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« DIEU C’EST FAIT HOMME, POUR QUE L’HOMME PUISSE DEVENIR DIEU » – LA VISION DE PAUL EVDOKIMOV SUR LA THÉOLOGIE PATRISTIQUE

4 juillet, 2013

http://www.spiritualite-orthodoxe.net/paul_evdokimov_orthodoxie.html#article1

« DIEU C’EST FAIT HOMME, POUR QUE L’HOMME PUISSE DEVENIR DIEU »

ARTICLE INSPIRÉ DES COURS DE PÈRE RAZVAN IONESCU  – UN EXPLICATION PLUS APPROFONDIE DU MOT THÉOLOGIE

D’APRÈS ORTHODOXIE (L’), PAUL EVDOKIMOV, DESCLÉE DE BROUWER, 1992; PAGES 47-56.

LA VISION DE PAUL EVDOKIMOV SUR LA THÉOLOGIE PATRISTIQUE

Une théologie du mystère qu’on ne connaît que par révélation et participation – la metanoïa
L’Orient distingue d’une part  » l’intelligence  » orientée vers la coïncidence des opposés et débouchant sur  » l’unité et l’identité par la grâce 1, et d’autre part la  » raison », pensée discursive fondée sur le principe logique de contradiction et d’identité formelle et tournée vers le multiple, donc « déifuge ». Or, « l’intelligence réside dans le coeur, la pensée dans le cerveau 2 . Ce qui explique pourquoi la foi orthodoxe ne se définit jamais en termes d’adhésion intellectuelle, mais relève de l’évidence vécue, d’une « sensation du transcendant »: « Seigneur, la femme qui était tombée dans un grand nombre de péchés, ayant ressenti ta dignité… » 3. Il faut souligner l’aspect existentiel de la foi où s’opère la coïncidence foncière de l’amour et de la connaissance, inséparablement un dans le coeur-esprit,
- Il n’y a donc pas de division dans la personne humaine qui connait théologiquement.
ce qui dépasse l’intellectualisme et le sentimentalisme et correspond au terme évangélique très fort de metanoïa, revirement de toute l’économie de l’être humain.
- metanoïa de meta-noûs, c’est l’intelligence non pas dans le sens de ratio mais une intelligence plus profonde de l’homme dans sa complexité. C’est un renouveau de l’intelligence, c’est à dire un mouvement qui fait que la personne humaine voit les choses autrement à travers la grâce de Dieu.
La théologie comporte un élément doctrinal, la didascalie objective de l’Eglise, sa catéchèse, mais plus profondément dans sa sève même elle écoute ses saints, s’alimente à leur expérience pneumatophore du Verbe. Ainsi, comme le montre le titre d’un des écrits de Denys le pseudo Aréopagite : De la théologie mystique, celle-ci est théologie du mystère qu’on ne connaît que par révélation et participation. Elle saisit les paroles de Dieu à l’intérieur des « phanies », manifestations de Dieu. La transcendance divine nous apprend qu’on ne peut jamais aller vers Dieu qu’en partant de lui, qu’en se trouvant déjà en lui.
[Oeuvre complète de Saint Denys l'areopagite, Mgr Darboy, Maison de la Bonne presse, 1845 - Théologie Mystique à partir de la page 463 pdf, ou 286 livre., téléchargeable ici]
Par rapport aux orientations développées en Occident, qui développent une théologie de discours et surtout une explication rationnelle des choses, l’Orient est plus enclin à une théologie du mystère. C’est à dire que l’on touche le mystère à travers la théologie. Ceci ne veut pas dire pour autant que l’on épuise le mystère à travers notre discours mais justement la théologie a comme fonction de nous mettre devant le mystère de Dieu. Elle nous invite à le goûter et en le goûtant on se rend compte que c’est une profondeur sans fin.
Les développements théoriques, chez les Pères passent souvent et sans aucune interruption aux textes de prières et de dialogue avec Dieu.
- Paul Evdokimov met l’accent sur cette relation étroite entre ce que l’on écrit sur Dieu et notre prière.

Mystagogie ou initiation
Saint Isaac Saint Isaac le Syrien voit dans ces instants: « la flamme des choses ». C’est peut-être la meilleure définition de la théologie. Art, beaucoup plus que science systématique, elle découvre la vérité cachée des choses célestes et terrestres et initie à la participation-communion au monde éonique de Dieu.
- Le mot initie, initiation, est important car en théologie on parle d’une pédagogie mais aussi d’une mystagogie, c’est à dire une initiation, on se souvient des paroles du seigneur quand Il dit:  » Allez, faites des gens de toutes les nations des disciples, baptisez-les pour le nom du Père, du Fils et de l’Esprit saint; et apprenez-leur à garder tout ce que je vous ai commandé. Quant à moi, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin des temps.  » Matthieu 28:19-20  » 4 donc quand Il dit « apprenez », cette pédagogie vient tout de suite après « baptisez », qui veut dire « initiez », ouvrez la porte du Royaume à travers la grâce de Dieu, la descente de l’Esprit Saint; à travers cette pentecôte personnelle. La pédagogie vient donc à la suite de la mystagogie, ce qui ne veut pas dire que dans l’Eglise seul le baptême est mystagogique, car toute expérience de l’Eglise nous parle d’une mystagogie mais l’expérience de l’Eglise nous parle aussi d’une pédagogie, on ne peut donc pas les séparer. La mystagogie est donc une initiation au mystère, une découverte du mystère.
Théognosie – Theo: Dieu; gnosis: connaissance – catéchèse – Vous voyez l’équilibre qui existe toujours dans les affirmations théologiques, on parle d’une initiation mais aussi d’un enseignement.
« voie expérimentale de l’union avec Dieu » Ce sont des mots extraordinaires car en fait si on parle de la théologie, en se référant à Theo et Logos, le Logos se rapporte soit à la parole, soit à la logique, un développement rationnel. Mais en même temps à l’école des Pères de l’Eglise c’est dans son aspiration ultime « voie expérimentale de l’union avec Dieu. »
Pour les Pères la théologie est avant tout la contemplation de la Trinité.
- Evdokimov fait une synthèse des Pères de l’Eglise. Par conséquent ce que nous faisons ici c’est une synthèse de synthèses.-
C’est cette connaissance par inhabitation du Verbe qui est la théologie mystique.
- Le saint Esprit vient et fait sa demeure en nous, si Dieu fait sa demeure en quelqu’un Il s’unit avec cette personne. Il ne peut pas vivre dans la chambre du coeur de quelqu’un sans être en communion avec cet être humain. C’est pourquoi quand on invite le Seigneur, on l’invite à venir en nous, à exprimer Sa présence et à s’unir avec nous.
Il s’agit bien de la « parousie » divine dans l’âme
- Paul Evdokimov utilise d’autres termes théologiques pour apporter une nouvelle lumière à la signification.
qui ne peut être saisie que par les yeux de la foi, « les yeux de la Colombe ». Il s’agit non de connaître quelque chose sur Dieu, mais d’ »avoir Dieu en soi ».
- Alors que les démarches théologiques essaient de construire un discours mais sans pouvoir véritablement construire quelque chose à partir de l’expérience concrète, les Pères se contentent d’exprimer leur expérience concrète personnelle par leur théologie. Toutefois ce n’est pas leur expérience particulière à eux, que personne ne peut interpréter, mais c’est une expérience personnelle qui entre dans l’expérience générale de l’Eglise.
La théologie devient la description en termes théologiques de la présence illuminante du Verbe. Ce n’est point une spéculation sur les textes mystiques rnais la voie mystique elle-même, génératrice d’unité. Elle postule le retour à la nudité de l’esprit, son dépouillement jusqu’à son état pré-conceptuel de pure réceptivité adamique:
- Cette expérience de Dieu, nous invite à découvrir un état de l’âme qu’on peut évoquer en pensant d’abord à Adam qui est appelé à goûter le Royaume de Dieu et Dieu Lui-même. Le centre même de notre culte se trouve dans la Cène eucharistique. Nous nous rassemblons pour goûter quelque chose ensemble, signe de communion. Dans le centre du culte chrétien, se trouve donc cette démarche de partager avec les autres notre nourriture qui n’est pas une nourriture de ce monde. Même si les choses matérielles qui contribuent à cette nourriture viennent de ce monde, à travers la bénédiction portée par liturgie la nourriture de ce monde devient également une nourriture qui n’est pas de ce monde, c’est à dire le Corps et le Sang du Seigneur que nous goûtons ensemble.

Le charisme d’oraison, prier sans cesse
« La contemplation était le privilège d’Adam au paradis  » et donc nécessite avant tout un « charisme de l’oraison  »
- C’est à dire la prière « . On imagine donc bien Adam vivre une vie qui était une contemplation de Dieu et nourrissait son être. Quand on parle de charisme d’oraison ça veut dire que la prière telle que nous l’apprenons aujourd’hui est une redécouverte d’une état qui fut paradisiaque: Adam priait. Quand on a demandé au Seigneur comment prier? Il a répondu: « Priez sans cesse « , ce qui signifie que la prière peut être une prière qui ne cesse pas. Ceci veut dire que l’être humain a une capacité de prière qui exprime quelque chose de sa nature. Il est capable par sa nature d’entretenir une relation avec Dieu à travers sa prière. La prière est comme une respiration de l’âme, c’est à dire que de la même façon que le corps respire et que sans respiration il ne vit plus, l’âme respire (Sans pour autant entrer dans un dualisme âme-corps). La prière fait partie du bon « fonctionnement » de l’être humain, il en a besoin mais c’est un charisme en même temps.
La théologie ainsi s’érige en ministère charismatique, car « personne ne peut connaître Dieu si ce n’est Dieu lui-même qui l’enseigne » et « il n’y a pas d’autre moyen de connaître Dieu que de vivre en lui… « ;
- Sans la grâce de Dieu on n’est pas capable de Prier. Quand nous voulons prier véritablement il nous faut cette aide. Dieu nous donne son aide à condition que nous le cherchions parce qu’Il respecte complètement notre liberté. La grâce de Dieu est garante de la liberté humaine, c’est le péché qui empêche la liberté humaine. Savoir prier nécessite également un enseignement de la part de Dieu.
« parler de Dieu est une grande chose » ironise saint Grégoire le Théologien et justifie son titre en déclarant : « mais il est encore mieux de se purifier pour Dieu ».
- Nous avons donc vu que certains Pères nous parlent de la connaissance de Dieu, nous parlent de la théologie en tant que connaissance de Dieu. J’ai souligné que la théologie est « voie expérimentale de l’union avec Dieu ». Théologie veut donc dire connaissance de Dieu et pour connaître Dieu nous ne pouvons pas rester comme nous sommes à l’heure actuelle, il faut changer quelque chose en nous. Car même si nous arrivons dans ce monde avec un certain état de pureté, notre nature corrompue à travers notre personne fait que nous sommes enclins malheureusement au péché. La vie spirituelle est la guérison totale, absolue et ultime de notre nature humaine. Dans l’office pour les défunts on dit que Dieu a tellement aimé l’être humain, qu’Il ne l’a pas laissé comme ça, c’est la raison pour laquelle la mort est justement la délivrance. S’il n’y avait pas de mort, cette nature à l’origine de l’être humain donnerait une vie corrompue éternelle. Dieu donne une fin à l’être humain par Amour 5.

La divinisation de l’homme par la grâce
C’est un dialogue entre l’esprit de l’homme et l’Esprit de Dieu mais un dialogue générateur d’unité « déifiante »: « Dieu ne s’unit qu’à des dieux », dit saint Symeon?
- C’est vraiment une synthèse avec des mots forts, des mots clés des Pères de l’Eglise. Autrement dit, en reprenant la définition la plus noble de la vie théologique ou de la vie de l’Eglise: « Dieu c’est fait homme, pour que l’homme puisse devenir dieu ». Notre destin n’est pas uniquement l’accomplissement de la personne humaine mais son accomplissement en tant que dieu par la grâce de Dieu. Il n’y a pas de changement de nature en nous mais si on vit la Vie que Dieu vit, on se transforme petit à petit en des dieux.
Pour saint Macaire, un théologien est un enseigné de Dieu et c’est l’Esprit, selon saint Syméon, qui d’un érudit fait un théologien, car il s’agit non de s’instruire intellectuellement sur Dieu, mais de se remplir de Dieu : « Afin que l’ayant reçu en nous, nous devenions ce qu’il est ».
- c’est pour cela que les êtres qui commencent à chercher Dieu dans leur vie deviennent de plus en plus ressemblant à Dieu. Une vie améliorée en Christ est une vie qui fait que quelqu’un est plus ressemblant à Dieu.

La libération des passions, les théologiens chrétiens orthodoxes
Pour saint Basile « la vraie théologie libère des passions »
-Si l’homme se libère petit à petit des mauvaises passions, c’est à dire les comportements qui ne laissent pas se manifester pleinement en nous l’image de Dieu. En s’en libérant on est dans l’acquisition petit à petits des « propriétés » qui expriment ce que Dieu est.
« Une théologie sans action 6 est la théologie des démons » note saint Maxime. C’est au dynamisme de la foi que répond « le don spirituel de l’Esprit qui révèle le sens de la théologie »….
L’Orthodoxie s’est avérée très sobre pour délivrer le titre de « théologien » par excellence. Seules trois personnes le possèdent comme attribut de leur sainteté: saint Jean le Théologien, le plus mystique des quatre évangélistes, saint Grégoire le Théologien, « chantre de la sainte trinité » et saint Symeon le Nouveau Théologien, auteur des hymnes qui exaltent l’union.
- Si l’Eglise est prudente dans l’attribution de ce titre, ce n’est pas qu’elle ne veut pas le donner mais ces personnes étaient caractérisées par leur profondeur théologique: elles ont su la vivre et l’exprimer à la fois. La théologie ce ne se limite pas à la contemplation, car il y a des êtres humains qui contemplent Dieu sans pouvoir exprimer cette contemplation et d’après ce qu’ils disent sans l’aide de Dieu il n’est pas possible de l’exprimer à travers un discours. En effet, notre discours ne peut pas « tenir en sa main » l’ineffable. Il faut que Dieu nous aide pour pouvoir exprimer des choses qui dépassent notre intelligence.

La contemplation ou theoria
La théologie comporte l’élément de contemplation. Ce discours peut paraître très théorique mais la pratique mène à la contemplation, car notre pratique c’est de contempler Dieu, et la contemplation vient de « theoria ». Donc la theoria pour les Pères n’est pas une attitude passive devant Dieu où l’on n’aurait plus envie de bouger puisque ce serait Dieu qui s’occuperait de nous. En référence aux écrits de Père Dumitru staniloae, il est vrai que Dieu prend l’initiative et comble l’être humain de telle façon que l’être humain se trouve parfois dans « l’étonnement », dans les phases les plus élevées du mystère de Dieu, mais même dans cet état la contemplation « theoria » est très pratique. C’est une étape très active dans la vie de quelqu’un parce qu’il est pleinement là dedans. Alors qu’en science la théorie est relative a un schéma abstrait de faits que l’on interprète, dans l’Eglise la « theoria » veut dire contemplation. Toute contemplation de la vérité dans l’Eglise, à travers la parole, à travers les sens ou tout ce que l’on est, est une theoria.

