Archive pour la catégorie 'PAPE FRANCOIS – VOYAGE'

VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS EN ARMÉNIE (24-26 JUIN 2016)

4 juillet, 2016

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VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS EN ARMÉNIE (24-26 JUIN 2016)

PARTICIPATION À LA DIVINE LITURGIE EN LA CATHÉDRALE ARMÉNIENNE APOSTOLIQUE

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

Etchmiadzin, Dimanche 26 juin 2016

Sainteté, chers Evêques, Chers frères et sœurs,

Au sommet de cette visite si désirée, et déjà pour moi inoubliable, je désire élever vers le Seigneur ma gratitude, que j’unis au grand hymne de louange et d’action de grâce qui est monté de cet Autel. Votre Sainteté, ces jours-ci, m’avez ouvert les portes de votre maison, et nous avons fait l’expérience combien « il est bon, il est doux pour des frères de vivre ensemble » (Ps 133, 1). Nous nous sommes rencontrés, nous nous sommes embrassés fraternellement, nous avons prié ensemble, nous avons partagé les dons, les espérances et les préoccupations de l’Eglise du Christ dont nous percevons à l’unisson les battements du cœur, et que nous croyons et sentons une. « Une seule espérance, […] un seul Corps et un seul Esprit […] ; un seul Seigneur, une seule foi, un seul Baptême, un seul Dieu et Père de tous, au-dessus de tous, par tous et en tous » (Ep 4, 4-6) : nous pouvons vraiment faire nôtre avec joie ces paroles de l’Apôtre Paul ! C’est justement sous le signe des saints Apôtres que nous nous sommes rencontrés. Les saints Bartholomée et Thaddée, qui ont proclamé pour la première fois l’Evangile sur ces terres, et les saints Pierre et Paul, qui ont donné la vie pour le Seigneur à Rome, se réjouissent certainement, alors qu’ils règnent au ciel avec le Christ, de voir notre affection et notre aspiration concrète à la pleine communion. De tout cela je remercie le Seigneur, pour vous et avec vous : Gloire à Dieu ! Dans cette Divine Liturgie, le chant solennel du Trisagions’est élevé vers le ciel, célébrant la sainteté de Dieu ; que la bénédiction abondante du Très Haut descende sur la terre, par l’intercession de la Mère de Dieu, des grands saints et docteurs, des martyrs, surtout des nombreux martyrs que vous avez canonisés l’année dernière en ce lieu. Que « le Fils unique qui est descendu ici » bénisse notre chemin. Que l’Esprit Saint fasse des croyants un seul cœur et une seule âme : qu’il vienne nous refonder dans l’unité. Pour cela je voudrais de nouveau l’invoquer, en faisant miennes quelques-unes des magnifiques paroles qui ont été introduites dans votre liturgie. Viens, ô Esprit, Toi « qui avec des gémissements incessants es notre intercesseur auprès du Père miséricordieux, Toi qui gardes les saints et purifies les pécheurs » ; répand sur nous ton feu d’amour et d’unité, et « que soient défaits par ce feu les raisons de notre scandale » (Grégoire de Narek, Livre des Lamentations, 33, 5), surtout le manque d’unité entre les disciples du Christ. Que l’Eglise Arménienne marche dans la paix et que la communion entre nous soit pleine. Qu’en chacun surgisse un fort élan vers l’unité, une unité qui ne doit être « ni soumission de l’un à l’autre, ni absorption, mais plutôt accueil de tous les dons que Dieu a donnés à chacun pour manifester au monde entier le grand mystère du salut réalisé par le Christ Seigneur, par l’Esprit Saint » (Paroles du Saint-Père lors de la Divine Liturgie, Eglise Patriarcale Saint Georges, Istambul, 30 novembre 2014). Accueillons l’appel des saints, écoutons la voix des humbles et des pauvres, de tant de victimes de la haine, qui ont souffert et sacrifié leur vie pour la foi ; tendons l’oreille aux jeunes générations qui implorent un avenir libéré des divisions du passé. Que, de ce lieu saint, se répande de nouveau une lumière radieuse. Qu’à la lumière de la foi, qui depuis saint Grégoire, votre père selon l’Évangile, a illuminé ces terres, s’unisse la lumière de l’amour qui pardonne et réconcilie. Comme les Apôtres au matin de Pâques qui ont couru vers le lieu de la résurrection, attirés par l’aube heureuse d’une espérance nouvelle, malgré les doutes et les incertitudes (cf. Jn 20, 3-4), de même nous aussi, en ce saint dimanche, suivons l’appel de Dieu à la pleine communion et hâtons le pas vers elle. Et maintenant, Sainteté, au nom de Dieu, je vous demande de me bénir, de me bénir ainsi que l’Eglise Catholique, de bénir notre course vers la pleine unité.

 

VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS EN ARMÉNIE (24-26 JUIN 2016)

28 juin, 2016

http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/homilies/2016/documents/papa-francesco_20160625_omelia-armenia-gyumri.html

VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS EN ARMÉNIE (24-26 JUIN 2016)

MESSE

HOMÉLIE DU SAINT-PÈRE

Gyumri, Place Vartanants

Samedi 25 juin 2016

« Ils rebâtiront les ruines antiques, ils relèveront les demeures dévastées » (Is 61, 4). En ces lieux, chers frères et sœurs, nous pouvons dire que se sont réalisées les paroles du prophète Isaïe que nous venons d’écouter. Après les terribles destructions du tremblement de terre, nous nous trouvons ici aujourd’hui pour rendre grâce à Dieu pour tout ce qui a été reconstruit. Nous pourrions cependant nous demander aussi : qu’est-ce que le Seigneur nous invite à construire aujourd’hui dans la vie, et surtout : sur quoi nous appelle-t-il à construire notre vie ? Je voudrais vous proposer, en cherchant à répondre à cette question, trois fondements stables sur lesquels nous pouvons édifier et réédifier notre vie chrétienne, sans nous lasser.Le premier fondement est la mémoire. Une grâce à demander est celle de savoir récupérer la mémoire, la mémoire de ce que le Seigneur a accompli en nous et pour nous : se rappeler que, comme dit l’Évangile d’aujourd’hui, lui ne nous pas oubliés, mais qu’il « s’est souvenu » (Lc 1, 72) de nous : il nous a choisis, aimés, appelés et pardonnés ; il y a eu de grands événements dans notre histoire personnelle d’amour avec lui, qui doivent être ravivés par l’esprit et par le cœur. Mais il y a aussi une autre mémoire à garder : la mémoire du peuple. Les peuples ont en effet une mémoire, comme les personnes. Et la mémoire de votre peuple est très ancienne et précieuse. Dans vos voix résonnent celles des saints sages du passé ; dans vos paroles il y a l’écho de celui qui a créé votre alphabet en vue d’annoncer la parole de Dieu ; dans vos chants fusionnent les gémissements et les joies de votre histoire. En pensant à tout cela, vous pouvez reconnaître certainement la présence de Dieu : il ne vous a pas laissés seuls. Même dans les adversités redoutables, nous pourrions dire avec l’Évangile d’aujourd’hui, le Seigneur a visité votre peuple (cf. Lc 1, 68) : il s’est souvenu de votre fidélité à l’Évangile, de la primeur de votre foi, de tous ceux qui ont témoigné, même au prix du sang, que l’amour de Dieu vaut plus que la vie (cf. Ps 63, 4). Il est beau pour vous de pouvoir vous souvenir avec gratitude que la foi chrétienne est devenue la respiration de votre peuple et le cœur de sa mémoire. La foi est aussi l’espérance pour votre avenir, la lumière sur le chemin de la vie et c’est le deuxième fondement dont je voudrais vous parler. Il y a toujours un danger, qui peut faire pâlir la lumière de la foi : c’est la tentation de la réduire à quelque chose du passé, à quelque chose d’important mais qui appartient à d’autres temps, comme si la foi était un beau livre de miniatures à conserver dans un musée. Or, enfermée dans les archives de l’histoire, la foi perd sa force transformatrice, sa beauté vivante, son ouverture positive envers tous. La foi, au contraire, naît et renaît de la rencontre vivifiante avec Jésus, de l’expérience de sa miséricorde qui éclaire toutes les situations de la vie. Raviver chaque jour cette rencontre vivante avec le Seigneur nous fera du bien. Lire la parole de Dieu et nous ouvrir à son amour dans la prière silencieuse nous fera du bien. Permettre à la rencontre avec la tendresse du Seigneur d’allumer la joie dans notre cœur nous fera du bien : une joie plus grande que la tristesse, une joie qui résiste même face à la souffrance, en se transformant en paix. Tout cela renouvelle la vie, la rend libre et docile aux surprises, prête et disponible au Seigneur et aux autres. Il peut également arriver que Jésus appelle à le suivre de plus près, à lui consacrer la vie ainsi qu’aux frères : quand il invite, surtout vous les jeunes, n’ayez pas peur, dites-lui ‘‘oui’’ ! Il nous connaît, il nous aime vraiment, et il désire libérer le cœur du poids de la crainte et de l’orgueil. En lui faisant place, nous devenons capables de rayonner d’amour. Vous pourrez ainsi donner une suite à votre grande histoire d’évangélisation, dont l’Église et le monde ont besoin en ces temps difficiles, qui cependant sont aussi les temps de la miséricorde.

