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HOMÉLIE DE JEAN PAUL II – SOLENNITÉ DE L’ANNONCIATION (2000)

4 avril, 2016

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HOMÉLIE DE JEAN PAUL II  – SOLENNITÉ DE L’ANNONCIATION

CÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE DANS LA BASILIQUE DE L’ANNONCIATION À NAZARETH EN LA SOLENNITÉ DE L’ANNONCIATION

Samedi, 25 mars 2000

« Je suis la servante du Seigneur; qu’il m’advienne selon ta parole » (Angelus).

Monsieur le Patriarche, Vénérés frères dans l’épiscopat, Révérend Père Custode, Très chers frères et soeurs,

1. 25 mars 2000, solennité de l’Annonciation en l’année du grand Jubilé:  aujourd’hui les yeux de toute l’Eglise sont tournés vers Nazareth. J’ai désiré revenir dans la ville de Jésus, pour ressentir encore une fois, en contact avec ce lieu, la présence de la femme au sujet de laquelle saint Augustin a écrit:  « Il choisit la mère qu’il avait créée; il créa la mère qu’il avait choisie » (cf. Sermo 69, 3, 4). Il est particulièrement facile de comprendre ici pourquoi toutes les générations appellent Marie bienheureuse (cf. Lc 1, 48). Je salue cordialement Sa Béatitude le Patriarche Michel Sabbah, et je le remercie de ses aimables paroles d’introduction.  Avec  l’Archevêque  Boutros Mouallem et vous tous, évêques, prêtres, religieux, religieuses et laïcs, je me réjouis de la grâce de cette solennelle célébration. Je suis heureux d’avoir l’opportunité de saluer le Ministre général franciscain, le Père Giacomo Bini, qui m’a accueilli à mon arrivée, et d’exprimer au Custode, le Père Giovanni Battistelli, ainsi qu’aux Frères de la Custodie, l’admiration de toute l’Eglise pour la dévotion avec laquelle vous accomplissez votre vocation unique. Avec gratitude, je rends hommage à la fidélité à la tâche qui vous a été confiée par saint François et qui a été confirmée par les Pontifes au cours des siècles. 2. Nous sommes réunis pour célébrer le grand mystère qui s’est accompli ici il y a deux mille ans. L’évangéliste Luc situe clairement l’événement dans  le  temps  et  dans l’espace:  « Le sixième mois, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, du nom de Nazareth, à une vierge fiancée à un homme du nom de Joseph, de la maison de David; et le nom de la vierge était Marie » (Lc 1, 26-27). Cependant, pour comprendre ce qui se passa à Nazareth il y a deux mille ans, nous devons revenir à la lecture tirée de la Lettre aux Hébreux. Ce texte nous permet d’écouter une conversation entre le Père et le Fils sur le dessein de Dieu de toute éternité. « Tu n’as voulu ni sacrifice ni oblation; mais tu m’as façonné un corps. Tu n’as agréé ni holocaustes ni sacrifices pour les péchés. Alors j’ai dit:  Voici, je viens [...] pour faire, ô Dieu, ta volonté » (He 10, 5-7). La Lettre aux Hébreux nous dit que, obéissant à la volonté du Père, le Verbe éternel vient parmi nous pour offrir le sacrifice qui dépasse tous les sacrifices offerts lors de la précédente Alliance. Son sacrifice est le sacrifice éternel et parfait qui rachète le monde. Le dessein divin est révélé graduellement dans l’Ancien Testament, en particulier dans les paroles du prophète Isaïe, que nous venons d’entendre:  « C’est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe:  Voici, la jeune femme est enceinte, elle va enfanter un fils et elle lui donnera le nom d’Emmanuel » (7, 14). Emmanuel:  Dieu avec nous. A travers ces paroles, l’événement unique qui devait s’acccomplir à Nazareth dans la plénitude des temps est préannoncé, et c’est cet événement que nous célébrons aujourd’hui avec joie et un bonheur intense. 3. Notre pèlerinage jubilaire a été un voyage dans l’esprit, commencé sur les traces d’Abraham « notre Père dans la foi » (Canon Romain; cf. Rm 11, 12). Ce voyage nous a conduits aujourd’hui à Nazareth, où nous rencontrons Marie la  plus  authentique   des   filles d’Abraham. C’est Marie, plus que quiconque, qui peut nous enseigner ce que signifie vivre la foi de « Notre Père ». Marie est de nombreuses façons, vraiment différente d’Abraham; mais, d’une manière plus profonde, « l’ami de Dieu » (cf. Is 41, 8) et la jeune femme de Nazareth sont très semblables. Tous deux, Abraham et Marie, reçoivent une promesse merveilleuse de Dieu. Abraham devait devenir le père d’un fils, duquel devait naître une grande nation. Marie devait devenir la Mère d’un Fils qui aurait été le Messie, l’Oint du Seigneur. Gabriel dit:  « Voici que tu concevras dans ton sein et enfanteras un fils [...] Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son Père [...] et son règne n’aura pas de fin » (Lc 1, 31-33). Tant pour Abraham que pour Marie la promesse arrive de façon totalement inattendue.  Dieu  change  le  cours quotidien de leur vie, bouleversant les rythmes établis et les attentes normales. La promesse apparaît impossible tant à Abraham qu’à Marie. La femme d’Abraham, Sara, était stérile et Marie n’est pas encore mariée:  « Comment sera-t-il, – demande-t-elle à l’ange – puisque je ne connais pas d’homme? » (Lc 1, 34). 4. Comme à Abraham, il est également demandé à Marie de répondre « oui » à quelque chose qui n’est jamais arrivé auparavant. Sara est la première des femmes stériles de la Bible à concevoir grâce à la puissance de Dieu, précisément comme Elisabeth sera la dernière. Gabriel parle d’Elisabeth pour rassurer Marie:  « Et voici qu’Elisabeth, ta parente, vient, elle aussi, de concevoir un fils dans sa vieillesse » (Lc 1, 36). Comme Abraham, Marie aussi doit avancer dans l’obscurité, en ayant confiance en Celui qui l’a appelée. Toutefois, sa question « comment sera-t-il? » suggère que Marie est prête à répondre « oui » malgré les peurs et les incertitudes. Marie ne demande pas si la promesse est réalisable, mais seulement comment elle se réalisera. Il n’est donc pas suprenant qu’à la fin elle prononce son fiat:  « Je suis la servante du Seigneur, qu’il m’advienne selon ta parole » (Lc 1, 38). A travers ces paroles, Marie se révèle une vraie fille d’Abraham et devient la Mère du Christ et la Mère de tous les croyants. 5. Pour pénétrer encore plus profondément ce mystère, revenons au moment du voyage d’Abraham lorsqu’il reçut la promesse. Ce fut lorsqu’il accueillit dans sa maison trois hôtes mystérieux (cf. Gn 18, 1-5) en leur offrant l’adoration due à Dieu:  tres vidit et unum adoravit. Cette rencontre mystérieuse préfigure l’Annonciation, lorsque Marie est puissamment entraînée dans la communion avec le Père, le Fils et l’Esprit Saint. A travers le fiat prononcé par Marie à Nazareth, l’Incarnation est devenue le merveilleux accomplissement de la rencontre d’Abraham avec Dieu. En suivant les traces d’Abraham, nous  sommes  donc  parvenus  à  Nazareth, pour chanter les louanges de la femme « qui apporte la lumière dans le monde » (Hymne Ave Regina Caelorum). 6. Nous sommes cependant venus ici également pour la supplier. Que demandons-nous, nous pèlerins en voyage dans le troisième millénaire chrétien, à la Mère de Dieu? Ici, dans la ville que le  Pape  Paul VI,  lorsqu’il  visita   Nazareth, définit « L’école de l’Evangile. Ici on apprend à observer, à écouter, à méditer, à pénétrer le sens, si profond et mystérieux, de cette très simple, très humble, très belle apparition » (Allocution à Nazareth, 5 janvier 1964), je prie tout d’abord pour un grand renouveau de la foi de tous les fils de l’Eglise. Un profond renouveau de foi:  non seulement une attitude générale de vie, mais une profession consciente et courageuse du Credo:  « Et incarnatus est de Spiritu Sancto ex Maria Virgine, et homo factus est » A Nazareth, où Jésus « croissait en sagesse, en taille et en grâce devant Dieu et devant les hommes » (Lc 2, 52), je demande à la Sainte Famille d’inspirer tous les chrétiens à défendre la famille, à défendre la famille contre les nombreuses menaces qui pèsent actuellement sur sa nature, sa stabilité et sa mission. Je confie à la Sainte Famille les efforts des chrétiens et de toutes les personnes de bonne volonté pour défendre la vie et promouvoir le respect pour la dignité de chaque être humain. A Marie, la Theotókos, la grande Mère de Dieu, je consacre les familles de Terre Sainte, les familles du monde. A Nazareth, où Jésus a commencé son ministère public, je demande à Marie d’aider l’Eglise à prêcher partout la « Bonne nouvelle » aux pauvres, précisément comme Il l’a fait (cf. Lc 4, 18). En cette « année de grâce du Seigneur », je Lui demande de nous enseigner la voie de l’humble et joyeuse obéissance à l’Evangile dans le service à nos frères et à nos soeurs, sans préférences et sans préjudices.

