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PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE – 18 août 2021 – Catéchèse sur la Lettre aux Galates – 5. La valeur propédeutique de la Loi

13 septembre, 2021

https://www.vatican.va/content/francesco/fr/audiences/2021/documents/papa-francesco_20210818_udienza-generale.html

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE – 18 août 2021 – Catéchèse sur la Lettre aux Galates – 5. La valeur propédeutique de la Loi

Salle Paul VI

Frères et sœurs, bonjour!

Saint Paul, qui aimait Jésus Christ et qui avait bien compris ce qu’était le salut, nous a enseigné que les «enfants de la promesse» (Ga 4, 28) – c’est-à-dire nous tous, justifiés par Jésus Christ – ne sont pas sous le joug de la Loi, mais sont appelés à un style de vie exigeant dans la liberté de l’Evangile. Cependant, la Loi existe. Mais elle existe d’une autre manière: la même Loi, les dix commandements, mais d’une autre manière, parce qu’elle ne peut pas justifier par elle-même une fois que le Seigneur Jésus est venu. C’est pourquoi, dans la catéchèse d’aujourd’hui, je voudrais expliquer cela. Et nous nous demandons: quel est, selon la lettre aux Galates, le rôle de la Loi? Dans le passage que nous avons écouté, Paul soutient que la Loi a été comme un pédagogue. C’est une belle image que celle du pédagogue dont nous avons parlé au cours de la dernière audience, une image qui mérite d’être comprise dans sa juste signification.

L’apôtre semble suggérer aux chrétiens de diviser l’histoire du salut en deux, et également son histoire personnelle. Il y a deux moments: avant d’être devenus chrétiens en Jésus Christ et après avoir reçu la foi. Au centre se place l’événement de la mort et de la résurrection de Jésus, que Paul a prêché pour susciter la foi dans le Fils de Dieu, source de salut, et en Jésus Christ nous sommes justifiés. Nous sommes justifiés par la gratuité de la foi en Jésus Christ. A partir de la foi dans le Christ, il y a donc un «avant» et un «après» à l’égard de la Loi elle-même, car la Loi existe, les commandements existent, mais il y a une attitude avant la venue de Jésus et ensuite une autre après. L’histoire précédente est déterminée par le fait d’être «sous la Loi». Et celui qui allait sur le chemin de la Loi se sauvait, était justifié; celle qui suit – après la venue de Jésus – doit être vécue en suivant l’Esprit Saint (cf. Ga 5, 25). C’est la première fois que Paul utilise cette expression: être «sous la Loi». La signification sous-entendue comporte l’idée d’un asservissement négatif, typique des esclaves: «être sous». L’apôtre l’explicite en disant que lorsqu’on est “sous la Loi ” on est comme des “surveillés” et des “enfermés”, une sorte de détention préventive. Ce temps, dit saint Paul, a duré longtemps – de Moïse à la venue de Jésus –, et il se perpétue tant qu’on vit dans le péché.

La relation entre la Loi et le péché sera exposée de manière plus systématique par l’apôtre dans sa lettre aux Romains, écrites quelques années seulement après celle aux Galates. En synthèse, la Loi conduit à définir la transgression et à rendre les personnes conscientes de leur propre péché: «Tu as fait cela, donc la Loi – les dix commandements – dit cela: tu es dans le péché». D’ailleurs, comme l’enseigne l’expérience commune, le précepte finit par stimuler la transgression. Il écrit ce qui suit dans la lettre aux Romains: «De fait, quand nous étions dans la chair, les passions pécheresses qui se servent de la Loi opéraient en nos membres afin que nous fructifiions pour la mort. Mais à présent nous avons été dégagés de la Loi, étant morts à ce qui nous tenait prisonniers» (7, 5-6). Pourquoi? Parce que la justification de Jésus Christ est venue. Paul fixe sa vision de la Loi: «L’aiguillon de la mort, c’est le péché, et la force du péché, c’est la Loi» (1 Co 15, 56). Un dialogue: tu es sous la Loi, et tu es là avec la porte ouverte au péché.

Dans ce contexte, la référence au rôle pédagogique exercé par la Loi acquiert pleinement son sens. Mais la Loi est le pédagogue, qui te conduit où? A Jésus. Dans le système scolaire de l’antiquité le pédagogue n’avait pas la fonction que nous lui attribuons aujourd’hui, c’est-à-dire celle de soutenir l’éducation d’un jeune garçon ou d’une jeune fille. A l’époque, il s’agissait en revanche d’un esclave qui avait la fonction d’accompagner le fils de son patron auprès du maître et de le reconduire ensuite à la maison. Il devait ainsi le protéger des dangers, le surveiller pour qu’il n’ait pas des comportements incorrects. Sa fonction était plutôt disciplinaire. Quand l’enfant devenait adulte, le pédagogue cessait ses fonctions. Le pédagogue auquel se réfère Paul n’était pas l’enseignant, mais c’était celui qui accompagnait à l’école, qui surveillait l’enfant et le conduisait à la maison.

Se référer à la Loi dans ces termes permet à saint Paul d’éclaircir la fonction que celle-ci a exercée dans l’histoire d’Israël. La Torah, c’est-à-dire la Loi, a été un acte de magnanimité de la part de Dieu à l’égard de son peuple. Après l’élection d’Abraham, l’autre grand acte a été la Loi: tracer la route pour aller de l’avant. Elle avait certainement eu des fonctions restrictives, mais dans le même temps elle avait protégé le peuple, elle l’avait éduqué, discipliné et soutenu dans sa faiblesse, en particulier en exerçant une protection face au paganisme; il y avait tant d’attitudes païennes à cette époque. La Torah dit: «Il y a un unique Dieu et il nous a mis en chemin». Un acte de bonté du Seigneur. Et assurément, comme je l’ai dit, elle a eu des fonctions restrictives, mais dans le même temps elle avait protégé le peuple, elle l’avait éduqué, elle l’avait discipliné, elle l’avait soutenu dans sa faiblesse. C’est pourquoi l’apôtre s’arrête ensuite sur la description de la phase de l’âge mineur. Et il dit ce qui suit: «Aussi longtemps qu’il est un enfant, l’héritier, quoique propriétaire de tous les biens, ne diffère en rien d’un esclave. Il est sous le régime des tuteurs et des intendants jusqu’à la date fixée par son père. Nous aussi, durant notre enfance, nous étions asservis aux éléments du monde» (Ga 4,1-3). En somme, la conviction de l’apôtre est que la Loi possède certainement une fonction positive – et donc comme le pédagogue, pour faire avancer –, mais c’est une fonction limitée dans le temps. On ne peut pas étendre sa durée outre mesure, car elle est liée à la maturation des personnes et à leur choix de liberté. Une fois que l’on arrive à la foi, la Loi arrive à la fin de sa valeur propédeutique et doit céder la place à une autre autorité. Qu’est-ce que cela veut dire? Qu’une foi la Loi finie nous pouvons dire: «Nous croyons en Jésus Christ et nous faisons ce que nous voulons? «Non! Les commandements sont présents, mais ils ne nous justifient pas. Celui qui nous justifie est Jésus Christ. On doit observer les commandements, mais ils ne nous donnent pas la justice; il y a la gratuité de Jésus Christ, la rencontre avec Jésus Christ qui nous justifie gratuitement. Le mérite de la foi est de recevoir Jésus. L’unique mérite: ouvrir son cœur. Et que devons-nous faire avec les commandements? Nous devons les observer, mais comme une aide pour aller à la rencontre de Jésus Christ.

Cet enseignement sur la valeur de la Loi est très important et mérite d’être considéré avec attention pour ne pas tomber dans des équivoques et accomplir de faux pas. Cela nous fera du bien de nous demander si nous vivons encore dans la période où nous avons besoin de la Loi, ou si en revanche nous sommes bien conscients d’avoir reçu la grâce d’être devenus des enfants de Dieu pour vivre dans l’amour. Comment est-ce que je vis? Dans la peur que, si je ne fais pas cela, j’irai en enfer? Ou est-ce que je vis avec cette espérance, avec cette joie de la gratuité du salut en Jésus Christ? C’est une belle question. Et la deuxième également: est-ce que je méprise les commandements? Non. Je les observe, mais pas comme absolus, car je sais que ce qui me justifie est Jésus Christ.

PAPE FRANÇOIS -AUDIENCE GÉNÉRALE – 8 septembre 2021- Catéchèse sur la Lettre aux Galates – 8. Nous sommes fils de Dieu

8 septembre, 2021

https://www.vatican.va/content/francesco/fr/audiences/2021/documents/papa-francesco_20210908_udienza-generale.html

PAPE FRANÇOIS -AUDIENCE GÉNÉRALE – 8 septembre 2021- Catéchèse sur la Lettre aux Galates – 8. Nous sommes fils de Dieu

Salle Paul VI

Frères et sœurs, bonjour!

Nous poursuivons notre itinéraire d’approfondissement de la foi — de notre foi — à la lumière de la Lettre de saint Paul aux Galates. L’apôtre insiste auprès de ces chrétiens pour qu’ils n’oublient pas la nouveauté de la révélation de Dieu qui leur a été annoncée. En plein accord avec l’évangéliste Jean (cf 1 Jn 3, 1-2), Paul souligne que la foi en Jésus Christ nous a permis de devenir réellement fils de Dieu et également ses héritiers. Nous chrétiens considérons souvent comme évidente cette réalité d’être fils de Dieu. Il est bon au contraire de se souvenir toujours avec reconnaissance du moment où nous le sommes devenus, celui de notre baptême, pour vivre avec une plus grande conscience le grand don reçu.

Si je demandais aujourd’hui: qui de vous connaît la date de son baptême?, je crois qu’il n’y aurait pas beaucoup de mains levées. Et pourtant, c’est la date à laquelle nous avons été sauvés, c’est la date à laquelle nous sommes devenus fils de Dieu. A présent, que ceux qui ne la connaissent pas demandent à leur parrain, marraine, à leur père, leur mère, leur oncle, leur tante: «Quand ai-je été baptisé? Quand ai-je été baptisée?»; et rappeler chaque année cette date: c’est la date à laquelle nous sommes devenus fils de Dieu. D’accord? Vous le ferez? [les fidèles répondent: oui!]. C’est un «oui» un peu comme ça, hein? [rires] Poursuivons….

