’infidèles. Peu après son retour, il annonça à ses deux disciples sa mort prochaine, leur fit promettre de ne révéler à personne le secret de sa tombe, légua à saint Athanase son manteau de peau et celui sur lequel il dormait. Il expira doucement en 356, un 17 janvier selon la tradition.
Bien qu’il n’ait pas laissé de règle écrite, Antoine fut vraiment l’initiateur du monachisme. Antoine voulut que sa tombe fût secrète pour que l’on n’honorât pas ses reliques, mais son corps fut retrouvé et transféré à Alexandrie, puis à Constantinople (vers 633) où une église fut bâtie sous son vocable.
Des documents du XIII° siècle, conservés à l’abbaye de Saint-Antoine de Viennois, attestaient que le corps fut apporté en Occident par un seigneur du Dauphiné, Jocelin, fils du comte Guillaume, qui l’aurait reçu de l’empereur de Constantinople, lors d’un pèlerinage en Terre Sainte. Aymar Falcon qui s’est servi de ces documents (XVI° siècle), place ce pèlerinage vers 1070, et la translation des reliques de saint Antoine à la Motte-Saint-Didier sous Urbain II. La localité prit le nom de Saint-Antoine-de-Viennois. Le culte de saint Antoine en Occident qui est devenu très populaire depuis cette époque, a pris son extension à l’occasion d’un mal étrange, une sorte de fièvre désignée sous les noms de feu sacré, de feu morbide, de feu infernal ou de feu de saint Antoine, le saint guérissant de ce mal ceux qui avaient recours à son intercession. Le noble Gaston, ayant avec son fils bénéficié de cette faveur, fonda à Saint-Antoine-de-Viennois un hôpital et une confrérie dont les membres devaient consacrer leur vie à soigner les malheureux atteints de ce mal. La confrérie, approuvée au concile de Clermont par Urbain II, fut confirmée comme ordre hospitalier par Honorius III (1228). Telle fut l’origine des Antonins qui furent chargés de la garde du sanctuaire et des reliques, enlevés aux bénédictins de Montmajour.
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Vie de Saint Antoine
Je vois que le Seigneur m’appelle à lui, et ainsi, je vais, comme il est écrit, entrer dans le chemin de mes pères. Continuez en votre abstinence ordinaire. Ne perdez pas malheureusement le fruit des saints exercices auxquels vous avez employé tant d’années, mais, comme si vous ne faisiez que commencer, efforcez-vous de demeurer dans votre ferveur ordinaire. Vous savez quelles sont les embûches des démons. Vous connaissez leur cruauté et n’ignorez pas aussi leur faiblesse. Ne les craignez donc point, mais croyez en Jésus-Christ et ne respirez jamais autre chose que le désir de le servir. Vivez comme chaque jour croyant devoir mourir. Veillez sur vous-mêmes et souvenez-vous de toutes les instructions que je vous ai données… Travaillez de tout votre pouvoir pour vous unir premièrement à Jésus et puis aux saints, afin qu’après votre mort ils vous reçoivent, comme étant de leurs amis et de leur connaissance, dans les tabernacles éternels. Gravez ces choses dans votre esprit. Gravez-les dans votre cœur… Ensevelissez-moi donc et me couvrez de terre ; et, afin que vous ne puissiez manquer à suivre mon intention, faites que nuls autres que vous ne sachent le lieu où sera le corps que je recevrai incorruptible de la main de mon Sauveur lors de la résurrection. Quant à mes habits, distribuez-les ainsi : donnez à l’évêque Athanase une de mes tuniques et le manteau que j’ai reçu de lui tout neuf et que je lui rends tout usé. Donnez mon autre tunique à l’évêque Sérapion, et gardez pour vous mon cilice. Adieu, mes chers enfants. Antoine s’en va et n’est plus avec vous.

Saint Athanase

Les Pères du désert

15 octobre, 2010

du site:

http://www.croire.com/article/index.jsp?docId=2296877&rubId=188

Les Pères du désert

Ils ont vécu dès les premiers siècles du christianisme dans les déserts d’Egypte, de Palestine et de Syrie. Ils sont à l’origine de la vie monastique.
  »Je ne crains plus Dieu, je l’aime. Car l’amour chasse la crainte » Sentence des Pères du désert

