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SOLENNITÉ DES SAINTS APÔTRES PIERRE ET PAUL, HOMÉLIE DU BARTHOLOMAIOS I ET DU PAPE BENOÎT XVI

28 juin, 2015

http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/homilies/2008/documents/hf_ben-xvi_hom_20080629_pallio.html

CHAPELLE PAPALE EN LA SOLENNITÉ DES SAINTS APÔTRES PIERRE ET PAUL

HOMÉLIE DU PATRIARCHE ŒCUMÉNIQUE BARTHOLOMAIOS I ET DU PAPE BENOÎT XVI

Basilique  Vaticane Dimanche 29 juin 2008

HOMÉLIE DU PATRIARCHE ŒCUMÉNIQUE BARTHOLOMAIOS I

Votre Sainteté, Ressentant encore vivement la joie et l’émotion de la participation personnelle et bénie de Votre Sainteté à la fête patronale de Constantinople, en la mémoire de saint André Apôtre, le Premier appelé, en novembre 2006, nous sommes venus « d’un pas joyeux », du Phanar de la Nouvelle Rome, auprès de vous, afin de participer à votre joie en la fête patronale de l’Antique Rome. Et nous sommes venus auprès de vous « comblés de la bénédiction du Christ » (Rm 15, 29), restituant l’honneur et l’amour, pour fêter avec notre frère bien-aimé dans la terre d’Occident, « les hérauts sûrs et inspirés, les coryphées des disciples du Seigneur », les saints Apôtres Pierre, frère d’André, et Paul:  ces deux immenses colonnes centrales élevées vers le ciel, de l’Eglise tout entière, qui – en cette ville historique – ont rendu la dernière confession éclatante au Christ et ont rendu ici leur âme au Seigneur dans le martyre, l’un par la croix et l’autre par l’épée, la sanctifiant. Nous saluons donc avec un amour profond et très pieux, de la part de la très sainte Eglise de Constantinople et de ses fils présents dans le monde, Votre Sainteté, Frère désiré, en souhaitant de tout cœur « à tous les bien-aimés de Dieu  qui  sont à Rome » (Rm 1, 7), de jouir d’une bonne santé, de la paix, de la prospérité et de progresser jour et nuit vers le salut « dans la ferveur de l’esprit, au service du Seigneur, avec la joie de l’espérance, constants dans la tribulation, assidus à la prière » (Rm 12, 11-12). Votre Sainteté, dans les deux Eglises, nous honorons et vénérons comme il se doit aussi bien celui qui a rendu une confession salvifique de la Divinité du Christ, Pierre, que le vase d’élection, Paul, qui a proclamé cette confession et cette foi jusqu’aux extrémités de l’univers, malgré les difficultés et les dangers les plus inimaginables. Nous fêtons leur mémoire depuis l’année du salut 258, le 29 juin, en Occident et en Orient, où les jours qui précèdent, selon la tradition de l’Eglise antique, nous nous sommes préparés en Orient également au moyen du jeûne, observé en leur honneur. Pour mieux souligner leur valeur égale, mais aussi en raison de leur poids dans l’Eglise et dans son œuvre régénératrice et salvifique au cours des siècles, l’Orient les honore aussi habituellement à travers une icône commune, dans laquelle ils tiennent entre leurs saintes mains un petit voilier, qui symbolise l’Eglise, ou bien ils s’embrassent l’un l’autre et s’échangent le baiser en Christ. Votre Sainteté, c’est précisément ce baiser que nous sommes venus échanger avec vous, en soulignant le désir ardent en Christ et l’amour, des choses qui nous touchent de près les uns les autres. Le dialogue théologique entre nos Eglises « en foi, vérité et amour », grâce à l’aide divine va de l’avant, au-delà des difficultés importantes qui subsistent et des problématiques connues. Nous  le  désirons vraiment et prions beaucoup à cet effet; que ces difficultés soient surmontées et que les problèmes disparaissent, le plus rapidement possible, pour rejoindre l’objet du désir final, à la gloire de Dieu. Nous savons bien que ce désir est aussi le vôtre, comme nous sommes également certains que Votre Sainteté ne négligera rien en travaillant en personne, avec ses illustres collaborateurs, en aplanissant parfaitement la voie, vers une issue positive, si Dieu le veut, des travaux du Dialogue. Votre Sainteté, nous avons proclamé l’année 2008 « Année de l’Apôtre Paul », comme vous le faites vous aussi aujourd’hui jusqu’à l’année prochaine, à l’occasion des deux mille ans de la naissance du grand Apôtre. Dans le cadre des manifestations relatives à cet anniversaire, où nous avons aussi vénéré le lieu exact de son martyre, nous programmons entre autres choses un pèlerinage à certains lieux de l’activité évangélique de l’Apôtre en Orient, comme Ephèse, Perges; et d’autres villes de l’Asie mineure, mais aussi Rhodes et Crète, dans la localité appelée « Bons Ports ». Votre Sainteté, soyez assurés que sur ce saint parcours vous serez présents vous aussi, en cheminant avec nous en esprit, et qu’en chaque lieu nous élèverons une prière ardente pour vous et pour nos frères de la vénérable Eglise romaine catholique, en adressant pour vous à travers le divin Paul une puissante supplique et intercession au Seigneur. Et à présent, en vénérant les souffrances et la croix de Pierre et en embrassant la chaîne et les stigmates de Paul, en honorant la confession, le martyre et la vénérable mort de tous les deux au nom du Seigneur, qui conduit vraiment à la Vie, nous glorifions le Dieu trois fois saint et nous le supplions, afin que par l’intercession de ses protocoryphées apôtres, il nous donne ici-bas, ainsi qu’à tous ses fils partout  dans  le monde de l’Eglise orthodoxe et romaine catholique, « l’union de la foi et la communion de l’Esprit Saint » dans le « lien de la paix » et là-haut, en revanche, la vie éternelle et la grande miséricorde. Amen.