Le troisième fondement, après la mémoire et la foi, est justement l’amour miséricordieux : c’est sur ce roc, sur le roc de l’amour reçu de Dieu et offert au prochain, que se fonde la vie du disciple de Jésus. Et c’est en vivant la charité que le visage de l’Église rajeunit et devient attrayant. L’amour concret est la carte de visite du chrétien : d’autres manières de se présenter peuvent être trompeuses, voire inutiles, parce que c’est à cela que tous sauront que nous sommes ses disciples : si nous nous aimons les uns les autres (cf. Jn 13, 35). Nous sommes appelés avant tout à construire et reconstruire des voies de communion, sans jamais nous lasser, à édifier des ponts d’union et à surmonter les barrières de séparation. Que les croyants donnent toujours l’exemple, en collaborant entre eux dans le respect réciproque et dans le dialogue, en sachant que « l’unique concurrence possible entre les disciples du Seigneur est celle de voir qui est en mesure d’offrir l’amour le plus grand ! » (Jean-Paul II, Homélie, 27 septembre 2001 : Insegnamenti XXIV, 2 [2001], p. 478). Le prophète Isaïe, dans la première lecture, nous a rappelé que l’esprit du Seigneur est toujours avec celui qui porte la bonne nouvelle aux humbles, qui guérit les plaies des cœurs brisés et console les affligés (cf. 61, 1-2). Dieu demeure dans le cœur de celui qui aime ; Dieu habite là où on aime, surtout là où on prend soin, avec courage et compassion, des faibles et des pauvres. On en a tant besoin : on a besoin de chrétiens qui ne se laissent pas abattre par les fatigues et ne se découragent pas à cause des adversités, mais qui soient disponibles et ouverts, prêts à servir ; il faut des hommes de bonne volonté, qui de fait et non seulement par les paroles aident les frères et les sœurs en difficulté ; il faut des sociétés plus justes, où chacun puisse avoir une vie digne et en premier lieu un travail équitablement rémunéré. Nous pourrions cependant nous demander : comment peut-on devenir miséricordieux, avec tous les défauts et les misères que chacun voit en soi et autour de soi ? Je voudrais m’inspirer d’un exemple concret, d’un grand héraut de la miséricorde divine, que j’ai voulu proposer à l’attention de tous en le comptant parmi les Docteurs de l’Église universelle : saint Grégoire de Narek, parole et voix de l’Arménie. Il est difficile de trouver quelqu’un qui soit son égal lorsqu’il s’agit de sonder les misères abyssales qui peuvent se nicher dans le cœur de l’homme. Lui, cependant, a toujours mis en dialogue les misères humaines et la miséricorde de Dieu, en élevant une supplication pleine de tristesse, faite de larmes et de confiance, vers le Seigneur « dispensateur, dont l’essence est d’être bon […], voix consolante, annonce apaisante, message d’allégresse, […] compassion qui n’a pas de pareil, miséricorde débordante, […] baiser sauveur » (Livre de prières, 3, 1), avec la certitude que « jamais les ténèbres de la colère n’obscurcissent la lumière de [sa] miséricorde » (ibid., 16, 1). Grégoire de Narek est un maître de vie, parce qu’il nous enseigne qu’il est avant tout important de reconnaître que nous avons besoin de miséricorde et puis, face aux misères et aux blessures que nous percevons, de ne pas nous replier sur nous-mêmes, mais de nous ouvrir avec sincérité et confiance au Seigneur « Dieu miséricordieux et proche » (ibid., 17, 2), « ami des hommes, […] feu qui dévore[…] les broussailles des péchés » (ibid., 16, 2). Avec ses paroles, je voudrais enfin invoquer la miséricorde divine et le don de ne jamais nous lasser d’aimer : Esprit Saint, « puissant protecteur, intercesseur et pacificateur, nous t’adressons nos suppliques […]. Accorde-nous la grâce de nous exhorter à la charité et aux œuvres bonnes […]. Esprit de douceur, de compassion, d’amour pour l’homme et de miséricorde, […] Toi qui n’es que miséricorde […] prends-nous en pitié, Seigneur notre Dieu, selon ta grande miséricorde » (Hymne de Pentecôte). Au terme de cette célébration, je voudrais exprimer ma vive gratitude au Catholicos Karekin II et à l’Archevêque Minassian pour les aimables paroles qu’ils m’ont adressées, ainsi qu’au Patriarche Ghabroyan et aux Évêques présents, aux prêtres, ainsi qu’aux Autorités qui nous ont accueillis. Je vous remercie vous tous qui avez participé [à cette célébration], venus à Gyumri également de diverses régions et de la Géorgie voisine. Je voudrais, en particulier, saluer les personnes qui, avec beaucoup de générosité et d’amour concret, aident ceux qui se trouvent dans le besoin. Je pense surtout à l’hôpital d’Ashotsk, inauguré il y a vingt-cinq ans et connu comme l’‘‘Hôpital du Pape’’ : né du cœur de saint Jean-Paul II, il est encore une présence si importante et proche de quiconque souffre ; je pense aux œuvres promues par la communauté catholique locale, par les Sœurs arméniennes de l’Immaculée Conception et par les Missionnaires de la Charité de la bienheureuse Mère Teresa de Calcutta. Que la Vierge Marie, notre Mère, vous accompagne toujours et guide les pas de tous sur la voie de la fraternité et de la paix.

 

RENCONTRE DU SAINT-PÈRE AVEC S.S. CYRILLE, PATRIARCHE DE MOSCOU ET DE TOUTE LA RUSSIE

16 février, 2016

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VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS AU MEXIQUE (12-18 FÉVRIER 2016)

RENCONTRE DU SAINT-PÈRE AVEC S.S. CYRILLE, PATRIARCHE DE MOSCOU ET DE TOUTE LA RUSSIE

SIGNATURE DE LA DÉCLARATION CONJOINTE

Aéroport international « José Martí » – La Havane, Cuba Vendredi 12 février 2016

Déclaration conjointe Discours du Pape François Déclaration commune du Pape François et du Patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie

