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LE CULTE DE LA MERE DE DIEU DANS L’EGLISE ORTHODOXE

30 décembre, 2013

http://eglise-orthodoxe-de-france.fr/le_culte_de_la_mere_de_dieu.htm

LE CULTE DE LA MERE DE DIEU DANS L’EGLISE ORTHODOXE

Présence Orthodoxe n° 137 2-2004

Le trait le plus caractéristique et distinctif de la piété ecclésiastique en regard de toute autre piété est sans contredit le culte de la Mère de Dieu. Aussi riche et variés que soient les offices orthodoxes, on n’en pourrait ôter un seul, même de caractère privé, où l’on ne s’adresse à la Mère de Dieu pour la glorifier ou la remercier de son aide et de son intercession. Le culte de la Mère de Dieu a, sans aucun doute, sa base dans la plus ancienne tradition de l’Église universelle. Il suffit de rappeler que ce culte s’est conservé au sein de communautés séparées de l’Église à l’époque des conciles œcuméniques, alors même qu’elles n’avaient semble-t-il nul intérêt particulier à sa survivance ; il en est ainsi des Nestoriens et des Monophysites. Bien entendu nous ne trouvons là que des germes ou plutôt des vestiges du culte universel de la Mère de Dieu qui n’a pu s’y développer ultérieurement en vertu même de la logique spécifique à ces hérésies. Ce qui plaide avec une évidence d’autant plus grande en faveur de l’ancienneté c’est que, fidèle à sa tradition primitive, l’Église orthodoxe semble ne pas trouver d’expression assez digne pour louer la Mère de Dieu et ne connaît pas de limites à sa glorification. Pour notre Église la Mère de Dieu est supérieure à toute créature terrestre ou céleste – « plus vénérable que les Chérubins et incomparablement plus glorieuse que les Séraphins ». C’est pourquoi l’intercession de la Vierge Marie est, par sa signification et sa puissance, d’une nature différente de toute autre intercession. Nous chantons : « Ne me confie pas à l’intercession humaine (car telle est celle des saints , ne me rejette pas, mais protège-moi toi-même et aie pitié de moi » Dans l’office de l’Assomption de la Mère de Dieu où sa glorification atteint son apogée, il est dit : « Ta gloire est déiforme », c’est-à-dire qui convient à Dieu et n’est propre qu’à Lui seul. Le fondement donné par notre Église à cette exaltation illimitée de la Mère de Dieu n’est point seulement le fait, pour ainsi dire extérieur, de la contribution objective de la Mère de Dieu au salut de la race humaine par le fait qu’elle a enfanté selon la chair le Fils de Dieu. A cette contribution, extraordinaire par sa grandeur, correspond aussi la dignité intérieure de la Vierge, sa perfection morale, qui atteint au plus haut degré de sainteté auquel peut parvenir une créaturehumaine avec l’aide de la grâce divine. Tel est le sens intérieur et l’intention de la doctrine de l’Église sur la virginité perpétuelle de la Mère de Dieu. La virginité lors de naissance de l’Enfant-Dieu est un don divin. La Vierge Marie a transformé ce don, tout au long de sa vie, en ascèse personnelle et, la grâce de Dieu aidant, parvenue à la plus haute perfection, a pris rang dans l’assemblée lumineuse des élus de Dieu dont parle le quatorzième chapitre de l’Apocalypse. Le voyant aperçoit cent quarante-quatre mille élus qui entourent l’Agneau et le suivent partout où il va. Ce sont les premiers-nés de Dieu et de l’Agneau. Ils sont « sans tache devant le trône de Dieu. Ce sont ceux qui ne se sont point profanés avec des femmes, car ils sont vierges ». Bien entendu il n’est pas question ici de la pure et simple virginité corporelle. Le démon qui n’est pas exposé à la faute charnelle n’en est pas saint pour autant. Il s’agit là d’une intégrité particulière de l’âme qui s’est attachée à Dieu de manière parfaite, de telle façon qu’elle ne permet à nul désir, à nul attachement de s’interposer entre l’âme et le Seigneur aimé d’elle. Une telle âme vit entièrement et toujours avec le Seigneur et pour Lui. Il est naturel qu’elle devienne digne et apte à recevoir de Dieu une particulière révélation, inaccessible à d’autres. – « Nul ne pouvait chanter ce cantique que ces cent quarante-quatre mille élus ». Il y a aussi un autre résultat à cette disposition de l’âme : «Si vous demeurez en Moi et que mes paroles demeurent en vous, vous demanderez tout ce que vous voudrez et cela vous sera accordé » (Jn 15, 7) Donc la doctrine de la virginité perpétuelle de la Mère de Dieu, non seulement nous dévoile le chemin par lequel elle est parvenue au sommet de la sainteté parfaite, mais donne aussi une base à notre foi en la particulière puissance de ses prières. Cela serait penser trop humainement que de croire que cette puissance résulte de la parenté selon la chair. Ce motif n’est pas un fondement suffisant parfois même pour les hommes. Il est hors de doute qu’il faut placer au premier rang, pour ainsi dire, la parenté spirituelle : le don entier et sans partage de la Mère de Dieu à son Fils céleste comme au Dieu et au Maître du Divin Royaume, la totale concordance de sa destinée aux destinées de ce Royaume. Demeurant dans son Fils et gardant en elle ses paroles éternelles, la Mère de Dieu a la hardiesse de prier son Fils et elle obtient selon sa demande. La doctrine de la virginité perpétuelle de la Mère de Dieu n’est pas reçue de tous. Beaucoup s’y opposent, même parmi ceux qui, hors de l’Église, croient comme nous à la naissance virginale du Fils de Dieu. Ceux-là ont généralement en vue le fait que les Évangiles font mention des frères et sœurs du Seigneur Jésus. Ils interprètent cela comme s’il s’agissait non point des frères et sœurs par alliance du Seigneur – enfants de Joseph et d’une première femme – mais de véritables enfants de la Mère de Dieu. Dans cette perspective, bien que devenue Mère du Fils de Dieu incarné, la Vierge Marie aurait mené après cela la vie familiale habituelle et aurait même donné naissance à des enfants de Joseph. Dans cette idée tout à fait inadmissible et même impie pour une conscience orthodoxe, ces objecteurs ne voient nulle absurdité. Bien au contraire, ce fait de mettre la Mère de Dieu au rang commun des hommes souligne selon eux la nature exceptionnelle et unique du Dieu-Homme en ce qu’il est et demeure le seul artisan de notre salut. En outre ils voient là une conformation supplémentaire au fait que l’institution du mariage est divine et bénie, à l’encontre de l’emprise exercée par le monachisme. J’ai même entendu dire par un ecclésiastique représentant de la science théologique orthodoxe que la décision concernant la virginité perpétuelle de la Vierge était, sinon négative, du moins sujette à caution. Selon lui, seule était importante et requise la confession de la naissance virginale du Seigneur ; est-elle demeurée vierge ou bien mena-t-elle une vie de femme mariée et de mère de famille, la question n’eut été guère importante. Notre foi ne serait en rien altérée par la négation de la perpétuelle virginité. Ces raisonnements me rappellent ce qui m’a été rapporté des Finlandais qui, dit-on, en certains endroits, se refusent à considérer le Vendredi Saint comme un jour de jeûne et de larme et en font une fête joyeuse qu’ils passent en danses et en divertissements. « La mort du Christ nous a libérés de la malédiction de la mort, disent-ils, pourquoi donc pleurer ? » On ne peut dénier à ce raisonnement une certaine logique. Mais il convient de ne pas oublier que dans le Royaume de Dieu la loi spirituelle est aussi immuable et évidente que les impératifs logiques dans notre pensée. C’est pourquoi l’indigence spirituelle de certaines pensées humaines sur le Royaume de Dieu est le signe évident de leur fausseté. Ce critère permet de juger de la véracité du témoignage de notre conscience quand celle-ci nous prévient contre de telles arguments. En conservant la fidélité extérieure et logique au dogme, ils cachent une radicale déformation du christianisme, un égoïsme grossier qui ne s’attache qu’à la perspective du profit et négligent le prix auquel ce profit leur fut acquis. Il en est de même en ce qui concerne ces arguments sur l’inutilité du dogme de la virginité perpétuelle de la Mère de Dieu par rapport à notre foi. En premier lieu, il est d’une telle évidence à la conscience de l’Église que le mariage est d’institution divine qu’il n’est point besoin de chercher une confirmation supplémentaire dans l’exemple de la Mère de Dieu. Par ailleurs, le mariage bien que d’institution divine n’en demeure pas moins temporel par son caractère restreint, dans son contenu aux limites de la vie terrestre. « Dans la vie du siècle à venir » – selon les paroles du Sauveur – « on ne prendra ni femme, ni mari, mais ils seront semblables aux anges de Dieu dans les cieux. » Comme accomplissement de toute chose, cette vie du siècle à venir – autrement dit le Royaume de Dieu – doit être le but dernier et suprême auquel l’homme aspire et auquel sont subordonnées toutes les entreprises terrestres. C’est pourquoi il est parfois nécessaire, dans certains cas particuliers, que le service duRoyaume de Dieu exige de l’homme le sacrifice de sa vie conjugale. L’Apôtre Paul enseigne avec beaucoup d’insistance que le mariage est permis à tous. parfois même il le considère comme plus utile et salutaire que le célibat, par exemple pour les jeune veuves (1 Tim 5, 14). Mais pour lui-même et justement à cause de son apostolat et « pour n’apporter aucune entrave à l’Évangile (1 Co 9, 12), il a choisi le célibat. C’est à cause également de ce même service du Royaume de Dieu que le précurseur Jean n’était pas marié. Combien donc est-il plus naturel encore que la Vierge Marie ait fait cette même offrande, elle qui était appelée à un rôle si parfaitement exceptionnel par sa grandeur et sa grâce ! Après que la Vierge Marie eût déjà accepté ce service et soit devenue la Mère du Fils de Dieu selon la chair, la vie conjugale eût été pour elle, non seulement psychologiquement impossible, mais moralement interdite. Quelle aurait donc été la chute de la Mère de Dieu, si après ce qui s’était accompli en elle, elle avait mené la vie habituelle d’une femme mariée ! Non seulement elle avait été choisie pour devenir la Mère du Seigneur, mais elle avait consenti de sa propre volonté à ce service : « Voilà la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole » (Lc 1, 38). En ce qui concerne les frères et sœurs de Jésus, dont il est fait mention dans les Évangiles – au sujet desquels, d’ailleurs, il n’est jamais parlé comme des enfants de la Vierge Marie – l’Évangéliste Jean nous en donne dans son récit l’explication. Ce dernier rapporte que le Seigneur pendu à la Croix lui confia sa Mère à lui, comme il le confia à elle. Le Seigneur n’aurait eu nulle raison de porter à un tel moment son attention sur sa Mère, s’il n’était son Fils unique, et si son âme à elle n’eût été tout entière occupée par le lien qui l’unissait à Lui. Avec la mort d’un tel Fils la Mère de Dieu perdait, non seulement ce Fils, mais le sens même de sa vie. Voilà pourquoi elle fut confiée à Jean qui, comme elle, était vierge (peut-être est-il le seul auquel l’Église donne ce nom), c’est-à-dire s’était donné à Dieu sans partage. Si Marie avait eu d’autres enfants ses relations avec son Fils premier-né eussent été autres ; sa mort ne l’eût pas laissée seule et sans asile, ses enfants eussent été ses protecteurs naturels. Il eût même été inconvenant que Jean séparât la Mère de ses enfants et la « prît chez lui ». Seule, la toujours Vierge « plus pure que les Anges », comme le chante l’Église, avait besoin de la sollicitude de son divin Premier-né et pouvait être l’objet de cette sollicitude, même à cette heure où « tout était consommé » (Jn 19, 18). Les catholiques romains partagent avec nous la foi pieuse en la vertu des prières de la Mère de Dieu et entourent la Vierge Marie de la plus haute vénération. Cependant ils considèrent que la glorification unique que l’Église orthodoxe lui rend n’a pas de fondement suffisant dans notre doctrine. Comment peut-on nommer la Mère de Dieu « très sainte, très pure, immaculée », comment peut-on la considérer « plus pure que les Anges », lui attribuer la gloire « propre à Dieu » et supposer en même temps que la Vierge Marie partage avec nous pécheurs, par sa naissance, toutes les conséquences du fait d’être de la descendance d’Adam. Les catholiques romains pensent pouvoir combler cette « lacune » par la doctrine de « l’immaculée conception » : en prévision de son rôle tout à fait exceptionnel, la Vierge Marie est placée hors de la postérité habituelle d’Adam – elle apparaît comme une nouvelle créature de Dieu, créée tout exprès pour devenir la Mère de Dieu qui devait s’incarner C’est là selon cette doctrine, la raison pour laquelle la Vierge Marie surpasse toute créature par sa sainteté, sa pureté et sa gloire. Nous n’avons pas l’intention d’analyser ici cette doctrine de l’Église catholique-romaine. Bornons-nous à remarquer que par ses déductions finales cette doctrine porte atteinte au dogme fondamental de l’économie de notre salut par la vraie incarnation du Fils de Dieu. Elle lui porte atteinte d’abord en risquant de rompre l’unité de notre nature et de celle du Dieu devenu homme, alors que sur cette unité se fonde toute l’économie. Ensuite parce qu’ainsi une exception à la loi commune eût été faite en faveur de la Vierge Marie : elle aurait été exemptée du péché par le caractère même de sa nature, et non par don divin, tandis que celui-ci suppose la participation de la libre volonté comme ascèse morale personnelle. Si une telle exception est chose possible, on peut se demander pourquoi toute la descendance d’Adam n’eût pu bénéficier de la même exception. Et dans ce cas l’incarnation du Verbe divin était-elle absolument indispensable à notre salut ? Outre le danger dogmatique qu’elle constitue, cette doctrine ne renforce ni ne justifie la glorification que l’Église rend à la Vierge, elle la réduit bien plutôt et en restreint le caractère illimité. La perfection innée possédée en dehors de la volonté n’a aucune valeur morale, de même que toute vertu naturelle de la même espèce : ce qui prime, c’est la perfection et la pureté d’une créature. Plus elle est haute, plus elle nous étonne, plus est grand le danger de dépasser la mesure et d’adorer la créature en lieu et place du Créateur. Par exemple, d’après Arius même, la gloire du Fils de Dieu surpassait celle de tout être créé ; cependant, considérant le Fils de Dieu comme créé, il n’aurait pu qualifier sa gloire de « propre à Dieu », même dans un sens conventionnel, sans dépasser la limite autorisée ou tout au moins sans permettre à d’autres de la dépasser. Sans aucun doute, l’Église aurait eu les mêmes craintes en glorifiant la Mère de Dieu si par sa perfection innée elle s’élevait au-dessus du genre humain. Le polythéisme incriminé par les protestants et les libres penseurs aux catholiques romains, polythéisme où l’on pourrait percevoir une survivance du culte païen de la déesse-mère n’est peut-être pas aussi injustifié que le souhaiterait l’Église romaine. L’Église orthodoxe n’admet pas l’enseignement catholique romain sur l’immaculée conception de la Vierge Marie. Si elle la nomme « immaculée » c’est dans un sens relatif et non spécifique, comme on peut qualifier toute naissance de parents pieux, naissance due à la grâce de Dieu et à la prière et non à la souveraineté de la chair. Notre Église, fidèle à la parole de Dieu et à la Tradition de l’Église universelle, cherche le fondement d’une telle glorification de la Mère de Dieu, non dans sa conception, mais au contraire dans sa dormition, dans l’achèvement de sa vie. C’est à ce moment que tous les ascètes chrétiens « ayant achevé leur course et gardé leur foi » attendent « la couronne de justice du juste Juge » (Tim 4, 7-8). Par ses paroles « Voici la servante du Seigneur », qui exprimaient sa libre volition, son acceptation de se charger du service de Dieu en devenant la virginale Mère du Fils de Dieu, la Vierge Marie était restée jusqu’à son dernier souffle fidèle à cette destination et par l’ascèse de la perpétuelle virginité (dont nous avons expliqué plus haut le sens spirituel) a atteint avec la grâce de Dieu le sommet de la perfection accessible à l’homme et en général à tout être créé. Cette sainteté atteinte avec participation de la volonté a rendu la Vierge Marie digne et apte à recevoir « la couronne de justice » tout à fait exceptionnelle, dont l’honora le Juge – son Fils – et qui même après sa mort lui permet de « sauver toujours son héritage » en qualité de Mère de Dieu. Nous parlons ici de l’Assomption, de l’élévation au ciel de la Mère de Dieu avec son corps après sa mort, événement qui sert de thème à l’office orthodoxe de la Dormition et surtout au rite de l’ « enterrement » de la Mère de Dieu. Le mot « Assomption » signifie concrètement qu’après sa mort physique la Mère de Dieu est entrée dans la vie du siècle à venir, non seulement avec son âme immortelle, mais avec son corps devenu semblable à celui de Notre Seigneur Jésus-Christ ressuscité et qui a déjà subi la passage de la corruptibilité à l’incorruptibilité, passage qui attend le reste de l’humanité après la Résurrection générale. L’Apôtre dit : « Le corps est semé corruptible, il ressuscite incorruptible, il est semé méprisable, il ressuscite glorieux, il est semé infirme, il ressuscite plein de force, il est semé animal, il ressuscite corps spirituel » (1 Co 15, 42-44). C’est en ceci que consiste le renouvellement de la nature humaine déchue, comme le but et le fruit de la venue dans le monde du Fils de Dieu, de sa Passion, de sa Mort et de sa Résurrection. L’Église voit en la Mère de Dieu l’initiatrice de ce renouveau spirituel (Acathiste), c’est-à-dire les prémices où est accompli le commencement de la reconstruction spirituelle de l’humanité, l’exemple, pour ainsi dire ou l’inauguration de cette reconstruction. En d’autres termes les espoirs les plus ardents de la Chrétienté ont été réalisés en premier lieu par la Mère de Dieu. Son exemple est le gage de notre renouveau et de notre résurrection. Voilà où réside le gloire de la Mère de Dieu et pourquoi les âmes croyantes éprouvent une telle joie à contempler et à célébrer cette gloire, qui surpasse à n’en pas douter, et de beaucoup celle par laquelle l’Église catholique-romaine entend honorer la Mère de Dieu dans la doctrine de « l’immaculée conception » Il convient de ne pas oublier que le renouvellement de la nature humaine est étroitement lié à sa déification. Il est dit que le renouvellement de la nature humaine est étroitement lié à sa déification. Il est dit de Notre Seigneur Jésus-Christ qu’ « Il a déifié le corps humain » (prière avant la communion), c’est-à-dire qu’en s’incarnant, il déifia la nature humaine du Dieu fait homme et tous ceux qui demeurent dans le Christ participent à la déification du corps et de l’âme. C’est ainsi que dans le canon des matines du Jeudi-Saint, le Seigneur dit à ses disciples : « Dans mon Royaume, je vous l’affirme, je boirai avec mes amis un breuvage nouveau et ineffable, et étant Dieu, je vivrai avec vous comme avec des dieux… » (3e Nocturne, 7e strophe, dans le rite actuel de l’Église Orthodoxe de France, dont la restauration a été patronnée par le Patriarche Serge de Moscou. N.D.L.R.) Il y a donc nulle exagération à définir la gloire de la Mère de Dieu : « Ta gloire est celle qui convient à Dieu », comme il est dit dans l’office de l’Assomption. D’aucuns considèrent que la glorification de la nature humaine de la Mère de Dieu après l’Assomption n’est pas essentielle à notre foi comme l’est notre doctrine de la virginité perpétuelle. Il me souvient que les promoteurs du rapprochement avec les vieux-catholiques qualifiaient cet enseignement de « tradition postérieure » sans rapport avec celui de l’Église indivise. Pour cette raison il ne serait pas obligatoire pour les vieux-catholiques. Admettons que la révélation de ce mystère appartienne dans ses détails à une époque postérieure, mais le thème en lui même est si intimement lié avec le culte tout à fait exceptionnel et sans contredit universel de la Mère de Dieu, et est à tel point nécessaire à la compréhension de ce culte, que cette doctrine de l’Assomption de la Mère de Dieu a d’indubitables racines universelles.