Dès le IIIème siècle, l’Egypte, largement christiannisée, possédait des ascètes et des vierges consacrées qui vivaient dans le jeûne et la prière. Ils se retiraient à l’écart, mais toujours proches des agglomérations. Le premier a se retirer dans la plus grande solitude est Antoine le Grand dont la Vie a été écrite par l’archêque d’Alexandrie, Athanase (295-373), qui l’avait personnellement connu.
Antoine appartenait à une famille chrétienne aisée qui possédait des terres dans la vallée du Nil. Il perdit ses parents très jeune et resta seul avec sa jeune soeur. Un jour, en se rendant à l’église, il entendit cette fameuse parole de l’évangile de Matthieu « va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres » comme si elles lui étaient adressées personnellement. Confiant sa jeune soeur à des proches, il s’établit dans une cellule proche du village et entreprit de mener une vie ascétique. Il mena une vie rigoureuse: jeûne prolongé, veillées nocturnes, refus de tout confort. Très vite, il est assailli de tentations de toutes sortes. Résolu à vivre une vie encore plus retirée, il quitte sa cellule pour s’établir encore plus seul dans d’anciens tombeaux de l’époque pharaonique, avant de rejoindre un fortin abandonné en plein désert, dans lequel il vivra 20 ans.

L’ascète participe au combat du Christ

Ses tentations sont de plus en plus fortes mais les consolations divines se font ausi largement sentir. Antoine est peu à peu transfiguré par sa vie en Dieu: il perçoit de multiples manières la présence de Dieu et son discernement des esprits s’affine: toute pensée qui apporte joie et paix vient de Dieu, toutes celles qui apportent agitation et trouble viennent du démon. Saint Ignace  fera bien plus tard la même expérience! Pour Antoine, tout homme possède en lui une une vraie nature spirituelle, le salut ou la damnation dépendent de l’homme qui accepte ou pas la grâce divine. Nous lui devons cette magnifique profession de foi: « Jésus-Christ Notre Seigneur est le Verbe authentique du Père, à partir duquel l’ensemble des créatures spirituelles furent crées à l’image qu’il est lui-même, car c’est lui la tête de toute la création et du corps qui est l’Eglise »

Le désert est une cité pour les moines

Lors de la persécution des chrétiens en 305, Antoine sortit de sa retraite pour partager l’épreuve de l’Eglise. Epargné, il regagna le désert. Harcelé par les foules, il s’enfonça encore plus dans sa solitude, s’établit dans une grotte près de la Mer Rouge. Il y restera jusqu’à sa mort, toujours en butte aux assauts des démons, expérimentant les consolations de l’Esprit-Saint. Recevant d’innombrables visites, il guérissait les corps et les âmes. Il meurt en 356, après un dernier voyage à Alexandrie pour réfuter l’hérésie arienne.

A sa suite, d’autres ermites choisirent de vivre au désert. Parmi eux Arsène, Colobos, Moïse, Poemen, puis Jean Cassien qui exerça une influence considérable sur le monachisme des Gaules et en Italie.  Antoine devint le père des moines. Au Moyen-Age, un seigneur franc ramena ses reliques en Dauphiné. Elles firent l’objet d’un pélerinage qui attira d’innombrables malades, au service desquels fut fondé un ordre religieux hospitalier, celui des antonins. Ils essaimèrent dans toute l’Europe et fondèrent un grand nombre d’hôpitaux sous le vocable de Saint Antoine.

Les Apophtegmes des pères du désert (extrait)

11 octobre, 2010

du site:

http://www.missa.org/apophtegmes.php

Les Apophtegmes des pères du désert

(EXTRAIT)

