Archive pour la catégorie 'Orthodoxie'

SAINT SILOUANE ET LA MÈRE DE DIEU

27 avril, 2015

http://www.pagesorthodoxes.net/mere-de-dieu/md-silouane.htm

SAINT SILOUANE ET LA MÈRE DE DIEU

EXTRAIT DU LIVRE DE L’ARCHIMANDRITE SOPHRONY,
Starets Silouane, Moine du Mont Athos,
Éditions Présence, 1973.

Lorsque l’âme est toute pénétrée par l’amour de Dieu, oh ! comme tout est bon alors, comme tout est rempli de douceur et de joie ! Mais, même alors, on n’échappe pas aux afflictions, et plus grand est l’amour, plus grandes sont les afflictions. La Mère de Dieu n’a jamais péché, même par une seule pensée, et elle n’a jamais perdu la grâce, mais, elle aussi, eut à endurer de grandes afflictions. Quand elle se tenait au pied de la Croix, sa peine était vaste comme l’océan. Les douleurs de son âme étaient incomparablement plus grandes que celles d’Adam lorsqu’il fut chassé du Paradis, parce que son amour était, lui aussi, incomparablement plus grand que celui d’Adam. Et si elle resta en vie, c’est uniquement parce que la force du Seigneur la soutenait, car le Seigneur voulait qu’elle voie sa Résurrection, et qu’après son Ascension elle reste sur terre pour consoler et réjouir les Apôtres et le nouveau peuple chrétien.
Nous ne parvenons pas à la plénitude de l’amour de la Mère de Dieu, et c’est pourquoi nous ne pouvons pas non plus pleinement comprendre sa douleur. Son amour était parfait. Elle aimait immensément son Dieu et son Fils, mais elle aimait aussi d’un grand amour les hommes. Et que n’a-t-elle pas enduré lorsque ces hommes, qu’elle aimait tant et pour lesquels jusqu’à la fin elle voulait le salut, crucifièrent son Fils bien-aimé ?
Nous ne pouvons pas le comprendre, car notre amour pour Dieu et pour les hommes est trop faible.
Comme l’amour de la Mère de Dieu n’a pas de mesure et dépasse notre compréhension, de même sa douleur est immense et impénétrable pour nous.
Ô Vierge Toute-Pure, Mère de Dieu, dis-nous, à nous tes enfants, comment, lorsque tu vivais sur la terre, tu aimais ton Fils et ton Dieu. Comment ton esprit se réjouissait-il en Dieu, ton Sauveur ?
Comment regardais-tu son merveilleux Visage, à la pensée qu’il est celui que servent avec crainte et amour toutes les Puissances célestes ?
Dis-nous, que ressentait ton âme lorsque tu tenais dans tes bras l’Enfant divin ? Comment L’as-tu élevé ? Quelles furent les douleurs de ton âme lorsque avec Joseph tu le cherchas pendant trois jours à Jérusalem ? Quels tourments as-tu endurés lorsque le Seigneur fut livré à la crucifixion et mourut sur la Croix ?
Dis-nous quelle fut ta joie à la Résurrection, ou quelle langueur remplit ton âme après l’Ascension du Seigneur ?
Nos âmes désirent connaître ta vie avec le Seigneur sur la terre ; mais toi, tu n’as pas voulu mettre tout cela par écrit, et c’est dans le silence que tu as enveloppé ton secret.
J’ai vu de nombreux miracles et bien des gestes de tendresse de la part du Seigneur et de la Mère de Dieu, mais je ne puis rien donner en retour pour toute cette bonté.
Que pourrai-je donner à la Toute-Sainte Souveraine pour la remercier de n’avoir pas éprouvé d’aversion pour moi qui étais enfoncé dans le péché, mais de m’avoir visité et de m’avoir exhorté avec clémence ? Je ne l’ai pas vue, mais le Saint Esprit m’a donné de la reconnaître d’après ses paroles remplies de grâce. Mon esprit se réjouit et mon âme se tourne vers elle avec tant d’amour que la simple invocation de son nom est douce à mon coeur.
Un jour que j’écoutais à l’église la lecture des prophéties d’Isaïe, aux mots : Lavez-vous et vous serez purs (Is 1,16), il me vint la pensée :  » Peut-être la Mère de Dieu a-t-elle péché une fois, serait-ce en pensée.  » Et, chose étonnante, dans mon cœur, en même temps que la prière, une voix me dit clairement :  » La Mère de Dieu n’a jamais péché, même en pensée.  » Ainsi, dans mon cœur, l’Esprit Saint témoignait de sa pureté. Mais, durant sa vie terrestre, elle gardai, elle aussi, une certaine implénitude et était sujette à des erreurs, mais non à des péchés. On peut le voir dans l’Évangile, lorsque, revenant de Jérusalem, elle ne savait pas où était son Fils et le chercha avec Joseph pendant trois jours (Lc 2, 44-46).
Mon âme est dans la crainte et dans le tremblement lorsque je songe à la Gloire de la Mère de Dieu. Mon intelligence est insuffisante, mon coeur est pauvre et faible, mais mon âme est dans la joie et désire écrire à son sujet au moins quelques mots. Mon âme craint une telle entreprise, mais l’amour me presse à ne pas cacher ma reconnaissance pour sa miséricorde.
La Mère de Dieu n’a pas mis par écrit ses pensées, ni son amour pour son Dieu et son Fils, ni les douleurs de son âme au moment de la Crucifixion, car nous n’aurions de toute façon pas pu les comprendre. Son amour pour Dieu est en effet plus fort et plus ardent que l’amour des Séraphins et des Chérubins ; et toutes les Puissances célestes des Anges et des Archanges sont frappées d’étonnement à son sujet.
Bien que la vie de la Mère de Dieu soit comme voilée par un silence sacré, le Seigneur de notre Église orthodoxe nous a cependant donné de savoir que son amour embrasse le monde entier, que, dans l’Esprit Saint, elle voit tous les peuples de la terre et que, tout comme son Fils, elle a de la compassion pour tous les hommes.
Oh ! si nous pouvions savoir comme la Toute-Sainte aime ceux qui gardent les commandements du Christ, et comme elle a compassion et souffre pour ceux qui ne se corrigent pas ! J’en ai fait l’expérience moi-même. Je ne mens pas, je parle devant la Face du Dieu que mon âme connaît : en esprit, je connais la Vierge Toute-Pure. Je ne l’ai pas vue, mais le Saint Esprit m’a donné de la connaître ainsi que son amour pour nous. Sans sa miséricorde, il y a longtemps que j’aurais péri ; mais elle voulut me visiter et m’exhorter à ne plus pécher. Elle me dit :  » Je n’aime pas voir ce que tu fais.  » Ses paroles étaient calmes et douces, mais elles agirent avec force sur mon âme. Plus de quarante ans ont passé depuis, mais mon âme ne peut oublier ces paroles remplies de douceur. Je ne sais pas ce que je donnerai en retour pour son amour envers moi et comment je pourrai remercier la Mère du Seigneur.
Elle est, en vérité, notre protectrice auprès de Dieu, et son nom suffit pour réjouir l’âme. Mais tout le Ciel et toute la terre se réjouissent de son amour.
Merveille incompréhensible ! Elle vit aux Cieux et contemple constamment la Gloire de Dieu, nais elle n’oublie cependant pas les pauvres que nous sommes et couvre de sa protection tous les peuples de la terre.
C’est sa Mère Très-Pure que le Seigneur nous a donnée. Elle est notre joie et notre espérance. Elle est notre mère selon l’esprit, et elle est proche de nous selon la nature, comme être humain ; et toute âme chrétienne s’élance vers elle avec amour.

A PROPOS DE LA PAIX INTERIEURE

9 avril, 2015

http://www.orthodoxa.org/FR/orthodoxie/spiritualite/diakrisis2.htm

A PROPOS DE LA PAIX INTERIEURE

Par P. Victor (Higoumène du monastère de La Faurie -F-)