Le cataphatisme et l’apophatisme, la conscience des limites, et Dieu sujet non pas objet.
On a l’impression en lisant des écrits de théologie que les mots sont compliqués, par exemple cataphatisme et apophatisme. La théologie apophatique 7 est la théologie négative, celle cataphatique est positive. revenons à Paul evdokimov:
La méthode cataphatique procède par affirmation, mais en définissant Dieu, en lui donnant des noms, elle limite et rend son propre enseignement incomplet,
- C’est à dire que si on prend un livre par exemple, on arrive à décrire de quoi il s’agit par ses caractéristiques: sa taille, couleur, etc. Mais essayons de faire la même chose avec Dieu. Qui a vu Dieu? D’une certaine façon personne n’a vu Dieu. Cependant à travers notre expérience on peut avoir été touché par cette présence de Dieu, donc on parle d’une certaine façon d’une vision de Dieu, en gardant bien sûr les proportions. C’est pourquoi quand on essaie d’exprimer notre expérience on se rend compte que nos paroles sont très pauvres, on n’arrive pas à dire qui est Dieu. Si l’on se met à ajouter des attributs, des qualificatifs selon ce que l’on peut comprendre, on se rend compte que l’on commence à fabriquer une idole puisqu’en fait ça ne correspond pas à Dieu, car Il dépasse tout ce que l’on peut dire sur Lui. Ce genre de réflexion existe depuis le commencement du christianisme.
Il faut donc le compléter par la méthode apophatique qui procède par des négations ou oppositons à tout ce qui est de ce monde. Donc la théologie positive n’est point dévaluée mais précisée exactement dans sa dimension propre et ses limites.
- C’est extraordinaire, cette conscience des limites. La science d’aujourd’hui les découvre également car son discours ne couvre pas une réalité beaucoup plus complexe que celle que l’on peut imaginer.
C’est que la théologie négative habitue à l’infranchissable distance salvatrice: « Les conceptions créent des idoles de Dieu, dit saint Grégoire de Nysse, l’étonnement seul saisit quelque chose ».
- C’est à dire que l’on n’est pas devant un objet « Dieu ». En effet, pour la théorie de la connaissance il faut un objet de connaissance. Or dans la définition courante de la science, l’objet Dieu n’existe pas, puisqu’Il n’est pas reconnu de manière universelle. Même pour le théologien définir Dieu comme objet de connaissance n’est pas facile car il n’est pas un objet, il est un sujet de notre connaissance. Si Lui (ou si eux pour les trois personnes), ne s’ouvre pas à notre connaissance on ne peut pas le connaitre.

La prière liturgique, élévation vers Dieu et communion avec les autres
Paul Evdokimov parle plus loin de la prière liturgique: elle nous mène vers cette union. Quand on parle de prière personnelle, cela ne veut pas dire prière individuelle, parce que quand la personne prie elle est en communion avec d’autres personnes. Plus elle prie, plus elle est en communion avec les autres. C’est très important de le comprendre. Le Père Dumitru Staniloae, le décrivait en prenant l’image d’une pyramide inversée, plus on prie, plus on s’approche de Dieu et plus on est entouré. Quand nous prions ordinairement, nous sommes seuls même au milieu de plein de gens car nous ne les aimons pas comme il le faudrait, ou nous n’arrivons pas à entretenir cette communion à travers notre amour, c’est Dieu qui nous enseigne l’Amour.
On parle de la prière liturgique car on a besoin de cette prière qui concerne le peuple de Dieu dans l’Eglise. C’est elle qui nous mène vers notre « déification »: on devient Dieu selon la grâce de Dieu.
En cherchant Dieu, c’est l’homme qui est trouvé par Dieu.

NOTES SUR LE SITE

CIEL ÉTINCELANT D’ÉTOILES. – LE MYSTÈRE DE LA MÈRE DE DIEU

1 juillet, 2013

http://www.myriobiblos.gr/texts/french/kovalevsky_theotokos1.html

ON LINE LIBRARY OF THE CHURCH OF GREECE

T. R. ARCHIPRETRE E. KOVALEVSKY

LE MYSTÈRE DE LA MÈRE DE DIEU

INSTITUT DE THEOLOGIE ORTHODOXE SAINT-DENYS

PREMIÈRE  LEÇON 

CIEL ÉTINCELANT D’ÉTOILES. 

Les problèmes théologiques et dogmatiques créent en nous diverses réactions.  Lorsque nous approchons notre regard interieur de la Divine Trinité, -pardonneL ces images imparfaites-, il nous semble marcher en pleine lumière; l’Image de Dieu nous communique l’impression de trouver, comme écrit l’apôtre Pierre, « l’étoile du matin », le foyer, le feu, la flamme, tandis que lorsqu’à la suite…de l’Incarnation, la Résurrection et l’Ascension nous pénétrons dans l’économie de notre salut, nous découvrons les profondeurs de la nature et devenons comparables à des pélerins dont le chemin, au travers de cavernes successives et de collines, se déroulerait vers les sommets des montagnes. 
Je ne dirai certes pas que la mariologie est enveloppée d’un climat lunaire ?ù se percevraient des ombres et des craintes nocturnes, mais elle offre à notre contemplation un ciel étincelant d’étoiles.  La Vierge est resplendissante dans ses apparitions, rayonnante de lumière; néanmoins le bleu et l’argent prédominent sur l’or.  Sans aller jusqu’à l’opposition: soleil-lune, reconnaissons que la mariologie revêt une couleur particulière.     

 qui est Marie? 
Qui est Marie?  n?n seulement en tant que personnalité historique que personne intimement liée a Eve, mere des vivants dont nous heritames la mort.  J’insiste : intimement liée; Eve-Marie-Eglise nous transporte dans le domaine de la maternité, de la Femme unique, avec un grand F, la virginité-féminité.  Et soudain, mis à part la piété et le dogme sublime de la naissance du Christ -que nous étudierons ultérieurement- nous abordons de plein pied un sol nouveau.    
J’ai déjà traité, ici, dans cet Institut, de la Trinité, du Saint-Esprit, du dogme de Chalcédoine; je me risque, cette année, à m’aventurer en votre compagnie dans le mystère de Marie et le mystére de la Femme:  Je parlerai peu d’Eve et de l’Eglise, je m’arrêterai sur Marie, bien que Eve et Marie soient unies au point que l’?n ne peut comprendre la Vierge si ?n ne connaît point notre première mère dont elle est la céleste réplique.  Et peut-?n comprendre Marie sans comprendre l’Eglise? Tout ce qui est dit de Marie s’applique à l’Eglise et, derrière Marie et l’Eglise, se profile cette chose mystérieuse, cette sagesse dansant et se réjouissant devant le Créateur dès la naissance du monde, cette « sophia », « sapientia » à laquelle l’Ancien Testament accorde une place éminente. Combien c’est étrange: l’évangile ne contient guère de passages sur Marie, nous les examinerons car ils sont significatifs, mais ils sont peu nombreux, le Credo a un mot, en passant: « né du Saint-Esprit et de Marie », les Actes des Apôtres: « la Mère de Jésus, Marie, était là » et c’est tout. 
Et pourtant! L’étoffe vivante de l’Eglise traditionnelle, aussi bien catholique orthodoxe que catholique romaine est tissée de Marie »; nous la rencontrons à chaque pas.   

Les perles semées dans le coeur. 
J’ai revu la liste d’icônes et de statues miraculeuses de la Vierge.  Elles s’échelonnent des premiers siècles au XXème.  En Russie: huit cents lieux de pèlerinages marials; en France, en Espagne, en Allemagne, en Italie… ?ù est l’Eglise, là est la Vierge, le culte de la Vierge. Les protestants ont dû faire un effort immense pour l’écarter, au nom des Ecritures et, l’ayant él?ignée -ceci est caractéristique- ont perdu la vision mystique de l’Eglise, ils sont devenus des chrétiens par groupes ?u personnes isolées, en face de Dieu. 
Auprès d’une multitude de noms de lieux: Laghet, Lourdes, Chartres, Pontmain, le Puy, etc., apparaît une multitude de qualificatifs; en Russie: « Les Entrailles bienheureuses », »Notre Dame du ciel, pleine de Grâce!’, « Notre-Dame des fleurs aromatiques », « Notre-Dame de  jubilation universelle »,  « Notre-Dame,  Rappel des perdus », « Notre-Dame, Donatrice des eaux célestes », « Notre.-Dame, Joie des affligés », « Notre-Dame de Dignité »,  « Notre-Dame de Triple Tendresse », « Notre-Dame, Source d’huile sainte », « Notre-Dame, Donatrice de vie », « Notre-Dame, Vie heureuse »; « Notre-Dame, Vierge-Mère », « Notre-Dame, Nourricière », « Notre-Dame, Oeil vigilant », « Notre-Dame, Buisson ardent », « Notre-Dame, n?n façonnée par la   main de l’homme », « Notre-Dame, Joie des désespérés », « Notre-Dame, des larmes de la Mère de Dieu », « Notre-Dame, Regard d’humilité », « Notte-Dame,  Vision des yeux du coeur », « Notre-Dame, Doux baiser », « Notre-Dame, Verbe fait Chair », « Notre-Dame, Sagesse divine », « Notre-Dame,  Salut des n?yés »,  « Notre-Dame’, Soulaigement des angoisses », « Notre-Dame de Passion, de Consolation, Triple-Joie, de Tendresse, d’Adoucissement, Qui écoute, Guérisseuse, etc. ». 
Des noms analogues illuminent la France: « Notre-Dame de Grâce », « de Miséricorde, du B?n Secours, de Liesse, de la Garde, de Consolation des affligés, etc. ». Les litanies de la Vierge sont  un ruissellement de noms d’ amour: Tour d’ ivoire,  Rose mystique,  Vase d’honneur, Maison d’or;  Porte du ciel; Etoile du matin,  Refuge des pécheurs, Reine des anges, des patriarches, des confesseurs, de t?us les  saints, etc.  Il en est de même dans les litanies  (acathistos) orientales. D’?ù provient cette nécessité dans l’Eglise ce prononcer mille et mille fois le Nom de la Mère de Dieu; de semer ces perles dans l’espace du coeur?  Qu’est-ce qui suscite ces rapports entre nous et cette Mère à laquelle Dieu confia l’humanité, Mère et Vierge?   

 symboles plus que dogmes 
Il y a deux ?u trois ans, Pie XII, en un élan de piété, proclama le dogme del’Assomption de la Vierge Marie. L’Eglise a toujours cru en l’Assomption; au IIIème siècle, nous trouvons déjà des textes parlant de ce fait.  Au IVème, la fête de l’Assomption se propage dans plusieurs Eglises et au Vème, elle couvre l’univers. Le dogme promulgué par Pie XII n’a donc en rien contredit la tradition sacrée de l’Eglise. Néanmoins, la conscience orthodoxe se demande: pourquoi en avoir fait un dogme? Les rapports qui nous attachent à la Vierge ne sont-ils point différents de ceux qui existent entre le Christ et nous, par exemple: les deux natures, base de notre salut? La Vierge suscite plus un langage symbolique que des définitions abstraites:  Prenons la littérature pratistique des premiers siècles: les faits, les images bibliques sont pris comme des signes, des symboles prophétiques de Marie: l’échelle de Jacob par laquelle le Christ est descendu, le Paradis  ?ù habite  le Verbe, le Buisson qui  brûle sans  se  consumer, la Porte: fermée du temple d’ELéchiel, les passages s’ajoutent aux passages.  ContempleL cette innombrable assemblée de signes, d’images, de symboles autour de cet être mystérieux:  la femme. Mystérieux! car, nous sommes devant un être qui; d’une part, est divin et, d’autre part, habité par la profondeur de la création primordiale.   

Le vide résonne le Verbe 
La maternité renferme « quelque  chose »  qui vient d’en bas, de la terre,  de la matière pour se  sublimer, s’ouvrir,  s’alimenter, marcher à la rencontre  de la Grâce  sembleble à un calice recevant la vie. Ce « quelque  chose »,  chante le cantique de l’Eglise,  monte plus haut que les Chérubins, incomparablement supérieur aux Séraphins.  La  Femme en sa profondeur métaphysique est,  en vérité,, la jonction de Dieu avec rien, mais un rien qui par obéissance à la volonté de Dieu,  Lui répond;  ou plutôt un vide qui réclame,  résonne  à la Parole.   

L’Epouse bien-aimée de Dieu 
Il est significatif de noter que dans l’amour l’homme contemple la beauté et la femme recherche la parole. Une épouse est mécontente si son mari ne lui redit pas: je t’aime, il lui paraît devenir indifférent -même la laideur lui 9importe peu si la parole est douce- l’époux, par contre, est attiré par le regard. Cet monde fut; Il a tout créé par Son Verbe et rien n’a été fait sans Lui, mais lorsqu’il eût créé le monde, « Dieu vit » qu’il était beau. L’être appelé du néant, l’être qui s’éveille veut entendre Dieu. Marie écoutait et conservait dans son coeur, Marie était obéissante: elle écoutait et guettait le Verbe Pré-Eternel. 
Si nous menons plus avant notre investigation du mystère marial, de  ce qu’il exprime,  manifeste, nous verrons qu’avec l’éclosion de l’univers, pris du néant, naît simultanément l’aspiration pure et féconde d’engendrer Dieu, de contenir en ses entrailles le Verbe par l’Esprit, de lui donner une naissance conforme à la création: naissance de Dieu en nous.  La Sagesse, aux premiers jours du monde, dansa de joie divine devant les créatures car elle savait que leur beauté n’était pas destinée à demeurer telle quelle mais à s’entrouvrir comme une fleur engendrant Dieu-homme et réalisant  le puissant mystère de la  « Mère de Dieu ». 
Je le répète: nous ne pouvons contempler les vérités révélé (la Trinité, le Fils de l’homme et Fils de Dieu)  de même manière que nous le ferions du mystère marial, car la Mère de Dieu, sa maternité unie à sa virginité: « Mère  intacte  et Vierge  féconde » selon les textes gallicans des Vème et Vème siècles, appartient à notre nature, nous y participons.  Nous ne le regardons pas du dehors, Marie est os de nos os, chair de notre chair!  Derière n?tre humanité est la Pure, est la Choisie. Cependant elle nous dépasse inimaginablenent; nos imperfections, nos cheminements; nos impuretés  font  obstacle à une vision totale de la Mère créatrice et Vierge intègre, bien que nous pressentions en Elle la pensée intime de Dieu envers Sa créature. 
Vous  connaisseL  certainement  cette image biblique  ?ù Dieu veut se placer vis-à-vis de Son oeuvre  comme un ép?ux devant  son épouse. Cette image s’applique exactement à l’Eglise, à Israël et à la Vierge.  Un peintre exécutant un tableau la rappelle -très inférieurement- un peintre qui ne se contenterait pas de regarder et d’aimer son oeuvre reflétant son talent ?u son génie, mais qui désirerait que cette oeuvre d’art, fabriquée par ses mains -et voici le bouleversant mystère- devienne sa Bien-Aimée, lui réponde d’égal à égal et se transforme  jusqu’à dialoguer avec lui. 
Dieu, nous révèle la Bible, à façonné le monde comme un p?tier,  puis Il a pris cet ?bjet,  l’a animé,  dirigé afin qu’il soit susceptible d’être Son égal et de lui parler de personne à Personne.   De cette révélation,  sont issues la libération et la déification du monde. Voici pour l’épouse.

 finalité du monde:  la maternité divine. 
Le mystère de Marie, Mére de Dieu,  s’enfonce plus  loin:  Dieu, comme un potier, a modelé un objet n?n seulenent en vue d’en faire un être vivant capable de dire: « je t’aime » ou: « je ne t’aime pas », mais Il l’a modelé avec la volonté que cette créature Le  portât dans ses entrailles.  RéaliseL-vous l’inattendu de cette perspective! de ce mystére inconcevable de Marie, la Femme, la création, ?u plutôt de la Pensée divine Se plongeant en Sa créature?                                  .
  De  ce mystére découlent en l’homme deux sentiments: la  sensation de  sa  faiblesse illimitée qui  le pousse à n’être rien, à siaparaître en Dieu, à se perdre dans Ses bras comme un petit  enfant,  et  celui  de se savoir  « théophore », porteur du divin.