En effet, une fois «venue la foi» dans le Christ (v. 25), se crée la condition radicalement nouvelle qui fait entrer dans la filiation divine. La filiation dont parle Paul n’est plus celle générale qui touche tous les hommes et les femmes en tant que fils et filles de l’unique Créateur. Dans le passage que nous avons écouté, il affirme que la foi permet d’être fils de Dieu «dans le Christ» (v. 26): telle est la nouveauté. C’est ce «dans le Christ» qui fait la différence. Pas seulement fils de Dieu, comme tous: nous tous hommes et femmes sommes enfants de Dieu, tous, quelle que soit notre religion. Non. Mais «dans le Christ» est ce qui fait la différence chez les chrétiens et cela n’a lieu que dans la participation à la rédemption du Christ et en nous dans le sacrement du baptême, c’est ainsi que cela commence. Jésus est devenu notre frère, et par sa mort et sa résurrection, il nous a réconciliés avec le Père. Qui accueille le Christ dans la foi, à travers le baptême est «revêtu» de Lui et de la dignité filiale (cf. v. 27).

Dans ses Lettres, saint Paul fait référence à plusieurs reprises au baptême. Pour lui, être baptisé équivaut à prendre part de façon effective et réelle au mystère de Jésus. Par exemple, dans la Lettre aux Romains, il arrivera même à dire que, dans le baptême, nous sommes morts avec le Christ et ensevelis avec Lui pour pouvoir vivre avec Lui (cf. 6, 3-14). Morts avec le Christ, ensevelis avec Lui pour pouvoir vivre avec Lui. C’est la grâce du baptême: participer à la mort et à la résurrection de Jésus. Le baptême n’est donc pas un simple rite extérieur. Ceux qui le reçoivent sont transformés profondément, au plus profond d’eux-mêmes, et possèdent une vie nouvelle, précisément celle qui permet de s’adresser à Dieu et de l’invoquer par le nom d’«Abbà», c’est-à-dire «papa». «Père»? Non, «papa» (cf. Ga 4, 6).

L’apôtre affirme avec une grande audace que l’identité reçue avec le baptême est entièrement nouvelle, au point de prévaloir sur les différences qui existent sur le plan ethnique et religieux. Il l’explique ainsi: «il n’y a ni Juif ni Grec»; et aussi sur le plan social: «il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme» (Ga 3, 28). On lit souvent ces expressions trop à la hâte, sans saisir la valeur révolutionnaire qu’elles contiennent. Pour Paul, écrire aux Galates que dans le Christ, «il n’y a ni Juif ni Grec» équivaut à une authentique subversion ethnique et religieuse. Le juif, du fait d’appartenir au peuple élu, était privilégié par rapport au païen (cf. Rm 3, 17-20), et Paul lui-même l’affirme (cf. Rm 9, 4-5). Il n’est donc pas surprenant que ce nouvel enseignement de l’apôtre puisse sembler hérétique. «Mais comment cela, tous égaux? Nous sommes différents!». Cela semble un peu hérétique non? La deuxième égalité aussi, entre «libres» et «esclaves», ouvre des perspectives troublantes. Pour la société antique, la distinction entre esclaves et citoyens libres était vitale. Ces derniers jouissaient selon la loi de tous les droits, tandis que l’on ne reconnaissait pas même la dignité humaine aux esclaves. Cela arrive aujourd’hui aussi: beaucoup de gens, dans le monde, beaucoup, des millions, qui n’ont pas le droit à l’alimentation, n’ont pas le droit à l’éducation, n’ont pas le droit au travail: ce sont les nouveaux esclaves, ce sont ceux qui se trouvent aux périphéries, qui sont exploités par tous. Aujourd’hui aussi, il y a l’esclavage. Pensons un peu à cela. Nous nions à ces gens la dignité humaine, ils sont esclaves. Ainsi, à la fin, l’égalité dans le Christ dépasse la différence sociale entre les deux sexes, en établissant entre l’homme et la femme une alliance alors révolutionnaire qu’il faut réaffirmer aujourd’hui aussi. Il faut la réaffirmer aujourd’hui aussi. Combien de fois entendons-nous des expressions qui méprisent les femmes! Combien de fois avons-nous entendu: «Mais non, ne fais rien, [ce sont] des histoires de femmes». Mais les hommes et les femmes ont la même dignité, et il y a dans l’histoire, aujourd’hui aussi, un esclavage de femmes: les femmes n’ont pas les mêmes opportunités que les hommes. Nous devons lire ce que dit Paul: nous sommes égaux en Jésus Christ.

Comme on peut le voir, Paul affirme la profonde unité qui existe entre tous les baptisés, quelle que soit la condition à laquelle ils appartiennent, que ce soit des hommes ou des femmes, égaux, parce que chacun d’eux, dans le Christ, est une créature nouvelle. Toute distinction devient secondaire par rapport à la dignité d’être fils de Dieu, qui à travers son amour, réalise une véritable et importante égalité. Tous, à travers la rédemption du Christ et le baptême que nous avons reçu, sommes égaux: fils et filles de Dieu. Egaux.

Frères et sœurs, nous sommes donc appelés de façon plus positive à vivre une nouvelle vie qui trouve dans la filiation avec Dieu son expression fondatrice. Egaux parce que fils de Dieu, et fils de Dieu parce que Jésus Christ nous a rachetés et nous sommes entrés dans cette dignité à travers le baptême. Il est décisif également pour nous tous aujourd’hui de redécouvrir la beauté d’être fils de Dieu, d’être frères et sœurs entre nous parce qu’insérés dans le Christ qui nous a rachetés. Les différences et les contrastes qui créent la séparation ne devraient pas exister entre les croyants dans le Christ. Et l’un des apôtres, dans la Lettre de Jacques, dit: «Faites attention avec les différences, parce que vous n’êtes pas justes quand dans l’assemblée (c’est-à-dire à la Messe), quelqu’un entre qui porte un anneau d’or et est bien habillé: “Ah, entrez, entrez!” et ils le font s’asseoir au premier rang. Puis, s’il entre une autre personne qui, la pauvre, peut à peine se couvrir, et on voit qu’elle est pauvre: “oui, oui, assied-toi là, au fond”». Ces différences, ce sont nous qui les faisons, souvent, de façon inconsciente. Non, nous sommes égaux. Notre vocation est plutôt celle de rendre concret et évident l’appel à l’unité de tout le genre humain (cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. Lumen gentium, n. 1). Tout ce qui exacerbe les différences entre les personnes, en provoquant souvent des discriminations, tout cela, devant Dieu, n’a plus de consistance, grâce au salut réalisé dans le Christ. Ce qui compte est la foi qui opère selon le chemin de l’unité indiqué par l’Esprit Saint. Et notre responsabilité est de marcher de façon résolue sur ce chemin de l’égalité, mais l’égalité qui est soutenue, qui a été réalisée par la rédemption de Jésus.

Merci. Et n’oubliez pas, quand vous rentrerez chez vous: «Quand ai-je été baptisé? Quand ai-je été baptisée?». Demander, pour avoir toujours cette date à l’esprit. Et également la célébrer quand arrivera la date. Merci.

 

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE- GENÉRALE – 21 août 2019 (La communauté chrétienne naît de l’effusion surabondante de l’Esprit Saint…)

11 avril, 2021

http://www.vatican.va/content/francesco/fr/audiences/2019/documents/papa-francesco_20190821_udienza-generale.html

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE- GENÉRALE – 21 août 2019 (La communauté chrétienne naît de l’effusion surabondante de l’Esprit Saint…)

Salle Paul VI
Mercredi 21 août 2019

Chers frères et sœurs, bonjour!