Nous connaissons la parole de saint Séraphin,  » acquiers d’abord la paix intérieure et beaucoup trouveront le repos auprès de toi ». Parole importante aujourd’hui car nous sommes dans une société d’activisme et de consommation. Nous avons de la bonne volonté, de la générosité, mais nous voulons surtout faire. Or l’important, c’est peut-être d’abord d’être.
Interrogeons-nous donc sur cet état de paix intérieure. Nous connaissons habituellement deux sortes de paix: d’abord l’absence de guerres au niveau des états, de conflits au niveau des hommes, -ce qui est bien sûr très positif et aussi, cette attitude tout à fait négative où l’on ne veut pas être dérangé, perturbé. « Fichez-nous la paix, laissez-­nous tranquille » ! Mais il y a une troisième sorte de paix « qui n’est pas une absence de guerres, mais une vertu qui naît de la force de l’âme ». Et c’est un philosophe, Spinoza, qui nous la définit si bien. Une vertu : « Je vous donne ma paix, je vous laisse ma paix, non comme le monde la donne », proclame l’Evangile, confirmant que la paix que nous devons chercher doit s’établir au dedans de nous et procède de « Dieu, le père des lumières ». « Pour la paix qui vient d’en haut et le salut de nos âmes, demande la liturgie de saint jean Chrysostome, prions le Seigneur ».
Cette paix qui vient d’en haut et qui prend possession du cœur humain est bien sûr un don de la Grâce, niais ce qui dépend de nous sera notre disponibilité à la recevoir. C’est cela la synergie, rencontre entre l’effort de l’homme et la Grâce divine : « Dieu qui travaille et l’homme qui transpire », dira-t-on plaisamment. Or cette paix intérieure, qu’est-ce qui, en nous, y fait obstacle ?
Si nous nous penchons vers les pères, comme saint Grégoire de Nysse par exemple, nous y découvrirons que cette paix du cœur, nécessaire à la réception de l’Esprit, est essentiellement troublée par nos pensées. La pensée reste un phénomène ambigu, antinomique, car d’une part elle est bien la marque de Dieu dans l’homme, mais en même temps, elle est ce qui l’en sépare.
Quand nous voulons nous mettre en prière, par exemple, feront alors irruption en nous deux sortes de pensées : phantasmata et logismos qui manifestent des tentations bien définies et demandent chacune un combat spécifique.
« Phantasmata » d’abord, du grec « image sans consistance ». Ce sont des perturbations, des distractions qui viennent nous disperser l’attention. Apparaissent alors un souvenir, un souci, une image …des pensées parasitaires qui, à la limite, nous donnent la pénible impression que « ça pense en nous ».
Mais plus subtils et plus troublants, à côté de ces pensées disparates, viennent les logismoï, pensées passionnelles de peur, de désir, de colère, ou autres, qui vont éveiller en nous tout un bouillonnement émotionnel.
C’est alors, autant qu’il est en notre pouvoir et sans oublier pour autant le recours à la Grâce divine, que nous devons entamer le combat, pour nous rendre disponibles à cette paix intérieure, si propice à recevoir l’Esprit.
Comment ?
Pour ce qui est des phantasmata, ils ne sont guère que le res­surgissement des images mentales produites par les souvenirs. Nous ne le savons que trop, dans la société d’aujourd’hui où nous sommes sollicités sans cesse par toutes sortes d’images, d’opinions, de publicités ou de propagandes, etc… C’est de tous ces embarras que nous devons nous désencombrer et pour ce, un certain jeûne des sens et de la pensée reste indispensable. C’est ce qui fondera la valeur de la solitude, du recueillement, de même que la liturgie qui nous lave et nous purifie de tout un ensemble d’images, de sensations et d’impressions qui ne mènent pas directement à Dieu, même si quelquefois elles peuvent nous illusionner. Nous pouvons croire parfois, par exemple, que nous sentir solidaires du monde souffrant, prier pour la détresse humaine, nous obligeraient à nous tenir au courant, savoir ce qui se passe dans le monde, pour avoir une prière qui soit plus sincère, alors que Dieu sait ce dont l’homme a besoin, ce dont il souffre. Notre intercession implique, certes, que nous soyons à l’écoute des êtres, mais non nécessairement des événements, voire des anecdotes de l’existence quotidienne.
Quant aux « logismoi » : mouvements intérieurs d’émotivité, d’attachement ou de révolte, ils sont, eux, quelque part suscités par des désirs ou par des craintes qui procèdent le plus souvent de l’idolâtrie de soi, crispée sur sa volonté propre. S’en libérer peu à peu, c’est tenter de vivre pleinement cette parole du « Notre Père », qui est l’essence même de l’Evangile : « que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ».
La Volonté de Dieu, nous l’assimilons aux commandements et c’est juste, en un certain sens, mais nous le faisons d’une manière plus légaliste que spirituelle. Il est important de comprendre ici qu’entre le Décalogue et les Béatitudes il y a un radical changement d’optique : « tu ne tueras pas », par exemple, deviendra « bienheureux les doux ». Or la douceur n’est pas seulement le respect de certaines règles, elle est un état d’être. Il en découle que, pour le chrétien, les commandements ne seront plus des règles de morale mais la description, en mode humain, des qualités de Dieu. Assimiler en soi les qualités divines, non pour imiter le Christ dans ses actes, mais pour agir selon son Esprit, ou mieux le laisser agir, « ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi », tel est le but.
Mais plus incompréhensible, la volonté de Dieu, c’est encore ce qui est. Car rien n’échappe à sa toute-puissance. Or la réalité nous est souvent difficilement acceptable. Il y a une réalité que nous ne voulons pas accepter, mais dont nous nous rendons bien compte que ce refus est dû à nos limites, nos passions et nos faiblesses, et cette prise de conscience éveille en nous, non un véritable repentir, celui du publicain, mais un mécontentement du style : « comment une personne aussi bien que nous peut faire des choses aussi moches ». Et c’est à partir de là, bien évidemment, que naîtront toutes sortes d’angoisses, de culpabilité, de remords et finalement de révoltes et de refus de soi. Alors qu’aimer son prochain comme soi-même implique d’avoir une juste estime de soi.
Nous pouvons donc refuser la réalité par faiblesse et même le savoir, mais nous pouvons aussi refuser la réalité en toute bonne conscience, avec le sentiment que ce refus est vertu ! Comment accepter ces guerres, ces malheurs, ces misères, ce monde qui s’entredéchire ? Comment accepter ces maladies, infirmités, épidémies ?…Tout cela apparaît scandaleux et pourtant ! Il ne s’agit pas de faire l’éloge du mal dans le monde, mais de reconnaître que le Christ ne prêche pas la paix au sens où nous l’entendons, nous : « Il y aura des guerres et des bruits de guerres et les hommes sécheront de frayeur dans l’attente de ce qui les menace, mais vous, réjouissez-vous et relevez la tête car votre délivrance est proche », dit encore l’Evangile. Réjouissez-vous non pas du mal dans le monde, bien évidemment, mais des signes avant-coureurs de ce qui sera le véritable bien, le Royaume à venir: ce Royaume de Dieu qui est au-dedans de nous.
Dans cette perspective, il y a dans l’ordre humain un mal, selon saint Cassien, qui aux yeux de l’Eternité n’est pas nécessairement négatif. Tout est question de libération, de dépouillement et de disponibilité. C’est un lieu commun de dire que beaucoup d’hommes enfermés dans les goulags ont témoigné que c’était dans ces circonstances qu’ils s’étaient sentis le plus pacifiés et proches de Dieu. Et on est obligé de reconnaître que ce n’est peut-être pas dans les circonstances humainement les plus heureuses de notre vie que nous avons eu la vie « intérieure »la plus profonde et la plus riche. Il ne s’agit pas d’être masochiste, de confondre ascèse et mortification, ce qui du point de vue orthodoxe friserait l’hérésie, mais il s’agit de rechercher l’unique nécessaire, sans se préoccuper des difficultés et des problèmes, en sachant que la souffrance qui peut apparaître en cours de route est là comme pierre de touche pour nous révéler l’état intérieur dans lequel nous sommes. Les souffrances encourues seront alors vécues comme les marques de nos combats, de nos défaites et de nos progrès ; épreuves incontournables sur le chemin qui mène à Dieu.
Et pour nous, moines et moniales, il y a peut-être un troisième niveau de la volonté de Dieu. Quelquefois, nous nous sommes mis au service de Dieu sans trop nous rendre compte si nous nous mettions à son service comme il nous appelle ou comme nous désirons le servir. Nous pouvons parfois réaliser qu’au cours de notre existence nous avons, insensiblement, construit un projet spirituel, certes valable, admirable même, mais qui n’était que le nôtre propre. Nous pouvons alors, à ce moment là, nous trouver confrontés à des effondrements, des conflits, des détresses et nous trouver face à une crise spirituelle réelle. Mais c’est alors que nous pouvons aborder le véritable commencement, celui auquel Dieu nous convie.
Et puisque notre propos est celui de la paix intérieure, on pourrait rappeler, pour conclure, que quand le Christ apparaît à ses disciples après sa Résurrection il est précisé qu’il le fait « toutes les portes étant fermées », en leur disant « la Paix soit avec vous ». C’est lorsque nous nous apercevons que toutes les issues, toutes les espérances humaines sont closes et que nous n’avons plus aucun espoir, ceux du monde, ceux de notre raison, ceux de notre vision spirituelle même, c’est au moment de cette grande défaite, de cet échec, si nous savons l’accepter comme la volonté de Dieu, que nous pouvons découvrir que le Christ est bien là et qu’au fond de notre détresse, il nous dit enfin : « la Paix soit avec toi ».

ENVOIE TA LUMIÈRE SEIGNEUR! – (Église Orthodoxe Celtique)

4 avril, 2015

http://www.orthodoxie-celtique.net/meditation_pentecote.html

ENVOIE TA LUMIÈRE SEIGNEUR !

(Église Orthodoxe Celtique)

Envoie ta Lumière et ta Fidélité ! Qu’elles me guident, qu’elles me conduisent à ta montagne sainte et à tes demeures (Ps 42, 3) car eu égard au Divin, ténèbre est l’homme, inconstance est l’homme. Bénie es-tu Stabilité suprême et sempiternelle. L’homme contingent, limité, mouvant, perçoit par ta grâce tout le précaire de sa condition terrestre. Sans ton secours et ton intervention magistrale, il ne saurait avoir cette paix que le monde ne sait donner pas plus qu’aucun des habitants du monde, mais Toi seul Très-Haut et Immuable.
Envoie ta Lumière qui seule peut dissiper toutes ténèbres. Sans elle l’homme ne peut y voir clair ; sans Elle il ne saurait progresser vers Toi, sans elle il ne peut être que stagnation et pestilence.
Envoie ta Lumière au vagabond de la nuit terrestre afin qu’elle lui soit un repaire et une direction, autrement tous les pas de sa nuit resteront vains et ne l’approcheront pas de Toi. Seule ta Lumière peut le guider et lui rendre l’espérance, sans Elle il ne sait qu’errer et se morfondre.
Envoie ta Lumière, qu’Elle le guide et le conduise ; sans Elle l’homme ne sait rien, sans Elle l’homme ne sait plus où, ni comment, ni par où, ni vers où se diriger, sans Elle il patauge dans le marécage de la nuit et il titube dans les broussailles des ténèbres.
Envoie ta Lumière parce qu’Elle est une connaissance de Toi, un signe de Toi, une trace de Toi et, qu’en définitive, elle Te révèle, elle Te contient, elle est à Toi.
Envoie ta Lumière, cette connaissance primordiale, qui ne saurait tromper, ni égarer, autrement l’homme n’aura que les feux follets de la nuit de son ignorance pour s’égarer. Il se souvient l’homme, que c’est par ta Lumière que nous voyons ta Lumière, et c’est pourquoi son appel et son cri ne sauraient être que pressants, puisque sans Elle, il est livré à toute son impuissance dans la nuit sombre, il est réduit à grelotter dans la nuit glacée, il est emprisonné dans la nuit de l’angoisse et de la crainte, du doute et de l’effroi, du tremblement et de la peur.
Envoie ta Lumière, Seigneur et ta Fidélité. Que lui servira à l’homme si Tu lui envoies ta Lumière un instant et puis qu’elle se cache. Peut-être aura-t-il avancé quelque peu vers Toi, mais avec tout ce chemin et toute cette nuit, sans Elle il ne pourra absolument plus progresser d’un pas.
Envoie ta Lumière Seigneur, c’est capital, mais envoie La fidèlement, de cette fidélité qui seule est Tienne, ô Toi qui es Fidèle éternellement. À partir de cette pérennité de ta Lumière par une telle nuit, si lentement que ce soit, si difficilement que ce soit, l’homme ne saura plus que se diriger tôt ou tard vers elle.
Envoie ta Lumière et ta Fidélité Seigneur et l’homme viendra à Toi. Qu’Elles le guident et qu’Elles le conduisent, alors il ne risque nullement de s’attarder ou de se tromper de direction. Il parviendra ainsi à ta Montagne Sainte ou Tu trônes dans ta Lumière, il pénétrera dans tes demeures ou Tu sièges dans ta Fidélité.
Envoie ta Lumière et ta Fidélité Seigneur à l’homme ténébreux et faible, à l’homme obscur et chancelant, à l’homme de la nuit et du sable mouvant. Ta Lumière et ta Fidélité lui donneront des ailes d’ange, à l’homme, pour atteindre ta montagne ô Très-Haut et pour entrer dans tes demeures, ô Dieu caché.

Méditation de saint Tugdual, 27 juin 1961.

LE JEUDI SAINT COMMENTÉ PAR LE PÈRE ALEXANDRE SCHMEMANN

1 avril, 2015

http://www.exarchat.org/spip.php?article1394

LE JEUDI SAINT COMMENTÉ PAR LE PÈRE ALEXANDRE SCHMEMANN

Extraits de « Le Mystère pascal : commentaires liturgiques » par Alexandre Schmemann et Olivier Clément