QUELLE EST CELLE QUI SORT DU DÉSERT? – LE MYSTÈRE DE LA MÈRE DE DIEU

1 juillet, 2013

http://www.myriobiblos.gr/texts/french/kovalevsky_theotokos2.html

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T. R. ARCHIPRETRE E. KOVALEVSKY

LE MYSTÈRE DE LA MÈRE DE DIEU

INSTITUT DE THEOLOGIE ORTHODOXE SAINT-DENYS

 DEUXIEME LEÇON

QUELLE EST CELLE  QUI SORT DU DÉSERT? 

L’Eglise se sert pour chanter l’Assomption de Marie des textes du Cantiaue des Cantiques: ils peuvent illustrer n?n seulement la fête triomphale de la Vierge mais, comme je le disais déjà, la maternité-virginité de l’éternel féminin. 
Voici une de ces antiennes : 
« Quelle est celle-ci qui sort du désert, couverte de riches étoffes, appuyée sur son Bien Aimé ? » 
Quelle est celle-ci qui sort du désert, couverte de riches étoffes ? » Il me faut introduire ici la distinction entre deux maternités: terre et Eve. 
« Qui sort du désert » a deux sens.  Le désert est le chaos primitif, la matière vivifiée et sèche, comme dira Saint Irénée, matière  primordiale,  appelée à être  formée,  déifiée à la fin des temps mais encore déserte. Certains affirment qu’il n’y a pas de vie dans la lune, d’autres qu’il n’y a pas encore de vie.  Admettons. ImagineL-le comme une faible approximation de cette proto-matière dép?urvue de vie biologique et minérale, sans parler de vie animale ou spirituelle, ce désert informe, à peine éclos -comme ceci,  comme quelque chose,  comme potentialité- du rien. 
Le désert a un sens deuxième: iI représente aussi une étape, celle de la chute; ce « quelque chose », cette potentialité, devenus jardins  florissants  sont retombés à. l’état de désert,  semblables au Sahara qui fut autrefois une terre fertile -?n y trouve des vestiges de fécondité- et que l’absence-d’eau ?u diverses circonstances ont recouvert d’aridité. Stérilité produite par une chute,  comparable à une  femme âgée dont la  source de vie  s’est tarie. 
« Désert »  évoque  donc la matière primordiale et le monde issu d’Eve. Ne perdons jamais de vue ces deux étapes, un seul m?t  saisit et la création et la chut; dans la création, ce n’est pas encore, dans  la chute,  ce n’est plus.   Nous verrons  qu’après Marie, c’est  encore:  » la restauration! 
« Quelle  est celle-ci qui sort du désert,  couverte de riches étoffes? » nous donne l’explication de la destinée du nonde dans la Pensée divine.  Le monde, nous dit la Bible, a été créé chaotique, matiére, quelque chose et c’est précisément de cela que s’élève la beauté.   

couverte de riches étoffes 
« Quelle est celle-ci qui sort du désert, couverte de riches étoffes? « nous découvre le sens cosmique dans la Pensée divine, c’est l’embellissement, un travail progressif pour atteindre la beauté définitive.  L’existence et l’utilité ne sont pas suffisants à la création, elle est soulevée -abstraction faite de la chute- par un mouvement d’ascension vers  la Beauté.   L’apôtre Paul définit: Le corps périssable et le  corps glorieux »,  « nous attendons la gloire et la splendeur; que sont la gloire et la splendeur, si ce n’est la beauté dans l’absolu du mot? Dieu est l’artiste unique. 
Ne méprisons pas cette branche curieuse de l’humanité qui s’occupe d’art.  L’art, dit-?n, est sans doute une émotion nécessaire, mais le serieux est procuré par la science, la morale et la religion.  L’art, bien que respecté et nous ne pourrions vivre sans lui, est en général taxé de luxe.  Ne méprisons pas n?n plus le luxe, car si l’art, en définitive, ne transforme pas le monde, à travers l’intuition humaine il en prophétise la beauté, même en tant qu’ « ersatL » de la Beauté divine. La bonté-charité est nécessaire, mes amis, quand il yp a des pauvres, la vérité est indispensable lorsqu’il y a ignorance et mensonge, mais la beauté n’est pas nécessaire, elle est là, simplement. 
Pourquoi le monde existe-t-il? vous demandera-t-on; répondeL: Je crois en Marie parce que je sais que par Elle le créé existe pour  toucher la beauté  suprême. 
La religion vraie a le sentiment de la beautè au centre. C’est pour cette raison que les traditions religieuses authentiques ne  peuvent se passer de l’art.  Sa présence n’est pas utile que pour distraire ?u soulager les âmes alentour, pour porter le meilleur du message de l’homme à Dieu, le Chrétien est émerveillé de voir s’avancer du désert « celle-ci, couverte de riches étoffes ». 
AveL-vous remarqué que la femme cherche à se rendre belle, même dans le péché?  L’embellissement sera extérieur, parfois vulgaire, tapageur, néanmoins, elle  s’embellira parce que -consciemment ?u inconsciemment- de par l’instinct et la nature des choses, elle suivra le chemin de la beauté. Bien entendu, elle est loin de celle de Marie ?u du cosmos transfiguré… elle l’imite comme elle le peut.  De même qu’il y a une gradation entre l’amour charnel, l’amour maternel et l’amour divin, de même existe-t-il une échelle immense entre les amours déformées et l’amour divin, mais ceux-là recèlent malgré tout une gemme de beauté.  « Femmes », exhorte l’apôtre Pierre, « que votre parure ne soit pas qu’extérieure, faite de cheveux tressés, de cercles d’or et de toilettes bien ajustées, mais à l’intérieur de votre coeur, dans l’incorruptibilité d’une âme douce-et calme: voilà ce qui est beau et precieux devant Dieu » (I Pierre III;3,4).   

appuyée sur son Bien Aimé 
« Quelle est Celle-ci qui sort du désert, couverte de riches étoffes? »  Le manteau de riches étoffes exprime toujours la splendeur et la lumière. Les « tuniques de peau » d’Adam et Eve ont étouffe les vêtements de lumière.  Notre émerveillement augmente lorsqu’à ce verset s’ajoute le suivant: inimaginable! « Celle-ci », venue du rien, « est appuyée sur son Bien-Aimé ».  Elle s’appuie sur le Christ comme sur son fiancé, à cette minute, son geste enlève le monde vers la Transfiguration.  Car, par elle-même, sans appui, sans le regard de Dieu, que peut-elle?  Ah! vous le saveL, il est des regards, même humains, qui vous habillent soudain de splendeur. Le regard spirituel ennoblit, le regard vulgaire abaisse et déchire les habits.  AlleL cheL un Saint, qu’adviendra-t-il ? Tout d’abord, vous sereL confus de converser avec un interlocuteur qui pénètre  votre âme, peut-être vous sentireL-vous indigne, poussiéreux, trop impur pour l’approcher.  Vous sereL là, gêné. Il vous regarde, alors ce qui était vulgaire se fond, votre parole change, vous êtes à l’aise, décrispé, les problèmes insolubles s’éloignent. J’ai  connu un prêtre qui  était parvenu à la  sainteté; il était quelconque du point de vue allure, parole, culture. Je prenais s?uvent avec lui le train de Meudon; incontestablement, il était beau! Avec un visage médiocre, une soutane un peu triste, un peu vieille, de ce peu, dès le premier contact s’exhalait la beauté. Il était appuyé sur le Bien-Aimé.   

« Cendrillon »     
PermetteL-moi un paradoxe, n?n asseL biblique, au delà de tout romantisme et pourtant essentiel:  la philosophie, la métaphysique, la théologie, enfin, du monde qui lie Dieu créateur à la créature, sont un chant d’amour. La mentalité populaire le sait bien qui représente dans ses contes une princesse endormie réveillée par le Bien-Aimé, ?u le fils du roi qui s’éprend d’une jeune  fille de rien, une adolescente pauvre  et qui découvre tout à coup que sa « Cendrillon » est la plus belle; il rencontre la beauté  là ?ù il ne  songeait point la  trouver. 
Dieu trouve  cette beauté unique dans le « désert » et lui accorde Son appui.   

Exhortation à la beauté 
J’ai remarqué que nombre de Chrétiens, trop familiers des choses sacrées, -des prêtres, des fidèles- perdent le goût de la beauté; ils ne la voient plus, ne l’écoutent plus.  Un brin de cynisme -et ceci est ignoble- un peu d’esprit séminariste, le psaume déplaisamment cité, un léger sourire, une allusion impure et l’empoisonnement agit. Mes amis, cultiveL en vous le g?ût du beau, cela vous conduira dans le clinat de Marie « qui sort du désert,  appuyée  sur s?n Bien-Aimé;  femmes,  dans vos  familles aimeL la beauté, ce n’est pas le luxe, car la beauté s’accommode de peu, v?us aveL une mission de beauté. Le  destin des univers,  des espaces célestes et de toutes créatures, pierres, plantes, animaux, hommes, soleils, est d’accomplir cette beauté à laquelle Dieu dit: Je t’aime; tu es belle.   

trahis?n de la fragile Eve 
Voici pour l’ontologie, mais la création progresse.  La terre-mère engendre des formes en s’appuyant sur le Bien-Aimé, et dans le plan divin les prévoit. Nos monstres préhistoriques ont vécu, pour prouver la marche des êtres vers des formes parfaites. Oui, il nous reste encore quelques animaux ridicules afin de nous rappeler, précisément, le travail réalisé en s’appuyant sur le Bien-Aimé, l’embellissement de la nature.  Et, pour couronner cette beauté « év?luante », apparaît la plus belle, la plus pure, d’une beauté d’enfant, délicate, fragile, le dernier geste de la création: Eve. C’était elle qui était l’Eglise, c’était elle qui devait attendre d’être aimée par le Verbe, et elle Le trahit avec le serpent. Alors, survient le divorce entre Dieu et la créature. Eve a trahi l’amour de Dieu.   CompreneL-vous,  à présent,  le sens de Marie:  même la divorcée peut en elle revenir et se joindre à son Dieu.     

Marie  « materia’!  et Marie rédemptrice. 
Marie réunit les deux notions: l’accomplissement de la terre-mère et cette matière visitée par Dieu.  Là, réside la maternité virginale. Marie est aussi la rédemption, le rachat, la suppression du divorce d’Eve et de Dieu; en elle  Eve revient à son Ep?ux; Marie efface la trahison et la  chute. 

LISONS ENSEMBLE UN PASSAGE DU CANTIQUE DES CANTIQUES: 
« Voilà mon Bien-Aimé qui me parle et qui me dit: Lève-toi, hâte-toi, ma bien-aimée, ma colombe,  mon unique beauté  et viens vers moi ». 
« ‘Voilà m?n Bien-Aimé Qui me parle »:  c’est: l’Incarnation du Verbe. 
« Il dit: Lève-toi »: c’est la Résurrection du Christ qui ressuscite notre nature; 
« Hâte-toi »: c’est Son Ascension; 
« Ma bien-aimée, ma colombe »: c’est le m?nde rempli de l’Esprit Saint ; 
« Mon unique beauté! » c’est le monde transfiguré; 
« Viens vers Moi »: c’est le monde  qui s’élève vers Dieu pour être déifié. 
Et un autre passage: « C’est la voix de m?n-Bien Aimé, le voici, Il vient bondissant sur les collines ». 
« C’est la voix de mon Bien Aimé, le voici, Il vient bondissant sur les collines:  come le soleil levant,  c?me le printemps. Car, que sont les collines, si ce n’est l’élévati?n des êtres humains vers Dieu, et aussi: l’am?ur ardent de Dieu qui bondit sur les collines. 
Et ailleurs: « Lève-toi, Mon amie, ma belle et viens, car voici l’hiver est passé ».  L’hiver précède le printemps, la stérilité l’enfantement, le désert la fécondité des champs, le soir marche devant le matin.  Tout commence par l’hiver, tout s’achève dans le printemps éternel.   

la vapeur du désir de Dieu 
Et dernière citation: Quelle est celle qui sort du désert… comme une colonne d’arôme, alleluia, vapeur de myrrhe et d’encens, de parfums exotiques, alleluia, alleluia ». Nous revenons au grand mystère. Tout en donnant la liberté à Sa création, Dieu y dépose le désir de Lui et ce désir devient  en Marie « colonne d’arôme,  vapeur de myrrhe et d’encens, parfums exotiques » car le désir, vous le savez, est un parfum. 
?els sont quelques-uns des textes dont je voulais entourer mes paroles.   

Marie, deuxième Eve 
Venons-en,  maintenant, à la  comparaison de Marie et d’Eve, de Marie  et de la terre. 
Prenons pour maître Saint Irénée – personne n’a parlé mieux que lui de Marie et d’Eve.- Le péché est exprimé par Adam et Eve, le Christ étant le deuxième Adam, la deuxième Eve s’impose. 
Scrutons plus avant: peut-on avoir une vision complète des choses en éliminant l’élément féminin?  Mais, répondrez-vous, nous ne sommes pas nés féminins ?u masculins, l’apôtre Paul ne dit-il pas: « Il n’y a ni homme, ni femme, ni Grec,  ni Juif »?   C’est vrai, mais le Christ Qui  a tout « récapitulé »   était;  malgré tout, un h?mme. Il lui fallait son complément femme.  Et vous constaterez que là ?ù est la conscience pure,  la compréhension de Marie, là est aussi la conscience de l’Eglise, nous enseigne le Patriarche Serge,  c’est-à-dire le sentiment de l’unité  cosmique du m?nde qui sera sauvé.  Que la place de Marie soit différente de celle du Christ, que l’Un soit Dieu incarné et l’autre  l’être humain déifié, ceci est tellement absolu dans  l’Evangile  qu’il nous  semble inutile d’en parler, mais lorsque  le Christ monte vers Son Père,  Il ne nous laisse pas que l’Eglise, à travers la personne de Jean, Il n?us donne une mère: Voici ta mère ».