 

SAINT JEAN DE CRONSTADT – ÉGLISE ORTHODOXE – 20 DÉCEMBRE

19 décembre, 2013

http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_de_Cronstadt

SAINT JEAN DE CRONSTADT – ÉGLISE ORTHODOXE – 20 DÉCEMBRE

Naissance 19 octobre 1829 Sura, région d’Arkhangelsk, Flag of Russia.svg Empire russe Décès 20 décembre 1908  (79 ans)

St Jean de Cronstadt (en russe), né en 1829 et mort en 1908, est un saint orthodoxe russe. Archiprêtre et membre du Saint-Synode de l’Église orthodoxe russe, thaumaturge, évangélisateur, il a été une figure majeure de l’orthodoxie russe à son époque et est aujourd’hui l’un des saints les plus populaires de Russie1,2. Il est fêté le 20 décembre.

BIOGRAPHIE Saint Jean est né dans le village de Sura, dans la région d’Arkhangelsk le 19 octobre 1829, dans une famille pauvre mais très pieuse. Son père est sacristain d’église. À sa naissance, l’enfant paraît si faible et fragile que ses parents s’empressent de le faire baptiser. Il reçoit le nom de Jean, en l’honneur de saint Jean de Rila, dont on célèbre la fête ce jour-là1.

La formation Jean grandit dans un milieu pauvre et défavorisé. Son père lui enseigne la piété et la foi, mais le jeune garçon est médiocre à l’école, ce qui l’afflige. Une nuit, il a une vision au cours de laquelle un voile lui tombe des yeux, comme si son esprit s’ouvrait. À partir de ce moment, il devient un bon élève1. Il entre au séminaire d’Arkhangelsk dont il est diplômé. Il obtient une bourse avec laquelle il est admis à l’Académie théologique de Saint-Pétersbourg. Pendant ses études, Jean désire devenir missionnaire, mais un jour il voit en rêve la cathédrale Saint-André de Cronstadt. Alors qu’il finit ses études, il rencontre la fille de l’archiprêtre de la cathédrale, et est l’invité à l’épouser. Sentant que c’est la volonté de Dieu qu’il devienne prêtre séculier dans cette cathédrale, il accepte et l’épouse. Il est peu après ordonné diacre par l’évêque Christophore, vicaire du métropolite de Saint-Pétersbourg, en la cathédrale Pierre-et-Paul de Saint-Pétersbourg.

Le prêtre Jean est ordonné prêtre le 12 décembre 1855, en la cathédrale Saint-André de Cronstadt. Il devient un prêtre très pieux et passe sa vie dans la prière et la pénitence, mais aussi dans le service des pauvres. À cette époque, la ville de Cronstadt est un port militaire et une ville mal famée : le crime y est une réalité quotidienne, de nombreux voleurs, criminels de toutes sortes, mendiants y vivent3. À cela s’ajoute injustice sociale et l’explosion des sectes dans la ville. C’est à ces défavorisés et méprisés de la société que se consacre le père Jean. Il fait tout pour les aider financièrement et spirituellement, il leur rend visite, les console, les conseille, va jusqu’à leur donner ses chaussures. Son engagement social lui vaut le qualificatif de « Serviteur des exclus et des déshérités.»4.

Le thaumaturge L’église construite à Sura grâce à Jean de Cronstadt Le premier miracle connu du père Jean est la guérison par sa seule prière d’un malade sur la requête de l’un de ses proches5. Très vite, le père Jean acquiert une grande réputation. Des gens viennent de tout l’Empire russe pour le voir – orthodoxes, mais aussi musulmans et juifs. Des centaines de cas de guérisons sont dénombrés : des aveugles, des personnes souffrant de troubles psychiques, des malades de toutes sortes sont guéris. Le père Jean fait des liturgies quotidiennes qui attirent des milliers de personnes, à tel point qu’il doit demander l’assistance d’autres prêtres pour faire communier tout le monde. Sa réputation est telle que des milliers de gens lui envoient des courriers et télégrammes. Un service postal spécial est ouvert à la poste de Cronstadt pour lui1. Avec l’argent reçu, le père Jean fait construire « la maison du labeur », comportant une église, une école, des ateliers et un asile. Il reçoit tellement d’argent qu’il peut faire nourrir quotidiennement environ un millier de pauvres. Il fonde deux monastères : un dans son village natal, l’autre à Saint-Pétersbourg. C’est dans ce dernier qu’il sera enterré à sa mort. À partir de 1891, il retourne chaque année dans son village natal où il est toujours accueilli par une grande foule. Le 17 octobre 1894, c’est lui qui est appelé au chevet de l’Empereur mourant Alexandre III pour le faire communier, puis pour lui donner l’Onction des malades le 20. Les dernières années[modifier | modifier le code] La fin de la vie du père Jean est marquée par la maladie : ses activités pastorales et son dévouement religieux l’épuisent complètement, mais il ne se plaint de rien et communie chaque jour. Le 10 décembre 1908, très malade, il célèbre sa dernière Liturgie et, ayant prédit la date de sa mort, s’éteint le 20 décembre 1908 à 7:40. Son enterrement est grandiose : il est présidé par le métropolite Antoine de Saint-Pétersbourg et il y a tellement de monde6 qu’on raconte qu’« un service d’ordre fut mis tout au long du parcours de la procession de l’enterrement pour contenir la foule ».

Canonisation Statue de saint Jean dans le parc du musée qui lui est consacré Le 12 janvier 1909, l’Empereur Nicolas II publie un édit par lequel il demande au Saint-Synode la création d’une journée de prière en sa mémoire, à chaque anniversaire de sa mort. Cependant sa canonisation est retardée par la Révolution russe puis par la persécution de l’Église sous le régime communiste. Il faudra attendre 1964 pour que le père Jean soit canonisé par l’Église russe hors frontières puis 1990 pour que cette canonisation soit confirmée par le Patriarcat de Moscou. En 2009, à l’occasion du 180e anniversaire de sa naissance, une grande commémoration est organisée à Saint-Pétersbourg. Le Patriarche Cyrille a déclaré dans une homélie que « le père Jean apprenait à prier de telle façon qu’aucune parole ne reste vaine, même lorsque nous prononçons les prières courantes telles que « Roi céleste ». Il appelait à reconnaître dans chaque mot de la liturgie une force intérieure et, ainsi, de se revêtir de la puissance de Dieu »7. Aujourd’hui 144 églises lui sont consacrées dans le monde entier et un musée mémorial a été créé à Saint-Pétersbourg en son honneur8.

LA PRIÈRE DE LA GRAND-MÈRE DE L’ÉCRIVAIN MAXIME GORKI

4 décembre, 2013

http://priere-orthodoxe.blogspot.it/2011/09/la-priere-de-la-grand-mere-de-lecrivain.html

LA PRIÈRE DE LA GRAND-MÈRE DE L’ÉCRIVAIN MAXIME GORKI

« Mais parfois, elle prie très longtemps. Je m’endors pour de bon et je ne l’entends pas se coucher. Les journées de peines, de disputes et de querelles se terminent toujours par de longues prières. Je les écoute de toutes mes oreilles. Grand-mère raconte à Dieu tout ce qui s’est passé dans la maison. Quand elle est agenouillée, énorme et lourde, elle ressemble à une montagne. D’abord, j’entends un murmure rapide et indistinct, puis sa voix profonde s’élève: – Tu le sais bien, Seigneur, chacun pense à son avantage. Mikhaïl est l’aîné, c’est lui qui devrait rester en ville. Ça le vexe de partir de l’autre côté du fleuve dans un quartier inconnu : on ne sait pas comment les affaires y marcheront. Le père, lui, il préfère lakov. Est-ce bien de ne pas aimer également ses enfants? … Le vieux est têtu, tu devrais lui faire entendre raison, Seigneur ! Regardant les icônes sombres de ses grands yeux lumineux, elle suggère à son Dieu : – Envoie-lui donc un bon rêve, Seigneur, pour qu’il comprenne comment il faut faire le partage entre les enfants! Elle se signe et se prosterne jusqu’à terre, heurtant le plancher de son grand front. Puis elle se redresse et continue d’un ton persuasif : – Accorde un peu de joie à Varvara. Est-ce qu’elle t’a offensé, est-ce qu’elle est plus coupable que les autres ? C’est une femme jeune, pleine de santé et elle ne connaît que la tristesse. Pense aussi, Seigneur, à Grigori. Sa vue baisse de plus en plus; s’il devient aveugle, il ira mendier, ce n’est pas bien! Il a usé toutes ses forces pour le grand-père et il ne peut même pas compter sur son aide maintenant. Ah! Seigneur, Seigneur !… Elle reste longtemps silencieuse, la tête baissée humblement et les bras pendants, comme si elle était profondément endormie ou raidie par le froid. – Quoi encore ? se demande-t-elle tout haut en fronçant les sourcils. Prends en pitié et sauve tous les orthodoxes.Pardonne à la maudite sotte que je suis. Tu le sais, Ce n’est pas par méchanceté que je pèche, mais par bêtise. Après un profond soupir, elle reprend d’une voix caressante et satisfaite : – Tu sais tout, mon Dieu, tu connais tout, Père. Le Dieu de grand-mère, qui lui était si proche, me plaisait beaucoup et je demandais souvent: – Parle-moi d Dieu! Alors elle se soulevait, s’asseyait, jetait un fichu sur sa tête et se lançait dans un long récit jusqu’à ce que je m’endorme. Elle avait une façon particulière de parler de Dieu, à voix basse, en traînant sur les mots. – Le Seigneur est au paradis, assis sur une colline, au milieu d’une prairie; des tilleuls d’argent abritent son trône de saphir et ces tilleuls sont en fleurs toute l’année, car le paradis ne connaît ni l’automne, ni l’hiver; les fleurs n’y fanent jamais, elles fleurissent sans trêve pour la joie des saints. Autour du Seigneur vole une multitude d’anges. Ils ressemblent à des flocons de neige ou à des essaims d’abeilles. Ils descendent du ciel sur la terre comme des pigeons blancs et ils remontent ensuite raconter à Dieu ce qui se passe chez les hommes: Là-bas, il y a ton ange et le mien et celui du grand-père. Le Seigneur est juste, il a donné un ange à chacun. Le tien raconte au Seigneur: « Alexis a tiré la langue à son grand-père. » Et le Seigneur décide: «Eh bien, que le vieux le fouette! » Et c’est la même chose pour tous. Dieu donne à chacun selon ses mérites, à l’un le chagrin, à l’autre la joie. Il fait si bon là-haut que les anges se réjouissent, battent des ailes et chantent sans trêve: «Gloire à Toi, Seigneur, gloire à toi ! » Et lui, le Bon Dieu, il se contente de sourire comme pour dire: «C’est bien, c’est bien! » Elle-même souriait en secouant la tête. – Tu as vu tout ça ? – Non, mais je le sais, répondait-elle, pensive. Quand elle parlait de Dieu, du paradis et des anges, grand-mère semblait devenir petite et douce. Son visage rajeunissait, ses yeux embués de larmes rayonnaient d’une douce lumière. Je prenais ses lourdes nattes soyeuses et je les enroulais autour de mon cou. Immobile, j’écoutais avec attentiou ses récits. sans jamais m’en lasser. – Il n’est pas donné aux hommes de voir Dieu, ils en perdraient la vue. Seuls, les saints peuvent le contempler. Mais j’ai vu des anges. Ils se montrent à ceux qui ont l’âme pure. Une fois, j’étais dans l’église, à la messe du matin. Il y en avait deux derrière l’iconostase. On aurait dit des nuages, on voyait tout au travers d’eux; Ils étaient lumineux, lumineux, avec des ailes en dentelles et en mousseline qui tombaient jusqu’à terre. Ils tournaient autour de l’autel et ils aidaient le vieux père lIya qui n’y voyait plus. Quand il levait ses bras fatigués pour prier, ils lui soutenaient les coudes. Il est mort peu de temps après. Moi, ce jour-là, quand je les ai vus, j’ai été paralysée par la joie; mon cœur s’est mis à me faire mal et j’ai pleuré. Oh ! c’était beau, Alexis, petite âme bleue. Tout est bien sur terre et dans le ciel, tout est si bien … – Et chez nous aussi, c’est bien ? Grand-mère se signa – Gloire à la Très Sainte Mère de Dieu, tout est bien! Cette réponse me déconcertait. Il était difficile d’admettre que tout allait bien à la maison. Il me semblait que la vie y était de plus en plus insupportable. » (Extrait du livre de Maxime Gorki « Enfance » Ed. français réunis)

(ci-dessous, le noms des points d’interrogation sont en russe)

Maxime ???????, « l’Amer », de son vrai nom ??????? ?????????? ??????, fut un immense écrivain, à la fois hautement honoré par le régime soviétique et constamment surveillé pour ce qui demeurait en lui – malgré ses compromissions et son regrettable soutien de l’impitoyable tyrannie communiste – de capacité à toujours se révolter. On peut de ce fait penser qu’il fut probablement assassiné par les communistes. Il a écrit de très belles pages sur la foi orthodoxe qu’il avait perdue assez tôt certainement..