« O Mère du Verbe Incarné, ne rejette pas ma prière, mais écoute-moi de façon

MESSE DE LA CÈNE DU SEIGNEUR – HOMÉLIE DU PAPE JEAN-PAUL II

23 mars, 2016

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MESSE DE LA CÈNE DU SEIGNEUR – HOMÉLIE DU PAPE JEAN-PAUL II

Basilique Saint-Jean-de-Latran 12 avril 1979

1. L’Heure de Jésus est venue. L’heure où il passe de ce monde à son Père. Commence le Triduum Sacré. Le mystère pascal revêt comme chaque année son aspect liturgique et débute par cette messe, la seule qui dans l’année, porte le nom de « Coena Domini ». Après avoir aimé les siens qui étaient dans le monde, « il les aima jusqu’à la fin » (Jn 13, 1). La dernière Cène est précisément le témoignage de cet amour avec lequel le Christ, l’Agneau de Dieu, nous a aimés jusqu’à la fin. Ce soir-là, les fils d’Israël consommaient l’agneau, selon l’antique usage imposé par Moïse la veille de sa libération de l’esclavage d’Egypte. Jésus fit la même chose avec ses disciples, fidèle à la tradition qui était seulement « l’ombre des biens à venir » (He 10, 1), une préfiguration de la Nouvelle Alliance, de la Loi nouvelle. 2. Que signifie : « Il les aima jusqu’à la fin » ? Cela signifie : jusqu’à cet accomplissement qui adviendra le lendemain, le Vendredi saint. Ce jour-là, allait manifester combien Dieu a aimé le monde et comment il a poussé cet amour jusqu’à l’extrême limite du don, c’est-à-dire jusqu’à donner son Fils unique » (Jn 3, 16). Ce jour-là, Jésus a démontré qu’il n’est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jn 15, 13). L’amour, du Père s’est révélé dans la donation de son Fils. La donation dans la mort ! Le Jeudi saint, le jour de la dernière Cène, est en quelque sorte, le prologue de cette donation : il en est l’ultime préparation. Et d’une certaine manière ce qui s’accomplit ce jour-là, va déjà au-delà de ce don. C’est vraiment le Jeudi saint, durant la dernière Cène, que se manifeste ce que veut dire : aimer jusqu’à la fin. Nous pensons, avec raison, qu’ »aimer jusqu’à la fin » veut dire jusqu’à la mort, jusqu’au dernier souffle. Mais la dernière Cène nous montre que, pour Jésus, « jusqu’à la fin », signifie « au-delà du dernier souffle. Au delà de la mort »? 3. Telle est en effet la signification de l’Eucharistie. La mort n’est pas sa fin, mais son commencement. L’Eucharistie part de la mort comme nous le dit saint Paul : « Chaque fois en effet que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne » (l Co 11, 26) L’Eucharistie est fruit de cette mort. Elle la rappelle constamment. Elle la renouvelle sans cesse. Elle la signifie toujours. Elle la proclame. La mort qui est devenue le commencement de la nouvelle Venue : de la Résurrection à la Parousie, « Jusqu’à ce qu’il vienne ». La mort, qui est le « substrat » d’une vie nouvelle. Aimer jusqu’à la fin signifie donc pour le Christ : aimer moyennant la mort et au-delà de la barrière de la mort : aimer jusqu’aux extrêmes de l’Eucharistie ! 4. C’est exactement ainsi que Jésus a aimé, ce soir-là, ce dernier soir. Il a aimé « les siens » — ceux qui étaient alors avec lui, et tous ceux qui devaient hériter leur ministère. — Les paroles qu’il a prononcées sur le pain ; — Les paroles qu’il a prononcées sur la coupe pleine de vin ; — Les paroles que nous répétons aujourd’hui avec particulière émotion et que nous répétons toujours quand nous célébrons l’Eucharistie, constituent vraiment la révélation de cet amour par lequel il s’est une fois pour toutes, pour tous les temps et jusqu’à la fin des siècles, distribué lui-même. Avant même de se donner sur la Croix, comme « Agneau qui ôte les péchés du monde », il s’est distribué lui-même comme aliment et comme breuvage : pain et vin, afin « que nous ayons la vie, et l’ayons en abondance » (Jn 10, 10). C’est ainsi qu »‘il nous a aimés jusqu’à la fin ». C’est pourquoi il n’a pas hésité à s’agenouiller devant ses apôtres pour leur laver les pieds. Quand Pierre voulut s’y opposer, Il le convainquit de laisser faire. C’était là, en effet, une exigence particulière de la grandeur du moment. Ce lavement des pieds, cette purification, étaient nécessaires pour la Communion à laquelle ils allaient participer dès ce moment. Désormais, en se distribuant lui-même dans la communion eucharistique n’allait-il pas continuellement s’abaisser au niveau de cœurs humains si nombreux ? N’allait-il pas les servir toujours de cette manière « Eucharistie » veut dire « remerciement ». « Eucharistie » signifie également servir, se tendre vers l’homme, servir les cœurs humains. « Je vous ai donné l’exemple, pour que vous agissiez comme j’ai agi envers vous » (Jn 13, 15). Nous ne saurions être dispensateurs de l’Eucharistie, sinon en servant. 6. Voici, c’est la dernière Cène. Le Christ se prépare à partir en passant par la mort, et en passant par la mort, il s’apprête à demeurer. Ainsi sa mort est devenue le fruit mûr de l’amour : il nous a aimés « jusqu’à la fin ».

Le contexte de la dernière Cène ne suffirait-il pas à lui seul pour donner à Jésus le droit de nous dire à tous : « Ceci est mon commandement: que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 15, 12)?

JEAN PAUL II – PRENDS PITIÉ DE MOI, Ô SEIGNEUR » – PS 50, 3.6.9-10

11 janvier, 2016

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JEAN PAUL II

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 8 mai 2002

« PRENDS PITIÉ DE MOI, Ô SEIGNEUR » – LECTURE: PS 50, 3.6.9-10

http://www.aelf.org/bible-liturgie/ps/psaumes/chapitre/50

1. Chaque semaine de la Liturgie des Laudes est rythmée, le vendredi, par le Psaume 50, le Miserere, le Psaume pénitentiel le plus aimé, chanté et médité, un hymne que le pécheur repenti élève à Dieu miséricordieux. Nous avons déjà eu l’occasion, dans une précédente catéchèse, de présenter le cadre général de cette grande prière. On entre tout d’abord dans la région ténébreuse du péché pour y apporter la lumière du repentir humain et du pardon divin (cf. vv. 3-11). On passe ensuite à l’exaltation du don de la grâce divine, qui transforme et renouvelle l’esprit et le coeur du pécheur repenti: c’est une région lumineuse, remplie d’espérance et de confiance (cf. vv. 12-21).
Au cours de cette réflexion nous nous arrêterons, pour réfléchir sur la première partie du Psaume 50 en approfondissant certains de ses aspects. En ouverture, nous voudrions cependant présenter la merveilleuse proclamation divine du Sinaï, qui est presque le portrait de Dieu chanté dans le Miserere: « Yahvé, Yahvé, Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, riche en grâce et en fidélité; qui garde sa grâce à des milliers, tolère faute, transgression et péché » ( Ex 34, 6-7).
2. L’invocation initiale s’élève vers Dieu pour obtenir le don de la purification qui rend – comme le disait le prophète Isaïe – « blancs comme neige » et « comme laine » les péchés, qui sont en eux-mêmes semblables à l’ »écarlate » et « rouges comme la pourpre » (cf. Is 1, 18). Le Psalmiste confesse son péché de façon nette et sans hésitation: « Car mon péché, moi, je le connais… contre toi, toi seul, j’ai péché, ce qui est coupable à tes yeux, je l’ai fait » (Ps 50, 5-6).
La conscience personnelle du pécheur entre donc en scène, s’ouvrant à une claire perception de son mal. C’est une expérience qui fait appel à la liberté et la responsabilité, et qui conduit à admettre que l’on a brisé un lien pour effectuer un choix de vie différent de celui de la Parole divine. Il s’ensuit une décision radicale de changement. Tout cela est contenu dans le verbe « reconnaître », un verbe qui en hébreu ne signifie pas seulement une adhésion intellectuelle, mais un choix de vie.
C’est ce que, malheureusement, de nombreuses personnes ne font pas, comme nous admoneste Origène: « Certaines personnes, après avoir péché, sont absolument tranquilles et ne se préoccupent pas du tout de leur péché; elles ne sont pas non plus effleurées par la conscience du mal commis, mais elles vivent comme si de rien n’était. Ces personnes ne pourraient certainement pas dire: ma faute est toujours devant moi. En revanche, lorsqu’une personne, après avoir péché, se ronge et s’afflige pour son péché, est tourmentée par les remords, est sans cesse déchirée et subit les assauts intérieurs de sa conscience qui la condamne, elle s’exclame à juste titre: il n’y a pas de paix pour mes os face à l’aspect de mes péchés… Lorsque nous plaçons donc devant les yeux de notre coeur les péchés commis, que nous les regardons un par un, nous les reconnaissons, nous rougissons et nous nous repentons de ce que nous avons fait, bouleversés et affligés à juste titre, nous disons qu’il n’y a pas de paix dans nos os face à l’aspect de nos péchés… » (Homélie sur les Psaumes, Florence 1991, pp. 277-279). La reconnaissance et la conscience du péché sont donc le fruit d’une sensibilité acquise grâce à la lumière de la Parole de Dieu.
3. Dans la confession du Miserere, un élément, en particulier, est souligné: le péché n’est pas seulement appréhendé dans sa dimension personnelle et « psychologique », mais il est surtout évoqué dans sa valeur théologique. « Contre toi, toi seul, j’ai péché » (Ps 50, 6), s’exclame le pécheur, auquel la tradition a donné le visage de David, conscient de son adultère avec Bethsabée, et de la dénonciation de ce crime par le prophète Nâtan, ainsi que de celui du meurtre d’Urie, mari de celle-ci (cf. v. 2; 2 S 11-12).
Le péché n’est donc pas une simple question psychologique ou sociale, mais c’est un événement qui entame la relation avec Dieu, en violant sa loi, en refusant son projet dans l’histoire, en détruisant l’échelle des valeurs, « en faisant des ténèbres la lumière et de la lumière les ténèbres », c’est-à-dire « en appelant le mal bien et le bien mal » (cf. Is 5, 20). Avant d’être une quelconque injure faite à l’homme, le péché est tout d’abord une trahison à l’égard de Dieu. Les mots adressés par le fils prodigue de biens à son père prodigue d’amour: « Père, j’ai péché contre le Ciel – c’est-à-dire contre Dieu – et envers toi » (Lc 15, 21) sont emblématiques.