29 JUIN : SAINTS APÔTRES PIERRE ET PAUL – Homélie prononcée à Bussy par le père Boris le 12 juillet 2002

28 juin, 2013

http://www.crypte.fr/homelies/pierre-et-paul.html

29 JUIN : SAINTS APÔTRES PIERRE ET PAUL – HOMÉLIE

Homélie prononcée à Bussy par le père Boris le 12 juillet 2002

Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit,

Cette fête des saints Pierre et Paul est une des grandes fêtes de l’année liturgique. On peut dire que c’est par excellence –après la Pentecôte, bien sûr– la fête de l’Église. Quand saint Pierre et saint Paul sont représentés, soit à la Pentecôte, soit à l’Ascension, Paul est toujours près de Pierre. Le rassemblement de ces deux apôtres signifie la plénitude de l’Église.
Je commencerai par parler de saint Pierre. Quand nous regardons sa vie, nous voyons que Pierre n’est jamais seul. Il apparaît d’abord avec son frère André, et encore ce n’est pas Pierre qui découvre le Seigneur, mais c’est André qui va l’annoncer à son frère Pierre. Tous deux étaient du village de Bethsaïde, près du Lac de Tibériade. Il y a actuellement des icônes de saint André et de saint Pierre qui ont un sens symbolique. Dans la mesure où l’on veut que Pierre représente l’Église romaine –et il n’est pas seul à la représenter, il est apôtre pour l’Église entière– et André l’Église d’Orient, cette icône voudrait être le symbole de la réconciliation entre les Églises d’Orient et d’Occident, celles qu’on appelle quelquefois les deux poumons de l’Église. Pierre fut donc avec André parmi les premiers appelés. Mais très tôt, dans les Évangiles, ce n’est plus avec son frère qu’on le voit mais avec Jean, et Jacques, les fils de Zébédée. Quand le Seigneur envoyait les disciples deux par deux, Pierre allait avec Jean. Il y a donc un lien particulier qui s’instaure entre Pierre et le « disciple que Jésus aimait. » On le voit à la Sainte Cène, lorsque Pierre, n’osant pas s’adresser directement à Jésus, s’adresse à Jean dont la tête repose sur la poitrine du Maître pour qu’il demande « Et qui est celui qui va te livrer ? » Jean avait une intimité avec le Seigneur que Pierre n’avait pas, malgré son courage, malgré sa force, malgré toute sa spontanéité. Après la Résurrection, on les voit tous les deux courir ensemble vers le Tombeau et c’est Jean qui « vit et crut ». De même, lorsqu’ils pêchaient sur le lac de Tibériade, c’est Jean qui reconnaît Jésus sur la rive, mais c’est Pierre qui se jette à l’eau pour aller à sa rencontre. Dans l’Église primitive, à Jérusalem ou en Samarie, Pierre et Jean vont ensemble prêcher la Bonne Nouvelle.
Mais on trouve ensuite, dans la tradition ecclésiale, un autre couple formé par Pierre et Paul. Ils participent tous les deux au premier Concile de Jérusalem, Pierre le premier –il est toujours nommé le premier dans les listes des apôtres, on précise souvent « Pierre d’abord »– et Paul le dernier –lui qui s’appelait « l’avorton »– apparu comme un paradoxe, une contradiction, lui qui persécutait les chrétiens et gardait les vêtements de ceux qui lapidaient Étienne. À partir de là, par un retour en arrière, l’Église situe Paul en face de Pierre dans une relation unique jusqu’à la fin des temps. C’est pourquoi, dans toute la vie de l’Église, Pierre et Paul seront toujours évoqués ensemble et représentés ensemble même avant qu’ils ne se rencontrent, à la Pentecôte et à l’Ascension.
Je voudrais dire aussi quelques mots sur ce que l’on peut appeler « les faiblesses » de saint Pierre. Pierre, celui qui avait encore une foi chancelante, qui voulait marcher sur les eaux mais qui sombrait, celui qui voulait dissuader le Seigneur d’aller vers les souffrances. C’est ce qui suit immédiatement le passage que nous venons de lire, la confession de Pierre à Césarée. Quand Pierre dit au Seigneur : « Non, ne va pas à Jérusalem, Seigneur », le Seigneur lui répond : « Éloigne-toi de moi, Satan. Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes.»
Quel mot terrible ;! Satan, c’est-à-dire tentateur. Simon se souviendra de cette leçon dans sa première épître, qui est une des plus sublimes de tout le Nouveau Testament. Il y revit toute la passion du Christ à travers la prophétie d’Isaïe : « Lui qui n’a pas commis de péché et dans la bouche duquel il ne s’est pas trouvé de mensonge. Lui qui a porté nos péchés dans son corps sur le bois, afin que, morts pour le péché, nous vivions pour la justice ; lui par les meurtrissures duquel vous avez été guéris.» Pierre applique cette prophétie à Jésus, « qui n’ouvre pas la bouche quand il est mené à l’immolation ».
D’autre part, saint Pierre a reçu du Seigneur un nom nouveau, comme nous l’avons entendu aujourd’hui : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église. » Il est le roc et l’Église se souvient de cette parole en considérant que tout évêque chargé de veiller sur le troupeau de l’Église entre dans le mystère du roc, qu’on appelle la « pétrinité » de saint Pierre. Rome a voulu en faire une exclusive pour le siège du pape, ce que l’Orient n’a pas accepté tout en reconnaissant à Rome une primauté dans l’amour, une primauté dans le service plus qu’une primauté dans l’autorité. Et, c’est à cela que répond déjà Pierre dans son épître d’une façon très claire : « Approchez-vous du Seigneur, Lui la pierre vivante rejetée par les hommes, mais choisie et précieuse devant Dieu. Et vous-mêmes, comme des pierres vivantes, édifiez-vous pour former une maison spirituelle, un saint sacerdoce.»
Simon, fils de Jonas, dit Pierre, ne se réserve pas ce nom symbolique que Dieu lui a donné, il rappelle que la seule pierre véritable, c’est Jésus, sur lequel l’Église est fondée. Et nous, tous ensemble, nous formons des pierres, tous ensemble nous sommes unis par le ciment de l’Esprit Saint, lien de l’amour et de l’unité, qui fait de nous non plus des cailloux épars mais un édifice vivant, saint, capable de porter en lui la présence de Dieu. Il ne s’agit pas seulement de l’église comme bâtiment, mais de l’église que chaque fidèle est, car nous sommes tous le temple de Dieu, l’édifice spirituel, l’Église du Christ dans lequel se réalise la présence du Tout-Autre, du Tout-Saint, du Dieu Trinité.
Une dernière chose : dans son épître, saint Pierre reprend les Béatitudes et y met un point d’orgue, en guise de paroles de consolation pour les Églises éprouvées. « Ne soyez pas surpris comme d’une chose étrange qui vous arrive, de la fournaise qui est au milieu de vous pour vous éprouver. Réjouissez-vous – comme dans les Béatitudes – de la part que vous avez aux souffrances du Christ afin que vous soyez aussi dans la joie et l’allégresse lorsque sa gloire apparaîtra. Et si vous êtes outragés pour le nom du Christ, bienheureux êtes-vous, car l’Esprit de gloire, l’esprit de Dieu repose sur vous.» Voyez-vous, cette joie qui nous est promise au Royaume et qui nous est annoncée dès maintenant, c’est la joie et la plénitude dans l’Esprit Saint.
Quelques mots pour terminer sur saint Paul. Il y a tellement à dire ;! Dans cette seconde épître aux Corinthiens nous avons entendu les épreuves de saint Paul, ses souffrances sans nom, mais en même temps la grâce que Dieu lui a donnée d’être élevé au troisième ciel et d’entendre des paroles ineffables que nul homme ne peut répéter et qu’il ne pouvait lui-même nous redire. Et, pour qu’il ne s’enorgueillisse pas, le Seigneur lui a donné « une écharde dans la chair, comme un ange de Satan qui le souffletait » – c’est très mystérieux, nous ne savons pas de quoi il s’agissait. Était-ce une tentation ? Était-ce une maladie ? nous ne savons –. Saint Paul en souffrait, il supplia le Seigneur de l’en libérer, par trois fois, mais le Seigneur lui répondit : « Ma grâce te suffit. C’est dans la faiblesse que se manifeste ma puissance. » C’est pourquoi saint Paul ne voulait se glorifier que de ses propres faiblesses, afin qu’à travers ses faiblesses puisse se manifester davantage la puissance de Dieu.
Que dirai-je encore ? Saint Paul possédait cette évidence intérieure de la vie en Christ, lorsqu’il disait : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi ». Quelle audace de pouvoir le dire ! mais quelle joie aussi ! C’est notre programme à chacun : car ce « moi » est le vieil homme, c’est le moi avare, le moi colérique, égoïste, avec toutes les tares du vieil homme qui s’agglutinent dans ce moi pécheur qui doit mourir. Quand le Christ vit en moi, par la grâce du Saint Esprit, alors je regarde le monde lui-même d’un œil nouveau : Ce n’est plus moi qui parle, c’est le Christ qui parle en moi ; ce n’est plus moi qui aime, c’est le Christ qui aime en moi. Il y a ainsi un recentrement profond de notre existence entière sur le Christ, sans que ma personnalité –oh… ma personnalité…– ne soit brimée ni contrainte ni réduite à zéro. Au contraire, elle renaît dans une vie nouvelle de joie. Alors, nous trouvons la puissance et la grâce d’aimer, comme saint Paul, de participer avec l’Esprit Saint à la naissance nouvelle des enfants de Dieu.
C’est sur cela que je voudrais terminer, sur cette parole de saint Paul : « Mes petits enfants – pour saint Paul, nous sommes tous ses petits enfants, pas plus – pour qui je souffre à nouveau les douleurs de l’enfantement jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous. » Les douleurs de l’enfantement, cela signifie que, pour que le Christ puisse naître en nous, il y a tout un travail intérieur à faire. L’enfantement est une image, que le Seigneur reprend dans le Discours des adieux : « Lorsqu’une femme met au monde un enfant, elle est dans la souffrance, mais quand elle a enfanté elle est dans la joie parce qu’un homme est venu au monde. » Cet enfant qui vient au monde, ce sont les enfants de saint Paul et de tous ceux qui participent avec lui à cette gestation, oubliant à la fin leur souffrance, car celui qui participe, qui est auprès d’une âme en train de naître en Christ, sent en lui-même ses propres douleurs. C’est le mystère de la compassion, du partage de la souffrance de l’autre que nous vivons par l’Esprit Saint. Dans l’Esprit Saint nous devenons capables de sentir comme si c’était notre propre souffrance les souffrances de l’autre, comme si c’était notre propre joie les joies de l’autre. Tout cela nous est donné dans l’Esprit Saint et tout cela, les saints apôtres Pierre et Paul nous le communiquent.
Creusons davantage, à travers les épîtres pauliniennes, les épîtres de saint Pierre et les Actes des apôtres, toutes ces lois de la vie chrétienne, qui nous conduisent par la naissance et la croissance jusqu’à la plénitude de vie en Christ par l’Esprit Saint.

Amen.

Père Boris

PRIÈRE DU LEVER (Orthodoxie)

15 mai, 2013

http://www.pagesorthodoxes.net/liturgie/expres.htm

PRIÈRE DU LEVER

Béni soit notre Dieu en tout temps, maintenant et toujours et aux siècles des siècles. Amen.
Seigneur Jésus Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur. (3 fois, avec métanie)
Seigneur Jésus Christ, Fils de Dieu, par l’intercession de ta Mère toute-pure et de tous les saints, aie pitié de nous. Amen.

Gloire à toi, notre Dieu, gloire à toi. (puis les prières initiales : Roi du Ciel… Saint Dieu… Très sainte Trinité… Notre Père…)

Au sortir du sommeil, nous nous prosternons devant toi, Seigneur puissant et bon, et nous t’adressons l’hymne des anges : Saint, Saint, Saint, es-tu notre Dieu. Par l’intercession de la Mère de Dieu, aie pitié de nous.

Gloire au Père et au Fils et au Saint Esprit.
Seigneur qui m’éveille de mon sommeil, illumine mon cœur et mon esprit, ouvre mes lèvres pour te chanter, ô sainte Trinité : Saint, Saint, Saint, es-tu notre Dieu. Par l’intercession de la Mère de Dieu, aie pitié de nous.
Maintenant et toujours et aux siècles des siècles. Amen.

Le Juge viendra comme un éclair dévoiler les actions de chacun ; avec crainte chantons donc au terme de la nuit : Saint, Saint, Saint, es-tu notre Dieu. Par l’intercession de la Mère de Dieu, aie pitié de nous.
Seigneur, prends pitié. (12 fois)

Au sortir du sommeil, je te rends grâces, très-sainte Trinité ; car dans ta longanimité et ta grande bonté, Seigneur, tu ne t’es pas irrité contre moi, indolent et pécheur que je suis, tu ne m’as pas anéanti à cause de mes péchés, mais dans ton habituel amour pour les hommes tu m’as tiré de ma torpeur pour te chanter dès le matin et glorifier ta majesté.