ACATHISTE POUR UN DÉFUNT

6 novembre, 2013

http://eglise.syro-orthodoxe-francophone.over-blog.com/page-5127400.html

ACATHISTE POUR UN DÉFUNT

EGLISE SYRIAQUE ORTHODOXE ANTIOCHIENNE

Kondakion 1
Père saint, ton Fils unique, Premier des Grands Prêtres, a déposé son âme pour le salut du monde déchu et pour nous permettre de devenir enfants de Dieu et habitants de ton Royaume au jour sans crépuscule, accorde au défunt (N) le pardon et la joie éternelle  ; nous intercédons pour lui par cette prière :
Seigneur, Juge tout-compatissant, accorde à ton serviteur la douceur du paradis.
Ikos 1
Saint Ange Gardien, envoyé de Dieu, viens prier pour ton protégé, que tu as accompagné sur tous les chemins de la vie, que tu as sauvegardé et guidé, lance avec nous cet appel au Sauveur miséricordieux.
Seigneur, détruis le manuscrit des péchés de ton serviteur (N) ;
guéris les plaies de son âme ;
que sur terre ne restent pas de lui de souvenirs amers ;
fais grâce pour lui à ceux qui l’ont peiné et à ceux qu’il a chagrinés ;
recouvres ses imperfections du lumineux vêtement de ta Rédemption ;
donne-lui la joie par ta miséricorde infinie ;
toi, l’ineffable, le grand et le merveilleux, montre-toi à lui.
Ô Juge tout-compatissant, rends ton serviteur (N) digne des douceurs du paradis.
Kondakion 2
Telle une inconsolable tourterelle, l’âme voltige par les plaines, méditant, de la hauteur de l’intelligence divine, sur les péchés et les tentations des voies du passé, emplie de chagrin pour chaque jour sans retour, perdu sans profit ; mais fais grâce à ton serviteur, ô Maître, qu’il entre dans ta paix, s’écriant : Alléluia !
Ikos 2
Si ton Fils a souffert pour le monde entier, s’il a versé des larmes et transpiré en gouttes de sang, pour les vivants et les morts, qui pourrait retenir notre prière pour le défunt ? Par lui qui est descendu jusqu’aux enfers, nous prions pour le salut de ton serviteur (N).
Ô Donateur de vie, illumine-le de ta lumière,
qu’il soit un avec toi, Père, Fils et Saint Esprit.
Toi, qui nous appelles tous dans ta vigne, ne manque pas de l’éclairer de ta lumière.
Dispensateur généreux des récompenses éternelles, fais-le fils de ton Palais ;
rends à son âme les forces de sa pureté première ;
qu’en son nom se multiplient les œuvres bonnes.
Ô Juge tout-compatissant, rends ton serviteur (N) digne des douceurs du paradis.
(ne figurent pas les kondak et ikos 3)
Kondakion 4
Les tempêtes de la vie sont passées, les souffrances terrestres terminées, les ennemis et leur méchanceté, sans force ; mais fort est l’amour qui délivre de la ténèbre éternelle et sauve, ô Dieu, tous ceux qui élèvent vers toi ce chant hardi : Alléluia !
Ikos 4
Tu es pour nous la miséricorde, où n’entrent pas les comptes ; tu es l’unique Libérateur et l’unique Sauveur ; et comme Simon de Cyrène a aidé le Christ à porter la croix, ô Tout-Puissant, de même maintenant, accomplie le salut de nos proches par le secours de notre prière.
Seigneur, tu nous as commandé de porter le fardeau les uns des autres,
par l’intercession de nos proches, tu nous pardonnes après la mort.
Toi qui as établi une relation d’amour entre les défunts et les vivants.
que les prières de ceux qui l’aiment servent au salut de ton serviteur (N) ;
entends les cris de son cœur s’élevant de notre bouche.
Ô Juge tout-compatissant, rends ton serviteur (N) digne des douceurs du paradis.
Kondakion 5
Ô Dieu, reçois son dernier soupir désolé, comme la prière du bon larron. Il s’est éteint sur la croix de la vie, fais-le héritier de ta promesse, comme tu l’as fait pour le bon larron :  » Amen, Je te le dis, tu seras avec moi au paradis « , où la multitude des pécheurs repentis chante dans la joie : Alléluia !
Ikos 5
Que ton Fils, crucifié pour nous, étende sa main et par les gouttes de son Sang précieux, qu’il lave sans laisser de trace tous les péchés commis en sa vie. Par sa respectable nudité, qu’il réchauffe son âme dénudée, devenue orpheline.
Seigneur, tu connaissais sa vie dès avant sa naissance et tu l’as aimé ;
tu le voyais de loin et tu tendais vers lui ton amour infini.
Nous demandons pour lui le pardon des ses fautes,
rendu possible par le sanglant Golgotha.
Ô Dieu tout-puissant, par la mort du Christ pour lui,
par sa mise au tombeau, sanctifie son repos dans la tombe.
Que ton Fils ressuscité d’entre les morts emporte vers toi son âme aigrie.
Ô Juge tout-compatissant, rends ton serviteur (N) digne des douceurs du paradis.
Kondak 6
Il dort du sommeil de la tombe : mais son âme ne sommeille pas, elle t’espère, Seigneur, elle a soif de toi, le saint Fiancé éternel. Que s’accomplissent sur le défunt les Paroles de ton Christ :  » Celui qui mange ma Chair et boit mon Sang aura la vie éternelle « . Donne-lui à manger de la manne du secret et de chanter auprès de ton autel : Alléluia !
Ikos 6
La mort l’a séparé de tous ses proches, l’âme s’est éloignée, ceux qui le connaissaient se désolent, les barrières de la chair sont détruites, et tu t’es découvert, dans l’inaccessible grandeur de la Divinité, avec l’attente de la réponse.
Seigneur, Amour au-dessus de toute compréhension, prends pitié de ton serviteur ;
pardonne l’infidélité de son cœur.
par les espérances trompées, naissait la nostalgie vers toi,
souviens-toi de ces heures où son âme frémissait d’enthousiasme pour toi.
Accorde au défunt la joie non terrestre et le repos dans le sein d’Abraham.
Unique fidèle, sans changement, accueille-le auprès de toi.
Ô Juge tout-compatissant, rends ton serviteur (N) digne des douceurs du paradis.
Kondakion 7
Nous croyons à la durée limitée de notre séparation. Nous t’ensevelissons, comme la graine dans le champ, tu repousseras dans un autre pays. Que périsse dans la tombe l’ivraie de tes péchés, et les œuvres bonnes s’y illumineront, là où les semences du bien apportent des fruits impérissables, où les âmes saintes chantent : Alléluia !
Ikos 7
Lorsque le sort du défunt deviendra oubli, lorsque son image s’assombrira dans les cœurs, et que le temps effacera avec la tombe l’ardeur de la prière pour lui, alors, toi, ne l’abandonne pas, donne la joie à l’âme solitaire.
Ô Dieu, ton Amour ne se refroidit pas,
ton bon vouloir est inépuisable.
Les prières de l’Église pour ton serviteur défunt ne se taisent pas,
que ses péchés soient lavés par l’Offrande du Sacrifice non sanglant.
Par l’intercession de tous les saints, accorde-lui la grâce de prier pour les vivants ;
aux jours de nos épreuves, reçois son intercession pour nous.
Ô Juge tout-compatissant, rends ton serviteur (N) digne des douceurs du paradis.
Kondakion 8
Prions avec des larmes, tant qu’est douloureusement frais le souvenir du défunt, faisons mémoire de son nom, nuit et jour, par des aumônes nourrissant ceux qui ont faim, chantant du fond de l’âme : Alléluia !`
Ikos 8
Le visionnaire Jean le Théologien a vu auprès du trône de l’Agneau de Dieu une immense foule, tout de blanc vêtue ; c’étaient tous ceux qui venaient de la grande tribulation. Ils te servent, toi notre Dieu, nuit et jour dans la joie et tu habites avec eux, et la souffrance et la peine ne les effleureront plus.
Seigneur, fais se joindre à eux ton serviteur (N),
qui a beaucoup souffert et peiné en sa vie ;
tu connais toutes ses heures amères et ses lourdes minutes ;
sur terre il a eu chagrins et soucis, donne-lui au ciel, la joie,
et accorde-lui les délices des sources d’eau vive ;
sèche toute larme de ses yeux,
et fais-le entrer là où le soleil ne brûle pas, mais vivifie par ta Vérité.
Ô Juge tout-compatissant, rends ton serviteur (N) digne des douceurs du paradis.
Kondakion 9
Terminé le voyage sur terre, quel bienheureux passage au monde de l’Esprit, quelle contemplation de choses nouvelles et de beauté célestes, inconnues du monde terrestre, l’âme revient dans sa patrie, où le clair soleil de la Vérité divine illumine ceux qui chantent : Alléluia !
Ikos 9
Si ton reflet et ta trace rayonnent sur le visage des mortels, comment es-tu alors toi-même ? Si les fruits de tes mains sont tellement merveilleux et que la terre reflète seulement ton ombre, dans une grandeur indescriptible, comment doit être alors ta Face visible. Fais se découvrir ta Gloire à ton serviteur (N).
Ô Dieu, fais-le voir et entendre la Liturgie céleste
afin que sa joie soit complète.
Raffermis son espérance de la rencontre dans les demeures des bienheureux
et accorde-nous de ressentir la force bienfaisante de la prière pour les défunts.
Ô Juge tout-compatissant, rends ton serviteur (N) digne des douceurs du paradis.
Kondakion 10
Notre Père, reçois dans ton Royaume celui qui s’est éteint, là où il n’y a ni péché, ni mal, là où la Sainte Volonté est inébranlable, là où, dans l’assemblée des âmes les plus pures et des anges sans défaut, brille ton Nom bienfaisant et où règne le parfum de la glorification : Alléluia !
Ikos 10
En ce jour-là, les Anges établiront ton trône, ô Juge, et tu illumineras le monde de ta gloire, portant la rémunération à chacun. Jette alors un regard compatissant sur ton humble serviteur (N) et dit lui :  » Viens à ma droite ! « 
Seigneur, toi seul as le pouvoir de remettre les péchés ;
pardonne-lui donc ses péchés oubliés ou cachés par honte ;
libère-le de l’iniquité dû à la faiblesse ou l’ignorance,
et délivre-le des profondeurs sans lumière du désespoir infernal.
Qu’il hérite de tes demeures vivifiantes ;
ajoute-le aux bénis de tous les siècles
et accorde-lui la béatitude qui ne cesse jamais.
Ô Juge tout-compatissant, rends ton serviteur (N) digne des douceurs du paradis.
Kondakion 11
Maître de toute Bonté, que s’ouvrent au défunt les portes ensoleillées du Paradis, que viennent à sa rencontre dans l’allégresse les assemblées des justes et des saints, la foule de ses proches et de ceux qui l’aiment, que se réjouissent pour lui tes Anges porteurs de lumière, qu’il voit aussi la Théotokos, là où résonne victorieusement : Alléluia !
Ikos 11
Par ton souffle revivent les fleurs, la nature ressuscite, des foules de minuscules créatures s’éveillent. Ton regard est plus clair que les cieux printaniers, ton Amour, ô Dieu, plus chaud que les rayons du soleil. De la poussière terrestre tu as ressuscité la chair périssable de l’homme, pour l’épanouissement à la vie éternelle, alors éclaire aussi ton serviteur (N) de la lumière de tes Bontés.
Seigneur, les bienfaits de la vie sont en ta main,
en ton regard la Lumière et l’Amour,
libère de la mort éternelle spirituelle le défunt
qui s’est endormi dans l’espérance.
Éveille-le, lorsque les ronces de la terre se revêtiront de la couleur de l’éternité
et que rien n’assombrisse son dernier sommeil terrestre,
Bonheur fidèle et but de notre existence.
Ô Juge tout-compatissant, rends ton serviteur (N) digne des douceurs du paradis.
Kondakion 12
Ô Christ ! Tu es Royaume Céleste, tu es terre des humbles, tu es demeure de ceux qui espérent en toi, tu es boisson parfaitement nouvelle, tu es le vêtement et la couronne des bienheureux, tu es la couche du repos des saints ! C’est à toi qu’appartient la glorification : Alléluia !
Ikos 12
Par l’image des paisibles parcs d’une beauté non terrestre, et des demeures aussi claires que le soleil, et dans la perfection des chants célestes, tu nous a découvert la félicité de ceux qui t’aiment.
Seigneur, que ton serviteur entre dans ta joie ;
revêts-le de l’illumination de ta Gloire ;
qu’il entende le chant ineffable des chérubins,
qu’il s’élève de gloire en gloire,
et qu’il voit la splendeur de ta Face.
Ô Juge tout-compatissant, rends ton serviteur (N) digne des douceurs du paradis.
Kondakion 13 (Se dit 3 fois)
Ô Dieu saint et immortel, à la minuit du péché et de l’incrédulité, arrivant du Ciel avec les Anges, pour juger le monde entier, ouvre les portes de ton palais glorieux à ton serviteur (N), qu’avec les foules innombrables des saints, il chante dans les siècles :
Alléluia, Alléluia, Alléluia !