1
Abba Poémen
Abba Joseph raconte : Abba Isaac dit :  » Un jour, j’étais assis à côté d’Abba Poémen et je le vis en extase. Comme j’étais très libre pour lui parler, je me prosternais et le suppliais, disant : « Dis-moi où tu étais ». Et lui, contraint, me dit : « Ma pensée était là où se trouve la sainte Marie, Mère de Dieu, qui pleurait sur la croix du Sauveur. Et pour moi, je voudrais tout le temps pleurer ainsi ».
2
Abba Arsène
Abba Arsène dit :  » Si nous cherchons Dieu, il se manifestera à nous ; et si nous le retenons, il demeurera près de nous ».
3
Abba Pambo
Théophile, l’archevêque d’Alexandrie, vint un jour à Scété. Les frères qui étaient réunis, demandèrent à l’abbé Pambo de dire quelques mots à l’évêque pour l’édifier. Mais il répondit :  » S’il n’est pas édifié par mon silence, il ne le sera pas par mes paroles ».
4
Abba inconnu
Un frère demande à un ancien :  » Dis-moi : Comment me sauver ? ». L’ancien lui répond :  » Si tu peux être injurié et le supporter, c’est une grande chose, plus grande que toutes les vertus ».
5
Abba Arès
Abba Abraham va voir Abba Arès. Ils sont assis ensemble. Un frère arrive chez l’ancien ; il lui dit :  » Dis-moi ce que je dois faire pour être sauvé ». Abba Arès répond :  » Va. Pendant toute cette année, mange seulement du pain et du sel, le soir. Puis reviens ici et je te parlerai ».
Le moine s’en va et il fait cela. A la fin de l’année, il revient chez Abba Arès. Abba Abraham est encore là, par hasard. L’ancien dit de nouveau au frère :  » Va, jeûne encore toute cette année, un jour sur deux ». Après le départ du frère, Abba Abraham dit à Abba Arès : « Tu conseilles à tous les frères une charge légère. Mais à celui-là tu imposes une charge lourde. Pourquoi donc ?  »
L’ancien lui répond :  » Ma parole dépend de ce que les frères viennent chercher. Ce frère est un homme courageux. Il vient entendre une parole à cause de Dieu. Et il obéit avec joie. C’est pourquoi, moi aussi, je lui dis la parole de Dieu ».
6
Abba Poémen
Abba Joseph dit : Un jour, nous sommes assis avec Abba Poémen. Il parle d’Abba Agathon. Nous lui disons : « Agathon est bien jeune. Pourquoi l’appelles-tu Abba ? ». Abba Poémen dit : « Parce que sa bouche fait de lui un Abba ».
7
Abba inconnu
Un Romain dit : « Il y avait un vieillard qui avait un bon disciple. Un jour, ne croyant pas qu’il fut bon, il le chasse dehors avec son manteau. Le frère demeure assis dehors. Et le vieillard ouvrant la porte et le trouvant assis, se prosterne et lui dit :  » O Père, l’humilité de ta patience a vaincu le peu d’estime que j’avais de toi. Viens à l’intérieur ; à partir de maintenant, c’est toi le vieillard et le père, et moi, je suis le plus jeune et le disciple ».
8
Abba Antoine
Abba Antoine dit : « Autant qu’il est possible, le moine doit confier aux anciens le nombre de pas qu’il fait et le nombre de gouttes d’eau qu’il boit dans sa cellule, pour savoir s’il est bien dans la vérité ».
9
Abba inconnu
Un frère trouva dans le désert un lieu retiré et tranquille. Il supplia son Abba en ces termes : « Ordonne-moi d’habiter là et j’espère qu’avec la grâce de Dieu et tes prières, je m’y mortifierai beaucoup ». Mais son Abba ne le lui permit pas : « Je sais bien que tu te mortifierais beaucoup ; mais parce que tu n’aurais pas d’ancien, tu aurais confiance en tes oeuvres, persuadé qu’elles plaisent à Dieu, et par cette confiance que tu aurais de faire oeuvre de moine, tu perdrais ta peine et ta raison ».
10
Abba Poémen
Abba Poémen dit :  » Celui qui réjouit le plus l’ennemi, c’est celui qui ne veut pas montrer ses pensées à son Abba ».
11
Abba Antoine
Abba Antoine dit :  » Je connais des moines qui ont supporté beaucoup de fatigues. Pourtant ils sont tombés et ils sont devenus orgueilleux parce qu’ils avaient mis leur confiance dans leurs actes et avaient laissé de cité le précepte de celui qui dit : « Interroge ton père et il t’enseignera ».
12
Abba Félix
Des frères ont des laïcs avec eux. Ils viennent trouver Abba Félix et ils le supplient : « Dis-nous une parole ». Mais l’ancien garde le silence. Ils le supplient longtemps.
Alors, Abba Félix leur dit : « Vous voulez entendre une parole ? ». Ils disent : « Oui, Abba ». L’ancien leur dit : « Maintenant il n’y a plus de parole. Avant les frères posaient des questions aux anciens et ils faisaient ce que les anciens disaient. A ce moment-là, Dieu montrait comment parler. Mais maintenant, ils posent des questions et ils ne font pas ce qu’ils entendent. Alors Dieu a enlevé aux anciens le don de la parole, et ils ne trouvent plus quoi dire, parce qu’il n’y a plus de travailleurs ».
En entendant ces paroles, les frères gémirent et ils lui dirent :  » Prie pour nous, Abba !  »
13
Abba inconnu
