Archive pour la catégorie 'Pâques'

VEILLEE PASCALE EN LA NUIT SAINTE – HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS – Samedi saint, 3 avril 2021

4 avril, 2021

http://www.vatican.va/content/francesco/fr/homilies/2021/documents/papa-francesco_20210403_omelia-vegliapasquale.html

VEILLEE PASCALE EN LA NUIT SAINTE – HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS – Samedi saint, 3 avril 2021

Basilique Saint-Pierre – Autel de la Chaire

Les femmes pensaient trouver le cadavre à oindre, au contraire elles ont trouvé un tombeau vide. Elles étaient allé pleurer un mort, au contraire elles ont entendu une annonce de vie. C’est pourquoi, dit l’Evangile, ces femmes « étaient remplies de frayeur et d’étonnement » (Mc 16, 8). Remplies de frayeur, craintives, et remplies d’étonnement. Etonnement : ici c’est une crainte mêlée de joie, qui surprend leur cœur à la vue de la grande pierre du tombeau roulée et à l’intérieur un jeune homme avec un vêtement blanc. C’est l’étonnement d’entendre ces paroles : « Ne soyez pas effrayées ! vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié ? il est ressuscité » (v. 6). Et ensuite cette invitation : « Il vous précède en Galilée. Là vous le verrez » (v. 7). Accueillons nous aussi cette invitation, l’invitation de Pâques : allons en Galilée où le Seigneur Ressuscité nous précède. Mais que signifie « aller en Galilée » ?
Aller en Galilée signifie, d’abord, recommencer. Pour les disciples c’est retourner sur le lieu où, pour la première fois, le Seigneur les a cherchés et les a appelés à le suivre. C’est le lieu de la première rencontre, le lieu du premier amour. A partir de ce moment, ayant laissé leurs filets, ils ont suivi Jésus, écoutant sa prédication et assistant aux prodiges qu’il accomplissait. Pourtant, étant toujours avec lui, ils n’ont pas compris complètement, souvent ils ont mal interprété ses paroles et devant la croix ils ont fui, le laissant seul. Malgré cet échec, le Seigneur Ressuscité se présente comme celui qui, encore une fois, les précède en Galilée ; les précède, c’est-à-dire se tient devant eux. Il les appelle et les invite à le suivre, sans jamais se fatiguer. Le Ressuscité leur dit : “ Repartons d’où nous avons commencé. Recommençons. Je vous veux de nouveau avec moi, malgré et au-delà de tous les échecs”. Dans cette Galilée, nous apprenons l’étonnement de l’amour infini du Seigneur, qui trace des sentiers nouveaux à l’intérieur des routes de nos défaites. Le Seigneur est ainsi : il trace des sentiers nouveaux sur les routes de nos défaites. Il est ainsi, et il nous invite en Galilée à faire cela.
Voilà la première annonce de Pâques que je voudrais vous livrer : il est possible de toujours recommencer, parce qu’il y a toujours une vie nouvelle que Dieu est capable de faire repartir en nous au-delà de tous nos échecs. Même sur les décombres de notre cœur – chacun de nous sait, connaît les décombres de son propre cœur – même sur les décombres de notre cœur Dieu peut construire une œuvre d’art, même des fragments désastreux de notre humanité Dieu prépare une histoire nouvelle. Il nous précède toujours : sur la croix de la souffrance, de la désolation et de la mort, comme dans la gloire d’une vie qui ressuscite, d’une histoire qui change, d’une espérance qui renaît. Et en ces sombres mois de pandémie, nous entendons le Seigneur ressuscité qui nous invite à recommencer, à ne jamais perdre l’espérance.
Aller en Galilée, en second lieu, signifie parcourir des chemins nouveaux. C’est aller dans la direction opposée au tombeau. Les femmes cherchent Jésus au tombeau, elles vont faire mémoire de ce qu’elles ont vécu avec lui et qui maintenant est perdu pour toujours. Elles vont ressasser leur tristesse. C’est l’image d’une foi qui est devenue commémoration d’un fait beau mais fini, seulement à rappeler. Beaucoup – nous aussi – vivent la “foi des souvenirs”, comme si Jésus était un personnage du passé, un ami de jeunesse désormais loin, un fait arrivé il y a longtemps, quand étant enfant je fréquentais le catéchisme. Une foi faite d’habitudes, de choses du passé, de beaux souvenirs de l’enfance, qui ne me touche plus, ne m’interpelle plus. Par contre, aller en Galilée signifie apprendre que la foi, pour être vivante, doit se remettre en route. Elle doit faire revivre chaque jour le début du chemin, l’étonnement de la première rencontre. Et ensuite faire confiance, sans la présomption de tout savoir déjà, mais avec l’humilité de celui qui se laisse surprendre par les voies de Dieu. Nous avons peur des surprises de Dieu. En général, nous avons peur que Dieu nous surprenne. Et aujourd’hui le Seigneur nous invite à nous laisser surprendre. Allons en Galilée découvrir que Dieu ne peut pas être rangé parmi les souvenirs de l’enfance mais qu’il est vivant, qu’il surprend toujours. Ressuscité, il ne finit jamais de nous étonner.
Voilà la deuxième annonce de Pâques : la foi n’est pas un répertoire du passé, Jésus n’est pas un personnage dépassé. Il est vivant, ici et maintenant. Il marche avec toi chaque jour, dans la situation que tu vis, dans l’épreuve que tu traverses, dans les rêves que tu portes en toi. Il ouvre des chemins nouveaux où il te semble qu’il n’y en a pas, il te pousse à aller à contrecourant par rapport au regret et au “ déjà vu”. Même si tout te semble perdu, s’il te plait, ouvre-toi avec étonnement à sa nouveauté : il te surprendra.
Aller en Galilée signifie, en outre, aller aux frontières. Parce que la Galilée est le lieu le plus éloigné : dans cette région composite et variée habitent ceux qui sont plus loin de la pureté rituelle de Jérusalem. Pourtant Jésus a commencé sa mission à partir de là, adressant l’annonce à ceux qui mènent leur vie quotidienne avec peine, adressant l’annonce aux exclus, aux personnes fragiles, aux pauvres, pour être visage et présence de Dieu qui va chercher sans se lasser celui qui est découragé ou perdu, qui va jusqu’aux limites de l’existence parce qu’à ses yeux personne n’est dernier, personne n’est exclus. C’est là que le Ressuscité demande aux siens d’aller, encore aujourd’hui, il nous demande d’aller en Galilée, cette “Galilée” réelle. C’est le lieu de la vie quotidienne, ce sont les routes que nous parcourrons chaque jour, ce sont les recoins de nos villes où le Seigneur nous précède et se rend présent, justement dans la vie de celui qui passe à côté de nous et partage avec nous le temps, la maison, le travail, les peines et les espérances. En Galilée nous apprenons que nous pouvons trouver le Ressuscité dans le visage des frères, dans l’enthousiasme de celui qui rêve et dans la résignation de celui qui est découragé, dans les sourires de celui qui se réjouit et dans les larmes de celui qui souffre, surtout dans les pauvres et en celui qui est mis en marge. Nous nous étonnerons de la façon dont la grandeur de Dieu se révèle dans la petitesse, de la façon dont sa beauté resplendit dans les simples et dans les pauvres.
Voilà, alors, la troisième annonce de Pâques : Jésus, le Ressuscité, nous aime sans limites et visite chacune de nos situations de vie. Il a planté sa présence au cœur du monde et nous invite aussi à dépasser les barrières, vaincre les préjugés, approcher celui qui est à côté chaque jour, pour retrouver la grâce de la quotidienneté. Reconnaissons-le présent dans nos Galilée, dans la vie de tous les jours. Avec lui, la vie changera. Parce que au-delà de toutes les défaites, du mal et de la violence, au-delà de toute souffrance et au-delà de la mort, le Ressuscité vit et le Ressuscité conduit l’histoire.

Sœur, frère, si en cette nuit tu portes dans le cœur une heure sombre, un jour qui n’a pas encore surgi, une lumière ensevelie, un rêve brisé, va, ouvre ton cœur avec étonnement à l’annonce de la Pâque : “ N’aie pas peur, il est ressuscité ! Il t’attend en Galilée”. Tes attentes ne resteront pas déçues, tes larmes seront séchées, tes peurs seront vaincues par l’espérance. Parce que le Seigneur te précède toujours, il marche toujours devant toi. Et, avec lui, toujours la vie recommence.

