SAINT IGNACE D’ANTIOCHE – 17 Octobre (m)
16 octobre, 2018La Légende dorée du Bienheureux Jacques de Voragine nouvellement traduite en français avec introduction, notices, notes et recherches sur les sources par l’abbé J.-B. M. Roze, chanoine honoraire de la Cathédrale d’Amiens, Édouard Rouveyre, éditeur, 76, rue de Seine, 76, Paris mdccccii
SAINT IGNACE
Ignace est ainsi nommé, de ignem patiens, c’est-à-dire qu’il a enduré le feu de l’Amour Divin.
Saint Ignace fut disciple de Saint Jean et Évêque d’Antioche. On dit qu’il adressa à la Sainte Vierge une lettre conçue en ces termes:
« A Marie Porte-Christ, Ignace son dévoué. Vous avez dû fortifier et consoler en moi le néophyte et le disciple de votre Jean. J’ai appris en effet de votre Jésus des choses admirables à dire, et j’ai été stupéfait en les entendant.
Or, j’attends de vous, qui avez toujours été unie d’amitié avec lui, et qui étiez de tous ses secrets, que vous m’assuriez la vérité de tout ce que j’ai entendu. »
Une autre leçon ajoute ce qui suit: « Je vous ai déjà écrit plusieurs fois, et vous ai demandé des explications.
Adieu, et que les néophytes qui sont avec moi reçoivent force de vous, par vous et en vous.»
Alors la bienheureuse Vierge Marie, mère de Dieu, lui répondit: « A Ignace, son disciple chéri, l’humble servante de Jésus-Christ.
Les choses que vous avez apprises et entendues de Jean, touchant Jésus, sont vraies ; croyez-les, étudiez-les, attachez-vous fermement à ce que vous avez promis à Jésus-Christ, et conformez-y vos mœurs et votre vie.
Je viendrai avec Jean, vous voir et ceux qui sont avec vous. Soyez ferme et agissez avec les principes de la Foi, pour ‘que la violence de la persécution ne vous ébranle pas, mais que votre esprit soit fort et, ravi en Dieu voire sauveur; ainsi soit-il » *.
* Ces deux lettres sont-elles authentiques? Les auteurs anciens disent oui, les modernes disent non. Ce qu’il y a de certain c’est qu’elles remontent à une très haute antiquité.
Or, Saint Ignace jouissait d’une autorité si grande que Denys lui-même, le disciple de l’apôtre Saint Paul, qui fut si profond en philosophie et si accompli dans la science divine, citait les paroles de Saint Ignace comme une autorité, pour prouver ce qu’il avançait.
En son livre des Noms divins, il rapporte que quelques-uns voulaient rejeter le nom d’amour en disant que dans les choses divines il y avait plutôt dilection qu’amour; il dit, en voulant montrer que ce mot d’Amour devait être employé en tout dans les choses divines :
« Le divin Ignace a écrit : Mon amour a été crucifié. » On lit dans l’Histoire tripartite (Liv. X, ch. IX.) que Saint Ignace entendît les anges chanter des Antiennes sur- une montagne, et dès lors il ordonna qu’on chanterait dés Antiennes dans l’église et qu’on entonnerait des Psaumes sur les Antiennes.
Après avoir longuement prié le Seigneur pour la paix de l’église, Saint Ignace redoutant le péril, non pour lui, mais pour les faibles, alla au-devant de l’empereur Trajan, qui commença à régner l’an 100, alors qu’à son retour, après une victoire, il menaçait de mort tous les Chrétiens; il déclara ouvertement qu’il était lui-même Chrétien.
Trajan le fit charger de chaînes, le confia à dix soldats et ordonna de le conduire à Rome en le menaçant de, le jeter en pâture aux bêtes.
Or, pendant le trajet, Ignace préparait des lettres, destinées à toutes les Églises et, les confirmait dans la Foi de Jésus-Christ.
Il y en avait une pour l’Église de Rome, ainsi que le rapporte l’Histoire ecclésiastique, dans laquelle il priait qu’on ne fit rien pour, empêcher son martyre.
Voici ses paroles: « De la Syrie jusqu’à Rome, je combats avec les bêtes par mer et par terre, le jour et la nuit, lié et attaché au milieu de dix léopards (ce sont les soldats qui, me gardent), dont la cruauté augmente en raison du bien que je leur fais: mais leur cruauté est mon instruction.
O bêtes salutaires, qui me sont réservées ! Quand viendront-elles ? Quand seront-elles lâchées ? Quand leur sera-t-il permis de se nourrir de mes chairs ?
Je les inviterai à me dévorer, je les prierai pour qu’elles ne craignent pas de toucher mon corps, comme elles l’ont fait à d’autres.
Je ferai plus, si elles tardent trop, je leur ferai violence, je me mettrai dans leur gueule.
