Archive pour la catégorie 'Orthodoxie'

pour la mort du patriarche Alexis II: Russie : le patriarche Alexis II reçoit le card. Vingt-Trois (3 novembre Paris)

5 décembre, 2008

du site: 

http://www.zenit.org/article-19272?l=french

Russie : le patriarche Alexis II reçoit le card. Vingt-Trois

Une « rencontre simple et fraternelle »

ROME, Lundi 3 novembre  2008 (ZENIT.org) – Une « rencontre simple et fraternelle » : c’est en ces termes que le diocèse de Paris rapporte la rencontre du patriarche de Toute les Russies, Alexis II, et de l’archevêque de Paris, le cardinal André Vingt-Trois, président de la conférence des évêques de France.

Rappelons que le cardinal Vingt-Trois s’est rendu en Russie, à l’invitation du Patriarche Alexis II, accompagné par trois évêques français, du lundi 27 au jeudi 30 octobre (cf. Zenit des 17 et 31 octobre 2008). 

« Le Patriarche et l’archevêque  de Paris ont pu échanger durant près d’une heure lors d’une rencontre simple et fraternelle mercredi après midi », indique un communiqué qui précise le contenu de cet entretien en disant : « Ils ont évoqué, entre autres sujets, l’importance de la transmission de la foi aux jeunes et différentes possibilités de poursuivre les relations développées entre l’Église orthodoxe russe et l’Église catholique à Paris et en France ». 

Dans le cadre de l’année 2010 de la France en Russie et de la Russie en France, ils ont émis « l’hypothèse de proposer à la vénération des fidèles des reliques de saints des deux traditions », souligne la même source.

« Ce voyage pèlerinage a permis au cardinal Vingt-Trois et à ceux qui l’accompagnaient de découvrir la vitalité de l’Eglise orthodoxe russe, fait observer le communiqué. Celle-ci se manifeste, par exemple, à travers les reconstructions d’églises et de monastères, le nombre des baptêmes d’enfants ou d’adultes et les vocations monastiques et sacerdotales. Les personnes rencontrées ont souligné à plusieurs reprises que, un peu comme l’Eglise en France au sortir de la Révolution française, un travail de catéchèse et de formation théologique est nécessaire pour affermir cette renaissance ».

La délégation du cardinal Vingt-Trois a également déjeuné avec des professeurs de l’académie de théologie de la Trinité Saint Serge, avant de rencontrer des séminaristes, le mardi 28 octobre. 

Les évêques français ont ensuite pu vénérer les figures des saints de l’Eglise orthodoxe russe, et celles des néo-martyrs et des grands témoins de l’époque communiste, en particulier aux îles Solovki dans le nord du pays et lors de la visite à la tombe du Père Alexandre Men, assassiné en 1990. 

Le lendemain, 29 octobre, l’archevêque  de Paris a donné une conférence sur le thème de l’annonce de l’Évangile dans une société sécularisée, à la Bibliothèque de littérature étrangère. 

A la cathédrale catholique de l’Immaculé Conception, la délégation a prié avec la  communauté catholique de Moscou et son évêque, Mgr Pezzi, endeuillés par l’assassinat des pères jésuites Otto Messmer et Victor Betancourt (cf. Zenit du 29 octobre 2008).

par Bartholomée Ier : « Nos espoirs augmentent de voir un jour nos deux Eglises converger pleinement »

22 octobre, 2008

du site: 

http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/208818?fr=y

« Nos espoirs augmentent de voir un jour nos deux Eglises converger pleinement »

Le texte intégral du discours du patriarche œcuménique de Constantinople au synode des évêques de l’Eglise catholique, prononcé à la Chapelle Sixtine samedi 18 octobre 2008 par Bartholomée Ier

Sainteté, Pères synodaux, j’éprouve un sentiment d’humilité mais également d’enthousiasme à avoir été gracieusement invité par Votre Sainteté à m’adresser à la XIIe Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques, une rencontre historique d’Évêques de l’Église catholique romaine provenant du monde entier, réunis en un même lieu afin de méditer sur “la Parole de Dieu” et de délibérer à propos de l’expérience et de l’expression de cette Parole “dans la vie et la mission de l’Église”. Cette aimable invitation de Sa Sainteté à notre modeste personne est un geste plein de sens et de signification – nous dirions même un événement historique en soi. C’est en effet la première fois dans l’histoire qu’un Patriarche oecuménique se voit offrir la possibilité de s’adresser à un Synode des Évêques de l’Église catholique romaine, et donc de faire partie de la vie de l’Église soeur à un si haut niveau. Nous considérons cela comme une manifestation du travail du Saint Esprit qui conduit nos Églises à des relations réciproques plus étroites et plus profondes et comme une étape importante en vue de la restauration de notre pleine communion.

Il est bien connu que l’Église orthodoxe attache une importance ecclésiologique fondamentale au système synodal. Avec la primauté, la synodalité constitue le pilier du gouvernement de l’Église et de son organisation. Ainsi que l’a indiqué la Commission internationale conjointe pour le Dialogue théologique existant entre nos deux Églises dans son document de Ravenne, l’interdépendance entre synodalité et primauté traverse tous les niveaux de la vie de l’Église: local, régional et universel. Dès lors, en ayant aujourd’hui le privilège de nous adresser à votre Synode, nos espoirs augmentent de voir un jour nos deux Églises converger pleinement sur le rôle de la primauté et de la synodalité dans la vie de l’Église, ce à quoi notre Commission théologique commune dédie actuellement ses études.

Le thème auquel ce synode épiscopal dédie son travail revêt une signification cruciale non seulement pour l’Église catholique romaine mais également pour tous ceux qui sont appelés à témoigner le Christ dans notre temps. La mission et l’évangélisation demeurent un devoir permanent de l’Église dans tous les temps et en tout lieu; elles font partie de la nature de l’Église puisqu’elle est appelée “Apostolique” tout à la fois dans le sens de l’origine de sa foi, enracinée dans l’enseignement original des Apôtres, et en ce qu’elle proclame la Parole de Dieu dans tous les contextes culturels, à tout moment. L’Église doit donc redécouvrir la Parole de Dieu à chaque génération et l’adresser avec une vigueur et une persuasion renouvelées à notre monde contemporain qui, au fond de son coeur, a soif du message de paix, d’espoir et de charité de Dieu.

Ce devoir d’évangélisation serait grandement valorisé et renforcé si tous les chrétiens se trouvaient dans une position à partir de laquelle ils pourraient la mener d’une seule voix et comme une Église pleinement unie. Dans sa prière au Père peu avant Sa passion, notre Seigneur a exprimé clairement que l’unité de l’Église est inaltérable en ce qui concerne sa mission “afin que le monde croie” (Jn 17, 21). Il est donc fort approprié que ce Synode ait ouvert ses portes aux délégués fraternels oecuméniques de façon à ce que nous puissions tous devenir conscients de notre mission commune d’évangélisation et des difficultés et problèmes liés à sa réalisation dans le monde d’aujourd’hui.