Saint Ange Gardien, envoyé de Dieu, viens prier pour ton protégé, que tu as accompagné sur tous les chemins de la vie, que tu as sauvegardé et guidé, lance avec nous cet appel au Sauveur miséricordieux.
Seigneur, détruis le manuscrit des péchés de ton serviteur (N) ;
guéris les plaies de son âme ;
que sur terre ne restent pas de lui de souvenirs amers ;
fais grâce pour lui à ceux qui l’ont peiné et à ceux qu’il a chagrinés ;
recouvres ses imperfections du lumineux vêtement de ta Rédemption ;
donne-lui la joie par ta miséricorde infinie ;
toi, l’ineffable, le grand et le merveilleux, montre-toi à lui.
Ô Juge tout-compatissant, rends ton serviteur (N) digne des douceurs du paradis.

Père saint, ton Fils unique, Premier des Grands Prêtres, a déposé son âme pour le salut du monde déchu et pour nous permettre de devenir enfants de Dieu et habitants de ton Royaume au jour sans crépuscule, accorde au défunt (N) le pardon et la joie éternelle  ; nous intercédons pour lui par cette prière :
Seigneur, Juge tout-compatissant, accorde à ton serviteur la douceur du paradis.

25 SEPTEMBRE: SAINT SERGE DE RADONÈGE

24 septembre, 2013

http://www.orthodoxa.org/FR/orthodoxie/synaxaire/StSergeRadonege.htm

25 SEPTEMBRE: SAINT SERGE DE RADONÈGE

La Vie du Saint Père Théophore Serge de Radonège, Thaumaturge et Protecteur de la Russie

Saint Serge naquit en 1313 à Rostov. Ses parents, Cyrille et Marie, lui donnèrent au baptème le nom de Barthélémy. Dès le sein de sa mère, Dieu laissa prévoir la gloire future de son serviteur. C’est ainsi qu’une fois, au cours de la liturgie avant la lecture de l’Evangile, l’enfant se mit à crier dans le sein de sa mère, si fort que sa voix fut entendue par d’autres. Au moment de l’hymne des chérubins, la voix de l’enfant se mit encore à retentir, ce qui effraya Marie. Lorsque le prêtre prononça l’ecphonèse : «Ce qui est saint aux saints !», l’enfant poussa un cri pour la troisième fois, et sa mère commença à pleurer. Ceux qui étaient présents à la liturgie souhaitaient voir l’enfant; mais la mère fut contrainte de dire qu’il criait non pas sur ses bras, mais dans son sein. Après cet événement inhabituel, Marie, pendant toute la période de sa grossesse, ne mangeait ni viande ni lait ni poisson; elle se nourrissait exclusivement de pain et d’eau, et vaquait à la prière. Lorsqu’il eut sept ans, on envoya l’enfant ètudier. Or, contrairement à ses frères Etienne et Pierre qui apprenaient bien, Barthélémy éprouvait des difficultés. Le maître le punissait, ses camarades se moquaient de lui, ses parents le réprimandaient; mais Barthélémy, malgré toute sa bonne volonté, ne parvenait pas à apprendre. C’est alors que se produisit le même phénomène qu’avec Saül. Un jour, alors que son père l’avait envoyé au champ chercher des chevaux, Barthélémy aperçut un moine âgé sous un chêne, qui priait en versant des larmes. Le jeune garçon s’approcha doucement, attendant la fin de la prière du staretz, qui lui dit: «Que te faut-il, mon enfant?» Barthélémy répondit: «Je ne puis apprendre malgré mes efforts. Prie Dieu pour moi, saint père, pour que je puisse apprendre les lettres». Le staretz, en prononçant une prière, donna un morceau de prosphore à l’enfant et lui dit: «Ne t’afflige point. A partir de ce jour, le Seigneur te donnera la compréhension des lettres!» Alors que le staretz voulait sortir, Barthélémy tomba à ses pieds et lui demanda de visiter la maison de ses parents. Il ajouta: «Mes parents aiment fort les personnes semblables à toi, Père». L’Ancien, en souriant, se rendit à la maison des parents de l’enfant, qui le reçurent avec grande considération. Ils le prièrent de partager leur repas, puis le staretz entra dans la chapelle familiale. Prenant l’enfant avec lui, le vieux moine lui ordonna de lire les heures. Cependant, Barthélémy, troublé, répondit qu’il ne pouvait pas lire. Le staretz réintima l’ordre, et l’enfant, ayant pris sa bénédiction, commença à lire le psautier correctement et distinctement, à l’étonnement général. A table, les parents racontèrent au moine ce qui s’était produit à l’église quand l’enfant était encore dans le sein de sa mère. Le staretz, avant de se séparer d’eux, dit ces paroles énigmatiques: «Cet enfant va devenir la demeure de la Sainte Trinité, et amènera une multitude à la compréhension de Sa volonté». Après cela, Barthélémy commença à fréquenter avec ardeur l’église et à lire la sainte Ecriture. Après un certain temps, alors qu’il était âgé de douze ans, il se mit à observer une stricte tempérance, s’abstenant de toute nourriture le mercredi et le vendredi et se contentant, les autres jours, de pain sec et d’eau. En raison de certains malheurs qui le frappèrent à Rostov, le père de Barthélémy, Cyrille, partit à Radonège avec sa famille. Là, Barthélémy continua son ascèse. Alors que ses deux frères s’étaient mariés, il demanda à ses parents la permission de s’engager dans la vie monastique. Ceux-ci le prièrent d’ajourner son désir jusqu’à leur mort. Cependant, peu de temps après, ils entrèrent eux-mêmes au monastère et décédèrent bientôt. Pendant quarante jours, Barthélémy pria sur leur tombe, nourrit les pauvres et fit servir des offices de requiem. Ensuite, il fit don de ses biens à son frère cadet Pierre et décida d’accomplir son désir. Son frère aîné Etienne, dont la femme était décédée, effectua sa profession monastique au monastère de Khotov, où ses parents étaient enterrés. Barthélémy, qui souhaitait une profonde solitude, convainquit Etienne de rechercher un endroit qui conviendrait mieux à la vie ascétique. Ils cheminèrent longtemps dans les forêts, puis trouvèrent un endroit approvisionné en eau et éloigné des chemins battus, à dix verstes de Radonège et de Khotov. Ils bâtirent une cellule avec une petite église. Le frère cadet, obéissant à l’aîné, demanda en quel nom serait construite l’église. Barthélémy, se rappelant les paroles du staretz, répondit qu’il convenait de dédier l’église à la Sainte Trinité. Le frère cadet dit alors que telle était aussi sa pensée. L’église fut consacrée avec la bénédiction du métropolite Théognoste. Ayant demandé à l’higoumène Métrophane de venir, Barthélémy reçut la tonsure monastique avec le nom de Serge. Il avait alors vingt-quatre ans (1337). Etienne, quant à lui, parti peu de temps après au monastère de la Theophanie à Moscou.

Et voici que Serge se trouva seul dans cette forêt, où les loups hurlaient près de sa cellule. Les ours aussi s’approchaient du lieu où vivait le saint. Une fois, Serge s’aperçut qu’un ours n’était pas tant féroce qu’affammé, et il commença à éprouver de la pitié pour cet animal, puis lui donna de la nourriture. Le fauve s’éprit du père et vint souvent recevoir de lui sa pitance. Le saint la lui donnait à chaque fois, partageait son dernier morceau de pain avec cet animal, et allait même jusqu’à se priver de nourriture pour lui. Saint Serge resta seul pendant trois ans jusqu’à ce que des zélateurs de la piété commencent à lui demander de vivre sous sa direction spirituelle. Peu à peu, douze fréres se rasemblèrent, et chacun d’entre eux construisit sa propre cellule. L’office de minuit, les matines, les heures, les vêpres et les complies étaient quotidiennement célébrées à l’église. Pour la célébration de la liturgie, les frères appelaient un prêtre de l’extérieur, car il n’y en avait pas encore parmi eux. Enfin, l’higoumène Métrophane, qui avait tonsuré Serge, vint vivre avec eux. Mais, peu de temps après, cet ancien mourut. Quant à Serge, il ne voulait pas, par humilité, devenir higoumène. Les frères se réunirent alors, vinrent voir le saint et lui dirent: «Père, nous ne pouvons vivre sans higoumène, et nous souhaitons que ce soit toi qui remplisses cette fonction. Ainsi, lorsque nous viendrons te révéler nos péchés, nous recevrons des enseignements et l’absolution. Il convient également que la liturgie soit célébrée et que nous recevions les saints Mystères de tes pures mains». Cependant Serge refusa et, quelques jours après, la communauté se réunit de nouveau chez le saint, en le priant d’accepter la charge d’higoumène. «Il ne m’appartient pas d’accomplir le ministère angélique; il m’appartient de pleurer mes péchés», répondit-il. Les frères pleurèrent et dirent enfin: «Si tu ne veux pas prendre soin de nos âmes, nous serons contraints de quitter ce lieu, nous errerons alors comme des brebis égarées, et tu devras en répondre devant Dieu.» «Je préfère me soumettre que de commander, dit Serge; mais, craignant le jugement de Dieu, je laisse ce problème à la volonté du Seigneur». Prenant avec lui deux des moines les plus âgés, il se rendit à Péréïaslavl, chez Athanase, l’évêque de Volynie, auquel S. Alexis, alors à Constantinople, avait remis les affaires du diocèse metropolitain.
En 1354, Serge fut ordonné prêtre et élevé au rang d’higoumène par l’évêque Athanase. Il célébrait quotidiennement la sainte liturgie, et arrivait le premier à l’église pour chaque office. Il fabriquait lui-même les cierges et les prosphores, ne permettant jamais à quiconque de participer à cette dernière tâche. Pendant trois ans, le nombre des moines resta identique, le premier qui fit augmenter ce nombre fut l’archimandrite Simon de Smolensk, qui préférait obéir à S. Serge plutôt que commander ailleurs.
Le soir après les complies, et sauf en cas de besoin urgent, nul n’avait l’autorisation de se rendre dans la cellule d’un autre moine. Car les heures de la nuit devaient être réservées à Dieu seul. Le reste du temps, ils restaient dans le silence à alterner la prière et le travail manuel. A la fin de la prière que les frères devaient accomplir dans leur cellule, le saint faisait secrètement le tour de celles-ci. S’il entendait de vaines conversations ou des rires, il frappait à la fenêtre pour les faire cesser et s’en allait tout triste. Le matin, il réunissait les fautifs, et «de loin», à l’aide de paraboles et sur un ton humble et doux, il les instruisait. Il n’employait une sévérité toute mesurée que pour ceux qui refusaient de faire pénitence et persistaient dans leurs fautes. Il aimait tant la pauvreté qu’il institua comme règle stricte de ne jamais faire de quête au profit du monastère: quels que soient ses besoins. Le dépouillement était extrême dans la communauté: On s’éclairait avec des tisons pour l’office, et les livres étaient faits en écorce de bouleau. Un jour, le monastère se trouva réduit à une si extrême misère qu’on ne pouvait plus y trouver ni pain ni eau. Après avoir passé trois jours sans nourriture, Serge se rendit chez le frère Daniel et lui dit: «J’ai entendu que tu voudrais construire une entrée devant ta cellule. Je te la construirai afin que mes mains ne restent pas oisives. Cela ne te coûtera pas cher, je veux du pain avarié et tu en as.» Daniel lui apporta donc des morceaux de pain moisis qu’il avait chez lui. «Garde-les, lui dit le saint, jusqu’à la neuvième heure; je ne prends pas de salaire avant d’avoir travaillé». Ayant achevé son travail, Serge pria, bénit le pain, en mangea, puis but de l’eau, ce qui constitua son repas. En raison de l’absence de nourriture, les frères commencèrent à manifester leur mécontentement: «Nous mourons de faim», dirent les faibles, «et tu ne permets pas de demander l’aumône. Demain, nous partirons d’ici, chacun de son côté, et nous ne reviendrons plus ! » Le saint les persuada alors de ne pas affaiblir leur espoir en Dieu. «Je crois, dit-il, que Dieu ne délaissera pas les habitants de ce lieu». A ce moment, on entendit quelq’un frapper à la porte. Le portier vit que l’on avait apporté beaucoup de pains. Il accourut tout joyeux, et dit à l’higoumène: «Père, on nous a apporté beaucoup de pains. Donne-nous ta bénédiction afin que nous les prenions! » Le saint ordonna de laisser entrer les bienfaiteurs, et convia tous les frères à table, ayant au préalable célébré un office d’action de grâces. «Où sont ceux qui nous ont apportè ces dons ?» demanda-t-il. «Nous les avons invites à table et leur avons demandé qui les avait envoyés», répondit le moine, «et ils nous dirent que c’était quelqu’un qui aime le Christ, qui les avait envoyés; mais que, ayant une autre tâche accomplir, ils devaient partir».
Une autre fois, le saint, tard dans la soirée, priait pour les frères de son monastère. Soudain, il entendit une voix lui dire: «Serge! » Ayant terminé une prière, il ouvrit la fenêtre et aperçut une lumière inhabituelle qui descendait du ciel, et la voix continua: «Serge ! Le Seigneur a entendu la prière pour tes enfants; vois quelle multitude s’est rassemblée autour de toi au nom de la Sainte Trinité». Alors, le saint vit une multitude d’oiseaux merveilleux, volant non seulement dans le monastère, mais également tout autour. «Ainsi, poursuivit la voix, se multipliera le nombre de tes disciples et il ne te manquera point de successeurs pour marcher sur tes traces».
Peu de temps après, le patriarche Philothée’ fit parvenir au saint une croix et encore d’autres présents avec une lettre, dont voici le contenu : «Par la Miséricorde Divine, l’archevêque de Constantinople, patriarche œcuménique, Philothée, à Serge, fils dans le Saint-Esprit et concélébrant de notre humble personne. Que la grâce, la paix et notre bénédiction soient avec vous tous! Nous avons entendu parler de ta vie vertueuse, nous l’approuvons, et nous en glorifions Dieu. Mais il te manque une chose: la vie commune (cénobitique). Tu sais, Père très semblable au Christ, que le parent de Dieu, le prophète David, qui saisissait tout par son esprit, loua la vie commune. «Qu’y a-t-il de meilleur et de plus beau pour des frères gue de vivre ensemble» ? (Ps 132). Pour cela, je vais vous donner un conseil utile: instituez le cénobitisme. Que la miséricorde de Dieu et notre bénédiction soient avec vous! » Suivant le conseil du patriarche, le saint, avec la bénédiction du métropolite Alexis, introduisit la vie commune intégrale dans son monastère. Il construisit les bâtiments nécessaires, définit les devoirs propres à cette vie, et ordonna que toute chose soit commune, interdisant d’avoir sa propriété ou d’appeler quelque chose «sien». Le nombre des disciples s’accrut alors et l’abondance régna au monastère. On introduisit l’hospitalité, on nourrit les pauvres et on donna l’aumône à ceux qui le demandaient. Saint Serge s’était soumis à ce conseil du patriarche par esprit d’obéissance. Bien qu’il demeurât amant de la solitude, il accepta d’assumer cette forme plus rigide de direction, sans cesser pourtant d’être un père et un éducateur plutôt qu’un administrateur. Mais il devait bientôt subir de cruelles épreuves. Un samedi, le saint se trouvait dans le sanctuaire, célébrant les vêpres. Son frère, revenu au monastère, demanda au canonarque: «Qui t’a donné ce livre ?» «L’higoumène», répondit celui-ci. «Qui est higoumène ici ?» répondit à son tour Etienne, avec colère. «N’ai-je pas fondé ce lieu en premier ?» A ceci, il ajouta de violentes paroles. Le saint entendait tout cela dans le sanctuaire, et il comprit que cette manifestation de mécontentement était dûe en fait au nouvel ordre qui régnait dans le monastère. Mécontents du cénobitisme, certains quittèrent en secret le monastère, et d’autres souhaitaient ne plus avoir Serge pour higoumène. Le saint, laissant ceux qui voulaient vivre selon leur volonté face à leur conscience, ne rentra même pas dans sa cellule, mais s’éloigna du monastère. Les meilleurs moines étaient inquiets, mais pensaient encore que Serge reviendrait. Toutefois, leur attente fut déçue. Le saint s’installa à Kirjatch. Sur la demande de certains, saint Alexis dépêcha une délégation auprès de saint Serge,afin qu’il revînt au monastère où il était si utile. Mais saint Alexis, sentant sa mort prochaine, souhaitait trouver en la personne de Serge son successeur. Il le fit venir chez, lui fit cadeau de sa croix épiscopale. Mais saint Serge, par humilité, la refusa en disant: «Pardonne-moi, Seigneur, mais depuis mon enfance je n’ai jamais porté d’or et maintenant, je souhaite d’autant plus rester dans le dépouillement». «Je le sais, bien-aimé, mais accepte par obéissance!» répondit Alexis. Ce faisant, il lui passa la croix autour du cou et lui annonça qu’il le désignait comme son successeur. «Pardonne-moi, vénéré pasteur, mais tu veux me charger d’un fardeau qui dépasse mes forces. Tu ne trouveras pas en moi ce que tu cherches. Je suis le plus pécheur et le pire de tous.»
Lorsque les hordes tatares déferlèrent sur la terre russe, et alors que la population était effrayée, le grand Duc Dimitri Ioannovitch, qui avait une grande foi en saint Serge, lui demanda s’il devait entrer en guerre contre les impies Tatares. Le saint bénit le grand Duc pour entrer en guerre et lui dit: «Avec l’aide de Dieu, tu seras victorieux et tu sortiras de la bataille sain et sauf et couvert d’honneurs.». Au moment de la bataille de Koulikovo*, le saint était en prière avec ses frères et parlait du déroulement heureux des combats. Il citait même les noms de ceux qui tombaient, faisant une prière pour eux. Conformément à la prédiction de saint Serge, le grand Duc remporta la célèbre victoire de Koulikovo, qui constituait le début de la délivrance du joug tatare.
Une nuit, alors que saint Serge chantait l’Acathiste à la Mère de Dieu et lui adressait de ferventes prières pour le monastère devant son icône, il s’interrompit un instant pour dire à son disciple Michée: «Sois vigilant, mon enfant, car nous allons recevoir une visite miraculeuse!» A peine avait-il prononcé ces paroles qu’il entendit une voix: «La Très Pure arrive! » Il se précipita à l’entrée de sa cellule et, soudain, une lumière inhabituelle l’entoura, plus éclatante encore que le soleil. Il vit la Très Sainte Mère de Dieu, accompagnée des Apôtres Pierre et Jean, rayonnante d’une gloire indescriptible. Le saint se prosterna à terre, mais la Mère de Dieu le toucha de sa main et dit: «Ne crains point, mon élu! Je suis venue te visiter, car j’ai entendu ta prière pour tes disciples et pour ce lieu. Dorénavant je ne quitterai pas ton monastère, durant ta vie comme après ta mort, et je le protégerai». Après cela, le saint resta sans sommeil toute la nuit, méditant avec piété sur la miséricorde céleste.
Six mois avant son trépas, le saint, appelant sa communauté, la recommanda à Nicon, et se consacra lui-même à la solitude et à la prière. En septembre, il pressentit la maladie, appela de nouveau les frères et leur donna à tous ses dernières instructions. Il mourut le 25 septembre 1391, à l’âge de 78 ans.

