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JEAN-PAUL II – PS 147, 12-15.19-20 – LAUDA, JERUSALEM, DOMINUM

17 octobre, 2015

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AUDIENCE GÉNÉRALE DE JEAN-PAUL II

Mercredi 20 août 2003  

LECTURE:  PS 147, 12-15.19-20 -   LAUDA, JERUSALEM, DOMINUM

1. Le Psaume qui vient d’être proposé à notre méditation constitue la deuxième partie du précédent Psaume 146. Les antiques traductions grecque et latine, suivies par la Liturgie, l’ont en revanche considéré comme un chant indépendant, car son début le distingue nettement de la partie précédente. Ce début est devenu célèbre, également parce qu’il a souvent été mis en musique en latin:  Lauda, Jerusalem, Dominum. Ces paroles initiales constituent l’invitation typique dans les hymnes des Psaumes à célébrer et louer le Seigneur:  c’est à présent Jérusalem, personnification du peuple, qui est interpellée afin d’exalter et de glorifier son Dieu (cf. v. 12). On mentionne immédiatement le motif pour lequel la communauté en prière doit élever sa louange au Seigneur. Celui-ci est de nature historique:  c’est Lui, le Libérateur d’Israël de l’exil de Babylone, qui donne la sécurité à son peuple « en renforçant la barre des portes » de la ville (cf. v. 13). Lorsque Jérusalem s’était effondrée sous l’assaut de l’armée du roi Nabuchodonosor, en 586 av. J.C., le livre des Lamentations avait mis en scène le Seigneur lui-même en tant que juge du péché d’Israël, alors qu’il « a médité d’abattre le rempart de la fille de Sion… Ses portes sont enfouies sous terre, il en a détruit et brisé les barres » (Lm 2, 8.9). A présent, en revanche, le Seigneur redevient le constructeur de la ville sainte; dans le temple qui a été reconstruit, Il bénit à nouveau ses fils. Il est  ainsi fait mention de l’oeuvre de Néhémie (cf. Ne 3, 1-38), qui avait rebâti les murs de Jérusalem, afin qu’elle redevienne une oasis de sérénité et de paix. 2. La paix, salôm, est en effet immédiatement évoquée, également parcequ’elle est symboliquement contenue dans le nom même de Jérusalem. Le prophète Isaïe promettait déjà à la ville:  « Comme magistrature j’instituerai la Paix et comme gouvernant la Justice » (60, 17). Mais, en plus de rebâtir les murs de la ville, de la bénir et de la pacifier dans la sécurité, Dieu offre à Israël d’autres dons fondamentaux:  c’est ce qui est décrit dans la partie finale du Psaume. C’est en effet là que sont rappelés les dons de la Révélation, de la Loi et des prescriptions divines:  « Il révèle à Jacob sa parole, ses lois et jugements à Israël » (Ps 147, 19). On célèbre ainsi l’élection d’Israël et sa mission unique parmi les nations:  proclamer au monde la Parole de Dieu. C’est une mission prophétique et sacerdotale, car « quelle est la grande nation dont les lois et coutumes soient aussi justes que toute cette loi que je vous prescris aujourd’hui » (Dt 4, 8). A travers Israël, et donc également à travers la communauté chrétienne, c’est-à-dire l’Eglise, la Parole de Dieu peut retentir dans le monde et devenir la norme et la lumière de vie pour tous les peuples (cf. Ps 147, 20). 3. Nous avons jusqu’à présent décrit la première raison de la louange à élever au Seigneur:  il s’agit d’une motivation historique, c’est-à-dire liée à l’action libératrice et révélatrice de Dieu à l’égard de son peuple. Il y a cependant une autre source de joie et de louange:  elle est de nature cosmique, c’est-à-dire liée à l’action créatrice divine. La Parole divine apparaît pour donner vie à l’être. Semblable à un messager, elle court à travers les espaces immenses de la terre (cf. Ps 147, 15). Et l’on assiste immédiatement à une floraison de merveilles. Voici venir l’hiver, qui est décrit à travers ses phénomènes atmosphériques avec une touche de poésie:  la neige est semblable à la laine en raison de sa blancheur, le givre avec ses grains fins est comme la poussière du désert (cf. v. 16), la grêle est semblable à des miettes de pain jetées par terre, le gel fige la terre et bloque la végétation (cf. v. 17). Il s’agit d’une description hivernale qui invite à découvrir les merveilles de la création et qui sera reprise dans une page très pittoresque également par un autre livre biblique, celui du Siracide (43, 18-20). 4. Voilà cependant, toujours sous l’action de la Parole divine, que réapparaît le printemps:  la glace fond, le vent chaud souffle et laisse les eaux s’écouler (cf. Ps 147, 18), répétant ainsi le cycle éternel des saisons et donc la possibilité même de la vie pour les hommes et les femmes. Naturellement, les lectures métaphoriques de ces dons divins n’ont pas manqué. La « fleur de froment » a fait penser au grand don du pain eucharistique. Et le grand écrivain chrétien du III siècle, Origène, a même identifié ce froment comme le signe du Christ lui-même et, en particulier, de l’Ecriture Sainte. Voici son commentaire:  « Notre Seigneur est le grain de blé qui tomba en terre, et qui se multiplia pour nous. Mais ce grain de blé est abondant de façon superlative… La Parole de Dieu est abondante de façon superlative, elle contient en elle tous les délices. Tout ce que tu désires provient de la parole de Dieu,  comme  le  racontent les juifs:  lorsqu’ils mangeaient la manne, celle-ci prenait dans leur bouche le goût de ce que chacun désirait… Ainsi en est-il également de la chair du Christ, qui est la parole de l’enseignement, c’est-à-dire la compréhension des Saintes Ecritures, plus le désir que nous en avons est grand, plus abondante est la nourriture que nous en recevons. Si tu es saint, tu trouves la fraîcheur; si tu es pêcheur, tu trouves le tourment » (Origène, Jérôme, 74 homélies sur le livre des Psaumes, Milan 1993, pp. 543-544). 5. Le Seigneur agit donc à travers sa Parole non seulement dans la création, mais également dans l’histoire. Il se révèle à travers le langage muet de la nature (cf. Ps 18, 2-7), mais il s’exprime de façon explicite à travers la Bible et sa communication personnelle chez les prophètes et en plénitude dans son Fils (Cf. He 1, 1-2). Ce sont deux dons différents, mais convergents, de son amour.

JEAN-PAUL II – « LES TEMPS SONT ACCOMPLIS ET LE ROYAUME DE DIEU EST PROCHE. 1987

15 octobre, 2015

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JEAN-PAUL II – « LES TEMPS SONT ACCOMPLIS ET LE ROYAUME DE DIEU EST PROCHE.

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 18 mars 1987

1. « Les temps sont accomplis et le Royaume de Dieu est proche. ». (Mc 1, 15.) C’est par ces paroles que Jésus de Nazareth commence sa prédication messianique. Le Royaume de Dieu qui, en Jésus, fait irruption dans la vie et dans l’histoire de l’homme, constitue l’accomplissement des promesses de salut qu’Israël avait reçues du Seigneur. Jésus se révèle être le Messie non pas parce qu’il vise une domination temporelle et politique, selon la conception de ses contemporains, mais parce que, par sa mission qui culmine avec sa passion-mort-résurrection, « toutes les promesses de Dieu sont devenues « oui » » (2 Co 1, 20). 2. Pour comprendre pleinement la mission de Jésus, il est nécessaire de rappeler le message de l’Ancien Testament qui proclame la royauté salvifique du Sauveur. Dans le cantique de Moïse (Ex 15, 1-18), le Seigneur est acclamé « roi » parce qu’il a libéré son peuple de manière admirable et l’a conduit, avec puissance et amour, vers la communion avec lui et avec les frères, dans la joie de la liberté. Le très ancien psaume 28/29 témoigne de la même foi : le Seigneur est contemplé dans la puissance de sa royauté qui domine toute la création et communique à son peuple force, bénédiction et paix (Ps 28/29, 10). C’est surtout dans la vocation d’Isaïe que la foi dans le Seigneur « roi » apparaît totalement imprégnée du thème du salut. Le « Roi », que le prophète contemple avec les yeux de la foi, « sur un trône haut et élevé » (Is 6, 1), c’est Dieu dans le mystère de sa sainteté transcendante et de sa bonté miséricordieuse par laquelle il se rend présent à son peuple, comme source d’amour qui purifie, pardonne et sauve : « Saint, saint, saint est le Seigneur, le Dieu des armées, toute la terre sera remplie de sa gloire. » (Is 6, 3.) Cette foi en la royauté salvifique du Seigneur a empêché que, dans le peuple de l’Alliance, la monarchie se développe de manière autonome comme dans les autres nations : le roi est l’élu, l’oint du Seigneur et, comme tel, il est l’instrument par lequel Dieu lui-même exerce sa souveraineté sur Israël (cf. 1 S 12, 12-15). « Le Seigneur règne », proclament continuellement les psaumes (cf. 5, 3 ; 9, 6 ; 28, 10 ; 92, 1 ; 96, 1-4 ; 145, 10). 3. Face à l’expérience douloureuse des limites humaines et du péché, les prophètes annoncent une nouvelle Alliance dans laquelle le Seigneur lui-même sera le guide sauveur et royal de son peuple renouvelé (cf. Jr 31, 31-34 ; Ez 34, 7-16 ; 36, 24-28). C’est dans ce contexte que naît l’attente d’un nouveau David que le Seigneur suscitera pour qu’il soit l’instrument de l’Exode, de la libération, du salut (Ez 34, 23-25 ; cf. Jr 23, 5-6). À partir de ce moment, la figure du Messie apparaîtra en lien étroit avec l’inauguration de la pleine royauté de Dieu. Après l’Exil, même si l’institution de la monarchie est affaiblie en Israël, on continue à approfondir la foi en la royauté que Dieu exerce sur son peuple et qui s’étendra jusqu’aux « extrémités de la terre ». Les psaumes qui chantent le Seigneur roi constituent le témoignage le plus significatif de cette espérance (cf. Ps 95, 98). Cette espérance atteindra sa plus grande intensité quand le regard de la foi, se dirigeant au-delà du temps de l’histoire humaine, comprendra que ce n’est que dans l’éternité à venir que le Royaume de Dieu sera établi avec toute sa puissance. Alors, par la résurrection, les rachetés seront en pleine communion de vie et d’amour avec le Seigneur (cf. Dn 7, 9-10 ; 12, 2-3). 4. Jésus se réfère à cette espérance de l’Ancien Testament et proclame qu’elle est accomplie. Le Règne de Dieu constitue le thème central de sa prédication, comme le montrent en particulier les paraboles. La parabole du semeur (Mt 13, 3-8) proclame que le Royaume de Dieu est déjà à l’œuvre dans la prédication de Jésus, et en même temps elle incite à regarder l’abondance des fruits qui constitueront la richesse surabondante du Royaume à la fin des temps. La parabole de la graine qui grandit toute seule (Mc 4, 26-29) souligne que le Royaume n’est pas une œuvre humaine mais uniquement le don de l’amour de Dieu qui agit dans le cœur des croyants et guide l’histoire humaine vers son accomplissement définitif dans la communion éternelle avec le Seigneur. La parabole de l’ivraie au milieu du bon grain (Mt 13, 24-30) et celle du filet de pêche (Mt 13, 47-52) suggèrent avant tout la présence, déjà agissante, du salut de Dieu. Cependant, en même temps que les « fils du Royaume », les « fils du Malin » sont également présents, les ouvriers d’iniquité : ce n’est qu’au terme de l’histoire que les puissances du mal seront détruites et que celui qui aura accueilli le Royaume sera pour toujours avec le Seigneur. Les paraboles du trésor caché et de la perle précieuse (Mt 13, 44-46), enfin, expriment la valeur suprême et absolue du Royaume de Dieu : celui qui comprend cela est disposé à affronter n’importe quel sacrifice et renonce à tout pour y entrer. 5. À partir de cet enseignement de Jésus apparaît une richesse très éclairante. Le Royaume de Dieu, dans sa réalisation pleine et totale, est certainement à venir, « il doit venir » (cf. Mc 9, 1 ; Lc 22, 18) ; la prière du Notre Père enseigne à invoquer sa venue : « Que ton Règne vienne. » (Mt 6,10.) En même temps, cependant, Jésus affirme que le Royaume de Dieu « est déjà venu » (Mt 12, 28), « il est au milieu de vous » (Lc 17, 21) par la prédication et les œuvres de Jésus. En outre, il ressort de tout le Nouveau Testament que l’Église fondée par Jésus est le lieu où la royauté de Dieu se rend présente, dans le Christ, comme don du salut dans la foi, de la vie nouvelle dans l’Esprit, de la communion dans la charité. Ainsi apparaît le rapport étroit qui existe entre le Royaume et Jésus, un rapport si fort que le Royaume de Dieu peut aussi être appelé « le Royaume de Jésus » (Ep 5, 2 ; 2 P 1, 11), comme, du reste, l’affirme Jésus lui-même devant Pilate, affirmant que « son » Royaume n’est pas de ce monde (Jn 18, 36). 6. À cette lumière, nous pouvons comprendre les conditions qu’indique Jésus pour entrer dans le Royaume. Elles peuvent se résumer par le mot « conversion ». Par la conversion, l’homme s’ouvre au don de Dieu (cf. Lc 12, 32) qui « appelle à son Royaume et à sa gloire » (1 Th 2, 12) ; il accueille le Royaume comme un petit enfant (Mc 10, 15) et il est disposé à n’importe quel renoncement pour pouvoir y entrer (cf. Lc 18, 29 ; Mt 19, 29 ; Mc 10, 29). Le Royaume de Dieu exige une « justice » profonde ou nouvelle (Mt 5, 20) : il demande que l’on s’engage à faire « la volonté de Dieu » (Mt 7, 21) ; il demande simplicité intérieure « semblable à celle des enfants » (Mt 18, 3 ; Mc 10, 15) ; il comporte le dépassement de l’obstacle que constituent les richesses (cf. Mc 10, 23-24). 7. Les Béatitudes proclamées par Jésus (cf. Mt 5, 3-12) apparaissent comme la magna charta du Royaume des cieux qui est donné aux pauvres en esprit, aux affligés, aux doux, à ceux qui ont faim et soif de justice, aux miséricordieux, à ceux qui ont le cœur pur, à ceux qui sont des artisans de paix, à ceux qui sont persécutés à cause de la justice. Les Béatitudes n’indiquent pas seulement les exigences du Royaume ; elles manifestent avant tout l’œuvre que Dieu accomplit en nous rendant semblables à son Fils (Rm 8, 29) et capables d’éprouver ses sentiments (Ph 2, 5 ss.) d’amour et de pardon (cf. Jn 13, 34-35 ; Col 3, 13). 8. L’Église du Nouveau Testament, qui l’a vécu dans la joie de sa foi pascale, témoigne de cet enseignement de Jésus sur le Royaume de Dieu. Elle est la communauté des « petits » que le Père a libérés de la puissance des ténèbres et a fait passer dans le Royaume de son Fils bien-aimé (Col 1, 13) ; elle est la communauté de ceux qui vivent « en Christ », se laissant conduire par l’Esprit-Saint sur les chemins de la paix (Lc 1, 79), et qui luttent pour ne pas « tomber en tentation » et pour éviter les œuvres de la « chair », sachant bien que « celui qui les accomplit n’héritera pas du Royaume de Dieu » (Ga 5, 21). L’Église est la communauté de ceux qui annoncent, par leur vie et la parole, le message même de Jésus : « Le Royaume de Dieu est proche. » (Lc 10, 9.) 9. L’Église qui, « au cours des siècles, tend sans cesse vers la plénitude de la vérité divine, jusqu’à ce qu’en elle s’accomplissent les paroles de Dieu » (DV, 8), prie le Père au cours de chaque célébration eucharistique pour que « son Règne vienne ». Elle vit dans une ardente attente de la venue glorieuse du Seigneur et Sauveur Jésus, lequel offrira à la divine Majesté « le Royaume éternel et universel : Royaume de vérité et de vie, de sainteté et de grâce, de justice, d’amour et de paix » (Préface de la solennité du Christ-Roi). Cette attente du Seigneur est une source constante de confiance et d’énergie. Elle stimule les baptisés, devenus participants de la dignité royale du Christ, pour qu’ils vivent chaque jour « dans le Royaume du Fils bien-aimé », pour qu’ils témoignent et annoncent la présence du Royaume par les œuvres mêmes de Jésus (cf. Jn 14, 12). En vertu de ce témoignage de foi et d’amour, enseigne le Concile, le monde sera imprégné de l’esprit du Christ et atteindra plus efficacement sa fin dans la justice, la charité et la paix (LG, 36).