La communauté chrétienne naît de l’effusion surabondante de l’Esprit Saint et croît grâce au ferment du partage entre frères et sœurs dans le Christ. Il existe un dynamisme de solidarité qui édifie l’Eglise en tant que famille de Dieu, où l’expérience de la koinonia est centrale. Que veut dire ce mot étrange? C’est un mot grec qui signifie «mettre en communion», «mettre en commun», être comme une communauté, pas isolés. C’est l’expérience de la première communauté chrétienne, c’est-à-dire mettre en commun, «partager», «communiquer, participer», ne pas s’isoler. Dans l’Eglise des origines, cette koinonia, cette communauté se réfère avant tout à la participation au Corps et au Sang du Christ. Pour cette raison, quand nous faisons la communion nous disons «nous nous communiquons», nous entrons en communion avec Jésus et de cette communion avec Jésus nous arrivons à la communion avec nos frères et sœurs. Et cette communion avec le Corps et le Sang du Christ qui se fait dans la Messe se traduit en union fraternelle, et donc également par ce qui est plus difficile pour nous: mettre en commun les biens et recueillir de l’argent pour la collecte en faveur de l’Eglise Mère de Jérusalem (cf. Rm 12, 13; 2 Co 8–9) et des autres Eglises. Si vous voulez savoir si vous êtes de bons chrétiens, vous devez prier, essayer de vous approcher de la communion, du sacrement de la réconciliation. Mais ce signal que ton cœur s’est converti, c’est quand la conversion arrive aux poches, combien elle touche ton propre intérêt: c’est là que l’on voit si l’on est généreux avec les autres, si l’on aide les plus faibles, les plus pauvres: Quand la conversion arrive là, soyez certains qu’il s’agit d’une vraie conversion. Si elle ne reste que dans les mots, ce n’est pas une bonne conversion.
La vie eucharistique, les prières, la prédication des apôtres et l’expérience de la communion (cf. Ac 2, 42) font des croyants une multitude de personnes qui ont — dit le Livre des Actes des apôtres — ont «un seul cœur et une seule âme» et qui ne considèrent pas ce qu’ils possèdent comme leur propriété, mais mettent tout en commun (cf. Ac 4, 32). Il s’agit d’un modèle de vie si fort, qui nous aide à être généreux et pas avares. Pour cette raison, «nul n’était dans le besoin; car tous ceux qui possédaient — dit le Livre — des terres ou des maisons les vendaient, apportaient le prix de la vente et le déposaient aux pieds des apôtres. On distribuait alors à chacun suivant ses besoins» (Ac 4, 34-35). L’Eglise a toujours eu ce geste des chrétiens qui se dépouillaient des choses qu’ils avaient en plus, des choses qui n’étaient pas nécessaires pour les donner à ceux qui avaient besoin. Et pas seulement de l’argent: également du temps. Combien de chrétiens — vous, par exemple, ici en Italie — combien de chrétiens font du bénévolat! Mais cela est très beau! C’est une communion, partager mon temps avec les autres, pour aider ceux qui en ont besoin. C’est cela, le bénévolat, les œuvres de charité, les visites aux malades; il faut toujours partager avec les autres, et ne pas chercher seulement son propre intérêt.
La communauté, ou koinonia, devient de cette façon le nouveau type de relation entre les disciples du Seigneur. Les chrétiens font l’expérience d’une nouvelle modalité d’être entre eux, de se comporter. Et c’est la modalité proprement chrétienne, au point que les païens regardaient les chrétiens et disaient: «Regardez comme ils s’aiment!». L’amour était la modalité. Mais pas un amour en paroles, pas un amour feint: l’amour des œuvres, s’aider les uns les autres, l’amour concret, le caractère concret de l’amour. Le lien avec le Christ instaure un lien entre frères qui converge et s’exprime également dans la communion des biens matériels. Oui, cette modalité d’être ensemble, cet amour de cette façon arrive jusqu’aux poches, arrive à se dépouiller également de l’obstacle de l’argent pour le donner aux autres, en allant contre son propre intérêt. Etre membres du corps de Christ rend les croyants coresponsables les uns des autres. Etre croyants en Jésus nous rend tous coresponsables les uns des autres. «Mais regarde celui-ci, le problème qu’il a: cela ne m’intéresse pas, ça le regarde». Non, parmi les chrétiens, nous ne pouvons pas dire: «Le pauvre, il a un problème à la maison, il traverse cette difficulté familiale». Mais moi, je dois prier, je l’emporte avec moi, je ne suis pas indifférent». C’est cela être chrétien. C’est pourquoi les forts soutiennent les faibles (cf. Rm 15, 1) et personne ne fait l’expérience de l’indigence qui humilie et défigure la dignité humaine, car ils vivent cette communauté: avoir le cœur en commun. Ils s’aiment. C’est le signal: l’amour concret.
Jacques, Pierre et Jean, qui sont les trois apôtres comme les «piliers» de l’Eglise de Jérusalem, établissent dans la communion que Paul et Barnabé évangélisent les païens tandis qu’eux évangéliseront les juifs, et demandent seulement, à Paul et Barnabé, quelle est la condition: ne pas oublier les pauvres, rappeler les pauvres (cf. Ga 2, 9-10). Non seulement les pauvres matériels, mais aussi les pauvres spirituels, les gens qui ont des problèmes et ont besoin de notre proximité. Un chrétien part toujours de lui-même, de son propre cœur, et s’approche des autres comme Jésus s’est approché de nous. Telle est la première communauté chrétienne.
Un exemple concret de partage et de communion des biens nous vient du témoignage de Barnabé: il possède un champ et le vend pour en verser le produit aux apôtres (cf. Ac 4, 36-37). Mais à côté de son exemple positif, en apparaît un autre, tristement négatif: Ananie et sa femme Saphire, ayant vendu un terrain, décident de n’en remettre qu’une partie aux apôtres et de garder l’autre pour eux (cf. Ac 5, 1-2). Cette tromperie interrompt la chaîne du partage gratuit, le partage serein et désintéressé et les conséquences sont tragiques, fatales (Ac 5, 5.10). L’apôtre Pierre démasque l’attitude incorrecte d’Ananie et de sa femme et lui dit: «Pourquoi satan a-t-il rempli ton cœur, que tu mentes à l’Esprit Saint et détournes une partie du prix du champ? [...] Ce n’est pas à des hommes que tu as menti, mais à Dieu» (Ac 5, 3-4). Nous pourrions dire qu’Ananie a menti à Dieu à cause d’une conscience isolée, d’une conscience hypocrite, c’est-à-dire à cause d’une appartenance ecclésiale «négociée», partiale et opportuniste. L’hypocrisie est le pire ennemi de cette communauté chrétienne, de cet amour chrétien: faire semblant de s’aimer mais ne rechercher que son propre intérêt.
Manquer de sincérité dans le partage, en effet, ou manquer de sincérité dans l’amour, signifie cultiver l’hypocrisie, s’éloigner de la vérité, devenir égoïstes, éteindre le feu de la communion et se destiner au gel de la mort intérieure. Celui qui se comporte de cette façon traverse l’Eglise en touriste. Il y a beaucoup de touristes dans l’Eglise qui sont toujours de passage, mais n’entrent jamais dans l’Eglise: c’est le tourisme spirituel qui leur fait croire qu’ils sont chrétiens, alors qu’ils ne sont que des touristes de catacombes. Non, nous ne devons pas être des touristes dans l’Eglise, mais frères les uns des autres. Une vie fondée uniquement sur le fait de tirer profit et avantage des situations au détriment des autres, provoque inévitablement la mort intérieure. Et combien de personnes se disent proches de l’Eglise, amis des prêtres, des évêques, alors qu’elles ne cherchent que leur propre intérêt. Voilà les hypocrisies qui détruisent l’Eglise!

Que le Seigneur — je le demande pour nous tous — répande sur nous son Esprit de tendresse, qui surmonte toute hypocrisie et met en circulation cette vérité qui nourrit la solidarité chrétienne, qui, loin d’être une activité d’assistance sociale, est l’expression incontournable de la nature de l’Eglise, mère très tendre de tous, en particulier des plus pauvres.

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE – 27 janvier 2021 – 22. La prière avec les Saintes Ecritures

28 janvier, 2021

http://www.vatican.va/content/francesco/fr/audiences/2021/documents/papa-francesco_20210127_udienza-generale.html

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE – 27 janvier 2021 – 22. La prière avec les Saintes Ecritures

Bibliothèque du palais apostolique

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Chers frères et sœurs, bonjour!

Je voudrais aujourd’hui m’arrêter sur la prière que nous pouvons faire à partir d’un passage de la Bible. Les paroles de l’Ecriture Sainte n’ont pas été écrites pour rester emprisonnées sur du papyrus, sur du parchemin ou sur du papier, mais pour être accueillies par une personne qui prie, en les faisant germer dans son cœur. La parole de Dieu va au cœur. Le Catéchisme affirme: «La prière doit accompagner la lecture de la Sainte Ecriture – la Bible ne peut pas être lue comme un roman –-, pour que se noue un dialogue entre Dieu et l’homme» (n. 2653). La prière te porte ainsi, car elle est un dialogue avec Dieu. Ce verset de la Bible a été écrit également pour moi, il y a tant de siècles, pour m’apporter une parole de Dieu. Il a été écrit pour chacun de nous. Cette expérience arrive à tous les croyants: un passage de l’Ecriture, écouté déjà tant de fois, un jour à l’improviste me parle et éclaire une situation que je suis en train de vivre. Mais il faut que moi, ce jour-là, je sois là, au rendez-vous avec cette Parole, que je sois là, à l’écoute de la Parole. Tous les jours, Dieu passe et jette une semence dans le terrain de notre vie. Nous ne savons pas si, aujourd’hui, il trouvera un sol aride, des ronces, ou bien un bon terreau, qui fera grandir ce bourgeon (cf. Mc 4,3-9). Cela dépend de nous, de notre prière, du cœur ouvert avec lequel nous nous approchons des Ecritures pour qu’elles deviennent pour nous Parole vivante de Dieu. Dieu passe, sans cesse, à travers l’Ecriture. Et reprenant ce que j’ai dit la semaine dernière et que disait saint Augustin: «J’ai peur du Seigneur quand il passe». Pourquoi as-tu peur? J’ai peur de ne pas l’écouter, de ne pas m’apercevoir qu’il est le Seigneur.
A travers la prière a lieu comme une nouvelle incarnation du Verbe. Et c’est nous qui sommes les “tabernacles” où les paroles de Dieu veulent être accueillies et conservées, pour pouvoir visiter le monde. C’est pourquoi nous devons nous approcher de la Bible sans deuxième intention, sans l’instrumentaliser. Le croyant ne cherche pas dans les Saintes Ecritures le soutien pour sa propre vision philosophique ou morale, mais parce qu’il espère une rencontre; il sait que celles-ci, ces paroles, ont été écrites dans l’Esprit Saint, et que c’est donc dans ce même Esprit qu’elles doivent être accueillies, qu’elles doivent être comprises, pour que la rencontre se réalise.
Cela m’agace un peu quand j’entends des chrétiens qui récitent des versets de la Bible comme des perroquets. «Oh, oui, le Seigneur dit ceci…, il veut cela…». Mais toi, as-tu rencontré le Seigneur, ce verset? Ce n’est pas seulement un problème de mémoire: c’est un problème de la mémoire du cœur, celle qui t’ouvre à la rencontre avec le Seigneur. Et ce mot, ce verset, te conduit à la rencontre avec le Seigneur.
Nous lisons donc les Ecritures pour que celles-ci “nous lisent”. Et c’est une grâce de pouvoir se reconnaître dans un personnage ou l’autre, dans cette situation-là ou dans celle-ci. La Bible n’est pas écrite pour une humanité générique, mais pour nous, pour moi, pour toi, pour des hommes et des femmes en chair et en os, des hommes et des femmes qui ont un prénom et un nom, comme moi, comme toi. Et la Parole de Dieu, imprégnée d’Esprit Saint, lorsqu’elle est accueillie avec un cœur ouvert, ne laisse pas les choses comme avant, jamais, elle change quelque chose. C’est la grâce et la force de la Parole de Dieu.
La tradition chrétienne est riche d’expériences et de réflexions sur la prière avec l’Ecriture Sainte. La méthode de la “lectio divina” s’est en particulier affirmée, née dans le domaine monastique, mais désormais également pratiquée par les chrétiens qui fréquentent les paroisses. Il s’agit tout d’abord de lire le passage biblique avec attention, plus encore, je dirais avec “obéissance” au texte, pour comprendre ce qu’il signifie en lui-même. Ensuite, on entre en dialogue avec l’Ecriture, de sorte que ces paroles deviennent un motif de méditation et d’oraison: toujours en adhérant au texte, je commence à m’interroger sur ce qu’il “me dit”. C’est un passage délicat: il ne faut pas glisser dans des interprétations subjectives, mais s’insérer dans le sillage vivant de la Tradition, qui unit chacun de nous à l’Ecriture Sainte. Et le dernier pas de la lectio divina est la contemplation. Dans celui-ci, les paroles et les pensées laissent placent à l’amour, comme entre des amoureux à qui il suffit parfois de se regarder en silence. Le texte biblique reste, mais comme un miroir, comme une icône à contempler. Et c’est ainsi que le dialogue a lieu.
A travers la prière, la Parole de Dieu vient habiter en nous et nous habitons en elle. La Parole inspire de bonnes intentions et soutient l’action; elle nous donne la force, elle nous donne la sérénité, et même quand elle nous met en crise, elle nous apporte la paix. Dans les journées “mauvaises” et confuses, elle assure à notre cœur un noyau de confiance et d’amour qui le protège des attaques du malin.
Ainsi, la Parole de Dieu – je me permets d’utiliser cette expression: se fait chair – chez ceux qui l’accueillent dans la prière. Dans certains textes antiques, apparaît l’intuition que les chrétiens s’identifient tellement avec la Parole que, même si toutes les Bibles du monde brûlaient, on pourrait encore en sauver le “calque” à travers l’empreinte qu’elle a laissée dans la vie des saints. Il s’agit-là d’une belle expression.
La vie chrétienne est à la fois une œuvre d’obéissance et de créativité. Un bon chrétien doit être obéissant, mais il doit être créatif. Obéissant, parce qu’il écoute le Parole de Dieu; créatif, parce qu’il a l’Esprit en lui qui le pousse à la pratiquer, à la poursuivre. Jésus le dit à la fin d’un de ses discours prononcés en parabole, en utilisant cette comparaison: «Ainsi donc tout scribe devenu disciple du Royaume des Cieux est semblable à un propriétaire qui tire de son trésor – le cœur – du neuf et du vieux» (Mt 13,52). Les Saintes Ecritures sont un trésor inépuisable. Que le Seigneur accorde à nous tous d’y puiser toujours davantage, à travers la prière. Merci.