La semaine sainte (p. 26-31)
Par Alexandre Schmemann

LE JEUDI SAINT
La dernière Cène

Deux événements marquent la liturgie du grand et saint Jeudi : la dernière Cène du Christ avec ses disciples, et la trahison de Judas. L’un et l’autre trouvent leur sens dans l’amour. La dernière Cène est l’ultime révélation de l’amour rédempteur de Dieu pour l’homme, de l’amour en tant qu’essence même du salut. La trahison de Judas, elle, montre que le péché, la mort, la destruction de soi-même, proviennent aussi de l’amour, mais d’un amour défiguré, détourné de ce qui mérite vraiment d’être aimé. Tel est le mystère de ce jour unique dont la liturgie, imprégnée à la fois de lumière et de ténèbres, de joie et de douleur, nous met devant un choix décisif dont dépend la destinée éternelle de chacun de nous.
« Jésus, sachant que l’heure était venue de passer de ce monde à son Père, ayant aimé les siens qui étaient dans ce monde, les aima jusqu’à la fin… » (Jn 13,1). Pour comprendre vraiment la dernière Cène, il faut voir en elle l’aboutissement de ce grand mouvement d’amour divin qui a commencé avec la création du monde et qui, maintenant, va atteindre sa plénitude dans la mort et la résurrection du Christ.
« Dieu est Amour » (l Jn 4,8). Et le premier don de l’Amour, ce fut la vie. Celle-ci était essentiellement une communion. Pour vivre, l’homme devait se nourrir, manger et boire, communier au monde. Le monde était donc l’amour divin devenu nourriture, devenu corps de l’homme. Étant vivant, c’est-à-dire communiant au monde, l’homme devait être en communion avec Dieu, faire de Dieu la fin et la substance de sa vie. Communier au monde reçu de Dieu était véritablement communier à Dieu. L’homme recevait sa nourriture de Dieu et, la transformant en son corps et en sa vie, il offrait le monde entier à Dieu, il le transformait en vie en Dieu et avec Dieu. L’amour de Dieu avait donné la vie à l’homme, l’amour de l’homme pour Dieu transformait cette vie en communion avec Dieu. C’était le Paradis. La vie y était véritablement eucharistique. Par l’homme, par son amour pour Dieu, toute la création devait être sanctifiée et transformée en sacrement universel de la divine présence, et l’homme était le prêtre de ce sacrement.
Mais par le péché, l’homme a perdu cette vie eucharistique. Il l’a perdue, parce qu’il a cessé de regarder le monde comme un moyen de communion avec Dieu et sa vie comme une eucharistie, une adoration et une louange… Il s’aima lui-même et le monde pour lui-même ; il se fit centre et fin de sa propre vie. Il s’imagina que la faim et la soif, c’est-à-dire l’état de dépendance dans lequel se trouvait sa vie par rapport au monde, pouvaient être satisfaites par le monde lui-même, par la nourriture comme telle. Mais le monde et la nourriture, s’ils sont dépouillés de leur sens premier de sacrements, c’est-à- dire de moyens de communion avec Dieu, s’ils ne sont pas accueillis avec la faim et la soif de Dieu, autrement dit si Dieu n’est plus là, ne peuvent plus donner la vie ni satisfaire aucune faim, car ils n’ont pas la vie en eux-mêmes. En les aimant pour eux-mêmes, l’homme a détourné son amour de l’unique objet de tout amour, de toute faim, de tout désir… Et il est mort. Car la mort est l’inévitable « décomposition » de la vie coupée de son unique source et de ce qui lui donne son sens.
L’homme trouva la mort là où il avait espéré trouver la vie. Sa vie devint une communion à la mort, parce qu’au lieu de transformer le monde en communion avec Dieu par la foi, l’amour et l’adoration, il se soumit entièrement à lui, il cessa d’en être le prêtre pour en devenir l’esclave. Et par ce péché de l’homme, le monde entier est devenu un cimetière où les peuples, condamnés à mort, communient à la mort, « assis dans les ténèbres de la mort » (Luc 1,79).
L’homme a trahi, mais Dieu est resté fidèle à l’homme. Comme nous le disons à la Liturgie de saint Basile « Tu n’as pas rejeté pour toujours la créature que tu avais façonnée, ô Dieu de bonté, ni oublié l’ouvrage de tes mains ; mais tu l’as visitée de diverses manières dans la tendresse de ton cœur. » Une nouvelle œuvre divine allait commencer : celle de la rédemption et du salut. Elle s’accomplirait dans le Christ, le Fils de Dieu, qui, pour redonner à l’homme sa beauté première et rendre à sa vie son caractère de communion avec Dieu, se fit homme, prit sur lui notre nature, avec sa soif et sa faim, avec son désir et son amour de la vie. En lui, la vie a été révélée, donnée, acceptée, accomplie comme une parfaite eucharistie, une totale et parfaite communion avec Dieu. Le Christ a rejeté la tentation fondamentale de l’homme, « vivre de pain seulement », et a révélé que c’est Dieu et son Royaume qui sont la véritable nourriture, la vraie vie de l’homme. Et cette parfaite vie eucharistique, remplie de Dieu, donc divine et immortelle, il en fait don à tous ceux qui acceptent de croire en lui, c’est-à- dire à ceux dont la vie trouve en lui tout son sens et son contenu. Telle est la signification très riche de la dernière Cène. Le Christ s’offre comme nourriture véritable de l’homme, parce que la vie manifestée en lui est la vraie vie. Ainsi le mouvement d’amour qui commence au Paradis avec le divin « Prenez et mangez… » (parce que se nourrir est la vie de l’homme) atteint sa plénitude avec le « Prenez et mangez » du Christ (parce que Dieu est la vie de l’homme). La dernière Cène recrée le Paradis de délices, restaure la vie en tant qu’eucharistie et communion.
Cette heure d’amour extrême est aussi celle de la plus extrême trahison. Judas quitte la lumière de la chambre haute pour s’enfoncer dans la nuit. « Il faisait nuit » (Jn 13,30). Pourquoi part-il ? « Il aime », répond l’Évangile, et les hymnes du Jeudi saint soulignent plusieurs fois cet amour fatal. Il im¬porte peu en effet que cet amour concerne « l’argent ». L’argent, ici, symbolise tout amour perverti et dévié qui conduit l’homme à trahir Dieu. C’est un amour volé à Dieu, et Judas est donc « le voleur ». L’homme, même si ce n’est plus Dieu ou en Dieu qu’il aime, n’en continue pas moins d’aimer et de désirer, car il a été créé pour l’amour et l’amour est sa nature même ; mais c’est alors une passion aveugle et autodestructrice, et la mort en est le terme. Chaque année, quand nous nous abîmons dans la lumière et la profondeur insondables de ce grand Jeudi, la même question cruciale nous est posée : est-ce que je réponds à l’amour du Christ et est-ce que j’accepte qu’il devienne ma vie, ou bien est-ce que je suis Judas dans sa nuit ?
Les offices du grand Jeudi comprennent : les Matines, les Vêpres suivies de la Liturgie de saint Basile le Grand. Dans les églises cathédrales, le lavement des pieds a lieu après la Liturgie ; pendant que le diacre lit l’Évangile, l’évêque lave les pieds de douze prêtres, nous rappelant que c’est l’amour du Christ qui est le fondement de la vie dans l’Église et qui, à l’intérieur de celle-ci, est le modèle de toute relation. C’est aussi en ce grand Jeudi que le saint chrême est consacré par les chefs des Églises autocéphales ; cette cérémonie signifie que l’amour nouveau du Christ est le don que nous recevons de l’Esprit au jour de notre entrée dans l’Église.

A Matines, le tropaire donne le thème du jour : l’opposition entre l’amour du Christ et le désir insatiable de Judas :
« Tandis que les glorieux disciples étaient illuminés par le lavement des pieds, l’impie Judas, enténébré par l’amour de l’argent, vendit aux juges indignes le juste Juge.
« Ô toi, amant de l’argent, regarde celui qui se pendit à cause de lui !
Détourne-toi donc de ce désir insatiable, qui a osé accomplir une telle action contre le Maître.
« Mais toi, Seigneur, bon pour tous, gloire à toi »
Après la lecture de l’Évangile (Luc 12,1-40), le beau canon de saint Cosmas nous introduit dans la contemplation du mystère de la dernière Cène, de sa portée mystique et éternelle. L’hirmos de la neuvième ode nous invite à prendre part au banquet auquel le Seigneur nous convie :
« Venez, vous les croyants Jouissons de l’hospitalité du Seigneur au banquet de l’immortalité, à la chambre haute, en élevant nos cœurs… »
A Vêpres, les stichères soulignent l’autre pôle, tragique, de ce grand Jeudi, la trahison de Judas :
« Judas se révéla par ses œuvres : le serviteur devint traître ; le disciple se montra ourdisseur de complots ; l’ami, ennemi. Il suivait son maître et, en lui-même, méditait sa trahison… »
Après l’Entrée, on fait trois lectures de l’Ancien Testament
• Exode 19,10-19. La descente de Dieu du mont Sinaï vers son peuple, image de la venue de Dieu dans l’Eucharistie.
• Job 38,1-23 et 42,1-5. Conversation de Dieu avec Job, et réponse de celui-ci : « J’ai parlé sans intelligence de merveilles qui me dépassent et que j’ignore… » ; et ces merveilles divines sont accomplies dans le don du Corps du Christ et de son Sang.
• Isaie 50,4-11. Commencement des prophéties du Serviteur souffrant.
L’Épître est tirée de saint Paul, Première lettre aux Corinthiens 11,23-32 ; c’est le récit de la dernière Cène, donnant le sens de la communion. La lecture de l’Évangile (la plus longue de l’année) est formée d’extraits des quatre évangélistes et nous fait entendre le récit complet de la dernière Cène, de la trahison de Judas et de l’arrestation du Christ dans le jardin.
L’hymne des Chérubins et l’antienne de communion sont remplacés par les paroles de la prière avant la communion :
« A ta Cène mystique, fais-moi communier aujourd’hui, ô Fils de Dieu ! Car je ne livrerai pas le secret de tes mystères à tes ennemis, ni ne te donnerai le baiser de Judas ; mais comme le larron je te crie : Souviens-toi de moi, Seigneur, dans ton Royaume ! »

« JE NE SUIS PAS VENU APPELER LES JUSTES, MAIS LES PÉCHEURS » – LETTRE DE SAINT MAXIME LE CONFESSEUR

25 mars, 2015

http://www.vatican.va/spirit/documents/spirit_20010328_massimo-confessore_fr.html

« JE NE SUIS PAS VENU APPELER LES JUSTES, MAIS LES PÉCHEURS »

LETTRE DE SAINT MAXIME LE CONFESSEUR

« Les prédicateurs de la vérité, ceux qui sont les officiants de la grâce divine, nous ont appris, depuis le commencement et chacun à son époque jusqu’à la nôtre, que Dieu veut notre salut. Et ils nous disent que Dieu n’aime, ne désire rien davantage que de voir les hommes se tourner vers lui par une véritable conversion.
Et le Verbe divin de Dieu le Père a voulu montrer qu’un tel désir était beaucoup plus divin que tout autre. Bien plus, il est lui-même le premier et incomparable témoignage de la bonté infinie. Par un abaissement en notre faveur qui défie toute expression, il a daigné partager notre vie par l’Incarnation. Par ses actes, ses souffrances, ses paroles, adaptés à notre condition, il nous a réconciliés avec Dieu le Père, alors que nous étions des ennemis en guerre avec lui ; et alors que nous étions exilés de la vie bienheureuse, il nous y a ramenés.
En effet, il ne s’est pas contenté de guérir nos maladies par ses miracles, en prenant sur lui nos souffrances et nos faiblesses; non seulement, en acceptant la mort comme s’il y était astreint, lui qui est sans péché, il a payé notre dette et nous a libérés de nos fautes nombreuses et redoutables. En outre, il nous a instruits de mille manières pour que nous ayons une bonté pareille à la sienne et il nous a invités à un parfait amour mutuel.
C’est pourquoi il s’écriait: Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs, pour gu’ils se convertissent. Et aussi: Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. Il a dit aussi qu’il était venu chercher et sauver ce qui était perdu. Et aussi qu’il avait été envoyé aux brebis perdues de la maison d’Israël. Il a encore suggéré par la parabole de la drachme perdue qu’il était venu récupérer l’effigie royale souillée par l’ordure des vices. Et il a dit encore : Vraiment, je vous le dis, on se réjouira dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit.
C’est pourquoi l’homme qui était tombé sur des bandits, qui avait été dépouillé de tous ses vêtements, et qui avait été abandonné à demi-mort, du fait de ses blessures, il l’a réconforté avec du vin, de l’huile, et lui a fait des pansements; après l’avoir mis sur sa monture, il l’a confié à une auberge et, après avoir pourvu à ses besoins, il lui promit de régler à son retour les dépenses supplémentaires. C’est pour cela encore qu’il nous montre le Père très bon se penchant vers son fils prodigue de retour, l’embrassant alors qu’il revient vers lui par la conversion, pour lui rendre toutes les parures de la gloire paternelle, sans lui faire aucun reproche pour le passé.
C’est pour cela qu’il a ramené au bercail la brebis qui avait abandonné le troupeau divin, après l’avoir trouvée errante par les montagnes et les collines; sans la chasser devant lui, sans l’épuiser de fatigue, mais en la mettant sur ses épaules, il la réintroduit miséricordieusement parrnï ses pareilles.
C’est pourquoi il a crié: Venez à moi, vous tous qui peinez sous le fardeau, dont le eceur est accablé, et moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug. Ce qu’il appelle joug, ce sont les commandements, c’est une vie conforme à l’Evangile ; il appelle fardeau ce qui semble pesant dans la pénitence: Oui, dit-il, mon joug est facile à porter, et mon fardeau léger.
En outre, en montrant la justice et la bonté divines, il prescrit: Soyez saints, soyez parfaits, soyez miséricordieux comme votre Père des cieux. Et aussi : Pardonnez, et vous serez pardonnés. Et enfin: Tout ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux. »

Prière

Notre Père
Dieu qui réponds à la pénitence en récompensant les justes et en pardonnant aux pécheurs, prends pitié de nous, écoute-nous: que l’aveu de nos fautes nous obtienne la grâce de ton pardon.

Préparé par l’Institut de Spiritualité:
Université Pontificale Saint Thomas d’Aquin

LOUEZ DIEU DANS SES SAINTS ! (Ps 150, 1)

14 janvier, 2015

http://www.monastere-transfiguration.fr/synaxaire/introduction_synaxaire.html

LOUEZ DIEU DANS SES SAINTS !