DISCOURS DU PAPE JEAN PAUL II AU COURS DE LA RENCONTRE AVEC LES FAMILLES

5 octobre, 2015

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DISCOURS DU PAPE JEAN PAUL II AU COURS DE LA RENCONTRE AVEC LES FAMILLES

Place Saint Pierre
Samedi 20 octobre 2001

1. Chères familles de cette nation bien-aimée, qui êtes venues à Rome pour confirmer votre foi et votre vocation, je vous salue une par une, en vous serrant contre moi dans une profonde étreinte. Je salue également les familles qui ont été invitées, originaires de divers pays de l’Europe centrale et orientale, et que je viens de rencontrer. Mon salut s’étend au Cardinal Camillo Ruini, Président de la Conférence épiscopale italienne, aux autres cardinaux et évêques présents, ainsi qu’aux Autorités politiques et civiles.
J’accueille chacun avec une grande affection sur cette Place, coeur de l’Eglise universelle. Elle se transforme ce soir, grâce à la présence joyeuse de tant de familles chrétiennes, en une grande Eglise domestique. Je vous remercie de votre accueil chaleureux et de la joie que vous me donnez en me sentant, à mon tour, accueilli dans votre coeur.
Ce rendez-vous constitue une nouvelle étape du chemin qui, l’année dernière, nous a vus réunis ici sur la Place Saint-Pierre, avec un grand nombre d’entre vous et de nombreuses autres familles du monde entier, afin de célébrer le grand Jubilé. Nous sommes ici pour confirmer ce chemin et pour tourner à nouveau notre regard vers Jésus-Christ, Lumière qui « vous appelle à illuminer à travers votre témoignage le chemin de l’humanité sur les routes du nouveau millénaire » (Discours lors de la veillée du 14 octobre 2000, n. 9; cf. ORLF n. 43 du 24 octobre 2000).
2. Pour cette rencontre, vous avez choisi le thème suivant: « Croire dans la famille, c’est construire l’avenir ». Il s’agit d’un thème exigeant qui nous invite à réfléchir sur la vérité de la famille et, dans le même temps, sur son rôle pour l’avenir de l’humanité. Certaines questions peuvent nous guider dans cette réflexion: « Pourquoi croire dans la famille? ». Ainsi que: « Dans quelle famille croire? ». Et enfin: « Qui doit croire en la famille? ».
Pour répondre à la première question, nous devons partir d’une vérité originelle et fondamentale: Dieu croit fermement dans la famille. Depuis le début, depuis le « principe », en créant l’être humain à son image et ressemblance, homme et femme, il a voulu placer au centre de son projet la réalité de l’amour entre l’homme et la femme (cf. Gn 1, 27). Toute l’histoire du salut est un dialogue passionné entre le Dieu fidèle, que les prophètes décrivent souvent comme le fiancé et l’époux, et la communauté élue, l’épouse, souvent tentée par l’infidélité, mais toujours attendue, recherchée et à nouveau aimée par son Seigneur (cf. Is 62, 4-5; Os 1-3). La confiance que le Père nourrit envers la famille est tellement profonde que, c’est aussi en pensant à elle, qu’il a envoyé son Fils, l’Epoux, venu racheter son épouse, l’Eglise, et en elle chaque homme et chaque famille (cf. Lettre aux familles, n. 18).
Oui, chères familles, « l’Epoux est avec vous! ». De cette présence, accueillie et partagée, naît cette force sacramentelle particulière et extraordinaire qui transforme votre union intime de vie en signe efficace de l’amour entre le Christ et l’Eglise, et qui vous transforme en sujets responsables, acteurs de la vie ecclésiale et sociale.
3. Le fait que Dieu ait placé la famille comme fondement de la coexistence humaine et comme paradigme de la vie ecclésiale, exige de la part de tous une réponse décisive et convaincue. Dans Familiaris consortio, dont c’est le vingtième anniversaire, je disais: « Famille, deviens ce que tu es » (cf. n. 17). J’ajoute aujourd’hui, « Famille, crois en ce que tu es »; crois dans ta vocation qui est d’être un signe lumineux de l’amour de Dieu.
Cette rencontre nous permet de rendre grâce à Dieu pour les dons accordés à son Eglise et aux familles qui, au cours de ces années, ont précieusement recueilli les enseignements conciliaires et ceux contenus dans Familiaris consortio. En outre, nous devons être reconnaissants à l’Eglise qui est en Italie et à ses pasteurs d’avoir contribué de façon déterminante à la réflexion sur le mariage et sur la famille, à travers des documents importants, tels qu’Evangélisation et sacrement du mariage qui, dès 1975, ont permis d’accomplir un véritable tournant dans la pastorale familiale, et en particulier le Directoire sur la pastorale familiale, publié en juillet 1993.
4. La deuxième interrogation nous invite à réfléchir sur un aspect d’une grande actualité, car aujourd’hui, l’on enregistre autour de l’idée de famille des opinions extrêmement différentes, qui laissent penser qu’il n’existe plus aucun critère la qualifiant et la définissant. A côté de la dimension religieuse de la famille, il existe également sa dimension sociale. La valeur et le rôle de la famille sont tout aussi évidents de cet autre point de vue. Aujourd’hui, malheureusement, nous assistons à la diffusion de points de vues déformés et plus que jamais dangereux, alimentés par des idéologies relativistes, diffusés de façon envahissante par les médias. En réalité, pour le bien de l’Etat et de la société, il est d’une importance fondamentale de sauvegarder la famille fondée sur le mariage, entendu comme un acte qui ratifie l’engagement réciproque exprimé et réglementé publiquement, la responsabilité à l’égard du conjoint et des enfants, la garantie des droits et des devoirs comme noyau social primordial sur lequel se fonde la vie de la nation.
Si l’on n’est pas convaincu que l’on ne peut, en aucune façon, assimiler la famille fondée sur le mariage à d’autres formes de regroupement affectif, c’est la structure sociale elle-même et son fondement juridique qui sont menacés. Le développement harmonieux et le progrès d’un peuple dépendent dans une large mesure de sa capacité d’investir dans la famille, en garantissant au niveau législatif, social et culturel, la réalisation pleine et effective de ses fonctions et de ses tâches.
Chères familles, dans un système démocratique, il devient fondamental de laisser la parole aux raisons qui motivent la défense de la famille fondée sur le mariage. Celle-ci est la principale source d’espérance pour l’avenir de l’humanité, comme cela est bien exprimé dans la deuxième partie du thème choisi pour cette rencontre. Notre espérance est donc que des individus, des communautés et des sujets sociaux croient toujours davantage dans la famille fondée sur le mariage, lieu d’amour et de solidarité authentique.
5. En réalité, afin de regarder l’avenir avec confiance, il est nécessaire que tous croient dans la famille, en assumant les responsabilités correspondant à leur propre rôle. Nous répondons ainsi à la troisième question, dont nous sommes partis: « Qui doit croire en la famille? » Je voudrais tout d’abord souligner que les premiers garants du bien de la famille sont les conjoints eux-mêmes, que ce soit en vivant de façon responsable, chaque jour, les engagements, les joies et les difficultés, ou bien en laissant la parole, à travers des formes associatives et des initiatives culturelles, à des instances sociales et législatives en mesure de soutenir la vie familiale. Le travail accompli au cours de ces années par le Forum des associations familiales est connu et apprécié; je lui exprime ma satisfaction pour ce qu’il a accompli et également pour l’initiative intitulée Family for family, par laquelle on entend renforcer les rapports de solidarité entre les familles italiennes et celles des pays de l’Est européen.
Une responsabilité particulière pèse sur les hommes politiques et sur les gouvernants, à qui il revient d’appliquer la norme constitutionnelle et de percevoir les exigences les plus authentiques de la population composée en très grande majorité de familles, qui ont fondé leur union sur le lien du mariage. On attend donc à juste titre des interventions législatives centrées sur la dignité de la personne humaine et sur l’application correcte du principe de subsidiarité entre l’Etat et la famille; des interventions en mesure de permettre de résoudre des questions importantes, et sous de nombreux aspects décisives pour l’avenir du pays.
6. Il est en particulier important et urgent de réaliser pleinement un système scolaire et éducatif ayant son centre dans la famille et dans sa liberté de choix. Il ne s’agit pas, comme certains l’affirment de façon erronée, d’enlever quelque chose à l’école publique pour le donner à l’école privée, mais plutôt de surmonter une injustice substantielle qui pénalise toutes les familles, empêchant que se manifeste une liberté d’initiative et de choix effective. Ceux qui désirent exercer le droit fondamental d’orienter l’éducation de leurs enfants, en choisissant des écoles qui offrent un service public tout en n’appartenant pas à l’Etat, doivent ainsi faire face à des charges supplémentaires.
Il est également souhaitable d’effectuer un saut qualitatif décisif dans la programmation des politiques sociales, qui devraient toujours davantage prendre en compte le caractère central de la famille, pour répondre à ses nécessités en effectuant des choix dans le domaine de la planification du logement, de l’organisation du travail, de la détermination du salaire et des critères d’imposition. Une attention particulière doit également être réservée à la préoccupation légitime de nombreuses familles, qui dénoncent une dégradation croissante des moyens de communication qui, en véhiculant des scènes de violence, des banalités et de la pornographie, se révèlent toujours moins attentifs à la présence des mineurs et à leurs droits. Les familles ne peuvent pas être abandonnées à elles-mêmes par les institutions et par les forces sociales, dans l’effort de garantir à leurs enfants des milieux de vie sains, positifs et riches de valeurs humaines et religieuses.
7. Chères familles, en affrontant ces grands défis ne vous découragez pas et ne vous sentez pas seules: le Seigneur croit en vous; l’Eglise marche avec vous; les hommes de bonne volonté vous regardent avec confiance!
Vous êtes appelées à être les acteurs de l’avenir de l’humanité, en modelant le visage de ce nouveau millénaire. Dans cette tâche, que vous assiste et que vous guide la Vierge Marie, notre Mère, ici présente parmi nous à travers l’une de ses images particulièrement vénérée. Je confie à la Madone de Lorette, Reine de la Famille, qui dans la maison de Nazareth, avec son époux Joseph, a fait l’expérience des joies et des épreuves de la vie familiale, chacune de vos espérances, en invoquant sa protection céleste. Très chers époux, que le Seigneur vous confirme dans l’engagement pris à travers les promesses du mariage le jour de vos noces. Le Pape et l’Eglise prient pour vous. Je vous bénis de grand coeur, ainsi que vos enfants.