HOMÉLIE DU SAINT-PÈRE

Votre Sainteté et délégués fraternels, Messieurs les cardinaux, Vénérés frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce, Chers frères et sœurs! Depuis les temps les plus anciens l’Eglise de Rome célèbre la solennité des grands Apôtres Pierre et Paul comme une unique fête le même jour, le 29 juin. A travers leur martyre, ils sont devenus frères; ensemble ils sont les fondateurs de la nouvelle Rome chrétienne. C’est comme tels que les chante l’hymne des secondes Vêpres qui remonte à Paulin d’Aquilée (+806)! « O Roma felix – Rome heureuse, ornée de pourpre par le sang précieux de Princes aussi  grands. Tu dépasses toutes les beautés du monde, non par ton mérite, mais par le mérite des saints que tu as tués par l’épée sanglante ». Le sang des martyrs n’invoque pas vengeance, mais il réconcilie. Il ne se présente pas comme une accusation, mais comme une « lumière dorée », selon les paroles de l’hymne des premières Vêpres:  il se présente comme force de l’amour qui dépasse la haine et la violence, en fondant ainsi une nouvelle ville, une nouvelle communauté. Par leur martyre, ces derniers – Pierre et Paul – font à présent partie de Rome:  à travers le martyre, Pierre aussi est devenu un citoyen romain pour toujours. A travers le martyre, à travers leur foi et leur amour, les deux Apôtres indiquent où se trouve la véritable espérance, et sont les fondateurs d’un nouveau genre de cité, qui doit se former toujours à nouveau au sein de la vieille cité humaine, qui reste menacée par les forces contraires du péché et de l’égoïsme des hommes. En vertu de leur martyre, Pierre et Paul sont en relation réciproque pour toujours. Une des images préférées de l’iconographie chrétienne est le baiser des deux apôtres en marche vers le martyre. Nous pouvons dire:  leur martyre lui-même, au plus profond, est la réalisation d’un baiser fraternel. Ils meurent pour l’unique Christ et, dans le témoignage pour lequel ils donnent la vie, ils sont un. Dans les écrits du Nouveau Testament nous pouvons, pour ainsi dire, suivre le développement de leur baiser, de cette façon de créer l’unité dans le témoignage et dans la mission. Tout commence lorsque Paul, trois ans après sa conversion, va à Jérusalem, « pour faire la connaissance de Pierre » (Ga 1, 18). Quatorze ans plus tard, il monte de nouveau à Jérusalem, pour exposer « aux personnages les plus importants » l’Evangile qu’il prêche, pour ne pas prendre le risque de « courir pour rien, ni avoir couru jusqu’à présent pour rien » (Ga 2, 1sq). A la fin de cette rencontre, Jacques, Céphas et Jean lui donnent la main droite, confirmant ainsi la communion qui les rassemble dans l’unique Evangile de Jésus Christ (Ga 2, 9). Un beau signe de ce baiser intérieur qui s’étend, qui se développe malgré la diversité des tempéraments et des tâches, est le fait que les collaborateurs mentionnés à la fin de la Première Lettre de saint Pierre – Silvain et Marc – sont des collaborateurs tout aussi proches de saint Paul. La communion de l’unique Eglise, le baiser des grands Apôtres, est rendue visible de manière très concrète dans la communauté des collaborateurs. Pierre et Paul se sont rencontrés au moins deux fois à Jérusalem; à la fin, leurs deux parcours débouchent à Rome. Pourquoi? Est-ce là plus qu’un pur hasard? Un message durable y est-il contenu? Paul arriva à Rome comme prisonnier, mais dans le même temps comme citoyen romain qui, après son arrestation à Jérusalem, avait précisément, en tant que tel, fait recours à l’empereur devant le tribunal duquel il fut conduit. Mais dans un sens encore plus profond, Paul est venu volontairement à Rome. Grâce à la plus importante de ses Lettres, il s’était déjà approché intérieurement de cette ville:  il avait adressé à l’Eglise de Rome l’écrit qui, plus que tout autre, constitue la synthèse de toute son annonce et de sa foi. Dans le salut initial de la Lettre, il dit que le monde entier parle de la foi des chrétiens de Rome, et qu’elle est donc connue partout comme exemplaire (Rm 1, 8). Il écrit ensuite:  « Je ne veux pas vous le laisser ignorer, frères:  j’ai bien souvent eu l’intention de venir chez vous » (1, 13). A la fin de la Lettre, il reprend ce thème en parlant à présent de son projet d’aller jusqu’en Espagne:  « Quand je me rendrai en Espagne, en effet, j’espère bien que je vous verrai en passant, et que vous m’aiderez pour me rendre là-bas quand j’aurai d’abord un peu profité de cette rencontre avec vous » (15, 24). « Et je sais bien que ma venue chez vous sera comblée de la bénédiction du Christ » (15, 29). Deux choses apparaissent ici de manière évidente:  Rome est pour Paul une étape sur la route vers l’Espagne, c’est-à-dire – selon sa conception du monde – vers la partie extrême de la terre. Il considère comme sa mission de réaliser la tâche reçue du Christ d’apporter l’Evangile jusqu’aux frontières extrêmes du monde. Sur ce parcours se trouve Rome. Alors que généralement Paul ne se rend que dans les lieux où l’Evangile n’est pas encore annoncé, Rome constitue une exception. Il y trouve une Eglise dont la foi parle au monde. Aller à Rome fait partie de l’universalité de sa mission comme envoyé à tous les peuples. Le chemin vers Rome, que déjà avant son voyage extérieur il a parcouru intérieurement grâce à sa Lettre, fait partie intégrante de sa tâche d’apporter l’Evangile à toutes les nations – de fonder l’Eglise catholique, universelle. Aller à Rome est pour lui l’expression de la catholicité de sa mission. Rome doit rendre la foi visible au monde entier, elle doit être le lieu de la rencontre dans l’unique foi. Mais pourquoi Pierre est-il allé à Rome? A ce propos, le Nouveau Testament ne se prononce pas de manière directe. Il nous donne cependant quelques indications. L’Evangile de saint Marc, que nous pouvons considérer un reflet de la prédication de saint Pierre, est profondément orienté vers le moment où le centurion romain, face à la mort en croix de Jésus Christ, dit:  « Vraiment, cet homme était le Fils de Dieu » (15, 39). Auprès de la Croix se révèle le mystère de Jésus Christ. Sous la Croix naît l’Eglise des nations:  le centurion du peloton d’exécution romain reconnaît en Christ le Fils de Dieu. Les Actes des Apôtres décrivent comme une étape décisive pour l’entrée de l’Evangile dans le monde des païens, l’épisode de Corneille, le centurion de la cohorte italique. Sur un commandement de Dieu, il envoie quelqu’un prendre Pierre et celui-ci, suivant lui aussi un ordre divin, se rend dans la maison du centurion et prêche. Alors qu’il parle, l’Esprit Saint descend sur la communauté domestique rassemblée et Pierre dit:  « Pourrait-on refuser l’eau du baptême à ces gens qui ont reçu l’Esprit Saint tout comme nous? » (Ac 10, 47). Ainsi, dans le Concile des Apôtres, Pierre devient l’intercesseur pour l’Eglise des païens qui n’ont pas besoin de la Loi, car « Dieu a purifié leurs cœurs par la foi » (Ac 15, 9). En effet, dans la Lettre aux Galates, Paul dit que Dieu a donné à Pierre la force pour le ministère apostolique parmi les circoncis; à Paul, il l’a en revanche donnée pour le ministère parmi les païens (2, 8). Mais cette assignation ne pouvait être valable que tant que Pierre restait avec les Douze à Jérusalem, dans l’espérance que tout Israël adhère au Christ. Face au développement ultérieur, les Douze reconnurent le moment où eux aussi devaient se mettre en marche vers le monde entier, pour lui annoncer l’Evangile. Pierre, qui selon l’ordre de Dieu avait le premier ouvert la porte aux païens, laisse à présent la présidence de l’Eglise chrétienne juive à Jacques le mineur, pour se consacrer à sa véritable mission:  au ministère pour l’unité de l’unique Eglise de Dieu formée par des juifs et des païens. Le désir de saint Paul d’aller à Rome souligne – comme nous l’avons vu -, parmi les caractéristiques de l’Eglise, en particulier le terme « catholica ». Le chemin de saint Pierre vers Rome, comme représentant des peuples du monde, est surtout soumis au mot « una »:  sa tâche est de créer l’unité de la catholica, de l’Eglise formée de juifs et de païens, de l’Eglise de tous les peuples. Et telle est la mission permanente de Pierre:  faire en sorte que l’Eglise ne s’identifie jamais avec une seule nation, avec une seule culture ou avec un seul Etat. Qu’elle soit toujours l’Eglise de tous. Qu’elle réunisse l’humanité au-delà de toute frontière et, au milieu des divisions de ce monde, qu’elle rende présente la paix de Dieu, la force réconciliatrice de son amour. Grâce à la technique qui est partout semblable, grâce au réseau mondial d’informations, ainsi que grâce à l’union d’intérêts communs, il existe aujourd’hui dans le monde de nouveaux modèles d’unité, qui font cependant aussi exploser de nouvelles oppositions et qui donnent une nouvelle impulsion aux anciennes. Face à cette unité externe, fondée sur les choses matérielles, nous avons d’autant plus besoin de l’unité intérieure, qui provient de la paix de Dieu – l’unité de tous ceux qui, à travers Jésus Christ, sont devenus frères et sœurs. Telle est la mission permanente de Pierre et également la tâche particulière confiée à l’Eglise de Rome. Chers confrères dans l’épiscopat! Je voudrais à présent m’adresser à vous qui êtes venus à Rome pour recevoir le pallium comme symbole de votre dignité et de votre responsabilité d’archevêques dans l’Eglise de Jésus Christ. Le pallium a été tissé avec la laine de brebis, que l’Evêque de Rome bénit chaque année en la fête de la chaire de Pierre, les mettant, pour ainsi dire, de côté afin qu’elles deviennent un symbole pour le troupeau du Christ, que vous présidez. Lorsque nous plaçons le pallium sur nos épaules, ce geste nous rappelle le pasteur qui prend sur ses épaules la brebis égarée, qui toute seule ne retrouve plus le chemin de la maison, et la ramène à la bergerie. Les Pères de l’Eglise ont vu dans cette brebis l’image de toute l’humanité, de la nature humaine tout entière, qui s’est perdue et ne trouve plus le chemin de la maison. Le Pasteur qui la ramène chez elle ne peut être que le Logos, la Parole éternelle de Dieu lui-même. Dans l’incarnation, il nous a tous pris – la brebis « homme » – sur ses épaules. Lui, la Parole éternelle, le véritable pasteur de l’humanité, nous porte; dans son humanité, il porte chacun de nous sur ses épaules. Sur la voie de la Croix il nous a portés à la maison, il nous porte à la maison. Mais il veut également avoir des hommes qui « portent » avec Lui. Etre pasteur dans l’Eglise du Christ signifie participer à ce devoir, que le pallium rappelle. Lorsque nous le portons, Il nous demande:  « Portes-tu avec moi aussi tous ceux qui m’appartiennent? Les portes-tu vers moi, vers Jésus Christ? ». Et alors nous vient à l’esprit le récit de l’envoi de Pierre par le Ressuscité. Le Christ ressuscité rattache l’ordre:  « Pais mes brebis » de manière indissoluble à la question:  « M’aimes-tu, m’aimes-tu plus que ceux-ci? ». Chaque fois que nous portons le pallium du pasteur du troupeau du Christ, nous devrions entendre cette question:  « M’aimes-tu? » et nous devrions nous laisser interroger à propos du surplus d’amour qu’Il attend du pasteur. Ainsi, le pallium devient le symbole de notre amour pour le pasteur Christ et de notre acte d’aimer avec Lui – il devient le symbole de l’appel à aimer les hommes comme Lui, avec Lui:  ceux qui sont en quête, qui se posent des questions, ceux qui sont sûrs d’eux et les humbles, les simples et les grands; il devient le symbole de l’appel à les aimer tous avec la force du Christ, afin qu’ils puissent Le trouver et se trouver en Lui. Mais le pallium, que vous recevez « de la » tombe de saint Pierre, a aussi une deuxième signification, liée de manière indissoluble à la première. Pour la comprendre, une parole de la Première Lettre de saint Pierre peut nous aider. Dans son exhortation aux prêtres de paître le troupeau de manière juste, il – saint Pierre – se qualifie lui-même de synpresbýteros – co-presbytre (5, 1). Cette formule contient implicitement une affirmation du principe de la succession apostolique:  les pasteurs qui se succèdent sont des pasteurs comme lui, ils le sont avec lui, ils appartiennent au ministère commun des pasteurs de l’Eglise de Jésus Christ, un ministère qui se poursuit avec eux. Mais cet « avec » possède encore deux significations. Il exprime également la réalité que nous indiquons aujourd’hui sous le terme de « collégialité » des évêques. Nous sommes tous co-presbytres. Aucun pasteur n’est seul. Nous ne nous trouvons dans la succession des apôtres que grâce au fait que nous sommes dans la communion du collège, dans lequel le collège des apôtres trouve sa continuation. La communion, le « nous » des pasteurs fait partie de l’être pasteurs, car le troupeau est un seul, l’unique Eglise de Jésus Christ. Enfin, ce « co- » renvoie également à la communion avec Pierre et avec son Successeur comme garantie de l’unité. Ainsi, le pallium nous parle de la catholicité de l’Eglise, de la communion universelle du pasteur et du troupeau. Et il nous renvoie à l’apostolicité:  à la communion avec la foi des apôtres, sur laquelle l’Eglise est fondée. Il nous parle de l’ecclesia una, catholica, apostolica et naturellement, en nous liant au Christ, il nous parle précisément aussi du fait que l’Eglise est sancta et que notre œuvre est un service à sa sainteté. Cela me fait encore revenir à saint Paul et à sa mission. Il a exprimé l’essentiel de sa mission, ainsi que la raison la plus profonde de son désir d’aller à Rome, dans le chapitre 15 de la Lettre aux Romains dans une phrase extraordinairement belle. Il sait qu’il est appelé « à être une officiant du Christ Jésus auprès des païens, ministre de l’Evangile de Dieu, afin que les païens deviennent une offrande agréable, sanctifiée dans l’Esprit Saint » (15, 16). Ce n’est que dans ce verset que Paul utilise le mot « hierourgein » – administrer en tant que ministre – avec « leitourgós » – officiant:  il parle de la liturgie cosmique, où le monde des hommes doit devenir adoration de Dieu,  offrande  dans l’Esprit Saint. Lorsque le monde, dans son ensemble, sera devenu liturgie de Dieu, lorsque dans sa réalité il sera devenu adoration, alors il aura atteint son objectif, alors il sera sain et sauf. Tel est le but ultime de la mission apostolique de saint Paul et de notre mission. Le Seigneur nous appelle à ce ministère. Prions en cette heure, afin qu’Il nous aide à l’accomplir de manière juste, à devenir de véritables officiants de Jésus Christ. Amen.  