4. A ce stade, le Psalmiste introduit un autre aspect, plus directement lié à la réalité humaine. C’est une phrase qui a suscité de nombreuses interprétations et qui a également été liée à la doctrine du péché originel: « Vois, mauvais je suis né, pécheur ma mère m’a conçu » (Ps 50, 7). L’orant veut indiquer la présence du mal dans tout notre être, comme cela apparaît de façon évidente dans la mention de la conception et de la naissance, une façon d’exprimer l’existence tout entière en partant de sa source. Toutefois, le Psalmiste ne relie pas formellement cette situation au péché d’Adam et d’Eve, c’est-à-dire qu’il ne parle pas explicitement du péché originel.
Il reste cependant clair que, selon le texte du Psaume, le mal se cache dans la profondeur même de l’homme, qu’il est inhérent à sa réalité historique; c’est pourquoi la question de l’intervention de la grâce divine est décisive. La puissance de l’amour de Dieu dépasse celle du péché, le fleuve impétueux du mal a moins de force que l’eau féconde du pardon: « Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé » (Rm 5, 20).
5. A travers cette voie, la théologie du péché originel et toute la vision biblique de l’homme pécheur sont indirectement évoquées par des mots qui laissent à la fois entrevoir la lumière de la grâce et du salut.
Comme nous aurons l’occasion de le découvrir à l’avenir, en revenant sur ce Psaume et sur les versets suivants, la confession de la faute et la conscience de sa propre misère ne débouchent pas sur la terreur ou la crainte du jugement, mais sur l’espérance de la purification, de la libération, de la nouvelle création.
En effet, Dieu nous sauve, non pas en vertu « des oeuvres de justice que nous avons pu accomplir, mais, poussé pas sa seule miséricorde, il nous sauve par le bain de la régénération et de la rénovation en l’Esprit Saint. Et cet Esprit, il l’a répandu sur nous à profusion, par Jésus-Christ notre Sauveur » (Tt 3, 5-6).

MESSE DE MINUIT – HOMÉLIE DU PAPE JEAN-PAUL II (1978)

19 décembre, 2015

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MESSE DE MINUIT

HOMÉLIE DU PAPE JEAN-PAUL II

Dimanche 24 décembre 1978

Chers frères et sœurs,

Nous nous trouvons dans la Basilique Saint-Pierre à cette heure inhabituelle. Nous avons pour toile de fond l’architecture dans laquelle des générations entières au cours des siècles, ont exprimé leur foi dans le Dieu incarné, suivant le message porté ici, à Rome, par les Apôtres Pierre et Paul. Tout ce qui nous entoure nous fait entendre la voix des deux millénaires qui nous séparent de la naissance du Christ.
Le second millénaire avance rapidement vers son terme. Permettez que, tels que nous sommes, dans ces circonstances de temps et de lieu, j’aille avec vous vers cette grotte des environs de Bethléem, au sud de Jérusalem. Faisons en sorte d’être tous ensemble plutôt là-bas qu’ici: là où « dans le silence de la nuit », se sont fait entendre les vagissements du nouveau-né, expression perpétuelle des fils de la terre. Et, en même temps, s’est fait entendre le ciel « monde » de Dieu qui habite dans le tabernacle inaccessible de la Gloire. Entre la majesté du Dieu éternel et la terre-mère, qui s’annonce, avec le cri de l’Enfant nouveau-né, s’entrevoit la perspective d’une nouvelle Paix, de la Réconciliation, de l’Alliance: « Voici que le Sauveur du monde est né pour nous ». « Les extrémités de la terre ont vu le salut de notre Dieu ».
2. Et pourtant, en ce moment à cette heure insolite, les extrémités de la terre demeurent à distance. Elles sont en proie à un temps d’attente, loin de la paix. La fatigue remplit plutôt les cœurs des hommes qui se sont endormis, comme s’étaient endormis, non loin de là, les bergers dans les vallées de Bethléem. Ce qui se passe dans la crèche, dans la grotte rocheuse, a une dimension de profonde intimité: c’est quelque chose qui se produit « entre » la Mère et celui qui va naître. Personne d’étranger n’y a accès. Même Joseph le charpentier de Nazareth, n’est qu’un témoin silencieux. Elle seule est pleinement consciente de sa Maternité. Elle seule comprend ce que signifie au juste le cri de l’enfant. La naissance du Christ est avant tout son mystère, son grand Jour. C’est la fête de la Mère.
C’est une étrange fête: sans aucun signe de la liturgie de la Synagogue, sans lecture des prophètes et sans chant de psaumes. « Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m’as préparé un corps » (Hb 10, 5) semble dire, par ses vagissements, celui qui, tout en étant le Fils Eternel, Verbe consubstantiel au Père, « Dieu né de Dieu, Lumière née de la Lumière », s’est fait « chair » (cf. Jn 1, 14). Il se révèle dans ce corps comme l’un d’entre nous, petit enfant, dans toute sa fragilité et sa vulnérabilité. Soumis à la sollicitude des hommes, confié à leur amour, sans défense. Il vagit, et le monde ne l’entend pas, il ne peut pas l’entendre. Le cri de l’enfant nouveau-né ne peut se percevoir qu’à la distance de quelques pas.
3. Je vous en prie donc, frères et sœurs qui remplissez cette basilique: efforçons-nous d’êtres présents là-bas plutôt qu’ici. Voici quelques jours, j’exprimais mon grand désir de me trouver dans la grotte de la Nativité, pour célébrer précisément à cet endroit le début de mon Pontificat. Etant donné que les circonstances ne me le permettent pas, et que je suis ici avec vous tous, je cherche avec vous tous à être très présent en esprit là-bas, pour vivre cette Liturgie avec la profondeur, l’ardeur et l’authenticité d’un sentiment intérieur intense. La liturgie de la nuit de Noël est riche d’un réalisme particulier: réalisme de ce moment que nous renouvelons, et aussi réalisme des cœurs qui revivent ce moment. Tous en effet, nous tînmes profondément émus et bouleversés, bien que ce que nous célébrons soit advenu voici bientôt deux mille ans. Pour avoir un tableau complet de la réalité de cet événement, pour entrer davantage encore dans le réalisme de ce moment et des cœurs humains, rappelons-nous ce qui s’est passé et comment cela s’est passé: dans l’abandon, dans l’extrême pauvreté, dans cette grotte qui servait d’étable, en dehors de la ville parce que les habitants de cette ville n’avaient pas voulu accueillir la Mère et Joseph dans aucune de leurs maisons. Il n’y avait de place nulle part. Dès le point de départ, le monde s’est révélé inhospitalier envers Dieu qui devait naître comme Homme.
4. Réfléchissons maintenant brièvement sur la signification constante de ce refus par 1′homme de l’hospitalité à Dieu. Nous tous, ici présents, nous voulons que tout ce qui est en nous, hommes d’aujourd’hui, soit ouvert à Dieu qui naît comme homme. C’est bien avec ce désir que nous sommes venus ici !
Il nous faut donc penser, cette nuit, à tous les hommes qui tombent victimes de situations infra-humaines créées par les hommes, de la cruauté, du manque de respect, du mépris des droits objectifs de toute personne humaine. Pensons à ceux qui sont seuls, âgés, malades, à ceux qui n’ont pas de logement, qui souffrent de la faim, et dont la misère est une conséquence de l’exploitation et de l’injustice des systèmes économiques. Pensons enfin à ceux qui, en cette nuit, n’ont pas la liberté de participer à la liturgie de la Nativité du Seigneur, et qui n’ont pas de prêtre pour célébrer l’Eucharistie. Et que notre pensée arrive jusqu’à ceux dont les âmes, les consciences sont tourmentées autant que leur propre foi.
L’étable de Bethléem est le premier Heu de la solidarité avec l’homme: d’un homme avec l’autre et de tous les hommes avec tous les autres hommes, surtout avec ceux pour qui « il n’y a pas de place à l’hôtellerie » (cf. Lc 2, 7) et auxquels on n’accorde plus la reconnaissance de leurs propres droits.
5. L’Enfant nouveau-né pousse de petits cris. Qui comprend les cris du tout petit enfant ? A travers lui, c’est pourtant le Ciel qui parle, et c’est le Ciel qui révèle l’enseignement particulier de cette naissance. C’est le Ciel qui en donne l’explication par ces paroles: « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qu’il aime » (Lc 2, 14).
Nous devons, nous autres qui sommes atteints par le fait de la naissance de Jésus, comprendre ce cri du Ciel.
Il faut que ce cri atteigne les confins de la terre, que tous les hommes l’entendent de manière nouvelle !

Un Fils nous a été donné.

Le Christ est né pour nous. Amen !

HOMMAGE DU PAPE À LA VIERGE SUR LA PLACE D’ESPAGNE – PRIÈRE DU PAPE JEAN-PAUL II

7 décembre, 2015

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HOMMAGE DU PAPE À LA VIERGE SUR LA PLACE D’ESPAGNE

PRIÈRE DU PAPE JEAN-PAUL II

Solennité de l’Immaculée Conception de la Bienheureuse Vierge Marie

Lundi 8 décembre 2003

1. Reine de la paix, prie pour nous!

En la fête de ton Immaculée Conception je reviens te vénérer, ô Marie, aux pieds de cette statue qui, de la Place d’Espagne, permet à ton regard maternel d’étendre la vue sur cette antique ville de Rome, qui m’est si chère.

Je suis venu ici, ce soir, pour te rendre l’hommage de ma dévotion sincère. C’est un geste à travers lequel s’unissent à moi, sur cette Place, d’innombrables Romains, dont l’affection m’a toujours accompagné au cours de toutes les années de mon service au Siège de Pierre. Je suis ici avec eux pour commencer le chemin vers le cent-cinquantième anniversaire du Dogme que nous célébrons aujourd’hui avec une joie filiale.

2. Reine de la paix, prie pour nous!

C’est vers Toi que se tourne notre regard avec la plus grande anxiété, à Toi que nous avons recours avec une confiance plus insistante en ces temps marqués par de nombreuses incertitudes et craintes pour le destin présent et à venir de notre planète.

Vers Toi, source de l’humanité rachetée par le Christ, finalement libérée de l’esclavage du mal et du péché, nous élevons ensemble une supplication pressante et confiante:  Écoute le cri de douleur des victimes des guerres et de tant de formes de violence, qui ensanglantent la terre. Dissipe les ténèbres de la tristesse et de la solitude, de la haine et de la vengeance. Ouvre l’esprit et le coeur de tous à la confiance et au pardon!