LA PÂQUE DE L’HÉBREU JÉSUS

20 mars, 2018

http://www.nostreradici.it/pasqua_Gesu.htm

fr

Pesach

LA PÂQUE DE L’HÉBREU JÉSUS

Traduction Google d’italien

La ville dans laquelle Jésus et ses hommes sont arrivés au terme de leur voyage, et où, pour la première fois, Jésus a été témoin d’un sacrifice sacré, est encombrée de fidèles venus de toute communauté juive, même de l’étranger. Jules Isaac écrit: « … Vous écoutez toutes les langues, la foule envahit tout, submerge tout … ». Un demi-siècle après le Christ, l’historien Josèphe parlera de deux ou trois millions de pèlerins. Dans ce cas aussi, ce chiffre ne doit pas être pris à la lettre, mais indique seulement une grande foule. Puisque la population de Jérusalem s’élevait alors à 270 000 âmes, on peut supposer au plus un nombre doublé.
Qui, d’ailleurs, représentait déjà une participation énorme. Les pèlerins qui ne pouvaient pas trouver une place dans des maisons privées campaient dans les rues ou autour de la ville. « Donc, toujours écrit J. Isaac, une des tentes a été ajoutée à la ville de pierre ».
Dans une atmosphère festive, religieuse et nationale, les Juifs rassemblés dans leur capitale ont célébré un événement décisif dans leur histoire: l’exode d’Egypte, et un moment particulièrement important pour leur culte. La Pâques célébrée à Jérusalem est peut-être le moment culminant de la vie juive en Palestine, où une tradition très ancienne a été reprise et animée par la fusion de deux fêtes différentes.
« Mon père était un Araméen errant: il est descendu en Egypte, il est resté là comme un étranger avec peu de gens et il est devenu une grande, forte et nombreuse nation … ».
Ce passage du Deutéronome (26.5) hante encore l’esprit de ceux qui, à l’époque du second Temple, se réunissaient à Jérusalem pour Pâques, comme celui de certains Juifs contemporains.
Cela indique que Pâques existait déjà, sous une forme plus pastorale, avant même l’esclavage en Egypte. A l’origine c’était la fête de la prima-vera qui, au moment de l’équinoxe, évoquait les jours de la création.
Dit Philon le Juif: « A cette époque, les éléments de la nature étaient résolus à s’ordonner harmonieusement entre eux. Le ciel était couvert de splendeur par le soleil, la lune et la trajectoire de toutes les étoiles, planètes et étoiles fixes. Il est embelli avec les différentes espèces de plantes, le vert qui couvrait les vallées et les montagnes, partout un sol riche et fertile faisait germer les fleurs. Pour se souvenir de la création, chaque année Dieu fait revenir le printemps et fait germer les plantes et les fleurs.
Dans le calendrier normal, le mois de Nissan est le septième de l’année. Mais à cause de l’éveil de la nature qui s’y produit et de l’appel à la création, à l’époque de Jésus, religieusement parlant, il était considéré comme le premier. Alors que celle de Tishri marque la nouvelle année civile, Nissan marque le début de l’année religieuse. La même Bible, d’ailleurs, la désigne comme première.
Pâques, comme les autres fêtes juives, rappelle le rythme naturel des saisons et de la vie pastorale menée par ces nomades Aramèis qui devinrent, après l’esclavage de l’Égypte et après le Sinaï, les peuples du monothéisme.
Plus tard, la tradition a réuni les deux parties. D’une part la pesah, ou Pâques proprement dite, c’est-à-dire la fête du passage, évoquant la libération et le départ des Juifs vers le mont Sion et le pays de Canaan; de l’autre, hag ha-massot, la fête des pains sans levain, c’est-à-dire ce pain sans levain que les Juifs nourrissaient de leur fuite précipitée d’Egypte. La fusion entre la tradition pastorale la plus éloignée et deux événements mémorables dans l’histoire juive imprègne l’atmosphère festive qui entoure Jésus et sa famille.
Il a donc assisté aux préparatifs de la fête. Il a vu l’énorme foire aux bestiaux qui a été apportée à Jérusalem depuis les collines environnantes et les épices des caravanes de Mésopotamie. Mais, à partir de midi, chaque travail a cessé.
La foule se rend au marché pour acheter les bêtes destinées aux sacrifices ou à la consommation domestique, ainsi que les herbes et les épices nécessaires au repas du seder. A la troisième heure, la trompette des Lévites annonce à la ville que le moment est venu de commencer les sacrifices.
Comme tous les premiers-nés d’Israël, Jésus aussi jeûne, pour racheter, avec cette abstinence, la mort du premier-né de l’Egypte, décrétée par Dieu pour forcer Pharaon à laisser partir son peuple.
Peu de temps après le sacrifice, il participera lui aussi au déjeuner de Pâques, appelé en Europe seder, mais que les communautés méditerranéennes appellent haggadah, à partir du titre de l’histoire faite par le chef de la famille lors de son développement.
En principe, ce repas rituel est fait à la maison. Les pèlerins qui ont pu être hébergés par des familles locales en consomment avec leurs invités; d’autres dans la rue, sur les places ou à la campagne. « Quand la nuit tombe, dit Haïm Schauss, des milliers d’agneaux sont torréfiés dans les cours des maisons, dans les rues, autour des tentes. Personne n’est seul à cette heure, pas même les plus pauvres et délaissée. Maîtres et serviteurs, hommes et femmes, jeunes et vieux, tous habillés, ils sont maintenant égaux et frères, couché sur les oreillers comme elle verse de l’eau et le vin et fait circuler le pot avec la viande, le pain sans levain et des herbes amères « .
C’est ainsi que Jésus participe à son premier déjeuner de Pâques à Jérusalem, auquel beaucoup d’autres suivront.
La cérémonie de Pâques sera en effet évoquée sept fois par les Evangiles.
Deux fois dans celui de Luc: le premier, à l’occasion du voyage à Jérusalem (2.41), le second pour la dernière Pâque célébrée par Jésus avant la Passion (22.14):
 » Ses parents allaient chaque année à Jérusalem pour la fête de Pâques, quand Jésus avait douze ans, ils remontaient, selon la coutume … etc. ».
« … j’ai ardemment désiré manger cette Pâques avec vous avant ma passion … ».
Matthieu parle deux fois de Pâques, mais seulement de la dernière célébrée par Jésus. 26.17, décrit la préparation du repas de Pâques, à savoir le Seder, faite par les disciples le jour des pains sans levain:
 » Le premier jour des pains sans levain, les disciples s’approchèrent de Jésus et lui dirent: » Où veux-tu que nous te préparions pour manger Pâques?  » … etc. »
Au c. 26.30 on parle à la place du « chant des psaumes », dont l’ensemble forme le hallel, l’ un des points forts de la liturgie pascale.
Marco, au début du c. 14, évoque aussi Pâques et la fête des azymes célébrés ensemble: « … Pendant ce temps deux jours manquaient pour Pâques et les Azzimi … ».
Et enfin, l’Evangile de Jean signale deux fois l’approche de la fête de Pâques, l’appelant « la fête des Juifs », célébrée par Jésus à son arrivée en Galilée:  » C’était près de Pâques, la fête des Juifs … » ( 6.4); et encore, après la résurrection de Lazare: « … Et beaucoup de la région sont allés à Jérusalem avant Pâques pour se purifier … » (11.55).
La fête de l’éveil et de la libération d’Egypte marque ainsi la vie d’un adolescent Jésus, puis de Jésus comme missionnaire, comme celle de tout Juif.
Les fêtes de Pâques durent sept jours. Les deux premiers sont entièrement festifs, impliquant l’interdiction de tout travail ou mouvement, autorisé dans les quatre suivants; le dernier est encore entièrement festif. Cette subdivision de la semaine de Pâques en trois moments distincts nous permet de mieux comprendre l’itinéraire du voyage vers Jérusalem, comme le dit l’Évangile de Luc.
Les trois jours préliminaires de la marche se terminent précisément la veille de Pâques, au moment précis où le sacrifice rituel commence la fête. Les deux suivants, à savoir le premier et le second séjour à Jérusalem, correspondent aux deux premières vacances, au cours desquelles Jésus et ses disciples suivent les offices sacrés du temple, et l’enfant, qui prépare son bar-miswah, est interrogé. des médecins. Dans les quatre suivants, ceux d’un demi-parti, toujours selon Luc, le retour à Nazareth aurait dû avoir lieu.
En effet, après le premier jour de marche, réalisant l’absence de Jésus, Marie et Joseph étaient retournés à Jérusalem, le trouvant « au bout de trois jours » dans le temple: ce qui signifie que les quatre demi-partis prévus pour le retour avaient plutôt passé dans la ville. Et les trouvant, bien que Luc ne spécifie rien, on peut raisonnablement supposer qu’ils sont restés là jusqu’à la fin de la semaine.
La liturgie de Pâques commence la veille avec le seder qui, vingt ans plus tard, deviendra la dernière Cène pour Jésus.
Ce repas est toujours l’un des moments les plus caractéristiques de la religiosité juive, l’une des plus révélatrices de la vocation d’Israël. Apparemment, c’est un repas normal, et les conversations qui y sont faites, bien que rituelles, ne diffèrent pas beaucoup des simples conversations familiales.
Cependant, dans son authenticité et son réalisme, et alors qu’il semble considérer Dieu comme un invité, le seder évoque la sacralité du monde et de la vie et la mission historique du peuple de Dieu.
Avant de servir pour leur subsistance, les aliments sont consacrés par des bénédictions qui révèlent leur caractère sacré. En effet, en vertu d’un symbolisme très direct, certains évoquent même les vicissitudes qui attendent un peuple destiné à une mission qui l’isolera du reste de l’humanité. Certains moments du dîner, certains gestes, certains mots, rappellent enfin le grand événement historique: la libération de l’Egypte, la traversée du désert, dont se souvient ou, plutôt, qui se réactive de temps en temps.
Tout cela crée une atmosphère simple et engageante, caractéristique de la religiosité juive, et qui, à l’époque de Jésus, la distinguait sans doute de celle des occupants païens. L’intervention de Dieu dans l’histoire est toujours accomplie par des moyens naturels. Les miracles, le cas échéant, se produisent sans bouleverser les lois de la nature, seulement en s’insérant au point précis où ces lois semblent hésiter sur le cours à prendre. Le miracle, signe de Dieu, peut influencer l’ordre de son univers, mais ne le contredit pas.
Le dîner de Pâques commence normalement. Prenant sa place à la table, le chef de la famille prononce la bénédiction rituelle sur le vin, dont les invités prennent une première gorgée. Trois autres tasses circuleront pendant le dîner: chacun de ces gestes a une signification particulière et est précédé d’une bénédiction spéciale.
La première coupe se réfère au qiddush (sanctification de la fête); le second à la haggadah (libération de l’Egypte); le troisième accompagne l’action de remerciement à la fin du repas; le quatrième, enfin, est celui du hallel, les psaumes de louange qui concluent la cérémonie de cette soirée fatidique, significative pour de nombreux aspects de notre destin …
« … Je lèverai la coupe de la libération et j’invoquerai le nom du Seigneur … » (Ps 116).
En fait, la tradition rapporte l’utilisation des quatre coupes aux quatre expressions utilisées par la Torah au moment de la promesse de Dieu à Moïse, pour libérer Israël de l’esclavage (Ex 6: 6-7):
« Je te ferai sortir du pays d’Egypte, je te délivrerai de l’ esclavage, je te sauverai de ton bras tendu, je te prendrai comme mon peuple ».
Ensuite, le cerfeuil et le persil est plongé dans l’eau salée ou de vinaigre dit: « Heureux celui qui a créé les fruits de la terre » est un premier appel à l’amertume de la vie, si souvent vécue par Israël.
Le pain azyme est alors partagé entre les convives, réservant une petite portion qui, enveloppée dans un linge, sera consommée à la fin du repas, avec le fruit.
Si ces simples gestes préliminaires ont rien qui met en évidence la solennité singulière de ce repas pris en commun, la conversation rituelle qui suit – la Haggadah – évoquera le grand événement historique dont la Pâque commémore. Le chef de famille prend alors le rôle du journaliste, alors que le plus jeune des personnes présentes – le « enfant sage » – il poser les questions qui doivent exprimer sa jeunesse merveille. Ainsi, le repas de Pâques devient une cérémonie domestique destinée à la formation religieuse des jeunes. Avec les moyens les plus simples, et sans l’ombre d’un accent, la haggadah atteint souvent le sublime.
Le père de la famille commence le dialogue rituel montrant aux invités un morceau de pain sans levain et disant:
« Ceci est le pain de la pauvreté que nos ancêtres mangeaient dans le pays d’Egypte Ceux qui ont faim viennent manger:.. Ceux qui ont besoin de Pâques et de faire venir cette année comme esclaves, l’an prochain les hommes libres. »
À ce stade, le plus jeune de la famille demande:
« Pourquoi cette nuit est différent des autres? Parce que les autres jours, nous mangeons du pain sans levain ou pain au levain, comme nous voulons, et ce soir à la place que du pain sans levain? Parce que d’autres nuits que nous mangeons toutes sortes de légumes, et ce soir seulement des herbes amères? Parce que d’autres nous ne trempons rien dans le vin, et ce soir nous le faisons deux fois – pourquoi les autres nuits s’asseoir ou se pencher, et au lieu de se reposer ce soir?
Les réponses Père évoquaient alors la libération de l’ Egypte, selon l’histoire de l’ Exode (12.1 et suiv.): « Nous étions esclaves de Pharaon en Egypte, et le Seigneur notre Père nous a libérés de la servitude à la main Bras puissant et tendu … etc; « .
À la fin de la narration, le père lève la coupe et conclut.
« … Et c’est cette promesse qui nous a soutenus, ainsi que nos pères, parce qu’aucun ennemi n’a essayé de nous exterminer, mais beaucoup l’ont fait, mais le Saint-béni soit-il – nous sauve de leurs mains ».
Ici, de nos jours, une chanson d’origine incertaine, appelée le Dayenu (« Ça aurait été assez») est dialoguée entre les invités . Le fonctionnaire énumère, à partir du verset en vers, les actes de Dieu en faveur de son peuple, et les convives répondent chaque fois « dayenu », « il aurait suffi »:
Combien Dieu nous a remplis de miracles!

S’il nous avait amenés d’Egypte
sans juger les Égyptiens …
dayenu

S’il avait frappé leur premier-né à la mort
sans livrer leurs biens …
dayenu

S’il nous avait donné leurs biens
sans ouvrir la mer devant nous …
dayenu

S’il avait ouvert la mer devant nous
sans nous laisser la traverser avec des pieds secs …
dayenu

S’il avait submergé nos ennemis
sans assurer notre survie dans le désert pendant quarante ans …
dayenu

S’il avait fourni notre subsistance
dans le désert sans nourrir la manne …
dayenu

S’il nous avait nourri de manne
sans nous donner le repos du sabbat …
dayenu

S’il nous avait accordé le reste du sabbat
sans nous conduire au pied du mont Sion …
dayenu

S’il nous avait conduits au pied du mont Sion
sans nous donner la loi …
dayenu

S’il nous avait donné la loi
sans nous introduire dans la terre d’Israël …
dayenu

S’il nous avait introduits dans la terre d’Israël
sans ériger pour nous le Temple de la Maison d’élection) …
dayenu