« NOUS N’AVONS PLUS LE LUXE D’AGIR SÉPARÉMENT », DÉCLARE BARTHOLOMAIOS IER

1 décembre, 2014

http://www.zenit.org/fr/articles/nous-n-avons-plus-le-luxe-d-agir-separement-declare-bartholomaios-ier

« NOUS N’AVONS PLUS LE LUXE D’AGIR SÉPARÉMENT », DÉCLARE BARTHOLOMAIOS IER

DIVINE LITURGIE DE S. ANDRÉ EN PRÉSENCE DU PAPE FRANÇOIS (TEXTE INTÉGRAL)

Rome, 30 novembre 2014 (Zenit.org) Patriarche Bartholomaios Ier

« Nous n’avons plus le luxe d’agir séparément », déclare le patriarche Bartholomaios Ier, lors de la Divine Liturgie qu’il a célébrée au Phanar, en l’église patriarcale Saint-George, ce dimanche 30 novembre, pour la fête de saint André, saint patron du Patriarcat oecuménique, en présence du pape François.
« Les problèmes que la conjoncture historique dresse aujourd’hui devant nos Églises nous prescrivent de surmonter l’introversion, et y faire face en collaborant le plus étroitement possible. Nous n’avons plus le luxe d’agir séparément. Les persécuteurs contemporains des chrétiens ne demandent pas à quelle Église appartiennent leurs victimes. L’unité qui occupe tant nos réflexions est en train de se réaliser dans certaines régions, malheureusement, par le martyre. Tendons ensemble la main à l’être humain de notre temps, la main de Celui qui seul peut le sauver par Sa Croix et Sa Résurrection », a notamment déclaré le patriarche oecuménique.
Voici le texte intégral en français aimablement communiqué à Zenit par le Patriarcat.
A.B.