« La grâce de Notre Seigneur Jésus Christ, l’amour de Dieu le Père et la communion du Saint-Esprit soit avec vous tous » (2 Co 13, 13). 1. Par la volonté de Dieu le Père de qui vient tout don, au nom de Notre Seigneur Jésus Christ et avec le secours de l’Esprit Saint Consolateur, nous, Pape François et Kirill, Patriarche de Moscou et de toute la Russie, nous sommes rencontrés aujourd’hui à La Havane. Nous rendons grâce à Dieu, glorifié en la Trinité, pour cette rencontre, la première dans l’histoire. Avec joie, nous nous sommes retrouvés comme des frères dans la foi chrétienne qui se rencontrent pour se « parler de vive voix » (2 Jn 12), de cœur à cœur, et discuter des relations mutuelles entre les Eglises, des problèmes essentiels de nos fidèles et des perspectives de développement de la civilisation humaine. 2. Notre rencontre fraternelle a eu lieu à Cuba, à la croisée des chemins entre le Nord et le Sud, entre l’Est et l’Ouest. De cette île, symbole des espoirs du « Nouveau Monde » et des événements dramatiques de l’histoire du XXe siècle, nous adressons notre parole à tous les peuples d’Amérique latine et des autres continents. Nous nous réjouissons de ce que la foi chrétienne se développe ici de façon dynamique. Le puissant potentiel religieux de l’Amérique latine, sa tradition chrétienne séculaire, réalisée dans l’expérience personnelle de millions de personnes, sont le gage d’un grand avenir pour cette région. 3. Nous étant rencontrés loin des vieilles querelles de l’« Ancien Monde », nous sentons avec une force particulière la nécessité d’un labeur commun des catholiques et des orthodoxes, appelés, avec douceur et respect, à rendre compte au monde de l’espérance qui est en nous (cf. 1 P 3, 15). 4. Nous rendons grâce à Dieu pour les dons que nous avons reçus par la venue au monde de son Fils unique. Nous partageons la commune Tradition spirituelle du premier millénaire du christianisme. Les témoins de cette Tradition sont la Très Sainte Mère de Dieu, la Vierge Marie, et les saints que nous vénérons. Parmi eux se trouvent d’innombrables martyrs qui ont manifesté leur fidélité au Christ et sont devenus « semence de chrétiens ». 5. Malgré cette Tradition commune des dix premiers siècles, catholiques et orthodoxes, depuis presque mille ans, sont privés de communion dans l’Eucharistie. Nous sommes divisés par des blessures causées par des conflits d’un passé lointain ou récent, par des divergences, héritées de nos ancêtres, dans la compréhension et l’explicitation de notre foi en Dieu, un en Trois Personnes – Père, Fils et Saint Esprit. Nous déplorons la perte de l’unité, conséquence de la faiblesse humaine et du péché, qui s’est produite malgré la Prière sacerdotale du Christ Sauveur : « Que tous soient un. Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient un en nous » (Jn 17, 21). 6. Conscients que de nombreux obstacles restent à surmonter, nous espérons que notre rencontre contribue au rétablissement de cette unité voulue par Dieu, pour laquelle le Christ a prié. Puisse notre rencontre inspirer les chrétiens du monde entier à prier le Seigneur avec une ferveur renouvelée pour la pleine unité de tous ses disciples ! Puisse-t-elle, dans un monde qui attend de nous non pas seulement des paroles mais des actes, être un signe d’espérance pour tous les hommes de bonne volonté ! 7. Déterminés à entreprendre tout ce qui nécessaire pour surmonter les divergences historiques dont nous avons hérité, nous voulons unir nos efforts pour témoigner de l’Evangile du Christ et du patrimoine commun de l’Eglise du premier millénaire, répondant ensemble aux défis du monde contemporain. Orthodoxes et catholiques doivent apprendre à porter un témoignage unanime à la vérité dans les domaines où cela est possible et nécessaire. La civilisation humaine est entrée dans un moment de changement d’époque. Notre conscience chrétienne et notre responsabilité pastorale ne nous permettent pas de rester inactifs face aux défis exigeant une réponse commune. 8. Notre regard se porte avant tout vers les régions du monde où les chrétiens subissent la persécution. En de nombreux pays du Proche Orient et d’Afrique du Nord, nos frères et sœurs en Christ sont exterminés par familles, villes et villages entiers. Leurs églises sont détruites et pillées de façon barbare, leurs objets sacrés sont profanés, leurs monuments, détruits. En Syrie, en Irak et en d’autres pays du Proche Orient, nous observons avec douleur l’exode massif des chrétiens de la terre d’où commença à se répandre notre foi et où ils vécurent depuis les temps apostoliques ensemble avec d’autres communautés religieuses. 9. Nous appelons la communauté internationale à des actions urgentes pour empêcher que se poursuive l’éviction des chrétiens du Proche Orient. Elevant notre voix pour défendre les chrétiens persécutés, nous compatissons aussi aux souffrances des fidèles d’autres traditions religieuses devenus victimes de la guerre civile, du chaos et de la violence terroriste. 10. En Syrie et en Irak, la violence a déjà emporté des milliers de vies, laissant des millions de gens sans abri ni ressources. Nous appelons la communauté internationale à mettre fin à la violence et au terrorisme et, simultanément, à contribuer par le dialogue à un prompt rétablissement de la paix civile. Une aide humanitaire à grande échelle est indispensable aux populations souffrantes et aux nombreux réfugiés dans les pays voisins. Nous demandons à tous ceux qui pourraient influer sur le destin de ceux qui ont été enlevés, en particulier des Métropolites d’Alep Paul et Jean Ibrahim, séquestrés en avril 2013, de faire tout ce qui est nécessaire pour leur libération rapide. 11. Nous élevons nos prières vers le Christ, le Sauveur du monde, pour le rétablissement sur la terre du Proche Orient de la paix qui est « le fruit de la justice » (Is 32, 17), pour que se renforce la coexistence fraternelle entre les diverses populations, Eglises et religions qui s’y trouvent, pour le retour des réfugiés dans leurs foyers, la guérison des blessés et le repos de l’âme des innocents tués. Nous adressons un fervent appel à toutes les parties qui peuvent être impliquées dans les conflits pour qu’elles fassent preuve de bonne volonté et s’asseyent à la table des négociations. Dans le même temps, il est nécessaire que la communauté internationale fasse tous les efforts possibles pour mettre fin au terrorisme à l’aide d’actions communes, conjointes et coordonnées. Nous faisons appel à tous les pays impliqués dans la lutte contre le terrorisme pour qu’ils agissent de façon responsable et prudente. Nous exhortons tous les chrétiens et tous les croyants en Dieu à prier avec ferveur le Dieu Créateur du monde et Provident, qu’il protège sa création de la destruction et ne permette pas une nouvelle guerre mondiale. Pour que la paix soit solide et durable, des efforts spécifiques sont nécessaires afin de redécouvrir les valeurs communes qui nous unissent, fondées sur l’Evangile de Notre Seigneur Jésus Christ. 12. Nous nous inclinons devant le martyre de ceux qui, au prix de leur propre vie, témoignent de la vérité de l’Evangile, préférant la mort à l’apostasie du Christ. Nous croyons que ces martyrs de notre temps, issus de diverses Eglises, mais unis par une commune souffrance, sont un gage de l’unité des chrétiens. A vous qui souffrez pour le Christ s’adresse la parole de l’apôtre : « Très chers !… dans la mesure où vous participez aux souffrances du Christ, réjouissez-vous, afin que, lors de la révélation de Sa gloire, vous soyez aussi dans la joie et l’allégresse » (1 P 4, 12-13). 13. En cette époque préoccupante est indispensable le dialogue interreligieux. Les différences dans la compréhension des vérités religieuses ne doivent pas empêcher les gens de fois diverses de vivre dans la paix et la concorde. Dans les circonstances actuelles, les leaders religieux ont une responsabilité particulière pour éduquer leurs fidèles dans un esprit de respect pour les convictions de ceux qui appartiennent à d’autres traditions religieuses. Les tentatives de justifications d’actions criminelles par des slogans religieux sont absolument inacceptables. Aucun crime ne peut être commis au nom de Dieu, « car Dieu n’est pas un Dieu de désordre, mais de paix » (1 Co 14, 33). 14. Attestant de la haute valeur de la liberté religieuse, nous rendons grâce à Dieu pour le renouveau sans précédent de la foi chrétienne qui se produit actuellement en Russie et en de nombreux pays d’Europe de l’Est, où des régimes athées dominèrent pendant des décennies. Aujourd’hui les fers de l’athéisme militant sont brisés et en de nombreux endroits les chrétiens peuvent confesser librement leur foi. En un quart de siècle ont été érigés là des dizaines de milliers de nouvelles églises, ouverts des centaines de monastères et d’établissements d’enseignement théologique. Les communautés chrétiennes mènent une large activité caritative et sociale, apportant une aide diversifiée aux nécessiteux. Orthodoxes et catholiques œuvrent souvent côte à côte. Ils attestent des fondements spirituels communs de la convivance humaine, en témoignant des valeurs évangéliques. 15. Dans le même temps, nous sommes préoccupés par la situation de tant de pays où les chrétiens se heurtent de plus en plus souvent à une restriction de la liberté religieuse, du droit de témoigner de leurs convictions et de vivre conformément à elles. En particulier, nous voyons que la transformation de certains pays en sociétés sécularisées, étrangère à toute référence à Dieu et à sa vérité, constitue un sérieux danger pour la liberté religieuse. Nous sommes préoccupés par la limitation actuelle des droits des chrétiens, voire de leur discrimination, lorsque certaines forces politiques, guidées par l’idéologie d’un sécularisme si souvent agressif, s’efforcent de les pousser aux marges de la vie publique. 