3. Reine de la paix, prie pour nous!

Mère de Miséricorde et d’espérance, obtiens pour les hommes et les femmes du troisième millénaire le don précieux de la paix:  la paix dans les coeurs et dans les familles, dans les communautés et entre les peuples; la paix en particulier pour ces nations où l’on continue chaque jour à se battre et à mourir.

Fais que chaque être humain, de toute race et de toute culture, rencontre et accueille Jésus, venu sur la Terre dans le mystère de Noël pour nous donner « sa » paix. Mère, Reine de la paix, donne-nous le Christ, véritable paix du monde!

HOMÉLIE DU PAPE JEAN PAUL II MESSE POUR LA JOURNÉE DU PARDON DE L’ANNÉE SAINTE 2000

7 décembre, 2015

http://w2.vatican.va/content/john-paul-ii/en/homilies/2000/documents/hf_jp-ii_hom_20000312_pardon.html  

HOMÉLIE DU PAPE JEAN PAUL II MESSE POUR LA JOURNÉE DU PARDON DE L’ANNÉE SAINTE 2000

Dimanche 12 mars 2000

1. « Nous vous en supplions au nom du Christ:  laissez-vous réconcilier avec Dieu. Celui qui n’avait pas connu le péché, Il l’a fait péché pour nous, afin qu’en lui nous devenions justice de Dieu » (2 Co 5, 20-21). Ce sont des paroles de saint Paul, que l’Eglise relit chaque année, le Mercredi des Cendres, au début du Carême. Au cours du Carême, l’Eglise désire s’unir de façon particulière au Christ, qui, mû intérieurement par l’Esprit Saint, entreprit sa mission messianique en se rendant dans le désert et là, jeûna pendant quarante jours et quarante nuits (cf. Mc 1, 12-13). Au terme de ce jeûne, il fut tenté par satan, comme le rapporte de façon synthétique, dans la liturgie d’aujourd’hui, l’évangéliste Marc (cf. 1, 13). Matthieu et Luc, au contraire, évoquent plus amplement ce combat du Christ dans le désert et de sa victoire définitive sur le tentateur:  « Retire-toi, Satan! Car il est écrit:  C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, et à Lui seul tu rendras un culte » (Mt 4, 10). Celui qui parle ainsi est Celui « qui n’avait pas connu le péché » (2 Co 5, 21), Jésus, « le Saint de Dieu » (Mc 1, 24). 2. « Celui qui n’avait pas connu le péché, Il [Dieu] l’a fait péché pour nous » (2 Co 5, 21). Il y a peu de temps, au cours de la seconde Lecture, nous avons écouté cette affirmation surprenante de l’Apôtre. Que signifient ces paroles? Elles semblent un paradoxe, et effectivement, elles le sont. Comment Dieu, qui est la sainteté même, a-t-il pu « faire péché » son Fils unique, envoyé dans le monde? Et pourtant, c’est précisément ce que nous lisons dans le passage de la seconde Epître de saint Paul aux Corinthiens. Nous nous trouvons face à un mystère:  mystère à première vue déconcertant, mais inscrit en lettres claires dans la Révélation divine. Déjà dans l’Ancien Testament, le Livre d’Isaïe en parle avec une prévoyance inspirée dans le quatrième chant du Serviteur de Yahvé:  « Tous, comme des moutons, nous étions errants, chacun suivant son propre chemin, et Yahvé a fait retomber sur lui nos fautes à nous » (Is 53, 6). Le Christ, le Saint, tout en étant absolument sans péché, accepte de prendre sur lui nos péchés. Il accepte pour nous racheter; il accepte d’assumer nos péchés, pour accomplir la mission reçue du Père, qui – comme l’écrit l’évangéliste Jean – « a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui [...] ait la vie éternelle » (Jn 3, 16). 3. Face au Christ qui, par amour, a assumé nos fautes, nous sommes tous invités à un profond examen de conscience. L’un des éléments caractéristiques du grand Jubilé réside dans ce que j’ai qualifié de « purification de la mémoire » (Bulle Incarnationis mysterium, n. 11). Comme Successeur de Pierre, j’ai demandé que « en cette année de miséricorde, l’Eglise, forte de la sainteté qu’elle reçoit de son Seigneur, s’agenouille devant Dieu et implore le pardon des péchés passés et présents de ses fils » (ibid.). Ce premier dimanche de Carême m’a semblé une occasion propice afin que l’Eglise, recueillie spirituellement autour du Successeur de Pierre, implore le pardon divin pour les fautes de tous les croyants. Pardonnons et demandons pardon! Cet appel a suscité dans la communauté ecclésiale une réflexion approfondie et utile, qui a conduit à la publication, ces jours derniers, d’un document de la Commission théologique internationale, intitulé:  « Mémoire et réconciliation:  l’Eglise et les fautes du passé ». Je remercie tous ceux qui ont contribué à l’élaboration de ce texte. Celui-ci est très   utile   pour   une   juste   compréhension et application de la véritable demande de pardon, fondée sur la responsabilité objective qui unit les chrétiens en tant que membres du Corps mystique, et qui pousse les fidèles d’aujourd’hui à reconnaître, avec les leurs, les fautes des chrétiens d’hier, à la lumière d’un discernement historique et théologique attentif. En effet, « en raison du lien qui, dans le Corps mystique, nous unit les uns aux autres, nous tous, bien que nous n’en ayons pas la responsabilité personnelle et sans nous substituer au jugement de Dieu qui seul connaît les coeurs, nous portons le poids des erreurs et des fautes de ceux qui nous ont précédés » (Incarnationis mysterium, n. 11). Reconnaître les déviations du passé sert à réveiller nos consciences face aux compromis du présent, ouvrant à chacun la voie de la conversion. 4. Pardonnons et demandons pardon! Tandis que nous rendons grâces à Dieu qui, dans son amour miséricordieux, a suscité dans l’Eglise une récolte merveilleuse de sainteté, d’ardeur missionnaire, de dévouement total au Christ et au prochain, nous ne pouvons manquer de reconnaître les infidélités à l’Evangile qu’ont commises certains de nos frères, en particulier au cours du second millénaire. Demandons pardon pour les divisions qui sont intervenues parmi les chrétiens, pour la violence à laquelle certains d’entre d’eux ont eu recours dans le service à la vérité, et pour les attitudes de méfiance et d’hostilité adoptées parfois à l’égard des fidèles des autres religions. Confessons, à plus forte raison, nos responsabilités de chrétiens pour les maux d’aujourd’hui. Face à l’athéisme, à l’indifférence religieuse, au sécularisme, au relativisme éthique, aux violations du droit à la vie, au manque d’intérêt pour la pauvreté de nombreux pays, nous ne pouvons manquer de nous  demander  quelles  sont  nos  responsabilités. Pour la part que chacun d’entre nous, à travers ses comportements, a eue dans ces maux, contribuant à défigurer le visage de l’Eglise, nous demandons humblement pardon. Dans le même temps, tandis que nous confessons nos fautes, nous pardonnons les fautes commises par les autres à notre égard. Au cours de l’histoire, en d’innombrables occasions, les chrétiens ont dû subir des vexations, des violences et des persécutions en raison de leur foi. L’Eglise d’aujourd’hui et de toujours se sent engagée à purifier la mémoire de ces tristes événements de tout sentiment de rancoeur ou de revanche. Le Jubilé devient ainsi pour tous une occasion propice pour une profonde conversion à l’Evangile. De l’accueil du pardon divin jaillit l’engagement au pardon des frères et à la réconciliation réciproque. 5. Mais que signifie pour nous le terme « réconciliation »? Pour en saisir le sens et la valeur exacte, il faut d’abord se rendre compte de la possibilité de la division, de la séparation. Oui, l’homme est la seule créature sur terre qui puisse établir une relation de communion  avec  son  Créateur,  mais elle est également l’unique à pouvoir s’en séparer. Malheureusement, l’homme s’est effectivement souvent éloigné de Dieu. Heureusement, de nombreuses personnes, comme le fils prodigue, dont parle l’Evangile de Luc (cf. Lc 15, 13), après avoir abandonné la maison paternelle et dilapidé l’héritage reçu, touchent le fond, se rendent compte de ce qu’ils ont perdu (cf. Lc 15, 13-17). Ils entreprennent alors la voie du retour:  « Je veux partir, aller vers mon père et lui dire:  Père, j’ai péché … » (Lc 15, 18). Dieu, bien représenté par le père de la parabole, accueille chaque fils prodigue qui retourne vers Lui. Il l’accueille à travers le Christ, dans lequel le pécheur peut redevenir « juste » de la justice de Dieu. Il l’accueille, parce qu’il a fait péché en notre faveur son Fils éternel. Oui, ce n’est qu’à travers le Christ que nous pouvons devenir justice de Dieu (cf. 2 Co 5, 21). 6. « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique ». Telle est, en synthèse, la signification du mystère de la rédemption du monde! Il faut se rendre compte jusqu’au bout de la valeur du grand don que le Père nous a fait en Jésus. Il faut que devant les yeux de notre âme se présente le Christ – le Christ du Gethsémani, le Christ flagellé, couronné d’épines, portant la Croix, et à la fin, crucifié. Le Christ a pris sur lui le poids des péchés de tous les hommes, le poids de nos péchés, afin que nous puissions, en vertu de son sacrifice salvifique, être réconciliés avec Dieu. Saul de Tarse, devenu saint Paul, se présente aujourd’hui devant nous comme témoin:  il a ressenti de façon singulière la puissance de la Croix sur la route de Damas. Le Ressuscité s’est manifesté à lui dans toute sa puissance aveuglante:  « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu?… Qui es-tu, Seigneur?… Je suis Jésus que tu persécutes » (Ac 9, 4-5). Paul, qui ressentit si fortement la puissance de la Croix du Christ, s’adresse aujourd’hui à nous à travers une fervente prière:  « Nous vous exhortons à ne pas recevoir en vain la grâce de Dieu ». Cette grâce nous est offerte, insiste saint Paul, par Dieu lui-même, qui nous dit aujourd’hui:  « Au moment favorable, je t’ai exaucé; au jour  du  salut,  je  t’ai  secouru »  (2 Co 6, 1-2). Que Marie, Mère du pardon, nous aide à accueillir la grâce du pardon que le Jubilé nous offre avec abondance. Qu’elle fasse que le Carême de cette extraordinaire Année Sainte soit pour tous les croyants et pour chaque homme qui recherche Dieu, le moment favorable, le temps de la réconciliation, le temps du salut!