Comment devons-nous donc rendre grâce à Dieu pour les nombreuses faveurs qu’il nous a données!
Après diverses explications et commentaires bibliques sur l’agneau de Pâques, le pain azyme et les herbes amères, le chef de famille prononce l’affirmation solennelle, l’un des moments culminants du seder
« De génération en génération, chacun de nous a le devoir de se considérer comme ayant été libéré personnellement de l’esclavage d’Egypte, car il est écrit: Tu donneras cette explication à ton fils: c’est dans ce but que l’Éternel a agi dans le mien. quand il m’a fait sortir d’Egypte (Ex 13: 8). Maintenant, nos pères ont non seulement été libérés, mais nous aussi étions: le Saint – béni soit-il – nous a délivré avec eux, comme il est écrit: Il nous a fait sortir d’Egypte pour nous conduire ici et nous donner la terre promise à nos pères (Deut 6,23).
Nous tenons donc à remercier, chanter, la louange, la gloire, exaltent, célébrer, bénir, exalter et l’honorer qui, pour nous et pour nos pères ont fait toutes ces merveilles. Il nous a conduits de l’esclavage à la liberté, de la désolation à la joie, du deuil à la fête, des ténèbres à la lumière, de la servitude au salut. Chantons lui une nouvelle chanson, alleluja! « -
Ainsi se termine la première partie du seder. Le déjeuner est ensuite servi. accompagné des bénédictions habituelles sur le vin et les ablutions des mains, plus celles sur le pain sans levain et les herbes amères. La troisième coupe de vin est alors ivre, reposant sur le coude gauche (l’attitude du propriétaire par rapport à celle des esclaves). La coupe destinée au prophète Élie est aussi remplie de vin, et la porte est ouverte pour permettre à l’envoyé de Dieu et au pauvre d’entrer et de partager la table.
Enfin, après la récitation des psaumes de louange, la prière d’adoration déjà mentionnée (nishmat kol haj) est lue .
La cérémonie se termine en buvant la quatrième coupe. Au seder proprement dit, il faut suivre la lecture de certains passages bibliques et de certains chants, dont le plus populaire est le Tchad Gadyà, ou Canto del capretto. Composée en araméen, la langue utilisée en Palestine à l’époque de Jésus, cette comptine populaire a été écrite longtemps après le second Temple.
Cette chanson populaire est aussi une exaltation de la vie, montrant que quiconque menace d’être détruit. Et c’est aussi une allégorie de l’histoire universelle: les diverses forces qui ont combattu pour la domination du monde au cours des siècles, et qui ont si souvent tenté d’asservir ou de détruire Israël, finissent par s’anéantir elles-mêmes: tandis que les plus faibles de l’enfant – il subsistera toujours.
« L’enfant acheté par mon père pour deux deniers … » symbolise en fait le peuple d’Israël, que Dieu a gagné avec les deux tablettes de la Loi.
Le jour suivant, Marie, Joseph et Jésus assistent au bureau le premier jour de Pâques.
Comme chaque fête juive, ce bureau reprend les prières de la synagogue tous les samedis, avec l’ajout de textes spéciaux.
Dans ce premier rite qui aide dans le Temple, lors d’une cérémonie qui sans aucun doute l’exalte et le dérange, Jésus est peut-être particulièrement frappé par certaines phrases qui, comme en témoignent les Évangiles, puis affioriranno dans sa prédication.
Dans l’amidah, par exemple, il pourrait considérer en particulier l’annonce de la libération messianique: «Vous enverrez à votre postérité un rédempteur, au nom de votre amour et de votre gloire».
D’ autres bénédictions ont des thèmes qu’il a également répété un jour, comme celui qui apporte l’ humilité: « Heureux vous qui domine l’arrogant », ou celui qui chante la miséricorde de Dieu envers les déshérités: « Béni soit Dieu qui couvre le nu » .
Dans la prière de Moïse , l’homme de Dieu, il y a des mots appliqués aux idolâtres, que Jésus reprendra métaphoriquement pour désigner les incrédules: « Ils ont une bouche , mais ne peuvent pas parler, les yeux et ne pas voir, les oreilles et entendent pas … » Ecoutez également psaume (1 15) qui inspirera plus tard le commencement du Notre Père:  » Pas à nous, Seigneur, mais à toi seul sois gloire! ».
Dans l’hymne de David, enfin, nous utilisons une expression, le reste habituelle dans les textes prophétiques, en particulier dans Ezéchiel, qui, exalté et transfiguré, souvent dans retentisse la prédication de Jésus: « Le Fils de l’ homme. » Indiquant initialement la condition humaine commune, il deviendra dans les Évangiles le synonyme du Messie, ou même de Dieu lui-même.
Au cours de ce premier office de Pâques, certains thèmes inspirants, certains termes de vocabulaire, qui seront ceux de Jésus demain, doivent donc être définis.
La réalisation du rite conduit à l’évocation historique de la liberté reconquise et de l’intervention de Dieu dans la libération d’Israël. Après les premières bénédictions, le bureau vise donc à son objet particulier, célébré par Moïse dans le Cantique de la mer Rouge (Ex 1: 5): « Je chante au Seigneur, qui a montré un grand et miséricordieux: il jeté dans la mer cheval et cavalier … « etc.
Il s’ensuit, comme dans tous les offices juifs, la lecture de la Torah. La paracha du premier jour de Pâques est tirée des chapitres de l’Exode qui rappellent la sortie d’Égypte (chapitre 12). La lecture suivante, la haftarah, est prise par le prophète Giosué (3.5 ss). Voici le point culminant:
« Josué dit au peuple: » Sanctifiez-vous, car demain, le Seigneur accomplira des merveilles parmi vous. « Puis il dit aux prêtres: » Apportez l’Arche de l’Alliance et passez devant le peuple … « Et le Seigneur dit à Joshua: « Aujourd’hui, je commencerai à vous glorifier aux yeux de tout Israël, afin qu’ils sachent que, comme j’ai été avec Moïse, je serai avec vous maintenant . »
L’histoire est donc toujours présente et vivante dans ce bureau de Pâques, comme dans toutes les fêtes d’Israël: l’histoire, dont le flux est pérenne, mais qui pour un juif du temps de Jésus – et pour Jésus lui-même – constitue le fondement de chaque action sacrée.
Pendant la semaine de Pâques, un autre haftarah évoque l’un des moments les plus impressionnants du message prophétique: la vision d’Ezéchiel (Ez 31.1-14): « La main du Seigneur était sur moi, et le Seigneur m’a fait sortir dans l’esprit et m’a placé dans la plaine pleine d’ossements secs … « etc.
Malgré la pompe, qui l’émerveille sans doute, la cérémonie de Pâques donne à Jésus l’impression d’un équilibre atteint entre le ciel et la terre: l’annonce de la vie à venir et l’exaltation du terrestre. Au moment de lire la loi, il est proclamé:
« Dis-nous ta sainteté, afin que nous puissions obtenir, outre une vie heureuse ici, la béatitude éternelle dans le futur … ».
Presque en même temps , ils sont récités les derniers versets du Psaume 115: « Ce n’est pas les morts qui louent le Seigneur, ni ceux qui descendent dans la fosse, mais nous qui sommes en vie, nous donner la louange au Seigneur, maintenant et pour toujours Alléluia.! »

1 Traité par: R. Aron,Così a prié les Hébreux,Marietti, 1992

| la maison | haut de la page |

 

L’EXULTET, CHANTER L’ÉVÉNEMENT PASCAL

30 mars, 2016

http://www.liturgiecatholique.fr/L-Exultet-chanter-l-evenement.html

L’EXULTET, CHANTER L’ÉVÉNEMENT PASCAL

Proclamé auprès du cierge pascal après la procession des lumières, l’Exultet débute par « Exultez de joie multitude des anges » (forme longue) et « Qu’éclate dans le ciel la joie des anges » (forme courte). Plusieurs versions avec répons d’assemblée sont simples à mettre en œuvre si un diacre, prêtre ou chantre s’y entend quelque peu en musique et, par sa voix, transmet beauté et joie de la résurrection : « Qu’éclate… » I 111 – 1 ou « Exultet de Berthier IL 20 – 18, « Exultet » de Keur Moussa IL 20 – 18 – 2, « Exultet » de Gouzes M 120. A défaut de cantor, le texte, simplement psalmodié, rendra la proclamation plus solennelle que s’il est lu. Agnès Minier Exultet !

Nous te louons, splendeur du Père. Jésus, Fils de Dieu. Qu’éclate dans le ciel la joie des anges ! Qu’éclate de partout la joie du monde Qu’éclate dans l’Eglise la joie des fils de Dieu La lumière éclaire l’Eglise, La lumière éclaire la terre, peuples, chantez ! Voici pour tous les temps l’unique Pâque, Voici pour Israël le grand passage, Voici la longue marche vers la terre de liberté ! Ta lumière éclaire la route, Dans la nuit ton peuple s’avance, libre, vainqueur ! Voici maintenant la Victoire, Voici pour Israël le grand passage, Voici la longue marche vers la terre de liberté ! Ta lumière éclaire la route, Dans la nuit ton peuple s’avance, libre, vainqueur ! Voici maintenant la Victoire, Voici la liberté pour tous les peuples, Le Christ ressuscité triomphe de la mort. Ô nuit qui nous rend la lumière, Ô nuit qui vit dans sa Gloire le Christ Seigneur ! Amour infini de notre Père, suprême témoignage de tendresse, Pour libérer l’esclave, tu as livré le Fils ! Bienheureuse faute de l’homme, Qui valut au monde en détresse le seul Sauveur ! Victoire qui rassemble ciel et terre, Victoire où Dieu se donne un nouveau peuple Victoire de l’Amour, victoire de la Vie. Ô Père, accueille la flamme, Qui vers toi s’élève en offrande, feu de nos cœurs ! Que brille devant toi cette lumière ! Demain se lèvera l’aube nouvelle D’un monde rajeuni dans la Pâque de ton Fils ! Et que règnent la Paix, la Justice et l’Amour, Et que passent tous les hommes De cette terre à ta grande maison, par Jésus Christ !

VEILLÉE PASCALE EN LA NUIT SAINTE – HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

30 mars, 2016

http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/homilies/2016/documents/papa-francesco_20160326_omelia-veglia-pasquale.html

VEILLÉE PASCALE EN LA NUIT SAINTE – HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Basilique vaticane

Samedi Saint 26 mars 2016   « Pierre courut au tombeau » (Lc 24, 12). Quelles pensées pouvaient donc agiter l’esprit et le cœur de Pierre pendant cette course ? L’Evangile nous dit que les Onze, parmi lesquels Pierre, n’avaient pas cru au témoignage des femmes, à leur annonce pascale. Plus encore, « ces propos leur semblèrent délirants » (v. 11). Il y avait donc le doute dans le cœur de Pierre, accompagné de nombreuses pensées négatives : la tristesse pour la mort du Maître aimé, et la déception de l’avoir trahi trois fois pendant la Passion. Mais il y a un détail qui marque un tournant : Pierre, après avoir écouté les femmes et ne pas les avoir cru, cependant « se leva » (v. 12). Il n’est pas resté assis à réfléchir, il n’est pas resté enfermé à la maison comme les autres. Il ne s’est pas laissé prendre par l’atmosphère morose de ces journées, ni emporter par ses doutes ; il ne s’est pas laissé accaparer par les remords, par la peur ni par les bavardages permanents qui ne mènent à rien. Il a cherché Jésus, pas lui-même. Il a préféré la voie de la rencontre et de la confiance et, tel qu’il était, il s’est levé et a couru au tombeau, d’où il revint « tout étonné » (v. 12 ). Cela a été le début de la « résurrection » de Pierre, la résurrection de son cœur. Sans céder à la tristesse ni à l’obscurité, il a laissé place à la voix de l’espérance : il a permis que la lumière de Dieu entre dans son cœur, sans l’éteindre. Les femmes aussi, qui étaient sorties tôt le matin pour accomplir une œuvre de miséricorde, pour porter les aromates à la tombe, avaient vécu la même expérience. Elles étaient « saisies de crainte et gardaient le visage incliné vers le sol », mais elles ont été troublées en entendant les paroles de l’ange : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? » (v. 5). Nous aussi, comme Pierre et les femmes, nous ne pouvons pas trouver la vie en restant tristes, sans espérance, et en demeurant prisonniers de nous-mêmes. Mais ouvrons au Seigneur nos tombeaux scellés – chacun de nous les connais –, pour que Jésus entre et donne vie ; portons-lui les pierres des rancunes et les amas du passé, les lourds rochers des faiblesses et des chutes. Il souhaite venir et nous prendre par la main, pour nous tirer de l’angoisse. Mais la première pierre à faire rouler au loin cette nuit, c’est le manque d’espérance qui nous enferme en nous-mêmes. Que le Seigneur nous libère de ce terrible piège d’être des chrétiens sans espérance, qui vivent comme si le Seigneur n’était pas ressuscité et comme si nos problèmes étaient le centre de la vie. Nous voyons et nous verrons continuellement des problèmes autour de nous et en nous. Il y en aura toujours. Mais, cette nuit, il faut éclairer ces problèmes de la lumière du Ressuscité, en un certain sens, les « évangéliser ». Evangéliser les problèmes. Les obscurités et les peurs ne doivent pas accrocher le regard de l’âme et prendre possession du cœur ; mais écoutons la parole de l’Ange : le Seigneur « n’est pas ici, il est ressuscité » (v. 6), il est notre plus grande joie, il est toujours à nos côtés et ne nous décevra jamais. Voilà le fondement de l’espérance, qui n’est pas un simple optimisme, ni une attitude psychologique ou une bonne invitation à nous donner du courage. L’espérance chrétienne est un don que Dieu nous fait, si nous sortons de nous-mêmes et nous ouvrons à lui. Cette espérance ne déçoit pas car l’Esprit Saint a été répandu dans nos cœurs (cf. Rm 5, 5). Le Consolateur ne rend pas tout beau, il ne supprime pas le mal d’un coup de baguette magique, mais il infuse la vraie force de la vie, qui n’est pas une absence de problèmes mais la certitude d’être toujours aimés et pardonnés par le Christ qui, pour nous, a vaincu le péché, a vaincu la mort, a vaincu la peur. Aujourd’hui c’est la fête de notre espérance, la célébration de cette certitude : rien ni personne ne pourra jamais nous séparer de son amour (cf. Rm 8, 39). Le Seigneur est vivant et veut être cherché parmi les vivants. Après l’avoir rencontré, il envoie chacun porter l’annonce de Pâques, susciter et ressusciter l’espérance dans les cœurs appesantis par la tristesse, chez celui qui peine à trouver la lumière de la vie. Il y en a tellement besoin aujourd’hui. Oublieux de nous-mêmes, comme des serviteurs joyeux de l’espérance, nous sommes appelés à annoncer le Ressuscité avec la vie et par l’amour ; autrement nous serions une structure internationale avec un grand nombre d’adeptes et de bonnes règles, mais incapables de donner l’espérance dont le monde est assoiffé. Comment pouvons-nous nourrir notre espérance ? La liturgie de cette nuit nous donne un bon conseil. Elle nous apprend à faire mémoire des œuvres de Dieu. Les lectures nous ont raconté, en effet, sa fidélité, l’histoire de son amour envers nous. La Parole vivante de Dieu est capable de nous associer à cette histoire d’amour, en alimentant l’espérance et en ravivant la joie. L’Évangile que nous avons entendu nous le rappelle aussi : les anges, pour insuffler l’espérance aux femmes, disent : « Rappelez-vous ce qu’il vous a dit » (v. 6). Faire mémoire des paroles de Jésus, faire mémoire de tout ce qu’il a fait dans notre vie. N’oublions pas sa Parole ni ses œuvres, autrement nous perdrions l’espérance et deviendrions des chrétiens sans espérance ; au contraire, faisons mémoire du Seigneur, de sa bonté et de ses paroles de vie qui nous ont touchés ; rappelons-les et faisons-les nôtres, pour être les sentinelles du matin qui sachent découvrir les signes du Ressuscité. Chers frères et sœurs, le Christ est ressuscité ! Et nous avons la possibilité de nous ouvrir et de recevoir son don d’espérance. Ouvrons-nous à l’espérance et mettons-nous en route ; que la mémoire de ses œuvres et de ses paroles soit une lumière éclatante qui guide nos pas dans la confiance, vers cette Pâque qui n’aura pas de fin.