Un frère dit à un grand vieillard : « Abba, je voudrais trouver un vieillard conforme à ma volonté et mourir avec lui ». Le vieillard lui dit : « Tiens, tiens ! C’est une bonne recherche, monsieur !  » Mais lui, le disciple, pense avoir bien parlé et ne fait pas attention à la réponse du vieillard. Puis quand le vieillard voit que son disciple ne comprend pas qu’il se moque de lui, il lui dit : « Donc, si tu trouves un vieillard conforme à ta volonté, tu veux demeurer avec lui ?  » – « Eh oui, répond le disciple, c’est bien ce que je veux ». Le vieillard lui dit : « Peut-être n’est-ce pas pour que tu suives la volonté du vieillard, mais pour que celui-ci fasse la tienne et que tu aies la paix ». Alors le frère comprenant ce qu’il avait dit, se lève, se prosterne à terre et dit : « Pardonne-moi, je croyais dire quelque chose de bien, alors qu’il n’en était pas ainsi ».
14
Abba Poémen
Abba Poémen dit : « Un jour, quelqu’un a demandé à Abba Paèsios : Que faire à mon âme, car elle est insensible et ne craint pas Dieu ». Et Abba Paèsios lui dit : « Attache-toi à un homme qui craint Dieu, et vivant près de lui, toi aussi, tu apprendras à craindre Dieu ».
15
Abba inconnu
Un ancien a dit :  » Sois comme le chameau : porte tes péchés, et, attaché par la bride, suis celui qui connaît la voie de Dieu ».
16
Abba Jean le Petit
On racontait ceci sur Jean le Petit : il s’était retiré chez un ancien originaire de Thèbes, à Scété, qui demeurait dans le désert.
Un jour, son Abba prend un bois sec, il le plante et il dit à Jean : « Arrose-le tous les jours avec un pot d’eau jusqu’à ce qu’il donne des fruits ». Or l’eau était si loin que Jean partait le soir et ne revenait qu’au matin. Trois ans plus tard, ce bois se mit à reprendre vie et à donner des fruits. Alors l’ancien prend un fruit. Il le porte à l’église où les frères se rassemblaient, et dit aux frères :  » Prenez et mangez le fruit de l’obéissance ».
17
Abba Poémen
Un frère interroge Abba Poémen et lui dit :  » Des frères habitent avec moi ; veux-tu que je leur commande ?  » Le vieillard répond : « Non, mais fais d’abord le travail, et s’ils veulent vivre, ils veilleront sur eux-mêmes ». Le frère lui dit : « Mais ce sont eux-mêmes, Père, qui veulent que je leur commande ». Le vieillard lui dit : « Non, mais deviens leur modèle, non pas leur législateur ».
18
Abba Sylvain
A Scété, Abba Sylvain avait un disciple appelé Marc qui obéissait à merveille. Il était calligraphe. Et l’ancien l’aimait à cause de son obéissance. Or il avait onze autres disciples, et ceux-ci étaient peinés de ce qu’Abba Sylvain aimait Marc plus qu’eux.
Les anciens l’ayant appris, s’en attristèrent. Ils vinrent donc un jour chez Abba Sylvain pour lui faire des reproches. Alors Sylvain prend les anciens avec lui. Puis il va frapper à la porte de chaque cellule en disant :  » Frère, viens ici. J’ai besoin de toi ». Mais aucun frère ne le suit tout de suite.
Abba Sylvain arrive à la cellule de Marc. Il frappe alors et dit : « Marc ! ». En entendant la voix de l’ancien, lui, il bondit aussitôt dehors. Et l’ancien lui fait faire une commission, puis il dit aux anciens :  » Pères, où sont les autres frères ?  » Il entre dans la cellule de Marc et il prend son cahier. Il remarque ceci : Marc a commencé à former la lettre oméga, mais en entendant la voix de son Abba, il n’avait pas fini de l’écrire. Alors les anciens disent : « Vraiment, Abba, celui que tu aimes, nous l’aimons aussi parce que Dieu l’aime ».
19
Abba Abraham
Abba Bané demanda un jour à Abba Abraham : « Est-ce qu’un homme qui est comme Adam dans le Paradis a encore besoin de prendre conseil ? » Et celui-ci lui dit : « Oui Bané, car si Adam avait demandé conseil aux anges : « Est-ce que je mange de l’arbre ? », ils lui auraient dit : « Non ! « .
20
Abba Zénon
On disait qu’il y avait dans le village un homme qui jeûnait à tel point qu’on l’appelait : le Jeûneur. Abba Zénon qui avait entendu parler de lui, le fit venir. L’autre vint avec joie. Ils prièrent et s’assirent. Le vieillard commença à travailler en silence. N’arrivant pas à parler avec lui, le Jeûneur commença à être accablé par l’acédie. Et il dit au vieillard : « Prie pour moi, Abba, car je veux partir ». Le vieillard lui dit : « Pourquoi ? ». L’autre lui répondit : « Parce que mon coeur est en feu et je ne sais ce qu’il a. En effet, quand j’étais au village, je jeûnais jusqu’au soir, et il ne m’arrivait rien de tel ». Le vieillard lui dit : « Au village, tu te nourrissais par les oreilles. Mais va, désormais mange à la neuvième heure, et ce que tu fais, fais-le dans le secret ». Lorsqu’il eût commencé à agir ainsi, il attendit péniblement la neuvième heure. Et tous ceux qui le connaissaient disaient : « Le Jeûneur est possédé par le démon ». Puis il vint raconter tout cela au vieillard qui lui dit : « Cette voie est selon Dieu ».