Discours de Sa Sainteté le Patriarche œcuménique Bartholomaios
adressé à Sa Sainteté le Pape François
lors de la divine liturgie
célébrée à l’occasion de la fÊte de l’apôtre André en l’église patriarcale
(30 novembre 2014)

Votre Sainteté François, bien-aimé frère en Christ, évêque de l’Ancienne Rome,
Nous rendons gloire et louange à notre Dieu en la Trinité qui nous a gratifiés de la joie ineffable et de l’honneur particulier de la présence en personne, cette année, de Votre Sainteté, à la célébration de la mémoire de l’Apôtre André, le Premier appelé qui, par sa prédication, a fondé notre Église. Nous remercions du fond du cœur Votre Sainteté de ce précieux don que constitue Votre présence bénie parmi nous à la tête d’une honorable délégation. Avec amour profond et grand respect nous Vous embrassons en Vous adressant le salut cordial de paix et de charité : « grâce et paix vous soient données de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ ! » (Rm1, 7). « Car l’amour du Christ nous étreint » (II Co 5, 14).
Nous gardons encore dans notre cœur le souvenir vivace de notre rencontre avec Votre Sainteté en Terre sainte pour effectuer un pèlerinage commun au lieu où est né, a vécu, a enseigné, a souffert et est ressuscité le Chef de notre foi. Nous gardons aussi le souvenir reconnaissant de l’événement historique que fut la rencontre au même endroit de nos illustres prédécesseurs, le Pape Paul VI et le Patriarche œcuménique Athénagoras. Leur rencontre d’alors dans la Ville Sainte, il y a cinquante ans, a changé le cours de l’histoire. Les marches parallèles, parfois conflictuelles de nos Églises se sont jointes dans la vision commune de retrouver notre unité perdue. L’amour qui s’était refroidi a été ranimé. Notre volonté a été forgée de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que notre communion se réalise à nouveau dans la même foi et le même calice. Depuis, le chemin vers Emmaüs s’est ouvert, peut-être long et parfois ardu, mais néanmoins sans retour, le Seigneur faisant route ensemble avec nous, jusqu’à ce qu’Il se révèle à nous « à la fraction du pain » (cf. Lc 24, 35).
Depuis, tous les successeurs de ces chefs inspirés suivent le même chemin, ayant établi, béni et soutenu le dialogue de charité et de vérité entre nos Églises en vue de lever les obstacles qui, durant un millénaire, s’étaient dressés dans nos relations ; dialogue entre frères et non, comme autrefois, entre adversaires, dispensant avec droiture et franchise la parole de la vérité, tout en nous respectant mutuellement en tant que frères.
Dans cette ambiance de marche commune dans laquelle nos dits prédécesseurs se sont engagés, nous Vous recevons, très saint Frère, comme porteur de la charité de l’Apôtre Pierre à son frère l’Apôtre André le Premier appelé dont nous fêtons aujourd’hui solennellement la mémoire. Selon une coutume sacrée, établie et suivie déjà depuis des décennies par les Églises de l’Ancienne et de la Nouvelle Rome, leurs délégations officielles échangent des visites lors de leurs fêtes patronales pour déclarer de la sorte la fraternité des deux Apôtres coryphées qui ont connu ensemble Jésus et cru en Lui comme Dieu et Sauveur. Ils ont transmis cette foi partagée aux Églises qu’ils ont fondées par leur prédication et sanctifiées par leur martyre. Cette foi, les Pères communs de nos Églises, réunis de l’Orient et de l’Occident dans des conciles œcuméniques, l’ont vécue et dogmatisée, la léguant à nos Églises comme fondement inébranlable de notre unité. Cette foi, que nous avons préservée en tant que foi commune en Orient et en Occident durant un millénaire, nous sommes à nouveau appelés à la poser comme base de notre unité, pour que « vivant en plein accord (…) d’un même cœur » (cf. Ph 2, 2), nous allions de l’avant avec Paul « oubliant le chemin parcouru et tout tendus en avant » (cf. Ph 3, 14).
Car, de fait, très saint Frère, notre devoir ne s’épuise pas dans le passé, mais s’étend principalement, surtout de nos jours, à l’avenir. Car, à quoi sert de rester fidèles au passé, si cela ne signifie rien pour l’avenir ? À quoi sert de s’enorgueillir de ce que nous avons reçu, si cela ne se traduit en termes de vie pour l’être humain, et pour le monde d’aujourd’hui et de demain ? « Jésus Christ est le même, hier, et aujourd’hui ; il le sera pour l’éternité » (He 13, 8). Et Son Église est appelée à avoir les yeux fixés plutôt sur le présent et l’avenir que sur le passé. L’Église existe pour le monde et pour l’être humain, et non pas pour elle-même.
Le regard tourné au présent, nous ne pouvons éviter d’être anxieux pour l’avenir : « Combats au dehors, craintes au dedans » (2 Co 7, 5). Ce constat de l’Apôtre sur son époque vaut entièrement aujourd’hui pour nous aussi. Car, le monde vit la crainte pour sa survie, l’angoisse du lendemain. Comment l’humanité survivra-t-elle demain, alors qu’elle est aujourd’hui déchirée par de multiples divisions, conflits et hostilités, souvent même perpétrés au nom de Dieu ? Comment la richesse de la terre sera-t-elle répartie plus équitablement pour que l’humanité ne vive demain la servitude la plus odieuse qu’elle n’ait jamais connue ? Quelle planète trouveront les générations futures pour y habiter, alors que, dans son avidité, l’homme moderne la détruit de façon impitoyable et irréversible ?
D’aucuns placent aujourd’hui leur espoir dans la science ; d’autres dans la politique ; d’autres encore dans la technologie. Mais aucune d’elles ne peut garantir l’avenir, si l’homme ne fait sien le kérygme de la réconciliation, de l’amour, de la justice, de l’acceptation d’autrui, de ce qui est différent, voire de l’ennemi. L’Église du Christ, le premier à avoir enseigné et vécu cette prédication, doit en premier la pratiquer elle-même « afin que le monde croie » (Jn 17, 21). Voilà pourquoi, la marche vers l’unité de ceux qui invoquent le nom du grand Pacificateur est plus impérieuse que jamais. Voilà pourquoi notre responsabilité de chrétiens est suprême vis-à-vis de Dieu, de l’être humain et de l’Histoire.

Sainteté,
Votre parcours relativement court à la tête de Votre Église a déjà fait de vous dans la conscience de nos contemporains un héraut de la charité, de la paix et de la réconciliation. Vous prêchez par Vos paroles, mais avant tout et surtout par la simplicité, l’humilité et l’amour envers tous, charismes moyennant lesquels vous exercez Votre haut ministère. Vous inspirez de la confiance aux méfiants, de l’espoir aux désespérés, des expectatives à ceux qui attendent une Église affectueuse envers tous. En outre, vous donnez l’espoir à Vos frères orthodoxes qu’au cours de votre pontificat le rapprochement de nos deux Églises anciennes se poursuivra, construit sur les bases solides de notre tradition commune qui depuis toujours respecte et reconnaît dans la structure de l’Église le primat de charité, d’honneur et de service dans le contexte de l’institution conciliaire, de sorte que le Dieu en la Trinité soit confessé « d’un même cœur et d’une seule voix » (Rm 15, 6) et que Son amour soit diffusé dans le monde.