L’ANGOISSE D’UNE ABSENCE. TROIS MÉDITATIONS SUR LE SAMEDI SAINT PAR LE CARDINAL JOSEPH RATZINGER

16 novembre, 2015

L'ANGOISSE D’UNE ABSENCE. TROIS MÉDITATIONS SUR LE SAMEDI SAINT  PAR LE CARDINAL JOSEPH RATZINGER dans Pape Benoit/Card. Ratzinger 1147329964485

Sur ces pages, des miniatures tirées de l’évangéliaire du début du XIIIe siècle conservé dans l’abbaye bénédictine de Groß Sankt Martin, à Cologne; la crucifixion

http://www.30giorni.it/articoli_id_10336_l4.htm

L’ANGOISSE D’UNE ABSENCE. TROIS MÉDITATIONS SUR LE SAMEDI SAINT

PAR LE CARDINAL JOSEPH RATZINGER

1. Méditation

À notre époque, on entend parler avec une insistance croissante de la mort de Dieu. Pour la première fois, chez Jean Paul, il ne s’agit que d’un cauchemar: Jésus mort annonce aux morts, depuis le toit du monde, que pendant son voyage dans l’au-delà il n’a rien trouvé, ni ciel, ni Dieu miséricordieux, mais seulement le néant infini, le silence du vide grand ouvert. Il s’agit encore d’un horrible rêve que l’on écarte en gémissant, au réveil, comme un rêve, justement, même si l’on ne parviendra plus jamais à effacer l’angoisse, qui était depuis toujours en embuscade, sombre, au fond de l’âme. 

Un siècle plus tard, chez Nietzsche, c’est une idée d’un sérieux mortel qui s’exprime dans un cri strident de terreur: «Dieu est mort! Dieu reste mort! Et nous l’avons tué!». Cinquante ans plus tard, on en parle avec un détachement académique et l’on se prépare à une «théologie après la mort de Dieu». On regarde autour de soi pour voir comment l’on peut continuer et l’on encourage les hommes à se préparer à prendre la place de Dieu. Le mystère terrible du Samedi saint, son abîme de silence, a donc acquis, à notre époque, une réalité écrasante. Car c’est cela le Samedi saint: jour du Dieu caché, jour de ce paradoxe inouï que nous exprimons dans le Credo avec ces mots: «descendu en enfer», descendu à l’intérieur du mystère de la mort. Le Vendredi saint, nous pouvions encore regarder le Crucifié. Le Samedi saint est vide, la lourde pierre du sépulcre neuf couvre le défunt, tout est passé, la foi semble être définitivement démasquée comme illusion. Aucun Dieu n’a sauvé ce Jésus qui prétendait être son Fils. Nous pouvons nous tranquilliser: les prudents qui, auparavant, avaient été quelque peu ébranlés au fond d’eux-mêmes à l’idée qu’ils s’étaient peut-être trompés, ont eu raison en fait. Samedi saint: jour de la sépulture de Dieu; n’est-ce pas là, de façon impressionnante, notre jour? Notre siècle ne commence-t-il pas à être un grand Samedi saint, jour de l’absence de Dieu, jour où le cœur des disciples est également envahi par un vide effrayant, un vide qui s’élargit de plus en plus, si bien qu’ils se préparent, remplis de honte et d’angoisse, à rentrer chez eux? N’est-ce pas le jour où, sombres et brisés par le désespoir, ils se dirigent vers Emmaüs, sans du tout se rendre compte que celui qu’ils croyaient mort est au milieu d’eux?
Dieu est mort et nous l’avons tué: nous sommes-nous précisément aperçus que cette phrase est prise, presque à la lettre, à la tradition chrétienne et que souvent, dans nos viae crucis, nous avons répété quelque chose de semblable sans nous rendre compte de la terrible gravité de ce que nous disions? Nous l’avons tué, en l’enfermant dans l’enveloppe usée des pensées habituelles, en l’exilant dans une forme de piété sans contenu réel qui se perd toujours dans des phrases toutes faites ou dans la recherche d’objets archéologiques de valeur; nous l’avons tué à travers l’ambiguïté de notre vie qui a étendu sur lui aussi un voile d’obscurité: en effet, dans ce monde, qu’est-ce qui aurait pu désormais rendre Dieu plus problématique, sinon le caractère problématique de la foi et de l’amour de ceux qui croient en lui?
L’obscurité divine de ce jour, de ce siècle qui devient dans une mesure grandissante un Samedi saint, parle à notre conscience. Nous aussi avons affaire à elle. Mais, malgré tout, elle a en soi quelque chose de consolant. La mort de Dieu en Jésus-Christ est en même temps l’expression de sa solidarité radicale avec nous. Le mystère le plus obscur de la foi est en même temps le signe le plus clair d’une espérance qui n’a pas de limites. Et une chose encore: ce n’est qu’à travers l’échec du Vendredi saint, à travers le silence de mort du Samedi saint, que les disciples purent être conduits à la compréhension de ce que Jésus était vraiment et de ce que son message signifiait en réalité. Dieu devait mourir pour eux afin de pouvoir vivre réellement en eux. L’image qu’ils s’étaient faite de Dieu, dans laquelle ils avaient tenté de le faire entrer, devait être détruite pour que, à travers les décombres de la maison démolie, ils pussent voir le ciel, le voir Lui, qui reste toujours l’infiniment plus grand. Nous avons besoin du silence de Dieu pour faire de nouveau l’expérience de l’abîme de sa grandeur et de l’abîme de notre néant, qui s’ouvrirait tout grand s’il n’y avait pas Dieu.
Il y a dans l’Évangile une scène qui annonce de manière extraordinaire le silence du Samedi saint et qui apparaît donc, encore une fois, comme la description de notre moment historique. Jésus-Christ dort dans une barque qui, battue par la tempête, est sur le point de couler. Une fois, le prophète Elie avait tourné en dérision les prêtres de Baal, qui invoquaient inutilement, à grands cris, leur dieu pour qu’il fît descendre le feu sur le sacrifice, les exhortant à crier plus fort, au cas où leur dieu dormirait. Mais Dieu ne dort-il pas réellement? La raillerie du prophète n’atteint-elle pas aussi, pour finir, ceux qui croient dans le Dieu d’Israël, ceux qui voyagent avec lui dans une barque sur le point de couler? Dieu dort alors que les choses sont sur le point de couler: n’est-ce pas là l’expérience de notre vie? L’Église, la foi, ne ressemblent-elles pas à une petite barque qui va couler, qui lutte inutilement contre les vagues et le vent, alors que Dieu est absent? Au comble du désespoir, les disciples crient et secouent le Seigneur pour le réveiller, mais lui se montre étonné et leur reproche leur peu de foi. En va-t-il autrement pour nous? Quand la tempête sera passée, nous verrons combien de stupidité il y avait dans notre peu de foi. Et toutefois, ô Seigneur, nous ne pouvons que te secouer, toi, Dieu qui demeures en silence et qui dors, et te crier: réveille-toi, ne vois-tu pas que nous coulons? Réveille-toi, ne laisse pas durer pour l’éternité l’obscurité du Samedi saint, laisse aussi tomber sur nos jours un rayon de Pâques, joins-toi à nous lorsque nous nous dirigeons, désespérés, vers Emmaüs, pour que notre cœur puisse s’enflammer à ta proximité. Toi qui as guidé de façon cachée les chemins d’Israël pour être finalement homme avec les hommes, ne nous laisse pas dans les ténèbres, ne permets pas que ta parole se perde dans le grand gaspillage de mots de cette époque. Seigneur, accorde-nous ton aide, car sans toi nous coulerons.
Amen.