Saint Ignace Briantchaninov : De l’utilité et des dangers de l’ascèse corporelle

26 avril, 2013

http://www.pagesorthodoxes.net/metanoia/jeune-ecrits.htm

Saint Ignace Briantchaninov : De l’utilité et des dangers de l’ascèse corporelle

Au Paradis, après la transgression du commandement de Dieu par nos ancêtres, la malédiction de la terre figure parmi les punitions auxquelles l’homme fut soumis. Maudit soit le sol à cause de toi dit Dieu à Adam. À force de peines tu en tireras subsistance, tous les jours de ta vie. Il produira pour toi épines et chardons, et tu mangeras l’herbe des champs. À la sueur de ton visage tu mangeras ton pain (Gn 3, 17-19).
Cette malédiction pèse jusqu’à présent sur la terre, comme chacun peut s’en rendre compte. La terre ne cesse de produire de l’ivraie bien qu’elle ne serve de nourriture pour personne. La terre est arrosée par la sueur du paysan, et ce n’est qu’au prix d’un labeur ardu, qui souvent même fait couler le sang, qu’elle produit ces herbes dont les graines nourrissent l’homme, ce blé dont est fait pain.
Le châtiment prononcé par Dieu a aussi un sens spirituel. En effet, le décret divin punissant l’homme s’accomplit tout aussi rigoureusement sur le plan spirituel que sur le plan matériel (Cf. (1) Cf. Marc l’Ascète, Traités, 70, Sur le jeûne et l’humilité ; Isaac le Syrien Discours ascétiques 19 ; Macaire le Grand, Homélies, XXVI, 21). Les saints Pères comprennent le mot « terre » dans le sens de « cœur ,i En raison de la malédiction qui l’a frappée, la terre ne cesse produire d’elle-même, de par sa nature corrompue, des épines et des chardons ; de même le cœur, empoisonné par le péché, ne cesse d’engendrer de lui-même, de par sa nature corrompue, des sentiments et des pensées pécheurs. De même que personne ne se soucie de semer ou de planter de l’ivraie mais que la nature pervertie la produit spontanément, de même les pensées et les sentiments pécheurs sont conçus et croissent d’eux-mêmes dans le cœur de l’homme. Si le pain matériel s’obtient à la sueur du front, c’est par un labeur ardu de l’âme et du corps qu’est semé dans le cœur de l’homme le blé céleste qui nous procure la vie éternelle ; c’est encore par intense effort qu’il croît, qu’on le moissonne, qu’on le rend propre à la consommation et qu’on le conserve.
Le blé céleste, c’est la Parole de Dieu. Le travail pour semer la parole de Dieu dans le cœur exige de tels efforts qu’on l’appelle « exploit ascétique ». L’homme est voué à manger de la terre au milieu des afflictions tous les jours de sa vie terrestre et son pain à la sueur de son front. Ici, par le mot « terre », on doit comprendre la sagesse charnelle par laquelle l’homme séparé de Dieu se dirige habituellement durant sa vie sur terre ; guidé par elle, il est soumis à de continuels soucis et réflexions concernant les choses terrestres, à d’incessantes afflictions et déceptions, à une constante agitation. Seul un serviteur du Christ se nourrit durant sa vie sur terre du pain céleste à la sueur de son front, en luttant continuellement contre la sagesse charnelle et en travaillant sans cesse à cultiver les vertus.
Pour cultiver la terre, on a besoin de divers outils de fer – charrues, herses et bêches – avec lesquels le sol est retourné, ameubli et amolli ; de même notre cœur, siège des sentiments et de la sagesse charnels, a besoin d’être travaillé par le jeûne, les veilles, les agenouillements et autres accablements du corps pour que la prédominance des sentiments charnels et passionnels cède le pas à celle des sentiments spirituels, et que l’influence des pensées charnelles et passionnelles sur l’esprit perde cet irrésistible pouvoir qu’elle a chez ceux qui rejettent l’ascèse ou la négligent.
Qui aurait l’idée de semer dans une terre non traaillée ? Ce serait tout simplement perdre ses semences, sans en retirer le moindre profit, et se causer un dommage certain. Tel est celui qui, avant d’avoir refréné les impulsions charnelles de son cœur et les pensées charnelles de son esprit par une ascèse corporelle adéquate, s’aviserait de vaquer à l’oraison mentale et de planter dans son cœur les commandements du Christ. Non seulement il ferait des efforts vains, mais il courrait encore le risque de subir un désastre psychique, de tomber dans l’aveuglement spirituel et dans l’illusion démoniaque, et de s’attirer la colère divine, comme l’homme qui était allé à un festin nuptial sans porter le vêtement de noce (cf. Mt 22, 12).
Une terre très soigneusement cultivée, bien fumée, finement ameublie, mais laissée non ensemencée, produira de l’ivraie avec une vigueur redoublée. De même un cœur cultivé par, des pratiques ascétiques corporelles mais qui ne s’est pas assimilé les commandements évangéliques, fera pousser encore plus vigoureusement l’ivraie de la vanité, de l’orgueil et de la luxure. Plus la terre est cultivée et fumée, plus elle est capable de produire de l’ivraie touffue et pleine de sève. Plus intense est l’ascèse corporelle du moine qui néglige les commandements de l’Évangile, plus grande et plus incurable sera la présomption.
Un paysan qui possède de nombreux et d’excellents outils agricoles et qui en est enchanté, mais qui ne les utilise pas pour cultiver la terre, ne fait que s’aveugler et se leurrer, sans en retirer le moindre profit ; de même l’ascète qui pratique le jeûne, les veilles et d’autres observances corporelles, mais qui néglige de s’examiner et de se guider à la lumière de l’Évangile, se trompe en fondant vainement et à tort tous ses espoirs sur ses labeurs ascétiques. Il ne récoltera aucun fruit, n’amassera aucune richesse spirituelle.
L’homme qui se mettrait dans la tête de cultiver sa terre sans utiliser ses outils agricoles aurait à fournir un grand travail, et le ferait en vain. De même celui qui prétend acquérir les vertus sans efforts ascétiques corporels, travaille en vain ; il perd irrévocablement son temps qui ne reviendra plus, épuise ses forces psychiques et physiques, et il ne gagnera rien du tout. L’homme qui est toujours en train de labourer sa terre sans jamais rien y semer ne récoltera rien. De même celui qui ne s’occupe que de l’ascèse d – corps perd la possibilité de vaquer à celle de l’âme, de planter dans son cœur les commandements évangéliques qui, en leur temps produiraient des fruits spirituels.
L’ascèse corporelle est nécessaire pour rendre la terre du cœur apte à recevoir les semences spirituelles et à produire des fruits de 1a même espèce. Abandonner ou négliger les labeurs ascétiques, c’est rendre le sol impropre à être ensemencé et à produire du fruit : Les exagérer ou placer son espérance en eux est tout aussi nuisible ou même davantage que de les abandonner. L’abandon des observances ascétiques corporelles rend l’homme semblable à un animal, donnant libre cours et offrant un vaste champ d’action aux passions du corps, mais leur exagération le rend semblable aux démons, car elle favorise et renforce la prédisposition aux passions de l’âme. Ceux qui relâchent l’ascèse corporelle s’asservissent à la gloutonnerie, à la luxure et à la colère dans ses formes grossières. Ceux qui pratiquent une ascèse corporelle excessive, qui en font un usage déraisonnable ou qui mettent en elle toute leur espérance avec l’idée qu’elle leur confère mérite et dignité au regard de Dieu, tombent dans la vanité, la présomption, la fierté, l’orgueil, l’endurcissement, dans le mépris de leur prochain, le dénigrement et la condamnation des autres, dans la rancune, la haine, dans le blasphème, dans le schisme, dans l’hérésie, dans l’aveuglement spirituel et l’illusion démoniaque.
Estimons à leur juste valeur les pratiques ascétiques corporelles – elles sont des instruments indispensables pour acquérir les vertus – mais gardons-nous de prendre ces outils pour des vertus, de peur de tomber dans l’aveuglement et de nous priver de progrès spirituels par une fausse conception de l’agir chrétien.
L’ascèse corporelle est nécessaire même aux saints qui sont devenus les temples du Saint-Esprit, afin que, laissé sans frein, leur corps ne revienne à des mouvements passionnels et ne soit la cause de l’apparition chez un homme sanctifié de sentiments et de pensées obscènes, si malséants pour un temple spirituel de Dieu, « non fait de main d’homme ». C’est ce dont a témoigné le saint apôtre Paul lorsqu’il dit de lui-même : Je traite durement mon corps et je le tiens assujetti, de peur qu’après avoir proclamé le message aux autres je ne sois moi-même éliminé (1 Co 9,27).
Saint Isaac le Syrien dit que la dispense, c’est-à-dire le fait d’abandonner le jeûne, les veilles, le silence de la solitude et les autres observances corporelles – ces aides pour la vie spirituelle – et de s’accorder constamment du repos et du plaisir, nuit même aux vieillards et aux parfaits (Discours ascétiques, 90).

Extrait de saint Ignace Briantchaninov,
Introduction à la tradition ascétique
 de l’Église d’Orient : Les miettes du festin.
Éditions Présence, 1978.

LA THÉOTOKOS – par Vladimir Lossky

22 avril, 2013

http://www.pagesorthodoxes.net/mere-de-dieu/md-panagia.htm

(cet après-midi  j’ai vu à la télévision le serment au Parlement par le Président de la République italienne , je n’ai pas eu le temps de faire des recherches et à offrir considérations, j’ai mis une méditation sur la Theotokos … seulement ceci, mais avec amour )

par Vladimir Lossky

LA THÉOTOKOS

L’Église orthodoxe n’a pas fait de la mariologie un thème dogmatique indépendant : elle reste inhérente à l’ensemble de l’enseignement chrétien, comme un leitmotiv anthropologique. Fondé sur la christologie, le dogme de la Mère de Dieu reçoit un fort accent pneumatologique et, par la double économie du Fils et de l’Esprit Saint, se trouve indissolublement lié à la réalité ecclésiologique.
À vrai dire, s’il fallait parler de la Mère de Dieu en se fondant exclusivement sur les données dogmatiques au sens le plus strict de ce mot, c’est-à-dire sur les définitions des conciles, nous ne trouverions, tout compte fait, que le nom de Théotokos, par lequel l’Église a confirmé solennellement la maternité divine de la Vierge (le terme de  » Toujours-Vierge  » (aei parthenos), que l’on trouve dans les actes conciliaires à partir du Ve Concile, n’a’ pas été spécialement explicité par les Conciles qui l’ont utilisé).
Le thème dogmatique de la Thotokos, affirmé contre les nestoriens, est avant tout christologique : ce qu’on défend ici contre ceux qui nient la maternité divine est l’unité hypostatique du Fils de Dieu devenu Fils de l’Homme. C’est donc la christologie qui est visée directement. Mais en même temps, indirectement, la dévotion de l’Église envers celle qui enfanta Dieu selon la chair trouve une confirmation dogmatique, de sorte que tous ceux qui s’élèvent contre l’épithète de Théotokos, tous ceux qui refusent à Marie cette qualité que lui prête la piété, ne sont pas de vrais chrétiens, car ils s’opposent par là au dogme de l’Incarnation du Verbe. Ceci devrait montrer le lien étroit qui unit le dogme et le culte, inséparables dans la conscience de l’Église.
Pourtant, nous connaissons des cas où les chrétiens, tout en reconnaissant la maternité divine de la Vierge pour des raisons purement christologiques, s’abstiennent, pour les mêmes raisons, de toute dévotion particulière à la Mère de Dieu, ne voulant connaître d’autre Médiateur entre Dieu et les Hommes que le Dieu-Homme, Jésus Christ. Cette constatation est suffisante pour nous mettre en présence d’un fait indéniable : le dogme christologique de la Théotokos, pris in abstracto, en dehors du lien vivant avec la dévotion que l’Église a voué à la Mère de Dieu, ne saurait suffire pour justifier la place unique – au-dessus de tout autre être créé – réservée à la Reine du Ciel, à laquelle la liturgie orthodoxe prête  » la gloire qui convient à Dieu  » (theopretis doxa). Donc il est impossible de séparer les données strictement dogmatiques et celles de la dévotion dans un exposé théologique sur la Mère de Dieu. Ici le dogme devra éclaircir la vie, en la mettant en rapport avec les vérités fondamentales de notre foi, tandis qu’elle alimentera le dogme par l’expérience vivante de l’Église.
Nous faisons la même constatation en nous reportant aux données scripturaires. Si nous voulions considérer les témoignages des Écritures en faisant abstraction de la dévotion de l’Église envers la Mère de Dieu, nous serions réduits à quelques passages du Nouveau Testament relatifs à Marie, la Mère de Jésus, avec une seule référence directe à l’Ancien Testament, la prophétie d’Isaïe sur la naissance virginale du Messie. Par contre, si nous considérons les Écritures à travers cette dévotion ou, pour dire enfin le mot exact, dans la Tradition de l’Église, les livres sacrés de l’Ancien et du Nouveau Testament nous fourniront des textes innombrables que l’Église utilise pour glorifier la Mère de Dieu.
Quelques passages des Évangiles, considérés avec les yeux de l’extérieur, en dehors de la Tradition de l’Église, semblent contredire d’une manière flagrante cette glorification extrême, cette vénération qui n’a pas de limites. Citons deux exemples. Le Christ en rendant témoignage à saint Jean-Baptiste, l’appelle le plus grand de ceux qui sont nés de femmes (Mt 11, 11 ; Lc, 7, 28). C’est donc à lui, et non à Marie, que conviendrait la première place parmi les êtres humains. En effet, nous trouvons le Baptiste avec la Mère de Dieu, aux côtés du Seigneur, sur les icônes byzantines de la déisis. Cependant, il faut remarquer que jamais l’Église n’a exalté saint Jean le Précurseur au-dessus des séraphins, ni placé son icône au même rang que celle du Christ, des deux côtés de l’autel, comme elle fait pour l’icône de la Mère de Dieu.
Un autre passage de l’Évangile nous montre le Christ s’opposant publiquement à la glorification de sa Mère. En effet, à l’exclamation d’une femme dans la foule : Heureux le sein qui t’a porté et les mamelles qui t’ont allaité ! il répond : Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la gardent (Lc 11, 27-28). Cependant, c’est justement ce passage de saint Luc, qui semble rabaisser le fait de la maternité divine de la Vierge devant la qualité de ceux qui reçoivent et gardent la Révélation, c’est ce texte de l’Évangile qui est lu solennellement lors des fêtes de la Mère de Dieu, comme si, sous une forme apparemment négative, il renfermait une glorification d’autant plus grande.

LA MÈRE DE DIEU ET LA TRADITION
Nous nous trouvons de nouveau devant l’impossibilité de séparer le dogme et la vie de l’Église, l’Ecriture et la Tradition. Le dogme christologique nous oblige à reconnaître la maternité divine de la Vierge. Le témoignage scripturaire nous apprend que la gloire de la Mère de Dieu ne réside pas uniquement dans une maternité corporelle, dans le fait d’avoir enfanté et nourri le Verbe incarné. Enfin, la Tradition de l’Église – mémoire sacrée de ceux  » qui entendent et gardent  » les paroles de la Révélation – donne à l’Église cette assurance avec laquelle elle exalte la Mère de Dieu, en lui prêtant une gloire illimitée.
En dehors de la Tradition de l’Église, la théologie restera muette à ce sujet et ne saura justifier cette gloire étonnante. C’est pourquoi les communautés chrétiennes qui rejettent toute notion de la Tradition resteront aussi étrangères au culte de la Mère de Dieu.
Le lien étroit qui unit tout ce qui concerne la Mère de Dieu à la Tradition n’est pas dû uniquement au fait que des événements de sa vie terrestre – tels que sa Nativité, sa Présentation au temple et son Assomption, fêtées par l’Église –, ne sont pas mentionnées dans les Écritures. Si l’Évangile fait silence sur ces faits, dont l’amplification poétique est due à des sources apocryphes parfois assez tardives, le thème fondamental qu’ils signalent appartient au mystère de notre foi et reste inaliénable pour la conscience de l’Église. En effet, la notion de Tradition est plus riche qu’on ne le pense habituellement. La Tradition ne consiste pas seulement dans la transmission orale de faits susceptibles de compléter la narration des Écritures. Elle est le complément des Écritures et, avant tout, l’accomplissement de l’Ancien Testament dans le Nouveau, dont l’Église se rend consciente. C’est elle qui confère la compréhension du sens de la Vérité révélée (Lc 24-25), non seulement ce qu’il faut recevoir, mais aussi et surtout comment il faut recevoir et garder ce qu’on entend. Dans ce sens général, la Tradition implique une opération incessante de l’Esprit Saint qui ne peut avoir son plein épanouissement et porter ses fruits que dans l’Église, après la Pentecôte. Ce n’est que dans l’Église que nous nous trouvons aptes à découvrir la connexion intime des textes sacrés qui fait des Écritures – de l’Ancien et du Nouveau Testament – le corps unique et vivant de la Vérité, où le Christ est présent dans chaque parole. Ce n’est que dans l’Église que la semence de la parole ne reste pas stérile, mais porte son fruit, et cette fructification de la Vérité, aussi bien que la faculté de la faire fructifier, s’appelle Tradition. La dévotion illimitée de l’Église envers la Mère de Dieu qui, aux yeux de l’extérieur, peut paraître en contradiction avec les données scripturaires, s’est épanouie dans la Tradition de l’Église ; c’est le fruit le plus précieux de la Tradition.
Ce n’est pas seulement le fruit, c’est aussi le germe et la tige de la Tradition. En effet, on peut découvrir un rapport concret entre la personne de la Mère de Dieu et ce que nous appelons la Tradition de l’Église. Tâchons, en établissant ce rapport, d’entrevoir la gloire de la Mère de Dieu sous le silence apparent des Écritures. C’est l’examen des textes, dans leur connexion interne, qui nous guidera dans ce sens.