16. Le processus d’intégration européenne, initié après des siècles de conflits sanglants, a été accueilli par beaucoup avec espérance, comme un gage de paix et de sécurité. Cependant, nous mettons en garde contre une intégration qui ne serait pas respectueuse des identités religieuses. Tout en demeurant ouverts à la contribution des autres religions à notre civilisation, nous sommes convaincus que l’Europe doit rester fidèle à ses racines chrétiennes. Nous appelons les chrétiens européens d’Orient et d’Occident à s’unir pour témoigner ensemble du Christ et de l’Evangile, pour que l’Europe conserve son âme formée par deux mille ans de tradition chrétienne. 17. Notre regard se porte sur les personnes se trouvant dans des situations de détresse, vivant dans des conditions d’extrême besoin et de pauvreté, alors même que croissent les richesses matérielles de l’humanité. Nous ne pouvons rester indifférents au sort de millions de migrants et de réfugiés qui frappent à la porte des pays riches. La consommation sans limite, que l’on constate dans certains pays plus développés, épuise progressivement les ressources de notre planète. L’inégalité croissante dans la répartition des biens terrestres fait croître le sentiment d’injustice à l’égard du système des relations internationales qui s’est institué. 18. Les Eglises chrétiennes sont appelées à défendre les exigences de la justice, le respect des traditions des peuples et la solidarité effective avec tous ceux qui souffrent. Nous, chrétiens, ne devons pas oublier que « ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion ce qui est fort ; ce qui est d’origine modeste, méprisé dans le monde, ce qui n’est pas, voilà ce que Dieu a choisi, pour réduire à rien ce qui est ; ainsi aucun être de chair ne pourra s’enorgueillir devant Dieu » (1 Co 1, 27-29). 19. La famille est le centre naturel de la vie humaine et de la société. Nous sommes inquiets de la crise de la famille dans de nombreux pays. Orthodoxes et catholiques, partageant la même conception de la famille, sont appelés à témoigner que celle-ci est un chemin de sainteté, manifestant la fidélité des époux dans leurs relations mutuelles, leur ouverture à la procréation et à l’éducation des enfants, la solidarité entre les générations et le respect pour les plus faibles. 20. La famille est fondée sur le mariage, acte d’amour libre et fidèle d’un homme et d’une femme. L’amour scelle leur union, leur apprend à se recevoir l’un l’autre comme don. Le mariage est une école d’amour et de fidélité. Nous regrettons que d’autres formes de cohabitation soient désormais mises sur le même plan que cette union, tandis que la conception de la paternité et de la maternité comme vocation particulière de l’homme et de la femme dans le mariage, sanctifiée par la tradition biblique, est chassée de la conscience publique. 21. Nous appelons chacun au respect du droit inaliénable à la vie. Des millions d’enfants sont privés de la possibilité même de paraître au monde. La voix du sang des enfants non nés crie vers Dieu (cf. Gn 4, 10). Le développement de la prétendue euthanasie conduit à ce que les personnes âgées et les infirmes commencent à se sentir être une charge excessive pour leur famille et la société en général. Nous sommes aussi préoccupés par le développement des technologies de reproduction biomédicale, car la manipulation de la vie humaine est une atteinte aux fondements de l’existence de l’homme, créé à l’image de Dieu. Nous estimons notre devoir de rappeler l’immuabilité des principes moraux chrétiens, fondés sur le respect de la dignité de l’homme appelé à la vie, conformément au dessein de son Créateur. 22. Nous voulons adresser aujourd’hui une parole particulière à la jeunesse chrétienne. A vous, les jeunes, appartient de ne pas enfouir le talent dans la terre (cf. Mt 25, 25), mais d’utiliser toutes les capacités que Dieu vous a données pour confirmer dans le monde les vérités du Christ, pour incarner dans votre vie les commandements évangéliques de l’amour de Dieu et du prochain. Ne craignez pas d’aller à contre-courant, défendant la vérité divine à laquelle les normes séculières contemporaines sont loin de toujours correspondre. 23. Dieu vous aime et attend de chacun de vous que vous soyez ses disciples et apôtres. Soyez la lumière du monde, afin que ceux qui vous entourent, voyant vos bonnes actions, rendent gloire à votre Père céleste (cf. Mt 5, 14, 16). Eduquez vos enfants dans la foi chrétienne, transmettez-leur la perle précieuse de la foi (cf. Mt 13, 46) que vous avez reçue de vos parents et aïeux. N’oubliez pas que vous « avez été rachetés à un cher prix » (1 Co 6, 20), au prix de la mort sur la croix de l’Homme-Dieu Jésus Christ. 24. Orthodoxes et catholiques sont unis non seulement par la commune Tradition de l’Eglise du premier millénaire, mais aussi par la mission de prêcher l’Evangile du Christ dans le monde contemporain. Cette mission implique le respect mutuel des membres des communautés chrétiennes, exclut toute forme de prosélytisme. Nous ne sommes pas concurrents, mais frères : de cette conception doivent procéder toutes nos actions les uns envers les autres et envers le monde extérieur. Nous exhortons les catholiques et les orthodoxes, dans tous les pays, à apprendre à vivre ensemble dans la paix, l’amour et à avoir « les uns pour les autres la même aspiration » (Rm 15, 5). Il ne peut donc être question d’utiliser des moyens indus pour pousser des croyants à passer d’une Eglise à une autre, niant leur liberté religieuse ou leurs traditions propres. Nous sommes appelés à mettre en pratique le précepte de l’apôtre Paul : « Je me suis fait un honneur d’annoncer l’Évangile là où Christ n’avait point été nommé, afin de ne pas bâtir sur le fondement d’autrui » (Rm 15, 20). 25. Nous espérons que notre rencontre contribuera aussi à la réconciliation là où des tensions existent entre gréco-catholiques et orthodoxes. Il est clair aujourd’hui que la méthode de l’« uniatisme » du passé, comprise comme la réunion d’une communauté à une autre, en la détachant de son Eglise, n’est pas un moyen pour recouvrir l’unité. Cependant, les communautés ecclésiales qui sont apparues en ces circonstances historiques ont le droit d’exister et d’entreprendre tout ce qui est nécessaire pour répondre aux besoins spirituels de leurs fidèles, recherchant la paix avec leurs voisins. Orthodoxes et gréco-catholiques ont besoin de se réconcilier et de trouver des formes de coexistence mutuellement acceptables. 26. Nous déplorons la confrontation en Ukraine qui a déjà emporté de nombreuses vies, provoqué d’innombrables blessures à de paisibles habitants et placé la société dans une grave crise économique et humanitaire. Nous exhortons toutes les parties du conflit à la prudence, à la solidarité sociale, et à agir pour la paix. Nous appelons nos Eglises en Ukraine à travailler pour atteindre la concorde sociale, à s’abstenir de participer à la confrontation et à ne pas soutenir un développement ultérieur du conflit. 27. Nous exprimons l’espoir que le schisme au sein des fidèles orthodoxes d’Ukraine sera surmonté sur le fondement des normes canoniques existantes, que tous les chrétiens orthodoxes d’Ukraine vivront dans la paix et la concorde et que les communautés catholiques du pays y contribueront, de sorte que soit toujours plus visible notre fraternité chrétienne. 28. Dans le monde contemporain, multiforme et en même temps uni par un même destin, catholiques et orthodoxes sont appelés à collaborer fraternellement en vue d’annoncer la Bonne Nouvelle du salut, à témoigner ensemble de la dignité morale et de la liberté authentique de la personne, « pour que le monde croie » (Jn 17, 21).Ce monde, dans lequel disparaissent progressivement les piliers spirituels de l’existence humaine, attend de nous un fort témoignage chrétien dans tous les domaines de la vie personnelle et sociale. De notre capacité à porter ensemble témoignage de l’Esprit de vérité en ces temps difficiles dépend en grande partie l’avenir de l’humanité. 29. Que dans le témoignage hardi de la vérité de Dieu et de la Bonne Nouvelle salutaire nous vienne en aide l’Homme-Dieu Jésus Christ, notre Seigneur et Sauveur, qui nous fortifie spirituellement par sa promesse infaillible : « Sois sans crainte, petit troupeau : votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume » (Lc 12, 32) ! Le Christ est la source de la joie et de l’espérance. La foi en Lui transfigure la vie de l’homme, la remplit de sens. De cela ont pu se convaincre par leur propre expérience tous ceux à qui peuvent s’appliquer les paroles de l’apôtre Pierre : « Vous qui jadis n’étiez pas un peuple et qui êtes maintenant le Peuple de Dieu, qui n’obteniez pas miséricorde et qui maintenant avez obtenu miséricorde » (1 P 2, 10). 30. Remplis de gratitude pour le don de la compréhension mutuelle manifesté lors de notre rencontre, nous nous tournons avec espérance vers la Très Sainte Mère de Dieu, en l’invoquant par les paroles de l’antique prière : « Sous l’abri de ta miséricorde, nous nous réfugions, Sainte Mère de Dieu ». Puisse la Bienheureuse Vierge Marie, par son intercession, conforter la fraternité de ceux qui la vénèrent, afin qu’ils soient au temps fixé par Dieu rassemblés dans la paix et la concorde en un seul Peuple de Dieu, à la gloire de la Très Sainte et indivisible Trinité !