2 Méditation
Le Dieu caché en ce monde constitue le vrai mystère du Samedi saint, mystère auquel il est déjà fait allusion dans les paroles énigmatiques selon lesquelles Jésus est «descendu en enfer». En même temps, l’ expérience de notre époque nous a offert une approche complètement nouvelle du Samedi saint, puisque le fait que Dieu se cache dans le monde qui lui appartient et qui devrait, avec mille langues, annoncer son nom, l’expérience de l’impuissance de Dieu qui est pourtant l’Omnipotent – ce sont là l’expérience et la misère de notre temps.
Mais même si le Samedi saint est devenu de cette façon plus profondément proche de nous, même si nous comprenons le Dieu du Samedi saint mieux que la manifestation puissante de Dieu au milieu des coups de tonnerre et des éclairs dont parle l’Ancien Testament, reste non résolue la question de savoir ce que l’on entend vraiment quand on dit de manière mystérieuse que Jésus «est descendu en enfer». Disons-le aussi nettement que possible: personne n’est en mesure de vraiment l’expliquer. Les choses ne deviennent pas plus claires si l’on dit que le mot enfer est ici une mauvaise traduction du mot hébreu shêol, qui désigne simplement tout le royaume des morts; cette formule, à l’origine, voulait donc dire seulement que Jésus est descendu dans la profondeur de la mort, est réellement mort et a participé à l’abîme de notre destin de mort. En effet, une question se pose alors: qu’est réellement la mort et qu’arrive-t-il effectivement quand on descend dans la profondeur de la mort? Nous devons ici prendre garde au fait que la mort n’est plus la même chose depuis que Jésus-Christ l’a subie, depuis qu’Il l’a acceptée et pénétrée, de même que la vie, l’être humain, ne sont plus la même chose depuis qu’en Jésus-Christ la nature humaine a pu venir en contact, et a été effectivement en contact, avec l’être propre de Dieu. Avant, la mort était seulement mort, séparation d’avec le pays des vivants, et signifiait, fût-ce avec une profondeur différente, quelque chose comme «enfer», aspect nocturne de l’existence, ténèbre impénétrable. Mais à présent la mort est aussi vie et, quand nous franchissons la solitude glaciale du seuil de la mort, nous rencontrons toujours de nouveau Celui qui est la vie, qui a voulu devenir le compagnon de notre solitude ultime et qui, dans la solitude mortelle de son angoisse au Jardin des oliviers et de son cri sur la croix «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?», est devenu Celui qui partage nos solitudes. Si un enfant devait s’aventurer tout seul dans la nuit noire au milieu d’un bois, il aurait peur même si on lui démontrait des centaines de fois qu’il n’y a aucun danger. L’enfant n’a pas peur de quelque chose de précis, à quoi on puisse donner un nom, mais il expérimente dans l’obscurité l’insécurité, la condition d’orphelin, le caractère sinistre de l’existence en soi. Seule une voix humaine pourrait le consoler; seule la main d’une personne chère pourrait chasser l’angoisse comme on chasse un mauvais rêve. Il y a une angoisse – la vraie, celle qui est nichée dans la profondeur de nos solitudes – qui ne peut pas être surmontée au moyen de la raison, mais seulement par la présence d’une personne qui nous aime. Cette angoisse, en effet, n’a pas d’objet auquel on puisse donner un nom, elle est seulement l’expression terrible de notre solitude ultime. Qui n’a pas déjà ressenti la sensation effrayante de cette condition d’abandon? Qui ne percevrait pas le miracle saint et consolateur d’une parole d’affection dans ces cirsonstances? Mais lorsqu’on se trouve devant une solitude telle qu’elle ne peut plus être atteinte par la parole transformatrice de l’amour, alors nous parlons de l’enfer. Et nous savons que bon nombre d’hommes de notre époque, en apparence si optimiste, sont de l’avis que toute rencontre reste superficielle, qu’aucun homme n’a accès à l’ultime et véritable profondeur d’autrui et donc que, tout au fond de chaque existence, gisent le désespoir, et même l’enfer. Jean-Paul Sartre a exprimé cela de façon poétique dans l’un de ses drames, et a exposé en même temps le cœur de sa doctrine sur l’homme. Une chose est sûre: il y a une nuit dans l’obscur abandon de laquelle ne pénètre aucune parole de réconfort, il y a une porte que nous devons franchir dans une solitude absolue: la porte de la mort. Toute l’angoisse de ce monde est en dernière analyse l’angoisse provoquée par cette solitude. C’est pourquoi le terme qui désignait, dans l’Ancien Testament, le royaume des morts, était identique à celui par lequel on désignait l’enfer: shêol. La mort, en effet, est solitude absolue. Mais elle est cette solitude qui ne peut plus être éclairée par l’amour, qui est tellement profonde que l’amour ne peut plus accéder à elle: elle est l’enfer.
«Descendu en enfer» – cette confession du Samedi saint signifie que Jésus-Christ a franchi la porte de la solitude, qu’il est descendu dans le fond impossible à atteindre et à surmonter de notre condition de solitude. Mais cela signifie aussi que, même dans la nuit extrême où aucune parole ne pénètre, dans laquelle nous sommes tous comme des enfants qui ont été chassés et qui pleurent, il y a une voix qui nous appelle, une main qui nous prend et qui nous conduit. La solitude insurmontable de l’homme a été surmontée depuis qu’Il s’est trouvé en elle. L’enfer a été vaincu depuis le moment où l’amour a également pénétré dans la région de la mort, depuis que le no man’s land de la solitude a été habité par Lui. Dans sa profondeur, l’homme ne vit pas de pain; dans l’authenticité de son être, il vit du fait qu’il est aimé et qu’il lui est permis d’aimer. À partir du moment où, dans l’espace de la mort, il y a la présence de l’amour, alors la vie pénètre dans la mort: à tes fidèles, ô Seigneur, la vie n’est pas enlevée, elle est transformée – prie l’Église dans la liturgie funèbre.
Personne ne peut mesurer, en dernière analyse, la portée de ces mots: «Descendu en enfer». Mais s’il nous est donné une fois de nous approcher de l’heure de notre solitude ultime, il nous sera permis de comprendre quelque chose de la grande clarté de ce mystère obscur. Dans la certitude qui espère que nous ne serons pas seuls à cette heure d’extrême solitude, nous pouvons dès maintenant avoir le présage de ce qui adviendra. Et au milieu de notre protestation contre l’obscurité de la mort de Dieu, nous commençons à devenir reconnaissants pour la lumière qui vient à nous, précisément de cette obscurité.

3 Méditation
Dans le bréviaire romain, la liturgie du Triduum sacré est structurée avec un soin particulier: dans sa prière, l’Église veut pour ainsi dire nous transférer dans la réalité de la passion du Seigneur et, au-delà des mots, au centre spirituel de ce qui est arrivé. Si l’on voulait tenter de caractériser par quelques mots de la prière liturgique du Samedi saint, il faudrait surtout parler de l’effet de paix profonde qui émane d’elle. Jésus-Christ a pénétré dans l’occultation (Verborgenheit), mais en même temps, au cœur précisément de l’obscurité impénétrable, il a pénétré dans la sécurité (Geborgenheit): il est même devenu la sécurité ultime. La parole hardie du psalmiste est deveue vérité: et même si je voulais me cacher en enfer, tu y serais toi aussi. Et plus on parcourt cette liturgie, plus on voit briller en elle, comme une aurore du matin, les premières lumières de Pâques. Si le Vendredi saint présente à nos yeux le visage défiguré du Crucifié, la liturgie du Samedi saint, elle, s’inspire plutôt de l’image de la croix chère à l’Église antique: à la croix entourée de rayons lumineux, signe de la mort comme de la résurrection.
Le Samedi saint nous renvoie ainsi à un aspect de la piété chrétienne qui a peut-être été perdu au fil du temps. Quand nous regardons vers la croix dans la prière, nous voyons souvent en elle un signe de la passion historique du Seigneur au Golgotha. L’origine de la dévotion à la croix est pourtant différente: les chrétiens priaient tournés vers l’Orient pour exprimer leur espoir que Jésus-Christ, le soleil véritable, se lèverait sur l’histoire, par conséquent pour exprimer leur foi dans le retour du Seigneur. Dans un premier temps, la croix est étroitement associée à cette orientation de la prière, elle est représentée pour ainsi dire comme une enseigne que le roi arborera lors de sa venue; dans l’image de la croix, l’avant du cortège est déjà arrivé au milieu de ceux qui prient. Pour le christianisme antique, la croix est donc surtout un signe d’espérance. Elle n’implique pas tant une référence au Seigneur passé qu’au Seigneur qui va venir. Certes, il était impossible de se soustraire à la nécessité intrinsèque que, le temps passant, le regard se tournât aussi vers l’événement advenu: contre toute fuite dans le spirituel, contre toute méconnaissance de l’incarnation de Dieu, il fallait que fût défendue la prodigalité profondément inimaginable de l’amour de Dieu, qui, par amour de la misérable créature humaine, s’est fait lui-même homme, et quel homme! Il fallait défendre la sainte folie de l’amour de Dieu, qui n’a pas choisi de prononcer une parole de puissance, mais de parcourir la voie de l’impuissance pour clouer au pilori notre rêve de puissance et le vaincre de l’intérieur.
Ce faisant, n’avons-nous pas un peu trop oublié la relation entre croix et espérance, l’unité entre l’Orient et la direction de la croix, entre passé et avenir, qui existe dans le christianisme? L’esprit de l’espérance qui souffle sur les prières du Samedi saint devrait de nouveau pénétrer toute notre façon d’être chrétien. Le christianisme n’est pas seulement une religion du passé, mais aussi, dans une mesure égale, de l’avenir; sa foi est en même temps espérance, car Jésus-Christ n’est pas seulement le mort et le ressuscité, mais aussi Celui qui va venir.
O Seigneur, éclaire nos âmes par ce mystère de l’espérance, afin que nous reconnaissions la lumière qui a rayonné de ta croix; accorde-nous, comme chrétiens, de marcher tendus vers l’avenir, à la rencontre du jour de ta venue.
Amen.

PRIÈRE
Seigneur Jésus-Christ, dans l’obscurité de la mort Tu as fait lumière; dans l’abîme de la solitude la plus profonde, habite désormais pour toujours la puissante protection de Ton amour; alors même que tu restes caché, nous pouvons désormais chanter l’alléluia de ceux qui sont sauvés. Accorde-nous l’humble simplicité de la foi, qui ne se laisse pas dévier de son chemin quand Tu nous appelles aux heures de l’obscurité et de l’abandon, quand tout semble problématique; accorde-nous, en ce temps où se livre autour de Toi un combat mortel, assez de lumière pour que nous ne te perdions pas; assez de lumière pour que nous puissions en donner à ceux qui en ont encore plus besoin que nous. Fais briller le mystère de Ta joie pascale, comme l’aurore du matin, dans nos jours; accorde-nous de pouvoir être vraiment des hommes pascals au milieu du Samedi saint de l’histoire. Accorde-nous de pouvoir toujours marcher avec joie, à travers les jours lumineux et sombres de ce temps, vers ta gloire future.
Amen.

MORT ET RÉSURRECTION (Ph 2, 6-11)

15 avril, 2015

http://www.spiritains.org/pub/esprit/archives/art1941.htm

MORT ET RÉSURRECTION

P. Lucien Deiss

Nous entrons dans la contemplation du mystère pascal par une grande porte que nous ouvre le Père Lucien Deiss, l’hymne de Saint Paul dans l’Epitre aux Philippiens :  » Jésus, de condition divine…  » Ph 2, 6-11