JEAN PAUL II (2001) – PSAUME 117, 1-2.19-20.22.24).

30 novembre, 2015

http://w2.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/audiences/2001/documents/hf_jp-ii_aud_20011205.html

JEAN PAUL II (2001) – PSAUME 117, 1-2.19-20.22.24). (05 Dans mon angoisse j’ai crié vers le Seigneur, et lui m’a exaucé, mis au large)

http://www.aelf.org/bible-liturgie/Ps/Psaumes/chapitre/117

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 5 décembre 2001

Chant de joie et de victoire 

Lecture:  Ps 117, 1-2. 19-20.22.24

1. Lorsque le chrétien, en harmonie avec la voix en prière d’Israël, entonne le Psaume 117 que nous venons d’entendre retentir, il ressent une émotion particulière. En effet, il trouve dans cette hymne, qui possède une profonde empreinte liturgique, deux phrases qui retentissent au sein du Nouveau Testament avec une nouvelle intensité. La première est constituée par le verset 22:  « La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la tête de l’angle ». Cette phrase est citée par Jésus, qui l’applique à sa mission de mort et de gloire, après avoir raconté la parabole des vignerons homicides (cf. Mt 21, 42). La phrase est également rappelée par Pierre dans les Actes des Apôtres:  « C’est lui la pierre que vous, les bâtisseurs, avez dédaignée, et qui est devenue la pierre d’angle. Car il n’y a pas sous le ciel d’autre nom donné aux hommes, par lequel nous devions être sauvés » ( Ac 4, 11-12). Cyrille de Jérusalem commente:  « Nous disons qu’il n’y a qu’un seul Seigneur Jésus-Christ, afin que la filiation soit unique; nous disons un seul, afin que tu ne penses pas qu’il y en ait un autre… En effet, il est appelé pierre, une pierre qui n’est pas inanimée, ni taillée par des mains d’homme, mais pierre d’angle, car celui qui aura cru en elle ne sera pas déçu » ( Le Catechesi, Rome 1993, pp. 312-313). La seconde phrase que le Nouveau Testament tire du Psaume 117 est proclamée par la foule le jour de l’entrée messianique solennelle du Christ à Jérusalem:  « Béni celui qui vient au nom du Seigneur! » ( Mt 21, 9; cf. Ps 117, 26). L’acclamation est encadrée par un « Hosanna » qui reprend l’invocation juive hoshia’na’, « deh, sauve-nous! ». 2. Cette splendide hymne biblique appartient au petit groupe de Psaumes, allant du 112 au 117, appelé le « Hallel pascal », c’est-à-dire la louange psalmique utilisée par le culte juif pour la Pâque juive et également pour les principales solennités de l’année liturgique. Le rite de procession scandé par les chants alternés du soliste et du choeur, avec en arrière-plan la ville sainte et son temple, peut être considéré comme le fil conducteur du psaume 117. Une belle antienne ouvre et conclut le texte:  « Rendez grâce à Yahvé, car il est bon, car éternel est son amour! » (vv. 1.29). La parole « amour » traduit la parole juive hesed, qui désigne la fidélité généreuse de Dieu à l’égard de son peuple allié et ami. Trois catégories de personnes chantent cette fidélité:  Israël en entier, la « maison d’Aaron », c’est-à-dire les prêtres, et ceux « qui craignent Yahvé », une locution qui indique les fidèles et également par la suite les prosélytes, c’est-à-dire les membres des autres nations souhaitant adhérer à la loi du Seigneur (cf. vv. 2-4). 3. La procession semble se dérouler dans les rues de Jérusalem, car l’on parle des « tentes des justes » (cf. v. 15). Une hymne d’action de grâce s’élève cependant (cf. vv. 5-18), dont le message est essentiel:  même lorsqu’on éprouve de l’angoisse, il faut maintenir vive la flamme de la confiance, car la main puissante du Seigneur conduit son fidèle à la victoire sur le mal et au salut. Le poète sacré utilise des images fortes et vivantes:  les adversaires cruels sont comparés à un essaim d’abeilles ou à un front de flammes qui avance en réduisant tout en cendres (cf. v. 12). Mais la réaction du juste, soutenu par le Seigneur, est véhémente; à trois reprises, il répète:  « Au nom de Yahvé, je les sabre » et le verbe hébreu souligne une intervention destructrice à l’égard du mal (cf. vv. 10.11.12). En effet, à la base se trouve la main droite puissante de Dieu, c’est-à-dire son oeuvre efficace, et certainement pas la main faible et hésitante de l’homme. C’est pour cette raison que la joie pour la victoire sur le mal débouche sur une profession de foi très suggestive:  « Ma force et mon chant, c’est Yahvé, il fut pour moi le salut » (v. 14). 4. La procession semble être parvenue au temple, aux « portes de justice » (v. 19), c’est-à-dire à la porte sainte de Sion. C’est là qu’est entonné un deuxième chant d’action de grâce, qui s’ouvre par un dialogue entre l’assemblée et les prêtres pour être admis au culte. « Ouvrez-moi les portes de justice, j’entrerai, je rendrai grâce à Yahvé! », dit le soliste au nom de l’assemblée en procession. « C’est ici la porte de Yahvé, les justes entreront » (v. 20), répondent d’autres personnes, probablement les prêtres. Une fois entré, on peut commencer à entonner l’hymne de gratitude au Seigneur, qui, dans le temple, s’offre comme une « pierre » stable et sûre sur laquelle édifier la maison de la vie (cf. Mt 7, 24-25). Une bénédiction sacerdotale descend sur les fidèles, qui sont entrés dans le temple pour exprimer leur foi,  élever  leur  prière  et  célébrer le culte. 5. La dernière scène qui s’ouvre à nos yeux  est  constituée  par  un rite joyeux de danses sacrées, accompagnées par des rameaux qui sont agités en signe de fête:  « Serrez vos cortèges, rameaux en main, jusqu’aux cornes de l’autel » (v. 27). La liturgie est joie, rencontre de fête, l’expression de toute l’existence qui loue le Seigneur. Le rite des rameaux fait penser à la fête juive des Tentes, en mémoire du pèlerinage d’Israël dans le désert, solennité au cours de laquelle une procession était accomplie avec des rameaux de palmiers, de myrtes et de saules. Ce rite évoqué par le Psaume est reproposé au chrétien à l’entrée de Jésus à Jérusalem, qui est célébrée lors de la liturgie du Dimanche des Rameaux. Le Christ est honoré comme le « fils de David » (cf. Mt 21, 9) par la foule qui, « venue pour la fête…. prit les rameaux des palmiers et sortit à sa rencontre en s’écriant:  Hosanna! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur et le roi d’Israël! » (cf. Jn 12, 12-13). Au cours de cette célébration de fête, qui prélude cependant à l’heure de la passion et de la mort de Jésus, se réalise également et acquiert sa pleine signification le symbole de la pierre d’angle, proposé à l’ouverture,  et  qui  revêt  une valeur joyeuse et pascale. Le Psaume 117 encourage les chrétiens à reconnaître dans l’événement pascal de Jésus « le jour que fit Yahvé », où « la pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la tête d’angle ». Remplis de gratitude, ils peuvent donc chanter avec le Psaume:  « Ma force et mon chant c’est Yahvé, il fut pour moi le salut » (v. 14); « Voici le jour que fit Yahvé, pour  nous  allégresse  et joie » (v. 24).

NE TE LAISSE PAS VAINCRE PAR LE MAL MAIS SOIS VAINQUEUR DU MAL PAR LE BIEN – JEAN-PAUL II JOURNÉE MONDIALE DE LA PAIX 2005

25 novembre, 2015

http://w2.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/messages/peace/documents/hf_jp-ii_mes_20041216_xxxviii-world-day-for-peace.html

MESSAGE DE SA SAINTETÉ JEAN-PAUL II POUR LA CÉLÉBRATION DE LA JOURNÉE MONDIALE DE LA PAIX

1er janvier 2005

NE TE LAISSE PAS VAINCRE PAR LE MAL MAIS SOIS VAINQUEUR DU MAL PAR LE BIEN

1. Au début de la nouvelle année, je viens m’adresser de nouveau aux responsables des Nations et à tous les hommes et à toutes les femmes de bonne volonté, qui perçoivent combien il est nécessaire de construire la paix dans le monde. J’ai choisi comme thème pour la Journée mondiale de la Paix 2005 l’exhortation de saint Paul dans la Lettre aux Romains : « Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien » (12,21). Le mal ne se vainc pas par le mal : si l’on prend ce chemin, au lieu de vaincre le mal, on se fait vaincre par lui. La perspective définie par le grand Apôtre met en évidence une vérité fondamentale : la paix est le résultat d’une longue et exigeante bataille, qui est gagnée quand le mal est vaincu par le bien. Face aux scénarios dramatiques d’affrontements fratricides et violents qui se déroulent en plusieurs parties du monde, face aux souffrances indicibles et aux injustices qui en résultent, le seul choix vraiment constructif est de fuir le mal avec horreur et de s’attacher au bien (cf.Rm 12,9), comme le suggère encore saint Paul. La paix est un bien à promouvoir par le bien : elle est un bien pour les personnes, pour les familles, pour les Nations de la terre et pour l’humanité entière ; elle est donc un bien à garder et à entretenir par le choix du bien et par des actions bonnes. On comprend alors la profonde vérité d’une autre maxime de saint Paul : « Ne rendez à personne le mal pour le mal » (Rm 12,17). La seule manière de sortir du cercle vicieux du mal pour le mal, c’est d’accueillir la parole de l’Apôtre : « Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien » (Rm 12,21).