JEAN-PAUL II -(AUSSI À TRAVERS LA COMMUNION DES GENS L’HOMME DEVIENT IMAGE DE DIEU, TITRE DU TEXTE EN ITALIEN)

8 septembre, 2015

http://w2.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/audiences/1979/documents/hf_jp-ii_aud_19791114.html

JEAN-PAUL II -(AUSSI À TRAVERS LA COMMUNION DES GENS L’HOMME DEVIENT IMAGE DE DIEU, TITRE DU TEXTE EN ITALIEN)

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 14 novembre 1979

1. Au fil du récit, nous avons constaté, dans le livre de la Genèse, que la création « définitive » de l’homme consiste en la création de l’unité de deux êtres. Leur unité dénote surtout l’identité de la nature humaine ; la dualité, par contre, manifeste ce qui, sur la base de cette identité, constitue homme et femme l’homme créé. Cette dimension ontologique de l’unité et de la dualité a, en même temps un sens axiologique. Il résulte clairement de Genèse 2, 23 et de tout le contexte que l’homme a été créé comme une valeur particulière devant Dieu (« Dieu vit tout ce qu’il avait fait. Voilà, c’était très bon » – Gn 1, 31), mais aussi comme une valeur particulière pour l’homme lui-même : d’abord parce qu’il est « homme » ; et ensuite parce que la femme est pour l’homme et l’homme pour la femme. Tandis que le chapitre 1 de la Genèse exprime cette valeur sous une forme purement théologique (et indirecte ment métaphysique), le chapitre 2 révèle pour ainsi dire le premier cercle de l’expérience vécue par l’homme comme valeur. Cette expérience est déjà inscrite dans le sens de la solitude originelle, et ensuite dans tout le récit de la création de l’être humain comme homme et femme. Le texte concis de Genèse 2, 23, qui contient les paroles du premier homme en voyant la femme créée à partir de lui, peut être considéré comme le prototype biblique du Cantique des cantiques. Et s’il est possible de lire des impressions et des émotions à travers des paroles si lointaines, on pourrait aussi risquer de dire que la profondeur et la force de cette première et « originelle » émotion de l’homme de sexe masculin devant l’humanité de la femme, et en même temps devant la féminité de cet autre être humain, apparaît comme quelque chose d’unique, sans équivalent.
2. C’est ainsi que la signification de l’unité originelle de l’homme, à travers son sexe masculin ou féminin, exprime la rupture de sa solitude et en même temps l’affirmation — devant l’un et l’autre être humain — de tout ce qui est constitutif de l’ « homme » dans la solitude. Dans le récit biblique, la solitude achemine à cette unité que, avec Vatican II, nous pouvons définir comme une « communion de personnes » [1]. Comme nous l’avons déjà constaté précédemment l’homme, dans sa solitude originelle, acquiert une conscience personnelle dans le processus selon lequel il se « distingue » de tous les êtres vivants ( « animalia ») et en même temps, dans cette solitude, il s’ouvre à un être semblable à lui que la Genèse (2, 18 et 20) définit comme « une aide qui lui est accordée ». Pour l’homme-personne, cette ouverture est tout autant décisive, et peut-être même plus, que cette « distinction ». Dans le récit yahviste, la solitude de l’homme se présente non seulement comme la première découverte de la transcendance caractéristique qui est propre à la personne mais aussi comme la découverte d’une juste relation « à la » personne, et donc comme une ouverture comme l’attente d’une « communion des personnes ».
Ici, on pourrait utiliser aussi le mot « communauté » s’il n’était pas générique et s’il n’avait pas tant de significations. « Communion » dit plus et d’une façon plus précise. Ce mot désigne en effet l’ « aide » qui, en un certain sens, découle du fait même d’exister comme personne « à côté » d’une autre personne. Dans le récit biblique, ce fait devient par lui-même existence de la personne « pour » la personne, étant donné que dans sa solitude originelle l’homme était déjà d’une certaine manière dans cette relation. Cela est confirmé, dans un sens négatif, précisément par sa solitude. En outre, la communion des personnes ne pouvait se réaliser que sur la base d’une « double solitude » de l’homme et de la femme, ou bien comme une rencontre dans leur « distinction » d’avec le monde des êtres vivants (« animalia »), qui donnait à l’un et à l’autre la possibilité d’être et d’exister dans une réciprocité particulière. La notion d’ « aide » exprime aussi cette réciprocité dans l’existence, qu’aucun autre être vivant n’aurait pu assurer. Pour cette réciprocité était indispensable tout ce qui fondait constitutivement la solitude de chacun d’eux, et donc également l’ « autoconnaissance » et l’autodétermination, ou bien la subjectivité et la conscience de ce que signifie son propre corps.
3. Le récit de la création de l’homme, au chapitre I, affirme dès le début et directement que l’homme a été créé à l’image de Dieu en tant qu’homme et femme. Le récit du chapitre II, lui, ne parle pas de l’ « image de Dieu », mais il révèle, selon le mode qui lui est propre, que la création complète et définitive de l’ « homme » (qui passe d’abord par l’expérience de la solitude originelle) s’exprime en donnant vie à cette « communion de personnes » que constituent l’homme et la femme. Le récit yahviste s’accorde ainsi avec le contenu du premier récit. Et si nous voulons trouver aussi dans le récit yahviste la notion d’ « image de Dieu », nous pouvons alors déduire que l’homme est devenu « image et ressemblance » de Dieu non seulement à travers sa propre humanité mais aussi à travers la communion de personnes que l’homme et la femme constituent dès le début. Le rôle de l’image est de refléter celui qui en est le modèle, de reproduire le prototype. L’homme devient image de Dieu au moment de la communion plus qu’au moment de la solitude. « Dès le début », en effet, il est non seulement une image dans laquelle se reflète la solitude d’une Personne qui gouverne le monde, mais aussi, et essentiellement, l’image d’une mystérieuse communion divine de personnes.
C’est ainsi que le deuxième récit pourrait aussi préparer à comprendre la notion trinitaire d’ « image de Dieu », même si celle-ci n’apparaît que dans le premier récit. Cela n’est manifestement pas sans signification également pour la théologie du corps. Peut-être est-ce même l’aspect théologique le plus profond de tout ce que l’on peut dire sur l’homme. Dans le mystère de la création — sur la base de la « solitude » originelle et constitutive de son être — l’homme a été doté d’une profonde unité entre ce qui en lui, humainement et par le corps, est masculin, et ce qui, tout aussi humainement et par le corps, est féminin. Sur tout cela, dès le début, est descendue la bénédiction de la fécondité, unie à la procréation humaine (cf. Gn 1, 28).
4. Nous sommes donc, pour ainsi dire, au cœur même de cette réalité anthropologique qu’est le « corps ». Genèse 2, 23 en parle directement et pour la première fois avec l’expression : « l’os de mes os et la chair de ma chair ». L’homme de sexe masculin prononce ces paroles comme si c’était seulement en voyant la femme qu’il pouvait identifier et appeler par son nom ce qui les rend semblables l’un à l’autre d’une façon visible, et en même temps ce en quoi se manifeste l’humanité. À la lumière de la précédente analyse de tous les « corps » avec lesquels l’homme est entré en contact et qu’il a définis d’une façon conceptuelle en leur donnant un nom (« animalia »), l’expression « chair de ma chair » prend précisément ce sens : le corps révèle l’homme. Cette formule concise contient déjà tout ce que pourra jamais dire la science humaine sur la structure du corps en tant qu’organisme, sur sa vitalité, sur sa physiologie sexuelle particulière, etc. Dans cette première expression de l’homme de sexe masculin, a chair de ma chair » il y a aussi une référence à ce par quoi ce corps est authentiquement humain, et donc à ce qui détermine l’homme en tant que personne, c’est-à-dire en tant qu’être « semblable » à Dieu, également dans toute sa « corporéité » [2].
5. Nous nous trouvons donc pour ainsi dire au cœur même de cette réalité anthropologique qui s’appelle le « corps », le corps humain. Cependant, comme il est facile de le remarquer, ce « cœur » est non seulement anthropologique mais aussi, essentiellement, théologique. La théologie du corps, qui dès le début est liée à la création de l’homme à l’image de Dieu, devient d’une certaine manière également théologie du sexe, ou plutôt théologie de la masculinité et de la féminité, laquelle a son point de départ ici dans le livre de la Genèse. Le sens originel de l’unité, dont témoigne le texte de Genèse 2, 24 trouvera de vastes perspectives dans la révélation de Dieu. Cette unité réalisée par le corps (« ils deviennent une seule chair ») a une dimension multiforme : une dimension morale, comme cela est confirmé par la réponse du Christ aux Pharisiens dans Matthieu 19 (Mc 10), et aussi une dimension sacramentelle strictement théologique comme on le voit dans les paroles de saint Paul aux Ephésiens [3], qui se réfèrent aussi à la tradition des prophètes (Osée, Isaïe, Ezéchiel). Et il en est ainsi parce que cette unité qui se réalise à travers le corps renvoie, dès le début, non seulement au « corps », mais aussi à la communion « incarnée » des personnes — « communio personarum » — et requiert cette communion dès le début. La masculinité et la féminité expriment le double aspect de la constitution somatique de l’homme (« voici cette fois l’os de mes os et la chair de ma chair »). En outre, elles indiquent, par ces mêmes paroles de Genèse 2, 23, la nouvelle conscience du sens de son propre corps ; sens qui, peut-on dire consiste en un enrichissement réciproque. Cette conscience, à travers laquelle l’humanité se constitue de nouveau en communion de personnes, semble constituer un niveau qui, dans le récit de la création de l’homme (et dans la révélation du corps qu’il renferme), est plus profond que sa structure somatique masculine et féminine. En tout cas cette structure est présentée dès le début avec une profonde conscience de la « corporéité » et de la sexualité humaine, et cela établit une règle inaliénable pour la compréhension de l’homme sur le plan théologique.

Jean Paul II – Le pouvoir royal du Messie – Lecture: Ps 71, 1-3.7.10-11

1 septembre, 2015

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JEAN-PAUL II

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 1er décembre 2004

Le pouvoir royal du Messie – Lecture: Ps 71, 1-3.7.10-11

1. La Liturgie des Vêpres, dont nous commentons progressivement les textes tirés des Psaumes et les cantiques, propose en deux étapes l’un des Psaumes les plus chers à la tradition juive et chrétienne, le Psaume 71, un chant royal que les Pères de l’Eglise ont médité et réinterprété dans une optique messianique.
Nous venons à présent d’écouter le premier grand mouvement de cette prière solennelle (cf. vv. 1-11). Il s’ouvre par une intense invocation chorale à Dieu, afin qu’il accorde au souverain le don qui est fondamental pour le bon gouvernement, la justice. Celle-ci est en particulier rendue aux pauvres qui, en revanche, sont généralement les victimes du pouvoir.
On remarquera l’insistance particulière avec laquelle le Psalmiste place l’accent sur l’engagement moral de diriger le peuple selon la justice et le droit: « O Dieu, donne au roi ton jugement, au fils de roi ta justice, qu’il rende à ton peuple sentence juste et jugement à tes petits. Il jugera le petit peuple » (vv. 1-2.4).
De même que le Seigneur dirige le monde selon la justice (cf. Ps 35, 7), le roi qui est son représentant visible sur la terre – selon l’antique conception biblique – doit se conformer à l’action de son Dieu.
2. Si l’on viole les droits des pauvres, on n’accomplit pas seulement un acte politique incorrect et moralement injuste. Pour la Bible, on commet également un acte contre Dieu, un délit religieux, car le Seigneur est le protecteur et le défenseur des pauvres et des opprimés, des veuves et des orphelins (cf. Ps 67, 6), c’est-à-dire de tous ceux qui n’ont pas de protecteurs humains.
Il est facile de comprendre comment la tradition a remplacé la figure souvent décevante du roi David – déjà à partir de l’effondrement de la monarchie de Juda (VI siècle av. J.C.) – par la figure lumineuse et glorieuse du Messie, dans le sillage de l’espérance prophétique exprimée par Isaïe: « Il jugera les faibles avec justice, il rendra une sentence équitable pour les humbles du pays » (11, 4). Ou, selon l’annonce de Jérémie, « Voici venir des jours – oracle de Yahvé – où je susciterai à David un germe juste; un roi régnera et sera intelligent, exerçant dans le pays droit et justice » (23, 5).
3. Après cette imploration vive et passionnée du don de la justice, le Psaume élargit son horizon et contemple le royaume messianique-royal dans son déploiement le long des deux coordonnées, celles du temps et celle de l’espace. D’un côté, en effet, l’on exalte sa durée dans l’histoire (cf Ps 71, 5.7). Les images de type cosmique sont très évocatrices: on trouve l’écoulement des jours rythmé par le soleil et par la lune, mais également celui des saisons avec la pluie et la floraison.
Un royaume qui est donc fécond et serein, mais toujours placé à l’enseigne des valeurs qui sont capitales: la justice et la paix (cf. v. 7). Tels sont les signes de l’entrée du Messie dans notre histoire. Dans cette perspective, le commentaire des Pères de l’Eglise, qui voient dans ce roi-Messie le visage du Christ, roi éternel et universel, nous éclaire.
4. Ainsi, saint Cyrille d’Alexandrie, dans son Explanatio in Psalmos, observe que le jugement, que Dieu donne au roi, est celui dont parle saint Paul, « le dessein [...] de ramener toutes choses sous un seul Chef, le Christ » (cf. Ep 1, 10). En effet, « lorsque viendront ses jours, fleurira la justice et abondera la paix », comme pour dire que « lorsque viendront les jours du Christ, grâce à la foi surgira pour nous la justice, et alors que nous nous tournons vers Dieu surgira pour nous l’abondance de la paix ». Du reste, c’est précisément nous qui sommes les « pauvres » et les « fils des pauvres » que ce roi secourt et sauve: et si, tout d’abord, « il appelle « pauvres » les saints apôtres, car ils étaient pauvres en esprit, c’est ensuite nous qu’il a sauvés en tant que « fils des pauvres », en nous justifiant et en nous sanctifiant dans la foi au moyen de l’Esprit » (PG LXIX, 1180).
5. D’autre part, le Psalmiste décrit également le cadre géographique dans lequel se situe la royauté de justice et de paix du roi-Messie (cf. Ps 71, 8-11). C’est ici qu’entre en scène une dimension universaliste, qui va de la Mer Rouge ou de la Mer Morte jusqu’à la Méditerranée, de l’Euphrate, le grand « fleuve » oriental, jusqu’aux frontières extrêmes de la terre (cf. v. 8), évoquées également en citant Tarsis et les îles, les territoires occidentaux les plus reculés selon l’ancienne géographie biblique (cf. v. 10). Il s’agit d’un regard qui s’étend sur toute la carte du monde alors connu, qui comprend les Arabes et les nomades, souverains d’Etats éloignés, et même les ennemis, dans une étreinte universelle souvent chantée par les Psaumes (cf. Ps 46, 10; 86, 1-7) et par les prophètes (cf; Is 2, 1-5); 60, 1-22; Ml 1, 11).
Le sceau idéal de cette vision pourrait alors précisément être formulé par les paroles d’un prophète, Zaccharie, des paroles que les Evangiles appliqueront au Christ: « Exulte avec force, fille de Sion! Crie de joie, fille de Jérusalem! Voici que ton roi vient à toi, il est juste… Il retranchera d’Ephraïm la charrerie et de Jérusalem les chevaux; l’arc de guerre sera retranché. Il annoncera la paix aux nations. Son empire ira de la mer et du fleuve aux extrémités de la terre » (Zc 9, 9-10; cf. Mt 21, 5)