Grégorien et Parole de Dieu
Jadis, avant la réforme liturgique de Vatican 11, un des sommets de l’Office de la semaine Sainte. culminait dans le chant de l’antienne  » Christus factus est pro nobis « . Quelques 120 voix jeunes, entre 20 et 25 ans, chantant le grégorien dans notre scolasticat avec une virile beauté: célébration d’une intense splendeur! La première partie de l’antienne, dans une mélodie grave et solennelle, invite à la contemplation du Christ  » obéissant jusqu’à la mort, et la mort sur la croix.  » La seconde partie, dans une envolée exultante et jubilante célèbre sa résurrection et sa seigneurie universelle:  » C’est pourquoi Dieu l’a exalté…  » Le grégorien se mettait au service du mystère, les neumes acclamaient la Parole de Dieu selon l’hymne aux Philippiens 2, 6-11.
Certaines communautés, depuis la réforme liturgique, n’ont pas pu sauvegarder la richesse de leur grégorien. En retour, elles ont récupéré un trésor d’une incomparable beauté celui de la Parole de Dieu dans son intégralité. Le texte en effet, d’une émouvante splendeur, est une hymne que Paul cite dans sa lettre aux Philippiens 2, 6-11. L’exégèse allemande l’appelle « Christuslied », chant du Christ . On la divise tout naturellement en deux parties, et les commentateurs subdivisent ordinairement chaque partie en trois strophes. La voici dans une traduction qui veut imiter autant que possible la superbe splendeur de l’original grec que cite Paul :
Lui, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais lui-même s’anéantit prenant condition d’esclave, devenant semblable aux hommes.
Et s’étant comporté comme un homme il s’humilia plus encore, obéissant jusqu’à la mort, la mort sur une croix.
C’est pourquoi Dieu l’a exalté et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom
Afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au plus haut des cieux
sur la terre et dans les enfers,
Et que toute langue proclame : le Seigneur, c’est Jésus Christ à la gloire de Dieu le Père.
Parole de Dieu et grégorien soulignent donc, chacun à sa manière, la révélation du mystère de Jésus.
Une des premières professions de foi
La lettre aux Philippiens date des années 53. La mort même de Jésus remonte aux années 30. Cette lettre fut donc rédigée quelques 23 années après la mort de Jésus. L’hymne représente ainsi une des premières professions de foi de la communauté primitive. C’est une merveille de simplicité et de force:  » Le Seigneur, c’est Jésus Christ à la gloire de Dieu le Père  » .
« Tel est le caractère fascinant et énigmatique de ce joyau de la foi chrétienne primitive qu’il n’a pas encore dévoilé tous ses secrets. » L’une des sources les plus proches semble être le quatrième chant du Serviteur de Yahvé selon Is 52,13 à 53,12. Ce chant célèbre le Serviteur, homme de douleur écrasé par la souffrance pour les péchés de son peuple, exalté ensuite comme son Fils pour son sacrifice (Is 53,10-12). On peut ajouter à cette source le thème du Nouvel Adam . Jésus est « de condition divine », littéralement « dans la forme de Dieu » (2,6). Or dans le vocabulaire biblique grec, le mot « forme » équivaut à « image ». Adam, créé à l’image de Dieu (Gn 1,27) cherche à devenir son égal. D’où sa chute. Jésus, lui qui est Fils de Dieu, n’a pas gardé jalousement le rang qui l’égalait à son Père . Il a choisi l’humilité et l’obéissance. D’où son exaltation.
En suivant le texte mot à mot
Le texte de l’hymne est particulièrement riche et dense. On donne ici, comme pour toucher le texte primitif, la transposition littérale de l’original grec.
Première partie ( 2,6-8)
Verset 6 :  » Lui (= le Christ) se trouvant en forme de Dieu, ne retint pas comme une proie d’être égal à Dieu « .
La lourdeur de la phrase s’explique par le désir d’évoquer l’image du Christ en tant nouvel Adam. Le premier Adam en effet se laissa séduire précisément par la tentation de devenir égal à Dieu:  » Vous serez comme des dieux  » (Gn 3,5), lui avait promis le démon. Le Christ , lui, réalise l’égalité avec Adam, mais au coeur même de son humilité. Nouvel Adam, il restaure ainsi l’image de Dieu en toute l’humanité.
Verset 7.  » Mais lui-même s’anéantit ( littéralement : se vida)  » prenant forme d’esclave, devenant semblable aux hommes . Quant à son aspect, il fut reconnu comme un homme.
 » Il s’anéantit  » nous comprenons : il renonça à ce qui lui appartenait en tant que Dieu, c’est-à-dire l’infinie splendeur de sa divinité. « Prenant forme d’esclave »: le mot  » esclave  » y rend servilement le grec  » doulos  » mais peut paraître trop fort dans le contexte. Il semble préférable de le rendre par le terme de  » serviteur  » On se souviendra que dans le vocabulaire de l’Ancien Testament, le serviteur peut resplendir d’une certaine noblesse en tant apparaît comme l’image et le remplaçant de son maître. C’est bien dans cette noblesse d’amour entre serviteur et maître qu’il faut comprendre la relation entre Jésus et son Père. C’est aussi dans cette noblesse d’amour que nous sommes nous-mêmes serviteurs du Père .
L’hymne affirme avec force la réalité de l’humanité de Jésus. Elle barre ainsi la route à tout docétisme. Cette hérésie, à l’oeuvre dès les premiers temps de l’Eglise, prétendait que Jésus n’était pas vraiment homme mais n’avait que la ressemblance humaine (dokein, ressembler). Elle pensait ainsi enlever le caractère scandaleux à l’incarnation et sauvegarder en même temps l’impassibilité divine: Dieu ne peut pas souffrir. Mais elle ruinait en même temps le mystère de l’incarnation de Dieu au milieu de la pauvreté humaine. Telle est la distance abyssale entre l’humilité de la condition humaine et l’infinie splendeur de la divinité. Telle est justement aussi l’infini de l’amour de Dieu pour nous.
Verset 8.  » il s’abaissa lui-même, devenant obéissant jusqu’à la mort, la mort de la croix. « 
Cette troisième strophe proclame l’humiliation extrême de Jésus et son obéissance parfaite dans sa mort sur la croix. Elle évoque l’image émouvante du Serviteur de Yahvé, homme de douleurs , familier de la souffrance (Is 53,43), portant le poids de nos péchés et souffrant pour nos fautes. L’affirmation fondamentale dans la théologie paulinienne selon laquelle c’est par le péché que souffrance et mort sont entrées dans le monde (Rm 5,12) n’est pas niée dans l’hymne, elle n’est simplement pas reprise. Il y a donc possibilité dans le message chrétien d’évoquer souffrance et mort simplement comme liées à la condition humaine.
Relevons enfin la beauté de l’adjectif hypèkoos, obéissant, du verbe
hypakouein obéir et du substantif hypakoè, obéissance. Ces mots sont formés du verbe akouein, du préfixe hypo, dessous, d’où  » écouter en penchant la tête  » (Bailly). L’obéissance de Jésus, comme l’obéissance chrétienne , n’est pas l’exécution servile de la volonté d’un maître intraitable, mais bien l’humble écoute de la Parole de Dieu en penchant la tête en signe de vénération et d’amour. Au coeur de sa souffrance, dans l’agonie de sa mort, cette obéissance d’amour fut la seule réponse de Jésus à son Père. Elle est aussi pour nous aujourd’hui notre seule réponse.

Deuxième partie ( 2, 9-11)
Verset 9 : « C’est pourquoi aussi Dieu l’a exalté et lui (a donné) par grâce le nom celui au-dessus de tout nom. »
La première partie présentait Jésus comme sujet de la phrase, on s’attendait donc à ce que la seconde partie proclamât sa résurrection. En fait, la résurrection, toujours présente, n’est même pas mentionnée ici. L’hymne préfère parler plutôt de l’exaltation de Jésus. Elle célèbre donc non pas simplement le retour à la vie du Seigneur , mais bien son entrée dans la gloire du Père. Elle souligne non pas un mérite du Christ, mais un don gratuit, une grâce (echarisato) du Père. Elle s’enracine dans l’amour merveilleux du Père. C’est lui, le Père, qui est au centre de sa louange.
Verset 10:  » Afin que dans le nom de Jésus tout genou fléchisse (dans ) les cieux, et les terres et sous les terres. « 
Dans l’univers biblique le nom n’est pas d’abord indication de l’identité de la personne, mais bien la révélation de ce qu’est sa personne devant Dieu. On peut donc affirmer ainsi que le nom de Dieu, comprenons : Dieu lui-même, habitait le Temple ( Dt 12,5). C’est pour cela que le fidèle de la Première Alliance évitait de prononcer le nom de Dieu pour ne pas se trouver comme par surprise devant le Dieu d’infinie majesté. Il remplaçait ce nom par des équivalences comme « Tout-Puissant » ou  » Très Haut « . Le nom « Yahvé » lui-même fut révélé a Moïse au Sinaï ( Ex 3,14) . Il représentait au coeur de l’Ancien Testament la richesse de son amour.
Le fidèle de la Nouvelle Alliance au contraire aime prononcer le nom de Jésus . Ce nom est proclamation de son salut. Il signifie en effet selon l’hébreu « Yéhoshua » : Yahvé sauve . C’est ce que l’ange avait expliqué à Joseph quand il lui avait demandé d’accueillir chez lui l’enfant de son épouse Marie :  » Tu lui donneras le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés  » (Mt 15, 21).
Verset 11 : « Et que toute langue proclame que Seigneur (est) Jésus Christ pour la gloire de Dieu le Père
Le texte reprend l’acclamation de l’Eglise primitive qui est en même temps sa profession de foi: « Jésus Christ (est) Seigneur! » On notera l’inversion des mots  » Seigneur (est) Jésus Christ » pour souligner avec puissance la seigneurie de Jésus. Elle devait être familière à la communauté primitive ( cf. Col 2,9)
Cette finale renvoie à l’hymne citée en Is 45, 20-25. Dans cette hymne Dieu apparaît comme Dieu unique, juste et sauveur » devant qui se rassemblent toutes les nations et devant qui tout genou doit fléchir. Telle est bien la seigneurie de Dieu le Père, telle est également la seigneurie de Jésus.
Au coeur de la foi chrétienne se trouve donc la profession de foi en la seigneurie de Jésus « à la gloire de Dieu le Père ». Cette gloire du Père, c’est d’être reconnu et aimé , d’abord et essentiellement en tant que Père de Jésus, puis, à travers lui, de toute la création, donc de toute beauté, de tout amour, de toute joie.
En conclusion nous voyons là une hymne unique dans la littérature du Nouveau Testament, éblouissante de simplicité et d’optimisme théologique, parfaitement adaptée à notre époque ! Elle évite même de mentionner le péché de l’homme et du rachat de ce péché par la croix et préfère célébrer plutôt l’invitation de toute l’humanité, par le Christ, à la louange du Père. La résurrection ellemême de Jésus n’est pas décrite comme sa levée du séjour des morts après l’ignominie de la croix, mais bien comme son exaltation  » à la gloire de Dieu le Père.  » Aucune invitation non plus n’est faite pour présenter une prière de demande ni non plus une louange ou une action de grâce, mais il est évident que la seule réponse qui puisse être faite est cette louange ou cette action de grâce. Dieu est infinité d’amour. Toute son action dans le monde ne peut être qu’expression de son amour. Notre vie elle-même ne peut être que réalisation de ce à quoi nous avons été prédestinés, c’est-à-dire à être des vivantes  » louanges de sa gloire  » (Ep 1,5).
Nous réalisons cet idéal en marchant à la suite de Jésus, en vivant dans l’humilité devant le Père, en lui obéissant « jusqu’à la mort », c’est-à-dire en acceptant chaque instant de notre vie comme une offrande à son amour. Ainsi cette hymne s’incarne-t-elle au coeur de notre vie.

LE BIG BANG DE LA NOUVELLE CRÉATION, RACONTÉ PAR LE PAPE BENOÎT XVI

26 juin, 2014

http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1350215?fr=y

LE BIG BANG DE LA NOUVELLE CRÉATION, RACONTÉ PAR LE PAPE BENOÎT XVI

« Avec la résurrection de Jésus, Dieu a dit de nouveau: Que la lumière soit! ». L’homélie de la veillée pascale dans la nuit du 7 avril 2012, à la basilique Saint-Pierre

par Benoît XVI

Chers frères et sœurs !