Je salue cordialement les personnes de langue française.

Je vous invite à lire et à prier chaque jour quelque versets de la Parole de Dieu, pour donner force, sérénité et paix à votre vie. Et que Dieu vous bénisse !

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE – 20 janvier 2021 – La prière pour l’unité des chrétiens

20 janvier, 2021

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PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE – 20 janvier 2021 – La prière pour l’unité des chrétiens

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(Atti 28,1)

Chers frères et sœurs, bonjour!

Dans cette catéchèse, je m’arrêterai sur la prière pour l’unité des chrétiens. En effet, la semaine qui va du 18 au 25 janvier est consacrée en particulier à cela, à invoquer de Dieu le don de l’unité pour dépasser le scandale des divisions entre les croyants en Jésus. Celui-ci, après la Dernière Cène, a prié pour les siens, «pour que tous soient un» (Jn 17,21). C’est sa prière avant la Passion, nous pourrions dire son testament spirituel. Remarquons cependant que le Seigneur n’a pas commandé l’unité aux disciples. Il ne leur a même pas tenu un discours pour en motiver l’exigence. Non, il a prié le Père pour nous, pour que nous soyons un. Cela signifie que nous ne sommes pas suffisants à nous seuls, avec nos forces, pour réaliser l’unité. L’unité est avant tout un don, c’est une grâce à demander par la prière.
Chacun de nous en a besoin. En effet, nous nous apercevons que nous ne sommes même pas capables de sauvegarder l’unité en nous-mêmes. L’apôtre Paul ressentait également en lui un conflit déchirant: vouloir le bien et être enclin au mal (cf. Rm 7,19). Il avait ainsi saisi que la racine de nombreuses divisions qui sont autour de nous – entre les personnes, en famille, dans la société, entre les peuples et aussi entre les croyants – est en nous. Le Concile Vatican II affirme que «les déséquilibres qui travaillent le monde moderne sont liés à un déséquilibre plus fondamental qui prend racine dans le cœur même de l’homme. C’est en l’homme lui-même, en effet, que de nombreux éléments se combattent. […] En somme, c’est en lui-même qu’il souffre d’une division, et c’est de là que naissent au sein de la société tant et de si grandes discordes» (Gaudium et spes, n. 10). La solution aux divisions n’est donc pas de s’opposer à quelqu’un, car la discorde engendre la discorde. Le vrai remède commence en demandant à Dieu la paix, la réconciliation, l’unité.
Cela vaut tout d’abord pour les chrétiens: l’unité ne peut venir que comme fruit de la prière. Les efforts diplomatiques et les dialogues académiques ne suffisent pas. Jésus le savait et il nous a ouvert la voie, en priant. Notre prière pour l’unité est, ainsi, une humble mais confiante participation à la prière du Seigneur, qui a promis que chaque prière faite en son nom sera écoutée par le Père (cf. Jn 15, 7). Nous pouvons alors nous demander: “Est-ce que je prie pour l’unité?”. C’est la volonté de Jésus, mais si nous passons en revue les intentions pour lesquelles nous prions, nous nous apercevrons probablement d’avoir prié peu, peut-être jamais, pour l’unité des chrétiens. C’est pourtant de celle-ci que dépend la foi dans le monde; en effet, le Seigneur a demandé l’unité entre nous «pour que le monde croie» (Jn 17,21). Le monde ne croira pas parce que nous le convaincrons par de bons arguments, mais il croira si nous aurons témoigné de l’amour qui nous unit et nous rend proche de tous.
En ce temps de grave malaise, la prière est encore davantage nécessaire pour que l’unité prévale sur les conflits. Il est urgent de mettre de côté les particularismes pour favoriser le bien commun, et c’est pourquoi notre bon exemple est fondamental: il est essentiel que les chrétiens poursuivent le chemin vers la pleine unité, visible. Au cours des dernières décennies, grâce à Dieu, de nombreux pas en avant ont été accomplis, mais il faut persévérer dans l’amour et dans la prière, sans perdre confiance et sans se lasser. C’est un parcours que l’Esprit Saint a suscité dans l’Eglise, chez les chrétiens et en nous tous, et sur lequel nous ne reviendrons plus en arrière. Toujours de l’avant !
Prier signifie lutter pour l’unité. Oui, lutter, car notre ennemi, le diable, comme le dit la parole elle-même, est le diviseur. Jésus demande l’unité dans l’Esprit Saint, de faire l’unité. Le diable divise toujours, parce que diviser lui est profitable. Il insinue la division, partout et de toutes les façons, alors que l’Esprit Saint fait toujours converger vers l’unité. Le diable, en général, ne nous tente pas à propos de la haute théologie, mais sur la faiblesse de nos frères. Il est astucieux: il agrandit les erreurs et les défauts des autres, il sème la discorde, il provoque la critique et crée des factions. La voie de Dieu est une autre: il nous prend tels que nous sommes, il nous aime beaucoup, mais il nous aime comme nous sommes et nous prend comme nous sommes; il nous prend différents, il nous prend pécheurs, et il nous pousse toujours à l’unité. Nous pouvons le vérifier sur nous-mêmes et nous demander si, dans les lieux dans lesquels nous vivons, nous alimentons la conflictualité ou si nous luttons pour faire grandir l’unité avec les instruments que Dieu nous a donnés: la prière et l’amour. En revanche, on alimente la conflictualité par le commérage, toujours, en disant du mal des autres. Le commérage est l’arme la plus simple que le diable possède pour diviser la communauté chrétienne, pour diviser la famille, pour diviser les amis, pour diviser toujours. L’Esprit Saint nous inspire l’unité.
Le thème de cette Semaine de prière concerne précisément l’amour: “Demeurez dans mon amour et vous porterez du fruit en abondance” (cf. Jn 15,5-9). La racine de la communion est l’amour du Christ, qui nous fait dépasser les préjugés pour voir dans l’autre un frère et une sœur qu’il faut toujours aimer. Alors nous découvrons que les chrétiens d’autres confessions, avec leurs traditions, avec leur histoire, sont des dons de Dieu, sont des dons présents sur les territoires de nos communautés diocésaines et paroissiales. Commençons à prier pour eux et, quand cela est possible, avec eux. Nous apprendrons ainsi à les aimer et à les apprécier. La prière, rappelle le Concile, est l’âme de tout le mouvement œcuménique (cf. Unitatis redintegratio, n. 8). Que la prière soit donc le point de départ pour aider Jésus à réaliser son rêve: que tous soient un.

Je salue cordialement les personnes de langue française. En cette semaine de prière pour l’unité, je vous invite à prier pour les chrétiens des autres confessions, et, lorsque cela est possible, à prier avec eux. Ainsi nous apprendrons à les aimer et à les apprécier. Et que Dieu vous bénisse !

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE – DÉCEMBRE 2020 – CATÉCHÈSE SUR NOËL

23 décembre, 2020

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PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE – DÉCEMBRE 2020 – CATÉCHÈSE SUR NOËL

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Bibliothèque du palais apostolique

Chers frères et sœurs, bonjour!