Ce Synode a, sans aucun doute, étudié le thème de la Parole de Dieu en profondeur et dans tous ses aspects, théologique, pratique et pastoral. Dans notre modeste intervention, nous nous limiterons à partager avec vous des réflexions sur le thème de notre rencontre, partant de la manière dont la tradition orthodoxe l’a approché au cours des siècles et en particulier à partir des enseignements de la patristique grecque.

Plus concrètement, nous voudrions nous concentrer sur trois aspects du thème, à savoir, l’écoute et la proclamation de la Parole de Dieu au travers des Écritures Saintes; la contemplation de la Parole de Dieu dans la nature et par dessus tout dans la beauté des icônes et enfin l’expérience et le partage de la Parole de Dieu dans la communion des saints et la vie sacramentelle de l’Église. Nous estimons qu’ils sont tous fondamentaux dans la vie et la mission de l’Église.

Ce faisant, nous cherchons à partir de la riche tradition patristique datant du début du IIIe siècle et qui expose une doctrine de cinq sens spirituels. Écouter la Parole de Dieu, contempler la Parole de Dieu et toucher la Parole de Dieu sont autant de manières spirituelles de percevoir l’unique mystère divin. Se basant sur le livre des Proverbes (2, 5) à propos de “tu trouveras la connaissance de Dieu” (αἴσθήσιϛ), Origène d’Alexandrie s’exclame: Ce sens se révèle comme la vue pour la contemplation des formes immatérielles, l’écoute pour le discernement des voix, le goût pour savourer le pain vivant, l’odorat pour sentir de doux parfums spirituels et le toucher pour manier la Parole de Dieu qui est comprise par toutes les facultés de l’âme.

Les sens spirituels sont décrits de manière diverses comme “cinq sens de l’âme”, facultés “divines” ou “facultés intérieures” et même comme “facultés du coeur” ou de l’“esprit”. Cette doctrine a inspiré la théologie des Cappadociens (spécialement Basile le Grand et Grégoire de Nysse) tout comme il l’a fait pour la théologie des Pères du Désert (en particulier Évagre le Pontique et Macaire le Grand).

1. Écouter et proclamer la Parole de Dieu au travers de l’Écriture

Lors de chaque célébration de la Divine Liturgie de Saint Jean Chrysostome, le célébrant qui préside l’Eucharistie prie “que nous soyons rendus dignes d’écouter le Saint Évangile”. C’est pourquoi, “ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie” (1 Jn 1,1) n’est pas d’abord et avant tout l’une de nos facultés ou un droit en tant qu’êtres humains; c’est un privilège et un don en tant qu’enfants du Dieu vivant. L’Église chrétienne est, avant tout, une Église scripturaire. Même si les méthodes d’interprétation ont pu varier d’un Père de l’Église à l’autre, d’une ”école” à l’autre et entre l’Orient et l’Occident, l’Écriture était toujours reçue comme une réalité vivante et non pas comme lettre morte.

Dans le contexte d’une foi vivante donc, l’Écriture est le témoin vivant d’une histoire vécue parlant du rapport entre un Dieu vivant et son peuple vivant. La Parole “qui a parlé par les prophètes” (Symbole de Nicée-Constantinople) a parlé en vue d’être écoutée et d’être suivie d’effet. Il s’agit tout d’abord d’une communication orale et directe conçue pour des destinataires humains. Le texte écrit est, par suite, dérivé et secondaire; le texte écrit est toujours au service de la parole prononcée. Elle n’est pas transmise de manière mécanique mais communiquée de génération en génération comme une parole vivante. Par la bouche du prophète Isaïe, le Seigneur promet: “De même que la pluie et la neige descendent des cieux et n’y retournent pas sans avoir arrosé la terre… ainsi en est-il de la parole qui sort de ma bouche, elle ne revient pas vers moi sans effet, sans avoir accompli ce que j’ai voulu” (Is 55, 10-11).

De plus, ainsi que l’explique Saint Jean Chysostome, la Parole divine démontre la profonde considération (sunkatábasis) pour la diversité des personnes et des contextes culturels de ceux qui écoutent et reçoivent. L’adaptation de la Parole divine à la capacité spécifique personnelle et le contexte culturel particulier définit la dimension missionnaire de l’Église qui est appelée à transformer le monde par la Parole. En silence comme par le biais de déclarations, en prière ou en actes, la Parole divine s’adresse au monde entier, “de toutes les nations faites des disciples” (Mt 28, 19) sans aucun privilège ou préjudice de race, de culture, de sexe ou de classe. Lorsque nous portons à terme ce mandat divin, nous sommes assurés que “voici que je suis avec vous pour toujours” (Mt 28, 20). Nous sommes appelés à proclamer la Parole divine dans toutes les langues, “Je me suis fait tout à tous, afin [que nous puissions en] sauver à tout prix quelques-uns” (1Co 9, 22).

En outre, en tant que disciples de la Parole de Dieu, il est aujourd’hui encore plus nécessaire que jamais que nous fournissions une seule perspective – au-delà de celles d’ordre social, politique ou économique – à propos de la nécessité d’éradiquer la pauvreté, de pourvoir à un monde globalement équilibré, de combattre le fondamentalisme ou le racisme et de développer la tolérance religieuse dans un monde conflictuel. En répondant aux besoins des pauvres, des vulnérables et des marginaux du monde, l’Église peut s’avérer être un repère dans l’espace et un acteur de la communauté mondiale. Alors que le langage théologique de la religion et de la spiritualité diffère du vocabulaire technique de l’économie et de la politique, les barrières qui, dans un premier temps, semblent séparer les préoccupations religieuses (telles que le péché, le salut et la spiritualité) des intérêts pragmatiques (tels que le commerce, les affaires et la politique) ne sont pas impénétrables et s’écroulent devant les multiples défis de la justice sociale et de la mondialisation.

Que cela concerne l’environnement ou la paix, la pauvreté ou la faim, l’éducation ou l’assistance sanitaire, il existe aujourd’hui un très haut degré de préoccupation et de responsabilité communes qui est ressenti de manière particulièrement forte par les personnes de foi tout comme par ceux dont les perspectives sont expressément laïques. Notre engagement sur ces sujets n’ébranle pas ou n’abolit pas les différences existant entre les disciplines ou les désaccords avec ceux qui regardent le monde de manières différentes. Désormais, les signes croissants d’un attachement commun au bien-être de l’humanité et de la vie du monde sont encourageants. Il s’agit d’une rencontre de personnes et d’institutions qui laisse bien présager pour notre monde. Et c’est une participation qui met l’accent sur la vocation suprême et sur la mission des disciples et des adhérents à la Parole de Dieu qui consiste à transcender les différences politiques ou religieuses de manière à transformer l’ensemble du monde visible pour la gloire du Dieu invisible.