JEAN PAUL II – Ps 148, 1-6, GLORIFICATION DE DIEU, SEIGNEUR ET CRÉATEUR

25 août, 2015

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JEAN PAUL II – GLORIFICATION DE DIEU, SEIGNEUR ET CRÉATEUR

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 17 juillet 2002

GLORIFICATION DE DIEU, SEIGNEUR ET CRÉATEUR

Lecture: Ps 148, 1-6

1. Le Psaume 148 qui vient de s’élever vers Dieu constitue un véritable « cantique des créatures », une sorte de Te Deum de l’Ancien Testament, un alleluia cosmique qui entraîne tout et tous dans la louange divine.
Un exégète contemporain le commente ainsi: « Le psalmiste, en les appelant par leur nom, place les êtres dans l’ordre: dans le ciel, deux astres selon le moment, et les étoiles à part; d’un côté, les arbres fruitiers, de l’autre, les cèdres; sur un plan, les reptiles, et sur un autre, les oiseaux; ici, les princes et là, les peuples; sur deux rangs, se donnant peut-être la main, de jeunes garçons et de jeunes filles… Dieu les a établis en leur donnant une place et une fonction; l’homme les accueille, en leur donnant une place dans son langage, et ainsi disposés, il les conduit à la célébration liturgique. L’homme est le « pasteur de l’être » ou le liturgiste de la création » (L. Alonso Schökel, Trente psaumes: poésie et prière, Bologne 1982, p. 499).
Nous suivons nous aussi ce choeur universel, qui retentit dans l’abside du ciel et qui a pour temple le cosmos tout entier. Laissons-nous conquérir par le souffle de la louange que toutes les créatures élèvent à leur Créateur.
2. Dans le ciel, nous trouvons les poètes de l’univers stellaire: les astres les plus lointains, les groupes d’anges, le soleil et la lune, les étoiles brillantes, les « cieux des cieux » (cf. v. 4), c’est-à-dire l’espace interstellaire, les eaux supérieures que l’homme de la Bible imagine conservées dans des réservoirs avant de se déverser sous forme de pluie.
L’alleluia, c’est-à-dire l’invitation à « louer le Seigneur », retentit au moins huit fois et a pour objectif final l’ordre et l’harmonie des êtres célestes: « Il les posa [...] sous une loi qui jamais ne passera » (v. 6).
Le regard se tourne ensuite vers l’horizon terrestre où se déroule une procession de poètes, au moins vingt-deux, c’est-à-dire une sorte d’alphabet de louange, disséminé sur notre planète. Voilà les monstres marins et les abîmes, symboles du chaos aquatique sur lequel la terre est fondée (cf. Ps 23, 2), selon la conception cosmologique des anciens sémites.
Le Père de l’Eglise, saint Basile, observait: « Même les abîmes ne furent pas jugés méprisables par le Psalmiste, qui les a accueillis dans le choeur général de la création; au contraire, avec un langage qui leur est propre, ils complètent eux aussi harmonieusement l’hymne au Créateur » (Homiliae in hexameron, III. 9: PG 29, 75).
3. La procession se poursuit avec les créatures de l’atmosphère: le feu des éclairs, la grêle, la neige, le brouillard et le vent d’ouragan, considéré comme un messager rapide de Dieu (cf. Ps 148, 8).
Arrivent ensuite les montagnes et les collines, considérées par la tradition populaire comme les créatures les plus antiques de la terre (cf. v. 9a). Le règne végétal est représenté par les arbres fruitiers et les cèdres (cf. v. 9b). Le monde animal est en revanche représenté par les fauves, le bétail, les reptiles et les oiseaux (cf. v. 10).
Voilà enfin l’homme qui préside la liturgie de la création. Il est présenté à tous les âges et sous toutes ses formes: enfants, jeunes et personnes âgées, rois et populations (cf. vv 11-12).
4. Nous confions à présent à saint Jean Chrysostome la tâche de jeter un regard d’ensemble sur cet immense choeur. Il le fait à travers des paroles qui renvoient également au Cantique des trois jeunes gens dans la fournaise ardente, sur lequel nous avons médité lors de la dernière catéchèse. Cet éminent Père de l’Eglise et Patriarche de Constantinople affirmait: « En raison de leur grande rectitude d’âme, les saints, lorsqu’ils s’apprêtent à rendre grâce à Dieu, ont l’habitude d’appeler de nombreuses créatures à participer à leur louange, en les exhortant à entreprendre avec eux cette belle liturgie. C’est également ce que firent les trois jeunes gens dans la fournaise, lorsqu’ils appelèrent toute la création à rendre grâce pour les bienfaits reçus et à chanter des hymnes à Dieu (Dn, 3). C’est également ce que fait ce Psaume, en interpellant les deux parties du monde, celle qui se trouve en haut et celle qui se trouve en bas, la partie sensible et la partie intelligible. Le prophète Isaïe fit également la même chose, lorsqu’il dit: « Cieux criez de joie, terre exulte, que les montagnes poussent des cris, car Yahvé a consolé son peuple » (Is 49, 13). Et le Psautier s’exprime de nouveau ainsi: « Lorsque Israël sortit d’Egypte, que la maison de Jacob sortit d’un peuple barbare, les montagnes sautillèrent comme des béliers et les collines commes les agneaux d’un troupeau » (Ps 113, 1.4). Et ailleurs, dans Isaïe: « Que les nuages déversent la justice » (Is 45, 8). En effet, les saints considérant qu’ils ne suffisaient pas à eux seuls pour louer le Seigneur, se tournent de tous les côtés en interpellant chacun pour participer à l’hymne commun » (Expositio in psalmum CXLVIII: PG55, 484-485).
5. Nous sommes invités nous aussi à nous associer à cet immense coeur, en devenant la voix explicite de chaque créature et en louant Dieu dans les deux dimensions fondamentales de son mystère. D’un côté, nous devons adorer sa grandeur transcendante, car « sublime est son nom, lui seul, sa majesté par dessus terre et ciel! », comme le dit notre Psaume (v. 13). De l’autre côté, nous reconnaissons sa bonté pleine de bienveillance, car Dieu est proche de ses créatures et il vient en particulier en aide à son peuple: « Il rehausse la vigueur de son peuple… le peuple de ses proches » (v. 14), comme l’affirme encore le Psalmiste.
Face au Créateur tout-puissant et miséricordieux, recueillons alors l’invitation de saint Augustin à le louer, à l’exalter, à le célébrer à travers ses oeuvres: « A la vue de ces créatures, tu es ravi, tu t’élèves jusqu’au Créateur, la vue des créatures visibles t’élève jusqu’aux créatures invisibles. Alors sa confession est sur la terre et aussi dans le Ciel… Si ses oeuvres sont belles, combien est plus grande la beauté du Créateur? » (Ennarationes sur les Psaumes, IV, Rome 1977, pp. 887-889).

JEAN-PAUL II, JOURNÉE MONDIALE DE LA PAIX, IL N’Y A PAS DE PAIX SANS JUSTICE IL N’Y A PAS DE JUSTICE SANS PARDON

24 août, 2015

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l MESSAGE DE SA SAINTETÉ LE PAPE JEAN-PAUL II POUR LA CÉLÉBRATION DE LA
JOURNÉE MONDIALE DE LA PAIX

1er janvie 2002 -

IL N’Y A PAS DE PAIX SANS JUSTICE IL N’Y A PAS DE JUSTICE SANS PARDON

1.Cette année, la Journée
mondiale de la Paix est célébrée sur l’arrière-plan des événements dramatiques du 11 septembre dernier. Ce jour-là fut perpétré un crime d’une extrême gravité: en l’espace de quelques minutes, des milliers de personnes innocentes, de différentes provenances ethniques, furent horriblement massacrées. Depuis lors, dans le monde entier l’humanité a pris conscience, avec une intensité nouvelle, de la vulnérabilité de chacun et elle a commencé à envisager l’avenir avec un sentiment jusqu’alors inconnu de peur profonde. Face à ce sentiment, l’Église désire témoigner de son espérance, fondée sur la conviction que le mal, le mysterium iniquitatis, n’a pas le dernier mot dans les vicissitudes humaines. L’histoire du salut, racontée dans la sainte Écriture, projette une lumière intense sur toute l’histoire du monde, montrant que celle-ci est toujours accompagnée par la sollicitude miséricordieuse et providentielle de Dieu, qui connaît les chemins permettant d’atteindre les cœurs les plus endurcis et de tirer de bons fruits même d’une terre aride et inféconde.
Telle est l’espérance qui soutient l’Église au début de l’an 2002: avec la grâce de Dieu, le monde, où le pouvoir du mal semble une fois encore l’emporter, sera réellement transformé en un monde où les aspirations les plus nobles du cœur humain pourront être satisfaites, un monde où prévaudra la vraie paix.

La paix, œuvre de justice et d’amour
2. Ce qui est récemment advenu, avec les sanglants épisodes rappelés ci-dessus, m’a poussé à reprendre une réflexion qui bien souvent jaillit du plus profond de mon cœur au souvenir d’événements historiques qui ont marqué ma vie, spécialement au cours de mes jeunes années.
Les souffrances indicibles des peuples et des individus, et parmi eux beaucoup de mes amis et de personnes que je connaissais, causées par les totalitarismes nazi et communiste, ont toujours suscité en moi des interrogations et ont stimulé ma prière. Bien des fois, je me suis attardé à réfléchir à la question: quel est le chemin qui conduit au plein rétablissement de l’ordre moral et social qui est violé de manière aussi barbare ? La conviction à laquelle je suis parvenu en réfléchissant et en me référant à la Révélation biblique est qu’on ne rétablit pleinement l’ordre brisé qu’en harmonisant entre eux la justice et le pardon. Les piliers de la véritable paix sont la justice et cette forme particulière de l’amour qu’est le pardon.
3. Mais comment, dans les circonstances actuelles, parler de justice et en même temps de pardon comme sources et conditions de la paix ? Ma réponse est celle-ci: on peut et on doit en parler, malgré les difficultés que comporte ce sujet, parce que, entre autres, on a tendance à penser à la justice et au pardon en termes antithétiques. Mais le pardon s’oppose à la rancune et à la vengeance, et non à la justice. La véritable paix est en réalité « œuvre de la justice » (Is 32, 17). Comme l’a affirmé le Concile Vatican II, la paix est « le fruit d’un ordre qui a été implanté dans la société humaine par son divin Fondateur, et qui doit être mené à la réalisation par des hommes aspirant sans cesse à une justice plus parfaite » (Constitution pastorale Gaudium et spes, n. 78). Depuis plus de quinze siècles, dans l’Église catholique retentit l’enseignement d’Augustin d’Hippone, qui nous a rappelé que la paix qu’il faut viser avec la coopération de tous consiste dans la tranquillitas ordinis, dans la tranquillité de l’ordre (cf. De civitate Dei, 19, 13).
La vraie paix est donc le fruit de la justice, vertu morale et garantie légale qui veille sur le plein respect des droits et des devoirs, et sur la répartition équitable des profits et des charges. Mais parce que la justice humaine est toujours fragile et imparfaite, exposée qu’elle est aux limites et aux égoïsmes des personnes et des groupes, elle doit s’exercer et, en un sens, être complétée par le pardon qui guérit les blessures et qui rétablit en profondeur les rapports humains perturbés. Cela vaut aussi bien pour les tensions qui concernent les individus que pour celles qui ont une portée plus générale et même internationale. Le pardon ne s’oppose d’aucune manière à la justice, car il ne consiste pas à surseoir aux exigences légitimes de réparation de l’ordre lésé. Le pardon vise plutôt cette plénitude de justice qui mène à la tranquillité de l’ordre, celle-ci étant bien plus qu’une cessation fragile et temporaire des hostilités: c’est la guérison en profondeur des blessures qui ensanglantent les esprits. Pour cette guérison, la justice et le pardon sont tous les deux essentiels.
Telles sont les deux dimensions de la paix que je désire approfondir dans ce message. La Journée mondiale offre cette année à toute l’humanité, mais tout particulièrement aux Chefs des Nations, l’occasion de réfléchir aux exigences de la justice et à l’appel au pardon face aux graves problèmes qui continuent d’affliger le monde, aux premiers rangs desquels il y a le nouveau degré de violence introduit par le terrorisme organisé.