(Ps 150, 1)

Lorsqu’il fut transporté en esprit devant le trône de Dieu préparé pour le jugement de toute chose à la fin des temps, l’Apôtre saint Jean dit : Puis j’entendis comme la voix d’une foule nombreuse et comme la voix de grandes eaux, et comme la voix de puissants tonnerres qui disaient : Alléluia, car le Seigneur, notre Dieu le Tout-Puissant, a pris possession de la royauté. Réjouissons-nous, soyons dans l’allégresse et rendons lui gloire, car les noces de l’Agneau sont venues, son Épouse est parée, et il lui a été donné de se vêtir de lin fin d’une blancheur éclatante – le lin fin, ce sont les œuvres des saints (Ap 19, 6-8). Cela n’arrivera pas seulement à l’aube de la Résurrection, mais aujourd’hui déjà, la sainte Église, l’Épouse du Christ, s’est revêtue, comme d’un habit de pourpre et de lin fin, du sang des martyrs, des larmes des ascètes, de la tempérance des vierges, de la proclamation des apôtres, des écrits des docteurs, de la miséricorde des justes… Elle est ornée de toutes les vertus et de toutes les grâces que le Saint-Esprit a fait éclore dans les saints, en tout temps et en tout lieu. Qui pourrait dénombrer cette nuée de témoins (Hbr 12, 1) qui nous entoure ? Qui pourrait nommer chacun de ces vivants qui, avec le Christ, par le Christ et dans le Christ ont triomphé de la mort, se sont approchés du trône de Dieu, eux en qui Dieu se réjouit (cf. Is 62, 5) et trouve son repos (ibid. 57, 15) ?
Ils sont devenus concitoyens des anges et frères du Christ. Et lui, tel le soleil se reflétant sur les eaux, apparaît en eux, multiple et unique à la fois. Les saints qui habitent aujourd’hui la Jérusalem céleste, la Terre des Vivants, la Cité du grand Roi, sont les astres innombrables d’un firmament spirituel qu’éclaire le Christ, Soleil de Justice (Mal 4, 2). À mes yeux tes amis ont beaucoup de prix, ô Dieu – chante David le roi-prophète –, je les compte et ils sont plus nombreux que le sable (Ps 138, 17). Les milliers de saints commémorés dans tous les synaxaires et martyrologes d’Orient et d’Occident ne représentent qu’une infime partie de cette grande assemblée (Ps 39, 10). Ce sont les saints qui font l’objet d’un culte public. Mais combien plus nombreux sont ceux qui cachèrent Dieu dans le secret de leur cœur, restant humblement ignorés de tous et protégés de la vaine gloire des hommes. Il y en eut de toutes conditions, en tous temps et en tous lieux : patriarches, prophètes, apôtres, martyrs, confesseurs, évêques, prêtres, diacres, moines et vierges, hommes et femmes, enfants et vieillards, riches et pauvres, princes, prostituées, brigands… Ils ont, par amour de Dieu et au prix de souffrances volontaires, fait éclore en notre nature humaine les fleurs variées de la grâce du Saint-Esprit. À l’un en effet, c’est le discours de sagesse qui est donné par l’Esprit, à un autre, le discours de science selon le même Esprit ; à un autre, la foi dans le même Esprit ; à un autre les dons de guérison dans cet unique Esprit ; à un autre le pouvoir d’opérer des miracles ; à un autre la prophétie, à un autre le discernement des esprits ; à un autre diverses sortes de langues : à un autre l’interprétation des langues. Mais tout cela, c’est l’œuvre de l’unique et même Esprit qui distribue ses dons à chacun en particulier selon son gré. (1 Cor 12, 8-11).
En unissant en sa Personne, par son Incarnation, notre nature humaine, mortelle et pécheresse à sa nature divine, le Seigneur Jésus-Christ nous a ouvert les cieux et nous appelle à l’y suivre, lorsque nous aurons manifesté la gloire de sa divinité dans notre vie, dans les conditions où il nous a placés. Tout chrétien est appelé à la sainteté, en Christ et par le Christ : Soyez saints, car Je suis saint, disait déjà le Seigneur dans la Loi ancienne (Lv 11, 44 ; 1 Pt 1, 16). Tout chrétien, né à la vie nouvelle de l’Esprit par le baptême, est appelé à l’accomplissement de la vocation d’Adam : faire régner ici-bas la gloire de Dieu. Voilà pourquoi il n’est pas un endroit du monde qui ne doive être aspergé du sang des martyrs, baigné des larmes des moines, ou qui ne doive résonner de la prédication de la Bonne Nouvelle. C’est en tout temps et en tout lieu que s’est élevée, que s’élève et que s’élèvera la prière des saints pour le salut du monde. Car, selon le témoignage des premiers Pères, c’est par la prière des chrétiens que le monde peut subsister 1.
Le monde est sanctifié, sauvé, racheté par la présence des saints qui, comme le levain faisant lever la pâte (Mt 13, 33), préparent l’humanité à l’ultime révélation du Seigneur Jésus-Christ. Il viendra dans sa gloire, pour que la lumière de sa divinité resplendisse sans ombre aucune sur son Corps, l’Église. Alors, le nombre des saints devant apparaître sur la terre et dont Dieu seul connaît les noms, qu’il garde mystérieusement inscrits dans le livre de vie de l’Agneau (Ap 21, 27), sera complet. Le monde d’en haut sera consommé 2 et les saints de tous les temps seront réunis dans le Corps unique du Christ. Son union à l’Église-Épouse aura atteint sa plénitude, et l’humanité sera pour toujours la Demeure de Dieu, la Jérusalem céleste (Ap 22). Le Christ, qui se tient présentement caché dans ses saints, rayonnera en eux avec l’intensité de la gloire que, de toute éternité, il a en commun avec le Père et le Saint-Esprit : Afin que tous soient un, comme toi. Père tu es en moi et moi en toi, afin qu’eux aussi soient en nous (Jn 17, 21), dit-il, au moment de s’offrir en sacrifice pour notre salut.
Mais jusqu’à ce jour, la maison de Dieu est encore en cours d’édification. Le Seigneur patiente et temporise, attendant que tous les saints entrent dans la construction, telles des pierres vivantes (1 Pt 2, 4), adhérant, chacun à son tour, au Christ, la Pierre angulaire (ibid. et Is 28, 16), selon la grâce et les qualités qui lui ont été données. Les saints sont tout à la fois un et multiple, et chacun contribue de manière irremplaçable à la constitution du Corps du Christ, comme autant de membres. On pourrait encore les comparer à l’or et aux pierreries ornant la robe de la Reine se tenant à la droite du Seigneur, en vêtements tissés d’or, parée de couleurs variées (Ps 44, 10). Tels des diamants et des pierres précieuses, ils renvoient partout, en rayons multicolores, l’unique lumière du triple Soleil. Mais pour être ainsi pénétrés de lumière, il a fallu auparavant qu’ils soient taillés, ciselés, dégagés de la matière et de ses lourdeurs par le ciseau et le marteau des souffrances, des persécutions, des afflictions de toutes sortes. Ils ont dû passer, comme l’or encore grossier, dans la fournaise des tentations, afin d’être affinés et de resplendir comme nobles joyaux sur la robe de l’Église-Épouse.
Les saints brillent de la lumière de Dieu, ils sont devenus dieux par la grâce du Saint-Esprit, dans la mesure même où, baptisés dans le Christ, ils ont revêtu le Christ (Gal 3, 27). Dans la mesure où, avec le Christ, ils se sont chargés de leur croix (Mt 16, 24) pour crucifier en eux le vieil homme plein de passions, de péchés et d’impuretés, ils peuvent participer aussi à la gloire de sa Résurrection. En communiant à la Passion du Christ par le martyre, l’ascèse, les larmes et la pratique de toutes les vertus évangéliques, les saints ont vaincu la mort avec lui. Ils sont désormais vivants en Dieu, car le Christ a établi en eux sa demeure. Je suis crucifié avec le Christ, nous crient-ils ; ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi… (Gal 2, 20). Le Christ est monté au ciel, mais il n’a pas quitté l’Église terrestre. Le Christ est monté au ciel, mais il nous a envoyé le Saint-Esprit, qui fait de tous les saints autant de christs, de dieux par la grâce. L’œuvre de notre Seigneur Jésus-Christ, et sa Personne elle-même, divine et humaine, sont à la fois répétées et prolongées par la vie des saints dans l’Église, sous l’action du Saint-Esprit.