2. Contempler la Parole de Dieu – La beauté des icônes et de la nature

L’invisible a jamais été plus visible que dans la beauté de l’iconographie et les merveilles de la création. Selon les mots du roi des images sacrés, saint Jean de Damas: “En tant qu’artisan du ciel et de la terre, Dieu le Verbe a été Lui-même le premier à peindre et à représenter les icônes”. Chaque coup de pinceau d’un iconographe – comme chaque mot d’une définition théologique, chaque note musicale psalmodiée, et chaque pierre taillée d’une petite chapelle ou d’une superbe cathédrale – exprime la Parole divine dans la création, qui loue Dieu en chaque être vivant et en tout ce qui est vivant.(cf. Ps 150, 6)

En confirmant les images sacrées, le Septième Concile oecuménique de Nicée n’était pas intéressé à l’art religieux; c’était la continuation et la confirmation des premières définitions sur la plénitude de l’humanité de la Parole de Dieu. Les icônes sont un rappel visible de notre vocation divine; elles représentent une invitation à nous élever au-dessus de nos préoccupations futiles et des questions réductrices de ce monde. Elles nous encouragent à chercher l’extraordinaire dans le très ordinaire, à nous remplir du même émerveillement qui caractérise la stupeur divine dans Genèse: “Dieu vit tout ce qu’il avait fait : cela était très bon.” (Gn 1, 30-31). Le terme grec (Septante) pour “bonté” est « kállos », qui implique – étymologiquement et symboliquement – un sens d’“appel”. Les icônes soulignent la mission fondamentale de l’Église consistant à reconnaître que toutes les personnes et toutes les choses sont créées et appelées à être “bonnes” et “belles”.

En effet, les icônes nous rappellent une autre façon de voir les choses, une autre façon de vivre les réalités, une autre façon de résoudre les conflits. Nous sommes invités à assumer ce que l’hymnologie du Dimanche de Pâques appelle “une autre façon de vivre”. Car nous avons eu un comportement arrogant et méprisant envers la création naturelle. Nous avons refusé de voir la Parole de Dieu dans les océans de notre planète, dans les arbres de nos continents, et dans les animaux de notre terre. Nous avons renié notre propre nature, qui nous appelle à nous baisser suffisamment pour écouter la Parole de Dieu dans la création, si nous vous voulons devenir “participants de la nature divine” (2P 1,4). Comment pouvons-nous ignorer les vastes implications de la Parole divine qui se fait chair? Pourquoi n’avons-nous pas perçu la nature créée comme l’extension du Corps du Christ?

Les théologiens chrétiens orientaux mettent toujours en évidence les dimensions cosmiques de l’incarnation divine. La Parole incarnée est intrinsèque à la création, qui est issue de l’énoncé divin. Saint Maxime le Confesseur insiste sur la présence de la Parole de Dieu en toute chose (cf. Col 3,11); le Logos divin demeure au centre du monde, révélant mystérieusement son principe premier et son but ultime (cf. 1P 1,20). Ce mystère est décrit par saint Athanase d’Alexandrie. Le Logos [écrit-il] n’est contenu par aucune chose mais il contient tout. Il est en toute chose tout en étant en dehors de toute chose… le premier-né du monde entier sous tous ses aspects.

Le monde entier est un prologue à l’Évangile de Jean. Et quand l’Église ne reconnaît pas les dimensions plus larges, cosmiques de la Parole de Dieu, et qu’elle limite ses préoccupations aux questions purement spirituelles, alors elle néglige sa mission consistant à implorer Dieu de transformer – en tout temps et en tout lieu, “ dans tous les lieux de son dominion” – tout le cosmos pollué. Il n’est pas étonnant que, le Dimanche de Pâques, quand la célébration pascale atteint son point culminant, les chrétiens orthodoxes chantent: « Maintenant tout est rempli de lumière divine: le ciel et la terre, et toutes les choses sous la terre. Que la création tout entière se réjouisse ».

Toute “écologie profonde” authentique est donc indissolublement liée à la théologie profonde. “Même une pierre”, écrit Basile le Grand, “porte le sceau de la Parole de Dieu. Cela est vrai pour une fourmi, une abeille et un moustique, les créatures les plus petites. Car Il déploie les vastes océans et étale les immenses mers; et Il crée l’aiguillon creux de l’abeille.” En nous rappelant notre condition infime dans la création vaste et merveilleuse de Dieu, il souligne seulement notre rôle central dans le plan de salut de Dieu pour le monde entier.

3. Toucher et partager la Parole de Dieu – La communion des saints et les sacrements de la vie

La Parole de Dieu “sort à l’extérieur de Lui en extase” avec persistance (Denis l’Aéropagite) cherchant avec passion à “habiter parmi nous” (Jn 1,14), pour que le monde ait la vie en abondance. (Jn 10,10). La miséricorde de Dieu est répandue et partagée “afin de multiplier les objets de sa bienfaisance” (Grégoire le Théologien) Dieu assume tout ce qui est à nous, “lui qui a été éprouvé en tout, d’une manière semblable, à l’exception du péché.” (He 4,15, afin de nous offrir tout ce qui est à Dieu et faire de nous des dieux par la grâce. “Pour vous [Il] s’est fait pauvre, de riche qu’il était, afin de vous enrichir par sa pauvreté.”, écrit le grand Apôtre Paul (2 Co 8,9), à qui cette année est à pertinemment dédiée. Telle est la Parole de Dieu; nous lui rendons grâce et gloire.

La Parole de Dieu a son incarnation la plus profonde dans la création, avant tout dans le Sacrement de la Sainte Eucharistie. C’est là que la Parole devient chair et nous permet non pas simplement de l’écouter ou de le voir, mais aussi de le toucher de nos propres mains, comme le déclare saint Jean (1 Jn 1,1) et faire de Lui une partie de notre corps et de notre sang (sússomoi kai súnaimoi) selon les paroles de saint Jean Chrysostome.

Dans la Sainte Eucharistie, la Parole entendue est à la fois vue et partagée (koinonía). Ce n’est pas un hasard si dans les premiers documents eucharistiques, comme le livre de la Révélation et la Didachée, l’Eucharistie était associée à la prophétie, et les évêques qui la célébraient étaient considérés comme les successeurs des prophètes (par ex. Martirion Polycarpi). L’Eucharistie était déjà décrite par saint Paul (1 Co 11) comme la “proclamation” de la mort de Jésus et sa deuxième Venue. Le but de l’Écriture étant fondamentalement la proclamation du Royaume et l’annonce des réalités eschatologiques, l’Eucharistie nous donne un avant-goût du Royaume et elle est, en ce sens, la proclamation de la Parole par excellence. Dans l’Eucharistie, la Parole et le Sacrement ne deviennent qu’une réalité. La Parole cesse d’être des “mots” et devient une Personne, incarnant tous les êtres humains et la création tout entière.

Dans la vie de l’Église, l’insondable abaissement (kénosis) et le partage généreux (koinonía) du Logos divin se reflète dans les vies des saints, expérience tangible et expression humaine de la Parole de Dieu dans notre communauté. Ainsi, la Parole de Dieu devient le Corps du Christ, à la fois crucifié et glorifié. Il s’ensuit que le saint a une relation organique avec le ciel et la terre, avec Dieu et avec la création tout entière. Dans la lutte ascétique, le saint réconcilie la Parole et le monde. Par la repentance et la purification, le saint est rempli – comme le souligne Abba Isaac le Syrien – de compassion pour toutes les créatures, ce qui correspond à l’humilité et à la perfection ultimes.