Sainteté,
L’Église de la Ville de Constantin qui vous reçoit aujourd’hui avec grand amour et honneur, mais aussi avec profonde gratitude, est chargée d’un lourd héritage, mais aussi d’une responsabilité pour le présent et l’avenir. La Providence divine, par la discipline établie par les conciles œcuméniques, a confié à cette Église la fonction de coordonner et exprimer le consensus des très saintes Églises orthodoxes locales. Dans le contexte de cette responsabilité, nous travaillons avec circonspection pour préparer le saint et grand Concile de l’Église orthodoxe, que nous avons décidé de réunir ici, si Dieu le veut, en 2016. Les commissions compétentes travaillent déjà assidûment afin d’organiser ce grand événement dans l’histoire de l’Église orthodoxe pour la réussite duquel nous demandons aussi Vos prières. Malheureusement, la communion eucharistique rompue entre nos Églises, il y a mille ans, ne permet pas encore de réunir ensemble un grand concile œcuménique. Prions pour qu’une fois leur pleine communion rétablie, ce grand jour glorieux ne tarde pas à se lever. Jusqu’à ce que ce jour béni vienne, la participation de chacune de nos Églises à la vie conciliaire de l’autre s’exprimera par l’envoi d’observateurs, comme c’est déjà le cas, grâce à Votre aimable invitation, aux Synodes de Votre Église et, comme, nous l’espérons, ce sera aussi le cas au moment de réaliser notre saint et grand Concile.

Sainteté,
Les problèmes que la conjoncture historique dresse aujourd’hui devant nos Églises nous prescrivent de surmonter l’introversion et y faire face en collaborant le plus étroitement possible. Nous n’avons plus le luxe d’agir séparément. Les persécuteurs contemporains des chrétiens ne demandent pas à quelle Église appartiennent leurs victimes. L’unité qui occupe tant nos réflexions est en train de se réaliser dans certaines régions, malheureusement, par le martyre. Tendons ensemble la main à l’être humain de notre temps, la main de Celui qui seul peut le sauver par Sa Croix et Sa Résurrection.
Par ces réflexions et ces sentiments, nous exprimons encore une fois notre joie pour la présence parmi nous de Votre Sainteté, La remerciant et priant le Seigneur pour que, par l’intercession de celui que nous fêtons aujourd’hui, l’Apôtre Premier appelé et frère du premier Coryphée Pierre, protège Son Église et la mène à l’accomplissement de Sa sainte volonté.

Soyez le bienvenu parmi nous, frère bien-aimé !

Patriarcat oecuménique de Constantinople

LA VISITE DE BARTHOLOMEOS Ier À ROME – FÊTE DES SAINTS APÔTRES PIERRE ET PAUL (2004) -

25 juin, 2014

http://www.30giorni.it/articoli_id_4022_l4.htm

LA VISITE DE BARTHOLOMEOS Ier À ROME – FÊTE DES SAINTS APÔTRES PIERRE ET PAUL (2004) -

L’unité que nous souhaitons voir de nos yeux durant notre vie sur terre

Le Patriarche œcuménique de Constantinople a défini, dès son premier discours du 29 juin, les bases de cette unité que les Églises doivent demander «fixant les yeux sur Jésus, le chef de notre foi qui la mène à la perfection, sans lequel nous ne pouvons rien faire»

par Gianni Valente

«C’est avec des sentiments mêlés de tristesse et de joie que nous venons à vous en ce jour important de la fête des saints apôtres Pierre et Paul». L’exorde ambivalent de l’homélie prononcée par Bartholomeos Ier durant la messe du soir du 29 juin sur le parvis de Saint-Pierre, où était réunie une foule de cardinaux et d’archevêques catholiques attendant de recevoir le pallium des mains tremblantes du Pape, représente comme l’emblème de la façon dont s’est déroulée la visite du patriarche œcuménique de Constantinople à l’Église de Rome et à son Évêque, à l’occasion de la fête patronale de la Ville éternelle. Une sincérité sans calcul, peu accoutumée aux schémas préfabriqués des habituelles et vaines courtoisies dans les rapports du monde œcuménique. Une grande loyauté qui lui fait dire: «Tout en nous réjouissant avec vous, nous regrettons que manque ce qui aurait rendu totale notre joie à tous deux à savoir le rétablissement de la pleine communion entre nos Églises».
Bartholomeos connaît bien Rome. Il y a poursuivi ses études pendant quelques années au temps du Concile. C’est la troisième fois qu’il vient dans la Ville sainte en tant que patriarche, mais cette fois-ci sa visite a donné lieu à des attentes particulières. À la suite de la lettre que, le 29 novembre dernier, Bartholomeos avait envoyée au Pape pour manifester l’hostilité de toute l’Orthodoxie à la reconnaissance – dont il était question – du patriarcat pour les catholiques ukrainiens de rite oriental, il était nécessaire de dissiper les malentendus et de mettre fin aux mauvaises humeurs. Il fallait célébrer le réouverture de l’église romaine San Teodoro al Palatino qui a été confiée, sur décision du Pape, pour usage liturgique, aux grecs-orthodoxes de Rome. Et puis tombent cette année des anniversaires importants d’événements liés à l’histoire des rapports entre l’Église catholique et l’Église orthodoxe: le schisme d’Orient (1054), la quatrième Croisade avec le sac de Constantinople (1204) et l’accolade que se sont donnée à Jérusalem le pape Paul VI et le patriarche Athênagoras (1964), après des siècles d’hostilité entre évêques de la Première et de la Seconde Rome.
Les gestes et les mots de Bartholomeos, dans ses journées romaines, sont passés comme une brise fraîche au milieu des manières obséquieuses et formalistes des représentants de l’Église. Sans s’engager dans les impasses des querelles brûlantes sur le prosélytisme et l’uniatisme (seule une allusion dans la rencontre finale avec des journalistes pour réduire toute la question au zèle «excessif, incompréhensible et inacceptable» de «certains prêtres polonais»), Bartholomeos a défini, dès son premier discours du 29 juin, les bases de cette unité que les Églises doivent demander «fixant les yeux sur Jésus, le chef de notre foi qui la mène à la perfection, sans lequel nous ne pouvons rien faire». Une unité que pourtant», a-t-il dit, «nous souhaitons de tout notre cœur voir de nos yeux durant notre vie sur terre ».
L’accolade de Jean Paul II et du patriarche Bartholomeos Ier sur la place Saint-Pierre, à la fin de la messe dans la solennité des apôtres saint Pierre et saint Paul, le soir du 29 juin
L’accolade de Jean Paul II et du patriarche Bartholomeos Ier sur la place Saint-Pierre, à la fin de la messe dans la solennité des apôtres saint Pierre et saint Paul, le soir du 29 juin