Des gens, dont le cœur et l’esprit sont insensibles à la vie spirituelle, trouvent les Vies des saints ennuyeuses. « C’est toujours la même histoire », disent-ils. Martyrs, confesseurs, ascètes, vierges et saints laïcs ; qu’ils aient vécu dans les premiers siècles ou hier, en Asie, en Palestine, en Égypte, en Italie, en Afrique ou en Amérique, c’est en effet toujours la même histoire. Tous ont eu un cœur brûlant d’amour pour le Seigneur et ont participé à son sacrifice, s’offrant volontairement à la mort pour avoir part à sa Résurrection. Tous ont été baptisés dans sa mort par le baptême d’eau, par le baptême de sang, par le baptême des larmes, pour que la vie nouvelle de l’Esprit pénètre en eux et que la gloire de Dieu, qui resplendit sur le visage du Christ, demeure dans leur cœur et rejaillisse sur leur corps.
Les saints vivent dans le Christ Jésus et le Christ vit en eux. Dans les saints, Il répète inlassablement, jusqu’à la fin du monde, le mystère unique de sa mort et de sa résurrection, de l’incarnation de Dieu et de la déification de l’homme. Sur les fresques représentant les martyrs et les saints militaires – celles de certains réfectoires du Mont Athos notamment – on constate que si les saints ont des postures, des vêtements et des attributs différents, ils ont à peu près tous le même visage, et ce visage est celui du Christ. Tels sont en effet les saints : identiques en Christ, mais infiniment divers dans leurs caractères personnels et les conditions dans lesquelles ils ont reproduit l’œuvre du Sauveur, dans un lieu et à un moment donnés. Chez les saints toutefois cette reproduction de la Passion du Seigneur n’est pas morne répétition. Elle est toujours nouvelle, toujours originale, toujours unique et contribue de manière irremplaçable à l’édification de l’Église des premiers-nés. Le Seigneur Jésus a ouvert la voie, il a sauvé la nature humaine en mettant à mort dans son propre corps la mort, mais il faut maintenant que chaque personne participe librement à cette œuvre de salut. Ce qui manque aux tribulations du Christ, écrit saint Paul, je le complète dans ma chair au profit de son corps qui est l’Église (Col 1, 24). Ces paroles de l’Apôtre ne signifient pas qu’il manque quoi que ce soit à l’œuvre du Christ et à notre Rédemption, mais seulement que chacun d’entre nous doit communier volontairement et de manière personnelle à sa Passion, pour avoir part à l’héritage des saints dans la lumière de Dieu (ibid.).
Unis au Christ par la foi et la grâce, les saints accomplissent les œuvres du Christ (Jn 14, 12). Habitant en eux par le Saint-Esprit, c’est le Christ lui-même qui accomplit par eux des miracles, convertit les païens, enseigne les secrets de la science spirituelle, réconcilie les ennemis et donne à leur corps la force d’affronter avec joie les plus horribles tortures ; de sorte que l’Évangile ne cesse d’être écrit jusqu’aujourd’hui par les œuvres évangéliques des saints 3. Voilà pourquoi les saints, proches et lointains, anciens et nouveaux, sont pour nous des guides sûrs nous conduisant au Christ qui habite en eux. Devenez mes imitateurs, tout comme je le suis moi-même du Christ (1 Cor 11, 1), nous disent-ils avec saint Paul. Si nous voulons faire resplendir en nous l’image du Christ, nous devons donc souvent tourner nos regards vers les saints pour avoir des exemples vécus et pratiques de la marche à suivre. Le peintre qui désire faire le portrait d’une personne qu’il ne voit pas devant lui, se sert de reproductions, les regarde attentivement, les compare pour s’en inspirer, de même nous faut-il regarder vers les saints, lire leurs Vies, les comparer, pour savoir comment progresser dans la vie en Christ.
Mais, dira-t-on, comment donc imiter ces martyrs qui ont souffert de si terribles tourments, alors qu’il n’y a plus de persécutions ? Comment suivre la voie de ces ascètes qui se sont retirés au fond des déserts pour soumettre leur corps à des privations que personne ne pourrait supporter aujourd’hui ? Cela n’est pas possible. Certes, les conditions géographiques, historiques, sociologiques, etc. qui sont les nôtres sont fort différentes de celles dans lesquelles vécurent nombre de saints dont nous lisons les Vies. Mais est-ce vraiment là une raison pour dire que la sainteté n’est plus possible et succomber à la négligence ou réduire l’Évangile à un simple code moral ? Le Seigneur n’a-t-il pas dit que le Royaume des cieux est objet de violence et que ce sont les violents qui s’en emparent (Mt 11, 12) ? Le langage de la Croix n’a-t-il pas rendu folle la sagesse du monde (1 Cor 1, 20) ? De tels arguments, si raisonnables qu’ils paraissent, ne reviennent-ils pas à réduire à néant la Croix du Christ (idem, 17) en justifiant notre paresse et nos passions ? Les exploits des martyrs et des ascètes sont des réalités historiques, la gloire et l’ornement de l’Église ; et ils ne nous paraissent inaccessibles ou exagérés qu’à cause de notre manque de foi et d’amour de Dieu. Il nous est facile d’écouter l’enseignement de l’Évangile, d’assister à la divine Liturgie, de prier dans notre chambre, mais croyons-nous vraiment que le Royaume de Dieu ne consiste pas en paroles, mais en puissance (idem 4, 20), et que, par la grâce de Dieu, notre nature humaine peut être élevée au-dessus d’elle-même et accomplir des œuvres qui semblent impossibles à ceux qui sont prisonniers de ce monde ? La lecture des exploits des saints ne porte au découragement que les orgueilleux qui se confient en leurs propres forces ; tandis que, pour les humbles, elle est une occasion de voir leur propre faiblesse, de pleurer sur leur impuissance et d’implorer le secours de Dieu 4. Lisons donc les Vies des saints en psalmodiant avec David : Dieu est admirable dans ses saints, lui le Dieu d’Israël (Ps 67, 35). Tout comme eux, nous n’avons que notre faiblesse à offrir au Seigneur (2 Cor 11, 30). C’est lui qui agit et nous donne la victoire. Ceux qui sont prisonniers de la vaine gloire de ce monde mettent tout leur soin, nous dit saint Jean Chrysostome 5, à orner leur demeure de fresques, de peintures et d’objets précieux; de même, en lisant les Vies des saints, nous faut-il, à nous les fils de la Résurrection, orner la maison de notre âme par le souvenir de leurs souffrances et de leurs exploits, pour la préparer à recevoir le Christ et à être à jamais la demeure du Roi du Ciel.
En lisant assidûment les Vies des saints, en vivant avec tous les saints (Eph 3, 18), en nous promenant chaque jour dans ce jardin spirituel qu’est le Synaxaire, nous trouverons peu à peu certains saints qui attirent davantage notre sympathie, notre émotion, notre affection. Ils deviendront pour nous comme des amis intimes à qui nous aimerions confier nos joies et nos peines, à qui nous demanderions plus spécialement le secours de leurs prières, dont nous aimerions souvent relire la Vie, chanter les tropaires et vénérer l’icône. Ces amis intimes seront pour nous une puissante consolation et des guides privilégiés sur la route étroite qui nous mène au Christ (Mt 7, 14). Nous ne sommes pas seuls sur ce chemin et dans ce combat, nous avons avec nous notre Mère, la Toute-Sainte Mère de Dieu, notre Ange Gardien, le saint dont nous portons le nom et ces quelques amis que nous aurons choisis parmi la grande Assemblée des témoins de l’Agneau. Et si nous trébuchons sous l’effet du péché, ils nous relèveront ; lorsque nous serons tentés par le désespoir, ils nous rappelleront qu’avant nous, et plus que nous, ils ont souffert pour le Christ et goûtent désormais à la joie éternelle. Ainsi, sur le chemin rocailleux de cette vie, ces saints amis nous feront voir un peu de la lumière de la Résurrection. Cherchons donc dans les Vies des saints ces quelques amis intimes et, avec tous les saints, marchons vers le Christ.
Un jour, un moine doux et simple de l’Athos – un de ceux à qui le Christ a promis la terre en héritage (Mt 5, 5) – se préparait, comme d’habitude, à prier le saint du jour avec d’abondantes larmes et de nombreuses prosternations. Mais au moment de regarder son calendrier, il constata qu’il l’avait égaré et n’avait plus aucun moyen de savoir quel était le saint commémoré ce jour-là. Aussi commença-t-il sa prière en disant : « Saint du jour, intercède pour nous ! » Après quelques instants, le saint apparut devant lui et lui révéla son nom : Lucillien [3 juin]. Sans guère s’étonner, le bon vieillard compléta donc sa prière par le nom du saint, mais comme il était un peu sourd et qu’il n’avait pas bien compris le nom, il dit : « Saint Lucien, intercède pour nous ! ». Le saint apparut alors de nouveau et lui dit sur un ton de reproche : « Je ne suis pas Lucien, mais Lucillien », et il disparut, laissant le moine continuer paisiblement sa prière 6.
Un frère demanda à un autre athonite, le Père Abrahamios de Néa-Skitie († 1989) : – « Père, est-ce que tu ne te lasses pas de lire ainsi continuellement le synaxaire du saint du jour ? » L’Ancien lui répondit en souriant : – « Mon enfant, tous les saints, et spécialement les martyrs, il nous faut les aimer et les honorer, car “l’honneur rendu aux saints, c’est l’imitation des saints” 7. Puisque nous sommes incapables et pécheurs et que nous ne pouvons pas les imiter, étudions donc au moins leur Vie, pour ne pas passer notre temps en bavardage. De plus, par la lecture de leur Vie, nous nous les concilions en quelque sorte, pour qu’ils soient nos intercesseurs et nos aides, ici-bas comme lors de notre grand voyage vers les cieux. En outre, en étudiant les Vies des saints, nous voyons nos propres passions dans notre cœur, et il nous est donné l’occasion de lutter contre elles et d’utiliser pour cela les mêmes moyens qu’eux-mêmes ont utilisés. » 8
Ces deux anecdotes illustrent la familiarité que nous devons avoir avec les saints et montrent combien ils sont proches de nous, interviennent dans notre vie quotidienne, nous écoutent dans nos prières, nous reprennent dans nos chutes et nous montrent par d’innombrables signes de leur présence, que notre vie n’est pas vraiment de ce monde, que nous vivons comme des étrangers et des voyageurs entre ciel et terre.
Dans notre vie spirituelle, nous pouvons communiquer quotidiennement avec les saints de trois façons : en chantant leurs hymnes et leur office liturgique, en vénérant leur icône et en lisant leur Vie dans le Synaxaire. S’il est difficile à ceux qui vivent dans le monde de se rendre chaque jour à l’église pour chanter les louanges des saints, tous les chrétiens peuvent cependant chez eux, seuls ou en famille, chanter le tropaire des saints du jour, tous peuvent vénérer leur icône, tous peuvent consacrer quelques instants à lire ou à relire leur Vie dans le Synaxaire. Toutefois, la lecture quotidienne de ces résumés des Vies des saints ne nous sera vraiment profitable que si nous nous approchons d’eux avec les mêmes dispositions que lorsque nous vénérons une icône. Si imparfaites soient-elles, les notices du Synaxaire sont, en effet, dans le domaine du récit ce que sont les icônes dans le domaine de l’image : elles nous rendent le saint présent et peuvent nous apporter autant de grâce que les saintes icônes. Tout dépend de la simplicité de notre cœur. Ainsi, où que nous nous trouvions, quel que soit l’état de notre avancement spirituel, quel que soit notre désir de consacrer notre vie à Dieu, nous trouverons dans le Synaxaire un renouvellement de nos forces et comme un avant-goût de la vie éternelle, où tous les saints danseront avec les anges autour du trône de Dieu en disant :

Saint, Saint, Saint est le Seigneur
le Dieu Tout-Puissant,
Celui qui était, qui est et qui vient ! (Ap 4, 8).

NOËL ORTHODOXE : LES ICÔNES COMME PASSERELLE

3 décembre, 2014

http://lecumedunjour.fr/noel-orthodoxe-les-icones-comme-passerelle-2/

NOËL ORTHODOXE : LES ICÔNES COMME PASSERELLE

Posté le 5 janvier 2014 par Jean-François dans Grand angle

Par François Dalla-Riva, journaliste

En Occident, ce dimanche on entre dans le temps de la galette des rois, rappelant l’arrivée des mages à la créche de Bethléem. Deux semaines et demi après les chrétiens occidentaux les chrétiens d’Orient, notamment les orthodoxes, célèbrent Noël, c’est à dire la naissance de Jésus. L’existence en parallèle de deux calendriers, julien et grégorien est la raison de cette différence. Mais en Orient, comme en Occident, l’icône reste une voie de spiritualité importante. Explication sur ces spécificités calendaires et rencontre avec un écrivain d’icône rencontré au bord de la mer du Nord.
En ce dimanche 5 janvier, de Moscou à Istamboul et Athènes, en passant par les pays balkaniques, on fête Noël. 25 décembre-5 janvier tel est donc l’écart qui sépare les Eglises dépendant de Rome ou des traditions anglicane et réformée, et les Eglises d’Orient liées aux patriarcats orthodoxes de Constantinople et Moscou. Aux origines romaines de notre civilisation, il y avait le calendrier julien mis en place sous Jules César en – 46 avant notre ère pour réformer les calendriers romains primitifs. Devenue religion officielle de l’Etat sous l’empereur Constantin, la chrétienté fêtait la naissance de Jésus dans les premiers jours de janvier. Une date située artificiellement (à la différence de la fête de Pâques), puisqu’aucun écrit et encore moins « reportage » n’atteste de la naissance de celui que les chrétiens reconnaissent comme le Christ-Sauveur. Ce choix de calendrier se situait dans la période où le jour renaissant, on fêtait le retour du soleil, le Sol invictus.
Le calendrier julien aura la vie dure et franchira les divisions entre les chrétiens d’Orient et d’Occident consacrées au Moyen-Age. ce n’est que sous le pape Grégoire XIII que l’ordonnancement du temps établi sous Jules César par l’astronome Sosigène sera modifié en Europe. Le calendrier grégorien est un calendrier solaire, mis en place pour compenser le décalage entre le temps calendaire et le temps vrai, notamment entre l’équinoxe de printemps légal et l’équinoxe de printemps réel
Adopté à partir de 1582 dans les États catholiques, puis dans les pays protestants, le calendrier grégorien s’est étendu à l’ensemble du monde au début du XXe siècle. Il s’est imposé dans la majeure partie du monde pour les usages civils, mais de nombreux autres calendriers sont utilisés pour les usages religieux ou traditionnels, pour les religions juive, musulmane et asiatiques, par exemple.

La place centrale des icônes
A Noël comme pour toutes les liturgies de fêtes et même du dimanche, l’icône garde une place importante. Entrant dans l’église, les fidèles vont embrasser les icônes et se prosterner. Parmi elles, les icônes du Christ comme celui de Marie, la mère de Dieu sont au centre de cette dévotion. Pour les chrétiens orthodoxes, l’icône est l’Ecriture elle-même, c’est à dire la Parole de Dieu. On ne peint pas mais on écrit une icône. Autant dire que cet art revêt une originalité toute particulière. L’icône est aussi figure de communion, notamment l’icône de la Trinité de Roublev, symbole de l’œcuménisme. De plus en plus répandues dans l’Eglise catholique, elle a aussi une place particulière au sein de la communauté œcuménique de Taizé en Saône-et-Loire
Il y a vingt ans, alors qu’il venait de prendre sa retraite, François Helaers s’est lancé dans une belle aventure. La peinture est devenue sa vie. Peintures de paysages marins, mais encore plus écrivain d’icônes. Cet habitant de Dixmude, dans la Flandre du Nord, à quelques kilomètres de la frontière française mais aussi d’Ostende en a fait sa spécialité.
C’est au côté d’un moine que durant deux semaines, il s’est initié à cet art. et depuis deux décennies, il poursuit son écriture, multipliant les copies de la tradition orthodoxe. Il ne compte plus les représentations de la Mère de Dieu qu’il a réalisées, mais il est loin d’avoir épuisé les quelques 600 figures de la Vierge Marie.
Qu’est-ce qui peut pousser un retraité à se consacrer à cette écriture ? Rencontré lors d’une exposition qu’il a réalisé à l’été 2013 dans la petite ville côtière belge de Newport, François Helaers s’explique. Il évoque vingt ans de peinture d’icônes au pays des Primitifs flamands. Des propos recueillis par François Dalla-Riva.