C’est pour cela que le saint aime avec une chaleur et une grandeur inconditionnelles et irrésistibles. À travers les saints, nous connaissons la Parole même de Dieu, puisque – comme l’affirme saint Grégoire Palamas – Dieu et ses saints partagent la même gloire et la même splendeur”. En la présence discrète d’un saint, nous apprenons comment la théologie et l’action coïncident. Dans l’amour compatissant du saint, nous vivons l’expérience de Dieu “notre père” et de la miséricorde de Dieu “inébranlablement durable” (Ps 135, LXX). Le saint est consommé par le feu de l’amour de Dieu. C’est pour cela que le saint communique la grâce et ne peut tolérer la moindre manipulation ou exploitation dans la société ou dans la nature. Le saint fait simplement ce qui est “bon et juste” (Liturgie divine de saint Jean Chrysostome), en donnant toujours de la dignité à l’humanité et en honorant la création. “Ses paroles ont la force des actions et son silence le pouvoir des discours”. (Saint Ignace d’Antioche).

Et dans la communion des saints, chacun est appelé à “devenir comme le feu”(Apophtegmes des Pères du désert), afin de toucher le monde par la force mystique de la Parole de Dieu, de manière à ce que – comme le Corps du Christ étendu – le monde puisse lui aussi dire: “Quelqu’un m’a touché!” (Cf. Mt 9, 20). Le mal ne peut être éradiqué que par la sainteté, et non pas par la dureté. Et la sainteté introduit dans la société une graine qui guérit et transforme. Imprégnés de la vie des sacrements et de la pureté de la prière, nous pouvons pénétrer au plus profond du mystère de la Parole de Dieu. C’est comme les plaques tectoniques de l’écorce terrestre: les couches les plus profondes n’ont qu’à bouger de quelques millimètres pour bouleverser la surface de la planète. Mais pour que cette révolution spirituelle ait lieu, nous devons vivre une expérience radicale de métanoïa – une conversion d’attitudes, d’habitudes et de pratiques – pour avoir mal employé ou abusé de la Parole de Dieu, des dons de Dieu et de la création de Dieu.

Une telle conversation est, certes, impossible sans la grâce divine; elle ne s’obtient pas simplement par de plus grands efforts ou par la volonté humaine. « Pour les hommes c’est impossible, mais pour Dieu tout est possible. » (Mt 19,26). Le changement spirituel a lieu quand nos corps et nos âmes sont greffés sur la Parole vivante de Dieu, quand nos cellules contiennent le flux sanguin vivifiant des sacrements, quand nous sommes ouverts à tout partager avec tous. Comme nous le rappelle saint Jean Chrysostome, le sacrement de “notre prochain” ne peut pas être isolé du sacrement de “l’autel”. Malheureusement, nous avons ignoré la vocation et l’obligation à partager. Si nous prétendons garder le sacrement de l’autel, nous ne pouvons pas renoncer au sacrement du prochain, ou l’oublier, car il représente une condition fondamentale pour la réalisation de la Parole de Dieu dans le monde dans la vie et dans la mission de l’Église.

Chers Frères dans le Christ,

Nous avons exploré l’enseignement patristique des sens spirituels, en analysant le pouvoir d’écouter et de proclamer la Parole de Dieu dans l’Écriture, de voir la Parole de Dieu dans les icônes et dans la nature, ainsi que de toucher et partager la Parole de Dieu dans les saints et les sacrement. Or, afin de rester fidèles à la vie et à la mission de l’Église, nous devons être personnellement transformés par cette Parole. L’Église doit ressembler à une mère, qui est soutenue par ce qu’elle mange, mais qui, en même temps, nourrit à travers cette nourriture . Tout ce qui ne nourrit pas tous ne peut pas nous soutenir. Quand le monde ne partage pas la joie de la Résurrection du Christ, c’est une atteinte à notre intégrité et à notre engagement à vivre la Parole de Dieu. Avant la célébration de chaque Liturgie divine, les chrétiens orthodoxes prient que cette Parole soit” rompue et consommée, distribuée et partagée” en communion. Et “nous savons, nous, que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons nos frères” et nos soeurs (1Jn 3,14).

Le défi auquel nous sommes confrontés est le discernement de la Parole de Dieu face au mal, la transfiguration du moindre détail et de toute tache de ce monde à la lumière de la résurrection. La victoire est déjà présente au plus profond de l’Église, à chaque fois que nous vivons l’expérience de la grâce de la réconciliation et de la communion. Alors que chacun de nous lutte – en son for intérieur et dans le monde – pour reconnaître le pouvoir de la Croix, nous commençons à apprécier le fait que chaque acte de justice, chaque étincelle de beauté, chaque mot de vérité peut graduellement enlever l’écorce du mal. Au-delà de nos faibles efforts, nous avons, cependant, l’assurance de l’Esprit qui “vient au secours de notre faiblesse” (Rm 8,26) et reste à nos côtés pour nous défendre et nous “réconforter” (Jn 14, 16), en pénétrant toutes les choses et “ nous transformant – comme l’affirme saint Siméon le Nouveau Théologien – en tout ce que la Parole de Dieu dit à propos du royaume: perle, grain de sénevé, levain, eau, feu, pain, vie et chambre nuptiale mystique”. Telle est la puissance et la grâce de l’Esprit Saint, que nous invoquons en conclusion de ce discours, et présentant à Sa Sainteté et à chacun nos bénédictions.

Ô roi céleste, Consolateur, Esprit de vérité

Toi qui es partout présent et qui emplis tout,

Trésor de biens et donateur de vie,

Viens et demeure en nous,

Purifie-nous de toute souillure

Et sauve nos âmes.

Toi qui es bonté et qui aimes l’humanité.

Amen.

PETITE HISTOIRE DU CAREME

7 février, 2008

du site de l’Eglise Orthodoxe d’Estonie:

http://www.orthodoxa.org/FR/orthodoxie/traditions/histoireCareme.htm

PETITE HISTOIRE DU CAREME

Aux premiers temps du christianisme, les fidèles de Jésus continuaient d’observer les pratiques religieuses juives, le repos du sabbat, la prière au Temple. Ils constituèrent cependant une communauté de culte, qui se marquait par la cérémonie du baptême, donné au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, suivie d’une profession de foi. S’ils célébraient encore les grandes fêtes de la religion juive, la Pâque, la Pentecôte, ils leur donnaient une signification nouvelle : il ne s’agissait plus seulement du rappel des événements de l’Ancien Testament, mais aussi de la commémoration de la passion et de la résurrection du Christ, et de la descente du Saint-Esprit sur les Apôtres. Les premiers chrétiens suivaient les dates des fêtes juives. Puis des interrogations se firent jour : devait-on garder, pour la fête chrétienne de Pâques, la date et les rites de la Pâque juive ? Jusqu’au 4ème siècle, les différentes Eglises hésitèrent. Dans les Eglises d’Asie Mineure, certaines rejetèrent, d’autres gardèrent le rite de l’agneau pascal. L’Eglise d’Antioche s’en rapporta à la détermination juive pour fixer la résurrection au dimanche qui suivait la Pâque juive, tandis que les chrétiens d’Alexandrie se livrèrent à de savants calculs astronomiques et placèrent Pâques après l’équinoxe de printemps.
Bien que célébrée à des dates différentes, la fête de Pâques est pour toute Eglise chrétienne la fête des fêtes, celle sur laquelle se base la foi, et elle est précédée d’une longue préparation : le carême, ou  » quarantaine « , en souvenir des quarante jours passés par Jésus dans le désert.
La pratique du carême remonte aux premiers siècles du christianisme, mais a subi beaucoup de fluctuations. Il semble établi qu’au second siècle, au temps de saint Irénée, évêque de Lyon, ce jeûne était très court, un ou deux jours, sans prendre aucune nourriture. A Alexandrie, au milieu du 3ème siècle, on jeûnait toute la Semaine sainte. Les premières traces du carême ou quarantaine se trouvent au 4ème siècle, dans un canon du concile de Nicée. Ce temps était dévolu à la préparation de la fête, mais surtout à celle des catéchumènes, qui étaient baptisés à Pâques. A la fin du 4ème siècle, l’Eglise de Jérusalem respectait les quarante jours de jeûne par un carême de huit semaines, pendant lesquelles on ne jeûnait ni le samedi ni le dimanche. A la même époque, en Egypte, et au 5ème siècle à Rome, puis en Gaule, on jeûnait le samedi, et le carême était de six semaines. Pendant toute cette période, les fidèles ne prenaient qu’un repas par jour, composé de pain, de légumes, et d’eau, certains se contentaient simplement de pain et d’eau. Pendant la Semaine sainte, l’abstinence était plus rigoureuse encore : le Vendredi saint et le Samedi, on ne prenait aucune nourriture. Selon les Eglises, l’heure de ce repas différait. Comme le carême de six semaines ne correspondait pas à quarante jours, on avança, au 7ème siècle, au mercredi de la semaine précédente, le mercredi des Cendres actuel, le premier jour d’abstinence. En même temps, les trois dimanches précédant le Carême, la Septuagésime, la Sexagésime et la Quinquagésime, furent inclus dans la préparation de Pâques, qui commençait ainsi neuf semaines avant la fête. C’était beaucoup exiger et, petit à petit, l’abstinence perdit de sa rigueur. L’obligation de ne manger que le soir était maintenue, mais dès le 8ème siècle, on permit à certaines personnes délicates et fragiles de prendre œufs, laitages, poisson et même vin. Au 12ème siècle, le repas fut avancé à trois heures puis à midi, au 13ème siècle. S’ensuivit donc, autorisée, une  » collation du soir « . Au 17ème siècle, la discipline du jeûne s’adoucit encore et les théologiens autorisèrent les potages, les laitages et les petits poissons. Les cuisiniers rivalisèrent d’ingéniosité pour proposer aux tables royales des menus tout aussi copieux que d’ordinaire, en trouvant des arrangements avec les ordonnances de la religion.
Depuis 1949, l’Eglise catholique ne prescrit le jeûne que le mercredi des Cendres et le Vendredi saint. Deux jours de célébration de la mort : le rappel de notre propre mort à venir, puisque le jour du mercredi des Cendres le prêtre officiant bénit les cendres des rameaux de l’année précédente et trace avec elles sur le front de chaque assistant une croix en lui rappelant que « l’homme est poussière et retournera en poussière « , et le Vendredi saint, anniversaire de la mort de Jésus sur la croix.
Dans la liturgie orthodoxe, une préparation à l’entrée en carême se déroule pendant cinq dimanches consécutifs, chacun d’eux étant consacré, avec un évangile particulier, à un aspect fondamental du repentir. Pendant la quatrième semaine, l’abstinence de viande est prescrite par l’Eglise. Le cinquième dimanche est appelé dimanche du Pardon, chacun demande pardon à son voisin avant que tous demandent ensemble pardon à Dieu.
 » L’impression générale des offices est celle d’une  » radieuse tristesse « . Quelqu’un qui, même avec une connaissance réduite de la vie liturgique, entrerait à l’église durant un des offices de Carême, comprendrait presque tout de suite, j’en suis sûr, cette expression assez paradoxale. D’une part, une sorte de calme tristesse imprègne l’office, les vêtements sont de couleur sombre, les offices sont plus longs et plus monotones qu’à l’ordinaire, il n’y a presque pas de mouvement. Puis la monotonie et la tristesse de l’office prennent pour nous une toute autre signification. Une beauté intérieure les illumine, comme un rayon de soleil matinal qui commence à éclairer la cime de la montagne, alors que la vallée est encore plongée dans l’obscurité. Cette joie secrète et douce nous est communiquée par les longs alleluia et par toute la tonalité des offices de Carême. Ce qui nous paraissait d’abord monotonie s’avère à présent être la paix  » (Alexandre Schmemann, Le Grand Carême).
Le temps du carême n’est pas consacré au souvenir de la Passion, ce n’est qu’à partir du dimanche des Rameaux, qui ouvre la Semaine sainte, que les textes rappellent la fin du Christ sur la terre et sa résurrection.

Orthodoxie : Le pape Benoît XVI reçoit le Métropolite Kirill

8 décembre, 2007

du site: 

http://www.zenit.org/article-16815?l=french

 

Orthodoxie : Le pape Benoît XVI reçoit le Métropolite Kirill

Deuxième visite du « numéro deux » du patriarcat de Moscou

ROME, Vendredi 7 décembre 2007 (ZENIT.org) – Le pape Benoît XVI a reçu ce matin en audience au Vatican le Métropolite Kirill de Smolensk et Kaliningrad, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du patriarcat de Moscou : c’était la seconde visite du Métropolite russe au Vatican pour rencontrer Benoît XVI.

Comme c’est la tradition, lors d’audiences privées, aucun communiqué du Vatican n’a été publié à l’issue de la rencontre.La veille, le M

étropolite Kirill avait rencontré le président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, le cardinal Walter Kasper : une rencontre importante, soulignait le cardinal Kasper, pour tenter de sortir de « l’impasse » de Ravenne, en octobre dernier.

Le métropolite s’était auparavant rendu à Venise, les 3 et 4 décembre, à l’invitation du maire, Massimo Cacciari. Il a ainsi eu l’occasion de v

énérer les reliques de plusieurs saints. Le métropolite a également présidé la divine liturgie en l’église orthodoxe russe des Saintes Myrrophores, le 4 décembre, en présence de fidèles de différentes régions de la péninsule.

Un représentant du patriarche catholique de Venise, le cardinal Angelo Scola, lui a alors remis une relique de saint Jean le Miséricordieux, archevêque d’Alexandrie, pour qu’elle puisse être vénérée par les fidèles, en l’église qui lui est dédiée dans les environs de Saint-Pétersbourg.Le lendemain, 5 d

écembre, un colloque international était consacré au grand penseur russe Paul Florensky, auquel le métropolite a assisté avant de rendre visite au patriarche Scola.

Un communiqué du patriarcat de Venise indique qu’à cette occasion le Métropolite et le patriarche Scola ont « réaffirmé leur volonté de poursuivre le travail de collaboration commencé déjà lors de rencontres précédentes ».Les relations se font actuellement r

égulières entre le pape et l’Eglise russe.