François Évêque de Rome Pape de l’Eglise catholique  Kirill Patriarche de Moscou et de toutes la Russie le 12 février 2016, La Havane (Cuba) Adresse du Saint-Père après la signature de la Déclaration commune avec le Patriarche Kirill Sainteté, Eminences, Révérendes autorités religieuses, Nous nous sommes parlé comme des frères, nous avons le même Baptême, nous sommes évêques. Nous avons parlé de nos Eglises, et nous sommes tombés d’accord sur le fait que l’unité se fait en marchant. Nous avons parlé clairement, sans détours, et moi, je vous avoue que j’ai senti la consolation de l’Esprit dans ce dialogue. Je remercie Votre Sainteté pour l’humilité, pour la fraternelle humilité et le fort désir de l’unité. Nous nous quittons avec une série d’initiatives dont je crois qu’elles sont viables et pourront être réalisées. C’est pourquoi je voudrais remercier, une fois encore, Votre Sainteté pour l’accueil chaleureux, ainsi que les collaborateurs – et j’en nomme deux – : Son Eminence le Métropolite Hilarión et Son Eminence le Cardinal Koch – qui y ont contribué avec toutes leurs équipes. Je ne saurais m’en aller sans exprimer une sincère gratitude à Cuba, au grand peuple cubain et à son Président ici présent. Je vous remercie de votre efficace disponibilité. Si vous continuez ainsi, Cuba sera la capitale de l’unité. Et que tout cela soit pour la gloire de Dieu, le Père, le Fils et le Saint Esprit, ainsi que pour le bien du saint peuple de Dieu, sous le manteau de la Sainte Mère de Dieu.     