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VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS EN TURQUIE – DIVINE LITURGIE

1 décembre, 2014

http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/homilies/2014/documents/papa-francesco_20141130_divina-liturgia-turchia.html

VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS EN TURQUIE

(28-30 NOVEMBRE 2014)

DIVINE LITURGIE

PAROLES DU SAINT-PÈRE

Église patriarcale Saint-Georges, Istanbul

Dimanche 30 novembre 2014

Sainteté, très cher Frère Bartholomée,

Souvent, comme Archevêque de Buenos Aires, j’ai participé à la Divine Liturgie des communautés orthodoxes présentes dans cette ville ; mais, me trouver aujourd’hui en cette Église Patriarcale Saint-Georges pour la célébration du saint Apôtre André, le premier des appelés et le frère de saint Pierre, patron du Patriarcat Œcuménique, est vraiment une grâce particulière que le Seigneur me donne.
Nous rencontrer, regarder le visage l’un de l’autre, échanger l’accolade de paix, prier l’un pour l’autre sont des dimensions essentielles de ce chemin vers le rétablissement de la pleine communion à laquelle nous tendons. Tout ceci précède et accompagne constamment cette autre dimension essentielle de ce chemin qu’est le dialogue théologique. Un authentique dialogue est toujours une rencontre entre des personnes avec un nom, un visage, une histoire ; et pas seulement une confrontation d’idées.
Cela vaut surtout pour nous chrétiens, parce que, pour nous, la vérité est la personne de Jésus-Christ. L’exemple de Saint André – qui, avec un autre disciple, a accueilli l’invitation du divin Maître : « Venez et vous verrez », et « ils restèrent auprès de lui ce jour là » (Jn 1, 39) –, nous montre avec clarté que la vie chrétienne est une expérience personnelle, une rencontre transformante avec Celui qui nous aime et veut nous sauver. De même, l’annonce chrétienne se répand grâce à des personnes qui, amoureuses du Christ, ne peuvent pas ne pas transmettre la joie d’être aimées et sauvées. Encore une fois, l’exemple de l’Apôtre André est éclairant. Après avoir suivi Jésus là où il habitait et s’être entretenu avec lui, « il trouva d’abord Simon son frère et lui dit : “ Nous avons trouvé le Messie ” – ce qui veut dire Christ – et il l’amena à Jésus » (Jn 1,40-42). Il est clair, par conséquent, que même le dialogue entre chrétiens ne peut se soustraire à cette logique de la rencontre personnelle.
Ce n’est donc pas un hasard si le chemin de réconciliation et de paix entre catholiques et orthodoxes a été, en quelque sorte, inauguré par une rencontre, par une accolade entre nos vénérés prédécesseurs, le Patriarche Œcuménique Athénagoras et le Pape Paul VI, il y a cinquante ans, à Jérusalem, événement que votre Sainteté et moi-même avons voulu récemment commémorer en nous rencontrant de nouveau dans la ville où le Seigneur Jésus Christ est mort et ressuscité.
Par une heureuse coïncidence, ma visite a lieu quelques jours après la célébration du cinquantième anniversaire de la promulgation du Décret du Concile Vatican II sur la recherche de l’unité de tous les chrétiens, Unitatis redintegratio. Il s’agit d’un document fondamental par lequel a été ouverte une voie nouvelle pour la rencontre entre les catholiques et les frères d’autres Églises et Communautés ecclésiales.
En particulier, par ce Décret, l’Église catholique reconnaît que les Églises orthodoxes « ont de vrais sacrements, – principalement, en vertu de la succession apostolique : le Sacerdoce et l’Eucharistie, – qui les unissent intimement à nous » (n. 15). En conséquence, on affirme que, pour garder fidèlement la plénitude de la tradition chrétienne et pour conduire à terme la réconciliation des chrétiens d’Orient et d’Occident, il est de la plus grande importance de conserver et de soutenir le très riche patrimoine des Églises d’Orient, non seulement en ce qui concerne les traditions liturgiques et spirituelles, mais aussi les disciplines canoniques, entérinées par les saints pères et par les conciles, qui règlent la vie de ces Églises (cf. nn.15-16).
J’estime important de rappeler le respect de ce principe comme condition essentielle et réciproque au rétablissement de la pleine communion, qui ne signifie ni soumission l’un à l’autre, ni absorption, mais plutôt accueil de tous les dons que Dieu a donnés à chacun pour manifester au monde entier le grand mystère du salut réalisé par le Christ Seigneur, par l’Esprit Saint. Je veux assurer à chacun de vous que, pour arriver au but désiré de la pleine unité, l’Église catholique n’entend pas imposer une quelconque exigence, sinon celle de la profession de foi commune, et que nous sommes prêts à chercher ensemble, à la lumière de l’enseignement de l’Écriture et de l’expérience du premier millénaire, les modalités par lesquelles garantir la nécessaire unité de l’Église dans les circonstances actuelles : l’unique chose que désire l’Église catholique, et que je cherche comme Évêque de Rome, « l’Église qui préside dans la charité », c’est la communion avec les Églises orthodoxes. Cette communion sera toujours le fruit de l’amour « qui a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5,5), amour fraternel qui donne expression au lien spirituel et transcendant qui nous unit comme disciples du Seigneur.
Dans le monde d’aujourd’hui se lèvent avec force des voix que nous ne pouvons pas ne pas entendre, et qui demandent à nos Églises de vivre jusqu’au bout le fait d’être disciples du Seigneur Jésus-Christ.
La première de ces voix est celle des pauvres. Dans le monde, il y a trop de femmes et trop d’hommes qui souffrent de grave malnutrition, du chômage croissant, du fort pourcentage de jeunes sans travail et de l’augmentation de l’exclusion sociale, qui peut conduire à des activités criminelles et même au recrutement de terroristes. Nous ne pouvons pas rester indifférents devant les voix de ces frères et sœurs. Ils nous demandent, non seulement de leur donner une aide matérielle, nécessaire en de nombreuses circonstances, mais surtout que nous les aidions à défendre leur dignité de personne humaine, de sorte qu’ils puissent retrouver les énergies spirituelles pour se relever et être de nouveau protagonistes de leur histoire. Ils nous demandent aussi de lutter, à la lumière de l’Évangile, contre les causes structurelles de la pauvreté : l’inégalité, le manque d’un travail digne, d’une terre et d’une maison, la négation des droits sociaux et des droits du travail. Comme chrétiens nous sommes appelés à vaincre ensemble cette mondialisation de l’indifférence qui aujourd’hui semble avoir la suprématie, et à construire une nouvelle civilisation de l’amour et de la solidarité.
Une seconde voix qui crie fort est celle des victimes des conflits en tant de parties du monde. Cette voix nous l’entendons très bien résonner d’ici, parce que des nations voisines sont marquées par une guerre atroce et inhumaine. Je pense avec une profonde douleur aux nombreuses victimes de l’attentat inhumain et insensé qui, en ces jours, a frappé les fidèles musulmans qui priaient dans la mosquée de Kano, au Nigeria. Troubler la paix d’un peuple, commettre ou consentir toute espèce de violence, spécialement sur les personnes faibles et sans défense, est un péché très grave contre Dieu, parce que c’est ne pas respecter l’image de Dieu qui est dans l’homme. La voix des victimes des conflits nous pousse à avancer rapidement sur le chemin de la réconciliation et de la communion entre catholiques et orthodoxes. D’ailleurs, comment pouvons-nous annoncer de manière crédible l’Évangile de paix qui vient du Christ, si, entre nous, continuent d’exister des rivalités et des querelles (cf. Paul VI, Exhort. ap. Evangelium nuntiandi, n. 77) ?
Une troisième voix qui nous interpelle est celle des jeunes. Aujourd’hui, malheureusement, il y a beaucoup de jeunes qui vivent sans espérance, vaincus par le découragement et la résignation. Beaucoup de jeunes, de plus, influencés par la culture dominante, cherchent la joie uniquement dans la possession de biens matériels et dans la satisfaction des émotions du moment. Les nouvelles générations ne pourront jamais acquérir la vraie sagesse ni maintenir vivante leur espérance si nous ne sommes pas capables de valoriser et de transmettre l’authentique humanisme, qui surgit de l’Évangile et de l’expérience millénaire de l’Église. Ce sont justement les jeunes – je pense par exemple aux multitudes de jeunes orthodoxes, catholiques et protestants qui se rencontrent dans les rassemblements internationaux organisés par la communauté de Taizé –, ce sont eux qui aujourd’hui nous demandent de faire des pas en avant vers la pleine communion. Et cela non parce qu’ils ignorent la signification des différences qui nous séparent encore, mais parce qu’ils savent voir au-delà, ils sont capables de recueillir l’essentiel qui déjà nous unit.
Cher Frère, très cher Frère, nous sommes déjà en chemin, en chemin vers la pleine communion et déjà nous pouvons vivre des signes éloquents d’une unité réelle, bien qu’encore partielle. Cela nous conforte et nous soutient dans la poursuite de ce chemin. Nous sommes sûrs que le long de cette route nous sommes soutenus par l’intercession de l’Apôtre André et de son frère Pierre, considérés par la tradition comme les fondateurs des Églises de Constantinople et de Rome. Invoquons de Dieu le grand don de la pleine unité et la capacité de l’accueillir dans nos vies. Et n’oublions jamais de prier les uns pour les autres.

MAXIME EGGER : AUJOURD’HUI JE COMMENCE (Orthodoxie)

30 octobre, 2014

http://www.pagesorthodoxes.net/foi-orthodoxe/temoignage-maxime-egger.htm

Témoignages : Chemins vers l’Orthodoxie

MAXIME EGGER : AUJOURD’HUI JE COMMENCE

par Maxime Egger

Archimandrite Sophrony (1897-1993)

Maxime Egger est né en Suisse dans une famille catholique. Il est devenu orthodoxe en 1990, suite à plusieurs visites au monastère orthodoxe Saint-Jean-Baptiste en Angleterre et à plusieurs entretiens avec l’archimandrite Sophrony, fils spirituel et biographe de saint Silouane l’Athonite. Maxime Egger fut l’inspirateur et le premier secrétaire de l’Association Saint Silaoune l’Athonite et il est le fondateur des Éditions Le sel de la terre, maintenant associées en co-édition avec les Éditions du Cerf, et de la Fondation « Diagonale ». Il est l’auteur de Prier 15 jours avec Silouane (Nouvelle cité, 2002) et il prépare une biographie du père Sophrony. Il est diacre à la paroisse Sainte-Trinité-et-Sainte-Catherine à Genève (Patriarcat de Constantinople).

Comment faire pour que Dieu ne meure pas entre les lignes d’un texte? »
Mgr Georges Khodr