Macaire le Grand. (Père du désert)

23 septembre, 2008

du site: 

http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Philocalie/macaire.html

Macaire le Grand. (Père du désert)

 

La figure de Saint Macaire est très certainement composite. Son nom lui-même, Makavrioõ – Makarios -, est en fait un adjectif qui signifie « bienheureux ». Le Macaire originel naquit en haute-Égypte, vers 300. Vers 330, il se fit moine, c’est-à-dire qu’il se retira, le premier, dans le désert de Scétis, à l’endroit appelé depuis Deir Abu Makar (34). Bientôt rejoint par d’autres hommes, il y vécut en ermite, entouré par les retraites des autres solitaires. C’est alors que, étonnés par sa sagesse et son intelligence, ses compagnons lui donnèrent le surnom de toV nevoõ ghraioõ – to néos gêraios -, « le jeune âgé ».

« Prophète et docteur », c’est-à-dire théologien et prêcheur, Macaire fut ordonné prêtre vers 340. Les moines se réunissaient autour de lui pour les liturgies et admiraient l’éloquence de ses homélies et de ses sermons. Fermement opposé à l’hérésie arienne, il fut, vers 374, exilé dans une île du Nil par l’évêque Lucius d’Alexandrie. Peu de temps après, il revint au désert pour y finir ses jours. C’est pendant cette dernière période qu’Évagre le Pontique fut son disciple. Il mourut vers 391.

La littérature macarienne comporte au moins trois sources :

- une lettre, « Aux amis de Dieu », sans doute authentiquement du premier Macaire; – les « Cent Cinquante Homélies spirituelles », réunies par Syméon le Métaphraste (35), que la critique moderne attribue souvent à un auteur de tendance messalienne, Syméon de Mésopotamie et nous nous y référerons comme au pseudo-Macaire;

- le cycle copte de Macaire, avec le recueil des « Vertus de saint Macaire », appelé ici le Macaire copte.

On voit ici l’importance d’une tradition orale inspirée par la figure du « Bienheureux ». Le texte ci-dessous rapporte très vraisemblablement la pensée de saint Macaire : « On demandait à l’abba (36) Macaire : Comment doit-on prier ? L’ancien répondit : Point n’est besoin de se perdre en paroles; il suffit d’étendre les mains et de dire « Seigneur, comme il Vous plaît et comme Vous savez, ayez pitié ». Si le combat vous presse, dites : « Seigneur, au secours ! ». Il sait ce qui vous convient et Il aura pitié de vous. »

Citation des « Cent cinquante homélies spirituelles ».

18. La persévérance dans la prière est le fondement de tout bon effort et la cime où s’accomplissent les oeuvres droites. C’est par elle, quand nous appelons Dieu à tendre une main secourable, que nous acquérons les autres vertus. C’est dans la prière en effet qu’est donné à ceux qui en sont jugés dignes de communier à l’énergie mystique et de rencontrer l’état de sainteté qui, par l’ineffable amour du Seigneur, tourne vers Dieu également l’intelligence elle-même. Il est dit : « Tu as donné la joie à mon coeur ». Et le Seigneur lui-même : « Le Royaume de Dieu est au-dedans de vous ». Que le Royaume de Dieu soit au dedans, qu’est-ce que cela peut signifier d’autre que ceci : la joie céleste de l’Esprit marque clairement de son empreinte les âmes qui en sont dignes ? Car les âmes qui, par la communion efficace de l’Esprit, sont dignes d’une telle grâce reçoivent les arrhes et les prémices de la réjouissance, de la joie, du bonheur que donne l’Esprit, et auquel ont part les saints dans la lumière éternelle au coeur du Royaume du Christ. C’est là, nous le savons, ce qu’a montré l’Apôtre divin. Il dit en effet : « Il nous console dans notre affliction, afin que par la consolation que nous mêmes recevons de Dieu, nous puissions consoler ceux qui sont dans la détresse ». Mais également : « Mon coeur et ma chair crient de joie vers le Dieu vivant », et : « Comme de graisse et de moelle mon âme sera rassasiée ». De même les versets qui s’accordent à ceux-ci veulent dire la même chose, et font allusion à la joie et à la consolation efficaces de l’Esprit.