 

PAPE FRANÇOIS À CUBA, AUX ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE – RENCONTRE AVEC LES FAMILLES

23 septembre, 2015

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VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS À CUBA, AUX ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE
ET VISITE AU SIÈGE DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES

(19-28 SEPTEMBRE 2015)

RENCONTRE AVEC LES FAMILLES

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

Cathédrale Notre-Dame de l’Assomption, Santiago de Cuba

Mardi 22 septembre 2015

Nous sommes en famille. Et lorsqu’on est en famille, on se sent chez soi. Merci à vous, familles cubaines, merci, Cubains, de faire que je me sens tous les jours en famille, de faire que je me sens chez moi. Merci pour tout. Cette rencontre avec vous en vient à être comme la ‘‘cerise sur le gâteau’’. Terminer ma visite par cette rencontre en famille est un motif de rendre grâce à Dieu pour la ‘‘chaleur’’ qui émane de personnes qui savent recevoir, qui savent accueillir, qui savent faire sentir qu’on est chez soi. Merci à tous les Cubains.
Je remercie Monseigneur Dionisio García, archevêque de Santiago, pour les salutations qu’il m’a adressées au nom de vous tous, ainsi que le couple qui a eu le courage de partager avec nous ses aspirations, ses efforts pour faire du foyer une ‘‘Eglise domestique’’.
L’Evangile de Jean nous présente comme premier événement public de Jésus les noces de Cana, à l’occasion de la fête d’une famille. Il s’y trouve avec Marie, sa mère, et certains de ses disciples. Ils partageaient la fête de famille.
Les noces sont des moments particuliers dans la vie de beaucoup de personnes. Pour les ‘‘plus âgés’’, parents, grands-parents, c’est une occasion pour recueillir le fruit de la semence. Cela réjouit le cœur de voir les enfants grandir et de voir qu’ils peuvent fonder un foyer. C’est l’occasion de voir, tout d’un coup, que tout ce pour quoi on a lutté valait la peine. Accompagner les enfants, les soutenir, les stimuler pour qu’ils puissent avoir le courage de construire leurs vies, de former leurs familles, est un grand défi pour les parents. D’autre part, la joie des jeunes époux. Et tout un avenir qui commence, tout a la ‘‘saveur’’ d’une maison nouvelle, d’une espérance. Lors des mariages, le passé dont nous héritons et l’avenir qui nous attend s’unissent toujours. Il y a mémoire et espérance. L’occasion s’y présente toujours de remercier de tout ce qui nous a permis d’arriver jusqu’à ce jour, grâce au même amour reçu.
Et Jésus commence sa vie publique précisément à la faveur d’un mariage. Il s’insère dans cette histoire de semences et de récoltes, de rêves et de recherches, d’efforts et d’engagements, de travaux ardus qui ont labouré la terre pour que celle-ci donne son fruit. Jésus commence sa vie dans une famille, dans un foyer. Et il est, précisément, au cœur de nos foyers où, constamment, il continue de s’introduire, il continue d’être partie prenante. Cela lui plaît d’intervenir dans la famille.
Il est intéressant d’observer comment Jésus se manifeste aussi par la nourriture, au cours de dîners. Manger avec diverses personnes, visiter diverses maisons a été une occasion, privilégiée par Jésus, pour faire connaître le projet de Dieu. Il va dans la maison de ses amis – Marie et Marthe –, mais il n’est pas sélectif, eh ? peu lui importe s’il y a des publicains ou des pécheurs, comme Zachée. Il se rend dans la maison de Zachée. Non seulement il agissait ainsi, mais en envoyant ses disciples annoncer la bonne nouvelle du Royaume de Dieu, il leur a dit : restez dans la maison où l’on vous reçoit, mangeant et buvant ce que l’on vous sert (cf. Lc 10, 7). Mariages, visites dans les familles, dîners, ces moments ont certainement quelque chose de ‘‘spécial’’ dans la vie des personnes pour que Jésus choisisse de s’y manifester.
Je me rappelle que dans mon précédent diocèse beaucoup de familles me disaient que l’unique moment qu’elles avaient pour être ensemble était ordinairement le dîner, le soir, après le travail, et lorsque les enfants avaient terminé leurs devoirs pour l’école. C’était un moment spécial de la vie familiale. On parlait de la journée, de ce que chacun avait fait, on mettait de l’ordre dans la maison, on rangeait les vêtements, on programmait des tâches importantes pour les jours suivants, les enfants se querellaient, mais c’en était le moment. Ce sont des moments où l’on arrive aussi fatigué si bien que l’une ou l’autre discussion, l’une ou l’autre ‘‘querelle’’ voit le jour entre mari et femme, mais il ne faut pas en avoir peur… moi, j’ai plutôt peur des couples qui me disent que jamais, jamais, ils ne sont disputés. Bizarre, c’est bizarre ! Jésus choisit ces moments pour nous montrer l’amour de Dieu, Jésus choisit ces espaces pour entrer dans nos maisons et nous aider à découvrir l’Esprit vivant et agissant dans nos maisons et dans notre vie quotidienne. C’est à la maison que nous apprenons la fraternité, où nous apprenons la solidarité, où nous apprenons à ne pas être des dominateurs. C’est à la maison que nous apprenons à recevoir la vie et à en être reconnaissants comme une bénédiction, et c’est là que nous apprenons que chacun a besoin des autres pour aller de l’avant. C’est à la maison que nous expérimentons le pardon, et que nous sommes invités à pardonner continuellement, à nous laisser transformer. C’est curieux, à la maison, il n’y a pas de place pour les ‘‘masques’’, nous sommes ce que nous sommes et, d’une manière ou d’une autre, nous sommes invités à chercher le meilleur pour les autres.
C’est pourquoi la communauté chrétienne désigne les familles du nom d’églises domestiques, parce que c’est dans la chaleur du foyer que la foi imprègne chaque coin, illumine chaque espace, construit la communauté. Car en ces moments, c’est comme si les personnes apprenaient à découvrir l’amour concret et l’amour agissant de Dieu.
Dans beaucoup de cultures, aujourd’hui, ces espaces disparaissent progressivement, ces moments en famille sont en train de disparaître ; peu à peu tout conduit à la séparation, à l’isolement. Les moments passés en commun, pour être ensemble, pour être en famille, deviennent rares. Donc, on ne sait pas attendre, on ne sait pas demander l’autorisation, on ne sait pas demander pardon, on ne sait pas remercier, parce que la maison se vide progressivement non pas des personnes, mais elle se vide des relations, elle se vide des contacts humains, elle se vide des rencontres, entre parents, enfants, grands-parents, petits-enfants, frères. Récemment, quelqu’un qui travaille avec moi m’a raconté que son épouse et ses enfants étaient partis en vacances et qu’il était resté seul, parce qu’il devait travailler ces jours-là. Le premier jour, la maison était toute silencieuse, ‘‘en paix’’, il était heureux, rien n’était désordonné. Le troisième jour, quand je lui demande comment il allait, il me répond : je voudrais qu’ils reviennent déjà tous. Il sentait qu’il ne pouvait vivre sans son épouse et ses enfants. Et ça, c’est beau, c’est beau.
Sans famille, sans la chaleur du foyer, la vie devient vide ; les réseaux, qui nous soutiennent dans l’adversité, les réseaux qui nous alimentent dans la vie quotidienne et motivent la lutte pour la prospérité, commencent à manquer. La famille nous sauve de deux phénomènes actuels, deux choses qui arrivent de nos jours : la fragmentation, c’est-à-dire la division, et le phénomène de masse. Dans les deux cas, les personnes deviennent des individus isolés, faciles à manipuler, à gouverner. Et ainsi, nous trouvons dans le monde des sociétés divisées, cassées, séparées ou très affectées par le phénomène de masse, qui sont une conséquence de la rupture des liens familiaux, lorsque se perdent les relations qui nous constituent comme personnes, qui nous enseignent à être des personnes. Et, bon, on oublie comment dire papa, maman, fils, fille, grand-père, grand-mère… on est en train d’oublier ces relations qui sont le fondement. Elles sont le fondement du nom que nous portons.
La famille est école d’humanité, une école qui enseigne à avoir à cœur les besoins des autres, à être attentif à la vie des autres. Quand nous avons de bonnes relations en familles, les égoïsmes diminuent – ils existent, parce que tous nous avons quelque chose d’égoïste -, mais lorsqu’on ne mène pas une vie de famille, il se crée ces personnalités que nous pouvons qualifier comme ceci : ‘‘je, moi, mon, avec moi, pour moi’’, totalement centrées sur elles-mêmes, qui ignorent la solidarité, la fraternité, le travail en commun, l’amour, la discussion entre frères. Elles les ignorent. Malgré tant de difficultés, comme nos familles en sont aujourd’hui affectées dans le monde, n’oublions pas une chose, s’il vous plaît : les familles ne sont pas un problème, elles sont d’abord une opportunité. Une opportunité que nous devons préserver, protéger et accompagner. C’est une façon de dire qu’elles sont une bénédiction. Lorsque tu commences à considérer la famille comme un problème, tu te fatigues, tu n’avances pas, parce que tu es très centré sur toi-même.
L’on discute beaucoup aujourd’hui sur l’avenir, sur le monde que nous voulons léguer à nos enfants, sur la société que nous voulons pour eux. Je crois que l’une des réponses possibles réside dans le fait de vous voir – cette famille qui a parlé-, chacun de vous : laissons un monde avec des familles. C’est le meilleur héritage. Léguons un monde de familles. Certes, il n’existe pas de famille parfaite, il n’existe pas d’époux parfaits, de parents parfaits ni d’enfants parfaits, et si elle ne se fâche pas – je dirais – de belle-mère parfaite. Ils n’existent pas. Ils n’existent pas, mais cela n’empêche pas que vous soyez la réponse pour demain. Dieu nous incite à l’amour et l’amour engage toujours la personne qui aime. L’amour s’engage toujours en faveur des personnes aimées. Par conséquent, prenons soin de nos familles, véritables écoles de demain. Prenons soin de nos familles, véritables espaces de liberté. Prenons soin de nos familles, véritables centres d’humanité. Et ici, me vient à l’esprit une scène : lorsque, durant les Audiences du mercredi, je passe saluer les gens ; beaucoup, beaucoup de femmes me montrent leur ventre et me disent Padre : ‘‘Le bénissez-vous pour moi?’’. Je vais proposer quelque chose à toutes ces femmes qui sont ‘‘enceintes de l’espérance’’, car un enfant est une espérance : en ce moment, qu’elles se touchent le ventre. S’il y en avait ici, qu’elles le fassent ici. De même que celles qui sont en train d’écouter à la radio ou à la télévision. Et moi, à chacune d’elles, à chaque garçon ou fille qui est là, dedans, attendant, je donne la bénédiction. Donc, que chacune se touche le ventre, et moi je donne la bénédiction, au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit. Et je souhaite qu’il naisse en bonne santé, qu’il croisse bien, que vous puissiez bien l’allaiter. Caressez l’enfant que vous attendez.
Je ne saurais terminer sans faire mention de l’Eucharistie. Vous avez dû vous rendre compte que Jésus veut utiliser comme lieu de son mémorial, un repas. Il choisit comme espace de sa présence parmi nous un moment concret de la vie familiale. Un moment vécu et que tous peuvent comprendre, le dîner.
Et l’Eucharistie est le repas de la famille de Jésus, qui par toute la terre se réunit pour écouter sa Parole et se nourrir de son Corps. Jésus est le Pain de Vie de nos familles, il veut être présent en nous alimentant de son amour, en nous soutenant de sa foi, en nous aidant à marcher avec son espérance, pour qu’en toute circonstance nous puissions expérimenter qu’il est le vrai Pain du ciel.
Dans quelques jours, je participerai avec les familles du monde à la Rencontre Mondiale des Familles et, dans moins d’un mois, au Synode des Evêques, qui a comme thème la Famille. Je vous demande, s’il vous plaît, de prier à ces deux intentions, pour que nous sachions tous nous aider à prendre soin de la famille, pour que nous sachions continuer à découvrir l’Emmanuel, c’est-à-dire le Dieu qui vit au milieu de son Peuple en faisant de chaque famille, et toutes les familles, son foyer. Je compte sur vos prières. Merci.

Salutation finale du Pape à partir de la terrasse :

(Je vous salue. Je vous remercie… pour l’accueil… pour la chaleur… merci). Les Cubains sont vraiment aimables, gentils et font qu’on se sent chez soi. Merci beaucoup. Et je veux dire un mot d’espérance. Un mot d’espérance qui, peut-être, nous fera tourner le regard par derrière et par devant. En regardant par derrière, la mémoire. La mémoire de ceux qui nous ont donné la vie, et surtout, la mémoire des grands-parents. Une salutation spéciale aux grands-parents. Ne négligeons pas les grands-parents. Les grands-parents sont notre mémoire vivante. Et en regardant par devant, les enfants et les jeunes, qui sont la force d’un peuple. Un peuple qui prend soin de ses grands-parents et qui prend soin de ses enfants ainsi que de ses jeunes, a la victoire assurée. Que Dieu vous bénisse et permettez-moi de vous donner la bénédiction, mais à une condition. Vous allez devoir payer quelque chose. Je vous demande de prier pour moi. C’est la condition. Que Dieu Tout-Puissant vous bénisse, le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Au revoir, merci !