Dans cette catéchèse, à la veille de Noël, je voudrais offrir quelques éléments de réflexion en préparation à la célébration de Noël. Dans la Liturgie de la Nuit retentira l’annonce de l’ange aux pasteurs: «Soyez sans crainte, car voici que je vous annonce une grande joie, qui sera celle de tout le peuple: aujourd’hui vous est né un Sauveur, qui est le Christ Seigneur, dans la ville de David. Et ceci vous servira de signe: vous trouverez un nouveau-né enveloppé de langes et couché dans une crèche» (Lc 2,10-12).
Imitant les pasteurs, nous aussi nous nous rendons spirituellement vers Bethléem, où Marie a donné le jour à l’Enfant dans une étable, «car – dit encore saint Luc – ils manquaient de place dans la salle» (2, 7). Noël est devenu une fête universelle, et même ceux qui ne croient pas perçoivent la fascination de cette célébration. Mais le chrétien sait que Noël est un événement décisif, un feu éternel que Dieu a allumé dans le monde, et qui ne peut pas être confondu avec les choses éphémères. Il est important que celui-ci ne se réduise pas à une fête uniquement sentimentale ou consumériste. Dimanche dernier, j’ai attiré l’attention sur ce problème, en soulignant que le consumérisme a pris Noël en otage. Non: Noël ne doit pas se réduire à une fête seulement sentimentale ou de consommation, riche de cadeaux et de vœux, mais pauvre de foi chrétienne, et également pauvre d’humanité. C’est pourquoi il est nécessaire de freiner une certaine mentalité mondaine, incapable de saisir le noyau incandescent de notre foi, qui est le suivant: «Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous, et nous avons contemplé sa gloire, gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité» (Jn 1,14). Tel est le cœur de Noël ; c’est même la vérité de Noël, il n’y en a pas d’autre.
Noël nous invite à réfléchir, d’une part, sur le caractère dramatique de l’histoire, dans laquelle les hommes, blessés par le péché, sont sans cesse à la recherche de vérité, à la recherche de miséricorde, à la recherche de rédemption; et, de l’autre, sur la bonté de Dieu, qui est venu à notre rencontre pour nous communiquer la Vérité qui sauve et nous rendre participants de son amitié et de sa vie. Et ce don de grâce, il est pure grâce, sans mérite de notre part. Il y a un Saint-Père qui dit: « Mais regardez de ce côté, de l’autre, par là: cherchez le mérite et vous ne trouverez rien d’autre que grâce». Tout est grâce, un don de grâce. Et ce don de grâce, nous le recevons à travers la simplicité et l’humanité de Noël, et il peut faire disparaître de nos cœurs et de nos esprits le pessimisme qui s’est aujourd’hui diffusé encore davantage à cause de la pandémie. Nous pouvons surmonter ce sens d’égarement inquiétant, ne pas nous laisser submerger par les défaites et par les échecs, dans la conscience retrouvée que cet Enfant humble et pauvre, caché et sans défense, est Dieu lui-même, qui s’est fait homme pour nous. Le Concile Vatican II, dans un passage célèbre de la Constitution sur l’Eglise dans le monde contemporain, nous dit que cet événement concerne chacun de nous: «Par son incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme. Il a travaillé avec des mains d’homme, il a pensé avec une intelligence d’homme, il a agi avec une volonté d’homme, il a aimé avec un cœur d’homme. Né de la Vierge Marie, il est vraiment devenu l’un de nous, en tout semblable à nous, hormis le péché» (Const. past. Gaudium et spes, n. 22). Mais Jésus est né il y a deux mille ans et cela me concerne ? — Oui, cela concerne toi et moi, chacun de nous. Jésus est l’un de nous: Dieu, en Jésus, est l’un de nous.
Cette réalité nous donne beaucoup de joie et beaucoup de courage. Dieu ne nous a pas regardés d’en-haut, de loin, il n’est pas passé à côté de nous, il n’a pas eu horreur de notre misère, il ne s’est pas revêtu d’un corps apparent, mais il a assumé pleinement notre nature et notre condition humaine. Il n’a rien laissé de côté, à l’exception du péché: l’unique chose qu’Il n’a pas. Toute l’humanité est en Lui. Il a pris tout ce que nous sommes, tels que nous sommes. Cela est essentiel pour comprendre la foi chrétienne. Saint Augustin, en repensant à son chemin de conversion, écrit dans ses Confessions: «Je n’avais pas encore assez d’humilité pour posséder mon Dieu, l’humble Jésus, et je ne connaissais pas encore les enseignements de sa faiblesse» (Confessions VII,8). Et quelle est la faiblesse de Jésus? La “faiblesse” de Jésus est un “enseignement”! Parce qu’elle nous révèle l’amour de Dieu. Noël est la fête de l’Amour incarné, de l’amour né pour nous en Jésus Christ. Jésus Christ est la lumière des hommes qui resplendit dans les ténèbres, qui donne son sens à l’existence humaine et à l’histoire tout entière.
Chers frères et sœurs, que ces brèves réflexions nous aident à célébrer Noël avec une plus grande conscience. Mais il y a une autre manière de se préparer, que je désire vous rappeler ainsi qu’à moi-même, et qui est à la portée de tous: méditer un peu en silence devant la crèche. La crèche est une catéchèse de cette réalité, de ce qui a été fait cette année, ce jour, que nous avons entendu dans l’Evangile. C’est pourquoi, l’année dernière, j’ai écrit une lettre qu’il sera bon que nous reprenions. Elle s’intitule “Admirabile signum”, “Signe admirable”. A l’école de saint François d’Assise, nous pouvons un peu devenir des enfants en restant en contemplation devant la scène de la Nativité, et en laissant renaître en nous l’étonnement pour la manière “merveilleuse” dont Dieu a voulu venir au monde. Demandons la grâce de l’émerveillement: devant ce mystère, cette réalité si tendre, si belle, si proche de nos cœurs, que le Seigneur nous donne la grâce de l’émerveillement, pour le rencontrer, pour nous approcher de Lui, pour nous approcher de nous tous. Cela fera renaître la tendresse en nous. L’autre jour, en parlant avec plusieurs scientifiques, nous avons discuté de l’intelligence artificielle et des robots… il y a des robots programmés pour tous et pour tout, et cela se développe. Et je leur ai dit: «Mais quelle est la chose que les robots ne pourront jamais faire?». Ils ont réfléchi, ils ont fait des propositions; mais à la fin, il ont été d’accord sur une chose: la tendresse. Les robots ne pourront pas faire cela. Et c’est ce qui nous conduit à Dieu, aujourd’hui: une manière merveilleuse avec laquelle Dieu a voulu venir au monde, et cela fait renaître en nous la tendresse, la tendresse humaine qui est proche de celle de Dieu. Et aujourd’hui, nous avons tellement besoin de tendresse, tellement besoin de caresses humaines, face à tant de misères! Si la pandémie nous a obligés à être plus éloignés, Jésus, dans la crèche, nous montre la voie de la tendresse pour être proches, pour être humains. Suivons cette voie. Joyeux Noël!

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE – 16 décembre 2020 – Catéchèse sur la prière – 19. Prière d’intercession

16 décembre, 2020

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PAPE FRANÇOIS - AUDIENCE GÉNÉRALE – 16 décembre 2020 – Catéchèse sur la prière – 19. Prière d’intercession

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(traduction Google de l’italien)

Bibliothèque du Palais apostolique

Chers frères et sœurs, bonjour!