19. De même que l’oeuvre de la prière est plus grande que les autres, de même celui qui est épris d’amour pour elle doit se donner plus de peine et de souci afin de ne pas se faire voler à son insu par le vice. Car en ceux qui visent un plus grand bien, le malin attaque avec de plus grands efforts. Un tel homme aura ainsi besoin d’une grande vigilance et d’une grande sobriété pour porter davantage encore les fruits de l’amour et de l’humilité, de la simplicité et de la bonté, et enfin du discernement, en persévérant chaque jour dans la prière. Ces fruits lui rendront manifestes son propre progrès et sa propre croissance dans les choses de Dieu, et ils inviteront les autres à éprouver la même ferveur.

20. L’Apôtre divin lui-même enseigne qu’il faut prier continuellement et persévérer dans la prière. Et le Seigneur l’a dit : « Combien plus Dieu fera-t-il justice à ceux qui l’appellent nuit et jour » et : « Veillez et priez ». Il faut donc « toujours prier et ne pas se lasser ». De même que celui qui persévère dans la prière a choisi une oeuvre plus fondamentale, de même il lui faut mener un grand combat et soutenir un effort continu, car à la persévérance dans la prière s’opposent les nombreux obstacles du vice : le sommeil, l’acédie, la pesanteur du corps, l’égarement des pensées, l’agitation de l’intelligence, le relâchement, et les autres oeuvres mauvaises. Puis viennent les afflictions, les soulèvements des esprits du mal eux-mêmes, qui nous combattent et nous résistent avec acharnement et empêchent d’approcher Dieu l’âme qui sans relâche le recherche en vérité.

22. Si l’humilité et l’amour, la simplicité et la bonté, ne règlent pas le bon ordre de notre prière, une telle prière, qui serait plutôt l’apparence de la prière, ne peut guère nous aider. Et nous ne disons pas cela de la seule prière, mais de tout effort et de toute peine, de la virginité, du jeûne, de la veille, de la psalmodie, du service, de tout travail fait avec attention pour l’amour de la vertu. Si nous ne nous attachons pas à voir en nous-mêmes les fruits de l’amour, de la paix, de la joie, de la simplicité, de l’humilité, mais aussi de la douceur, de la candeur, de la foi telle qu’elle doit être, de la patience et de la bienveillance, les peines que nous nous donnons ne nous servent à rien. Car nous acceptons de supporter les peines pour profiter des fruits. Mais si l’on ne trouve pas en nous les fruits de l’amour, notre travail est tout à fait vain. De tels hommes ne diffèrent en rien des cinq vierges folles. Celles-ci n’avaient pas dès maintenant dans leur coeur l’huile spirituelle : l’énergie des vertus dont nous avons parlé, cette énergie que donne l’Esprit. Aussi furent-elles appelées folles et rejetées lamentablement hors du lieu des noces royales, sans recevoir en partage le fruit des peines de la virginité. En effet, quand on cultive la vigne, on prodigue à l’avance tous ses soins et toute sa peine dans l’espoir d’obtenir des fruits, mais si l’on n’a pas récolté de fruits, le travail s’avère aléatoire. De même si nous ne voyons pas en nous, grâce à l’énergie de l’Esprit, les fruits de l’amour, de la paix, de la joie et des autres vertus que l’Apôtre a énumérées, et si nous ne nous attachons pas à reconnaître cette grâce en toute certitude et par la perception spirituelle, l’effort de la virginité, de la prière, de la psalmodie, du jeûne et de la veille est manifestement vain. Car ces peines et ces efforts de l’âme et du corps doivent s’accomplir, nous l’avons dit, dans l’espérance des fruits spirituels. Porter les fruits des vertus est une jouissance spirituelle, accompagnée d’un plaisir incorruptible, que l’Esprit suscite secrètement dans !es coeurs fidèles et humbles. Qu’ainsi les peines et les efforts soient considérés pour ce qu’ils sont, comme des peines et des efforts, et que les fruits soient considérés comme des fruits. Mais si quelqu’un, par manque de connaissance, pense que son travail et son effort sont des fruits de l’Esprit, qu’il n’ignore pas qu’il se console et se trompe lui-même, et que dans son état il est privé des fruits réellement grands, les fruits de l’Esprit.