PAPE FRANÇOIS À CUBA – CÉLÉBRATION DES VÊPRES – 20 septembre

21 septembre, 2015

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VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS À CUBA, AUX ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE
ET VISITE AU SIÈGE DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES

(19-28 SEPTEMBRE 2015)

CÉLÉBRATION DES VÊPRES AVEC LES PRÊTRES, LES CONSACRÉS ET LES SÉMINARISTES

HOMÉLIE DU SAINT-PÈRE

Cathédrale de la Havane

Dimanche 20 septembre 2015

Nous sommes réunis dans cette cathédrale historique de La Havane pour chanter avec les psaumes la fidélité de Dieu à son peuple, afin de rendre grâce pour sa présence, pour son infinie miséricorde. Fidélité et miséricorde dont font mémoire non seulement les murs de cet édifice, mais aussi certains « cheveux blancs »,rappel vivant, actualisé, que « sa miséricorde est infinie, et [que] sa fidélité demeure pour les âges ». Frères, rendons grâce ensemble !
Rendons grâce pour la présence de l’Esprit à travers la richesse des divers charismes sur les visages de tant de missionnaires qui sont venus sur ces terres, parvenant à devenir Cubains parmi les Cubains, signe que sa miséricorde est éternelle.
L’Évangile nous présente Jésus en dialogue avec son Père, il nous met au centre de l’intimité faite prière entre le Père et le Fils. Quand approchait son heure, Jésus a prié le Père pour ses disciples, pour ceux qui étaient avec lui et pour ceux qui viendraient (cf. Jn 17, 20). Cela nous fait penser qu’à son heure cruciale, Jésus met dans sa prière la vie des siens, notre vie. Et il demande à son Père de les garder dans l’unité et dans la joie. Jésus connaissait bien le cœur des siens, il connaît bien notre cœur. C’est pourquoi il prie, il demande au Père que ne les gagne pas une conscience qui tend à s’isoler, à se réfugier dans ses propres certitudes, sécurités, espaces ; à se désintéresser de la vie des autres en s’installant dans de petites «fermes » qui brisent le visage multiforme de l’Eglise. Situations qui débouchent sur une tristesse individualiste, sur une tristesse faisant peu à peu place au ressentiment, à la plainte continuelle, à la monotonie ; « ce n’est pas le désir de Dieu pour nous, ce n’est pas la vie dans l’Esprit » (Evangelii Gaudium, n. 2) à laquelle il les a invités, à laquelle il nous invite. C’est pourquoi Jésus prie, il demande que la tristesse et l’isolement ne gagnent pas notre cœur. Nous voulons faire de même, nous voulons nous unir à la prière de Jésus, à ses paroles, pour dire ensemble : « Père, garde-les unis dans ton nom… pour qu’ils soient un comme nous-mêmes » (Jn 17, 11) « et que leur joie soit parfaite » (Jn 15, 11).
Jésus prie et nous invite à prier parce qu’il sait qu’il y a des choses que nous pouvons recevoir seulement comme un don, il y a des choses que nous pouvons vivre seulement comme un don. L’unité est une grâce que seul l’Esprit Saint peut nous donner, il nous revient de la demander et de donner le meilleur de nous-mêmes pour être transformés par ce don.
Il est fréquent de confondre l’unité avec l’uniformité, avec le fait que tous font, sentent et disent la même chose. Cela n’est pas l’unité, c’est l’homogénéité. C’est tuer la vie de l’Esprit, c’est tuer les charismes qu’il a distribués pour le bien de son peuple. L’unité se trouve menacée chaque fois que nous voulons faire les autres à notre image et ressemblance. C’est pourquoi l’unité est un don, ce n’est pas quelque chose que l’on peut imposer de force ou par décret. Je me réjouis de vous voir ici, hommes et femmes de différentes générations, milieux, parcours personnels, unis par la prière en commun. Prions Dieu de faire croître en nous le désir de la proximité. Que nous puissions être des prochains, être proches, avec nos différences, nos habitudes, nos styles, mais proches. Avec nos discussions, nos luttes, en nous parlant en face, et non par derrière. Que nous soyons des pasteurs proches de notre peuple, que nous nous laissions questionner, interroger par nos gens. Les conflits, les discussions dans l’Église sont normales, et j’ose même dire nécessaires ; ils sont des signes que l’Église est vivante et que l’Esprit continue d’agir, continue de la dynamiser. Malheur à ces communautés où il n’y a ni un ‘oui’, ni un ‘non’ ! Elles sont comme ces mariages où on ne discute plus, parce qu’on a perdu l’intérêt, on a perdu l’amour.
En second lieu, le Seigneur prie pour que nous soyons remplis de « la même joie parfaite » qu’il possède (cf. Jn 17, 13). La joie des chrétiens, et spécialement celle des consacrés, est un signe très clair de la présence du Christ dans leurs vies. Quand il y a des visages attristés c’est un signal d’alerte, quelque chose ne va pas bien. Et Jésus demande cela à son Père, juste avant d’aller au jardin, lorsqu’il doit renouveler son « fiat ». Je ne doute pas que vous deviez tous vous charger du poids de nombreux sacrifices, et que pour certains d’entre vous, depuis des décennies, les sacrifices auront été durs. Par son sacrifice, Jésus prie aussi pour que nous ne perdions pas la joie de savoir qu’il est vainqueur du monde. Cette certitude nous pousse chaque matin à réaffirmer notre foi. A travers sa prière, dans le visage de notre peuple, « il nous permet de relever la tête et de recommencer, avec une tendresse qui ne nous déçoit jamais et qui peut toujours nous rendre la joie » (Evangelii Gaudium, n. 3).
Que c’est important ! Quel témoignage si précieux, pour la vie du peuple cubain, que celui de rayonner toujours et partout de cette joie, malgré les fatigues, les scepticismes, y compris malgré le désespoir qui est une tentation très dangereuse qui mine l’âme !
Frères, Jésus prie pour que nous soyons un et pour que sa joie demeure en nous ; faisons de même, unissons-nous les uns aux autres dans la prière. 

VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS EN ÉQUATEUR, BOLIVIE ET PARAGUAY (5-13 JUILLET 2015)

8 juillet, 2015

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VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS EN ÉQUATEUR, BOLIVIE ET PARAGUAY
(5-13 JUILLET 2015)

MESSE POUR LES FAMILLES

HOMÉLIE DU SAINT-PÈRE

Parc des Samanes, Guayaquil (Équateur)