Ceux qui prient ne laissent jamais le monde derrière eux. Si la prière ne recueille pas les joies et les peines, les espoirs et les angoisses de l’humanité, elle devient une activité «décorative», une attitude superficielle, théâtrale, une attitude intime. Nous avons tous besoin d’intériorité: nous replier dans un espace et un temps dédiés à notre relation avec Dieu, mais cela ne veut pas dire échapper à la réalité. Dans la prière, Dieu « nous prend, nous bénit, puis nous brise et nous donne », pour la faim de tous. Chaque chrétien est appelé à devenir, entre les mains de Dieu, le pain rompu et partagé. Autrement dit, une prière concrète, qui n’est pas une évasion.
Ainsi des hommes et des femmes de prière en quête de solitude et de silence, pour ne pas être ennuyés, mais pour mieux écouter la voix de Dieu.Ils se retirent parfois du monde, dans l’intimité de leur chambre, comme le recommande Jésus (cf. Mt6,6), mais, où qu’ils soient, ils gardent toujours la porte de leur cœur grande ouverte: une porte ouverte pour ceux qui prient sans savoir qu’ils prient; pour ceux qui ne prient pas du tout mais portent en eux un cri étouffé, une invocation cachée; pour ceux qui se sont trompés et se sont égarés … N’importe qui peut frapper à la porte d’une personne priant et trouver en elle un cœur compatissant, qui prie sans exclure personne. La prière est notre cœur et notre voix, et elle devient le cœur et la voix de nombreuses personnes qui ne savent pas prier ou ne prient pas, ou ne veulent pas prier ou sont incapables de prier: nous sommes le cœur et la voix de ces personnes qui se lèvent à Jésus, il s’élève vers le Père, comme intercesseurs. Dans la solitude, celui qui prie – à la fois la solitude de long temps et la solitude d’une demi-heure pour prier – se sépare de tout et de chacun pour trouver tout et chacun en Dieu. Ainsi, la personne priant pour le monde entier, portant sur ses épaules douleurs et péchés. Priez pour chacun et chacun: c’est comme si c’était une « antenne » de Dieu dans ce monde. En chaque pauvre qui frappe à la porte, en chaque personne qui a perdu le sens des choses, celui qui prie voit le visage du Christ.
Le Catéchisme écrit: «Intercéder, demander en faveur d’un autre […] est la prérogative d’un cœur en accord avec la miséricorde de Dieu» ( n. 2635 ). C’est beau. Quand nous prions, nous sommes en harmonie avec la miséricorde de Dieu: miséricorde envers nos péchés – qui nous est miséricordieux – mais aussi miséricorde envers tous ceux qui ont demandé à prier pour eux, pour qui nous voulons prier en harmonie avec le cœur de Dieu C’est la vraie prière. En harmonie avec la miséricorde de Dieu, ce cœur miséricordieux. «Au temps de l’Église, l’intercession chrétienne participe à celle du Christ: elle est une expression de la communion des saints» ( ibid . ). Que signifie le fait que vous participez à l’intercession du Christ lorsque j’intercède pour quelqu’un ou que je prie pour quelqu’un? Parce que le Christ est intercesseur devant le Père, il prie pour nous et prie en montrant au Père les blessures de ses mains; parce que Jésus physiquement, avec son corps, se tient devant le Père. Jésus est notre intercesseur, et prier, c’est faire quelque chose comme Jésus: intercéder en Jésus auprès du Père, pour les autres. Et c’est très beau.
L’homme est au cœur de la prière. Simplement mec. Celui qui n’aime pas son frère ne prie pas sérieusement. On peut dire: dans un esprit de haine, on ne peut pas prier; dans un esprit d’indifférence, on ne peut pas prier. La prière seule est donnée dans un esprit d’amour. Celui qui n’aime pas fait semblant de prier, ou il pense prier, mais il ne prie pas, car l’esprit même qu’est l’amour manque. Dans l’Église, ceux qui connaissent la tristesse ou la joie de l’autre vont plus loin que ceux qui enquêtent sur les «systèmes maximaux». Pour cette raison, il y a une expérience de l’humain dans chaque prière, parce que les gens, même s’ils peuvent commettre des erreurs, ne doivent jamais être rejetés ou rejetés.
Lorsqu’un croyant, animé par le Saint-Esprit, prie pour les pécheurs, il ne fait pas de choix, il ne prononce pas de jugements de condamnation: il prie pour tous. Et il prie aussi pour lui-même. À ce moment-là, il sait qu’il n’est même pas trop différent des personnes pour lesquelles il prie: il se sent pécheur, parmi les pécheurs, et prie pour tous. La leçon de la parabole du pharisien et du publicain est toujours en vie et en cours ( cf.Lk 18 : 9-14): nous ne sommes pas mieux que quiconque, nous sommes tous frères dans une communauté de fragilité, de la souffrance et en étant pécheurs. C’est pourquoi une prière que nous pouvons adresser à Dieu est celle-ci: «Seigneur, personne qui vit avant toi n’est juste (cf. Ps143,2) – cela est dit dans un psaume: « Seigneur, personne qui vit avant toi n’est juste », aucun de nous: nous sommes tous pécheurs -, nous sommes tous débiteurs qui ont une affaire inachevée; il n’y a personne qui soit parfait à vos yeux. Seigneur, ayez pitié de nous! ». Et avec cet esprit, la prière est féconde, car nous allons humblement devant Dieu pour prier pour tous. Au lieu de cela, le pharisien a superbement prié: «Merci, Seigneur, parce que je ne suis pas comme ces pécheurs; J’ai raison, je fais toujours … « . Ce n’est pas une prière: c’est regarder dans le miroir, sa propre réalité, se regarder dans le miroir fait d’orgueil.
Le monde continue grâce à cette chaîne de prières qui intercèdent, et qui sont pour la plupart inconnues… mais pas à Dieu! Il y a beaucoup de chrétiens inconnus qui, en temps de persécution, ont pu répéter les paroles de notre Seigneur: « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font » ( Lc 23 , 34).
Le bon berger reste fidèle même face à l’observation du péché de son propre peuple: le bon berger continue à être père même lorsque ses enfants s’en vont et l’abandonnent. Il persévère au service du berger même envers ceux qui l’amènent à se salir les mains; il ne ferme pas son cœur à ceux qui l’ont peut-être fait souffrir.
L’Église, dans tous ses membres, a pour mission de pratiquer la prière d’intercession, intercède pour les autres. En particulier, toute personne placée dans un rôle de responsabilité a le devoir: parents, éducateurs, ministres ordonnés, supérieurs de communauté… Comme Abraham et Moïse, ils doivent parfois «défendre» devant Dieu les personnes qui leur sont confiées. En réalité, il s’agit de les regarder avec les yeux et le cœur de Dieu, avec sa propre compassion et sa tendresse invincibles. Priez tendrement pour les autres.
Frères et sœurs, nous sommes tous les feuilles du même arbre: chaque détachement nous rappelle la grande piété que nous devons cultiver, dans la prière, les uns pour les autres. Prions les uns pour les autres: cela nous fera du bien et cela fera du bien à tous. Merci!

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE – 9 DÉCEMBRE 2020 – CATÉCHÈSE – 18. LA PRIÈRE DE DEMANDE

9 décembre, 2020

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PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE – 9 DÉCEMBRE 2020 – CATÉCHÈSE – 18. LA PRIÈRE DEfr

 

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Chers frères et sœur, bonjour!

Nous poursuivons nos réflexions sur la prière. La prière chrétienne est pleinement humaine – nous prions comme des personnes humaines, comme nous le sommes –, elle comprend la louange et la supplique. En effet, quand Jésus a enseigné à ses disciples à prier, il l’a fait avec le « Notre Père », afin que nous nous plaçions avec Dieu dans une relation de confiance filiale et que nous lui adressions toutes nos demandes. Nous implorons Dieu pour les dons les plus grands: la sanctification de son nom parmi les hommes, l’avènement de son règne, la réalisation de sa volonté de bien à l’égard du monde. Le Catéchisme rappelle: «Il y a une hiérarchie dans les demandes : d’abord le Royaume, ensuite ce qui est nécessaire pour l’accueillir et pour coopérer à sa venue» (n. 2632). Mais dans le “Notre Père” nous prions également pour les dons plus simples, pour les dons de tous les jours, comme le “pain quotidien” – qui signifie également la santé, une maison, un travail, les choses de tous les jours; et cela veut aussi dire pour l’Eucharistie, nécessaire pour la vie en Christ –; de même que nous prions pour le pardon des péchés – qui est une chose quotidienne; nous avons toujours besoin de pardon – ensuite pour la paix dans nos relations; et, enfin, pour qu’Il nous aide dans les tentations et qu’il nous libère du mal.
Demander, supplier. Cela est très humain. Ecoutons encore le Catéchisme: «C’est par la prière de demande que nous traduisons la conscience de notre relation à Dieu : créatures, nous ne sommes ni notre origine, ni maître des adversités, ni notre fin ultime, mais aussi, pécheurs, nous savons, comme chrétiens, que nous nous détournons de notre Père. La demande est déjà un retour vers Lui» (n. 2629).
Si quelqu’un se sent mal parce qu’il a fait de mauvaises choses – c’est un pécheur – quand il prie le Notre Père, il se rapproche déjà du Seigneur. Parfois nous pouvons croire que nous n’avons besoin de rien, que nous nous suffisons à nous-mêmes et que nous vivons dans l’autosuffisance complète. Parfois cela arrive! Mais tôt ou tard, cette illusion s’évanouit. L’être humain est une invocation, qui parfois devient un cri, souvent retenu. L’âme ressemble à une terre desséchée, assoiffée, comme le dit le Psaume (cf. Ps 63, 2). Nous faisons tous l’expérience, à un moment ou l’autre de notre existence, du temps de la mélancolie ou de la solitude. La Bible n’a pas honte de montrer la condition humaine marquée par la maladie, par les injustices, par la trahison des amis, ou par les menaces des ennemis. Il semble parfois que tout s’effondre, que la vie vécue jusqu’à présent a été vaine. Et dans ces situations apparemment sans débouché, il y a une unique issue: le cri, la prière: «Seigneur, aide-moi!». La prière ouvre des soupiraux de lumière dans les ténèbres les plus sombres. «Seigneur, aide-moi!». Cela ouvre la route, ouvre le chemin.
Nous les êtres humains, nous partageons cette invocation d’aide avec toute la création. Nous ne sommes pas les seuls à “prier” dans cet univers infini: chaque fragment de la création porte inscrit le désir de Dieu. Et saint Paul l’a exprimé de cette manière. Il dit ce qui suit: «Nous le savons en effet, toute la création jusqu’à ce jour gémit en travail d’enfantement. Et non pas elle seule : nous-mêmes qui possédons les prémices de l’Esprit, nous gémissons nous aussi intérieurement» (Rm 8, 22-24). En nous retentit le gémissement multiforme des créatures: des arbres, des rochers, des animaux … Chaque chose aspire à un accomplissement. Tertullien a écrit: «Chaque être créé prie, les animaux et les fauves prient et s’agenouillent; quand ils sortent des étables ou des tanières, ils lèvent la tête vers le ciel et ne restent pas la bouche fermée, ils font retentir leur cri selon leurs habitudes. Et les oiseaux aussi, dès qu’ils prennent leur envol, s’élèvent vers le ciel et ouvrent leurs ailes comme si c’était des mains en forme de croix, en gazouillant quelque chose qui ressemble à une prière » (De oratione, XXIX). Il s’agit d’une expression poétique pour faire un commentaire à ce que saint Paul dit, « que toute la création gémit, prie». Mais nous sommes les seuls à prier de manière consciente, à savoir que nous nous adressons au Père et à entrer en dialogue avec le Père.
Nous ne devons donc pas nous scandaliser si nous sentons le besoin de prier, ne pas avoir honte. Et surtout, quand nous sommes dans le besoin, demander. En parlant d’un homme malhonnête qui doit faire ses comptes avec son maître, Jésus dit cela: “Demander, j’ai honte”. Et beaucoup d’entre nous éprouvent ce sentiment: nous avons honte de demander; de demander de l’aide, de demander quelque chose à quelqu’un pour nous aider à faire, à arriver à ce but, et aussi honte de demander à Dieu. Il ne faut pas avoir honte de prier et de dire: “Seigneur, j’ai besoin de cela”, “Seigneur, je suis en difficulté”, “Aide-moi!”. C’est le cri du cœur vers Dieu qui est Père. Et nous devons apprendre à le faire également dans les moments heureux; rendre grâce à Dieu pour chaque chose qui nous a été donnée, et ne rien considérer comme évident ou dû: tout est grâce. Le Seigneur nous donne toujours, toujours, et tout est grâce, tout. La grâce de Dieu. Cependant, n’étouffons pas la supplique qui naît en nous spontanément. La prière de demande va de pair avec l’acceptation de notre limite et de notre condition de créature. On peut aussi ne pas arriver à croire en Dieu, mais il est difficile de ne pas croire dans la prière: celle-ci existe simplement; elle se présente à nous comme un cri; et nous avons tous affaire avec cette voix intérieure qui peut peut-être se taire pendant longtemps, mais qui un jour se réveille et crie.
Frère et sœurs, nous savons que Dieu répondra. Il n’y a pas d’orant dans le Livre des Psaumes qui élève sa lamentation et qui ne soit pas écouté. Dieu répond toujours: aujourd’hui, demain, mais il répond toujours, d’une manière ou d’une autre. Il répond toujours. La Bible le répète un nombre infini de fois : Dieu écoute le cri de celui qui l’invoque. Même nos demandes balbutiantes, celles qui sont restées au fond de notre cœur, que nous avons honte d’exprimer, le Père les écoute et il veut nous donner son Esprit Saint, qui anime chaque prière et transforme chaque chose. C’est une question de patience, toujours, de supporter l’attente. A présent, nous sommes dans le temps de l’Avent, un temps typique d’attente pour Noël. Nous sommes en attente. On le voit bien. Mais toute notre vie est également en attente. Et la prière est toujours en attente, parce que nous savons que le Seigneur répondra. Même la mort tremble quand un chrétien prie, car elle sait que chaque orant a un allié plus fort qu’elle: le Seigneur Ressuscité. La mort a déjà été vaincue dans le Christ, et le jour viendra où tout sera définitif, et elle ne se moquera plus de notre vie et de notre bonheur. Apprenons à être dans l’attente du Seigneur. Le Seigneur vient nous rendre visite, pas seulement pendant ces grandes fêtes – Noël, Pâques -, le Seigneur nous rend visite chaque jour dans l’intimité de notre cœur si nous sommes dans l’attente. Et très souvent, nous ne nous rendons pas compte que le Seigneur est proche, qu’il frappe à notre porte et nous le laissons passer. “J’ai peur de Dieu quand il passe; j’ai peur qu’il passe et de ne pas m’en apercevoir”, disait saint Augustin. Et le Seigneur passe, le Seigneur vient, le Seigneur frappe. Mais si tu as les oreilles pleines d’autres bruits, tu n’entendras pas l’appel du Seigneur.