Benoît XVI avait reçu le Métropolite Kirill une première fois le 18 mai 2006, à l’occasion de sa visite à Rome pour la consécration de l’église orthodoxe russe de la ville. Il avait transmis au pape un message du patriarche Alexis de Moscou et de toute la Russie. En réponse, le pape avait lui aussi adressé un message au primat de l’Eglise orthodoxe russe (cf. Zenit du 18 mai 2006 et du 24 mai 2006). Plus r

écemment, le mercredi 7 novembre 2007, à l’issue de l’audience générale, Benoît XVI avait salué Mgr Innocent de Chersonèse, ordinaire des paroisses du patriarcat de Moscou en Europe occidentale.

L’archevêque Innocent avait remis au pape la traduction française des « Fondements de la doctrine sociale de l’Eglise orthodoxe russe », ainsi que le dernier numéro du « Messager de l’Eglise orthodoxe russe », consacré à la récente visite en France du patriarche Alexis de Moscou et de toute la Russie.

Benoît XVI a demandé à Mgr Innocent de transmettre ses salutations au patriarche Alexis et a exprimé le souhait que la publication en français de la doctrine sociale de l’Eglise orthodoxe russe contribue à la « proclamation commune de la foi par les catholiques et les orthodoxes et au témoignage commun des valeurs de l’Evangile ».

Anita S. Bourdin

Séraphim de Sarov : Dieu

5 décembre, 2007

du site:

 

http://www.jesusmarie.com/seraphin_de_sarov_instructions_spirituelles.html

source: http://www.pagesorthodoxes.net/saints/seraph4.htm

 

Séraphim de Sarov
Instructions Spirituelles

extraits

Dieu

Dieu est un feu qui réchauffe et enflamme les coeurs et les entrailles. Si nous sentons dans nos coeurs le froid qui vient du démon – car le démon est froid – ayons recours au Seigneur et il viendra réchauffer notre coeur d’un amour parfait,non seulement envers lui, mais aussi envers le prochain. Et la froidure du démon fuira devant sa Face. Là où est Dieu, il n’y a aucun mal… Dieu nous montre son amour du genre humain non seulement quand nous faisons le bien, mais aussi quand nous l’offensons méritant sa colère…Ne dis pas que Dieu est juste, enseigne saint Isaac le Syrien… David l’appelait  » juste « , mais son Fils nous a montré qu’il est plutôt bon et miséricordieux. Où est sa Justice? Nous étions des pécheurs, et le Christ est mort pour nous (Homélie 90).

Des raisons pour lesquelles
le Christ est venu en ce monde

1) L’amour de Dieu pour le genre humain.  » Oui, Dieu a tant aim

é le monde qu’il a donné son Fils unique pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle  » (Jn 3, 16).

2) Le rétablissement dans l’homme déchu de l’image divine et de la ressemblance à cette image, comme le chante de l’Église (Premier Canon de Noël, chant 1). 3) Le salut des

âmes.  » Car Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour condamner le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui  » (Jn 3, 17).

De la foi

Avant tout, il faut croire en Dieu,  » car il existe et se fait le rémunérateur de ceux qui le cherchent  » (He 11, 6). La foi, selon saint Antioche, est le début de notre union à Dieu… La foi sans les oeuvres est morte (Jc 2, 26). Les oeuvres de la foi sont : l’amour, la paix, la longanimité, la miséricorde, l’humilité, le portement de croix et la vie selon l’Esprit. Seule une telle foi compte. Il ne peut pas y avoir de vraie foi sans oeuvres.

De l’espérance Tous ceux qui esp

èrent fermement en Dieu sont élevés vers lui et illuminés par la clarté de la lumière éternelle. Si l’homme délaisse ses propres affaires pour l’amour de Dieu et pour faire le bien, sachant que Dieu ne l’abandonnera pas, son espérance est sage et vraie. Mais si l’homme soccupe lui-même de ses affaires et se tourne vers Dieu seulement quand il lui arrive malheur et qu’il voit qu’il ne peut s’en sortir par ses propres moyens – un tel espoir est factice et vain. La véritable espérance cherche, avant tout, le Royaume de Dieu, persuadée que tout ce qui est nécessaire à la vie d’ici-bas sera accordé par surcroît. Le coeur ne peut être en paix avant d’avoir acquis cette espérance.

De lamour de Dieu Celui qui est arriv

é à l’amour parfait de Dieu vit en ce monde comme s’il n’y vivait pas. Car il se considère comme étranger à ce qu’il voit, attendant avec patience l’invisible… Attiré vers Dieu, il n’aspire qu’à le contempler…

De quoi faut-il munir l’âme ? - De la parole de Dieu, car la parole de Dieu, comme dit Gr

égoire le Théologien, est le pain des anges dont se nourrissent les âmes assoiffées de Dieu.

Il faut aussi munir l’âme de connaissances concernant l’Église : comment elle a été préservée depuis le début jusqu’à nos jours, ce qu’elle a eu à souffrir. Il faut savoir ceci non dans l’intention de gouverner les hommes, mais en cas de questions auxquelles on serait appelé à répondre. Mais surtout il faut le faire pour soi-même, afin d’acquérir la paix de l’âme, comme dit le Psalmiste :  » Paix à ceux qui aiment tes préceptes, Seigneur « , ou  » Grande paix pour les amants de ta loi  » (Ps 118, 165). De la paix de l’

âme

Il n’y a rien au-dessus de la paix en Christ, par laquelle sont détruits les assauts des esprits aériens et terrestres.  » Car ce n’est pas contre les adversaires de chair et de sang que nous avons à lutter, mais contre les Principautés, contre les Puissances, contre les Régisseurs de ce monde de ténèbres, contre les esprits du mal qui habitent les espaces célestes  » (Ep 6, 12). Un homme raisonnable dirige son esprit à l’intérieur et le fait descendre dans son coeur. Alors la grâce de Dieu l’illumine et il se trouve dans un état paisible et suprapaisible : paisible, car sa conscience est en paix ; suprapaisible, car au-dedans de lui il contemple la grâce du Saint-Esprit… Peut-on ne pas se r

éjouir en voyant, avec nos yeux de chair, le soleil ? D’autant plus grande est notre joie quand notre esprit, avec l’oeil intérieur, voit le Christ, Soleil de Justice. Nous partageons alors la joie des anges. L’Apôtre a dit à ce sujet  » Pour nous, notre cité se trouve dans les cieux  » (Ph 3, 20). Celui qui marche dans la paix, ramasse, comme avec une cuiller, les dons de la grâce. Les Pères, étant dans la paix et dans la grâce de Dieu, vivaient vieux. Quand un homme acquiert la paix, il peut déverser sur d’autres la lumière qui éclaire l’esprit… Mais il doit se souvenir des paroles du Seigneur :  » Hypocrite, enlève d’abord la poutre de ton oeil, et alors tu verras clair pour enlever la paille de l’oeil de ton frère  » (Mt 7, 5).