* Bataille décisive pour la Russie, que l’on peut comparer à la bataille de Poitiers en France.

Macaire, moine de Simonos Petras

« Le Synaxaire. Vies des Saints de l’Eglise Orthodoxe »
Editions « To Perivoli tis Panaghias », S. M. Simonos Petras, Mont Athos

SAINT NECTAIRE D’EGINE: HYMNE A L’AMOUR DIVIN

24 septembre, 2013

http://www.orthodoxa.org/FR/orthodoxie/spiritualite/hymneStNectaire.htm

SAINT NECTAIRE D’EGINE: HYMNE A L’AMOUR DIVIN

L’Eros (nous employons le mot éros dans le sens des Pères. C’est l’amour opérant, dynamique, qui propulse l’âme sortie d’elle-même, vers Dieu) divin, c’est l’amour parfait pour Dieu, manifesté comme désir insatiable du divin. L’éros divin naît dans le cœur purifié où habite la grâce divine.
L’éros pour Dieu est un don divin. Il est offert à l’âme innocente par la grâce divine qui la visite et se révèle à elle.
L’éros divin ne se lève chez personne sans une révélation divine. L’âme, qui n’a pas reçu de révélation, n’est pas sous l’influence de la grâce et demeure insensible à l’amour divin.
Les amants du divin ont été poussés vers l’amour divin par la grâce de Dieu, révélée à l’âme et qui agit dans le cœur purifié. C’est elle qui les a attirés vers Dieu.
Celui qui s’est épris de Dieu a d’abord été aimé de Dieu. Ce n’est qu’ensuite qu’il a aimé le divin.
L’amant du divin est devenu avant fils de l’amour, ensuite il a aimé le Père Céleste.
Le cœur de celui qui aime le Seigneur ne sommeille jamais ; il veille à cause de l’intensité de son amour.
Si l’homme dort par nécessité de sa nature, le cœur, lui, veille pour la louange de Dieu.
L’âme blessée par l’éros divin ne cherche plus rien en dehors du Bien Suprême; elle se détourne de tout, éprouve pour tout de l’indifférence.
L’âme, éprise de Dieu, se délecte des paroles de Dieu et passe son temps dans Ses tabernacles.
Elle élève la voix pour raconter les merveilles de Dieu et quand elle conserve, elle parle de Sa gloire et de Sa majesté.
Elle chante Dieu et Le loue sans cesse.
Elle Le sert avec zèle.
L’éros divin s’empare de toute cette âme, la change et se l’approprie.
L’âme, amoureuse de Dieu, a connu le divin et cette connaissance a enflammé son divin éros.
L’âme, amoureuse de Dieu, est bienheureuse, car elle a rencontré le Juge divin qui a comblé ses désirs.
Tout désir, toute affection, tout élan étranger à l’amour divin, elle le rejette loin d’elle, comme méprisable et indigne d’elle.
O combien l’amour du divin, porté par l’amour de Dieu, élève dans les airs l’âme amoureuse de Dieu ! Cet amour, telle une nuée légère, s’empare de l’âme et la transporte vers la source éternelle de l’amour, vers l’amour intarissable et la remplit de la lumière éternelle.
L’âme, blessée par l’éros divin, se réjouit en tout temps. Elle est dans l’allégresse, elle tressaille de joie, elle danse, car elle se trouve reposer dans l’amour du Seigneur comme sur une eau tranquille.
Rien de ce qui afflige en ce monde ne peut venir troubler sa quiétude et sa paix, rien de triste ne peut ôter sa joie et son allégresse.
L’amour enlève dans les airs l’âme amante du divin. Etonnée, elle se voit séparée de ses sens corporels, de son corps lui-même. En se livrant totalement à Dieu, elle s’oublie elle-même.
L’éros divin procure la familiarité avec Dieu ; la familiarité procure l’audace, l’audace le goût et le goût la faim.
L’âme, touchée par l’éros divin, ne peut plus penser à autre chose, ni rien désirer.
Elle soupire sans cesse et dit : « Seigneur, quand irai-je à Toi et quand verrai-je ta face ? Mon âme désire aller à Toi, ô Dieu, comme la biche soupire après les courants d’eau. »
Tel est l’éros divin qui fait de l’âme une captive.

O amour, véritable et constant !
O amour, ressemblance de l’image divine !
O amour, douce jouissance de mon âme !
O amour, divine plénitude de mon cœur !
O amour, méditation incessante de mon esprit!

Tu possèdes toujours mon âme, tu l’entoures de prévenances et de chaleur.
Tu la vivifies et tu l’élèves jusqu’à la divine affection.
Tu remplis mon cœur et le fais brûler d’amour divin, tu ranimes mon désir du Juge Suprême.
Par ta puissance vivifiante tu fortifies la force de mon âme ; tu la rends capable d’offrir à l’amour divin le culte qui lui revient.

Tu t’empares de mon esprit et le délivres de ses liens terrestres.
Tu le libères pour qu’il monte sans obstacle jusqu’à l’amour divin dans les cieux.
Tu es le trésor le plus précieux des fidèles, le don le plus. honorable des charismes divins.
Tu es l’éclat déiforme de mon âme et de mon cœur.
Tu es celui qui fait des fidèles des fils de Dieu.
Tu es la parure des croyants et tu honores tes amis.
Tu es le seul bien permanent, car tu es éternel.
Tu es le vêtement de beauté des amis de Dieu, qui se présentent ainsi vêtus devant l’amour divin.
Tu es les agréables délices, car tu es le fruit du Saint-Esprit.
Tu introduis les fidèles sanctifiés dans le royaume des cieux
Tu es le parfum suave des croyants.

Par toi, les fidèles communient au paradis des délices.
Par toi, la lumière du soleil spirituel se lève dans l’âme.
Par toi, s’ouvrent les yeux spirituels des croyants.
Par toi, les croyants participent à la gloire divine et à la vie éternelle.
Par toi, naît en nous le désir des cieux.

C’est toi qui rétablis le royaume de Dieu sur la terre.
C’est toi qui répands la paix sur les hommes.
C’est toi qui fais que la terre ressemble aux cieux.
C’est toi qui unis les hommes aux anges.
C’est toi qui fais monter nos chants harmonieux vers Dieu.
C’est toi qui, en tout, es vainqueur.
C’est toi qui es au-dessus de toute chose.
C’est toi qui en vérité gouvernes l’univers.
C’est toi qui diriges avec sagesse le monde.
C’est toi qui portes et conserves le tout.

TOI, tu ne chutes jamais !

O amour, plénitude de mon cœur !
O amour, image très douce de Jésus le très doux.
O amour, emblème sacré des disciples du Seigneur.
O amour, symbole de Jésus le doux.
Blesse mon cœur par ton désir,
Remplis-le de biens et de bonté, et d’allégresse.
Fais de lui l’habitacle du très Saint Esprit.
Brûle-le tout entier par la flamme divine, afin que ses passions misérables consumées, il soit sanctifié et entraîné à ta louange incessante.

Remplis mon cœur de la douceur de ton amour, afin que je n’aime que Jésus le très doux, le Christ mon Seigneur et que je Lui chante l’hymne sans fin, de toute mon âme, de tout mon cœur, de toute ma force, de tout mon esprit. Amen !

L’ASSOMPTION DU CORPS ET DE LA VIERGE MARIE – PÈRE MATTA EL MASKINE

14 août, 2013

http://www.spiritualite-orthodoxe.net/vie-de-priere/index.php/livres-traduits-en-francais/la-communion-d-amour/dormition-assomption-vierge-marie