Le phénomène du terrorisme
4. C’est précisément la paix fondée sur la justice et sur le pardon qui est attaquée aujourd’hui par le terrorisme international. Ces dernières années, spécialement après la fin de la guerre froide, le terrorisme s’est transformé en un réseau sophistiqué de connivences politiques, techniques et économiques qui dépasse les frontières nationales et s’élargit jusqu’à englober le monde entier. Il s’agit de véritables organisations dotées bien souvent d’immenses ressources financières, qui élaborent des stratégies sur une vaste échelle, frappant des personnes innocentes qui n’ont rien à voir avec les visées poursuivies par les terroristes.
Utilisant leurs adeptes comme armes à lancer contre des personnes sans défense et ignorantes du danger, ces organisations terroristes manifestent d’une manière déconcertante l’instinct de mort qui les nourrit. Le terrorisme naît de la haine et il engendre l’isolement, la méfiance et le repli sur soi. La violence s’ajoute à la violence, en une spirale tragique qui entraîne même les nouvelles générations, celles-ci héritant ainsi de la haine qui a divisé les générations précédentes. Le terrorisme est fondé sur le mépris de la vie humaine. Voilà précisément pourquoi non seulement il est à l’origine de crimes intolérables, mais il constitue en lui-même, en tant que recours à la terreur comme stratégie politique et économique, un véritable crime contre l’humanité.
5. De ce fait, il existe un droit de se défendre contre le terrorisme. C’est un droit qui, comme tout autre droit, doit répondre à des règles morales et juridiques tant dans le choix des objectifs que dans celui des moyens. L’identification des coupables doit être dûment prouvée, car la responsabilité pénale est toujours personnelle et on ne peut donc l’étendre aux nations, aux ethnies, aux religions, auxquelles appartiennent les terroristes. La collaboration internationale dans la lutte contre l’activité terroriste doit comporter aussi un engagement particulier sur les plans politique, diplomatique et économique pour résoudre avec courage et détermination les éventuelles situations d’oppression et de marginalisation qui seraient à l’origine des desseins terroristes. Le recrutement des terroristes est en effet plus facile dans les contextes sociaux où les droits sont foulés au pied et où les injustices sont trop longtemps tolérées.
Il faut toutefois affirmer clairement que l’on ne peut jamais prendre prétexte des injustices qui existent dans le monde pour justifier les attentats terroristes. De plus, on doit noter que, parmi les victimes de l’écroulement radical de l’ordre que cherchent les terroristes, il faut compter en premier lieu les millions d’hommes et de femmes moins équipés pour résister à l’affaissement de la solidarité internationale. Je fais allusion ici d’une manière spécifique aux peuples du monde en voie de développement, qui vivent déjà avec une marge étroite de survie et qui seraient les plus douloureusement atteints par le chaos économique et politique généralisé. La prétention qu’a le terrorisme d’agir au nom des pauvres est une flagrante imposture.

On ne tue pas au nom de Dieu !
6. Celui qui tue par des actes terroristes nourrit des sentiments de mépris envers l’humanité, faisant preuve de désespérance face à la vie et à l’avenir: dans cette perspective, tout peut être haï et détruit. Le terroriste pense que la vérité à laquelle il croit ou la souffrance endurée sont tellement absolues qu’il lui est légitime de réagir en détruisant même des vies humaines innocentes. Le terrorisme est parfois engendré par un fondamentalisme fanatique, qui naît de la conviction de pouvoir imposer à tous d’accepter sa propre conception de la vérité. Au contraire, même à supposer que l’on ait atteint la vérité — et c’est toujours d’une manière limitée et perfectible —, on ne peut jamais l’imposer. Le respect de la conscience d’autrui, dans laquelle se reflète l’image même de Dieu (cf. Gn 1, 26-27), permet seulement de proposer la vérité aux autres, auxquels appartient ensuite la responsabilité de l’accueillir. Prétendre imposer à d’autres par la violence ce que l’on considère comme la vérité signifie violer la dignité de l’être humain et, en définitive, outrager Dieu dont il est l’image. C’est pourquoi le fanatisme fondamentaliste est une attitude radicalement contraire à la foi en Dieu. À y regarder de près, le terrorisme exploite non seulement l’homme, mais Dieu lui-même, dont il finit par faire une idole qu’il utilise à ses propres fins.
7. Aucun responsable religieux ne peut donc user d’indulgence à l’égard du terrorisme et moins encore le préconiser. C’est une profanation de la religion que de se proclamer terroriste au nom de Dieu, d’user de violence sur les hommes au nom de Dieu. La violence terroriste est contraire à la foi en Dieu Créateur de l’homme, en Dieu qui prend soin de l’homme et qui l’aime. En particulier, elle est totalement contraire à la foi dans le Christ Seigneur, qui a montré à ses disciples comment prier: « Remets-nous nos dettes, comme nous les avons remises nous-mêmes à ceux qui nous devaient » (Mt 6, 12).
Suivant l’enseignement et l’exemple de Jésus, les chrétiens sont convaincus que faire preuve de miséricorde signifie vivre pleinement la vérité de notre vie: nous pouvons et nous devons être miséricordieux parce que nous avons bénéficié de la miséricorde d’un Dieu qui est Amour miséricordieux (cf. 1 Jn 4, 7-12). Le Dieu qui nous rachète par son entrée dans l’histoire et qui, à travers le drame du Vendredi saint, prépare la victoire du jour de Pâques est un Dieu de miséricorde et de pardon (cf. Ps 103 [102], 3-4. 10-13). Devant ceux qui le critiquaient parce qu’il mangeait avec les pécheurs, Jésus s’est exprimé ainsi: « Allez apprendre ce que veut dire cette parole: C’est la miséricorde que je désire, et non les sacrifices. Car je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs » (Mt 9, 13). Les disciples du Christ, baptisés dans sa mort et dans sa résurrection, doivent toujours être des hommes et des femmes de miséricorde et de pardon.

La nécessité du pardon
8. Mais que signifie concrètement pardonner? Et pourquoi pardonner? Quand on parle du pardon, on ne peut éluder ces interrogations. Reprenant une réflexion que j’ai déjà eu l’occasion d’exposer pour la Journée mondiale de la Paix de 1997 (« Offre le pardon, reçois la paix »), je voudrais rappeler que le pardon réside dans le cœur de chacun avant d’être un fait social. C’est seulement dans la mesure où l’on proclame une éthique et une culture du pardon que l’on peut aussi espérer en une « politique du pardon », qui s’exprime dans des comportements sociaux et des institutions juridiques dans lesquels la justice elle-même puisse prendre un visage plus humain.
En réalité, le pardon est avant tout un choix personnel, une option du cœur qui va contre l’instinct spontané de rendre le mal pour le mal. Cette option trouve son élément de comparaison dans l’amour de Dieu, qui nous accueille malgré nos péchés, et son modèle suprême est le pardon du Christ qui a prié ainsi sur la Croix: « Père, pardonne-leur: ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23, 34).
Le pardon a donc une racine et une mesure divines. Mais cela n’exclut pas que l’on puisse aussi en saisir la valeur à la lumière de considérations fondées sur le bon sens humain. La première de ces considérations concerne l’expérience vécue intérieurement par tout être humain quand il commet le mal. Il se rend compte alors de sa fragilité et il désire que les autres soient indulgents avec lui. Pourquoi donc ne pas agir envers les autres comme chacun voudrait que l’on agisse envers lui-même? Tout être humain nourrit en lui-même l’espérance de pouvoir recommencer une période de sa vie, et de ne pas demeurer à jamais prisonnier de ses erreurs et de ses fautes. Il rêve de pouvoir à nouveau lever les yeux vers l’avenir, pour découvrir qu’il a encore la possibilité de faire confiance et de s’engager.
9. En tant qu’acte humain, le pardon est avant tout une initiative du sujet singulier dans ses relations avec ses semblables. Toutefois, la personne a une dimension sociale essentielle qui fait qu’elle tisse un réseau de relations où elle exprime ce qu’elle est: non seulement dans le bien, mais aussi malheureusement dans le mal. De ce fait, le pardon devient nécessaire également au niveau social. Les familles, les groupes, les États, la Communauté internationale elle-même, ont besoin de s’ouvrir au pardon pour renouer les liens rompus, pour dépasser les situations stériles de condamnations réciproques, pour vaincre la tentation d’exclure les autres en leur refusant toute possibilité d’appel. La capacité de pardonner est à la base de tout projet d’une société à venir plus juste et plus solidaire.
Le refus du pardon, au contraire, surtout s’il entretient la poursuite de conflits, a des répercussions incalculables pour le développement des peuples. Les ressources sont consacrées à soutenir la course aux armements, les dépenses de guerre, ou à faire face aux conséquences des rétorsions économiques. C’est ainsi que font défaut les disponibilités financières nécessaires au développement, à la paix, à la justice. De quelles souffrances l’humanité n’est-elle pas affligée parce qu’elle ne sait pas se réconcilier, quels retards ne subit-elle pas parce qu’elle ne sait pas pardonner! La paix est la condition du développement, mais une paix véritable n’est possible qu’à travers le pardon.

Le pardon, voie royale
10. La proposition du pardon n’est pas une chose que l’on admet comme une évidence ou que l’on accepte facilement; par certains aspects, c’est un message paradoxal. En effet, le pardon comporte toujours, à court terme, une perte apparente, tandis qu’à long terme, il assure un gain réel. La violence est exactement le contraire: elle opte pour un gain à brève échéance, mais se prépare pour l’avenir lointain une perte réelle et permanente. Le pardon pourrait sembler une faiblesse; en réalité, aussi bien pour l’accorder que pour le recevoir, il faut une grande force spirituelle et un courage moral à toute épreuve. Loin de diminuer la personne, le pardon l’amène à une humanité plus profonde et plus riche, il la rend capable de refléter en elle un rayon de la splendeur du Créateur.
Le ministère que j’accomplis au service de l’Évangile me fait vivement sentir le devoir d’insister, en même temps qu’il m’en donne la force, sur la nécessité du pardon. Je le fais aujourd’hui encore, soutenu par l’espérance de pouvoir susciter des réflexions sereines et longuement mûries en faveur d’un renouveau général dans le cœur des personnes et dans les relations entre les peuples de la terre.
11. En méditant sur le thème du pardon, on ne peut pas ne pas évoquer quelques situations tragiques de conflits qui, depuis trop longtemps, entretiennent des haines profondes et destructrices, avec la spirale sans fin de tragédies personnelles et collectives qui s’ensuit. Je pense en particulier à ce qui se passe en Terre sainte, lieu béni et sacré de la rencontre de Dieu avec les hommes, lieu de la vie, de la mort et de la résurrection de Jésus, Prince de la Paix.
La délicate situation internationale invite à souligner une fois encore avec force combien il est urgent d’apporter une solution au conflit arabo-israélien, qui dure depuis plus de cinquante ans, avec des alternances de phases plus ou moins aiguës. Le recours continuel à des actes de terrorisme ou de guerre, qui aggravent la situation pour tous et qui assombrissent les perspectives, doit enfin céder le pas à une négociation qui résolve les problèmes. Les droits et les exigences de chacun ne pourront être dûment pris en compte et pondérées de manière équitable que dans la mesure où prévaudra chez tous la volonté de justice et de réconciliation. Une fois de plus, j’adresse à ces peuples bien-aimés l’invitation pressante à s’engager dans une nouvelle ère de respect mutuel et d’accord constructif.