Pâques est la fête de la nouvelle création. Jésus est ressuscité et ne meurt plus. Il a enfoncé la porte vers une vie nouvelle qui ne connaît plus ni maladie ni mort. Il a pris l’homme en Dieu lui-même. « La chair et le sang ne peuvent hériter du royaume de Dieu » avait dit Paul dans la première lettre aux Corinthiens (15, 50). L’écrivain ecclésiastique Tertullien, au III siècle, en référence à la résurrection du Christ et à notre résurrection avait l’audace d’écrire : « Ayez confiance, chair et sang, grâce au Christ vous avez acquis une place dans le Ciel et dans le royaume de Dieu » (CCL II 994). Une nouvelle dimension s’est ouverte pour l’homme. La création est devenue plus grande et plus vaste. Pâques est le jour d’une nouvelle création, c’est la raison pour laquelle en ce jour l’Église commence la liturgie par l’ancienne création, afin que nous apprenions à bien comprendre la nouvelle. C’est pourquoi, au début de la Liturgie de la Parole durant la Vigile pascale, il y a le récit de la création du monde.
En relation à cela, deux choses sont particulièrement importantes dans le contexte de la liturgie de ce jour. En premier lieu, la création est présentée comme un tout dont fait partie le phénomène du temps. Les sept jours sont une image d’une totalité qui se déroule dans le temps. Ils sont ordonnés en vue du septième jour, le jour de la liberté de toutes les créatures pour Dieu et des unes pour les autres. La création est donc orientée vers la communion entre Dieu et la créature ; elle existe afin qu’il y ait un espace de réponse à la grande gloire de Dieu, une rencontre d’amour et de liberté. En second lieu, durant la Vigile pascale, du récit de la création, l’Église écoute surtout la première phrase : « Dieu dit : ‘Que la lumière soit’ ! » (Gen 1, 3). Le récit de la création, d’une façon symbolique, commence par la création de la lumière. Le soleil et la lune sont créés seulement le quatrième jour. Le récit de la création les appelle sources de lumière, que Dieu a placées dans le firmament du ciel. Ainsi il leur ôte consciemment le caractère divin que les grandes religions leur avaient attribué. Non, ce ne sont en rien des dieux. Ce sont des corps lumineux, créés par l’unique Dieu. Ils sont en revanche précédés de la lumière par laquelle la gloire de Dieu se reflète dans la nature de l’être qui est créé.
Qu’entend par là le récit de la création ? La lumière rend possible la vie. Elle rend possible la rencontre. Elle rend possible la communication. Elle rend possible la connaissance, l’accès à la réalité, à la vérité. Et en rendant possible la connaissance, elle rend possible la liberté et le progrès. Le mal se cache. La lumière par conséquent est aussi une expression du bien qui est luminosité et créé la luminosité. C’est le jour dans lequel nous pouvons œuvrer. Le fait que Dieu ait créé la lumière signifie que Dieu a créé le monde comme lieu de connaissance et de vérité, lieu de rencontre et de liberté, lieu du bien et de l’amour. La matière première du monde est bonne, l’être même est bon. Et le mal ne provient pas de l’être qui est créé par Dieu, mais existe en vertu de la négation. C’est le « non ».
A Pâques, au matin du premier jour de la semaine, Dieu a dit de nouveau : « Que la lumière soit ! ». Auparavant il y avait eu la nuit du Mont des Oliviers, l’éclipse solaire de la passion et de la mort de Jésus, la nuit du sépulcre. Mais désormais c’est de nouveau le premier jour – la création recommence entièrement nouvelle. « Que la lumière soit ! », dit Dieu, « et la lumière fut ». Jésus se lève du tombeau. La vie est plus forte que la mort. Le bien est plus fort que le mal. L’amour est plus fort que la haine. La vérité est plus forte que le mensonge. L’obscurité des jours passés est dissipée au moment où Jésus ressuscite du tombeau et devient, lui-même, pure lumière de Dieu. Ceci, toutefois, ne se réfère pas seulement à lui ni à l’obscurité de ces jours. Avec la résurrection de Jésus, la lumière elle-même est créée de façon nouvelle. Il nous attire tous derrière lui dans la nouvelle vie de la résurrection et vainc toute forme d’obscurité. Il est le nouveau jour de Dieu, qui vaut pour nous tous.
Mais comment cela peut-il arriver ? Comment tout cela peut-il parvenir jusqu’à nous de façon que cela ne reste pas seulement parole, mais devienne une réalité dans laquelle nous sommes impliqués ? Par le sacrement du Baptême et la profession de foi, le Seigneur a construit un pont vers nous, par lequel le nouveau jour vient à nous. Dans le Baptême, le Seigneur dit à celui qui le reçoit : « Fiat lux » – que la lumière soit. Le nouveau jour, le jour de la vie indestructible vient aussi à nous. Le Christ te prend par la main. Désormais tu seras soutenu par lui et tu entreras ainsi dans la lumière, dans la vraie vie. Pour cette raison, l’Église primitive a appelé le Baptême « photismos » – illumination.
Pourquoi ? L’obscurité vraiment menaçante pour l’homme est le fait que lui, en vérité, est capable de voir et de rechercher les choses tangibles, matérielles, mais il ne voit pas où va le monde et d’où il vient. Où va notre vie elle-même. Ce qu’est le bien et ce qu’est le mal. L’obscurité sur Dieu et sur les valeurs sont la vraie menace pour notre existence et pour le monde en général. Si Dieu et les valeurs, la différence entre le bien et le mal restent dans l’obscurité, alors toutes les autres illuminations, qui nous donnent un pouvoir aussi incroyable, ne sont pas seulement des progrès, mais en même temps elles sont aussi des menaces qui mettent en péril nous et le monde. Aujourd’hui nous pouvons illuminer nos villes d’une façon tellement éblouissante que les étoiles du ciel ne sont plus visibles. N’est-ce pas une image de la problématique du fait que nous soyons illuminés ? Sur les choses matérielles nous savons et nous pouvons incroyablement beaucoup, mais ce qui va au-delà de cela, Dieu et le bien, nous ne réussissons plus à l’identifier. C’est pourquoi, c’est la foi qui nous montre la lumière de Dieu, la véritable illumination, elle est une irruption de la lumière de Dieu dans notre monde, une ouverture de nos yeux à la vraie lumière.
Chers amis, je voudrais enfin ajouter encore une pensée sur la lumière et sur l’illumination. Durant la Vigile pascale, la nuit de la nouvelle création, l’Église présente le mystère de la lumière avec un symbole tout à fait particulier et très humble : le cierge pascal. C’est une lumière qui vit en vertu du sacrifice. Le cierge illumine en se consumant lui-même. Il donne la lumière en se donnant lui-même. Ainsi il représente d’une façon merveilleuse le mystère pascal du Christ qui se donne lui-même et ainsi donne la grande lumière. En second lieu, nous pouvons réfléchir sur le fait que la lumière du cierge est du feu. Le feu est une force qui modèle le monde, un pouvoir qui transforme. Et le feu donne la chaleur. Là encore le mystère du Christ se rend à nouveau visible. Le Christ, la lumière est feu, il est la flamme qui brûle le mal transformant ainsi le monde et nous-mêmes. « Qui est près de moi est près du feu », exprime une parole de Jésus transmise par Origène. Et ce feu est en même temps chaleur, non une lumière froide, mais une lumière dans laquelle se rencontrent la chaleur et la bonté de Dieu.
Le grand hymne de l’Exultet, que le diacre chante au début de la liturgie pascale, nous fait encore remarquer d’une façon très discrète un autre aspect. Il rappelle que ce produit, la cire, est du en premier lieu au travail des abeilles. Ainsi entre en jeu la création tout entière. Dans la cire, la création devient porteuse de lumière. Mais, selon la pensée des Pères, il y a aussi une allusion implicite à l’Église. La coopération de la communauté vivante des fidèles dans l’Église est presque semblable à l’œuvre des abeilles. Elle construit la communauté de la lumière. Nous pouvons ainsi voir dans la cire un rappel fait à nous-mêmes et à notre communion dans la communauté de l’Église, qu’elle existe afin que la lumière du Christ puisse illuminer le monde.
Prions le Seigneur à présent de nous faire expérimenter la joie de sa lumière, et prions-le, afin que nous-mêmes nous devenions des porteurs de sa lumière, pour qu’à travers l’Église la splendeur du visage du Christ entre dans le monde. Amen.

LES FEMMES MYRROPHORES FACE AU TOMBEAU VIDE DU SEIGNEUR, HOMÉLIE POUR LE TROISIÈME DIMANCHE APRÈS PÂQUES

23 avril, 2014

http://www.seminaria.fr/Les-femmes-myrrophores-face-au-tombeau-vide-du-Seigneur-homelie-pour-le-troisieme-dimanche-apres-Paques_a567.html

LES FEMMES MYRROPHORES FACE AU TOMBEAU VIDE DU SEIGNEUR, HOMÉLIE POUR LE TROISIÈME DIMANCHE APRÈS PÂQUES

Mc 15, 43-16,8: En ce temps-là, après que Jésus eut été crucifié, un membre éminent du conseil, Joseph d’Arimathée, arriva. Il attendait lui aussi le Règne de Dieu. Il eut le courage d’entrer chez Pilate pour demander le corps de Jésus. Pilate s’étonna qu’il soit déjà mort. Il fit venir le centurion et lui demanda s’il était mort depuis longtemps. Et, renseigné par le centurion, il permit à Joseph de prendre le corps. Après avoir acheté un linceul, Joseph descendit Jésus de la croix et l’enroula dans le linceul. Il le déposa dans une tombe qui était creusée dans le rocher et il roula une pierre à l’entrée du tombeau. Marie Madeleine et Marie, mère de José, regardaient où on l’avait déposé. Quand le sabbat fut passé, Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques, et Salomé achetèrent des aromates pour aller l’embaumer. Et de grand matin, le premier jour de la semaine, elles vont à la tombe, le soleil étant levé. Elles se disaient entre elles : « Qui nous roulera la pierre de l’entrée du tombeau ? » Et, levant les yeux, elles voient que la pierre est roulée ; or, elle était très grande. Entrées dans le tombeau, elles virent, assis à droite, un jeune homme, vêtu d’une robe blanche, et elles furent saisies de frayeur. Mais il leur dit : « Ne vous effrayez pas. Vous cherchez Jésus de Nazareth, le crucifié : il est ressuscité, il n’est pas ici ; voyez l’endroit où on l’avait déposé. Mais allez dire à ses disciples et à Pierre : “Il vous précède en Galilée ; c’est là que vous le verrez, comme il vous l’a dit.” » Elles sortirent et s’enfuirent loin du tombeau, car elles étaient toutes tremblantes et bouleversées ; et elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur.

*
Les émotions qui ont envahi les femmes myrrophores quand elles ont découvert que le Christ crucifié n’était plus dans le tombeau, mais est ressuscité, sont difficiles à imaginer ; elles sont encore plus difficiles à décrire. C’est sans doute la raison pour laquelle les Évangiles les présentent de manières si différentes.
Ce dont les quatre évangélistes sont convaincus, c’est que ces femmes étaient bien les premiers témoins de la résurrection du Sauveur. Elles furent les premières à entendre de l’ange (ou de plusieurs anges) cette nouvelle qui les a bouleversées, elles, mais plus encore l’histoire de l’humanité. Cette grâce unique que Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques, et Salomé, ont reçue du Seigneur, a toujours été reconnue par l’Église, d’où la place que les quatre Évangiles leur réservent. La tradition liturgique de l’Église orthodoxe les met en valeur aussi, en les commémorant, avec Joseph et Nicodème d’Arimathée, le troisième dimanche après Pâques. Enfin, ces femmes sont particulièrement vénérées en France : plusieurs lieux sont liés à leur souvenir, aussi bien au sud du pays, qu’à Paris et en Bourgogne.
Difficile d’imaginer les émotions de Marie Madeleine et des autres femmes myrrophores lorsqu’elles apprirent que Jésus qu’elles avaient vu mourir sur la Croix, qu’elles avaient vu enseveli dans un tombeau par Joseph et Nicodème, n’était plus mort, mais vivant. Il y a de quoi être stupéfait. L’évangile de Marc insiste particulièrement sur cet effroi sacré que les femmes ont éprouvé à l’annonce de cette nouvelle et à la vue du tombeau vide du Christ. Après l’effroi, c’est la joie qui les a envahies à un point difficilement imaginable : la joie de savoir que le Maître qu’elles aimaient est revenu à la vie. Jean et Mathieu insistent beaucoup sur l’immensité de la joie de la rencontre de Jésus ressuscité : « Avec crainte et grande joie elles coururent porter la nouvelle à ses disciples » (Mt 28, 8).
En plus d’effroi et de joie, les femmes ont connu une autre émotion, celle de se rappeler le sens des paroles de Jésus. Ce troisième sentiment est mis en avant par Luc : « alors elles se rappelèrent ses paroles, elles revinrent du tombeau et rapportèrent tout cela aux onze » (Lc 24, 7).
Bouleversement, joie, compréhension : voilà les trois étapes que ces formidables femmes myrrophores ont connues en découvrant le tombeau vide du Seigneur. Avec la spontanéité, la rapidité et la confiance dont les femmes sont particulièrement capables. Vous voyez : il a fallu quatre évangélistes pour décrire ce que chacune d’elles a éprouvé en découvrant, avant le reste de l’humanité, que Jésus le Christ est ressuscité et qu’il nous précède d’abord en Galilée, puis dans la gloire éternelle de Dieu le Père.

PSEUDO-ÉPIPHANE DE SALAMINE : QU’EST-CECI ? UN GRAND SILENCE RÈGNE AUJOURD’HUI SUR LA TERRE, UN GRAND SILENCE ET UNE GRANDE SOLITUDE.

3 juillet, 2013

http://www.patristique.org/Pseudo-Epiphane-de-Salamine-Meditation-pour-un-samedi-saint.html

PSEUDO-ÉPIPHANE DE SALAMINE : MÉDITATION POUR UN SAMEDI SAINT

ATTRIBUÉE, À TORT, À ÉPIPHANE DE SALAMINE (315-403), CETTE MÉDITATION INTRODUIT AU MYSTÈRE DU SAMEDI SAINT.

QU’EST-CECI ? UN GRAND SILENCE RÈGNE AUJOURD’HUI SUR LA TERRE, UN GRAND SILENCE ET UNE GRANDE SOLITUDE.

Un grand silence parce que le roi dort. La terre a tremblé et s’est calmée parce que Dieu s’est endormi dans la chair, et qu’il est allé réveiller ceux qui dormaient depuis des siècles. Dieu est mort dans la chair et les enfers ont tressailli. Dieu s’est endormi pour un peu de temps et il a réveillé du sommeil ceux qui séjournaient dans les enfers…

Il va chercher Adam, notre premier père, la brebis perdue. Il veut aller visiter tous ceux qui sont assis dans les ténèbres et à l’ombre de la mort. Il va pour délivrer de leurs douleurs Adam dans ses liens et Ève captive avec lui, lui qui est en même temps leur Dieu et leur fils.