L’ASSOMPTION DU CORPS ET DE LA VIERGE MARIE

PÈRE MATTA EL MASKINE

CHAPITRE XVII DE LA COMMUNION D’AMOUR
ABBAYE DE BELLEFONTAINE

***
Ce jour  1 nous permet d’honorer le corps de la Vierge. L’assomption de son corps manifeste combien le ciel l’honore au plus haut point. Et la doctrine orthodoxe en ce qui concerne les honneurs rendus au corps des saints n’est pas une invention gratuite. Après le long entretien avec Dieu, au cours duquel Moïse avait reçu les commandements et toute la Loi, son visage rayonnait d’une telle lumière que les Israélites ne pouvaient le regarder en face. La lumière que reflétait son visage était une lumière divine, celle qui manifeste la présence de Dieu. Dieu était ainsi rendu visible sur le visage de Moïse, et c’est pourquoi le peuple pécheur ne pouvait regarder son visage, car le péché et Dieu ne peuvent se rencontrer face à face. Aussi Moïse portait-il un voile, voile dans lequel saint Paul voit un symbole de l’aveuglement spirituel du peuple2 .
Et saint Paul poursuit : Si le ministère de la Loi – qui conduit à la condamnation et à la mort – se traduisait par une telle gloire, visible aux yeux de chair, par un tel resplendissement du visage, combien le ministère de justice ne l’emporte t-il pas en gloire?
Nous appuyant sur cela, nous pouvons dire à propos de la Vierge, de son corps et de son visage :
Si le visage de Moïse, alors qu’il· avait reçu de simples paroles écrites par le doigt de Dieu, rayonnait pour manifester la gloire qu’avait revêtu son corps, combien plus grande la gloire qui a revêtu le corps de la Vierge alors qu’elle a reçu en son sein la Parole même de Dieu, la personne du Fils de Dieu, prenant chair de sa chair après la préparation opérée par l’Esprit Saint et alors que la puissance du Très-Haut la prenait entièrement sous son ombre, intérieurement et extérieurement. Quelle gloire a alors envahi le corps de la Vierge ! Ou, pour reprendre les paroles de l’apôtre Paul, si le ministère de condamnation, ministère reçu par Moïse avec la Loi, lui a conféré une gloire qui a rempli son corps humain d’une lumière divine, combien plus le ministère de justice confié à la Vierge par la descente de la Lumière véritable en son sein et son incarnation à partir de son corps !
Nous savons tous comment Dieu a mis fin à la vie de Moïse et l’a lui-même enterré sur le mont Nebo, loin de la vue de son peuple, de peur qu’ils ne s’égarent et n’en viennent à adorer son corps qui, semble-t-il, continuait à rayonner même après sa mort. C’est pourquoi le livre du Deutéronome dit de lui: personne ne connait l’emplacement de son tombeau jusqu’à ce jour3 .
D’autre part, l’Épître de Jude fait spécialement mention du corps de Moïse. Alors que l’archange Michel, luttant contre le diable, lui disputait le corps de Moïse, il lui dit : « Que le Seigneur te châtie ! »4 . On peut donc supposer que l’archange Michel avait été chargé de garder le corps ou de l’enlever au ciel et que, tandis que le diable essayait de le remettre à terre ou d’en révéler l’emplacement pour égarer le peuple, au cours de la lutte qui les opposait, l’archange invoqua l’aide du Seigneur, comme chef des armées célestes.
Si donc Dieu s’est personnellement chargé de l’ensevelissement de Moïse et a assigné à l’archange Michel la tâche de garder le corps – ou peut-être, selon la tradition juive, de l’enlever au ciel -, et cela parce que le corps de Moïse reflétait la lumière et la gloire de Dieu depuis qu’il s’était tenu en présence de Dieu pendant quarante jours et avait reçu les tables de la Loi, on ne peut dire que la coutume orthodoxe d’honorer les corps ne repose sur rien.
Combien plus encore Dieu et le Christ lui-même ont-ils pris soin du corps de la Vierge, après sa mort. Ce corps avait connu l’habitation permanente de l’Esprit Saint, la plénitude de la grâce; la puissance du Très-Haut l’avait pris sous son ombre et la Parole de Dieu avait résidé pendant neuf mois dans ses entrailles ! Assurément, aucun texte ne nous dit que le corps de la Vierge rayonnait de la lumière céleste, mais nous savons que c’est l’effet de la  » kénose » 5  que le Christ a choisie et qui a voilé la gloire de sa divinité. Pendant sa vie terrestre, le corps du Christ lui-même n’a pas rayonné cette lumière, sinon – pour peu de temps – au jour de la Transfiguration. Et pourtant, il était la Lumière véritable 6 , la Lumière du monde 7 , qui rayonne éternellement et pour tous,
Il est donc évident que le dessein de Dieu impliquait que la gloire du Christ soit voilée, et donc aussi celle de la Vierge, de peur que la foi au Christ ne se dévoie, que l’humiliation de la croix ne soit éclipsée et que la vénération de la Vierge ne devienne un culte, une apothéose qui ne conviennent qu’à Dieu.
Comme la mort de Moïse, celle de la Vierge devait être discrète. D’autant plus que, lorsqu’elle est survenue, l’Évangile s’était répandu et on proclamait déjà que le Christ était le Fils de Dieu, Dieu en toute vérité, né de la Vierge Marie. C’est pour cette raison que ni les évangiles, ni les épîtres ne mentionnent la dormition de la Vierge et que – pendant les trois premiers siècles – l’assomption de son corps n’a été connue que par une tradition secrète. Il ne fallait pas qu’elle retienne exagérément l’attention et que le culte dû à Dieu s’en trouve dévoyé.
Il a fallu que Dieu lui-même se charge de l’ensevelissement du corps de Moïse, parce qu’il rayonnait de la lumière divine, et c’est l’archange Michel qui en a reçu la garde. Nous ne devons donc pas nous étonner d’entendre la tradition dire que le Christ lui-même est venu, à la mort de la Vierge, recevoir son âme sainte et l’enlever au ciel. Quant à son corps, il a sans aucun doute été confié à la garde de l’archange Michel jusqu’à ce qu’il soit enlevé au ciel au temps fixé. Ainsi le corps de la Vierge, objet de l’attention du Père céleste depuis le moment de l’annonciation et réceptacle de la conception divine, n’a pas cessé d’être honoré jusqu’au moment où Dieu l’a enlevé tandis qu’il était entouré d’honneurs par les anges.
Notre vénération de l’assomption du corps de la Vierge fait partie intégrante de notre foi dans les réalités eschatologiques – celles qui ont trait à la vie qui vient. On sait bien que la résurrection des corps est le propre de l’œuvre du Christ dans le monde à venir. Et si l’assomption de la Vierge n’est pas, à strictement parler, un acte de résurrection, c’est un état de transfiguration où le corps a été transporté par les puissances angéliques, comme préparation d’une résurrection ultérieure, que celle-ci soit déjà accomplie maintenant ou reste à accomplir.
Le Nouveau Testament offre de nombreux exemples de transfigurations. C’est dans sa propre personne que le Christ a inauguré cette action eschatologique, dans la chair qu’il a prise de nous, sur la montagne de la Transfiguration, avec Pierre, Jean et Jacques, rendant son corps plus brillant que le soleil, prémices et prototype de ce que sera le nôtre lorsque sa rédemption sera complète. Depuis lors, l’humanité – et même la création toute entière – gémissent dans les douleurs de l’enfantement 8  .Et jusqu’à présent, nous attendons notre adoption en tant que fils, la rédemption de notre corps 9 . Toute la création, et non seulement nos corps, est appelée à être transfigurée. Les vêtements du Christ devenus étincelants10 , plus blancs que neige, indiquent clairement que le Christ est la Lumière du monde et de la création et que toutes les créatures recevront leur nouvelle forme du Christ qui vient.
La vénération des corps saints et lumineux est un acte eschatologique, c’est un prolongement dans le temps présent du jour de la Transfiguration, un acte de foi en la réalité de la vie future. Depuis le jour de la Transfiguration, le Christ n’a pas cessé de répandre sa lumière sur les corps et les visages des saints. Le désert de Scété en témoigne et a reçu une part abondante de la lumière céleste.
Sept pères éminents ont témoigné avoir vu saint Macaire le Grand rayonner de lumière dans l’obscurité de sa cellule. À l’heure de sa mort, les pères assis autour de saint Sisoës ont constaté que son visage resplendissait comme le soleil et que cette lumière allait en augmentant alors qu’il rendait le souffle. La lumière finit par devenir aussi éblouissante que l’éclair et la cellule fut remplie d’une odeur d’encens.
On rapporte encore que Dieu a donné un tel honneur à abba Pambo, qu’il était difficile de le regarder en face à cause du rayonnement qui émanait de lui: il paraissait un roi sur son trône.
Les disciples de saint Arsène, entrant à l’improviste dans la cellule où il se trouvait en prière, ont trouvé son corps lumineux, comme de feu.
On a également vu saint Joseph le Grand en prière, les mains levées : ses doigts semblaient dix langues de feu.
Ces exemples de visages et de corps illuminés – et d’autres encore – ne peuvent se comprendre que comme un prolongement de la Transfiguration du Christ à travers la Pentecôte, par la descente de l’Esprit Saint reposant sur les corps sous forme de langues de feu, pour les préparer à la transfiguration et à la résurrection à venir. La vénération des corps des saints, dans l’Orthodoxie, prolonge la joie communiquée à saint Pierre par la lumière qui rayonnait du Christ et qui lui avait fait dire avec foi, encore que de manière irréfléchie: Rabbi, il est bon pour nous d’être ici 11 .
Le Seigneur transfiguré est présent dans ses saints. Sa lumière et son Esprit Saint brillent dans leurs esprits et dans leurs corps. La sanctification se manifeste parfois, au-delà de l’âme et de l’esprit, dans le corps lui-même. Bien que le corps soit encore en ce monde, il n’est déjà plus de ce monde. Il se nourrit à la fois du pain terrestre et du pain céleste, il est illuminé à la fois par la lumière de ce monde et par la lumière céleste. N’est-ce pas la réponse à l’invitation de l’apôtre: Glorifiez donc Dieu dans votre corps 12 ?
En commémorant aujourd’hui l’assomption du corps de la Vierge, nous glorifions bien le Seigneur qui continue à être glorifié chaque jour dans ses saints : Que le nom de notre Seigneur Jésus soit glorifié en vous et vous en lui 13 .

Extrait de « La Communion d’Amour, Abbaye de Bellefontaine, SO 55 – 1992, 302 p. »
Traduction: Jacques Porthault et Père Wadid, St Macaire
Ce texte est reproduit ici par www.spiritualite-orthodoxe.net avec l’autorisation non cessible de l’ © Abbaye de Bellefontaine

Notes:
 1. Dans l’Église copte, la fête de l’Assomption du corps de la Vierge Marie se célèbre le 22 août. Les autres Églises orthodoxes fêtent la Dormition de la Mère de Dieu le 15 août (le 28, selon l’ancien calendrier utilisé par les églises de rite slavon)
 2. Cf 2 CO 3,7-18. Cité librement dans ce qui suit.
 3. DT 34, 6-7 : « Il l’enterra…. ».
 4. Jude 9, citant Za 3,2 qui vise une dispute au sujet du grand prêtre Yehoshua.
 5. Le mot kénose transcrit du grec traduit l’abaissement, l’anéantissement volontaire. Voir Ph 2,7 : Il se vida de lui-même.
 6. Jn 1,9.
 7. Jn 8,12.
 8. Rm 8,22.
 9. Rm 8,23.
 10. Mc 9,3.
 11. Mc 9,5.
 12.1 Co 6,20.
 13. 2 Th 1, 12.

LA CENTRALITÉ DE LA TRANSFIGURATION DANS LA SPIRITUALITÉ ORTHODOXE

5 août, 2013

http://www.orthodoxa.org/FR/orthodoxie/theologie/Transfiguration.htm

LA CENTRALITÉ DE LA TRANSFIGURATION DANS LA SPIRITUALITÉ ORTHODOXE

CONFÉRENCE PRONONCÉE PAR LE MÉTROPOLITE STEPHANOS DE TALLINN

lors de la XXXIe Rencontre Internationale et interconfessionnelle des Religieuses et des Religieux à Neuendettelsau – Allemagne du Sud le 16 juillet 2006