Compréhension et coopération interreligieuses
12. Dans cette grande entreprise, les responsables religieux ont une responsabilité spécifique. Les confessions chrétiennes et les grandes religions de l’humanité doivent collaborer entre elles pour éliminer les causes sociales et culturelles du terrorisme, en enseignant la grandeur et la dignité de la personne, et en favorisant une conscience plus grande de l’unité du genre humain. Il s’agit là d’un domaine précis de dialogue et de collaboration œcuméniques et interreligieux, pour que les religions se mettent d’urgence au service de la paix entre les peuples.
Je suis en particulier convaincu que les responsables religieux juifs, chrétiens et musulmans doivent prendre l’initiative par une condamnation publique du terrorisme, refusant à ceux qui s’y engagent toute forme de légitimation religieuse ou morale.
13. En donnant un témoignage commun à la vérité morale selon laquelle l’assassinat délibéré de l’innocent est toujours et partout, sans exception, un grave péché, les responsables religieux du monde favoriseront la formation d’une opinion publique moralement correcte. C’est là le présupposé nécessaire à l’édification d’une société internationale capable de rechercher la tranquillité de l’ordre dans la justice et dans la liberté.
Un tel engagement de la part des religions ne peut pas ne pas conduire à la voie du pardon, qui débouche sur la compréhension réciproque, sur le respect et la confiance. Le service que les religions peuvent rendre à la cause de la paix et contre le terrorisme consiste justement dans la pédagogie du pardon, car l’homme qui pardonne ou qui demande pardon comprend qu’il y a une Vérité plus grande que lui, et qu’en l’accueillant il peut se dépasser lui-même.

La prière pour la paix
14. C’est bien pour cela que la prière pour la paix n’est pas un élément qui « vient après » l’engagement en faveur de la paix. Au contraire, elle est au cœur de l’effort pour l’édification d’une paix dans l’ordre, la justice et la liberté. Prier pour la paix veut dire ouvrir le cœur humain à l’irruption de la puissance rénovatrice de Dieu. Par la force vivifiante de sa grâce, Dieu peut créer des ouvertures vers la paix là où il semble qu’il n’y ait qu’obstacles et repli sur soi; il peut consolider et élargir la solidarité entre les membres de la famille humaine, malgré les longs épisodes de divisions et de luttes. Prier pour la paix signifie prier pour la justice, pour un ordonnancement approprié à l’intérieur des nations et dans leurs relations mutuelles. Cela veut dire aussi prier pour la liberté, spécialement pour la liberté religieuse, qui est un droit humain et civil fondamental pour tout individu. Prier pour la paix signifie prier pour obtenir le pardon de Dieu et en même temps pour croître dans le courage nécessaire pour être capable à son tour de pardonner les offenses subies. Pour toutes ces raisons, j’ai invité les représentants des religions du monde à venir à Assise, la ville de saint François, le 24 janvier prochain, afin de prier pour la paix. Nous voulons montrer de cette façon que le sentiment religieux authentique est une source inépuisable de respect mutuel et d’harmonie entre les peuples: bien plus, en lui réside le principal antidote contre la violence et les conflits. En ce temps de grave préoccupation, la famille humaine a besoin de s’entendre rappeler les motifs certains de notre espérance. C’est bien pourquoi nous entendons proclamer à Assise, en priant le Dieu tout-puissant — selon l’expression suggestive attribuée à saint François lui-même — de faire de nous un instrument de sa paix.
15. Il n’y a pas de paix sans justice, il n’y a pas de justice sans pardon: voilà ce que je veux annoncer dans ce Message aux croyants et aux non-croyants, aux hommes et aux femmes de bonne volonté, qui ont à cœur le bien de la famille humaine et son avenir.
Il n’y a pas de paix sans justice, il n’y a pas de justice sans pardon: voilà ce que je veux rappeler à ceux qui ont entre leurs mains le sort des communautés humaines, afin qu’ils se laissent toujours guider, dans les choix graves et difficiles qu’ils doivent faire, par la lumière du bien véritable de l’homme, dans la perspective du bien commun.
Il n’y a pas de paix sans justice, il n’y a pas de justice sans pardon: je ne me lasserai pas de répéter cet avertissement à ceux qui, pour un motif ou un autre, nourrissent en eux la haine, des désirs de vengeance, des instincts destructeurs.
En cette Journée de la Paix, que s’élève du cœur de tout croyant une prière plus intense pour toutes les victimes du terrorisme, pour leurs familles tragiquement frappées, et pour tous les peuples qui continuent à être meurtris et bouleversés par le terrorisme et la guerre! Que ne soient pas exclus du rayon de lumière de notre prière ceux-là mêmes qui offensent gravement Dieu et l’homme par ces actes impitoyables: qu’il leur soit accordé de rentrer en eux-mêmes et de se rendre compte du mal qu’ils accomplissent; qu’ils soient ainsi poussés à renoncer à toute volonté de violence et à demander pardon! En ces temps tumultueux, que la famille humaine puisse trouver la paix véritable et durable, cette paix qui peut naître seulement de la rencontre entre la justice et la miséricorde!

Du Vatican, le 8 décembre 2001

JEAN PAUL II

JEAN-PAUL II, VISITE PASTORALE À CASCIA ET À NURSIE – 1980 – HOMÉLIE

9 juillet, 2015

https://w2.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/homilies/1980/documents/hf_jp-ii_hom_19800323_norcia.html

VISITE PASTORALE À CASCIA ET À NURSIE (ITALIE) – 1980

HOMÉLIE DU PAPE JEAN-PAUL II

Nursie (Italie)

Dimanche 23 mars 1980

1. Gloire à toi, Christ, Verbe de Dieu.

Gloire à toi chaque jour dans cette période bienheureuse qu’est le Carême. Gloire à toi, aujourd’hui, jour du Seigneur et cinquième dimanche après le Carême.
Gloire à toi, Verbe de Dieu, qui t’es fait chair, qui t’es manifesté par ta vie et qui as accompli ta mission sur terre par ta mort et ta résurrection.
Gloire à toi, Verbe de Dieu, qui pénètres au plus intime des cœurs humains et qui leur montres la route du salut.
Gloire à toi dans chaque lieu de la terre.
Gloire à toi dans cette péninsule comprise entre les sommets des Alpes et la Méditerranée. Gloire à toi dans tous les lieux de cette région bienheureuse ; gloire à toi dans chaque ville et dans chaque village où déjà, depuis presque deux mille ans, les habitants t’écoutent et cheminent dans ta lumière.
Gloire à toi, Verbe de Dieu, Verbe du Carême qui est le temps de notre salut, de la miséricorde et de la pénitence.
Gloire à toi pour un fils illustre de cette terre.
Gloire à toi, Verbe de Dieu, qu’ici, dans cette localité appelée Nursie, un fils de cette terre — connu de toute l’Église et du monde entier sous le nom de Benoît — a écouté pour la première fois et accueilli comme lumière de sa vie et également de celle de ses frères et sœurs.
Verbe de Dieu qui ne passera jamais, voici que sont maintenant passés mille cinq cents ans depuis la naissance de Benoît, ton confesseur et moine, fondateur d’ordre, patriarche de l’Occident, patron de l’Europe.
Gloire à toi, Verbe de Dieu.

2. Vous me permettrez, chers frères et sœurs d’insérer ces expressions de vénération et d’action de grâces dans les paroles de la liturgie d’aujourd’hui, liturgie du Carême. La vénération et l‘action de grâces sont la raison de notre présence ici aujourd’hui, celle de mon pèlerinage avec vous, dans ce lieu de la naissance de saint Benoît, pour la célébration du mille cinq centième anniversaire de sa naissance.
Nous savons que l’homme vient au monde grâce à ses parents. Nous confessons que venu dans le monde par l’intermédiaire de parents terrestres qui sont le père et la mère il renaît à la grâce du baptême en s’immergeant dans l’amour du Christ crucifié, pour recevoir la participation à cette vie que le Christ lui-même a révélée par sa résurrection. Par la grâce reçue dans le baptême, l’homme participe à la naissance éternelle du fils par le père puisqu’il devient fils adoptif de Dieu : fils dans le Fils.
On ne peut pas ne pas rappeler cette vérité humaine et chrétienne au sujet de la naissance de l’homme aujourd’hui, à Nursie, sur le lieu de la naissance de saint Benoît. En même temps on peut et on doit dire qu’avec lui, naissait, dans un certain sens, une nouvelle époque, une nouvelle Italie, une nouvelle Europe. L’homme vient toujours au monde dans des conditions historiques déterminées ; le Fils de Dieu aussi est devenu fils de l’homme à une certaine période du temps et c’est grâce à elle qu’il a donné naissance aux temps nouveaux qui sont venus après lui. De la même manière Benoît est né à une certaine époque historique à Nursie et c’est grâce à la foi dans le Christ qu’il a obtenu « la justice qui vient de Dieu » (Ph 3, 9), et qu’il a su inoculer cette justice dans les âmes de ses contemporains et de ses descendants.
3. L’année où, selon la tradition, Benoît vint au monde l’année 480, suit de très près une date fatidique ou plutôt fatale pour Rome : je fais allusion à l’année 476 où, avec l’envoi à Constantinople des insignes impériaux, l’empire romain d’Occident, après une longue période de décadence, connaît sa fin officielle. En cette année s’écroulait une certaine structure politique, c’est-à-dire un système qui avait fini par conditionner, durant près d’un millénaire, le cheminement et le développement de la civilisation humaine dans l’espace du bassin méditerranéen tout entier.
Le Christ lui-même est venu dans le monde selon les coordonnées — temps, lieu, milieu, conditions politiques, etc. — créées par ce même système. La chrétienté aussi, dans l’histoire glorieuse et douloureuse de « la première Église », que ce soit à l’époque des persécutions ou à celle de liberté qui a suivi, s’est développée dans le cadre de l’ « ordo romanus », même si elle s’est développée dans un certain sens « malgré » cet « ordo », en ce qu’elle avait sa propre dynamique qui la rendait indépendante de cet ordre et qui permettait de vivre une vie « parallèle » à son développement historique.
Même le soi-disant édit de Constantin en 313 n’a pas fait dépendre l’Église de l’Empire : s’il lui a reconnu la juste liberté « ad extra » après les sanglantes répressions de l’âge antérieur, il ne lui a pas donné cette liberté « ad intra » qui lui était aussi nécessaire et, qui, en conformité avec la volonté de son fondateur, découle de manière indéfectible de l’impulsion de vie qui lui a été communiquée par l’Esprit. Même après cet événement important, qui marque la paix religieuse, l’empire romain a continué à se désagréger : pendant que le système impérial, en Orient, pouvait se renforcer, même par des transformations considérables, en Occident, il s’est affaibli progressivement pour différentes raisons internes et externes dont le choc des migrations des peuples et, dans une certaine mesure, il n’a plus eu la force de survivre.
4. C’est un fait que lorsque saint Benoît est venu au monde, ici à Nursie non seulement « le monde antique s’en allait vers sa fin » (Krasinki, Irydion), mais en réalité ce monde avait déjà été transformé : les « tempora christiana » avaient pris sa place. Rome qui, pendant un temps, avait été le témoin principal de sa puissance et la ville de sa plus grande splendeur était devenue la « Rome chrétienne ». Dans un certain sens, elle avait été vraiment la ville où s’était identifié l’Empire. La Rome des Césars était désormais dépassée. Elle était demeurée la Rome des apôtres. La Rome de Pierre et de Paul, la Rome des martyrs dont la mémoire était encore relativement fraîche et vive. Et à travers cette mémoire, la conscience de l’Église et le sens de la présence du Christ auquel tant d’hommes et de femmes n’avaient pas hésité à rendre leur témoignage par le sacrifice de leur vie, étaient vifs.
Voici donc que Benoît naît à Nursie et grandit dans ce climat particulier où la fin de la puissance terrestre parle à l’âme le langage des réalités ultimes, pendant qu’en même temps le Christ et l’Évangile parlent d’une autre aspiration, d’une autre dimension de la vie, d’une autre justice, d’un autre royaume.
Benoît de Nursie grandit dans ce climat. Il sait que la pleine vérité sur la signification de la vie humaine, saint Paul l’a exprimée quand il a écrit dans la lettre aux Philippiens : « Oubliant le chemin parcouru, je vais droit de l’avant, tendu de tout mon être, et je cours vers le but, en vue du prix que Dieu nous appelle à recevoir là-haut, dans le Christ Jésus. » (Ph 3, 13-14.)
Ces paroles ont été écrites par l’apôtre des nations, le pharisien converti, qui avait donné de cette manière le témoignage de sa conversion et de sa foi. Ces paroles révélées contiennent aussi la vérité qui retourne à l’Église et à ’humanité au cours de différentes étapes de l’histoire. Dans cette étape où le Christ a appelé Benoît de Nursie, ces paroles préfiguraient l’annonce d’une époque qui a été précisément l’époque de la grande aspiration « vers le haut » derrière le Christ crucifié et ressuscité, précisément comme l’écrit saint Paul : « Le connaître, lui, avec la puissance de sa résurrection et la communion à ses souffrances, lui devenir conforme dans l’amour, afin de parvenir si possible à ressusciter d’entre les morts. » (Ph 3, 10-11.)
Ainsi donc, au-delà de l’horizon de la mort qu’a subi tout le monde construit sur la puissance temporelle de Rome et de l’Empire, émerge cette nouvelle aspiration : l’aspiration « vers le haut », suscitée par le défi de la vie nouvelle, le défi porté à l’homme par le Christ en même temps que l’espérance de la résurrection future. Le monde terrestre — le monde des puissants et des défaites de l’homme — est devenu le monde visité par le Christ de Dieu, le monde soutenu par la croix dans la perspective du futur définitif de l’homme qui est l’éternité : le règne de Dieu.
5.b> Benoît a été pour sa génération, et encore davantage pour les générations qui ont suivi, l’apôtre de ce règne et de cette aspiration. Cependant, le message qu’il a proclamé par toute sa règle de vie semblait — et semble encore aujourd’hui — quotidien, commun et presque moins « héroïque » que celui que les apôtres et les martyrs ont laissé sur les ruines de la Rome antique.
En réalité, c’est le même message de vie éternelle, révélé à l’homme dans le Christ Jésus, même s’il est prononcé dans le langage des temps désormais différents. L’Église relit toujours le même Évangile — Verbe de Dieu qui ne passe pas — dans le contexte de la réalité humaine qui change. Benoît a su interpréter avec perspicacité et de manière certaine les signes des temps de l’époque, quand il a écrit sa règle dans laquelle l’union de la prière et du travail devenait pour ceux qui l’auraient acceptée le principe de l’aspiration à l’éternité.
« Ora et labora » était pour le grand fondateur du monachisme occidental la même vérité que celle que l’apôtre proclame dans la lecture d’aujourd’hui lorsqu’il affirme avoir accepté de tout perdre pour le Christ : « Je tiens tout désormais pour désavantageux au prix du gain suréminent qu’est la connaissance du Christ Jésus mon Seigneur. Pour lui, j’ai accepté de tout perdre, je regarde tout comme déchet, afin de gagner le Christ et d’être trouvé en lui. » (Ph 3, 8-9.)
En lisant les signes des temps Benoît a vu qu’il était nécessaire de réaliser le programme radical de la sainteté évangélique, exprimée par les paroles de saint Paul, dans une forme ordinaire, dans les dimensions de la vie quotidienne de tous les hommes. Il était nécessaire que l’héroïque devint normal, quotidien, et que le normal et le quotidien deviennent héroïques. De cette manière, père des moines, législateur de la vie monastique en Occident, il est devenu également indirectement le pionnier d’une nouvelle civilisation. Partout où le travail humain conditionnait le développement de la culture, de l’économie, de la vie sociale, il lui ajoutait le programme bénédictin de l’évangélisation qui unissait le travail à la prière et la prière au travail.
Il faut admirer la simplicité de ce programme et, en même temps, son universalité. On peut dire que ce programme a contribué à la christianisation des nouveaux peuples du continent européen et, en même temps, il s’est trouvé également à la base de leur histoire nationale, d’une histoire qui compte plus d’un millénaire.
De cette manière, saint Benoît est devenu le patron de l’Europe au cours des siècles : bien avant qu’il le soit proclamé par le Pape Paul VI.
6. Il est le patron de l’Europe en notre époque. Il l’est non seulement en considération de ses mérites particuliers envers ce continent, envers son histoire et sa civilisation. Il l’est aussi en considération de la nouvelle actualité de sa figure à l’égard de l’Europe contemporaine.
On peut détacher le travail de la prière et en faire l’unique dimension de l’existence humaine. L’époque d’aujourd’hui porte en elle cette tendance. Elle se différencie de celle de Benoît de Nursie parce qu’alors l’Occident regardait derrière lui en s’inspirant de la grande tradition de Rome et du monde antique. Aujourd’hui, l’Europe a derrière elle la terrible Seconde Guerre mondiale et les changements importants qui ont suivi sur la carte du globe et qui ont limité la domination de l’Occident sur d’autres continents. L’Europe, dans un certain sens, est retournée à l’intérieur de ses frontières.
Cependant, ce qui est derrière nous ne constitue pas l’objet principal de l’attention et de l’inquiétude des hommes et des peuples. Cet objet ne cesse d’être ce qui est devant nous.
Vers quoi chemine l’humanité entière liée par les multiples liens des problèmes et des dépendances réciproques qui s’étendent à tous les peuples et à tous les continents ?
Vers quoi chemine notre continent et en lui tous ses peuples et ses traditions qui décident de la vie et de l’histoire de tant de pays et de nations ?