LA MÈRE DE DIEU DANS L’ÉCRITURE
Saint Luc, dans un passage parallèle à celui que nous avons cité, nous montre le Christ renonçant à voir sa Mère et ses frères, en déclarant : Ma Mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui l’accomplissent (Lc 8, 19-21). Le contexte de ces paroles est évident : d’après saint Luc, au moment où la Mère de Dieu voulait voir son Fils, il venait d’exposer la parabole du Semeur (chez saint Mathieu (13, 23) et saint Marc (4, 1-20), la parabole du Semeur suit immédiatement l’épisode avec la Mère et les frères du Seigneur. Le lien aussi est évident) : La semence tombée sur la bonne terre, ce sont ceux qui, ayant entendu la parole, la gardent dans un cœur bon et pur et portent leur fruit en silence. Que celui qui a les oreilles pour entendre, entende (Lc 8, 15). Et plus loin : Prenez donc garde à la manière dont vous écoutez, car on donnera à celui qui a, mais à celui qui n’a pas, on ôtera même ce qu’il croit avoir (18). Or, c’est justement cette faculté d’entendre et de garder dans un coeur pur et bon les paroles concernant le Christ, faculté que par ailleurs (Lc 11, 28) le Christ avait exalté au-dessus du fait de la maternité corporelle, qui n’est attribuée par l’Évangile à personne d’autre qu’à la Mère du Seigneur. Saint Luc le note avec une sorte d’insistance, à deux reprises, dans le récit de l’enfance du Christ : Et Marie conservait toutes ces paroles, en les rassemblant dans son coeur (2, 19 et 51). Celle qui enfanta Dieu selon la chair gardait dans sa mémoire tous les témoignages sur la divinité de son Fils. On pourrait dire que nous avons là déjà une expression personnifiée de la tradition de l’Église, avant l’Église, si saint Luc n’avait pas spécifié que Marie et Joseph n’ont pas compris les paroles de l’Enfant qui devait être dans ce qui appartenait à son Père (2, 49-50). Donc les paroles que la Mère de Dieu gardait fidèlement dans son cœur n’ont pas encore été pleinement actualisées dans sa conscience.
Avant la consommation de l’œuvre du Christ, avant la Pentecôte, avant l’Église, même celle sur laquelle l’Esprit Saint est descendu pour la rendre apte à servir à l’Incarnation du Verbe, n’a pas encore atteint la plénitude que sa personne était appelée à réaliser. Néanmoins, le rapprochement est déjà possible entre la Mère de Dieu gardant et rassemblant les paroles prophétiques et l’Église, gardienne de la Tradition. C’est le germe de la même réalité. Seule l’Église, complément de l’humanité du Christ, pourra garder la plénitude de la Révélation qui, si elle avait été consignée par écrit, ne saurait être contenue par l’univers entier (cf. Jn 21, 25).
Seule la Mère de Dieu, celle qui fut élue pour porter Dieu dans son sein, pourra réaliser pleinement dans sa conscience tout ce que comportait le fait de l’Incarnation du Verbe, qui fut aussi le fait de sa maternité divine. Les paroles du Christ qui semblent si dures pour sa Mère, exaltent cette qualité qu’elle a en commun avec les fils de l’Église. Mais tandis que ces derniers, en gardant la Tradition, ne pourront se rendre conscients de la Vérité et la faire fructifier que dans une mesure plus ou moins grande, la Mère de Dieu, en vertu du rapport unique dans lequel sa personne se trouve vis-à-vis de Dieu qu’elle peut appeler son Fils, pourra s’élever dès ici-bas jusqu’à la conscience totale de tout ce que l’Esprit Saint communique à l’Église, réalisant dans sa personne cette plénitude. Or, cette conscience plénière de la Divinité, cette acquisition de la plénitude de la grâce, propre au siècle futur, ne peut avoir lieu que dans un être déifié. Ceci nous pose devant une nouvelle question, à laquelle nous tâcherons de répondre pour mieux comprendre le caractère particulier de la dévotion de l’Église orthodoxe à la Souveraine des Cieux.
Le Christ, en rendant témoignage à saint Jean Baptiste, l’appelle le plus grand parmi ceux qui sont nés de femmes (Mt 11, 11 ; Lc, 7, 28) ; mais il ajoute : Le plus petit dans le Royaume des Cieux est plus grand que lui. Ici la sainteté de l’Ancien Testament est comparée à celle qui pourra se réaliser après l’accomplissement de l’œuvre rédemptrice du Christ, lorsque  » la promesse du Père  » (Ac 1, 4) – la descente de l’Esprit Saint, comblera l’Église de la plénitude de la grâce déifiante. Saint Jean,  » plus qu’un prophète « , car il baptisa le Seigneur et vit le ciel ouvert et l’Esprit Saint descendant sur le Fils de l’Homme sous la forme d’une colombe, est mort sans avoir reçu la promesse, comme tous ceux, qui reçurent un bon témoignage dans la foi, dont l’univers entier n’était pas digne mais qui, selon le plan divin, ne pourront parvenir à leur perfection finale sans nous (Hé, 11, 38-40), c’est-à-dire sans l’Église du Christ. Ce n’est que par l’Église que la sainteté de l’Ancien Testament pourra recevoir son accomplissement dans le siècle futur, cette perfection qui demeurait fermée, inaccessible pour l’humanité avant le Christ.
Incontestablement, celle qui fut élue pour être la Mère de Dieu a représenté le sommet de la sainteté de l’Ancien Testament. Si saint Jean Baptiste fut appelé le plus grand avant le Christ, c’est que la grandeur de la Toute Sainte appartenait, non seulement à l’Ancien Testament, où elle demeurait cachée, non apparente, mais aussi à l’Église, où elle se réalisa dans sa plénitude et se manifesta pour être glorifiée par toutes les générations (Lc 1, 48). La personne de saint Jean reste dans l’Ancien Testament, celle de la Très Sainte Vierge passe de l’Ancien au Nouveau et cette transition, dans la personne de la Mère de Dieu, nous fait comprendre combien l’un est  » l’accomplissement  » de l’autre.
L’Ancien Testament n’est pas uniquement une série de préfigurations du Christ, qui deviennent déchiffrables après la Bonne Nouvelle. Il est, avant tout, l’histoire de la préparation de l’humanité à la venue du Christ, où la liberté humaine se trouve constamment mise à l’épreuve par la volonté de Dieu.
L’obéissance de Noé, le sacrifice d’Abraham, l’exode du peuple de Dieu conduit par Moïse à travers le désert, la Loi, les prophètes, une suite d’élections divines, où les êtres humains tantôt restent fidèles à la promesse, tantôt défaillent et subissent des châtiments (captivité, destruction du premier temple), toute la tradition sacrée des Juifs est l’histoire d’un acheminement lent et laborieux de l’humanité déchue vers la  » plénitude des temps « , lorsque l’ange sera envoyé pour annoncer à la Vierge élue l’Incarnation de Dieu et recueillir de ses lèvres l’assentiment humain pour que le divin plan du salut s’accomplisse. Aussi, selon la parole de saint Jean Damascène, le  » nom de la Mère de Dieu contient toute l’histoire de l’économie divine dans ce monde  » (De fide ort. III).
Cette économie divine préparant les conditions humaines pour l’Incarnation du Fils de Dieu n’est pas unilatérale : ce n’est pas une volonté divine faisant table rase de l’histoire de l’humanité. Dans son économie salutaire, la Sagesse de Dieu se conforme aux fluctuations des volontés humaines, aux réponse-, humaines à l’appel divin. C’est ainsi qu’elle édifie à travers les générations des justes de l’Ancien Testament sa maison, la nature très pure de la Sainte Vierge, par laquelle le Verbe de Dieu deviendra connaturel à nous. La réponse de Marie à l’annonce faite par l’archange : Voici la servante de Dieu, qu’il me soit fait selon ta parole (Lc 1, 38), résout la tragédie de l’humanité déchue. Tout ce que Dieu exigeait de la liberté humaine après la chute est accompli. À présent l’oeuvre de la Rédemption que le Verbe incarné seul pourra effectuer, peut avoir lieu. Nicolas Cabasilas disait dans son homélie sur l’Annonciation :  » L’Incarnation fut non seulement l’oeuvre du Père, de sa Vertu et de son Esprit, mais aussi l’oeuvre de la volonté et de la foi de la Vierge. Sans le consentement de l’Immaculée, sans le concours de la foi, ce dessein était aussi irréalisable que sans l’intervention des trois Personnes divines elles-mêmes. Ce n’est qu’après l’avoir instruite et persuadée, que Dieu la prend pour Mère et lui emprunte la chair qu’elle veut bien lui prêter. De même qu’il s’incarnait volontairement, de même voulait-il que sa Mère l’enfantât librement, et de son plein gré  » (éd. Jugie, Patr. orient. XIX, 2).

LES DEUX VIERGES
À partir de saint Justin et de saint Irénée, les Pères ont souvent opposé les  » deux Vierges  » – Ève et Marie. Par la désobéissance de la première la mort est entrée dans l’humanité, par l’obéissance de l’ » Ève seconde « , l’Auteur de la vie se fit homme et entra dans la descendance d’Adam. Mais entre les deux il y a toute l’histoire de l’Ancien Testament, le passé dont on ne peut séparer celle qui est devenue la Mère de Dieu. Si elle fut élue pour accomplir ce rôle unique dans l’oeuvre de l’Incarnation, cette élection suit, tout en la terminant, toutes celles des élus qui l’ont préparée. Ce n’est pas en vain que l’Église orthodoxe, dans ses textes liturgiques, appelle David  » l’ancêtre de Dieu  » et parle en mêmes termes de Joachim et Anne :  » saints et justes ancêtres de Dieu « . Le dogme catholique romain sur l’Immaculée Conception semble briser cette succession ininterrompue de la sainteté de l’Ancien Testament, sainteté qui trouve son accomplissement au moment de l’Annonciation, lorsque l’Esprit Saint descendu sur la Vierge la rendit apte à recevoir dans son sein le Verbe du Père. L’Église orthodoxe n’admet pas cette exclusion de la Sainte Vierge du reste de l’humanité déchue, ce  » privilège  » faisant d’elle un être racheté avant l’oeuvre rédemptrice, en vue du mérite futur de son Fils. Ce n’est pas en vertu d’un privilège qu’elle aurait reçu au moment de sa conception par ses parents que nous vénérons la Mère de Dieu au-dessus de toute créature. Elle était sainte et pure de tout péché dès le sein de sa mère, – et cependant cette sainteté ne la plaçait pas encore en dehors du reste de l’humanité d’avant le Christ. Elle n’était pas, au moment de l’Annonciation, dans un état analogue à celui d’Ève avant le péché. La première Ève qui devint  » la mère des vivants « , prêta l’oreille aux paroles du séducteur dans l’état paradisiaque, celui de l’humanité innocente. La deuxième Ève, élue pour devenir la Mère de Dieu, entendit la parole angélique dans l’état de l’humanité déchue. C’est pourquoi cette élection unique ne la sépara pas du reste de l’humanité, de tous ses ancêtres et frères humains, saints ou pécheurs, dont elle a représenté ce qu’ils avaient de meilleur.
Comme les autres hommes, comme saint Jean Baptiste, dont l’Église fête également la conception et la nativité, – la Sainte Vierge est née sous la loi du péché originel, portant avec tous la même responsabilité commune de la chute. Mais le péché n’a jamais pu s’actualiser dans sa personne ; l’hérédité peccamineuse de la chute n’avait pas d’emprise sur sa volonté droite. Elle représente le comble de la sainteté qui ait jamais pu être atteinte avant le Christ, dans les conditions de l’Ancien Testament, par quelqu’un de la descendance d’Adam. Elle a été sans péché sous la domination universelle du péché, pure de toute séduction dans l’humanité asservie au prince de ce monde. Non pas placée au-dessus de l’histoire humaine, pour servir au dessein particulier de Dieu, mais réalisant sa vocation unique dans l’enchaînement de l’histoire, dans la destinée commune des hommes attendant leur salut.
Et pourtant, si dans la personne de la Mère de Dieu nous voyons le sommet de la sainteté de l’Ancien Testament, ce n’est pas encore la limite de sa sainteté à elle, car elle dépassera également les sommets les plus hauts de l’Alliance Nouvelle, en réalisant la sainteté la plus grande à laquelle l’Église peut atteindre.
La première Ève fut prise d’Adam : c’est une personne qui, au moment de sa création par Dieu, emprunte la nature d’Adam, pour lui servir de complément. Nous trouvons un rapport inverse dans le cas de la Nouvelle Ève : c’est par elle que le Fils de Dieu devient  » le Dernier Adam « , en lui empruntant la nature humaine. Adam fut avant Ève, le Dernier Adam après la Nouvelle Ève. Cependant, on ne peut pas dire que l’humanité assumée par le Christ dans le sein de la Sainte Vierge soit un complément de l’humanité de sa Mère. En effet, c’est l’humanité d’une Personne divine, de l’Homme céleste (1 Co 15, 47-48). Celle de la Mère de Dieu appartient à une personne créée qui est issue de l’ » homme terrestre « . Ce n’est pas la Mère de Dieu, c’est son Fils qui est le Chef de l’humanité nouvelle, Chef de l’Église qui est son corps (Ép 1, 22-23) – complément de son humanité. Donc, c’est par son Fils, dans son Église que la Mère de Dieu pourra atteindre la perfection réservée à ceux qui doivent porter l’image de l’homme céleste (1 Co, 15, 49).