Frères et sœurs, être dans l’attente: voilà ce qu’est la prière!

Je salue cordialement les personnes de langue française. Hier nous avons célébré la solennité de l’Immaculée Conception. Apprenons de la Vierge Marie à nous tourner avec confiance vers son Fils Jésus, et confions-lui toutes nos demandes pour qu’elle les lui présente. Que Dieu vous bénisse !

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE – 2 décembre 2020 – Catéchèse – 17. La bénédiction

2 décembre, 2020

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PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE – 2 décembre 2020 – Catéchèse – 17. La bénédiction

Bibliothèque du palais apostolique

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Chers frères et sœurs, bonjour!

Aujourd’hui, nous nous arrêtons sur une dimension essentielle de la prière: la bénédiction. Nous continuons les réflexions sur la prière. Dans les récits de la création (cf. Gn 1-2) Dieu bénit sans cesse la vie, toujours. Il bénit les animaux (1, 22), il bénit l’homme et la femme (1, 28), enfin il bénit le sabbat, jour du repos et de la jouissance de toute la création (2, 3). C’est Dieu qui bénit. Dans les premières pages de la Bible, c’est une répétition incessante de bénédictions. Dieu bénit, mais les hommes aussi bénissent, et très vite on découvre que la bénédiction possède une force spéciale, qui accompagne pendant toute sa vie celui qui la reçoit, et qui dispose le cœur de l’homme à se laisser changer par Dieu (Conc. Oecum. Vat. II, Const. Sacrosanctum Concilium, n. 61).
Au début du monde, il y a donc Dieu qui “dit-bien”, bien-dit [bénir : du latin benedicere, littéralement dire du bien], dit-bien. Il voit que chaque œuvre de ses mains est bonne et belle, et quand il arrive à l’homme, et que la création s’accomplit, il reconnaît qu’elle est «très bonne» (Gn 1, 31). Peu après, cette beauté que Dieu a imprimée dans son œuvre s’altérera, et l’être humain deviendra une créature dégénérée, capable de diffuser dans le monde le mal et la mort; mais rien ne pourra jamais effacer la première empreinte de Dieu, une empreinte de bonté que Dieu a placée dans le monde, dans la nature humaine, en nous tous: la capacité de bénir et le fait d’être bénis. Dieu ne s’est pas trompé avec la création et pas davantage avec la création de l’homme. L’espérance du monde réside entièrement dans la bénédiction de Dieu: Il continue à nous aimer, Lui le premier, comme le dit le poète Péguy,[1] continue à espérer notre bien.
La grande bénédiction de Dieu est Jésus Christ, c’est le grand don Dieu, son Fils. C’est une bénédiction pour toute l’humanité, c’est une bénédiction qui nous a tous sauvés. Il est la Parole éternelle avec laquelle le Père nous a bénis «alors que nous étions encore pécheurs» (Rm 5, 8) dit saint Paul: Parole faite chair et offerte pour nous sur la croix.
Saint Paul proclame avec émotion le dessein d’amour de Dieu et il dit ainsi: «Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ, qui nous a bénis par toutes sortes de bénédictions spirituelles, aux cieux, dans le Christ. C’est ainsi qu’Il nous a élus en lui, dès avant la fondation du monde, pour être saints et immaculés en sa présence, dans l’amour, déterminant d’avance que nous serions pour Lui des fils adoptifs par Jésus Christ. Tel fut le bon plaisir de sa volonté, à la louange de gloire de sa grâce, dont Il nous a gratifiés dans le Bien-aimé» (Ep 1, 3-6). Il n’y a pas de péché qui puisse effacer complètement l’image du Christ présent en chacun de nous. Aucun péché ne peut effacer cette image que Dieu nous a donnée. L’image du Christ. Il peut la défigurer, mais pas la soustraire à la miséricorde de Dieu. Un pécheur peut rester dans ses erreurs pendant très longtemps, mais Dieu patiente jusqu’au bout, en espérant qu’à la fin ce cœur s’ouvre et change. Dieu est comme un bon père et comme une bonne mère, Lui aussi est une bonne mère: ils ne cessent jamais d’aimer leur enfant, pour autant qu’il puisse se tromper, toujours. Il me vient à l’esprit les nombreuses fois où j’ai vu des gens faire la queue pour entrer dans une prison. Tant de mères faisant la queue pour entrer et voir leur fils détenu: elles ne cessent pas d’aimer leur fils et elles savent que les gens qui passent en bus pensent: «Ah, c’est la mère d’un détenu». Pourtant elles n’ont pas honte de cela, ou plutôt, elles ont honte mais elles vont de l’avant, parce que leur fils est plus important que la honte. De même, nous sommes plus importants pour Dieu que tous les péchés que nous pouvons commettre, car Il est père, il est mère, il est amour pur, Il nous a bénis pour toujours. Et il ne cessera jamais de nous bénir.
Une expérience forte est de lire ces textes bibliques de bénédiction dans une prison, ou dans une communauté de réinsertion. Faire sentir à ces personnes qu’elles restent bénies malgré leurs graves erreurs, que le Père céleste continue à vouloir leur bien et à espérer qu’elles s’ouvrent finalement au bien. Même si leurs parents les plus proches les ont abandonnées, parce qu’ils les jugent désormais irrécupérables, pour Dieu ce sont toujours ses enfants. Dieu ne peut pas effacer en nous l’image du fils, chacun de nous est fils, est fille. On voit parfois des miracles se produire: des hommes et des femmes qui renaissent. Car ils trouvent cette bénédiction qui les a oints comme fils. Car la grâce de Dieu change la vie: elle nous prend comme nous sommes, mais elle ne nous laisse jamais comme nous sommes.
Pensons par exemple à ce qu’a fait Jésus avec Zachée (cf. Lc 19, 1-10). Tous voyaient le mal en lui; Jésus, en revanche, y aperçoit une lueur de bien, et de là, de sa curiosité de voir Jésus, il fait passer la miséricorde qui sauve. C’est ainsi qu’a d’abord changé le cœur de Zachée et ensuite sa vie. Dans les personnes rejetées et refusées, Jésus voyait la bénédiction indélébile du Père. Zachée est un pécheur public, il a fait beaucoup de mauvaises choses, mais Jésus voyait ce signe indélébile de la bénédiction du Père, d’où sa compassion. Cette phrase qui revient si souvent dans l’Evangile, «il en eut compassion», et cette compassion le conduit à l’aider et à changer son cœur. Plus encore, il est arrivé à s’identifier lui-même avec chaque personne dans le besoin (cf. Mt 25, 31-46). Dans le passage du «protocole» final selon lequel nous serons tous jugés, Matthieu25, Jésus dit: «J’avais faim, j’étais nu, j’étais en prison, j’étais à l’hôpital, j’étais là…».
A Dieu qui bénit, nous répondons nous aussi en bénissant – Dieu nous a enseigné à bénir et nous devons bénir – : c’est la prière de louange, d’adoration, d’action de grâce. Le Catéchisme écrit: «La prière de bénédiction est la réponse de l’homme aux dons de Dieu: parce que Dieu bénit, le cœur de l’homme peut bénir en retour Celui qui est la source de toute bénédiction» (n. 2626). La prière est joie et reconnaissance. Dieu n’a pas attendu que nous nous convertissions pour commencer à nous aimer, mais Il l’a fait bien avant, quand nous étions encore dans le péché.
Nous ne pouvons pas seulement bénir ce Dieu qui nous bénit, nous devons tout bénir en Lui, tous les gens, bénir Dieu et bénir nos frères, bénir le monde: c’est la racine de la douceur chrétienne, la capacité de se sentir bénis et la capacité de bénir. Si nous faisions tous ainsi, les guerres n’existeraient sûrement pas. Ce monde a besoin de bénédiction et nous pouvons donner la bénédiction et recevoir la bénédiction. Le Père nous aime. Et il ne nous reste que la joie de le bénir et la joie de lui rendre grâce, et d’apprendre de Lui à ne pas maudire, mais à bénir. Et à présent, juste un mot pour les gens qui sont habitués à maudire, les gens qui ont toujours dans leur bouche, également dans leur cœur, une mauvaise parole, une malédiction. Chacun de nous peut se demander: est-ce que j’ai cette habitude de maudire ainsi? Et demander au Seigneur la grâce de changer cette habitude, car nous avons un cœur béni et d’un cœur béni ne peut pas sortir la malédiction. Que le Seigneur nous enseigne à ne jamais maudire, mais à bénir.