Le mal, le bien et l’amour 2. Depuis les origines, l’humanité a connu la tragique expérience du mal, et elle a cherché à en trouver les racines et à en expliquer les causes. Le mal n’est pas une force anonyme qui agit dans le monde en vertu de mécanismes déterministes et impersonnels. Le mal passe par la liberté humaine. C’est justement cette faculté, qui distingue l’homme de tous les autres êtres vivants sur terre, qui est au centre du drame du mal et qui lui est constamment liée. Le mal a toujours un visage et un nom : le visage et le nom des hommes et des femmes qui le choisissent librement. L’Écriture sainte enseigne que, aux commencements de l’histoire, Adam et Ève se révoltèrent contre Dieu et qu’Abel fut tué par son frère Caïn (cf. Gn 3-4). Ce furent les premiers choix erronés, suivis d’innombrables autres au cours des siècles. Chacun d’eux porte en lui une connotation morale essentielle, qui implique une responsabilité précise de la part du sujet et qui met en cause les relations fondamentales de la personne avec Dieu, avec les autres et avec la création. Si l’on en cherche les composantes profondes, le mal est, en définitive, un renoncement tragique aux exigences de l’amour(1). À l’inverse, le bien moral naît de l’amour, il se manifeste comme amour et il est tourné vers l’amour. Ce propos est particulièrement clair pour le chrétien, qui sait que la participation à l’unique Corps mystique du Christ le situe dans un rapport particulier non seulement avec le Seigneur, mais aussi avec ses frères. Si l’on en tire toutes les conséquences, la logique de l’amour chrétien, qui dans l’Évangile constitue le cœur en action du bien moral, va jusqu’à l’amour des ennemis : « Si ton ennemi a faim, donne-lui à manger : s’il a soif, donne-lui à boire » (Rm 12,20). La « grammaire » de la loi morale universelle 3. Regardant la situation actuelle du monde, on ne peut que constater un déferlement impressionnant de multiples manifestations sociales et politiques du mal: du désordre social à l’anarchie et à la guerre, de l’injustice à la violence contre autrui et à sa suppression. Pour trouver son chemin entre les appels opposés du bien et du mal, il est nécessaire et urgent pour la famille humaine de mettre à profit le patrimoine commun des valeurs morales, reçu comme un don de Dieu lui-même. C’est pourquoi, à ceux qui sont déterminés à vaincre le mal par le bien, saint Paul adresse l’invitation à entretenir les attitudes nobles et désintéressées de la générosité et de la paix (cf. Rm 12,17-21). Il y a dix ans, en parlant devant l’Assemblée générale des Nations unies de l’engagement commun au service de la paix, j’avais fait référence à la « grammaire » de la loi morale universelle(2), rappelée par l’Église dans ses multiples enseignements sur ce sujet. Inspirant des valeurs et des principes communs, cette loi unit les hommes entre eux, même dans la diversité de leurs cultures, et elle est immuable : « Elle subsiste sous le flux des idées et des mœurs et en soutient le progrès. Même si l’on renie jusqu’à ses principes, on ne peut pas la détruire ni l’enlever du cœur de l’homme. Toujours elle resurgit dans la vie des individus et des sociétés »(3). 4. Cette grammaire commune de la loi morale nous impose de nous engager toujours et de manière responsable pour faire en sorte que la vie des personnes et des peuples soit respectée et promue. À sa lumière, on ne peut que stigmatiser avec vigueur les maux de caractère social et politique qui affligent le monde, surtout ceux qui sont provoqués par les explosions de la violence. Dans ce contexte, comment ne pas penser au cher Continent africain, où perdurent des conflits qui ont fait et qui continuent de faire des millions de victimes ? Comment ne pas évoquer la dangereuse situation de la Palestine, la Terre de Jésus, où l’on ne parvient pas à renouer, dans la vérité et la justice, les fils de la compréhension mutuelle, cassés par un conflit nourri chaque jour de manière plus préoccupante par des attentats et des vengeances ? Et que dire du phénomène tragique de la violence terroriste, qui semble pousser le monde entier vers un avenir de peur et d’angoisse ? Enfin, comment ne pas constater avec amertume que le drame irakien se prolonge malheureusement dans des situations d’incertitude et d’insécurité pour tous ? Afin de parvenir au bien de la paix, il faut affirmer, avec une conscience lucide, que la violence est un mal inacceptable et qu’elle ne résout jamais les problèmes. « La violence est un mensonge, car elle va à l’encontre de la vérité de notre foi, de la vérité de notre humanité. La violence détruit ce qu’elle prétend défendre : la dignité, la vie, la liberté des êtres humains »(4). Il est donc indispensable de promouvoir une grande opération d’éducation des consciences, qui enseigne le bien à tous, surtout aux nouvelles générations, leur ouvrant l’horizon de l’humanisme intégral et solidaire, que l’Église indique et souhaite. Sur ces bases, il est possible de donner vie à un ordre social, économique et politique qui tienne compte de la dignité, de la liberté et des droits fondamentaux de toute personne.