Comment suis-je devenu orthodoxe ? C’est sans doute la question qui m’a été posée le plus souvent ces dernières années. N’aimant guère parler de moi-même, j’ai généralement noyé le poisson dans quelques vagues généralités. Aujourd’hui, après de longues hésitations, j’ai consenti à répondre.
Pourtant, alors que je prends la plume, je me dis que j’ai été bien imprudent, inconscient même, d’accepter un exercice aussi difficile, délicat et périlleux. Difficile, parce qu’il est, au fond, impossible de raconter en quelques pages ce qui est le fruit d’années de cheminement. Délicat, parce qu’il y a dans ce parcours – comme dans tout cheminement spirituel – un mystère proprement indicible, une dimension si profonde et personnelle qu’on ne peut qu’avoir énormément de réticence à en parler. Mais, si ma main frémit, c’est surtout que j’ai peur de parler davantage pour ma propre gloire que pour la gloire de Dieu.
Je viens d’utiliser le mot « cheminement ». J’aurais aussi pu parler d’une série de passages – au sens de Pâques –, d’une succession de morts-résurrections. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Je vois vraiment non seulement mon itinéraire spirituel, mais toute la vie comme une marche ininterrompue, un pèlerinage intérieur et une ascension toujours recommencée vers le Royaume des cieux, qui est au milieu de nous et en nous. Sur ce chemin, il y a tout ce dont l’existence est faite, mais surtout des rencontres, des personnes à travers lesquelles – sans que j’en sois toujours conscient – Dieu est venu à ma rencontre et m’a montré la voie.
Que dire de mon itinéraire spirituel et de ses différentes étapes ?
D’abord, il y a eu le temps de l’enfance, dans une famille catholique plutôt pieuse mais non rigoriste, avec le catéchisme et la messe plus ou moins « obligatoires ».
Ensuite, juste après ma confirmation, est venu le temps de la révolte de l’adolescence contre une Église jugée – à tort ou à raison – comme pharisienne, hypocrite, moralisatrice, culpabilisante. Rébellion qui va m’amener à jeter le bébé (le Christ) avec l’eau du bain (l’institution et ses dogmes).
À partir de 15 ans, je peux dire que j’étais agnostique, mais travaillé en profondeur par les grandes questions métaphysiques: qui suis-je ? quel est le but de la vie ? pourquoi la souffrance et la mort ? etc. Le temps de la quête avait commencé. Lecture des grands auteurs existentialistes, études de sociologie et engagement journalistique, tout cela m’exaltait, mais rien ne me satisfaisait complètement. Il restait au fond de moi comme une béance secrète. J’avais, intuitivement, le sentiment que l’homme ne peut pas être à lui-même son propre sens, la source de sa propre vie.
Taraudé par ce manque, fatigué par « les petites éternités de jouissance » dont je relevais mon quotidien, je décidai en 1983 – terme de ma formation journalistique – de prendre une année sabbatique pour réaliser un vieux rêve : le voyage en Orient. Je passerai, de fait, quelque neuf mois dans le sous-continent indien.
Ce voyage, si riche et bouleversant que je n’ai toujours pas fini de le digérer, fut un temps de l’éveil. L’un des moments capitaux eut lieu dans le désert de Thar (Rajasthan). Le corps limé et l’âme polie par la route, j’étais descendu au petit matin au bord d’un étang dans lequel se mirait un temple. Là, dans le silence et la solitude de l’aube, dans cette transparence cristalline de l’eau et de l’air, j’ai été soudain comme submergé par une force de paix, de plénitude, de lumière. Les larmes, abondantes, coulaient sans raison. Entre le monde et moi, tout soudain était communion, amour, harmonie.
Cette expérience était-elle une illusion – je me méfie plutôt des états mystico-extatiques – ou une manifestation de la Gloire divine qui irradie en permanence les êtres et les choses? Je ne sais pas et je préfère ne pas me prononcer. Peu importe d’ailleurs. L’essentiel – ce dont je suis sûr – c’est qu’après rien n’était plus comme avant. Mon cœur avait été touché, une autre dimension de la conscience s’était ouverte en moi. Oui, il y a au plus profond de l’être et du monde une force, un Etre, une Présence infinie, au-delà du temps et de l’espace, qui transcende le réel et qui le fonde. Oui, l’homme est un mélange de finitude et d’infini, de temporel et d’éternel. A ce moment-là, cet Être, ce Tout-Autre était encore impersonnel. Il n’avait ni nom, ni visage. Je n’osais pas encore l’appeler Dieu. Mais il était.
De retour en Suisse s’imposa le temps du questionnement. L’existence de ce Tout-Autre dont j’avais eu l’intuition remettait tout en cause. Les questions se bousculaient dans mon esprit: quelles conséquences dois-je en tirer pour ma vie ? puis-je simplement continuer comme avant, reproduire le même bonheur facile et superficiel ? Un désir d’infini et d’éternité brûlait en moi. Je ressentais comme une indicible nostalgie de cette paix et de cette unité à laquelle il m’avait été donné de goûter.
Des auteurs comme Karlfried Graf Dürckheim et René Guénon me permirent de comprendre, de mettre des mots sur ce qui m’arrivait. Tout devenait clair: pour rester en contact avec cet Etre suprême, Principe de toute existence, il fallait me rendre « transparent », me libérer de mon ego et de ses illusions. Pour cela, les livres ne servaient à rien. Je devais me mettre en chemin. Il fallait une pratique de transformation spirituelle. Différentes rencontres, certaines affinités esthétiques firent le reste: le temps du zen pouvait commencer.
Laïc, sans dogmes ni croyances, « neutre » donc universel, centré sur l’expérience immédiate de l’esprit humain et non sur l’étude des textes, le zen me convenait très bien. Je m’y engageai avec beaucoup de zèle, notamment au sein d’une communauté réunie autour d’un centre de rencontres spirituelles et de méditation dans le Jura neuchâtelois. Par sa rigueur et ses exigences alliées à une étonnante fraîcheur, cette pratique a été fondatrice pour toute la suite de mon cheminement.
Ce travail de vidage et de vidange du moi, d’ouverture intérieure, de dépouillement et d’approfondissement, allait paradoxalement, secrètement, permettre à la grâce de mon baptême de se réactiver. Un jour, en pleine session zen, la figure du Christ remonta ainsi à la surface, resurgit des profondeurs de l’être. Fabuleux humour de Dieu qui écrit droit avec des lignes courbes: cet Etre impersonnel et abstrait dont j’avais pris conscience en Inde prenait, par la pratique d’une forme impersonnelle de méditation, un visage et un Nom personnels: Jésus-Christ. Comme saint Augustin, j’avais envie de crier : « Mais toi, Seigneur, tu étais plus intérieur que ce qu’il y a en moi de plus intérieur, et plus élevé que ce qu’il y a en moi de plus élevé ».
Alors, je partis à la recherche de mes racines chrétiennes. Avec cette question, lancinante: existait-il dans le christianisme une voie offrant les éléments que la spiritualité orientale m’avait montrés comme essentiels à tout cheminement: des pratiques de transformation intérieure, une vraie «tradition», une relation maître-disciple vivante ? René Guénon – qui mentionne l’hésychasme comme «voie initiatique» –, diverses rencontres à la faveur notamment d’une enquête journalistique sur les conversions, un reportage en Egypte chez les Coptes m’amenèrent tous à la même réponse: une telle voie existait dans le christianisme oriental.
Étrangement, une conversation que j’avais eue avec une amie deux ans auparavant me revint en mémoire avec une intensité et une insistance inhabituelles. Elle m’avait parlé alors d’un monastère « extraordinaire », fondé en Angleterre par l’archimandrite Sophrony (1896-1993), un moine orthodoxe – disciple du starets Silouane (1866-1938), canonisé en 1987 par la Patriarcat œcuménique de Constantinople – qui avait vécu plus de vingt ans au mont Athos, notamment comme ermite et père spirituel de plusieurs communautés. Ce souvenir m’obséda tellement que je finis par me rendre en Grande-Bretagne.
Le séjour au monastère Saint-Jean-Baptiste (Essex) fut absolument bouleversant. Outre l’accueil réservé à chaque visiteur (véritablement reçu comme le Christ) et la proximité entre moines, moniales et pèlerins qui se côtoyaient en toute simplicité, partageant les mêmes espaces de vie, trois choses m’ont frappé lors de ce premier séjour.
D’abord, l’extrême attention accordée à la personne, le respect absolu de son unicité. De ce respect naissait visiblement une étonnante liberté, laquelle prenait son sens et sa consistance dans le don et l’oubli de soi pour le service de l’autre. Je découvrais ce que signifie «vivre en Église», mode d’existence qui fait – ou devrait faire – de l’Église autre chose qu’une société simplement humaine.
Ensuite, l’office de la prière de Jésus. Je me souviendrai toujours quand, dans la fraîcheur du petit matin, je suis entré pour la première fois dans l’Église Saint-Silouane. Tout baignait dans une lumineuse pénombre, irradiée par les veilleuses devant les icônes. Le silence régnait, rehaussé par le chant des oiseaux qui filtrait à travers les impostes. Et pendant deux heures, cette prière psalmodiée en d’innombrables langues, slavon, grec, français, anglais: « Seigneur Jésus-Christ, fils de Dieu, aie pitié de nous ». Si je l’ai récitée au début quasiment comme un «mantra», cette prière allait devenir, au fil du temps, un face-à-Face personnel, vivant, pacifiant, purificateur, avec le Christ. Dans le tréfonds du cœur, un moyen de communion avec Dieu, mais aussi un combat ardu et souvent épuisant contre les passions et pensées parasites. J’étais fasciné à l’idée que cette prière était née dans le désert d’Egypte au IVe siècle. Cette première rencontre avec l’orthodoxie était donc aussi un retour aux racines du christianisme et de l’Europe, à l’Église une et indivise des premiers siècles.
Enfin, j’ai été bien sûr touché par la beauté des offices liturgiques, célébrés avec une profondeur qui – je le compris plus tard – était l’expression simultanée de la joie pascale et de la douleur de la Croix.
Que ce soit dans la prière de Jésus ou dans la liturgie, j’ai été immédiatement fasciné par la place donnée au corps, mobilisé dans tous ses sens – la vue par les icônes et les bougies, l’ouïe par les chants, l’odorat par l’encens, etc. – et par une série de gestes: signes de croix, prosternations (métanies)… L’Inde, par le choc avec sa réalité nue, m’avait fait découvrir non seulement que j’avais un corps, mais que j’étais un corps. L’orthodoxie, à travers ses offices liturgiques, ses jeûnes fréquents, sa tradition ascétique, allait m’apprendre que la rencontre et l’union à Dieu passe aussi par le corps.
Pendant ce séjour, il ne me fut pas possible de voir le père Sophrony, malade. Juste avant de partir, l’un des moines me donna un tchotki à cent nœuds, un chapelet de laine noir confectionné au mont Athos. Je le reçus comme un signe non seulement d’encouragement à la prière, mais aussi de lien spirituel.
Je passerai sous silence ce qu’il me fut donné de vivre à mon retour. Je dirai simplement que mon cœur était blessé d’amour et qu’une porte s’était entrouverte, révélant mon néant et mes ténèbres intérieures devant Dieu. « Repentez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche » (Mt 4,17), dit le Christ au début de son Evangile. Sans doute n’ai-je pas encore commencé à me repentir, mais j’ai appris que cette métanoïa est la clé de la vie spirituelle. Indissociable de l’humilité, elle est le moteur de la transformation du vieil homme en homme nouveau, de l’ouverture à l’Esprit. Oui, ce n’est qu’en reconnaissant mes faiblesses, mes imperfections, la poubelle qu’est mon âme, que je peux m’ouvrir à la miséricorde de Dieu, à l’amour qui est pardon et patience. C’est cet amour, cette compassion qui change la substance même des choses, qu’il m’a été donné de découvrir d’emblée dans l’Église orthodoxe.
Ayant très naturellement abandonné le zen pour la prière de Jésus, je me plongeai avec passion dans les lectures qui m’avaient été recommandées au monastère: outre l’Evangile et les Psaumes, notamment le livre du père Sophrony sur le starets Silouane, un ouvrage sur la prière de Jésus de saint Ignace Briantchaninov et l’Essai sur la théologie mystique de l’Église d’Orient de Vladimir Lossky. Les finesses théologiques, bien sûr, m’échappaient, mais deux points résonnèrent tout de suite puissamment en moi.
D’abord, l’unité profonde, indissociable, entre théologie et mystique, exprimée par la formule célèbre d’Evagre le Pontique: « Si tu es théologien, tu prieras vraiment, et si tu pries vraiment, tu es théologien ». Autrement dit, il n’y a pas de vraie théologie sans connaissance du mystère de Dieu. Et connaître ce mystère, c’est le vivre, dans une expérience de l’Esprit saint qui dépasse, crucifie et transfigure la raison.
Le deuxième point qui me parla très fort, c’est la conception orthodoxe du salut. Non pas comme «rachat» ou «rédemption», mais comme «transfiguration» et «déification». «Dieu s’est fait homme pour que l’homme puisse devenir Dieu», déclare saint Athanase d’Alexandrie. Chez les pères orthodoxes, l’être humain est toujours vu d’abord en référence l’image divine qui est en lui et non par rapport à son péché. Et le péché n’est pas défini comme la transgression juridique d’une norme éthique, mais comme le refus de l’amour du Père, l’éloignement de Dieu dû à l’orgueil et aux maladies spirituelles de l’âme et du corps. D’où une approche thérapeutique et non culpabilisante du péché, ainsi qu’une vision ontologique de la sainteté: « Saint n’est pas celui qui a atteint un degré élevé dans le domaine de la morale humaine ou dans une vie d’ascèse et même de prière (les pharisiens aussi jeûnaient et disaient de « longues » prières), mais celui qui porte en lui le Saint-Esprit », dit le père Sophrony.
Je comprenais ainsi que le christianisme n’est pas d’abord une éthique, mais un mode d’être spirituel, une voie d’union à Dieu, une vie crucifiée et ressuscitée qui fait de nous une créature nouvelle. Les commandements du Christ ne sont pas des lois sur le mode d’un «tu feras, tu ne feras pas», mais des «énergies divines» par lesquelles nous pouvons devenir – dans notre vie, notre conscience et notre pensée – semblables au Christ. Quant à l’Église, elle n’est pas d’abord une instance morale, ni une agence caritative ou humanitaire, mais le grand hôpital de l’âme, le lieu où nous sommes sûrs de pouvoir recevoir le Dieu vivant et participer à son Royaume.
Peu à peu, je découvrais un autre visage du christianisme que celui dont j’avais le souvenir. Un visage qui me séduisait, m’enchantait. Surtout, loin d’être une abstraction, une belle vision de l’esprit, ce christianisme était vécu, incarné – imparfaitement sans doute, mais non moins réellement – par des communautés et des personnes. De retour au monastère Saint-Jean-Baptiste quelques mois après ma première visite, j’eus la grâce infinie de rencontrer l’archimandrite Sophrony. Une rencontre qui marque, à l’évidence, un tournant dans mon existence.
Il y aurait mille choses à dire sur cet homme de Dieu, reconnu par tous comme un authentique starets. Mais, selon son désir, je resterai discret. Je ne dirai qu’une seule chose, capitale pour mon cheminement: j’avais sous les yeux un témoin de la vie en Christ, de la connaissance de la Trinité. Je voyais dans cet ancien ce qu’était une « personne », un être de communion avec Dieu et les autres. Devant tant d’amour et de liberté, de lumière et de vitalité créatrice, je pouvais donc avoir confiance dans la voie, la tradition dont il était porteur.
J’ai « flirté » ainsi, si je puis dire, intensément pendant plus de deux ans avec l’orthodoxie, me familiarisant avec ses rites, sa théologie, visitant régulièrement le monastère Saint-Jean-Baptiste, commençant à fréquenter les paroisses orthodoxes de Fribourg et de Chambésy. Je passais de la croyance héritée de mon enfance à la foi, c’est-à-dire à une relation vivante, personnelle, avec le Christ.
Assez vite, je manifestai le désir de devenir orthodoxe. Mais le père Sophrony freina mon élan, estimant que je devais « simplement » (!) m’efforcer de « passer mes journées sans péché » et que cela pouvait se faire n’importe où (à cet égard, je ne crois pas qu’il y ait moins prosélyte que l’Église orthodoxe). Il m’a donc fallu attendre plus de deux ans pour pouvoir faire le pas. Avec le recul, je pense que cette attitude de réserve, d’appel à la patience, était pleine de sagesse.
Ce temps de l’attente, véritable kénose, s’est donc révélé très profitable, fécond. Il m’a permis d’approfondir ma foi, d’aller au bout de certaines questions, d’affronter certains doutes, de faire ma catéchèse, de perdre d’emblée certaines illusions sur l’Église orthodoxe, de mettre à l’épreuve la profondeur de mon désir. Il m’a permis également de régler la question de mes origines catholiques.
Devant la fin de non-recevoir du père Sophrony, j’ai en effet essayé de renouer avec ma tradition d’origine. Malgré ces efforts, les personnes remarquables que j’ai rencontrées, la mayonnaise, comme on dit, n’a pas pris. J’étais déjà ailleurs, irrésistiblement attiré par la spiritualité chrétienne orientale où je respirais avec ampleur. Et puis, autant je me sentais en symbiose avec la théologie et l’ecclésiologie orthodoxes, autant je butais sur certains aspects du catholicisme romain, notamment l’institution du pape, la conception de l’Esprit saint, un certain juridisme ambiant…
En 1990, je vécus la Semaine Sainte au monastère Saint-Jean-Baptiste. Une véritable mort-résurrection avec le Christ qui rendit mon « passage » – au sens de Pâque – à l’orthodoxie aussi évident qu’inéluctable. Ce « passage » – j’en étais sûr maintenant – n’était ni une affaire de convenance, ni un choix esthétique purement subjectif, mais une nécessité intérieure. J’aurais envie de dire: une question de vie et de mort. Le père Sophrony le comprit et, quelques semaines plus tard, j’entrais dans la communion sacramentelle de l’Église orthodoxe au monastère. Afin de marquer cette Pâque personnelle, de manifester ce désir d’entrer dans une vie nouvelle, le père Sophrony me donna le prénom de Maxime, me plaçant sous le patronage de saint Maxime le Confesseur, disciple de saint Sophrone de Jérusalem.
On l’aura compris. Mon «passage» à l’orthodoxie n’est pas le résultat d’une réflexion intellectuelle ou d’une fascination plus ou moins exotique, mais le fruit d’un long cheminement spirituel. Il n’y a en lui ni rejet, ni reniement, ni trahison d’une autre confession. Vu mon long éloignement de l’Église catholique, il ne s’agissait ni d’un changement – encore moins d’une rupture –, mais d’une réintégration, ailleurs, dans le corps du Christ qui est l’unique Église. Je n’ai pas choisi une confession par opposition à une autre, après un savante comparaison de leurs vertus et degrés de vérité respectifs. Non, j’ai simplement suivi le chemin qui s’ouvrait et se déroulait sous mes pas, obéi à un attrait très fort, irrésistible même, pour une Lumière à l’éclat et à la pureté extraordinaires. En ce sens, ma conversion est essentiellement de l’ordre de l’accomplissement.
En fait, je ne me suis pas converti à l’orthodoxie, mais au Christ, qui est le chemin et la vérité. Il faut ici clairement distinguer entre être orthodoxe et vivre en orthodoxe, c’est-à-dire en chrétien. Autrement dit, on est orthodoxe par son «incorporation» sacramentelle et la foi que l’on confesse, mais on devient chrétien par sa vie, par l’acquisition de l’Esprit saint à travers l’assimilation et la mise en pratique de l’Evangile.
Entrer dans cette vision-là, c’est évidemment tout le contraire d’une affirmation confessionnelle autosatisfaite, exclusive, nationaliste, ethnique ou triomphaliste. Personnellement, je me sens chrétien avant d’être orthodoxe. Ou plutôt je ne conçois l’orthodoxie que comme synonyme de la vie chrétienne, évangélique, en plénitude. En ce sens, devenir orthodoxe, ce n’est pas seulement se couvrir d’un nouveau manteau tissé de rites et de formulations théologiques, c’est revêtir le Christ lui-même. Mais revêtir le Nouvel Adam, qu’est-ce sinon accepter de mourir au vieil Adam, changer de peau et de vie ?
J’ai dit que mon entrée dans la communion sacramentelle de l’Église orthodoxe était un accomplissement. En conclusion, j’aurais envie d’ajouter qu’elle est en réalité un commencement. Car la vraie conversion – la seule qui compte, au-delà de toute appartenance ecclésiale –, c’est la métanoïa dont parle Jésus au début de l’Évangile, le retournement de tout notre être, de notre cœur le plus profond, par lequel « notre pauvreté humaine se tourne vers la grâce de Dieu » (André Louf). Or, dans la mesure où je reste pécheur, cette révolution intérieure n’est jamais faite une fois pour toutes. Elle ne s’interrompt ni ne se termine jamais. Elle est un mouvement infini, un devenir qui n’en finit pas d’advenir. Elle est le chemin à la suite de Celui qui est le Chemin, qui chemine avec moi et en moi: le Christ qui fait toutes choses nouvelles.