[1] Le porche du mystère de la deuxième vertu, première éd. 1911.

Je salue cordialement les personnes de langue française.
Frères et sœurs, en ce temps de l’Avent, apprenons de la Vierge Marie, à être porteurs d’une parole de bénédiction pour ceux qui souffrent et qui ont perdu toute espérance.
Que Dieu vous bénisse !

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE – 25 novembre 2020 – Catéchèse – 16. La prière de l’Eglise naissante

25 novembre, 2020

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PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE – 25 novembre 2020 – Catéchèse – 16. La prière de l’Eglise naissante

Bibliothèque du palais apostolique

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Chers frères et sœurs, bonjour!

Les premiers pas de l’Eglise dans le monde ont été rythmés par la prière. Les écrits apostoliques et la grande narration des Actes des apôtres nous décrivent l’image d’une Eglise en chemin, une Eglise active, qui trouve cependant dans les réunions de prière la base et l’impulsion pour l’action missionnaire. L’image de la communauté primitive de Jérusalem est un point de référence pour toute autre expérience chrétienne. Luc écrit dans le Livre des Actes: «Ils se montraient assidus à l’enseignement des apôtres, fidèles à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières» (2, 42). La communauté persévère dans la prière.
Nous trouvons ici quatre caractéristiques essentielles de la vie ecclésiale: premièrement, l’écoute de l’enseignement des apôtres; deuxièmement, la préservation de la communion réciproque; troisièmement, la fraction du pain et, quatrièmement, la prière. Celles-ci nous rappellent que l’existence de l’Eglise a un sens si elle reste solidement unie au Christ, c’est-à-dire dans la communauté, dans sa Parole, dans l’Eucharistie et dans la prière. C’est la manière de nous unir, nous, au Christ. La prédication et la catéchèse témoignent des paroles et des gestes du Maître; la recherche constante de la communion fraternelle préserve des égoïsmes et des particularismes; la fraction du pain réalise le sacrement de la présence de Jésus parmi nous: Il ne sera jamais absent, dans l’Eucharistie, c’est vraiment Lui. Il vit et marche avec nous. Et enfin, la prière, qui est l’espace de dialogue avec le Père, à travers le Christ dans l’Esprit Saint.
Tout ce qui dans l’Eglise grandit en dehors de ces “coordonnées”, est privé de fondement. Pour discerner une situation, nous devons nous demander comment sont, dans cette situation, ces quatre coordonnées: la prédication, la recherche constante de la communion fraternelle – la charité -, la fraction du pain – c’est-à-dire la vie eucharistique – et la prière. Toute situation doit être évaluée à la lumière de ces quatre coordonnées. Ce qui ne rentre pas dans ces coordonnées est privé d’ecclésialité, n’est pas ecclésial. C’est Dieu qui fait l’Eglise, pas la clameur des œuvres. L’Eglise n’est pas un marché; l’Eglise n’est pas un groupe d’entrepreneurs qui vont de l’avant avec cette entreprise nouvelle. L’Eglise est l’œuvre de l’Esprit Saint, que Jésus nous a envoyé pour nous rassembler. L’Eglise est précisément le travail de l’Esprit dans la communauté chrétienne, dans la vie communautaire, dans l’Eucharistie, dans la prière, toujours. Et tout ce qui grandit en dehors de ces coordonnées est privé de fondement, est comme une maison construite sur le sable (cf. Mt 7, 24). C’est Dieu qui fait l’Eglise pas la clameur des œuvres. C’est la parole de Jésus qui remplit de sens nos efforts. C’est dans l’humilité que se construit l’avenir du monde.
Parfois, je ressens une grande tristesse quand je vois certaines communautés qui, avec de la bonne volonté, se trompent de chemin, parce qu’elles pensent faire l’Eglise avec des rassemblements, comme si c’était un parti politique: la majorité, la minorité, que pense celui-là, celui-ci, l’autre… “C’est comme un synode, un chemin synodal que nous devons faire”. Je me demande: où est l’Esprit? Où est la prière? Où est l’amour communautaire? Où est l’Eucharistie? Sans ces quatre coordonnées, l’Eglise devient une société humaine, un parti politique – majorité, minorité –, on fait les changements comme s’il s’agissait d’une entreprise, par majorité ou minorité… Mais ce n’est pas l’Esprit Saint. Et la présence de l’Esprit Saint est précisément garantie par ces quatre coordonnées. Pour évaluer une situation, si elle est ecclésiale ou si elle n’est pas ecclésiale, demandons-nous s’il y a ces quatre coordonnées: la vie communautaire, la prière, l’Eucharistie… [la prédication], comment se développe la vie dans ces quatre coordonnées. Si cela manque, l’Esprit manque, et si l’Esprit manque nous serons une belle association humanitaire, de bienfaisance, c’est bien, c’est bien, également un parti, disons ainsi, ecclésial, mais il n’y a pas l’Eglise. Et c’est pourquoi l’Eglise ne peut pas grandir avec ces choses: elle grandit non par prosélytisme, comme n’importe quelle entreprise, mais par attraction. Et qui anime l’attraction? L’Esprit Saint. N’oublions jamais cette parole de Benoît XVI: “L’Eglise ne grandit pas par prosélytisme, elle grandit par attraction”. Si l’Esprit Saint manque, alors que c’est ce qui attire à Jésus, il n’y a pas l’Eglise. Il y a un beau club d’amis, c’est bien, avec de bonnes intentions, mais il n’y a pas l’Eglise, il n’y a pas de synodalité.
En lisant les Actes des apôtres, nous découvrons alors que le puissant moteur de l’évangélisation sont les réunions de prière, où celui qui participe fait l’expérience vivante de la présence de Jésus et est touché par l’Esprit. Les membres de la première communauté – mais cela est toujours valable, également pour nous aujourd’hui – perçoivent que l’histoire de la rencontre avec Jésus ne s’est pas arrêtée au moment de l’Ascension, mais continue dans leur vie. En racontant ce qu’a dit et fait le Seigneur – l’écoute de la Parole – , en priant pour entrer en communion avec Lui, tout devient vivant. La prière diffuse la lumière et la chaleur: le don de l’esprit fait naître en elles la ferveur.
A ce propos, le Catéchisme a une expression très riche. Il dit ainsi: «L’Esprit Saint […] rappelle ainsi le Christ à son Eglise orante, la conduit aussi vers la Vérité tout entière et suscite des formulations nouvelles qui exprimeront l’insondable Mystère du Christ, à l’œuvre dans la vie, les sacrements et la mission de son Eglise» (n. 2625). Voilà l’œuvre de l’Esprit dans l’Eglise: rappeler Jésus. Jésus lui-même l’a dit: Il vous enseignera et vous rappellera. La mission est rappeler Jésus, mais pas comme un exercice mnémonique. Les chrétiens, en marchant sur les chemins de la mission, rappellent Jésus alors qu’ils le rendent à nouveau présent; et de Lui, de son Esprit, ils reçoivent l’“élan” pour aller, pour annoncer, pour servir. Dans la prière, le chrétien se plonge dans le mystère de Dieu qui aime chaque homme, ce Dieu qui désire que l’Evangile soit prêché à tous. Dieu est Dieu pour tous, et en Jésus chaque mur de séparation est définitivement détruit: comme le dit saint Paul, Il est notre paix, c’est-à-dire «celui qui des deux n’a fait qu’un peuple» (Ep 2, 14). Jésus a fait l’unité.
Ainsi, la vie de l’Eglise primitive est rythmée par une succession incessante de célébrations, de convocations, de temps de prière aussi bien communautaire que personnelle. Et c’est l’Esprit qui donne la force aux prédicateurs qui se mettent en voyage, et qui par amour de Jésus sillonnent les mers, affrontent des dangers, se soumettent à des humiliations.
Dieu donne de l’amour, Dieu demande de l’amour. Telle est la racine mystique de toute la vie croyante. Les premiers chrétiens en prière, mais également nous qui venons de nombreux siècles après, vivons tous la même expérience. L’Esprit anime chaque chose. Et chaque chrétien qui n’a pas peur de consacrer du temps à la prière peut faire siennes les paroles de l’apôtre Paul: «Ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi» (Ga 2,20). La prière te rend conscient de cela. Ce n’est que dans le silence de l’adoration que l’on fait l’expérience de toute la vérité de ces paroles. Nous devons retrouver le sens de l’adoration. Adorer, adorer Dieu, adorer Jésus, adorer l’Esprit. Le Père, le Fils et l’Esprit: adorer. En silence. La prière d’adoration est la prière qui nous fait reconnaître Dieu comme début et fin de toute l’histoire. Et cette prière est le feu vivant de l’Esprit qui donne force au témoignage et à la mission. Merci.
Je salue cordialement les personnes francophones. L’Eglise entrera dimanche dans le temps de l’Avent. Accompagnés de la Mère de Jésus sur le chemin vers Noël, en ces temps difficiles pour beaucoup, sachons retrouver la grande espérance et la joie que nous donne la venue du Fils de Dieu dans le monde. Que le Seigneur vous bénisse !

 

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