LA MÈRE DE DIEU ET L’ÉGLISE

Nous avons fait déjà un rapprochement entre la personne de la Mère de Dieu et l’Église, en parlant de la Tradition qu’elle personnifiait, pour ainsi dire, avant 1’Église. Celle qui enfanta Dieu selon la chair gardait aussi dans son cœur toutes les paroles révélant la divinité de son Fils. C’est un témoignage sur la vie spirituelle de la Mère de Dieu. Saint Luc nous la montre non seulement comme un instrument ayant volontairement servi à l’Incarnation, mais comme une personne qui tend à parachever dans sa conscience le fait de sa maternité divine. Après avoir prêté sa nature humaine au Fils de Dieu, elle cherche à recevoir par lui ce qu’elle ne possède pas encore en commun avec lui – la participation à la Divinité. C’est dans son Fils que la Divinité habite corporellement (Col 2, 9). Le lien naturel qui la lie au Dieu-Homme n’a pas encore conféré à la personne de la Mère de Dieu l’état d’une créature déifiée, malgré la descente de l’Esprit Saint au jour de l’Annonciation qui la rendit apte à accomplir son rôle unique. Dans ce sens, la Mère de Dieu, avant l’Église, avant la Pentecôte, se rattache encore à l’humanité de l’Ancien Testament, à ceux qui attendent la promesse du Père, le baptême de l’Esprit Saint (Ac 1, 4-5).
La Tradition nous montre la Mère de Dieu au milieu des disciples le jour de la Pentecôte, recevant avec eux l’Esprit Saint communiqué à chacun dans une langue de feu. Ceci s’accorde avec les témoignages des Actes : les Apôtres, après l’Ascension, restaient unanimement en prière avec quelques femmes et Marie, Mère de Jésus, et ses frères (1, 14). Ils étaient tous unanimement ensemble au jour de la Pentecôte (2, 1). Avec l’Église, la Mère de Dieu a reçu la dernière condition qui lui manquait pour pouvoir croître en l’homme parfait, en la mesure de la pleine stature du Christ (Ép 4, 13). Celle qui, par l’Esprit Saint, reçut dans ses entrailles la Personne divine du Fils, reçoit à présent l’Esprit Saint envoyé par le Fils.
VOCATION ET SANCTIFICATION
On peut comparer, dans un certain sens, ces deux descentes de l’Esprit Saint sur la Sainte Vierge avec les deux communications de l’Esprit aux apôtres : au soir de la Résurrection et au jour de la Pentecôte. La première leur conféra le pouvoir de lier et de délier, une fonction indépendante de leurs qualités subjectives, due uniquement à une détermination divine qui les établit pour remplir ce rôle dans l’Église. La seconde donna à chacun d’entre eux la possibilité de réaliser sa sainteté personnelle, ce qui dépendra toujours des conditions subjectives. Pourtant, les deux communications de l’Esprit Saint – fonctionnelle et personnelle, se complètent mutuellement, comme on peut le voir dans le cas des apôtres et de leurs successeurs : on ne peut bien remplir sa fonction dans l’Église, si l’on ne s’efforce pas d’acquérir la sainteté ; et, d’autre part, il est difficile d’atteindre la sainteté en négligeant la fonction dans laquelle on a été établi par Dieu. Les deux doivent coïncider de plus en plus au cours de la vie : la fonction devient, normalement, une voie sur laquelle on acquiert la sainteté personnelle, en s’oubliant soi-même.
On peut voir quelque chose d’analogue dans le cas, par ailleurs unique, de la Mère de Dieu : la fonction objective de la maternité divine, dans laquelle elle fut établie le jour de l’Annonciation, sera aussi la voie subjective de sa sanctification. Elle réalisera dans sa conscience et dans toute sa vie personnelle le fait d’avoir porté dans son sein et nourri Dieu le Fils. C’est ici que les paroles du Christ qui semblaient rabaisser sa Mère devant l’Église (Lc 11, 28) reçoivent leur sens de louange suprême : bienheureuse celle qui non seulement fut la Mère de Dieu, mais réalisa aussi dans sa personne le degré de sainteté correspondant à cette fonction unique. La personne de la Mère de Dieu est exaltée plus que sa fonction, la consommation de sa sainteté plus que ses débuts.
La fonction de maternité divine est déjà remplie dans le passé, mais la Sainte Vierge, demeurant sur terre après l’Ascension de son Fils, ne reste pas moins la Mère de celui qui, avec son humanité glorieuse, empruntée à la Vierge, siège à la droite du Père, au-dessus de toute principauté, puissance, vertu et domination, au-dessus de tout nom qui peut être nommé non seulement dans ce siècle, mais aussi dans le siècle futur (Ép 1, 21). Quel est le degré de sainteté réalisable ici-bas qui pourra correspondre à ce rapport unique de la Mère de Dieu à son Fils, Chef de l’Église, résidant dans les cieux ? Seule la sainteté totale de l’Église, complément de l’humanité glorieuse du Christ, contenant la plénitude de la grâce déifiante que l’Esprit Saint ne cesse de lui communiquer depuis la Pentecôte. Si les membres de l’Église peuvent devenir des familiers du Christ, ses mère, frères et sœurs (Mt 12, 50), selon le degré de leur vocation accomplie, seule la Mère de Dieu par laquelle le verbe se fit chair, pourra recevoir la plénitude de la grâce, atteindre une gloire sans limites, réaliser dans sa personne toute la sainteté que l’Église peut avoir.
LA MÈRE DE DIEU ET L’ESCHATON
Le Fils de Dieu est descendu des cieux et se fit homme par la Vierge, pour que les hommes puissent s’élever vers la déification par la grâce du Saint Esprit.  » Posséder par la grâce ce que Dieu a par nature  » – c’est la vocation suprême des êtres créés, la fin dernière à laquelle les fils de l’Église aspirent ici-bas, dans le devenir historique de l’Église. Ce devenir est déjà consommé dans la Personne divine du Christ, Chef de l’Église ressuscité et monté au ciel. Si la Mère de Dieu a pu vraiment réaliser dans sa personne humaine et créée la sainteté qui correspondait à son rôle unique, elle ne pouvait pas ne pas atteindre ici-bas, par la grâce, tout ce que son Fils possédait en vertu de sa nature divine. Mais s’il en est ainsi, le devenir historique de l’Église et du monde est déjà consommé non seulement dans la Personne incréée du Fils de Dieu, mais aussi dans la personne créée de sa Mère. C’est pourquoi saint Grégoire Palamas appelle la Mère de Dieu  » la limite du créé et de l’incréé « . À côté d’une hypostase divine incarnée, il y a une hypostase humaine déifiée.
Nous avons dit plus haut que dans la personne de la Mère de Dieu on pouvait voir la transition de la sainteté la plus grande de l’Ancien Testament vers celle de l’Église. Mais si la Toute-Sainte a consommé la sainteté de l’Église, toute sainteté possible pour un être créé, il s’agit maintenant d’une autre transition : du monde du devenir vers l’éternité du Huitième Jour, de l’Église vers le Royaume des Cieux. Cette gloire dernière de la Mère de Dieu, l’eschaton réalisé dans une personne créée avant la fin du monde, doit la placer dès à présent au delà de la mort, de la résurrection et du Jugement dernier. Elle partage la gloire de son Fils, règne avec lui, préside à ses côtés aux destinées de l’Église et du monde qui se déroulent dans le temps, intercède pour tous auprès de celui qui viendra juger les vivants et les morts.
La transition suprême, par laquelle la Mère de Dieu rejoint la gloire céleste de son Fils, est célébrée par l’Église au jour de l’Assomption : une mort qui, d’après la conviction intime de l’Église, ne pouvait pas ne pas être suivie de la résurrection et de l’ascension corporelle de la Toute-Sainte. Il est difficile de parler, non moins difficile de penser, aux mystères que l’Église garde dans le fond non apparent de sa conscience intérieure. Ici toute parole proférée paraît grossière, toute tentative de formuler semble un sacrilège. Les auteurs des écrits apocryphes ont souvent touché avec imprudence aux mystères sur lesquels l’Église a gardé un silence prudent par économie envers ceux de l’extérieur. La Mère de Dieu n’a jamais été l’objet de la prédication apostolique. Tandis que le Christ est prêché sur les toits, proclamé à la connaissance de tous dans une catéchèse s’adressant à l’univers entier, le mystère de la Mère de Dieu se révèle à l’intérieur de l’Église aux fidèles qui ont reçu la parole et tendent vers la vocation suprême de Dieu dans le Christ Jésus (Phil 3, 14). Plus qu’un objet de notre foi, c’est un fondement de notre espérance : fruit de la foi, mûri dans la Tradition.
Taisons-nous donc et n’essayons pas de dogmatiser sur la gloire suprême de la Mère de Dieu. Ne soyons pas trop loquaces avec les gnostiques qui, voulant dire plus qu’il ne fallait – plus qu’ils ne pouvaient – ont mélangé l’ivraie de leurs hérésies au froment pur de la tradition chrétienne.
Écoutons plutôt saint Basile qui définit ce qui appartient à la Tradition, en disant qu’il s’agit d’un  » enseignement impubliable et ineffable, lequel fut conservé par nos pères dans un silence inaccessible à toute curiosité et indiscrétion, car ils ont été sainement instruits à protéger la sainteté du mystère par le silence. Il ne serait point convenable, en effet, de publier par écrit l’enseignement sur les objets qui ne doivent pas être présentés aux regards de ceux qui n’ont pas été initiés aux mystères. En outre, la raison d’une tradition non écrite est celle-ci : en examinant plusieurs fois de suite le contenu de ces enseignements, plusieurs risqueraient de perdre la vénération à force d’habitude. Car une chose est l’enseignement, une autre chose, la prédication. Les enseignements sont gardés en silence, les prédications sont manifestées. Une certaine obscurité dans les expressions, dont les Écritures font parfois usage, est aussi une façon de garder le silence, afin de rendre difficilement intelligible le sens des enseignements, pour l’utilité plus grande de ceux qui lisent  » (Traité du Saint Esprit, XXVII).
Si l’enseignement sur la Mère de Dieu appartient à la Tradition, ce n’est qu’à travers l’expérience de notre vie dans l’Église que nous pourrons adhérer à la dévotion sans limites que l’Église a vouée à la Mère de Dieu. Et le degré de cette adhésion sera la mesure de notre appartenance au Corps du Christ.

Extrait de Vladimir Lossky,
À l’Image et à la ressemblance de Dieu,
Aubier-Montaigne, 1967.

APPRENDRE À TROUVER LE TEMPS D’ÊTRE « MAINTENANT »…JE VOUS RÉPONDRAI À LA MANIÈRE RUSSE

2 avril, 2013

http://www.meditation-chretienne.org/meditation_antoine_bloom_maintenant.htm

APPRENDRE À TROUVER LE TEMPS D’ÊTRE « MAINTENANT »

TROUVERAI-JE LE TEMPS DE TOUT FAIRE ?
JE VOUS RÉPONDRAI À LA MANIÈRE RUSSE : « SI VOUS NE MOUREZ PAS AVANT, VOUS AUREZ LE TEMPS. SI VOUS MOUREZ AVANT, VOUS N’AUREZ PAS À LE FAIRE ! » .

MÉTROPOLITE ANTOINE BLOOM

Il y a donc, en ce qui concerne le temps, des moments où, sans entrer autant dans le détail, il est possible de percevoir que l’instant présent est là : le passé a irrémédiablement disparu, il n’a plus d’importance, sauf dans la mesure où il fait encore partie du présent, et on peut dire la même chose de l’avenir parce qu’il peut être ou ne pas être. C’est ce qui arrive par exemple lors d’un accident, dans une situation dangereuse qui exige que vous agissiez avec la rapidité de l’éclair : vous n’avez pas le temps de passer confortablement du passé dans l’avenir. Il vous faut être si totalement dans le présent que toutes vos énergies, tout votre être se trouvent condensés dans le « maintenant ».
Vous découvrez avec un vif intérêt que vous vous trouvez dans le maintenant. Vous connaissez le plan très, très mince dont la géométrie nous dit qu’il n’a pas d’épaisseur ; ce plan géométrique qui n’a aucune épaisseur, qui est « maintenant », se déplace le long des lignes du temps ou, plutôt, le temps se déploie sous ce plan et vous apporte, « maintenant », tout ce dont vous aurez besoin dans l’avenir.
Telle est la situation dans laquelle il nous faut apprendre à nous trouver et il nous faut apprendre cela d’une façon plus paisible. Nous devons, je pense, nous exercer à arrêter le temps et à nous tenir dans le présent, dans ce « maintenant » qui se trouve être aussi le point d’intersection du temps et de l’éternité.
Que pouvons-nous faire dans ce but ? Voici un premier exercice.
Vous pouvez vous y essayer lorsque vous n’avez absolument rien à faire, lorsque rien ne vous pousse de côté ou d’autre et que vous pouvez vous accorder cinq minutes, trois minutes, une demi-heure de loisir. Asseyez-vous et dites « Je suis assis ; je ne fais rien ; je suis résolu à ne rien faire pendant cinq minutes. »
Détendez-vous alors et pendant tout ce temps (au début vous ne pourrez pas tenir plus de deux ou trois minutes) répétez-vous : «Je me trouve en présence de Dieu, en présence de moi-même et de tout le mobilier qui m’entoure, je suis tranquille, sans bouger. »
Une précaution s’impose évidemment : il vous faut décréter que, durant les deux ou cinq minutes que vous vous êtes assignées pour apprendre que le présent existe, vous ne vous laisserez pas arracher à celui-ci par la sonnerie du téléphone ou le timbre de la porte d’entrée ou encore par une impulsion énergique et soudaine qui vous pousse à exécuter sur-le-champ quelque chose qui attend depuis dix ans !
Si vous apprenez à faire ainsi dans les moments perdus de vos journées, lorsque vous aurez appris à ne plus vous agiter intérieurement mais à rester complètement calme et heureux, paisible et serein, exercez-vous alors pendant un laps de temps un peu plus long que vous pourrez allonger encore par la suite.
Il arrivera évidemment un moment où il vous faudra vous protéger car si vous pouvez ne pas bouger pendant deux minutes, même si le téléphone sonne, vous pouvez penser qu’il en va autrement lorsqu’il s’agit d’un quart d’heure. Ditesvous alors que si vous étiez absent, vous n’ouvririez pas la porte et ne répondriez pas au téléphone. Ou encore, si vous avez plus de courage et êtes convaincu de l’importance de votre exercice, imitez mon père. Il mettait à la porte une note qui disait « Inutile de sonner. Je suis à la maison mais n’ai pas l’intention d’ouvrir. » Ce procédé est plus radical car les visiteurs comprennent tout de suite ; tandis que si vous écrivez : « Prière d’attendre cinq minutes », leur patience expire habituellement au bout de deux minutes !
Lorsque vous aurez acquis cette tranquillité, cette sérénité, il vous faudra apprendre alors à arrêter le temps non seulement lorsqu’il se traîne ou lorsqu’il doit s’arrêter de toute façon, mais aussi dans les moments où il s’accélère, où il se fait exigeant.
Voici comment procéder. Vous êtes en train de faire quelque chose que vous croyez utile ; vous êtes persuadé que si vous vous arrêtez la terre va s’arrêter aussi ; si, à un certain moment, vous décidez : « J’arrête ! », vous ferez des découvertes intéressantes. Vous découvrirez en premier lieu que la terre ne s’arrête pas et que tout l’univers – si vous pouvez réussir à vous le représenter – peut attendre cinq minutes pendant que votre attention est ailleurs.
Ce point est très important parce que souvent nous nous donnons le change en disant « Il faut que je fasse telle chose ; la charité, le devoir me le commandent, je ne puis la laisser ! » Vous le pouvez car à d’autres moments et par pure nonchalance vous laisserez ce travail et pour bien plus de cinq minutes. Aussi, la première chose à faire est de vous dire : « Quoi qu’il arrive, je m’arrête à tel endroit. »
La façon de procéder la plus simple est d’avoir un réveil. Remontez-en la sonnerie et dites : « Bon ! je travaille sans regarder l’heure jusqu’à ce que le réveil sonne. » Ce détail est très important car il faut que nous perdions l’habitude de regarder l’heure.
Lorsque vous allez en visite et que vous vous rendez compte que vous êtes en retard, vous regardez aussitôt votre montre ; mais, ce faisant, vous ne pouvez marcher aussi vite que si vous alliez droit votre chemin. Et que votre retard soit de sept, de cinq ou de trois minutes, vous n’en êtes pas moins en retard. Le mieux est donc de partir plus tôt ou, si vous êtes en retard, de presser le pas. Quand vous serez arrivé, vous aurez le temps de regarder votre montre, pour savoir combien vous devrez paraître navré lorsqu’on vous ouvrira.
Quand le réveil sonne, vous savez que, pendant les cinq minutes qui suivent, le monde a cessé d’exister et que vous êtes bien décidé à ne pas quitter le lieu dans lequel vous vous trouvez. Ce temps appartient à Dieu et vous vous installez dans ce temps de Dieu tranquillement, silencieusement, paisiblement. Au début, vous verrez combien c’est difficile et vous découvrirez soudain qu’il est de la première urgence que vous terminiez telle lettre, la lecture de tel passage. En réalité, vous vous apercevrez bien vite que vous pouvez très bien remettre cette occupation pendant trois, cinq, voire même dix minutes sans qu’aucune catastrophe ne se produise. Et si vous avez à faire un travail qui requiert toute votre attention, vous constaterez que vous pouvez vous en acquitter plus rapidement et tellement mieux !
Vous me direz : « Trouverai-je le temps de tout faire ? » Je vous répondrai à la manière russe : « Si vous ne mourez pas avant, vous aurez le temps. Si vous mourez avant, vous n’aurez pas à le faire ! » Et voici un autre dicton du même genre qui pourra vous aider un jour ou l’autre « Ne vous inquiétez pas de la mort. Quand elle sera là vous n’y serez plus mais tant que vous êtes là elle n’y est pas. » Le principe est le même pourquoi s’inquiéter d’une situation qui se dénouera d’elle-même ?
Une fois que vous aurez appris à ne plus vous agiter, vous pourrez faire n’importe quoi, à n’importe quel rythme, avec toute l’attention et la rapidité désirables, sans avoir l’impression que le temps vous échappe ou vous gagne de vitesse. Il en est alors comme de l’impression qu’on a lorsqu’on est en vacances.
Ainsi que je l’ai souligné plus haut, on peut aller vite ou lentement, sans s’occuper du temps, sans la moindre notion du temps parce qu’on ne fait que ce qu’on est en train de faire et qu’on ne poursuit aucun objectif précis.
Vous découvrirez qu’il vous est possible de prier dans toutes les situations et qu’il n’est pas au monde de circonstance qui puisse vous en empêcher. Le seul empêchement véritable à la prière intervient lorsque vous vous laissez happer par la tempête, lorsque vous laissez la tempête pénétrer en vous au lieu de la laisser faire rage autour de vous.