Unité de l’Église et alliances mondaines
Il y a une façon de comprendre l’unité souhaitée entre les Églises qui se fonde sur des catégories et des interprétations «mondaines». Bartholomeos, dans les discours qu’il a prononcés à Rome, a utilisé plusieurs fois cet adjectif pour décrire le modus operandi qui conçoit cette unité comme une «soumission des Églises et de leurs fidèles à un unique schéma administratif» ou comme une «alliance idéologique ou une alliance d’action pour atteindre un but commun», une unité égale «aux unions des États, aux corporations de personnes et de structures avec lesquelles se crée une union d’organisation plus élevée».
Cette conception n’a rien à voir avec «l’expérience qui vient d’une telle communion de chacun avec le Christ que l’unité se fait dans le vécu du Christ». Une unité dans laquelle «on ne cherche pas à niveler les traditions, les usages et les habitudes de tous les fidèles», mais on demande seulement de vivre «la communion dans le vécu de l’incarnation du Logos de Dieu et de la descente de l’Esprit Saint dans l’Église ainsi que dans le vécu commun de l’événement de l’Église comme Corps du Christ». Le seul dialogue intéressant, «le plus important de tous», a lieu à l’intérieur de cet horizon.
Si n’existe pas cette insertion gratuite dans le «vécu du Christ», le risque est que l’on se serve du nom du Christ pour couvrir ses propres prétentions de pouvoir ecclésiastique. «Il est arrivé bien des fois», a expliqué Bartholomeos dans son homélie de la place Saint-Pierre, que «des fidèles, au cours des siècles, aient demandé au Christ d’approuver des œuvres qui n’étaient pas en accord avec son esprit». «On a encore plus souvent», poursuit-il, «attribué au Christ ses propres opinions, son propre enseignement en prétendant que les unes et l’autre étaient l’expression de l’esprit du Christ. De là sont nées des discordes entre les fidèles».
Le patriarche Bartholomeos Ier dépose un bouquet de fleurs sur la tombe de Paul VI, dans les Grottes du Vatican, le matin du 29 juin
Le patriarche Bartholomeos Ier dépose un bouquet de fleurs sur la tombe de Paul VI, dans les Grottes du Vatican, le matin du 29 juin

Défis et gestes concrets
Jean Paul II a lui aussi situé la rencontre avec Bartholomeos dans la perspective historique qui va des déchirures de 1054 et de 1204 au “revirement” de l’accolade entre Athênagoras et Paul VI et à la reprise du dialogue théologique entre les Églises d’Orient et d’Occident. Le matin du 29 juin, dans le discours qu’il a adressé à la délégation venant du Phanar, il s’est arrêté en particulier sur les événements de la IVe croisade, époque où «une armée partie pour récupérer pour la chrétienté la Terre Sainte se dirigea vers Constantinople pour prendre et saccager la ville, versant le sang de nos frères dans la foi». Dans l’homélie qu’il a prononcée durant la messe du soir, il a rappelé la rencontre entre Paul VI et Athênagoras comme «un défi pour nous», rappelant que l’engagement à marcher vers l’unité «pris par l’Église catholique avec le Concile Vatican II est irrévocable». Mais plus que les discours et les homélies, ce sont certains gestes concrets qui ont donné la mesure du peu qui sépare les Églises catholique et orthodoxe. Un peu qui les empêche pourtant de manifester et de vivre dans toutes ses conséquences la pleine communion visible. Des gestes comme le Credo que le Pape et le Patriarche ont récité ensemble en langue grecque, dans la formulation originale nicéo-constantinopolitaine, durant la messe du 29 juin. Ou comme l’hymne à l’apôtre Pierre, entonné par Bartholomeos devant le sépulcre de l’apôtre Pierre, le matin du 29 juin, quand le Patriarche est descendu dans les Grottes du Vatican pour réciter une prière et déposer un bouquet de fleurs sur la tombe de Paul VI.
L’Orthodoxie dans le cœur de Rome
Les Turcs appellent la résidence de Bartholomeos sur la Corne d’Or, à Istanbul, Rum Patrikhanesi, Patriarcat “Romain”. Dans le jargon local, le Patriarcat et sa cour sont aujourd’hui encore les Rum, les “Romains”, autrement dit les descendants de la tradition byzantine, laquelle se considérait comme l’héritière exclusive de la civilisation romaine impériale. Mis à part sa visite au Vatican, les trajets accomplis par Bartholomeos durant ses journées romaines ont tous été compris dans le triangle formé par le Capitole, le Palatin et l’île Tibérine, au cœur de Rome. Trajets qui ont consolidé le lien qui unit le patriarcat œcuménique à la réalité ecclésiale et civile de la Ville éternelle.
Dans l’après-midi du 30 juin, le Patriarche et toute la délégation (dont faisaient partie le métropolite Chrysostome d’Ephèse, Jean de Pergame et Gennadios de l’archidiocèse d’Italie) ont été accueillis par le maire de Rome, Walter Veltroni, dans la Salle des Drapeaux, au Capitole. Recevant la décoration de la Louve de Rome, Bartholomeos a souligné que «c’est l’idée de la réconciliation et de la collaboration entre les peuples européens qui a fait naître justement, ici, à Rome, l’Union européenne». Il a encore rendu hommage à la Cité éternelle, en tant que point concret de fusion des trois éléments constitutifs de la civilisation européenne: «La démocratie, la philosophie, l’art», a-t-il dit, «sont issus de l’ancien esprit grec. La suprématie du droit, l’organisation de l’État, la paix comme effet de la domination sur le monde expriment le réalisme de l’esprit romain. Le respect du faible, de la femme, de l’enfant, la diffusion de la charité, l’adoucissement de la cruauté et la clémence sociale expriment l’esprit chrétien […]. Souhaitons que l’esprit chrétien, partant de Rome, la ville qui cultive et mêle depuis des siècles les principes de ces trois civilisations, imprègne de son parfum la vie de tous les habitants de l’Europe».
La rencontre avec le maire Walter Veltroni , au Capitole, l’après-midi du 30 juin
La rencontre avec le maire Walter Veltroni , au Capitole, l’après-midi du 30 juin
La rencontre de la délégation patriarcale avec la Communauté de Sant’Egidio, qui s’est déroulée dans l’église san Bartolomeo, sur l’Île Tibérine, a confirmé les liens d’amitié qui existent depuis longtemps entre le Patriarche et le groupe ecclésial romain. Bartholomeos a loué les membres de la communauté «de poursuivre le dialogue interreligieux dans un esprit de paix», à un moment où des «heurts réciproques survenus au nom de la religion, ont répandu parmi les hommes l’idée erronée que la haine et l’extrémisme religieux plaisent à Dieu». Une idée qui attribue ainsi à Dieu un reniement pervers «de sa sagesse et de son amour, c’est-à-dire de lui-même».
Le matin du 1er juillet, les progrès accomplis par les Églises de la Première et de la Seconde Rome sur la voie de la pleine communion se sont manifestés de façon stable et concrète par la remise de l’église San Teodoro Tirone al Palatino (dédiée au martyr du même nom), qui a été confiée par le diocèse de Rome, sur décision de son Évêque, à l’archidiocèse orthodoxe d’Italie et qui est destinée à devenir la paroisse romaine des orthodoxes de langue grecque. Une église à plan circulaire, lieu de culte dès le VIe siècle, restaurée dans les deux dernières années selon les exigences de la liturgie byzantine, aux frais de Mme Fotini Livanos, qui appartient à une riche famille d’armateurs grecs. C’est dans cette église que Bartholomeos a présidé, pendant plus de deux heures, le thyranixion, célébration solennelle d’inauguration de l’usage liturgique de la part de la communauté grecque-orthodoxe, en présence de nombreux ecclésiastiques catholiques dont le cardinal vicaire Camillo Ruini, le cardinal Walter Kasper et l’archevêque substitut de la Secrétairerie d’État, Leonardo Sandri. Dans la petite église, avant-poste orthodoxe dans le cœur de l’aire archéologique de Rome, Bartholomeos a exprimé sa gratitude au Pape et à ses collaborateurs et a situé la concession de l’usage de l’«ancien temple» dans la perspective souhaitée de «l’accord qui plaît à Dieu sur les points importants, accord qui portera à l’union sacramentelle désirée».