Descendons avec lui pour voir l’alliance entre Dieu et les hommes. Là se trouve Adam, le premier père et, comme premier créé, enterré plus profondément que tous les condamnés. Là se trouve Abel, le premier mort, et comme premier pasteur juste, figure du meurtre injuste du Christ pasteur. Là se trouve Noé, figure du Christ, le constructeur de la grande arche de Dieu, l’Église. Là se trouve Abraham, le père du Christ, le sacrificateur qui offrit à Dieu par le glaive et sans le glaive un sacrifice mortel sans mort. Là demeure Moïse, dans les ténèbres inférieures, lui qui jadis a séjourné dans les ténèbres supérieures de l’arche de Dieu. Là se trouve Daniel, dans la fosse de l’enfer, lui qui jadis a séjourné sur la terre, dans la fosse aux lions. Là se trouve Jérémie, dans la fosse de boue, dans le trou de l’enfer, dans la fosse de la mort. Là se trouve Jonas dans le monstre capable de contenir le monde, c’est-à-dire dans l’enfer en signe du Christ éternel. Et, parmi les prophètes, il en est un qui s’écrie : « du ventre de l’enfer, entends ma supplication, écoute mon cri ! » et un autre « des profondeurs, je crie vers toi, Seigneur, Seigneur, entends ma voix » – Et un autre encore : « Fais rayonner ton visage, et nous serons sauvés ! »…

Mais, comme par son avènement, le Seigneur voulait pénétrer dans les lieux les plus inférieurs, Adam en tant que premier père et que premier créé de tous les hommes et en tant que premier mortel, lui qui avait été tenu captif plus profondément que tous les autres, et avec le plus grand soin, il entendit le premier le bruit des pas du Seigneur qui venait vers les prisonniers. Et il reconnut la voix de celui qui cheminait dans la prison et s’adressant à tous ceux qui étaient enchaînés avec lui depuis le commencement du monde, il parla ainsi : « J’entends les pas de quelqu’un qui vient vers nous ! » Et pendant qu’il parlait, le Seigneur entra tenant les armes victorieuses de la croix. Et lorsque le premier père Adam le vit, plein de stupeur il se frappa la poitrine et cria aux autres : « Mon Seigneur soit avec vous tous ! » Et le Christ répondit à Adam : « Et avec ton esprit ». Et lui ayant saisi la main, il lui dit : « Tiens-toi debout, toi qui dormais, lève-toi d’entre les morts et le Christ t’illuminera. Je suis ton Dieu et, à cause de toi, je suis devenu ton fils. Lève-toi, toi qui dormais, car je ne t’ai pas créé pour que tu séjournes ici enchaîné dans l’enfer. Surgis d’entre les morts, je suis la Vie des morts. Lève-toi, toi, l’œuvre de mes mains, toi, mon effigie, qui a été faite à mon image. Lève-toi et partons d’ici car tu es en moi et je suis en toi, nous formons tous deux une personne unique et indivisible.

À cause de toi, moi, ton Dieu, je suis devenu ton fils ; à cause de toi, moi le Seigneur, j’ai pris la forme d’esclave ; à cause de toi, moi qui demeure au-dessus des cieux, je suis descendu sur la terre, et sous la terre. Pour toi, homme, je me suis fait comme un homme sans protection, livré aux juifs dans le jardin et j’ai été crucifié dans le jardin. Regarde sur mon visage les crachats que j’ai reçus pour toi, afin de te replacer dans l’antique paradis. Regarde sur mes joues la trace des soufflets que j’ai subis pour rétablir en mon image ta beauté détruite. Regarde sur mon dos la trace de la flagellation que j’ai reçue afin de te décharger du fardeau de tes péchés, qui avait été imposé sur ton dos. Regarde mes mains qui ont été solidement clouées au bois à cause de toi qui autrefois as mal étendu tes mains vers le bois… Je me suis endormi sur la croix et la lance a percé mon côté à cause de toi qui t’es endormi au paradis et as fait sortir Ève de ton côté. Ma douleur a guéri la douleur de ton côté. Et mon sommeil te fait sortir maintenant du sommeil de l’enfer. Lève-toi et partons d’ici, de la mort à la vie, de la corruption à l’immortalité, des ténèbres à la lumière éternelle. Levez-vous et partons d’ici et allons de la douleur à la joie, de la prison à la Jérusalem céleste, des chaînes à la liberté, de la captivité aux délices du paradis, de la terre au ciel.

Mon Père céleste attend la brebis perdue, un trône de chérubin est prêt, les porteurs sont debout et attendent, la salle de noces est préparée, les tentes et les demeures éternelles sont ornées, les trésors de tout bien sont ouverts, le royaume des cieux qui existait avant tous les siècles vous attend.

Source :

Homélie pour le Samedi-saint, PG 43, 444-464. Cité par H. Urs von Balthasar dans Dieu et l’homme d’aujourd’hui, « Foi Vivante » n° 16, Paris 1966, p. 258-262.

BENOÎT XVI – AUDIENCE GÉNÉRALE – 2009 – Octave de Pâques

30 mai, 2013

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/audiences/2009/documents/hf_ben-xvi_aud_20090415_fr.html

BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 15 avril 2009 – Octave de Pâques

Chers frères et sœurs,
L’Audience générale traditionnelle du mercredi est empreinte aujourd’hui d’une joie spirituelle, qu’aucune souffrance ni peine ne peuvent effacer, car c’est une joie qui jaillit de la certitude que le Christ, par sa mort et sa résurrection, a définitivement triomphé sur le mal et sur la mort. « Le Christ est ressuscité! Alléluia! » chante l’Eglise en fête. Et ce climat de fête, ces sentiments typiques de Pâques, se prolongent non seulement au cours de cette semaine – l’Octave de Pâques – mais s’étendent au cours des cinquante jours qui vont jusqu’à la Pentecôte. Le mystère de Pâques embrasse même toute la durée de notre existence.
En ce temps liturgique, les références bibliques et les invitations à la méditation, qui nous sont offertes pour approfondir la signification et la valeur de Pâques, sont véritablement nombreuses. La « via crucis » que, au cours du Saint Triduum, nous avons reparcourue avec Jésus jusqu’au Calvaire, en en revivant la douloureuse Passion est devenue, au cours de la solennelle Veillée de Pâques, une « via lucis » réconfortante, un chemin de lumière et de renaissance spirituelle, de paix intérieure et de solide espérance. Après les pleurs, après le désarroi du Vendredi saint, suivi par le silence chargé d’attente du Samedi saint, à l’aube du « premier jour après le sabbat » a retenti avec vigueur l’annonce de la Vie qui a vaincu la mort:  « Dux vitae mortuus / regnat vivus – le Seigneur de la vie était mort; mais à présent, vivant, il triomphe! » La nouveauté bouleversante de la résurrection est si importante que l’Eglise ne cesse de la proclamer, en prolongeant son souvenir en particulier chaque dimanche, jour du Seigneur et Pâque hebdomadaire du peuple de Dieu. Nos frères orientaux, comme pour souligner ce mystère de salut qui enveloppe notre vie quotidienne, appellent le dimanche en russe « jour de la résurrection » (voskrescénje).
Il est donc fondamental pour notre foi et pour notre témoignage chrétien de proclamer la résurrection de Jésus de Nazareth comme un événement réel, historique, attesté par de nombreux témoins faisant autorité. Nous l’affirmons avec force car, à notre époque également, il ne manque pas de personnes qui cherchent à en nier l’historicité, en réduisant le récit évangélique à un mythe, en reprenant et en présentant des théories anciennes et déjà utilisées comme nouvelles et scientifiques. Certes, la résurrection n’a pas été pour Jésus un simple retour à la vie terrestre précédente, mais elle a été le passage à une dimension profondément nouvelle de vie, qui nous concerne nous aussi, qui touche toute la famille humaine, l’histoire et tout l’univers. Cet événement a changé l’existence des témoins oculaires, comme le démontrent les récits évangéliques et les autres écrits néotestamentaires; il s’agit d’une annonce que des générations entières d’hommes et de femmes au cours des siècles ont écoutée avec foi et ont témoignée, souvent au prix de leur sang, à travers le martyre. Cette année également, cette bonne nouvelle retentit à Pâques, de façon immuable et toujours nouvelle, dans tous les lieux de la terre:  Jésus mort en croix est ressuscité, il vit glorieux car il a vaincu le pouvoir de la mort. Telle est la victoire de la Pâque! Tel est notre salut! Et avec saint Augustin, nous pouvons chanter:  « La résurrection du Christ est notre espérance! ».
C’est vrai:  la résurrection de Jésus fonde notre solide espérance et illumine tout notre pèlerinage terrestre, y compris l’énigme humaine de la douleur et de la mort. La foi dans le Christ crucifié et ressuscité est le cœur de tout le message évangélique, le noyau central de notre « Credo ». Nous pouvons trouver une expression faisant autorité de ce « Credo » essentiel dans un passage célèbre des écrits de saint Paul, contenu dans la Première Lettre aux Corinthiens (15, 3-8), où l’Apôtre, pour répondre à certaines personnes de la communauté de Corinthe qui, paradoxalement, proclamaient la résurrection de Jésus, mais niaient celle des morts, transmet fidèlement ce que lui-même avait reçu de la première communauté apostolique concernant la mort et la résurrection du Seigneur.
Il commence par une affirmation presque péremptoire:  « Frères, je vous rappelle la Bonne Nouvelle que je vous ai annoncée; cet Evangile, vous l’avez reçu, et vous y restez attaché, vous serez sauvés par lui si vous le gardez tel que je vous l’ai annoncé; autrement, c’est pour rien que vous êtes devenus croyants » (vv. 1-2). Il ajoute aussitôt qu’il leur a transmis ce que lui-même a reçu. Suit alors l’épisode que nous avons écouté au début de notre rencontre. Saint Paul présente tout d’abord la mort de Jésus et apporte à un texte aussi dépouillé, deux ajouts à la nouvelle que « le Christ est mort ». Le premier ajout est:  il est mort « pour nos péchés »; le deuxième est:  « conformément aux Ecritures » (v. 3). L’expression « conformément aux Ecritures » place l’événement de la résurrection du Seigneur en relation avec l’histoire de l’Alliance vétérotestamentaire de Dieu avec son peuple, et nous fait comprendre que la mort du fils de Dieu appartient au tissu de l’histoire du salut, et que c’est même d’elle que cette histoire tire sa logique et sa véritable signification. Dans le mystère pascal s’accomplissent les paroles de l’Ecriture, c’est-à-dire qu’il s’agit d’un événement qui porte en soi un logos, une logique:  la mort du Christ témoigne que la Parole de Dieu s’est faite jusqu’au fond « chair », « histoire » humaine. Comment et pourquoi ceci a eu lieu, se comprend à partir du deuxième ajout que saint Paul apporte:  le Christ est mort « pour nos péchés ». Avec ces paroles, le texte de saint Paul semble reprendre la prophétie d’Isaïe contenue dans le Quatrième chant du Serviteur de Dieu (cf. Is 53, 12). Le Serviteur de Dieu « s’est livré lui-même jusqu’à la mort », a porté « le péché des multitudes », et intercédant pour les « criminels », il a pu apporter le don de la réconciliation des hommes entre eux et des hommes avec Dieu:  sa mort met donc fin à la mort; le chemin de la Croix conduit à la Résurrection.
Dans les versets qui suivent, l’Apôtre s’arrête ensuite sur la résurrection du Seigneur. Il dit que le Christ « est ressuscité le troisième jour conformément aux Ecritures ». De nombreux exégètes entrevoient dans l’expression:  « Il est ressuscité le troisième jour conformément aux Ecritures » un rappel significatif de ce que nous lisons dans le Psaume 16, où le Psalmiste proclame:  « Tu ne peux m’abandonner à la mort ni laisser ton ami voir la corruption » (v. 10). Il s’agit de l’un des textes de l’Ancien Testament, cités aux débuts du christianisme, pour démontrer le caractère messianique de Jésus. Etant donné que selon l’interprétation juive, la corruption commençait après le troisième jour, la parole de l’Ecriture s’accomplit en Jésus qui ressuscite le troisième jour, c’est-à-dire avant que ne commence la corruption. Saint Paul, transmettant fidèlement l’enseignement des Apôtres, souligne que la victoire du Christ sur la mort a lieu à travers la puissance créatrice de la Parole de Dieu. Cette puissance divine apporte espérance et joie:  c’est en définitive le contenu libérateur de la révélation pascale. Dans la Pâque, Dieu se révèle lui-même et révèle la puissance de l’amour trinitaire qui anéantit les forces destructrices du mal et de la mort.

12345...7