Le bien de la paix et le bien commun 5. Pour promouvoir la paix, en étant vainqueur du mal par le bien, il faut s’attacher avec une particulière attention au bien commun(5) et à ses manifestations sociales et politiques. En effet, lorsque, à tous les niveaux, on cultive le bien commun, on cultive la paix. La personne peut-elle donc se réaliser pleinement en faisant abstraction de sa nature sociale, c’est-à-dire de son être « avec » et « pour » les autres ? Le bien commun la concerne de près. Toutes les formes d’expression de la vie humaine en société la concernent: la famille, les groupes, les associations, les villes, les régions, les États, les communautés de peuples et de Nations. Tous, en quelque sorte, sont impliqués dans l’engagement pour le bien commun, dans la recherche constante du bien d’autrui comme s’il était le sien. Cette responsabilité revient en particulier à l’autorité politique, à tous les niveaux de son exercice, parce qu’elle est appelée à créer un ensemble de conditions sociales qui permettent et favorisent pour tout être humain le développement intégral de sa personnalité(6). Le bien commun exige donc le respect et la promotion de la personne et de ses droits fondamentaux, de même que, dans une perspective universelle, le respect et la promotion des droits des Nations. Le Concile Vatican II déclare à ce sujet : « De l’interdépendance toujours plus étroite qui peu à peu s’étend au monde entier il résulte que le bien commun [...] prend aujourd’hui une dimension de plus en plus universelle et que, par conséquent, il comporte des droits et des devoirs qui regardent tout le genre humain. Tout groupe doit donc tenir compte des besoins et des légitimes aspirations des autres groupes, bien mieux, du bien commun de toute la famille humaine »(7). Le bien de l’humanité entière, et cela vaut également pour les générations futures, requiert une vraie coopération internationale, à laquelle chaque Nation doit apporter son concours(8). Toutefois, des visions résolument réductrices de la réalité humaine transforment le bien commun en un simple bien-être socio-économique, privé de toute finalité transcendante, et le dépouillent de sa plus profonde raison d’être. Le bien commun, au contraire, revêt aussi une dimension transcendante, parce que Dieu est la fin ultime de ses créatures(9). De plus, les chrétiens savent que Jésus a mis en pleine lumière la réalisation du vrai bien commun de l’humanité. Cette dernière est en marche vers le Christ et c’est en Lui que culmine l’histoire: grâce à Lui, par Lui et pour Lui, toute réalité humaine peut être conduite à son plein accomplissement en Dieu. Le bien de la paix et l’usage des biens de la terre 6. Puisque le bien de la paix est étroitement lié au développement de tous les peuples, il est nécessaire de tenir compte des implications éthiques de l’usage des biens de la terre. Le Concile Vatican II a opportunément rappelé que « Dieu a destiné la terre et tout ce qu’elle contient à l’usage de tous les hommes et de tous les peuples, en sorte que les biens créés doivent être mis en abondance à la disposition de tous, de façon équitable, sous la conduite de la justice, dont la charité est la compagne »(10). L’appartenance à la famille humaine confère à toute personne une sorte de citoyenneté mondiale, lui donnant des droits et des devoirs, les hommes étant unis par une communauté d’origine et de destinée suprême. Il suffit qu’un enfant soit conçu pour qu’il soit titulaire de droits, qu’il mérite attention et soins, et que chacun ait le devoir d’y veiller. La condamnation du racisme, la protection des minorités, l’assistance aux réfugiés, la mobilisation de la solidarité internationale envers les plus nécessiteux, ne sont que des applications cohérentes du principe de la citoyenneté mondiale. 7. De nos jours, le bien de la paix doit être envisagé en étroite relation avec les nouveaux biens provenant de la connaissance scientifique et du progrès technique. Et ceux-ci, en application du principe de la destination universelle des biens de la terre, doivent être mis au service des besoins primordiaux de l’homme. Des initiatives opportunes au niveau international peuvent permettre de mettre pleinement en œuvre le principe de la destination universelle des biens, garantissant à tous —individus et nations— les conditions fondamentales pour participer au développement. Cela devient possible si l’on abat les barrières et les monopoles qui maintiennent de nombreux peuples en marge du développement(11). Le bien de la paix sera mieux garanti si la communauté internationale prend soin, avec un plus grand sens de sa responsabilité, des biens que l’on reconnaît communément comme des biens publics. Il s’agit des biens dont jouissent automatiquement tous les citoyens, sans avoir opéré de choix précis en la matière. C’est par exemple le cas, au niveau national, pour des biens tels que le système judiciaire, le système de défense, le réseau autoroutier ou ferroviaire. Dans le monde, totalement pris aujourd’hui par le phénomène de la mondialisation, les biens publics sont toujours plus nombreux à revêtir un caractère global et, par conséquent, ils augmentent aussi de jour en jour les intérêts communs. Qu’il suffise de penser à la lutte contre la pauvreté, à la recherche de la paix et de la sécurité, à la préoccupation concernant les changements climatiques, au contrôle de la diffusion des maladies. La communauté internationale doit répondre à de tels intérêts par un réseau toujours plus élargi d’accords juridiques, capable de réglementer la jouissance des biens publics, s’inspirant des principes universels de l’équité et de la solidarité. 8. Le principe de la destination universelle des biens permet, en outre, d’affronter de manière appropriée le défi de la pauvreté, tenant compte par-dessus tout des conditions de misère dans lesquelles vivent encore un milliard d’êtres humains. Au début du nouveau millénaire, la communauté internationale s’est fixée comme objectif prioritaire de diviser ce nombre par deux avant 2015. L’Église soutient et encourage un tel engagement, et elle invite ceux qui croient au Christ à manifester, de manière concrète et en tout lieu, un amour préférentiel pour les pauvres(12). Le drame de la pauvreté apparaît encore étroitement lié à la question de la dette extérieure des pays pauvres. En dépit des progrès significatifs jusqu’alors accomplis, la question n’a toujours pas trouvé de solution appropriée. Quinze années se sont écoulées depuis que j’ai rappelé l’attention de l’opinion publique sur le fait que la dette extérieure des pays pauvres était « intimement liée à un ensemble d’autres problèmes, parmi lesquels l’investissement étranger, le fonctionnement équitable des plus grandes organisations internationales, le prix des matières premières, etc. »(13). Les récents mécanismes pour la réduction des dettes, davantage centrés sur les exigences des pauvres, ont sans aucun doute amélioré la qualité de la croissance économique. Cependant, en raison d’une série de facteurs, cette dernière se révèle quantitativement encore insuffisante, en particulier en vue de rejoindre les objectifs établis au début du millénaire. Les pays pauvres restent prisonniers d’un cercle vicieux : les bas revenus et la croissance lente limitent l’épargne, et, de ce fait, la faiblesse des investissements et l’emploi inefficace de l’épargne ne favorisent pas la croissance. 9. Comme l’a affirmé le Pape Paul VI et comme je l’ai moi-même rappelé, l’unique remède vraiment efficace pour permettre aux États d’affronter la dramatique question de la pauvreté est de leur fournir les ressources nécessaires, moyennant des financements extérieurs —publics et privés— consentis à des conditions accessibles, dans le cadre de rapports commerciaux internationaux basés sur le principe de l’équité(14). Une mobilisation morale et économique est rendue particulièrement nécessaire, mobilisation d’une part respectueuse des accords pris en faveur des pays pauvres, mais d’autre part disposée à revoir les accords que l’expérience aurait fait apparaître trop onéreux pour certains pays. Dans cette perspective, il paraît souhaitable et nécessaire de donner un nouvel élan à l’aide publique au développement, et d’explorer, malgré les difficultés que ce parcours peut présenter, les propositions de nouvelles formes de financement au développement(15). Certains gouvernements sont déjà sur le point d’évaluer attentivement les mécanismes prometteurs allant dans cette direction, initiatives significatives à promouvoir de manière authentiquement concertée et dans le respect du principe de subsidiarité. Il faut contrôler que la gestion des ressources économiques destinées au développement des pays pauvres répond aux critères rigoureux d’une bonne administration, tant de la part des donateurs que des destinataires. L’Église encourage et apporte son soutien à ces efforts. Qu’il suffise de citer, par exemple, la précieuse contribution effectuée grâce aux nombreuses agences catholiques d’aide et de développement. 10. À la fin du Grand Jubilé de l’An 2000, dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, j’ai évoqué l’urgence d’une nouvelle imagination de la charité(16) pour répandre dans le monde l’Évangile de l’espérance. Cela est particulièrement vrai lorsque nous nous approchons des nombreux et délicats problèmes qui entravent le développement du continent africain : pensons aux nombreux conflits armés, aux pandémies rendues plus dangereuses par les conditions de misère, à l’instabilité politique à laquelle est associée une insécurité sociale diffuse. Ce sont des réalités tragiques qui réclament un chemin radicalement nouveau pour l’Afrique : il est nécessaire de faire naître de nouvelles formes de solidarité, au niveau bilatéral et multilatéral, avec un engagement plus déterminé de tous, dans la pleine conscience que le bien des peuples africains représente une condition indispensable pour la réalisation du bien commun universel. Puissent les peuples africains devenir les protagonistes de leur destinée et de leur développement culturel, civil, social et économique ! Que l’Afrique cesse d’être seulement objet d’assistance, pour devenir sujet responsable d’échanges convaincus et productifs! Pour atteindre de tels objectifs, une nouvelle culture politique est rendue nécessaire, spécialement dans le domaine de la coopération internationale. Encore une fois, je voudrais rappeler que le non-respect des promesses réitérées concernant l’aide publique au développement, ainsi que la question encore pendante du poids de la dette internationale des pays africains et l’absence d’une considération particulière de ces pays dans les rapports commerciaux internationaux, constituent de graves obstacles à la paix; ces questions doivent donc être affrontées et résolues de manière urgente. Pour parvenir à la paix dans le monde, aujourd’hui plus que jamais, il faut considérer comme déterminante et décisive la conscience de l’interdépendance entre pays riches et pays pauvres, pour lesquels « ou bien le développement devient commun à toutes les parties du monde, ou bien il subit un processus de régression même dans les régions marquées par un progrès constant »(17). Universalité du mal et espérance chrétienne 11. Face aux nombreux drames qui affligent le monde, les chrétiens confessent avec une humble confiance que seul Dieu rend l’homme et les peuples capables de dépasser le mal pour parvenir au bien. Par sa mort et sa résurrection, le Christ nous a obtenu la Rédemption et il a « payé le prix de notre rachat » (1 Co 6,20; 7,23), obtenant le salut pour la multitude. Avec son aide, il est donc possible à tous de vaincre le mal par le bien. S’appuyant sur la certitude que le mal ne prévaudra pas, le chrétien nourrit une invincible espérance, qui le soutient dans la promotion de la justice et de la paix. Malgré les péchés personnels et sociaux qui marquent l’agir humain, l’espérance permet un élan sans cesse renouvelé de l’engagement pour la justice et pour la paix, avec une ferme confiance dans la possibilité de bâtir un monde meilleur. Même si le « mystère de l’impiété » est présent et est à l’œuvre dans le monde (cf. 2 Th 2,7), il ne faut pas oublier que l’homme racheté a en lui suffisamment d’énergies pour s’y opposer. Créé à l’image de Dieu et racheté par le Christ qui « s’est en quelque sorte uni à tout homme »(18), ce dernier peut coopérer activement au triomphe du bien. L’action de « l’Esprit du Seigneur remplit le monde » (Sg 1,7). Que les chrétiens, spécialement les laïcs, « ne cachent pas cette espérance au fond d’eux-mêmes, mais que, par une continuelle conversion et par la lutte ‘‘contre les maîtres de ce monde de ténèbres, contre les esprits du mal » (Ep 6,12), ils l’expriment aussi à travers les structures de la vie séculière »(19). 12. Aucun homme ni aucune femme de bonne volonté ne peut se soustraire à l’engagement de lutter pour vaincre le mal par le bien. C’est un combat qui ne se mène valablement qu’avec les armes de l’amour. Quand le bien l’emporte sur le mal, l’amour règne; et, où règne l’amour, règne aussi la paix. Tel est l’enseignement de l’Évangile, rappelé par le Concile Vatican II : « La loi fondamentale de la perfection humaine, et par conséquent de la transformation du monde, est le commandement nouveau de la charité »(20). Cela est vrai aussi dans le domaine social et politique. À ce propos, le Pape Léon XIII écrivait que tous ceux qui ont le devoir de pourvoir au bien de la paix dans les relations entre les peuples doivent nourrir en eux et allumer chez les autres « la charité, reine et maîtresse de toutes les vertus ».(21) Que les chrétiens soient les témoins convaincus de cette vérité ! Qu’ils sachent manifester par leur vie que l’amour est l’unique force capable de conduire à la perfection personnelle et sociale, l’unique dynamisme en mesure de faire avancer l’histoire vers le bien et vers la paix ! En cette année consacrée à l’Eucharistie, les fils de l’Église trouveront dans le Saint-Sacrement de l’amour la source de toute communion: de la communion avec Jésus Rédempteur et, en lui, avec tout être humain. C’est en vertu de la mort et de la résurrection du Christ, rendues sacramentellement présentes en toute célébration eucharistique, que nous sommes sauvés du mal et rendus capables de faire le bien. C’est en vertu de la vie nouvelle dont il nous a fait le don, que nous pouvons nous reconnaître frères, au-delà de toute différence de langue, de nationalité, de culture. En un mot, c’est en vertu de la participation au même Pain et à la même Coupe que nous pouvons nous reconnaître « famille de Dieu » et apporter ensemble une contribution spécifique et efficace à l’édification d’un monde fondé sur les valeurs de la justice, de la liberté et de la paix.

Du Vatican, le 8 décembre 2004.

JEAN-PAUL II

LA FORCE : 3° VERTU CARDINALE (JEAN PAUL II)

17 novembre, 2015

http://www.mariedenazareth.com/qui-est-marie/la-force-3deg-vertu-cardinale-jean-paul-ii

LA FORCE : 3° VERTU CARDINALE (JEAN PAUL II)