24. Ceux qui ne peuvent pas encore – parce qu’ils sont des enfants s’adonner jusqu’au bout à l’oeuvre de la prière, doivent accepter de servi leurs frères avec piété, foi et crainte de Dieu. Car ils sont au service d’un commandement de Dieu et d’une oeuvre spirituelle. Mais qu’ils n’attende pas des hommes un salaire, ou un honneur, et un remerciement. Qu’ils ne se permettent aucun murmure, ni orgueil, ni négligence, ni relâchement, à de ne pas souiller et corrompre une telle Couvre bonne, mais qu’ils s’efforcent cent bien plutôt de la rendre agréable à Dieu par la piété, la crainte et la joie.

25. Le Seigneur est descendu parmi les hommes – ô la miséricorde divine à notre égard ! – avec tant d’amour et de bonté, cherchant à ne pas laisser d’oeuvre bonne sans aucun salaire, mais à mener tous les êtres des plus petites aux plus grandes vertus, pour ne priver personne de récompense, n’aurait-on donné qu’un verre d’eau fraîche. Car il a dit: « Quiconque donnera à boire un seul verre d’eau fraîche à l’un de ces petits, parce qu’il est Mon disciple, en vérité Je vous le dis, il ne perdra pas sa récompense ». Et encore : « Dans la mesure où vous avez fait cela à l’un d’eux, c’est à Moi que vous l’avez fait ». Seulement, qu’on fasse un tel geste pour l’amour de Dieu, et non pour une gloire humaine. Car il a ajouté : « parce qu’il est Mon disciple », c’est-à-dire : dans la crainte et l’amour du Christ. Blâmant en effet ceux qui poursuivent le bien ostensiblement, et donnant à sa parole la force d’une sentence ferme, le Seigneur en vient à dire : « En vérité Je vous le dis, ils ont reçu leur récompense ».

(34) En arabe. Ce nom peut se traduire par « le lieu de Père Macaire ».

(35) Syméon le Métaphraste, en grec Sumevon metavfrastiõ – Syméon métaphrastis -, c’est-à-dire Syméon le traducteur, vécut à Constantinople, probablement entre 900 et 985. Lui-même hagiographe, son Mhvwlogion – Ménologion — est une collection de dix volumes relatant les vies des premiers saints orientaux, arrangée dans l’ordre du jour de leur fêtes. Syméon n’était ni prêtre ni moine, mais appartenait à l’administration byzantine.

(36) Le mot abba est la transcription du grec ecclésiastique – abbas -, lui-même issu, via l’araméen, de l’hébreu ba – ’av -. Il signifie « père », avec l’idée de supérieur monastique

LE PÈRE DU DÉSERT

23 septembre, 2008

 

du site: 

http://www.st-benoit-du-lac.com/peres/peres2.html

LE PÈRE DU DÉSERT

On appelle « Pères du désert » les moines qui, à partir du IVe siècle, peuplèrent les déserts d’Égypte, de Palestine et de Syrie. Les premiers moines furent des anachorètes vivant en marge des villages. En Égypte, les moines habitaient dans d’anciens tombeaux égyptiens (saint Antoine). Puis, ils s’éloignèrent des lieux habités pour peupler le désert, plus propice à leur méditation. La croyance populaire directement héritée de la tradition pharaonique voulait que le désert, stérile et inhabité, soit le royaume de Seth, dieu du Mal, et par conséquent du démon. C’est pourquoi les moines choisirent le désert afin d’affronter le démon.

Certains Pères du désert vécurent dans des grottes (« laures » de Palestine), mais le plus souvent ils se regroupaient dans le désert, à l’ouest du delta du Nil (Wadi Natroun ou désert de Scété), chacun habitant dans une cellule. La cellule a donné son nom à l’un des grands centres monastiques du désert, les « Kellia ». Ce mode de vie dans le désert se situe à mi-chemin entre l’érémitisme et le cénobitisme, les cellules étaient situées « à portée de voix » les unes des autres (Apophtegmes des Pères du désert). Durant la semaine, les moines avaient peu de contact entre eux. Du samedi soir au dimanche matin, ils se retrouvaient tous à l’ecclesia (assemblée) pour prendre un repas en commun et célébrer l’eucharistie. Devant le nombre de cellules, qui pouvait atteindre plusieurs centaines sur un même site (on compta jusqu’à 5 000 moines dans le désert de Nitrie), le désert fut comparé, par saint Antoine, à une cité.