Quel est le sens de la Transfiguration, l’une des douze grandes fêtes de l’année liturgique et quelles en sont les conséquences pour la vie du monde, c’est à cela que je vais m’efforcer de vous répondre tout en espérant par avance votre indulgence.
Mon propos en effet ne sera jamais qu’un pâle reflet de la profondeur qui se dégage de cet immense mystère. Bien plus, pour pouvoir s’approcher de la lumière de la Transfiguration, il faut d’abord prendre la résolution de gravir son propre Thabor qui est le lieu du cœur libéré de toutes ses passions. Si en effet c’est l’Esprit Saint qui nous transfigure, qui fait naître, grandir et vivre le Christ en nous, alors il faut lui faire de la place en nous purifiant de tout ce qui peut faire obstacle au rayonnement de l’Amour divin. Rappelons-nous de ce que disait déjà le moine Pacôme au 4e siècle : « Dans la pureté de son cœur, l’homme voit le Dieu invisible comme dans un miroir ». La transfiguration intérieure, soulignait le Patriarche Bartholomée tout récemment, « exige un changement radical ou, pour utiliser le vocabulaire théologique, la metanoïa …Nous ne pouvons pas être transformés, si nous n’avons pas d’abord été purifiés de tout ce qui s’oppose à la transfiguration, si nous n’avons pas compris ce qui défigure le cœur humain ». (1) Sinon à quoi bon raisonner sur la nature de la grâce, si l’on ne ressent pas en soi son action ?
Avant d’aller plus loin, commençons par voir ce qu’il en est du temps, du moment où se passe l’événement de la Transfiguration.
Saint Nicodème l’Hagiorite, tout comme Eusèbe de Césarée et bien d’autres dans l’Eglise, est convaincu que la Transfiguration eut lieu quarante jours avant la Passion, autrement dit au mois de février et non pas en août comme c’est le cas maintenant et il reprend vertement Meletios d’Athènes, qui prétend que la Transfiguration eut lieu le 6 août, par ces termes : « il aurait dû appuyer ces dires par quelque témoin et non pas avancer des paroles non contrôlées et non soutenues par des témoignages » et il s’étonne de voir comment « il est possible de croire de telles allégations, qui sont dépourvues de témoignages et de vraies certitudes » ! (2)
Alors, pourquoi le 6 août et non pas au mois de février ? Certainement pour des raisons de pédagogie. Au mois de février en effet, nous tombons en pleine période de Carême, ce qui risque à cause du jeûne propre à ce temps liturgique d’atténuer l’éclat festif de cette solennité, laquelle met en évidence la joie des chrétiens pour la gloire future dont ils seront un jour revêtus. La fête est donc déplacée en août et non pas de façon fortuite : du 6 août au 14 septembre, jour de l’invention de la Sainte Croix, il y a quarante jours, tout comme il y a quarante jours entre la Transfiguration et la Passion du Christ. Il y a donc bien un lien réel entre le Thabor et le Golgotha.
« Ce syndrome du Thabor-Golgotha, écrit Kallistos Ware, se retrouve dans les textes liturgiques du 6 août. Ainsi les deux premiers stichères des grandes vêpres, qui décrivent le moment de la Transfiguration, commencent d’une manière signifiante par ces mots : avant ta Crucifixion,ô Seigneur !…Dans le même esprit, aux matines, le premier stichère des laudes débute par ces mots : avant ta précieuse Croix et ta Passion… Le lien entre la Transfiguration et la Crucifixion est souligné de la même manière dans le kondakion de la fête : Tu t’es transfiguré sur la montagne, Christ notre Dieu, laissant tes disciples contempler ta gloire autant qu’ils le pouvaient, de sorte que, te voyant crucifié, ils puisssent comprendre que ta souffrance était volontaire… Il convient donc que les disciples du Christ, au moment de la Crucifixion, se souviennent de la théophanie du Thabor et qu’ils comprennent que le Golgotha est également une théophanie. La Transfiguration et la Passion doivent être comprises dans les termes l’une de l’autre, et également bien sûr, dans les termes de la Résurrection » (3).
Thabor-Golgotha : tout est susceptible d’être transfiguré mais cela n’est possible qu’a travers la Croix, par laquelle la joie est donnée dans le monde entier. Gloire et souffrance, autrement dit kénose et sacrifice de la Croix d’une part et grande joie de la Transfiguration et de la Résurrection d’autre part, vont donc de pair : dans notre vie comme dans celle du Christ lui-même, Thabor et Golgotha – ces deux collines – constituent bien un seul et même mystère. Pour nous chrétiens, la leçon est claire : nous sommes présents avec le Christ dans la gloire du sommet de la montagne, nous sommes aussi présents avec lui à Gethsémani et au Golgotha. Et c’est bien de cela qu’il s’agit : toute notre espérance découle de cette grande certitude, que la Transfiguration conduit à la Croix et la Croix mène à la Résurrection.
Quand nous lisons l’Evangile, nous voyons que de cet événement il se dégage trois moments pour notre édification spirituelle : d’abord la montée, c’est-à-dire l’ascèse, la purification du coeur , la lutte contre les passions ; ensuite le repos, la joie, la contemplation de la présence de Dieu, la communion à Dieu ; et enfin, la redescente dans la plaine, dans le quotidien, dans la banalité de l’instant. Cette succession constitue la trame de notre existence selon que notre vie dans l’Eglise suit ce rythme comme une sorte de respiration liturgique et plus particulièrement lorsque nous nous préparons à la Divine Eucharistie. La Transfiguration a, en ce sens, un caractère eschatologique ; elle est, selon les mots de saint Basile, l’inauguration de la glorieuse parousie, du second Avènement du Christ.
Venez, gravissons la montagne du Seigneur jusque dans la maison de notre Dieu et contemplons la gloire de la Transfiguration, gloire que tient du Père le Fils unique de Dieu ; à sa lumière prenons la lumière ; puis, élevés par l’Esprit, nous chanterons dans tous les siècles la consubstantielle Trinité ( doxastikon de la litie ). Ainsi, d’ « abord nous montons, nous escaladons, nous gravissons le chemin ardu pour arriver aux pieds du Seigneur. Puis nous communions dans la vision de Dieu, dans la certitude de sa présence dans nos cœurs. Enfin, nous redescendons au bas de la montagne, pour y retrouver nos frères et sœurs et le monde entier qui ignore Dieu. Notre monde, en proie aux forces sataniques, livré au péché et aux ténèbres. Tout est lié. Si vraiment nous parvenons à entrer dans la plénitude de la Transfiguration, ce n’est pas pour la garder jalousement pour nous, pour notre propre rassasiement, pour notre propre satisfaction ni notre propre béatitude. C’est pour nous remplir de Dieu, nous remplir tellement de sa présence, de sa grâce, de son Esprit, de cet Esprit qui nous brûle comme un feu car l’Esprit Saint est feu ;… le feu qui ne se consume pas ou plutôt qui consume seulement nos impuretés et qui illumine et qui console et qui réjouit et qui fortifie les cœurs … Pour être les témoins de la grâce de Dieu dans le monde » (4).
Reste le plus important à commenter : le thème de la lumière du Thabor. Qu’est-ce que cette lumière qui irradie du Christ sur la montagne et les apôtres ? C’est, répondent les Pères de l’Eglise, la manifestation de la gloire de Dieu. « La lumière inaccessible et sans déclin qui a brillé sur le mont Thabor…est l’énergie divine. Comme telle, elle est la lumière une de la Sainte Trinité », écrit le Père Sophrony, un grand spirituel du XXe siècle.
Mais encore ? En ce jour sur le Thabor, le Christ, lumière qui a précédé le soleil, révèle mystiquement l’image de la Trinité, chantons-nous au cours des vêpres de la fête. Tout en étant trinitaire, la gloire de la Transfiguration est de même plus spécifiquement christique. La lumière incréée qui rayonne du Seigneur Jésus le révèle comme « vrai Dieu de vrai Dieu…, consubstantiel au Père », selon la formule du Credo :Lumière immuable, ô Verbe, proclame l’exapostilaire de la fête, Lumière du Père inengendré, dans ta lumière en ce jour au Thabor nous avons vu la lumière du Père, la lumière de l’Esprit qui éclaire le monde et ailleurs, dans laudes, …la voix du Père clairement te proclama son Fils bien-aimé partageant même trône et consubstantiel…Ce qui fera dire à Saint Jean Damascène : « le Christ a été transfiguré non pas en assumant ce qu’il n’était pas, mais en manifestant à ses disciples ce qu’il était, ouvrant leurs yeux ». Et saint André de Crète d’ajouter : « A cet instant, le Christ n’est pas devenu plus radieux ou plus exalté. Loin de là : il est resté ce qu’il était avant ». Aussi, selon Paul Evdokimov, « le récit évangélique ne parle pas de la transfiguration du Seigneur, mais de celle des apôtres ». La Transfiguration au Thabor ne fut pas celle du Christ, disent les Pères de l’Eglise, mais celle des apôtres par l’Esprit Saint.
Avant d’aller plus loin dans notre propos, il convient de préciser « qu’il n’y a pas de juxtaposition de l’humain et du divin en Christ, mais il y a irradiation de la divinité dans l’humanité du Christ, et cette humanité du Christ, qui nous englobe tous, nous communions plus directement avec elle dans les sacrements, c’est-à-dire, précise Olivier Clément, essentiellement dans le baptême et l’eucharistie (5). C’est une humanité déifiée et donc déifiante, la déification ne signifiant pas une évacuation de l’humain qui serait remplacé par le divin, mais justement une transfiguration, un accomplissement, une plénitude du divin : l’humanité du Christ est pénétrée, transfigurée, par la gloire dont l’imprègne l’Esprit Saint ; c’est un sôma pneumatikon, un «corps spirituel comme dit Paul, c’est-à-dire un corps pénétré par l’Esprit, par la vie divine, par le feu divin ; non pas un corps dématérialisé mais au contraire un corps pleinement vivifié. De la même manière, par le mystère de l’Eglise, la chair de la terre, assimilée par l’Esprit au corps glorieux du Christ, devient – selon Grégoire Palamas – pour les chrétiens une source intarissable de sanctification ».
La Transfiguration n’a pas été un phénomène circonscrit dans le temps et l’espace. Le Christ n’a pas changé à ce moment-là : ce sont les apôtres qui ont reçu pour un moment la faculté de voir le Christ tel qu’il était dans sa réalité la plus profonde, afin qu’ils comprennent la signification véritable de la Croix, disent les textes liturgiques et le texte de l’Evangile : Jésus s’entretenait avec Moïse et Elie de sa Passion. La gloire vient par la Croix et la Croix sera alors l’engloutissement de la mort dans la lumière.
C’est donc parce que les Apôtres ont changé qu’ils ont pu voir le changement, la transfiguration dans la forme divine du Christ ; non pas son essence divine, qui est inatteignable et que par conséquent ils n’auraient pas pu supporter mais ses énergies – en quelque sorte les rayons du soleil – par lesquelles, dans son amour infini, il sort éternellement de lui-même pour se rendre connaissable et visible. Par la lumière de Dieu les apôtres se sont trouvés pénétrés, illuminés ; ils ont pu se voir, voir Dieu et resplendir à leur tour puisque Dieu, selon Grégoire Palamas, s’est rendu visible non seulement à leur intellect (nous ) mais aussi à leurs sens corporels qui ont été « changés par la puissance de l’Esprit divin ». Accessible aux sens et à l’intellect, la lumière divine « transcende en même temps toutes les dimensions de notre condition de créatures, nos sens et notre intellect … L’homme peut donc contempler, avec ses yeux de chair transformés, la lumière du Christ, comme les disciples ont pu, de leurs yeux transfigurés, contempler la gloire du Christ sur le Mont Thabor » (6). Tout comme les apôtres il nous est possible à nous aussi de voir Dieu avec les sens du corps, non pas les sens ordinaires mais, redisons-le à nouveau, changés par la puissance de l’Esprit divin. Changement contenu, toujours selon Grégoire Palamas, dans « l’assomption même de notre nature par l’union avec le Verbe de Dieu ». C’est dans la mesure où nous sommes en Christ que l’humanité du Christ pénétrée par la lumière de l’Esprit se communique à notre humanité.
Ainsi, pour Grégoire Palamas, la lumière divine est une donnée pour l’expérience mystique ; c’est le caractère visible de la Divinité, des énergies dans lesquelles Dieu se communique et se révèle à ceux qui ont purifié leurs cœurs.
Palamas en effet s’est trouvé face au problème suivant : comment l’homme peut connaître Dieu tout en reconnaissant en même temps que Dieu est par nature inconnaissable ? Pour en rendre raison, il explique que Dieu est tout entier essence et tout entier énergie, imparticipable dans son essence mais en même temps participable dans ses énergies. L’énergie divine c’est donc le mode existentiel de Dieu dans lequel celui-ci se manifeste et se communique. L’énergie divine, c’est Dieu en tant qu’il sort de lui-même.
Pour Olivier Clément, il y a ici antinomie (7): « Dieu tout entier se manifeste et Dieu tout entier ne se manifeste pas ; tout entier il est conçu et tout entier il est inconcevable pour l’intelligence ; tout entier il est participé et tout entier il est imparticipable. Il y a participation à la vie divine et en même temps il y a transcendance totale et inaccessible de Dieu. Voilà ce que va tenter de cerner cette distinction de la suressence inaccessible et des énergies participables. Ce n’est pas une séparation. Cela ne veut pas dire … qu’en Dieu il y a une frontière infranchissable : d’un côté l’essence, de l’autre les énergies. Cela désignerait plutôt deux modes d’existence de Dieu : d’une part, Dieu dans son altérité inobjectivable, dans la profondeur inaccessible de son existence personnelle, qui est amour inépuisable, unitrinité, et d’autre part Dieu dans le don total qu’il fait de lui-même, dans la toute présence qu’il nous donne. Cette distinction ne met pas en cause l’unité de Dieu…Il ne faut pas dire que tout cela – l’essence et les énergies – est une seule chose, mais que tout cela appartient à un seul Dieu vivant… »
« L’homme a été créé en vue de la déification. Mais l’homme en tant que créature possède aussi sa consistance propre, il n’est pas de nature divine. Pour décrire le mystère de cette union de la personne humaine avec son Créateur, Palamas a écarté l’idée d’une union selon l’essence (kat’ousian ) qui s’applique seulement aux personnes trinitaires entre elles, tout comme celle d’une union selon l’hypostase ou la personne ((kath’ypostasin ) qui ne s’applique qu’à l’union des natures divine et humaine dans la personne du Christ. Le seul mode d’union avec Dieu possible pour la nature humaine est celui qui s’exerce selon la grâce (kata harin ), c’est-à-dire selon l’énergie, cette énergie divine étant répandue à travers l’Eglise par l’Esprit Saint. On voit en quoi l’Esprit joue un rôle éminent dans cette doctrine inséparablement théologique et spirituelle… » C’est seulement ainsi que l’homme deviendra alors de plus en plus homme à mesure qu’il passera de l’ auto-nomie de la déchéance à la théo-nomie libératrice, restaurant la communion perdue avec Dieu (8).
« Celui qui participe à l’énergie divine…devient lui-même, en quelque sorte, lumière ; il est uni à la lumière et avec la lumière il voit en pleine conscience tout ce qui reste caché à ceux qui n’ont pas cette grâce ; il surpasse ainsi non seulement les sens corporels, mais aussi tout ce qui peut être connu ( par l’intelligence ) car les cœurs purs voient Dieu (…) qui, étant la lumière habite en eux et se révèle à ceux qui l’aiment, à ses bien-aimés » (9). L’union à Dieu, la vision lumineuse est pour l’homme à la fois pleinement objective, pleinement consciente, pleinement personnelle parce que tout être humain porte en lui l’image du Créateur, de sa participation libre à la vie divine. « L’homme, écrit Cyrille d’Alexandrie, reçut dès l’origine le contrôle de ses désirs et pouvait suivre librement les inclinations de son choix parce que la Déité, dont il est l’image, est libre ». Ainsi, cette union ne se résout jamais en une intégration de la personne humaine dans l’Infini divin ; elle est au contraire l’accomplissement de sa destinée libre et personnelle. De là également l’insistance des spirituels byzantins sur la nécessité d’une rencontre personnelle avec le Christ, lieu où, par excellence, ont convergé une fois pour toutes l’expérience de l’homme par Dieu et celle de Dieu par l’homme. « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » proclame saint Paul.
La théologie de la lumière est donc inhérente à la spiritualité orthodoxe : l’une est impossible sans l’autre. Derrière cette doctrine, on trouve l’idée fondamentale de l’homme fait à l’image et à la ressemblance de Dieu, la Sainte Trinité. Le thème constant de saint Jean l’Evangéliste est l’union personnelle et organique entre Dieu et l’homme ; pour Saint Paul, nous venons de le voir, la vie chrétienne est avant tout vie en Christ. Le mystère de la Rédemption signifie donc la récapitulation de notre nature par le Christ, Nouvel Adam et dans le Christ. Le mystère de la Pentecôte nous rappelle que l’œuvre de notre déification s’accomplit en nous par le Saint Esprit, Donateur de la grâce, celle-ci n’étant pas considérée par les Pères grecs comme un effet créé ; elle est l’énergie même de la Divinité se communiquant dans l’Esprit Saint. « Tu es devenue belle, mon âme, en t’approchant de ma lumière ; ton approche a attiré sur toi la participation de Ma beauté. S’étant approchée de la lumière, écrit Grégoire de Nysse, l’âme devient lumière ». La double économie du Verbe et du Paraclet a pour but l’union des êtres créés avec Dieu. Ici cependant, Créateur et créature ne fusionnent pas en un seul être ; dans la théologie mystique orthodoxe, l’homme ne perd jamais sa propre intégrité. Même déifié il reste distinct mais non séparé de Dieu : l’homme déifié ne perd pas son libre arbitre mais c’est tout aussi librement, par amour, qu’il se conforme à la volonté de Dieu. L’homme ne devient pas Dieu par nature, mais il est seulement créé dieu, un dieu par grâce. L’Eglise Orthodoxe écarte de cette façon toute forme de panthéisme.
Pour saint Syméon le Nouveau Théologien (10) l’expérience de la lumière, qui est la vie spirituelle consciente ( gnosis ), révèle la présence de la grâce acquise par la personne. « Nous ne parlons pas des choses que nous ignorons, dit-il, mais de ce qui nous est connu nous rendons témoignage. Car la lumière brille déjà dans les ténèbres, dans la nuit et dans le jour, dans nos cœurs et dans nos esprits. Elle nous illumine, cette lumière sans déclin, sans changement, inaltérable, jamais éclipsée ; elle parle, elle agit, elle vit et elle vivifie, elle transforme en lumière ceux qu’elle illumine. Dieu est lumière et ceux qu’il rend dignes de le voir le voient comme lumière ; ceux qui l’ont reçu, l’ont reçu comme lumière. Car la lumière de sa gloire précède sa Face et il est impossible qu’Il apparaisse autrement que dans la lumière. Ceux qui n’ont pas vu cette lumière n’ont pas vu Dieu car Dieu est lumière. Ceux qui n’ont pas reçu cette lumière n’ont pas encore reçu la grâce car en recevant la grâce, on reçoit la lumière divine et Dieu… »
La fête de la Transfiguration nous rappelle ainsi que le mystère de la déification de l’homme ne peut se réaliser qu’à travers l’illumination de tout l’être, par laquelle Dieu se révèle. Ce n’est pas un état passager qui ravit, qui arrache pour un moment l’être humain à son expérience habituelle. C’est une vie pleinement consciente dans la lumière divine, dans la communion incessante avec Dieu.
Dieu en s’incarnant n’a pas seulement sanctifié l’humanité mais aussi le monde entier. Et le monde est inexorablement lié à l’homme comme « le lieu de Dieu » où se découvre la gloire de la Trinité à la racine même des choses. Pour cette raison, la vocation de l’homme consiste, dans sa liberté personnelle, à transcender l’univers non pas pour l’abandonner mais pour le contenir, lui dire son sens, lui permettre de correspondre à sa secrète sacramentalité, le « cultiver », lui parfaire sa beauté, bref le transfigurer et non pas le défigurer. La Bible, ne l’oublions pas, présente le monde comme un matériau qui doit aider l’homme à prendre historiquement conscience de sa liberté offerte par Dieu. C’est dans le monde que l’homme exprime sa liberté et qu’il se présente comme une existence personnelle devant Dieu (11). La conséquence en est que l’homme ne peut faire transparaître Dieu en soi-même sans faire transparaître Dieu dans le monde ou sans se faire transparent comme image de Dieu dans le monde.
Ainsi l’homme représente pour l’univers l’espoir de recevoir la grâce et de s’unir à Dieu car il n ’y a pas de discontinuité entre la chair du monde et celle de l’homme, l’univers est englobé dans la nature humaine. C’est aussi le risque de la déchéance et de l’échec dès lors que, détourné de Dieu, l’homme ne verra des choses que l’apparence, « la figure qui passe » ( 1 Cor 7,31 ) et leur donnera en conséquence un « faux nom ». Tout ce qui se passe en l’homme a bien une signification universelle et s’imprime sur l’univers. La révélation biblique nous place devant un anthropocentrisme résolu, « non pas physique mais spirituel puisque le destin de la personne humaine détermine le destin du cosmos » (12). L’univers ne connaît pas l’homme, mais l’homme connaît l’univers. L’homme a besoin de l’univers, mais l’univers a surtout besoin de l’homme. Autrement dit : l’homme se présente comme l’axe spirituel de tout le créé, de tous ses plans, de tous ses modes parce qu’il est le résumé de l’univers ( microcosme ) et l’image de Dieu ( microtheos ) et parce qu’enfin Dieu s’est fait homme pour s’unir au cosmos tout entier.
Les textes patristiques soutiennent très fréquemment l’idée que l’homme est un être de raison (logikos ) à cause précisément de sa création à l’image même de Dieu. C’est ce qu’affirme entre autres avec netteté saint Athanase le Grand lorsqu’il traite de ce sujet. De même nous pouvons comprendre que l’homme est créateur car il est à l’image par excellence de son Créateur. Il est aussi souverain car le Christ, à l’image duquel il a été créé, est le Seigneur et le Roi qui domine l’univers. Il est libre, car il est à l’image de la liberté absolue. Il est enfin responsable pour toute la création comme il en est et la conscience et par-dessus tout le prêtre puisqu’il a pour modèle le Christ, Grand Prêtre. Mais il ne suffit pas de dire que l’homme est microcosme parce qu’il récapitule en lui tout l’univers. Sa vraie grandeur réside dans le fait qu’il est « appelé à être Dieu », à devenir « Eglise mystique » puisqu’il est la jointure entre le divin et le terrestre et que de lui diffuse la grâce sur toute la création (13). C’est dire que la situation du cosmos, sa transparence ou son opacité, sa libération en Dieu ou son asservissement à la corruption et à la mort dépendent de l’attitude fondamentale de l’homme, de sa transparence ou de son opacité à la lumière divine et à la présence du prochain. C’est la capacité de communion de l’homme qui conditionne l’état de l’univers. Du moins initialement et maintenant en Christ, dans son Eglise.
« La Transfiguration est quelque chose qui concerne la cosmologie, qui concerne notre sentiment même de l’être des choses. L’être des choses est potentiellement sacramentel. Il y a une potentialité sacramentelle dans la matière, qui s’exprime dans la Transfiguration : le monde a été créé pour être transfiguré. Cette transfiguration, c’est l’homme qui doit l’accomplir ; en Christ qui est l’homme parfait, elle est accomplie mais elle est secrète, elle est enfouie, cachée dans la détresse de l’histoire, et le monde reste figé dans son opacité, par le péché et le refus des hommes. C’est pourquoi la création tout entière gémit dans les douleurs de l’enfantement du nouveau ciel et de la nouvelle terre. Il s’agit de faire monter à la surface du monde l’incandescence secrète. L’image employée ici par saint Maxime le Confesseur est justement l’image du buisson ardent. Le monde en Christ est secrètement, liturgiquement, sacramentellement, buisson ardent, et il s’agit – c’est cela la sanctification – de faire transparaître, à travers les visages et les regards, cette incandescence secrète » (14).
La Transfiguration devient ainsi la clef de l’histoire véritable, qui est l’histoire de la lumière, qui est l’histoire du feu, ce feu toujours présent mais qui a besoin pour tout embraser que des hommes se laissent consumer puisque le cœur de l’homme, quand il est touché par la lumière divine, devient le cœur du monde et communique la lumière, découvre les choses et les êtres dans leur vérité christique, c’est-à-dire dans la lumière de la Transfiguration : Selon Grégoire Palamas, « l’homme authentique, quand il prend comme chemin la lumière, s’élève ou plutôt est élevé sur les cimes éternelles ; il commence à contempler les réalités qui sont au-delà du monde, mais sans être séparé de la matière qui l’accompagne dès le début, car il ne s’élève pas sur les ailes imaginaires de son raisonnement, mais réellement, par la puissance indicible de l’Esprit » (15).
En fait, ce qu’il nous faut témoigner, c’est que le christianisme est la religion de la personne, de la communion, de la liberté, de la transfiguration non seulement de chaque être mais aussi de tout le cosmos. Nous ne sommes pas orphelins dans la prison indéfinie du monde : Dieu est la source d’une vie plus forte que la mort, la source de la joie qui vient à nous dans un immense mouvement d’incarnation : l’humain et le divin enfin s’unissent sans se confondre, le Christ est ressuscité. Toute notre existence est désormais déchiffrée à partir de la lumière qui jaillit du tombeau vide. Le néant n’existe pas : notre vérité d’homme, dès ici-bas, c’est bien la résurrection.
Aussi, pour celui qui acquiert l’amour, « les ténèbres se dissipent et la lumière véritable paraît déjà » ( Jn 1,8 ). La lumière divine apparaît ici-bas dans le monde, dans le temps. Elle se révèle dans l’histoire mais elle n’est pas de ce monde, c’est le commencement de la parousie dans les âmes saintes et sanctifiés, prémices de la manifestation finale lorsque Dieu apparaîtra dans sa lumière inaccessible à tous ceux qui demeurent dans les ténèbres des passions, à ceux qui vivent attachés aux biens périssables. A ceux-là, ce jour apparaîtra soudain, inattendu, comme le feu que l’on ne peut supporter. Ceux par contre qui marchent dans la lumière ne connaîtront pas le Jour du Seigneur, car ils sont toujours avec Dieu, en Dieu.