Cette paix, Notre Seigneur Jésus Christ l’a laissée à ses disciples avant sa mort comme un trésor inestimable en disant :  » Je vous laisse ma paix, je vous donne la paix  » (Jn 14, 27). L’Apôtre en parle aussi en ces termes :  » Et la paix de Dieu qui surpasse toute intelligence gardera vos coeurs et vos pensées en Jésus-Christ  » (Ph 4, 7).Si l’homme ne méprise pas les biens de ce monde, il ne peut avoir la paix. La paix s’acquiert par des tribulations. Celui qui veut plaire à Dieu doit traverser beaucoup d’épreuves. Rien ne contribue plus à la paix intérieure que le silence et, si possible, la conversation incessante avec soi-même et rare avec les autres. Nous devons donc concentrer nos pensées, nos désirs et nos actions sur l’acquisition de la Paix de Dieu et crier incessamment avec l’Église :  » Seigneur ! Donne-nous la paix !  » Comment conserver la paix de l’

âme ?
De toutes nos forces il faut s’appliquer
à sauvegarder la paix de l’âme et à ne pas s’indigner quand les autres nous offensent. Il faut s’abstenir de toute colère et préserver l’intelligence et le coeur de tout mouvement inconsidéré. Un exemple de modération nous a été donné par Grégoire le Thaumaturge. Abordé, sur une place publique, par une femme de mauvaise vie qui lui demandait le prix de l’adultère qu’il aurait soi-disant commis avec elle, au lieu de se fâcher, il dit tranquillement à son ami : Donne-lui ce qu’elle demande. Ayant pris l’argent, la femme fut terrassée par un démon. Mais le saint chassa le démon par la priè
re. S’il est impossible de ne pas s’indigner, il faut au moins retenir sa langue… Afin de sauvegarder la paix, il faut chasser la mélancolie et tâcher d’avoir l’esprit joyeux… Quand un homme ne peut suffire à ses besoins, il lui est difficile de vaincre le découragement. Mais ceci concerne les âmes faibles. Afin de sauvegarder la paix intérieure, il faut éviter de juger les autres. Il faut entrer en soi-même et se demander  » Où suis-je ? « Il faut éviter que nos sens, spécialement la vue, ne nous donnent des distractions : car les dons de la grâce n’appartiennent qu’à ceux qui prient et prennent soin de leur âme.

De la garde du coeur

Nous devons veiller à préserver notre coeur de pensées et d’impressions indécentes.  » Plus que sur toute chose, veille sur ton coeur, c’est de lui que jaillissent les sources de la vie  » (Pr 4, 23). Ainsi naît, dans le coeur, la pureté.  » Bienheureux les coeurs purs, car ils verront Dieu  » (Mt 5, 8).Ce qui est entré de bon dans le coeur, nous ne devons pas inutilement le répandre à lextérieur : car ce qui a été amassé ne peut être à labri des ennemis visibles et invisibles que si nous le gardons, comme un trésor, au fond du coeur. Le coeur, r

échauffé par le feu divin, bouillonne quand il est plein deau vive. Si cette eau a été versée à lextérieur, le coeur se refroidit et lhomme est comme gelé.

De la prière Ceux qui ont d

écidé de vraiment servir Dieu doivent s’exercer a garder constamment son souvenir dans leur coeur et à prier incessamment Jésus Christ, répétant intérieurement : Seigneur Jésus Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur… En agissant ainsi, et en se préservant des distractions, tout en gardant sa conscience en paix, on peut s’approcher de Dieu et s’unir à lui. Car, dit saint Isaac le Syrien, à part la prière ininterrompue, il n’y a pas d’autre moyen de s’approcher de Dieu (Homélie 69).

A l’église, il est bon de se tenir les yeux fermés, pour éviter les distractions ; on peut les ouvrir si l’on éprouve de la somnolence ; il faut alors porter son regard sur une icône ou sur un cierge allumé devant elle. Si pendant la prière notre esprit se dissipe, il faut s’humilier devant Dieu et demander pardon… car, comme dit saint Macaire  » l’ennemi n’aspire qu’à détourner notre pensée de Dieu, de sa crainte et de son amour  » (Homélie 2). Lorsque l’intelligence et le coeur sont unis dans la pri

ère et que l’âme n’est troublée par rien, alors le coeur s’emplit de chaleur spirituelle, et la lumière du Christ inonde de paix et de joie tout l’homme intérieur.

De la lumière du Christ Afin de recevoir dans son coeur la lumi

ère du Christ il faut, autant que possible, se détacher de tous les objets visibles. Ayant au préalable purifié l’âme par la contrition et les bonnes oeuvres, ayant, pleins de foi au Christ crucifié, fermé nos yeux de chair, plongeons notre esprit dans le coeur pour clamer le Nom de Notre Seigneur Jésus Christ ; alors, dans la mesure de son assiduité et de sa ferveur envers le Bien-Aimé, l’homme trouve dans le Nom invoqué consolation et douceur, ce qui l’incite à chercher une connaissance plus haute.

Quand par de tels exercices l’esprit s’est enraciné dans le coeur, alors la lumière de Christ vient briller à l’intérieur, illuminant l’âme de sa divine clarté, comme le dit le prophète Malachie :  » Mais pour vous qui craignez son Nom, le soleil de justice brillera, avec le salut dans ses rayons  » (Ml 3, 20). Cette lumière est aussi la vie, d’après la parole de l’Evangile :  » De tout être il était la vie, et la vie était la lumière de hommes  » (Jn 1, 4). Quand l’homme contemple au-dedans de lui cette lumi

ère éternelle, il oublie tout ce qui est charnel, s’oublie lui-même et voudrait se cacher au plus profond de la terre afin de ne pas être privé de ce bien unique – Dieu.

De lattention Celui qui suit la voie de l’attention ne doit pas se fier uniquement

à son propre entendement, mais doit se référer aux Écritures et comparer les mouvements de son coeur, et sa vie, à la vie et à l’activité des ascètes qui l’ont précédé. Il est plus aisé ainsi de se préserver du Malin et de voir clairement la vérité.

L’esprit d’un homme attentif est comparable à une sentinelle veillant sur la Jérusalem intérieure. A son attention n’échappe ni  » le diable (qui) comme un lion rugissant, rôde cherchant qui dévorer  » (1 P 5, 8), ni ceux qui  » ajustent leur flèche à la corde pour viser dans l’ombre les coeurs droits  » (Ps 10, 2). Il suit l’enseignement de l’Apôtre Paul qui a dit :  » C’est pour cela qu’il vous faut endosser l’armure de Dieu, afin qu’au jour mauvais vous puissiez résister  » (Ep 6, 13).Celui qui suit cette voie ne doit pas faire attention aux bruits qui courent ni s’occuper des affaires d’autrui… mais prier le Seigneur :  » De mon mal secret, purifie-moi  » (Ps 18, 13).

Entre en toi-même et vois quelles passions se sont affaiblies en toi ; lesquelles se taisent, par suite de la guérison de ton âme ; lesquelles ont été anéanties et t’ont complètement quitté. Vois si une chair ferme et vivante commence à pousser sur l’ulcère de ton âme – cette chair vivante étant la paix intérieure. Vois aussi quelles passions restent encore – corporelles ou spirituelles ? Et comment réagit ton intelligence ? Entre-t-elle en guerre contre ces passions, ou fait-elle semblant de ne pas les voir ? Et de nouvelles passions ne se sont-elles pas formées ? En étant ainsi attentif, tu peux connaître la mesure de la santé de ton âme.