Le terme de « père » est entendu au sens de « vieillard » ou de « sage ». Son expérience est constituée à la fois par une lutte interne qu’il mène contre ses penchants (« démon de midi » qui est découragement et paresse) et une lutte contre le démon et ses tentations. Cette expérience personnelle lui permet de guider d’autres moines plus jeunes; il devient alors un « père spirituel ». La vie des moines dans le désert ne se bornait pas à la méditation mais s’accompagnait d’une activité manuelle nécessaire à la pratique de l’ascèse et qui leur permettait en outre d’acheter de la farine, base de leur alimentation.

On connaît l’enseignement des « Pères du désert » grâce à des sentences qu’ils ont énoncés lors d’entretiens avec leurs disciples et que ceux-ci ont consignées, au Ve siècle, dans des recueils appelés Apophtegmes des Pères du désert. Les paroles des Pères du désert, abondamment diffusées, ont largement contribué, avec les règles de vie communautaire de saint Pacôme, à la naissance du monachisme en Orient et en Occident. Après un séjour dans l’Est méditerranéen, Jean Cassien rapporta ces recueils et devint le promoteur du monachisme occidental.

un sentence, Abba Macaire:

Abba Macaire, qui habitait le Désert des Cellules, reçu un jour un professeur du Caire qui venait recevoir de lui une parole de vie. Macaire lui servit une tisane. Il remplit entièrement la tasse de son visiteur et continua de verser le brevage. Le professeur voyant sa tasse déborder, ne pût se contenir plus longtemps et s’exclamma : « La tasse déborde, ne vois-tu pas qu’il est impossible d’en mettre un goutte de plus? » « Comme cette tasse », lui répondit Macaire, « tu es rempli de tes propres opinions et de tes spéculations, comment pourrais-je te faire entendre une parole de vie sans que tu ne vides tout d’abord ta tasse? »

Les Prière du Père du désert

3 mai, 2008

LES APOPHTEGMES DES PERES DU DESERT

(Le père du desert parlaient pour petit mot, sentence, maxime, pas longe dicours, mais avec les « Apophtegmes »

Ceux-ci occupent une place à part. De par leur nom : apo = venant de, phtegommai = dire, ce sont des paroles de ces Pères du désert qui nous ont été conservées.

Qu’ont connu nos Pères de cette littérature du désert ? Vraisemblablement ce que saint Benoît appelle La Vie des Pères. Elle était alors manuscrite et fut imprimée au milieu du quinzième siècle. Le texte se trouve maintenant dans Migne, PL 73 et 74.), du site:

http://www.missa.org/apophtegmes.php

Abba Arsène
Abba Arsène dit :  » Si nous cherchons Dieu, il se manifestera à nous ; et si nous le retenons, il demeurera près de nous ».

Abba Pambo
Théophile, l’archevêque d’Alexandrie, vint un jour à Scété. Les frères qui étaient réunis, demandèrent à l’abbé Pambo de dire quelques mots à l’évêque pour l’édifier. Mais il répondit :  » S’il n’est pas édifié par mon silence, il ne le sera pas par mes paroles ».

Abba inconnu

Un frère demande à un ancien :  » Dis-moi : Comment me sauver ? ». L’ancien lui répond :  » Si tu peux être injurié et le supporter, c’est une grande chose, plus grande que toutes les vertus ».

Abba Poémen
Abba Poémen dit : « Un jour, quelqu’un a demandé à Abba Paèsios : Que faire à mon âme, car elle est insensible et ne craint pas Dieu ». Et Abba Paèsios lui dit : « Attache-toi à un homme qui craint Dieu, et vivant près de lui, toi aussi, tu apprendras à
craindre Dieu ».

Abba Évagre
L’Abba Évagre dit : « Quand une pensée ennemie monte dans ton coeur, ne cherche pas à prier d’une manière ou de l’autre, mais aiguise l’épée des larmes ».

Abba Paul le Grand

L’Abba Paul le Grand a dit : « Je suis dans un bourbier enfoncé jusqu’au cou, et je pleure devant Dieu en disant : « Aie pitié de moi ! « .

Abba Poémen
L’Abba Poémen a dit : « Le deuil est à double action : il travaille et il garde ».

Abba inconnu
Les anciens disaient d’un frère qu’il ne quittait jamais son travail manuel et que sa prière montait continuellement devant Dieu, qu’il était aussi très humble et très stable dans son état.

Abba inconnu
Un voleur arrive chez un frère. Celui-ci lui dit : « Fais vite avant que les frères n’arrivent ! ».

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