Rendez-vous à Istanbul (via Ankara?)
L’annonce-surprise, Bartholomeos la réserve pour les dernières heures de son séjour romain. Après avoir été reçu par le Pape pour le déjeuner d’adieu et avoir souscrit avec lui la Déclaration conjointe rituelle, le soir du jeudi 1er juillet, il confie à un groupe de journalistes qu’il a profité de cette occasion pour inviter le Pape à Istanbul pour la fête de Saint Andréa, le 30 novembre prochain. «Et comme le Pape», ajoute-t-il, «est un chef d’État, il ira d’abord à Ankara, la capitale, puis il viendra chez nous». Bartholomeos évoque aussi la possibilité que, dans cet hypothétique voyage au Phanar, le Pape puisse rapporter sur la Corne d’Or les précieuses reliques des patriarches saint Jean Chrysostome et saint Grégoire de Naziance qui ont disparu de Constantinople, dans le sac de 1204. «Selon nos recherches», fait savoir Bartholomeos, «elles devraient se trouver à Saint-Pierre. On nous a dit au Vatican que l’on ferait des recherches. Quand elles auront été retrouvées, j’enverrai une lettre pour demander qu’elles nous soient restituées».
L’activisme politico-ecclésial de Bartholomeos (quelques heures avant de voir le Pape, il avait rencontré à Istanbul le président des États-Unis George W. Bush) suscite souvent des réserves dans les milieux ecclésiaux. Le caractère élevé du point de vue doctrinal de ses interventions (et ceux de Rome en sont un exemple) s’accorderait mal, au dire de certains, avec la faiblesse institutionnelle du patriarcat œcuménique qui conserve une juridiction directe sur quelques millions de fidèles, dont quelques milliers seulement sont en Turquie. M. Andrea Riccardi, fondateur de Sant’Egidio, a parlé du patriarcat œcuménique comme d’une «force faible dans le sens indiqué par l’apôtre Paul, qui dit: quand je suis faible, c’est alors que je suis fort». En ce sens, le rôle assumé par Barholomeos dans la partie qui se joue pour l’entrée du pays anatolien dans l’Union européenne est encore plus intéressant.
Dans la rencontre avec les journalistes, le Patriarche a fait l’éloge des pas accomplis par le gouvernement d’Erdogan pour aligner son pays sur les normes législatives européennes («certains députés kurdes ont été libérés, des émissions de télévision en langue kurde ont été créées, la peine de mort, qui est encore en vigueur aux États-Unis, a aussi été abolie»). Il a confié qu’il avait insisté pour que, dans la déclaration commune qu’il a souscrite avec le Pape, il y eût une allusion au dialogue nécessaire entre l’Europe et l’islam, en pensant précisément à la Turquie. Il a aussi annoncé que le gouvernement turc, guidé par des musulmans modérés, avait autorisé la réouverture de l’École de Théologie patriarcale de Halki, l’académie orthodoxe fermée dans les années Soixante-dix par le laïcisme rigide de la législation inspirée de Mustapha Kémal («nous comptons la remettre en fonction à la prochaine rentrée universitaire»).
Une rencontre entre le Pape et Erdogan orchestrée par Bartholomeos, un mois avant le Conseil de l’Europe qui devra se prononcer sur l’épineuse question de l’entrée de la Turquie dans l’Europe (et passer éventuellement outre les nombreuses objections à cette entrée, dont certaines viennent de l’Église et mettent parfois en avant les racines chrétiennes de l’Europe), serait pour le moins un coup magnifique.

 

ALLOCUTION DU PATRIARCHE BARTHOLOMAIOS AU SAINT-SÉPULCRE

11 juin, 2014

http://www.zenit.org/fr/articles/allocution-du-patriarche-bartholomaios-au-saint-sepulcre

ALLOCUTION DU PATRIARCHE BARTHOLOMAIOS AU SAINT-SÉPULCRE

Renoncer au fanatisme religieux, choisir l’amour

Rome, 28 mai 2014 (Zenit.org) Patriarche Bartholomaios Ier

« N’ayons pas peur de la mort ; n’ayons pas peur non plus du mal, malgré toutes les formes que ce mal puisse revêtir dans notre vie. La Croix du Christ s’est adossée toutes les flèches du mal (…): quiconque, comme dans le cas du Christ, est crucifié dans cette vie, verra la résurrection suivre la croix », affirme le patriarche Bartholomaios.
Voici notre traduction intégrale de l’allocution de Bartholomaios Ier, patriarche oecuménique de Constantinople, à Jérusalem, dimanche 25 mai, en la basilique de la Résurrection – Saint-Sépulcre après les lectures, au cours de la célébration œcuménique de la Parole, aux côtés du pape François, du patriarche Théophilos de Jérusalem, du patriarche arménien Nouhrad, du Custode de Terre Sainte, le P. Piernbattista Pizzaballa, ofm, représentant les trois communautés du « Statu Quo » et de représentants des autres confessions chrétiennes.
Il a dénoncé la fanatisme religieux et appelé à l’amour: « Le fanatisme religieux menace désormais la paix dans tant de régions du globe, où le don de la vie est sacrifié sur l’autel de la haine religieuse. Devant cette situation, le message qui émane de ce tombeau qui donne la vie, il est urgent et clair: aimer l’autre, l’autre avec ses différences, qui suit d’autres religions et confessions. »
A.B.

Allocution du patriarche Bartholomaios
« Vous, soyez sans crainte ! Je sais que vous cherchez Jésus le Crucifié. Il n’est pas ici, car il est ressuscité, comme il l’avait dit. Venez voir l’endroit où il reposait » (Mt 28, 5-6).

Votre Sainteté et bien-aimé frère en Christ,
Votre Béatitude Patriarche de la sainte Cité de Jérusalem, bien aimé frère et concélébrant dans le Seigneur,
Vos Eminences, Vos Excellences, et vous tous les représentants des Eglises et des confessions chrétiennes,