Pardonnez-moi, je vous prie ; je sais ce qui m’est avantageux. Qu’on réunisse contre moi le feu, les croix, les bêtes, que mes os soient broyés, que tous les membres de mon corps soient mis en pièces, que tous les tourments inventés par le diable soient amassés sur moi, pourvu que je mérite d’être uni à Jésus-Christ. »
Arrivé à Rome et amené devant Trajan, cet empereur lui dit: « Ignace, pourquoi fais-tu révolter Antioche et convertis-tu mon peuple à la Chrétienté? »
Ignace lui répondit : « Plût à Dieu que je puisse te convertir aussi, afin que tu jouisses toujours d’une autorité inébranlable. »
Trajan lui dit : « Sacrifie à mes Dieux et tu seras le premier de tous les prêtres. »
Ignace répondit: Je ne sacrifierai point à tes dieux, et je n’ambitionne pas la dignité que tu m’offres. Tu pourras faire de moi tout ce que tu veux, mais jamais tu ne me changeras. »
« Brisez-lui les épaules, reprit Trajan, avec des fouets plombés, déchirez-lui les côtés et frottez ses blessures avec des pierres aiguës. »
Il resta immobile au milieu de tous les tourments, et Trajan dit ; «Apportez des charbons ardents, et faites-le marcher dessus les pieds nus.»
Ignace lui dit : «Ni le feu ardent, ni l’eau bouillante ne pourront éteindre en moi la Charité de J-C. »
Trajan ajouta « C’est maléfice cela, de ne point céder après de pareilles tortures. »
Ignace lui répondit: « Nous autres Chrétiens, nous n’usons pas de maléfices, puisque dans notre loi, nous devons ôter la vie aux enchanteurs c’est vous, au contraire, qui usez de maléfices, vous qui adorez des idoles.»
Trajan reprit; « Déchirez-lui le dos avec des ongles de fer, et mettez du sel dans ses plaies. » Ignace lui dit : « Les souffrances de la vie présente n’ont point de proportion avec la gloire à venir. »
Trajan insista: « Enlevez-le, attachez-le avec des chaînes de fer à un poteau, gardez-le au fond d’un cachot, laissez-le sans boire ni manger et dans trois jours, donnez-le à dévorer aux bêtes. »
Le troisième jour donc étant venu, l’Empereur, le Sénat et tout le peuple s’assemblèrent pour voir l’Évêque d’Antioche combattre les bêtes, et Trajan dit :
« Puisque Ignace est superbe et contumace, liez-le et lâchez deux lions sur lui afin qu’il ne reste rien de sa personne. »
Alors Saint Ignace dit au peuple présent : « Romains, qui assistez à ce spectacle, je n’ai pas travaillé pour rien.
Si je souffre, ce n’est pas pour avoir commis des crimes, mais c’est pour ma piété envers Dieu. »
Ensuite il se mit à dire, ainsi que le rapporte l’Histoire ecclésiastique : « Je suis le froment de J.-C., je serai moulu par les dents des bêtes afin de devenir un pain pur. »
En entendant ces mots, l’empereur dit: « La patience des chrétiens est grande; quel est celui des Grecs qui en endurerait autant pour son Dieu ? »
Ignace répondit : « Ce n’a pas été par ma vertu, mais avec l’aide de Dieu que j’ai supporté ces tourments.»
Alors Saint Ignace provoqua les lions pour qu’ils accourussent le dévorer. Deux lions furieux accoururent donc et ne firent que l’étouffer sans toucher aucunement sa chair.
Trajan, à cette vue, se retira dans une grande admiration en donnant l’ordre de ne pas empêcher que l’on vint enlever les restes du martyr.
C’est pourquoi les chrétiens prirent son corps et l’ensevelirent avec honneur.
Quand Trajan eut reçu une lettre, par laquelle Pline le jeune recommandait vivement les Chrétiens que l’empereur immolait, il fut affligé, de ce qu’il avait fait endurer à Ignace, et ordonna qu’on ne recherchât plus les Chrétiens, mais que s’il en tombait quelqu’un entre les mains de la justice, il fût puni.
On lit encore que Saint Ignace, au milieu de tant de tourments, ne cessait d’invoquer le nom de J.-C.
Comme ses bourreaux lui demandaient pourquoi il répétait si souvent ce nom, il dit : « Ce nom, je le porte écrit dans mon cœur ; c’est la raison pour laquelle je ne puis cesser de l’invoquer. »
Or, après sa mort, ceux qui l’avaient entendu parler ainsi voulurent s’assurer du fait; ils ôtent donc son cœur de son corps, le coupent en deux, et trouvent ces mots gravés en lettres d’or au milieu : « J.-C. »
Ce qui donna la Foi à plusieurs.
Saint Bernard parle ainsi de ce Saint, dans son commentaire sur le Psaume : Qui habitat. « Le grand Saint Ignace fut l’élève du disciple que Jésus aimait ; il fut martyr aussi et ses précieuses reliques enrichirent notre pauvreté.
Dans plusieurs lettres qu’il adressa à Marie, il la salue du nom de Porte-Christ : c’est un bien grand titre de dignité et une recommandation d’un immense honneur!