La vertu de force se manifeste de mille manières La Force : La force, va de pair avec le sacrifice. Pour nous, qu’est-ce qu’un homme fort, un homme courageux ? On pense toute de suite au soldat qui défend sa patrie, qui, pendant la guerre, met en péril sa santé et même en temps de paix. C’est pourquoi nous avons beaucoup d’estime pour les personnes qui se distinguent par ce que l’on appelle le Courage civique. Fait preuve de courage qui risque sa vie pour sauver quelqu’un qui va se noyer, qui offre son aide lors de calamités naturelles – incendies, inondations, etc. Le courage, une vertu que possédait à coup sûr saint Charles, mon patron, qui exerçait son ministère pastoral parmi les habitants de Milan frappés par la peste. Mais nous pensons aussi avec admiration aux alpinistes qui gravissent les sommets de l’Everest ou aux cosmonautes, en particulier ceux qui ont posé pour la première fois le pied sur la lune. Vous le voyez, la vertu de force se manifeste de mille manières. Certaines sont très connues, ont une certaine renommée. D’autres le sont moins, bien que souvent elles requièrent une force encore plus grande. Des exemples dont on parle peu La force , nous l’avons dit est une vertu, une vertu cardinale. Permettez-moi d’attirer votre attention sur des exemples dont on parle peu mais qui témoignent une grande vertu, héroïque parfois. Je pense par exemple, à cette femme, mûre de famille nombreuse à qui on conseille de supprimer une nouvelle vie conçue en son sein et de se soumettre à une intervention pour interrompre sa maternité. Cette femme répond fermement non, consciente des difficultés que comporte ce non, des difficultés pour elle, pour son mari, pour toute sa famille. Cependant, elle répond non. La nouvelle vie qu’elle porte dans son sein a une valeur trop grande, trop sacrée pour qu’elle puisse céder à toutes les pressions. Encore un exemple : un homme à qui on promet la liberté et une carrière facile à condition qu’il renie ses principes ou approuve quelque chose qui met en cause son honnêteté à l’égard des autres, cet homme aussi répond non, faisant fi des attraits et des menaces. Voilà un homme courageux. Ils sont nombreux, très nombreux, les actes de courage, parfois héroïques, dont les journaux ne parlent pas et dont on ne sait presque rien. Seule la conscience de l’homme les connaît… Et Dieu le sait ! Je veux rendre hommage à tous ces courageux inconnus. A tous ceux qui ont le courage de dire non ou oui lorsqu’il leur en coûte. Aux hommes qui font preuve de dignité et d’une grande humanité. C’est bien parce qu’ils sont inconnus qu’ils méritent un hommage et une reconnaissance spéciale. – Selon la doctrine de saint Thomas, possède la vertu de force celui qui est prêt à agredi pericula, c’est-à-dire à affronter les adversités pour une juste cause, pour la vérité, pour la justice, etc. Surmonter la faiblesse humaine et surtout la peur Posséder la vertu de courage, c’est surmonter la faiblesse humaine et surtout la peur. L’homme, de par sa nature, est porté à craindre le danger, les malheurs, la souffrance. Il faut donc chercher les hommes courageux non seulement sur les champs de bataille, mais aussi dans les hôpitaux et partout ou l’on souffre. On rencontrait de tels hommes dans les camps de concentration, dans les centres de déportation. C’étaient de véritables héros. Parfois la peur ôte le courage civique aux hommes qui vivent dans un climat de menace, d’oppression ou de persécution. Quelle n’est alors la force et la valeur de ces hommes capables de franchir la barrière de la peur pour rendre témoignage à la vérité et à la justice. Pour atteindre une telle force, l’homme doit en quelque sorte aller au-delà de ses propres limites et se dépasser lui-même en courant le risque de l’inconnu, le risque d’être mal vu, le risque de s’exposer à des situations désagréables, de supporter les injures, les dégradations, les pertes matérielles, et même d’endurer la prison ou les persécutions. Pour atteindre une telle force, l’homme doit être soutenu par un grand amour de la vérité et du bien auquel il se consacre. La vertu de force va de pair avec le sacrifice La vertu de force va de pair avec le sacrifice. Cette vertu avait déjà chez les anciens une valeur bien définie. Avec le Christ, elle a acquis une valeur évangélique, chrétienne. L’Evangile s’adresse aux faibles, aux pauvres, aux doux et aux humbles, aux artisans de paix, aux miséricordieux, et il est en même temps un incessant appel à la force. Il dit souvent : N’ayez pas peur (Mt 14,27). Il enseigne à l’homme qu’il faut savoir donner sa vie (Jn 15,13) pour une juste cause, pour la vérité, pour la justice. Nous avons besoin de force pour être des hommes. En effet, l’homme n’est vraiment prudent que s’il possède la vertu de force. Prions pour ce don du Saint-Esprit, le don de la force. Lorsque l’homme n’a pas la force de se dépasser lui-même, en vue d’atteindre des valeurs supérieures comme la vérité, la justice, la vocation, la fidélité conjugale, il faut que ce don d’en-haut fasse de chacun de nous un homme fort et nous murmure au bon moment Courage ! Jean-Paul II audience du 15 novembre 1978

JEAN-PAUL II – PS 29, 2-3.9.11-13 – ACTION DE GRÂCE POUR LA LIBÉRATION DE LA MORT

2 novembre, 2015

http://w2.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/audiences/2004/documents/hf_jp-ii_aud_20040512.html

JEAN-PAUL II

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 12 mai 2004

ACTION DE GRÂCE POUR LA LIBÉRATION DE LA MORT

LECTURE:  PS 29, 2-3.9.11-13

1. Une intense et douce action de grâce s’élève vers Dieu du coeur de l’orant, une fois dissipé en lui le cauchemar de la mort. Tel est le sentiment qui ressort avec force du Psaume 29, qui vient de retentir non seulement à nos oreilles, mais sans aucun doute également dans nos coeurs. Cet hymne de gratitude possède une grande finesse littéraire et repose sur une série de contrastes qui expriment de façon symbolique la libération obtenue du Seigneur. Ainsi, à la phrase « tu as tiré mon âme du shéol » s’oppose « me ranimant d’entre ceux qui descendent à la fosse » (v. 4); la « colère d’un instant », manifestée par Dieu, est suivie de « sa faveur pour la vie » (v. 6); aux « pleurs » du soir suit la « joie » du matin (ibid.); la « danse » succède au « deuil », le vêtement d’ »allégresse » au « sac » revêtu en signe de deuil (v. 12). Une fois passée la nuit de la mort, naît donc l’aube d’un jour nouveau. C’est pourquoi la tradition chrétienne a lu ce Psaume comme un chant pascal. C’est ce qu’atteste la citation d’ouverture, que l’édition du texte liturgique des Vêpres reprend d’un grand auteur monastique du IV siècle, Jean Cassien:  « Le Christ rend grâce au Père pour sa résurrection glorieuse ». 2. L’orant s’adresse à plusieurs reprises au « Seigneur » – pas moins de huit fois -, que ce soit pour annoncer qu’il le louera (cf. vv. 2 et 13), ou pour rappeler le cri lancé vers Lui au moment de l’épreuve (cf. vv. 3 et 9) et son intervention libératrice (cf. vv. 2.3.4.8.12), ou encore pour invoquer à nouveau sa miséricorde (cf. v. 11). Dans un autre passage, l’orant invite les fidèles à chanter des hymnes au Seigneur pour Lui rendre grâce (cf. v. 5). Les sensations oscillent constamment entre le souvenir terrible du cauchemar traversé et la joie de la libération. Certes, le danger auquel il a échappé est grave et réussit encore à faire frissonner; le souvenir de la souffrance passée est encore net et vif; les larmes n’ont été séchées des yeux que depuis peu. Mais désormais pointe l’aube d’un jour nouveau; la mort a laissé place à la perspective de la vie qui continue. 3. Le Psaume démontre ainsi que nous ne devons jamais nous laisser entraîner dans l’enchevêtrement obscur du désespoir, lorsqu’il semble que tout est désormais perdu. Bien sûr, il ne faut pas non plus tomber dans l’illusion que l’on peut se sauver tout seul, par ses propres moyens. En effet, le Psalmiste est tenté par l’orgueil et l’idée de se suffire à lui-même:  « Moi, j’ai dit dans mon bonheur:  Rien à jamais ne m’ébranlera! » (v. 7). Les Pères de l’Eglise se sont eux aussi arrêtés sur cette tentation qui s’insinue dans les moments de bien-être, et ils ont vu dans l’épreuve un rappel divin à l’humilité. C’est par exemple le cas de Fulgence, Evêque de Ruspe (467-532), dans son Epistola 3, adressée à la religieuse Proba, où il commente le passage du Psaume par ces mots:  « Le Psalmiste confessait que parfois il s’enorgueillissait d’être sain, comme s’il s’agissait d’une de ses vertus, et qu’en cela il avait compris que se trouvait le danger d’une très grave maladie. Il dit en effet:  … »Moi,  j’ ai dit dans mon bonheur:  Rien à jamais ne m’ébranlera! ». Mais puisqu’en disant cela, il avait été abandonné par le soutien de la grâce divine et, troublé, était tombé dans la maladie, il poursuit en disant:  « Yahvé, ta faveur m’a fixé sur de fortes montagnes; tu caches ta face, je suis bouleversé ». En outre, pour montrer que l’aide de la grâce divine, bien qu’on la possède déjà, doit toutefois être invoquée humblement sans interruption,  il  ajoute encore:  « Vers toi, Yahvé, j’appelle, à mon Dieu je demande pitié ». Par ailleurs, personne n’élève sa prière et n’avance des requêtes sans reconnaître avoir commis des fautes, et personne ne considère pouvoir conserver ce qu’il possède en ne comptant que sur sa propre vertu » (Fulgence de Ruspe, Les lettres, Rome 1999, p. 113). 4. Après avoir confessé la tentation de l’orgueil qu’il a éprouvée au temps de sa prospérité, le Psalmiste rappelle l’épreuve qui a suivi, en disant au Seigneur:  « Tu caches ta face, je suis bouleversé » (v. 8). L’orant rappelle alors de quelle manière il a imploré le Seigneur (cf. vv. 9-11):  il a crié, demandé de l’aide, supplié d’être préservé de la mort, en donnant comme raison que la mort n’apporte aucun avantage à Dieu, car les morts ne sont plus en mesure de louer Dieu et n’ont plus aucun motif de proclamer la fidélité à Dieu, ayant été abandonnés par lui. Nous retrouvons la même argumentation dans le Psaume 87, dans lequel l’orant, proche de la mort, demande à Dieu:  « Parle-t-on de ton amour dans la tombe, de ta vérité au lieu de perdition? » (Ps 87, 12). De même, le roi Ezéchias, gravement malade puis guéri, disait à Dieu:  « Ce n’est pas le shéol qui te loue, ni la mort qui te célèbre… Le vivant, le vivant lui seul te loue » (Is 38, 18-19). C’est ainsi que l’Ancien Testament exprimait l’intense désir humain d’une victoire de Dieu sur la mort et rapportait de nombreux cas dans lesquels cette victoire avait été obtenue:  des personnes menacées de mourir de faim dans le désert, des prisonniers ayant échappé à la peine de mort, des malades guéris, des marins sauvés du naufrage (cf. Ps 106, 4-32). Il s’agissait cependant de victoires qui n’étaient pas définitives. Tôt ou tard, la mort réussissait toujours à l’emporter. Malgré tout, l’aspiration à la victoire a toujours été conservée et est devenue, à la fin, une espérance de résurrection. La satisfaction de cette puissante aspiration a été pleinement assurée à travers la résurrection du Christ, pour laquelle nous n’aurons jamais fini de rendre grâce à Dieu.

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