Honorables frères et sœurs,
C’est avec crainte, émotion et respect que nous nous trouvons devant « l’endroit où le Seigneur reposait », le tombeau vivifiant d’où a jailli la vie. Et nous rendons gloire à Dieu miséricordieux, qui nous a rendus dignes, nous Ses indignes serviteurs, de la suprême bénédiction de faire de nous des pèlerins dans les lieux où le mystère du salut du monde s’est révélé. « Que ce lieu est redoutable ! C’est vraiment la maison de Dieu, la porte du ciel ! » (Gn 28, 17).
Nous sommes venus ici comme la femme qui porte la myrrhe au premier jour de la semaine « pour regarder le sépulcre » (Mt 28, 1), et nous aussi comme les femmes nous exhortons l’exhortation angélique: « Soyez sans crainte ». Otez des vos cœurs toute crainte, n’hésitez pas, ne désespérez pas. Ce tombeau irradie des messages de courage, d’espérance et de vie.
Le premier et le plus grand des messages qui jaillit de ce tombeau vide c’est que la mort, notre « dernier ennemi » (cf. 1 Co 15, 26), source de toute peur et de toute passion, a été vaincue; celle-ci n’a plus le dernier mot dans notre vie. Elle a été vaincue par l’amour, par Lui qui, volontairement, a accepté de souffrir et mourir par amour des autres. Chaque mort par amour, par amour de l’autre, se transforme en vie, la vraie vie: « Le Christ est ressuscité des morts, en mourant il a terrassé la mort et à ceux qui gisaient au tombeau Il a donné la vie ».
N’ayons pas peur de la mort ; n’ayons pas peur non plus du mal, malgré toutes les formes que ce mal puisse revêtir dans notre vie. La Croix du Christ s’est adossée toutes les flèches du mal : la haine, la violence, l’injustice, la douleur, l’humiliation — tout ce dont peut souffrir les pauvres, les personnes fragiles, les opprimés, les exploités, les marginalisés et les affligés dans ce monde. Qu’il soit tout de même clair: quiconque, comme dans le cas du Christ, est crucifié dans cette vie, verra la résurrection suivre la croix; la haine, la violence et l’injustice n’ont pas d’avenir, car l’avenir appartient à la justice, à l’amour et à la vie. On devrait donc travailler dans cette optique avec toutes les ressources disponibles, des ressources d’amour, de foi et de patience.
Un autre message émane néanmoins de ce vénérable tombeau, devant lequel nous nous trouvons en ce moment. C’est le message que l’histoire ne peut être programmée, que le dernier mot dans l’histoire n’appartient pas à l’homme mais à Dieu. Les gardes du pouvoir séculier ont surveillé vainement ce tombeau. En vain ils ont placés une grande pierre pour en fermer l’accès et que personne ne puisse ainsi la rouler et l’ôter. Les stratégies à longs termes des pouvoirs mondains sont vaines et en y regardant bien, tout est aléatoire face au jugement et à la volonté de Dieu. Tout effort de l’humanité aujourd’hui de façonner son avenir de manière autonome et sans Dieu est vaine prétention.
Enfin, ce tombeau nous invite à repousser une autre crainte qui est peut-être la plus répandue dans notre ère moderne, soit la peur de l’autre, du diffèrent, la peur de celui qui adhère à une autre foi, à une autre religion ou une autre confession. Dans un grand nombre de nos sociétés contemporaines les discriminations raciales et autres formes de discrimination sont encore aujourd’hui répandues; et pire encore, il est fréquent que celles-ci imprègnent même la vie religieuse des personnes. Le fanatisme religieux menace désormais la paix dans tant de régions du globe, où le don de la vie est sacrifié sur l’autel de la haine religieuse. Devant cette situation, le message qui émane de ce tombeau qui donne la vie, il est urgent et clair: aimer l’autre, l’autre avec ses différences, qui suit d’autres religions et confessions. Les aimer comme des frères et des sœurs. La haine conduit à la mort, tandis que l’amour « chasse la crainte » (1 Jn 4, 18) et conduit à la vie.
Chers amis, il y a cinquante ans, deux grands guides de l’Eglise, le pape Paul VI et le Patriarche œcuménique Athénagoras, chassèrent la crainte, chassèrent d’eux la crainte qui avait prévalu pendant un millénaire, une peur qui tint les deux anciennes Eglises, l’occidentale et l’orientale, à distance l’une de l’autre, voire même parfois l’une contre l’autre. Mais quand ils se sont placés devant cet espace sacré, ils ont transformé leur peur en amour. Et aujourd’hui nous voici ici avec sa Sainteté le pape François, leurs successeurs, en train de suivre leurs traces et honorer leur héroïque initiative. Nous avons échangé une accolade d’amour, pour continuer notre marche vers la pleine communion dans l’amour et la vérité (cf. Ep 4, 15) afin que « le monde croie » (Jn 17, 21), car aucune autre voie que celle de l’amour, de la réconciliation, de la paix authentique et de la fidélité à la Vérité, ne conduit à la vie.
C’est le chemin que tous les chrétiens sont appelés à suivre dans leurs relations réciproques — quelle que soit l’église ou la confession à laquelle ils appartiennent — se donnant ainsi en exemple au monde entier. La route peut être longue et fatigante; certains pourraient même avoir l’impression d’une impasse. Mais ce chemin est le seul qui mène à l’accomplissement de la volonté du Seigneur que « tous soient uns » (Jn 17, 21). Cette volonté de Dieu a ouvert le chemin parcouru par le guide de notre foi, notre Seigneur Jésus Christ crucifié et ressuscité en ce lieu saint. C’est à Lui qu’appartiennent la gloire et la puissance, en union avec le Père et l’Esprit Saint, pour les siècles des siècles, Amen.

« Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, puisque l’amour vient de Dieu » (1 Jn 4, 7).

Traduction d’Océane Le Gall

LE SENS DE LA PRIÈRE POUR LA CRÉATION, PAR LE PATRIARCHE BARTHOLOMAIOS IER – 2012

20 mars, 2013

http://www.zenit.org/fr/articles/le-sens-de-la-priere-pour-la-creation-par-le-patriarche-bartholomaios-ier

LE SENS DE LA PRIÈRE POUR LA CRÉATION, PAR LE PATRIARCHE BARTHOLOMAIOS IER

MESSAGE POUR LE NOUVEL AN LITURGIQUE ORTHODOXE

31 AOÛT 2012

ANNE KURIAN

ROME, vendredi 31 août 2012 (ZENIT.org) – Le patriarche œcuménique Bartholomaios Ier, archevêque de Constantinople, revient sur le sens de la prière pour la création, dans un message à l’occasion du 1er septembre 2012, premier jour de l’année liturgique pour de nombreux orthodoxes.
Pour le patriarche Bartholomaios Ier, « l’Eglise du Christ » est « pionnière » dans « l’effort écologique pour la protection de la planète ». En effet, rappelle-t-il, dès 1990 le patriarche Dimitrios (1914-1991) avait décrété le 1er septembre comme journée de prière pour l’environnement et la sauvegarde de la création.
Benoît XVI soutient d’ailleurs l’initiative de l’Eglise catholique italienne, qui vit cette journée de prière en union avec l’Eglise orthodoxe.
En quoi consiste cette prière pour la création ? Il s’agit d’implorer Dieu de « changer la mentalité des puissants du monde », afin qu’ils ne détruisent pas l’écosystème à cause de « profits financiers ou d’intérêts éphémères », explique le patriarche Bartholomaios Ier.
Mais l’invocation de l’Eglise en faveur de la création est aussi une « démarche de repentance », où le croyant reconnaît que c’est le péché de l’homme qui « détruit le monde », alors que l’humanité devrait « travailler pour la prospérité des ressources, avec soin et raison », ajoute-t-il.
Et cette démarche « concerne chacun », dans la mesure où « chacun génère des petits dommages écologiques » dans la création, même si c’est par « ignorance ». A ce titre, souligne le patriarche, le chrétien doit lui aussi faire une « démarche de repentance personnelle pour sa contribution – petite ou grande – à la défiguration et à la destruction de la création ».
La biodiversité, qui est « le travail de la sagesse divine », n’a « pas été donnée à l’humanité pour qu’elle y fasse un contrôle indiscipliné », estime-t-il. Au contraire, la domination de l’homme sur la terre « implique une utilisation raisonnable » des bénéfices de la création, et non pas « une appropriation destructrice de ses ressources par avidité ».
Il dénonce en ce sens les « abus excessif sur les ressources naturelles », causant la « destruction de l’équilibre de l’écosystème de la planète », tandis que « les règles divines de l’existence humaine sur terre sont de plus en plus transgressées », constate-t-il.
Or, poursuit le patriarche, les causes de ces bouleversements « ne sont pas inspirées par Dieu mais occasionnées par les hommes », et chacun en fait l’expérience soit au niveau local, soit à travers les phénomènes climatiques mondiaux actuels.
Concluant son message, il souhaite donc que l’action des personnes de « bonne volonté » en faveur de la création « porte du fruit ».