Vers quoi chemine l’homme ?
La société et les hommes au cours de ces quinze siècles qui nous séparent de la naissance de saint Benoît de Nursie sont devenus les héritiers d’une grande civilisation, les héritiers de ses victoires mais aussi de ses défaites, de ses lumières mais aussi de ses obscurités.
On a l’impression d’une priorité de l’économie sur la morale, d’une priorité du temporel sur le spirituel.
D’une part, l’orientation presque exclusive vers la consommation des biens matériels enlève à la vie humaine son sens le plus profond. D’autre part, le travail est devenu, dans de nombreux cas, une contrainte aliénante pour l’homme, soumis aux collectifs, et il se détache, presque malgré lui, de la prière, enlevant à la vie humaine sa dimension transcendante.
Parmi les conséquences négatives d’un semblable barrage aux valeurs transcendantes, il y en a une qui est aujourd’hui préoccupante d’une manière particulière : elle consiste dans le climat toujours plus diffus des tensions sociales qui, si fréquemment, dégénèrent en épisodes absurdes de violence terroriste et atroce. L’opinion publique en est profondément secouée et troublée. Seul le recouvrement de la conscience de la dimension transcendante du destin humain peut concilier l’engagement pour la justice et le respect pour le caractère sacré de chaque vie humaine innocente. C’est pour cela que l’Église italienne se recueille aujourd’hui dans une prière particulière et pleine de tristesse.
On ne peut pas vivre pour l’avenir sans comprendre que le sens de la vie est plus grand que celui du temporel, que ce sens est au-dessus de ce temporel. Si la société et les hommes de notre continent ont perdu l’intérêt pour ce sens, ils doivent le retrouver. Peuvent-ils, dans ce but, revenir quinze siècles en arrière ? Au temps où naquit saint Benoît de Nursie ?
Non, ils ne le peuvent pas. Le sens de la vie, ils doivent le retrouver dans le contexte de notre temps Ce n’est pas possible autrement. Ils ne doivent pas et ils ne peuvent pas retourner au temps de Benoit, mais ils doivent retrouver le sens de l’existence humaine tel qu’il était vécu par Benoît. C’est seulement alors qu’ils vivront pour l’avenir. Ils travailleront pour l’avenir. Ils mourront dans la perspective de l’éternité.
Si mon prédécesseur Paul VI a appelé saint Benoît de Nursie le patron de l’Europe, c’est parce qu’il pouvait aider à ce sujet l’Église et les nations d’Europe. Je souhaite de tout cœur que ce pèlerinage d’aujourd’hui sur les lieux de sa naissance puisse servir à cette cause.

JOHN PAUL II HOMILIES 292 – MASS FOR JUSTICE AND PEACE

6 juillet, 2015

http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/en/fut.htm

JOHN PAUL II HOMILIES 292

APOSTOLIC JOURNEY TO CANADA

OTTAWA (SEPTEMBER 9-20, 1984)

MASS FOR JUSTICE AND PEACE

Thursday, 20 September 1984

1. “Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice . . .” (Mt 5,6). “Heureux les artisans de paix” (Ibid. 5, 9).  À la fin de mon pèlerinage en terre canadienne, dans votre capitale d’Ottawa, en cette messe, nous prions pour la justice et la paix.  Nous prions pour la justice et la paix dans le monde contemporain, en nous référant aux béatitudes prononcées par le Christ, selon l’Evangile de saint Matthieu. Nous prions pour la paix, et le chemin de la paix passe par la justice. C’est pourquoi ceux qui ont sincèrement faim et soif de la justice sont en même temps des artisans de paix.  Je voudrais que ce thème qui oriente notre prière d’aujourd’hui au cours du Sacrifice eucharistique unisse ceux qui y participent, assemblés ce soir par milliers au pied des splendides Monts Gatineau, au bord de la rivière d’Ottawa, autour de Monseigneur Joseph Aurèle Plourde, Archevêque de votre ville, que je salue fraternellement; avec Mme le Gouverneur Général, et les autres autorités civiles, avec les habitants de la Région de la Capitale, tous les Canadiens, et tous ceux qui, au loin, se joignent à nous. Cette rivière a été autrefois la voie d’accès au coeur de votre continent, lorsque se rencontraient les cultures européennes avec les cultures des premiers habitants. Aujourd’hui, je suis au milieu de vous un pèlerin de paix, et je désire, en cette dernière homélie, prolonger tout ce que j’ai dit dans le cadre de ma mission pastorale en terre canadienne. Et c’est une synthèse finale que je voudrais faire en m’appuyant sur les huit béatitudes du Christ. 2. Dans les huit béatitudes se présente à nous, avant tout, une personne: la Personne du divin Maître. C’est de Lui que parle le prophète Isaïe quand il annonce qu’une grande lumière a resplendi sur ceux qui habitent le pays de l’ombre (Is 9,1).