Antoine Bloom, extrait de « L’école de la prière » Edition du Seuil

LE PAPE FRANÇOIS ET L’ÉGLISE ORTHODOXE

18 mars, 2013

http://www.zenit.org/fr/articles/le-pape-francois-et-l-eglise-orthodoxe

LE PAPE FRANÇOIS ET L’ÉGLISE ORTHODOXE

DES RELATIONS PROMETTEUSES

ROME, 18 MARS 2013 (ZENIT.ORG) DON MARIUSZ FRUKACZ

En Argentine, le cardinal Bergoglio entretenait de bonnes relations avec l’Église orthodoxe. Et maintenant qu’il est pape, celle-ci l’observe avec un intérêt nouveau. Tout comme les médias internationaux qui se demandent comment les rapports entre l’Église de Rome et l’Église orthodoxe évolueront.
Le métropolite Hilarion, du patriarcat de Moscou, a adressé au pape une lettre dans laquelle il lui rappelle « les bonnes relations et la confiance » qu’il avait avec la communauté orthodoxe locale durant son ministère en Argentine. Il sera présent à l’inauguration, mardi 19 mars.
« Le cardinal Bergoglio entretenait des relations étroites et amicales avec le clergé orthodoxe en Argentine », souligne l’évêque Jean, qui est à la tête de l’Église orthodoxe en dehors de la Russie et réside à Buenos Aires. Celui-ci raconte que le cardinal Bergoglio participait chaque année à la liturgie de Noël – le 7 janvier selon le calendrier julien – dans la cathédrale orthodoxe de Buenos Aires.
Le cardinal Bergoglio entretenait aussi d’excellents rapports avec l’Église gréco-catholique. Mgr Sviatoslav Shevchuk, archevêque majeur de Kiev-Halic, en Ukraine, c’est-à-dire responsable de l’Église gréco-catholique, a travaillé à Buenos Aires pendant deux ans (2009-2011) avant d’être élu et qu’il connaît personnellement le cardinal Bergoglio.
Il y a quelques jours, Mgr Shevchuk a raconté ce fait intéressant : quand le jeune Jorge Mario Bergoglio était séminariste en Argentine, il « se levait beaucoup plus tôt que ses camarades de classe pour aller célébrer la Divine liturgie – l’Eucharistie en rite catholique byzantin – avec le père Stepan Chmil, salésien de don Bosco (1914-1979), né en Ukraine, qui était chargé par la Congrégation des Églises orientales de travailler parmi les Ukrainiens en Argentine ».
D’après Mgr Shevchuk, le P. Stepan fut en quelque sorte un “mentor” pour Jorge Mario Bergoglio : « Le Père Stepan était un homme tellement saint que le saint Synode de l’Église gréco-catholique ukrainienne a accepté d’ouvrir son  procès de béatification en septembre 2008. »
À propos des relations du pape François avec l’Église orthodoxe, le geste de Bartholomaios Ier est à souligner : pour la première fois depuis 1054, le patriarche de Constantinople participera à l’inauguration du pontificat de l’évêque de Rome, comme a confirmé le père Federico Lombardi, sj, porte-parole du Saint-Siège.

LA CONVERSION ET LE CARÊME DANS L’ÉGLISE ORTHODOXE

19 février, 2013

http://www.pagesorthodoxes.net/metanoia/metanoia-introduction.htm

LA CONVERSION ET LE CARÊME

DANS L’ÉGLISE ORTHODOXE

Le désir premier, fondamental et permanent de tout chrétien est le désir de Dieu, ce que les Pères appellent la métanoïa, cette unification et ce retournement de notre intellect et notre coeur par lequel nous cherchons à nous tourner vers Dieu, vers les choses d’en-haut, vers la Lumière divine, la Lumière du Christ qui illumine tout homme en venant dans le monde (Jn 1,9), rejetant ainsi les oeuvres des ténèbres, le Diable, le péché.
Les premiers mots de Jésus au début de sa vie publique sont un appel à la conversion : Repentez-vous, car le Royaume des Cieux est proche (Mt 4,17). Ce repentir et cette conversion doivent accompagner la vie chrétienne depuis la naissance par l’Esprit Saint dans le baptême jusqu’au dernier soupir, car sans elle nous retournons vers les ténèbres,  le néant et  la mort. C’est le sens même de la métanoïa, mot grec formé de deux racines : meta, qui veut dire « au-delà, changement, transformation » et noûs, « esprit, intellect ». Le mot français « repentir » est parfois utilisé pour traduire métanoïa, mais l’expression « conversion de l’esprit » transmet mieux la profondeur du sens spirituel qui est entendu lorsque les Pères nous parlent de la métanoïa.
Il est important de distinguer le repentir de la culpabilité. Si le repentir véritable est le retournement de l’esprit vers Dieu, en étant confiant que le Dieu de miséricorde pardonne les fautes, la culpabilité est un enfermement de l’esprit sur lui-même, sur ses manquements et ses péchés. La culpabilité doute de la miséricorde et du pardon divins ; elle mène au découragement et même au désespoir. La culpabilité est une fausse humilité et l’orgueil déguisé par l’Ennemi   : l’humilité véritable est reconnaît sa faute et accepte le pardon de Dieu. Sur le chemin, le chrétien garde le souvenir de ses fautes, c’est-à-dire de sa responsabilité, et non de sa culpabilité ; l’un est salutaire, l’autre diabolique.
C’est donc dans un constant esprit de conversion que le chrétien chemine vers Dieu. La grâce de la conversion est celle du baptême, qui nous transforme en « hommes nouveaux », ayant été purifiés dans le Christ par l’Esprit Saint. Mais en cette vie nous sommes toujours des pèlerins, nous sommes toujours en route. Jusqu’au terme de notre voyage, les obstacles, les détournements, les égarements en dehors du Chemin qu’est le Christ (Jn 14,6), nous guettent de tous les cotés. Nous prenons facilement de faux chemins qui nous  éloignent de Dieu, nous nous perdons sur les routes tortueuses qui mènent tous à la mort, en dépit de leurs apparences parfois attrayantes, non seulement du la mort du corps, mais aussi de l’âme. Car l’âme sans Dieu est déjà « morte », privée de sa Source et de sa Nourriture.
L’Église nous propose à chaque instant, tout au long de l’année, des moyens pour nous rappeler le chemin que nous devons suivre. Ce sont notamment la participation à la vie sacramentelle de l’Église, en particulier l’Eucharistie, la célébration de la Divine Liturgie les dimanches et les grandes fêtes. Il y a cependant une période de l’année liturgique pendant laquelle l’Église nous invite spécialement à lutter contre les ténèbres et le péché, et à purifier l’homme intérieur, dans une longue préparation qui nous permette d’entrer pleinement dans les mystères de la Semaine Sainte, de vivre la Passion de Notre Seigneur, de mourir avec lui, afin de pouvoir, le matin de Pâques, ressusciter avec lui et partager le Royaume préparé pour nous dès avant la création du monde.
Cette période est le Grand Carême, la « Sainte Quarantaine » qui précède Pâques. Deux attitudes fondamentales caractérisent le Carême, attitudes qui trouvent une juste réflexion dans l’expression la « radieuse tristesse ». Nous sommes tristes parce que nous sommes conscients de nos manquements, de nos égarements loin du bon chemin menant à Dieu ; nous sommes tristes parce que nous sommes conscients d’être loin de la perfection en Christ, de la sainteté à laquelle nous sommes appelés (Mt 5,48). Mais en même temps notre tristesse est illuminée par la conscience de l’amour de Dieu, « seul ami des hommes », de la miséricorde divine dans laquelle nous pouvons placer toute notre confiance. Comme le Fils prodigue, nous savons que notre Dieu nous attend avec un vêtement neuf et un anneau pour notre doigt, dès que nous faisons le moindre effort pour retourner vers lui et entrer dans le repentir, la métanoïa (cf. Lc 15,20-24). Notre tristesse est radieuse parce qu’elle est illuminée par la Lumière de la Résurrection du Christ, qui nous ressuscite afin que nous puissions entrer avec lui dans le Royaume du Père.
Ces deux mouvements de l’âme, en apparence contradictoires, doivent animer le chrétien tout au long de l’année et spécialement en vue de sa participation à l’oeuvre du Grand Carême, oeuvre à la fois personnelle et collective. Car si la métanoïa est un geste profondément personnel, il trouve une expression dans les rituels et les conseils de l’Église, dans la communauté chrétienne dont nous faisons partie. Bien que nous devons obligatoirement oeuvrer seul, nous devons aussi partager notre « douloureuse joie » – autre expression chère aux orthodoxes – avec nos frères et nos soeurs qui cheminent avec nous. Nous pouvons tirer inspiration, courage et ressources de ce partage, en particulier le partage de la richesse des moyens que l’Église met à notre disposition pendant le Carême.
Tous ces moyens peuvent se résumer à deux pratiques principales, la prière et le jeûne : Ce genre de démon ne peut s’en aller, sinon par la prière et le jeûne (Mt 17,21). Prière à la fois personnelle et collective : en plus d’un approfondissement de la prière personnelle, l’Église nous propose des périodes de prière – des offices spéciaux – qui nous parlent avec une grande éloquence de paroles et de gestes symboliques et qui nous invitent à entrer l’expérience de cette conversion de l’âme essentielle à la vie chrétienne. Le jeûne qu’elle nous invite à accomplir est à la fois alimentaire et spirituel, car le jeûne auquel nous sommes appelés est aussi un jeûne de l’âme, une purification par l’ascèse des passions, ces habitudes qui nous empêchent d’avancer vers Dieu. C’est aussi un jeûne à la fois personnel et collectif : en plus du jeûne personnel, l’Église tout entière vit le temps de Carême comme période de jeûne. Le Grand Carême, c’est l’Église en tant que préparation et attente de l’accomplissement de l’oeuvre du salut.
Les Pages Métanoïa ont pour objectif de présenter quelques éléments de ce mouvement de la conversion de l’âme, à la fois sur un plan général et plus particulièrement en ce qui concerne le Grand Carême, ce « printemps de l’âme » – ce n’est pas par hasard que le Grand Carême tombe au printemps, cette période du renouvellement de la nature, de l’explosion de la vie nouvelle après le passage sombre de l’hiver.
La métanoïa, comme nous l’avons suggéré, doit être l’attitude fondamentale de tout chrétien, mais le Grand Carême tel qu’il est vécu dans l’Église orthodoxe possède des aspects qui lui sont propres. La présentation de ceux-ci peut servir, nous le souhaitons, de rappel ou d’approfondissement pour nos visiteurs orthodoxes, et d’introduction pour nos visiteurs non-orthodoxes. Car tous sont invités à entrer, avec nous, dans la « radieuse tristesse » de l’âme du chrétien devant son Seigneur et son Dieu.
Nous avons choisi saint Jean Baptiste comme patron de ces Pages Métanoïa : le Précurseur du Christ, le dernier des prophètes, il fait le lien entre l’Ancien Testament et le Nouveau Testament, en appelant les hommes à la repentance, car le Royaume de Cieux est proche (Mt 3,2). Le Christ qui lui-même, « le seul sans péché », vient à Jean Baptiste pour se faire baptiser, mais par son baptême, c’est le Christ qui sanctifie les eaux du Jourdain, qui deviennent les eaux purificatrices et libératrices du baptême chrétien. Et comme patron des pages sur le jeune, nous proposons le prophète Élie, dont l’expérience démontre que c’est Dieu qui nourrit l’homme, et non la nourriture terrestre consommée sans Dieu, comme Adam tenta de le faire (cf. 1 R 17,2-6 ; 19,5-8).
La première des Pages Métanoïa nous présente des textes du Nouveau Testament sur la conversion et le repentir, y compris les Évangiles des dimanches de la période de l’avant-Carême, pendant laquelle l’Église prépare notre esprit pour entrer dans la Grand Carême. La tradition des Pères concernant le repentir est représentée par des Paroles des Pères du Désert, ainsi que par des écrits de saint Silouane l’Athonite.

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