Lundi 6 juillet 2015

Le passage de l’Évangile que nous venons d’entendre est le premier signe prodigieux qui se réalise dans le récit de l’Évangile de Jean. La préoccupation de Marie, devenue requête à Jésus : “Ils n’ont pas de vin” – lui a-t-elle dit – la référence à “l’heure”, cette préoccupation se comprendra grâce aux récits de la Passion.
Et c’est bien qu’il en soit ainsi, parce que cela nous permet de voir la détermination de Jésus à enseigner, à accompagner, à guérir et à donner la joie à partir de cet appel au secours de la part de sa mère : “Ils n’ont pas de vin’’.
Les noces de Cana se répètent avec chaque génération, avec chaque famille, avec chacun de nous et nos tentatives pour faire en sorte que notre cœur arrive à se fixer sur des amours durables, sur des amours fécondes, sur des amours joyeuses. Donnons à Marie une place ; ‘‘la mère’’ comme le dit l’évangéliste. Et faisons avec elle maintenant l’itinéraire de Cana.
Marie est attentive, elle est attentive à ces noces déjà commencées, elle est sensible aux besoins des fiancés. Elle ne se replie pas sur elle-même, elle ne s’enferme pas, son amour fait d’elle un ‘‘être vers’’ les autres. Elle ne cherche pas non plus des amies pour parler de ce qui est en train de se passer et critiquer la mauvaise préparation des noces. Et comme elle est attentive, avec sa discrétion, elle se rend compte que manque le vin. Le vin est signe de joie, d’amour, d’abondance. Combien de nos adolescents et jeunes perçoivent que dans leurs maisons depuis un moment il n’y a plus de ce vin ! Combien de femmes seules et attristées se demandent quand l’amour s’en est allé, quand l’amour s’est dérobé de leur vie ! Combien de personnes âgées se sentent exclues de la fête de leurs familles, marginalisées et ne s’abreuvant pas de l’amour quotidien de ses enfants, de ses petits-fils, de ses arrière-petits-fils. Le manque de ce vin peut aussi être l’effet du manque de travail, l’effet de maladies, de situations problématiques que nos familles dans le monde entier traversent. Marie n’est pas une mère ‘‘qui réclame’’, elle n’est pas non plus une belle-mère qui surveille pour s’amuser de nos incapacités, de nos erreurs ou manques d’attention. Marie est simplement mère ! Elle est là, pleine d’attention et de sollicitude. C’est beau d’écouter cela : Marie est mère ! Voulez-vous le dire tous ensemble avec moi ? Allons : Marie est mère ! Une fois encore : Marie est mère ! Une fois encore : Marie est mère !
Mais Marie, en ce moment où elle se rend compte qu’il manque du vin, recourt à Jésus en toute confiance : cela signifie que Marie prie. Elle s’adresse à Jésus, elle prie. Elle ne s’adresse pas au majordome ; directement, elle présente la difficulté des mariés à son Fils. La réponse qu’elle reçoit semble décourageante : « Et que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue » (v. 4). Cependant, entre temps, elle a déjà remis le problème entre les mains de Dieu. Sa hâte quand il s’agit des besoins des autres accélère l’‘‘heure’’ de Jésus. Et Marie fait partie de cette heure, depuis la crèche jusqu’à la croix. Elle qui a su « transformer une grotte pour des animaux en maison de Jésus, avec de pauvres langes et une montagne de tendresse » (Evangelii Gaudium, n. 286) et qui nous a reçus comme fils quand une épée a traversé le cœur. Elle nous enseigne à remettre nos familles entre les mains de Dieu ; elle nous enseigne à prier, en allumant l’espérance qui nous indique que nos préoccupations aussi sont celles de Dieu.
Et prier nous fait toujours sortir du périmètre de nos soucis, nous fait transcender ce qui nous fait mal, ce qui nous secoue ou ce qui nous manque à nous-mêmes et ce qui nous aident à nous mettre dans la peau des autres, à nous mettre dans leurs souliers. La famille est une école où la prière nous rappelle aussi qu’il y a un nous, qu’il y a un prochain proche, sous les yeux : qui vit sous le même toit, qui partage la vie et se trouve dans le besoin.
Et, enfin, Marie agit. Les paroles « Tout ce qu’il vous dira, faites-le » (v. 5), adressées à ceux qui servaient, sont une invitation à nous aussi, invitation à nous mettre à la disposition de Jésus, qui est venu servir et non pour être servi. Le service est le critère du vrai amour. Celui qui aime sert, il se met au service des autres. Et cela s’apprend spécialement en famille, où nous nous faisons par amour serviteurs les uns des autres. Au sein de la famille, personne n’est marginalisé ; tous sont égaux.
Je me souviens qu’une fois, on a demandé à ma maman lequel de ses cinq enfants – nous sommes cinq frères – lequel de ces cinq enfants elle aimait le plus. Et elle a dit [elle montre la main] : comme les doigts, si l’on pique celui-ci cela me fait mal de la même manière que si l’on pique celui-là. Une mère aime ses fils tels qu’ils sont. Et dans une famille les frères s’aiment tels qu’ils sont. Personne n’est rejeté.
Là en famille « on apprend à demander une permission avec respect, à dire ‘‘merci’’ comme expression d’une juste évaluation des choses qu’on reçoit, à dominer l’agressivité ou la voracité, et là on apprend également à demander pardon quand on cause un dommage, quand nous nous querellons. Car dans toutes les familles il y a des querelles. Le problème, c’est demander pardon après. Ces petits gestes de sincère courtoisie aident à construire une culture de la vie partagée et du respect pour ce qui nous entoure » (Laudato si’, n. 213). La famille est l’hôpital le plus proche, quand on est malade on y soigné, tant que c’est possible. La famille, c’est la première école des enfants, c’est le groupe de référence indispensable des jeunes, c’est la meilleure maison de retraite pour les personnes âgées. La famille constitue la grande ‘‘richesse sociale’’ que d’autres institutions ne peuvent pas remplacer, qui doit être aidée et renforcée, pour ne jamais perdre le sens juste des services que la société prête à ses citoyens. En effet, ces services que la société prête aux citoyens ne sont pas une aumône, mais une vraie “dette sociale” à l’endroit de l’institution familiale, qui est la base et qui apporte tant au bien commun de tous.
La famille forme aussi une petite Eglise, nous l’appelons “Eglise domestique” qui, avec la vie, achemine la tendresse et la miséricorde divine. Dans la famille, la foi se mélange au lait maternel : en expérimentant l’amour des parents, on sent plus proche l’amour de Dieu.
Et dans la famille – nous en sommes tous témoins – les miracles se réalisent avec ce qu’il y a, avec ce que nous sommes, avec ce que l’on a à portée de main… bien souvent ce n’est pas l’idéal, ce n’est pas ce dont nous rêvons, ni ce qui “devrait être”. Il y a un détail qui doit nous faire réfléchir : le vin nouveau, ce vin si bon selon le majordome des noces de Cana provient des jarres de purification, c’est-à-dire de l’endroit où tous avaient laissé leurs péchés… Il provient du ‘‘pire’’ parce que “là où le péché s’est multiplié, la grâce a surabondé” (Rm 5, 20). Et dans la famille de chacun d’entre nous et dans la famille commune que nous formons tous, rien n’est écarté, rien n’est inutile. Peu avant le début de l’Année Jubilaire de la Miséricorde, l’Eglise célèbrera le Synode Ordinaire consacré aux familles, pour faire mûrir un vrai discernement spirituel et trouver des solutions et des aides concrètes aux nombreuses difficultés et aux importants défis que la famille doit affronter aujourd’hui. Je vous invite à intensifier votre prière à cette intention, pour que même ce qui nous semble encore impur, comme l’eau dans les jarres, nous scandalise ou nous effraie, Dieu – en le faisant passer par son “heure” – puisse le transformer en miracle. La famille a besoin aujourd’hui de ce miracle.
Et toute cette histoire a commencé parce qu’“ils n’avaient pas de vin”, et tout a pu se réaliser parce qu’une femme – la Vierge – était attentive, a su remettre dans les mains de Dieu ses préoccupations, et a agi avec bon sens et courage. Mais il y a un détail, le résultat final n’est pas moindre : ils ont goûté le meilleur des vins. Et voici la bonne nouvelle : le meilleur des vins est sur le point d’être savouré, le plus admirable, le plus profond et le plus beau pour la famille reste à venir. Le temps reste à venir, où nous savourerons l’amour quotidien, où nos enfants redécouvriront l’espace que nous partageons, et les personnes âgées seront présentes dans la joie de chaque jour. Le meilleur des vins est en espérance, il reste à venir pour chaque personne qui se risque à l’amour. Et en famille, il faut se risquer à l’amour, il faut se risquer à aimer. Et le meilleur des vins reste à venir même si tous les paramètres et les statistiques disent le contraire. Le meilleur vin reste à venir en ceux qui aujourd’hui voient tout s’effondrer. Murmurez-le jusqu’à le croire: le meilleur vin reste à venir. Murmurez-le chacun dans son cœur : le meilleur vin reste à venir. Et susurrez-le aux désespérés ou aux mal-aimés. Soyez patients, ayez de l’espérance, faites comme Marie, priez, agissez, ouvrez votre cœur, parce que le meilleur des vins va venir. Dieu s’approche toujours des périphéries de ceux qui sont restés sans vin, de ceux à qui il ne reste à boire que le découragement ; Jésus a un faible pour offrir en abondance le meilleur des vins à ceux qui pour une raison ou une autre, sentent déjà que toutes leurs jarres se sont cassées.
Comme Marie nous y invite, faisons “tout ce que Seigneur dira”. Faites ce qu’il vous dira. Et soyons reconnaissants que, à notre temps et à notre heure, le vin nouveau, le meilleur, nous fasse récupérer la joie de la famille, la joie de vivre en famille. Ainsi soit-il.
Intervention improvisée du Saint-Père à la fin de la Sainte Messe au Parc ‘‘Los Samanes’’, Guayaquil
Que Dieu vous bénisse, vous accompagne. Je prie pour la famille de chacun d’entre vous, et vous, faites comme Marie. Et, s’il vous plaît, je vous demande de ne pas oublier de prier pour moi.

Au revoir !