Être orthodoxe, pour moi, c’est me dire chaque matin comme saint Antoine: « Aujourd’hui je commence ».

« L’AMOUR QUI EMBRASSE » PAR NICOLAS P. PAPAS

25 août, 2014

http://www.iconsexplained.com/iec/iecf_citation_serge_boulgakov.htm#citation

« L’AMOUR QUI EMBRASSE » PAR NICOLAS P. PAPAS

Ré-imprimé avec permission, courtoisie Nicholas Papas

Traduit de l’anglais par P.W. de Ruyter avec l’aide d’un moine

L’icône « Plus spacieux que les Cieux » occupe une place très en vue dans une église orthodoxe, peut-être parce qu’elle exprime quelques unes de nos croyances essentielles au centre de notre Foi, principalement la volonté de notre Mère, l’Église, de nous recevoir avec ses bras grand-
ouverts qui nous attendent.
L’icône est souvent connue par son nom grec « Platytera Ton Ouranon », ou tout simplement « Platytera ». Dans la plupart des églises orthodoxes, on la retrouve à une place la mettant bien en évidence — en position haute dans l’abside — et souvent ses proportions énormes mettent toutes les autres icônes dans l’ombre. Ceci peut donner une impression un peu étrange à un visiteur non-orthodoxe. Ses grandes dimensions peuvent d’ailleurs causer un dilemme même chez les orthodoxes. Comment se peut-il, dans une église chrétienne, lieu où la vie tourne autour du Christ, qu’une image de Sa mère semble tout dominer? En réalité, il y a une image du Christ, le Tout-Puissant, reproduite à une place d’honneur : sur le plafond [ou dans le dôme, si le bâtiment de l'église en a un]. Deuxièmement, le Christ se trouve au centre du Platytera, sur les genoux de Marie.
Cela nous montre une équilibre dans la perspective, de l’Église, de la place et du rôle de Marie. Elle est essentielle et significative en raison de sa relation avec le Christ. Le Christ n’aurait pas pu naître sans son libre consentement. Elle est rendue significative par Celui qu’elle a porté. Elle fournit le trône. Elle est à l’arrière-plan. Ces caractéristiques révèlent son humilité, et paradoxalement l’icône la glorifie à sa manière propre, à cause de cela.
Elle est significative pour nous comme exemple de ce qui peut résulter d’une soumission libre à la bonté de Dieu. Elle est indispensable parce que, sans elle, la naissance du Christ n’aurait pas eu avoir lieu. La position architecturale de la Platytera nous enseigne clairement qu’elle est la personne par laquelle le ciel et la terre sont unis, parce que la peinture murale est l’endroit où le plafond et le plancher se rencontrent. Son icône « unit » l’icône du Christ représentée au plafond à nous qui sommes debout sur le plancher.
Une chose remarquable s’est passée avec la venu de l’Esprit Saint à la Pentecôte: Dieu révéla à l’humanité que chacun a la capacité que Dieu demeure dans son intérieur. Cela représentait un concept radicalement différent pour les Juifs de cette époque qui voyaient le trône de Dieu comme une structure physique, le Temple à Jérusalem. Maintenant, tous les croyants pouvaient être comme Marie — la première et la plus belle exemple que le corps physique de chaque croyant « est un temple de l’Esprit Saint » (1 Corinthiens 6:19). En raison du fait que Marie est cet exemple premier et parfait de « temple », la sagesse du choix de l’emplacement de la Platytera s’avère confirmée. Dans une même manière la Pentecôte portait les gens à repenser leur croyance concernant la demeure exacte de Dieu. D’une façon concrète, il nous faut prendre conscience de cette question : comment Dieu vit-il en nous, les croyants?
Dans cette icône les mains de Marie sont ouvertes et tendues. C’est une attitude de prière. Nous pouvons voir clairement qu’elle prie toujours pour nous, comme la bonne mère qu’elle est. En même temps nous pouvons voir dans ses bras ouverts une invitation qui signifie son désir intense de nous laisser embrasser par elle. Dans un sens spirituel, personne ne peut nous embrasser plus parfaitement qu’elle. En tant que Marie est une image de « l’Église », nous pouvons voir comment nous sommes « embrassés ».
Comme chaque bonne mère, notre Mère l’Église voit tous nos besoins. Et avec l’Église, nos besoins les plus profonds et les plus vrais sont finalement comblés. Elle nous donne à manger avec le « Pain de Vie » (Jean 6:35), elle nous habille avec une « vêtement de salut » et un « manteau de justice » (Isaïe 61:10), elle nous lave de nos péchés (Actes 22:16) avec « l’eau qui régénère », elle nous donne à boire de la « Source de Vie », elle nous abrite « sous l’ombre » des Ses ailes (Psaume 17:8), et elle nous donne une place pour trouver du « repos pour nos âmes ». Notre bonne Mère qui nous aime inconditionnellement est toujours prête et elle nous attend. Dans la superbe image de la Platytera elle se montre prête à nous embrasser. C’est une image précise et véridique qui nous montre le mystère merveilleux de la volonté intense mais patiente de Dieu de nous donner l’amour inconditionnel. Il y a un message simple dans l’image de Marie « Platytera »: viens et laisse-toi embrasser par l’amour parfait. »

 

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