+Stephanos, Métropolite de Tallinn et de toute l’Estonie.

LE SENS DE LA TRANSFIGURATION – HOMÉLIE PAR S.B. PATRIARCHE DANIEL

5 août, 2013

http://www.spiritualite-orthodoxe.net/transfiguration_christ_orthodoxie.html

La Transfiguration de Jésus, selon l’Eglise orthodoxe: la matière est transfigurée dans le Royaume de Dieu, elle est transformée, atténuée, spiritualisée – 6 août, fête fixe- l’enseignement par une homélie du Patriarche Daniel, Primat de l’Église Orthodoxe Roumaine.

LE SENS DE LA TRANSFIGURATION

HOMÉLIE PAR S.B. PATRIARCHE DANIEL

Le Nouvel Adam, par l’obéissance jusqu’à la mort, une mort jusque sur la Croix, a montré au monde la gloire à laquelle est appelé l’homme créé à l’image de Dieu glorieux et éternel.

Transfiguration du Christ
La Transfiguration de Jésus-Christ, notre Sauveur, selon la compréhension des Saints Pères de l’Église, nous montre non seulement la gloire de Sa Résurrection des morts le troisième jour, mais aussi la gloire avec laquelle Il vient pour juger les vivants et les morts à la fin des temps. C’est pourquoi la fête est célébrée au cours du dernier mois de l’année de l’Église, car l’année liturgique se termine le 31 août et commence le 1 septembre.
Le dernier mois de l’année ecclésiastique relate les choses suprêmes avant la parousie du Seigneur à la fin du monde. Cette fête a été prévue le sixième jour, pas le septième, puisque l’homme a été créé le sixième jour. Si dans le Paradis Adam avait obéi à Dieu et n’avait pas péché, il aurait atteint la gloire du Royaume de Dieu.
Le Nouvel Adam, par l’obéissance jusqu’à la mort, une mort jusque sur la Croix, a montré au monde la gloire à laquelle est appelé l’homme créé à l’image de Dieu glorieux et éternel.

La Transfiguration est un moment prophétique elle-même.
Transfiguration du Christ
La Transfiguration est en elle-même un moment prophétique . Elle nous montre dès maintenant la gloire du Royaume des Cieux quand ceux qui auront cru en Christ et l’auront aimé atteindront la gloire de la Très Sainte Trinité. C’est le but de l’Église.
La Transfiguration du Seigneur nous montre l’avenir suprême pour ceux qui croient en Christ: la gloire et la joie du Royaume des Cieux. C’est pourquoi l’icône Orthodoxe nous montre les saints avec un halo de lumière ou sur un fond d’or, pour nous montrer qu’ils sont déjà dans le Royaume des Cieux où ils nous attendent, priant pour nous afin que nous atteignions la gloire du Royaume des cieux.
Pourquoi les églises sont-elles construites dans un endroit élevé?
Ayant appris de cette Transfiguration sainte de notre Sauveur Jésus Christ, que la Loi et les Prophètes sont rassemblés en Lui et que les Apôtres voient en Jésus Christ l’avenir de ceux qui croient en Dieu et l’aiment, mais aussi puisque le Christ a été crucifié sur la Montagne de Golgotha, il a été décidé que les églises devraient toujours être construites dans un lieu haut placé.
Il a été transfiguré sur une montagne et Il s’est élevé aux Cieux du Mont des Oliviers. Ainsi, il faut monter vers l’Église et non pas en descendre. L’Église est un Tabor, une colline du Golgotha, aussi bien que la montagne de la rançon pour l’échange de notre vie coupable contre la vie sainte lumineuse.
La matière est transfigurée dans le Royaume de Dieu.
Pourquoi les quatre Évangiles ne nous disent jamais rien de la couleur de la peau et des cheveux de notre Sauveur Jésus-Christ. Aucun Évangile ne nous dit à quoi le visage de Jésus-Christ ressemblait, en tant qu’homme, ou quelle était la couleur de ses cheveux. Pourquoi ? Parce que le visage de l’homme vivant sur la terre change, il est provisoire, pour qu’il soit transformé au Royaume des Cieux.
Le seul passage où les Évangiles disent comment est le visage du Christ, est le moment de la Transfiguration, car il est comme nous le verrons dans l’éternité, dans la gloire, à savoir que la matière devient intérieure à l’esprit, alors que maintenant l’esprit est caché dans la matière.
La matière est transfigurée dans le Royaume de Dieu: elle est transformée, atténuée, spiritualisée, dès lors que l’esprit ou l’âme lumineuse règne sur le corps. Ainsi, la Transfiguration de Jésus Christ, notre Sauveur, nous montre Son visage Éternel qui nous appelle à Lui..

Par le Primat de l’Église Orthodoxe roumaine, le Patriarche Daniel. Homélie de la Transfiguration, 6 août 2012.© Traduit de l’anglais au français par Spiritualité Orthodoxe.

PRIER LE DIEU VIVANT … – Métropolite Antoine Bloom

4 juillet, 2013

http://www.meditation-chretienne.org/meditation_priere_bloom.htm

PRIER LE DIEU VIVANT …

EXTRAIT DU LIVRE D’ANTOINE BLOOM « PRIÈRE VIVANTE »

« Nous devons apprendre à nous tenir dans la présence
du Seigneur invisible comme nous le ferions
face au Seigneur présent dans sa chair. »

Métropolite Antoine Bloom

Pour moi prier c’est entrer en relation avec Quelqu’un. D’abord incroyant, j’ai découvert Dieu un beaujour et il m’est apparu immédiatement comme la valeur suprême et la signification plénière de la vie, mais en même temps comme une personne. Je pense que la prière ne peut avoir aucun sens pour celui qui n’a personne à prier.
On ne peut apprendre à prier à celui qui n’a pas le sens du Dieu vivant ; on peut lui apprendre à se comporter comme s’il croyait, mais ce ne sera pas cette attitude spontanée qu’est la véritable prière. Voilà pourquoi, en introduction à ce livre sur la prière, je voudrais dire ma certitude de la réalité personnelle d’un Dieu avec qui on peut entrer en relation. Je demande donc à mon lecteur de traiter Dieu comme un proche, comme quelqu’un, et d’attacher à cette connaissance. la même valeur que celle qu’il attache à sa relation avec un frère ou un ami. Pour moi cela est essentiel.
L’une des raisons pour lesquelles la prière communautaire ou personnelle nous paraît si morne ou si conventionnelle est qu’il y manque trop souvent l’acte même de prier qui naît dans le cœur en communion avec Dieu. Toute expression, qu’elle soit verbale ou gestuelle, peut aider, mais ce n’est que l’expression de l’essentiel à savoir le profond silence de la communion.
Tous nous savons bien que, dans nos relations humaines, amour et amitié n’atteignent leur profondeur que lorsque nous pouvons demeurer en silence avec l’autre.
Tant que l’on a besoin de parier pour garder le contact, on peut présumer à coup sûr, et avec tristesse, que la relation est encore superficielle ; aussi, si nous voulons prier Dieu, devons-nous apprendre avant tout à nous sentir bien, dans le silence, auprès de lui. C’est là chose plus aisée qu’on ne le penserait d’abord ; il y faut un peu de temps, de la confiance et le courage de l’y mettre.
Le curé d’Ars demandait un jour à un vieux paysan ce qu’il faisait, assis durant des heures dans l’église, apparemment sans prier ; le paysan répondit : « Je l’avise et il m’avise et nous sommes heureux ensemble. » Cet homme avait appris à parler à Dieu sans briser par des mots le silence de l’intimité. Si nous sommes capables de cela, nous pouvons utiliser n’importe quelle forme de prière. Mais si nous essayons de créer la prière à partir des mots dont nous nous servons, nousbdeviendrons désespérément las de ces mots, car à moins qu’ils n’aient la profondeur du silence, ils sont superficiels et fastidieux.
Mais comme les mots peuvent être source d’inspiration dès lors qu’ils sont authentifiés par le silence et pénétrés de l’esprit qui convient :
« Seigneur, ouvre mes lèvres, et ma bouche publiera ta louange. » (Ps 51, 17).
(…) Nous devons apprendre à nous tenir dans la présence du Seigneur invisible comme nous le ferions face au Seigneur présent dans sa chair.
Ceci implique d’abord une attitude d’esprit, puis sa traduction corporelle. Si le Christ était là devant nous, et que nous nous tenions totalement transparents à son regard, aussi bien dans l’esprit que par le corps, nous éprouverions révérence, crainte de Dieu, adoration, ou peut-être terreur, mais en tout cas nous ne nous montrerions pas aussi détendus dans notre comportement.
Le monde moderne a pour une bonne part perdu le sens de la prière, et les attitudes physiques sont devenue tout à fait secondaires dans l’esprit des gens, alors qu’elles sont rien moins que telles Nous oublions que nous ne sommes pas une âme habitant un corps, mais un être humain, fait de corps et d’âme, et que nous sommes appelés, selon saint Paul, à glorifier Dieu dans notre esprit et dans notre corps ; nos corps aussi bien que nos âmes seront appelés à la gloire du royaume de Dieu (Co 6. 20).
Trop souvent, la prière n’a pas dans nos vies une importance telle que tout le reste doive s’effacer pour lui faire place. La prière vient en plus de beaucoup d’autres choses ; nous désirons la présence de Dieu, non parce qu’il n’y aurait aucune vie sans lui, non parce qu’il serait la valeur suprême, mais parce que ce serait bien agréable, outre tous les dons que nous recevons de Dieu, d’avoir aussi sa présence. Il fait nombre avec nos besoins, et quand nous le recherchons dans cet esprit-là, nous ne le rencontrons pas.
(…)Les premiers Pères et toute la tradition orthodoxe nous enseignent que nous devons nous concentrer, par un effort de volonté, sur les mots de la prière que nous prononçons. Nous devons articuler attentivement les mots, objectivement, sans chercher à créer une sorte d’état émotionnel, et nous devons laisser à Dieu le soin d’éveiller en nous la réaction dont nous sommes capables.
Saint Jean Climaque nous indique une façon simple d’apprendre à nous concentrer. Il nous dît : choisissez une prière, que ce soit le Notre Père ou toute autre, mettez-vous en présence de Dieu, prenez conscience de l’endroit où vous êtes et de ce que vous êtes en train de faire, et prononcez attentivement les mots de la prière.
Après un certain temps, vous vous apercevrez que vos pensées se sont mises à errer ; recommencez alors la prière aux derniers mots, à la dernière phrase que vous avez prononcés avec attention. Vous aurez peut-être à faire cela dix, vingt ou cinquante fois ; il se pourrait que dans le laps de temps fixé pour votre prière, vous ne prononciez que trois phrases, trois demandes, et soyez incapables d’aller plus loin ; mais dans ce combat vous aurez réussi à vous concentrer sur les mots, de sorte que vous apportez à Dieu, sérieusement, sobrement, respectueusement, des paroles de prière dont vous êtes conscients et non une offrande qui ne serait pas vôtre parce qu’elle ne serait plus consciente.
Jean Climaque nous conseille aussi de lire la prière de notre choix sans hâte, sur un mode monotone, assez lentement pour avoir le temps de porter attention aux mots mais pas au point d’en faire un exercice ennuyeux et de ne ïamais y chercher une expérience affective car notre but est d’établir une relation avec Dieu. Lorsque nous nous approchons de Dieu, nous ne devrions jamais faire du sentiment ; pour prier il faut se mettre en état de prière, le reste dépend de Dieu.
Dans cette sorte d’entraînement, un temps déterminé est réservé pour la prière, et si la prière est attentive, la durée que vous vous êtes fixée importe peu. Si, au contraire, vous vous étiez donné pour règle de lire trois pages, et qu’au bout d’une demi-heure vous vous aperceviez que vous en êtes toujours aux douze premiers mots vous éprouverez évidemment un sentiment de découragement ; c’est pourquoi, il vaut mieux fixer une règle de durée et s’y tenir. Vous savez de combien de temps vous disposez et vous avez le texte sur lequel vous désirez prier; si vous vous efforcez sérieusement, très vite vous vous apercevrez que votre attention devient docile, parce que l’attention est beaucoup plus dépendante de la volonté que nous ne l’imaginons, et lorsqu’il est absolument certain que, quelles que soient la tentatives d’échappatoire, ce sera vingt minutes et pas un quart d’heure, il ne reste plus qu’à persévérer.
Saint Jean Climaque a formé des douzaines de moines par cette formule toute simple : une limite de temps et une attention sans pitié, un point c’est tout.

Antoine Bloom
Prière vivante
Cerf

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