 Les mêmes paroles retentissent dans la nuit de Noël: “Oui, un enfant nous est né, un fils nous a été donné; l’insigne du pouvoir est sur son épaule” (Ibid. 9, 5). 293 Le pouvoir dont sont chargées les épaules de l’Enfant né dans la nuit de Bethléem, la majesté de la Croix le confirme. Le Crucifié porte vraiment en lui toute la puissance de la Rédemption du monde.  Et c’est Lui, le Crucifié, qui a été désigné par les noms qu’annonçait Isaïe: “Merveilleux-Conseiller, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix”. Dieu a confirmé à jamais la puissance de la Rédemption que possédait le Christ crucifié, quand il l’a ressuscité. Le Rédempteur, relevé d’entre les morts, dit aux Apôtres en se séparant d’eux: “Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc! De toutes les nations faites des disciples . . .” (Mt 28,18-19).  Ainsi le Christ se tient à jamais au milieu de l’humanité comme cette “grande lumière” d’Isaïe, qui resplendit “sur ceux qui habitent le pays de l’ombre”. Il ne cesse d’être le “Prince-de-la-Paix” et en même temps “Merveilleux-Conseiller”. Le point de départ des voies qui conduisent à la justice et à la paix se trouve dans la Rédemption du monde que le Christ a accomplie par la puissance de sa Croix et de la Résurrection. 3. Ce fait est de première importance en notre époque où l’homme, les nations et toute l’humanité cherchent désespérément les voies de la paix. “Genus humanum arte et ratione vivit”: l’homme vit de sagesse, de culture, de moralité. La violence contredit complètement une telle vie. La violence fait naître aussi la juste nécessité de la défense. Et au même moment, la violence menace de destruction ce dont vit l’humanité. Elle menace de mort non seulement des hommes, des millions d’hommes, mais elle menace de mort tout ce qui est humain.  Au milieu de la famille humaine menacée, le Christ se tient sans cesse comme Prince-de-la-Paix, comme Défenseur de ce qui est humain.  L’Evangile des huit béatitudes n’est pas autre chose qu’une défense de ce qui est le plus profondément humain, le plus beau dans l’homme, ce qui est saint en l’homme: “Heureux les pauvres de coeur . . .  Heureux les doux . . .  Heureux ceux qui pleurent . . . 294 Heureux les miséricordieux . . .  Heureux les coeurs purs . . .  Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice . . .  Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. C’est ainsi en effet qu’on a persécuté les prophètes” (Mt 5,3-5 Mt 5,7-8 Mt 5,10-12). 4. L’Evangile des huit béatitudes est une constante affirmation de ce qui est le plus profondément humain, de ce qui est héroïque en l’homme. L’Evangile des huit béatitudes est lié fermement à la Croix et à la Résurrection du Christ. Et c’est seulement à la lumière de la Croix et de la Résurrection que ce qui est humain, que ce qui est héroïque en l’homme retrouve sa force et sa puissance. Aucune forme du matérialisme historique ne lui donne ni fondement ni garantie. Le matérialisme ne peut que mettre en doute, amoindrir, piétiner, détruire, briser ce qui est le plus profondément humain.  L’Evangile des huit béatitudes est, à sa racine même, lié au Mystère: à la réalité de la Rédemption du monde.  Oui, seule la réalité de la Résurrection du monde constitue le fondement des béatitudes, et de ces deux béatitudes réellement importantes en ce temps de menaces: “Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice . . .”. “Heureux les artisans de paix . . .”. La conscience de la Rédemption pénètre jusqu’au fond le coeur des hommes tourmentés par les menaces qui pèsent aujourd’hui sur le monde.  Si nous savons accueillir l’Evangile des béatitudes du Christ, nous n’avons pas peur de faire face à ces menaces. 295 5. La conscience morale de l’humanité découvre, par des voies diverses, le lien qui existe entre la justice et la paix. Il faut accomplir tous les efforts nécessaires pour que cette conscience retrouvée au prix d’énormes sacrifices depuis la dernière guerre mondiale, ne se trouve pas submergée à nouveau par le déploiement de la violence.  L’homme contemporain, les nations, l’humanité, cherchent inlassablement les chemins qui mènent à la justice et à la paix. Sans relâche, l’Eglise participe à cette grande tâche. Les Eglises particulières, les épiscopats y participent. Le Siège apostolique y participe. C’est là un devoir humain, chrétien, apostolique. 6. Pope John XXIII addressed a remarkable appeal to the world in his Encyclical « Pacem in Terris ». There he analysed at length the conditions for peace, and he invited us to become artisans of peace and justice in all the spheres in which the human community acts.  In its turn, the Second Vatican Council, when it considers the place of the Church in the context of the modern world, again takes up this reflection; it asks us to safeguard peace and to build up the community of nations (Gaudium et Spes, II. V).  Pope Paul VI did not cease to act in that sense. To the General Assembly of the United Nations he issued this prophetic cry: « War never again! ». He emphasized the links between peace and the development of peoples, of which I have spoken a few days ago in Edmonton. Paul VI also instituted the World Day of Peace on January 1. From that time on, at the beginning of each year, all are called to prayer and action for peace; it is the occasion for the Pope to renew his appeals to all people, so that they may opt for peace and take the necessary steps to overcome tensions and to dispel growing dangers.  Shortly after my election, I was able to answer the invitation of the United Nations and to assure the international community not only that the Apostolic See supports their efforts but that « the Catholic Church in every place on earth proclaims a message of peace, prays for peace, educates for peace » (Ioannis Pauli PP. II, Allocutio ad Nationum Unitarum Legatos habita, 10, die 2 oct. 1979: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, II, 2 (1979) 528).  Today, I renew my appeal. For we know that, after the world war, tensions and confrontations have not ceased, that they provoke wars which, while localized, are no less murderous. And we know that the sources of the conflicts are found wherever injustice kills, or wherever the dignity of people is scoffed at. To build peace we must establish justice.  What moral conscience could resign itself, without reacting, when there exist « frightful disparities between excessively rich individuals and groups on the one hand, and on the other hand the majority made up of the poor or indeed of the destitute . . . »? (Ibid., n.19: l.c., p. 536).  What moral conscience could resign itself to superficial arrangements which cover over injustice, as long as somewhere on the planet man is wounded « in his most personal belief, in his view of the world, in his religious faith, and in the sphere of what are known as civil liberties »? ((Ibid.)  Will we be peacemakers hungering for justice if we consent without reacting to « the breathtaking spiral of armaments . . . » presented as being « at the service of world peace » (Ibid., n. 22: l.c., p. 539), while the arms race is a real threat of death and while its economic cost deprives so many countries of the effective means for their development?  Our duty remains urgent at this time. We shall be peacemakers if our conscience makes us aware of the dangers, energetic to winning acceptance for dialogue and sharing, attentive to respecting the point of view of others at the same moment that we defend our own rights, faithful to love for humanity, and receptive to the gift of God! 296 We shall be disciples of Christ and true brothers and sisters among ourselves if together we take our part in the thrust of civilization which for centuries has been in one direction: that of guaranteeing « the objective rights of the spirit, of human conscience and of human creativity, including man’s relationship with God » (Ibid., n.19; l.c., p.537). We shall be peacemakers if all our action is based on respect for the One who calls us to live according to the law of his Kingdom, and from whom all power comes (Jn 19,11). 7. In this way, therefore, one cannot permit the moral conscience of humanity to give in to violence. It is necessary to maintain that close link which unites peace and justice, peace and the defence of the inviolable rights of individuals and of nations!  It is necessary to protect people from death – millions of people – from nuclear death and death from starvation. It is necessary to protect from death all that is human!  With this intention, today our prayer for justice and peace rests upon the Gospel of the Eight Beatitudes.  In a word what does this Gospel proclaim? Let us read it one more time:   »How happy are the poor in spirit: theirs is the kingdom of heaven.  Happy the gentle: they shall have the earth for their heritage.  Happy those who mourn: they shall be comforted.  Happy those who hunger and thirst for what is right: they shall be satisfied.  Happy the merciful: they shall have mercy shown them.  Happy the pure in heart: they shall see God. 297 Happy the peacemakers: they shall be called children of God.  Happy those who are persecuted in the cause of right: theirs is the kingdom of heaven.  Happy are you when people abuse you and persecute you and speak all kinds of calumny against you on my account. Rejoice and be glad for your reward will be great in heaven » (Mt 5,1-12).  Let us allow ourselves to be seized by the Spirit of Christ. May he fill us with the truth of these words, with the power of the love that inspires them! May our prayer enable us not only to seek peace, but to bring our will into harmony with the will of God as it is revealed to us by Christ. For peace among people will always be precarious if we are not at peace with God, if we do not conform ourselves in our most inner being to the plan of God for the history of the world. May our justice be the reflection of his justice! Recognizing our sinfulness, let us allow God to reconcile us with himself, the author of life, and, at the same time, with our brothers and sisters. This reconciliation, which we cannot fully realize by ourselves, we shall attain by grace if we faithfully unite ourselves to the immense supplication of those who pray. 8. In a word, then, what does the Gospel of the Eight Beatitudes proclaim?  It says that the poor in spirit, the gentle, the merciful, those who hunger and thirst for justice, the peacemakers – all these are invincible! It says that the final victory belongs to them! To them belongs the Kingdom of Truth, of Justice, of Love and of Peace! May their weakness, their difficulty in surmounting what divides and opposes, not deject them. Human forces are not enough to apply the Gospel, but the strength of Christ permits the purification and the conversion of hearts, for he gave himself so that humanity might possess his peace!  And it is this perspective which Christ by this Gospel and Redemption has truly opened up to those who practise his Beatitudes.  Ecoutez-moi, vous qui, en diverses parties du monde, souffrez la persécution pour le Christ!  Vous les pauvres sur qui pèse l’oppression et l’injustice comme si vous étiez quotidiennement laminés par les systèmes qui écrasent l’humanité!  Vous tous qui êtes vraiment des hommes de bonne volonté!  Nous disons que le Christ est Merveilleux-Conseiller. 298 Nous disons que le Christ est Prince-de-la-Paix.  Nous disons que le Christ est le Crucifié et le Ressuscité. “L’insigne du pouvoir est sur son épaule”. “Son pouvoir s’étendra . . . pour son Royaume. Il sera solidement établi sur le droit et la justice” (Is 9,6). “Que ton Règne vienne”!

 

SOLENNITÉ DE L’ASCENSION – HOMÉLIE DU PAPE JEAN-PAUL II

14 mai, 2015

http://w2.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/homilies/1979/documents/hf_jp-ii_hom_19790524_seminari-ingl-roma.html

(Je l’espère bien faire les choses de la date de la fête, en Italie est dimanche prochain)

SOLENNITÉ DE L’ASCENSION – AUJOURD’HUI EN FRANCE ET AUX ETATS-UNIS

HOMÉLIE DU PAPE JEAN-PAUL II AUX ÉTUDIANTS DES SÉMINAIRES ANGLAIS DE ROME

24 mai 1979

Chers fils et frères et amis en Jésus-Christ,

A l’occasion de cette fête de l’Ascension le Pape est heureux d’offrir le saint Sacrifice Eucharistique avec vous et pour vous. Je suis heureux de me trouver avec les étudiants et le staff du vénérable Collège Anglais l’année durant laquelle se célèbre son quatrième centenaire. Et je me sens aujourd’hui, de manière toute particulière, spirituellement proche de vous, de vos parents et familles et de tous les fidèles d’Angleterre et du Pays de Galles — de tous ceux qui sont unis dans la foi de Pierre et de Paul, dans la foi de Jésus-Christ. Les traditions de générosité et de fidélité dont la vie dans votre Collège a donné l’exemple pendant quatre cents ans sont présentes à mon cœur ce matin. Vous êtes venus offrir vos remerciements et vos prières à Dieu pour ce qu’il a, de sa grâce, accompli dans le passé et pour trouver la force d’aller de l’avant — sous la protection de la Vierge bénie — avec la ferveur de vos prédécesseurs dont un grand nombre ont donné leur vie pour la foi catholique.
J’adresse aussi cordialement un salut de bienvenue aux nouveaux prêtres du Collège Pontifical Beda. Pour vous également ceci est un moment particulier pour vous engager à poursuivre les idéaux de votre Patron, saint Bède le Vénérable que vous commémorerez demain. Je salue avec la même cordialité vos supérieurs et vos compagnons d’étude.
Avec joie et animés de nouvelles résolutions pour l’avenir, réfléchissons un moment sur le grand mystère que célèbre la liturgie d’aujourd’hui. Toute la pleine signification de 1′ Ascension du Christ est exprimée dans les lectures de la Sainte Ecriture. La richesse de ce mystère est contenue dans ces deux affirmations : « Jésus donna ses instructions… » puis « Jésus prit place… ».
Selon la Divine Providence — dans l’éternel dessein du Père — l’heure était venue pour le Christ de quitter la terre. Il allait prendre congé de ses apôtres et, avec eux, de Marie sa Mère, mais non sans leur avoir d’abord donné ses instructions. Les apôtres avaient maintenant une mission à accomplir conformément aux instructions laissées par Jésus, et ces instructions étaient à leur tour l’expression fidèle de la volonté du Père.
Ces instructions indiquaient avant tout que les apôtres devaient attendre l’Esprit Saint qui était le don du Père. Il devait être absolument clair dès le début que la source de la force des apôtres était le Saint-Esprit. C’est l’Esprit qui guide l’Eglise sur les voies de la vérité, l’Evangile doit être propagé par la puissance de Dieu et non par la sagesse ou la puissance de l’homme.
En outre, selon ces instructions, les apôtres étaient chargés de proclamer la Bonne Nouvelle dans le monde entier. Et ils devaient baptiser au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Comme Jésus, ils devaient parler clairement du Royaume de Dieu et du salut. Les apôtres devaient rendre témoignage du Christ « jusqu’aux confins de la terre ». L’ Eglise primitive comprit parfaitement ces instructions et c’est ainsi qu’elle inaugura l’ère missionnaire. Et chaque communauté savait que cette ère ne prendrait fin que le jour où le même Jésus qui était monté au ciel, serait revenu.
Les paroles de Jésus constituèrent pour l’Eglise un trésor qu’il fallait garder en dépôt et proclamer, méditer et vivre. Et, en même temps, l’Esprit Saint enracina dans l’Eglise un charisme apostolique qui avait pour objet de garder intacte cette révélation. Par ces paroles Jésus allait vivre toujours dans son Eglise : « Je suis avec vous pour toujours ». Et la communauté ecclésiale tout entière prit ainsi conscience de la nécessité de la fidélité aux instructions de Jésus, au dépôt de la foi. Cette sollicitude devait se transmettre de générations en générations — jusqu’à nos propres jours. C’est à cause de ce principe que j’ai dit récemment à vos propres Recteurs que « la première priorité pour les séminaires aujourd’hui est l’enseignement de la Parole de Dieu dans toute sa pureté et toute son intégrité. La parole de Dieu — et seulement la parole de Dieu — est à la base de tout ministère, de toute activité pastorale de toute action sacerdotale. L’autorité de la parole de Dieu a constitué la base dynamique du Concile Vatican II et Jean XXIII l’a mis en évidence dans son discours d’ouverture : ‘Le souci principal du Concile œcuménique — a-t-il dit — sera celui-ci — que le dépôt sacré de la doctrine chrétienne soit toujours plus effectivement gardé et enseigné’ (Discours du 11 octobre 1962). Et si les séminaristes de cette génération doivent être préparés de manière adéquate à prendre en charge l’héritage et le défi de ce Concile, il faut avant tout les former à la Parole de Dieu, au ‘dépôt sacré de la doctrine chrétienne’  » (Discours du 3 mars 1979). Oui, chers fils, notre plus grand défi est d’être fidèles aux instructions du Seigneur Jésus.
Et la seconde réflexion sur la signification de l’Ascension est basée sur cette phrase : « Jésus prit sa place… ». Après avoir subi l’humiliation de sa passion, Jésus prit sa place à la droite de Dieu. Il prit sa place avec le Père éternel. Mais ainsi il pénétra dans les cieux comme notre Tête ». Et là-haut, selon l’expression de Léon le Gand « la gloire de la Tête » devint « l’espoir du corps » (cf. Sermos de Ascensione Domini). Jésus a pris pour toute l’éternité sa place comme « le premier-né parmi de nombreux frères » (Rm 8, 29). En raison de notre nature nous sommes près de Dieu dans le Christ. Et, comme homme, le Seigneur Jésus est vivant pour toute l’éternité pour intercéder près de son Père en notre faveur (cf. He 7, 25). Et en même temps, du haut de son trône de gloire, Jésus envoie à toute son Eglise un message d’espérance et une invitation à la sainteté.
Par les mérites de Jésus et grâce à son intercession près de son Père, nous sommes capables d’obtenir en lui la justice et la sainteté de vie. L’Eglise peut rencontrer des difficultés, l’Évangile peut subir des échecs, mais comme Jésus est assis à la droite du Père, l’Eglise ne sera jamais vaincue. La puissance du Christ glorifié, du Fils bien-aimé du Père éternel n’a pas de limites et surabonde pour défendre chacun de nous et nous tous dans la fidélité de notre dévouement au Royaume de Dieu et dans la générosité de notre célibat. L’efficacité de l’Ascension du Christ touche chacun de nous dans les réalités concrètes de nos vies quotidiennes. A cause de ce mystère, l’Eglise tout entière a pour vocation d’attendre « dans une joyeuse espérance la venue de notre Sauveur, Jésus-Christ ».
Chers Fils, soyez imprégnés de l’espérance qui est si fortement une part du mystère de l’Ascension de Jésus. Soyez profondément convaincus de la victoire et du triomphe du Christ sur le péché et la mort. Ayez conscience que la puissance du Christ est plus grande que notre faiblesse, plus grande que la faiblesse du monde entier. Tâchez de comprendre et de partager la joie que Marie a éprouvée en sachant que son Fils avait pris sa place près de son Père qu’il aimait infiniment. Et aujourd’hui renouvelez votre foi dans la promesse de Notre Seigneur Jésus-Christ qui est parti pour nous préparer une place, de sorte qu’il pourra revenir et nous prendre avec lui.
Voilà le mystère de l’Ascension de notre Chef. Rappelons-nous toujours : « Jésus a donné ses instructions » et ensuite « Jésus a pris sa place ».

Amen.

 

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