 

L’ICÔNE, THÉOLOGIE INSPIRÉE

28 novembre, 2007

du site:

http://www.pagesorthodoxes.net/eikona/icones-sens.htm

 

L’ICÔNE, THÉOLOGIE INSPIRÉE

Licône est une sainte image et non une  » image sainte  » ou une image pieuse. Elle a son caractère propre, ses canons particuliers et ne se définit pas par lart du siècle ou dun génie national, mais par la fidélité à sa destination qui est universelle. Elle est une expression de l’économie divine, résumée dans lenseignement de l’Église orthodoxe :  » Dieu est devenu homme pour que lhomme devienne dieu.  » Telle est limportance que l’Église attribue à licône que la victoire sur liconoclasme fut solennellement déclarée Triomphe de lOrthodoxie, triomphe qui est toujours fêté à la première semaine du Grand Carême.

Pour l’Église orthodoxe limage, aussi bien que la parole, est un langage exprimant ses dogmes et son enseignement. Cest une théologie inspirée, présentée sous une forme visuelle. Elle est le miroir reflétant la vie spirituelle de l’Église, permettant de juger des luttes dogmatiques de telle ou telle époque. Les époques de la floraison de lart liturgique correspondent toujours à un essor de la vie spirituelle : ce fut le cas de Byzance, des autres pays orthodoxes et de lOccident à l’époque romane. À ces moments, la vie liturgique est réalisée pleinement dans son ensemble harmonieux, ainsi que dans chacun de ses domaines particuliers.Toutefois, l

image ne se borne pas à exprimer la vie dogmatique et spirituelle de l’Église, sa vie intérieure. À travers l’Église, limage reflète également la civilisation qui lentoure. Lié par ceux qui le créent au monde dici-bas, cet art est aussi un miroir de la vie du peuple, de l’époque, du milieu et même de la vie personnelle de lartiste. Il est aussi en quelque sorte lhistoire du pays et du peuple. Ainsi, une icône russe, tout en ayant la même iconographie quune icône byzantine, diffère de celle-ci par ses types et son caractère national, une icône de Novgorod ne ressemble pas à une icône de Moscou etc… Cest précisément cet aspect extérieur de lart sacré qui forme lobjet de la grande majorité des études actuelles.

Le contenu liturgique de limage sacré fut perdu en Occident au XIIIe siècle et dans le monde orthodoxe, suivant les pays, aux XVe, XVIe et XVIIe siècles. Ce nest que vers la fin du XIXe siècle que les connaisseurs, les savants, les esthètes découvrirent licône. Ce qui semblait auparavant une tache sombre, engoncée dun riche revêtement dor, apparut soudain en sa miraculeuse beauté. Nos ancêtres iconographes se révélèrent non seulement des peintres de génie, mais des maîtres de la vie spirituelle, ayant su donner des formes à la parole du Seigneur : Mon Royaume n’est pas de ce monde (Jn).Or, l

incompréhension du contenu de cet art nest pas due à notre supériorité, ni à une perte de sa force vitale ou de son importance, mais à notre décadence spirituelle profonde. Sans parler des personnes qui sont complètement en dehors de l’Église, nous sommes en présence, même chez les croyants, dun péché essentiel de notre époque : la sécularisation de notre esprit, la déformation complète de lidée même de l’Église et de la Liturgie.

On peut dire quen général on ne voit plus de la vie spirituelle que son côté moral. Son fond dogmatique, devenu le domaine des  » savants théologiens « , est considéré comme une science abstraite et na plus aucun rapport avec la réalité de notre vie quotidienne. Quant à la Liturgie, guide infaillible de notre chemin spirituel, profession de notre foi, elle nest plus pour beaucoup quun rite traditionnel ou bien un usage pieux et touchant. Lunité organique du dogme et de la loi morale dans la Liturgie sest brisée, désagrégée. Cette absence dunité intérieure détruit la plénitude liturgique de nos services divins. Les éléments qui les composent et dont nous ne saisissons plus le but commun – la parole, le chant, limage, larchitecture, l’éclairage etc… – sen vont, chacun dans sa propre voie, à la recherche de son sens et de ses effets particuliers. Ils ne sont plus unis les uns aux autres que par la mode de telle ou telle époque (baroque, classicisme etc…) ou par le goût personnel. Ainsi, lart de l’Église ne vit plus de la révélation du Saint-Esprit, de la vie dogmatique de l’Église, mais se nourrit de la civilisation de tel ou tel moment historique. Il nenseigne plus ; il cherche et tâtonne avec le monde.

On entend souvent des voix indignées protester contre les images mièvres et sentimentales  » genre Saint-Sulplice « , ou contre les pièces de concert qui viennent remplacer le chant liturgique. Il ne sagit pas là, comme on ladmet couramment, dune décadence de notre goût. Le mauvais goût a toujours existé et existera toujours. Le malheur de notre époque cest que le goût personnel, quil soit bon ou mauvais, est généralement admis comme critère dans l’Église, alors que le critère objectif est perdu.

Pages Orthodoxes: Dieu est lumière

12 septembre, 2007

du site:

http://www.pagesorthodoxes.net/pages-choisies/struve-lumiere.htm

Pages Orthodoxes – Pages choisis sur la Vie spèirituelle

Deisis: l’intercession de l’église

Dieu est lumière

par Père Pierre Struve

« Dieu est Lumière et ceux qu’il rend dignes de le voir le voient connue Lumière… Ceux qui n’ont pas vu cette Lumière n’ont pas vu Dieu, car Dieu est Lumière… »

Ce texte, tiré d’un sermon de saint Syméon le Nouveau Théologien, nous introduit au cœur même de la mystique de la Lumière qui constitue, surtout dans l’a mesure où elle est profondément liée à l’hésychasme, l’un des plus remarquables sommets, sinon le sommet même, de la spiritualité orthodoxe.

Spiritualité et théologie sont inséparables pour l’Église orthodoxe et la mystique de la Lumière divine ne fait qu’exprimer au niveau de l’homme l’accent profondément eschatologique d’une théologie centrée sur la transfiguration du monde et la déification de l’homme. Très peu connue, la spiritualité de la Lumière a été souvent mal comprise et mal interprétée en Occident. L’un des buts de ce court articule est d’essayer de dissiper certains malentendus et de montrer en particulier que cette mystique de la Lumière divine est profondément enracinée dans la révélation scripturaire.

Nous commencerons notre étude par un bref survol de l’Ancien Testament. Dans l’Ancien Testament, Yahvé se manifeste le plus souvent sous l’aspect du feu, comme, par exemple, dans l’alliance avec Abraham, dans l’épisode du Buisson Ardent, dans la vision de Moïse sur le Mont Sinaï ou encore dans l’ascension d’Élie. Le fait que le mot feu soit utilisé de préférence au mot lumière souligne le caractère sévère et souvent terrifiant de la vision de Dieu (dans l’Ancien Testament), très différente de la vision d’illumination que nous découvrirons dans le Nouveau Testament. Yahvé n’est d’ailleurs jamais dit être feu ou lumière ; ces deux éléments l’accompagnent, le manifestent, mais ne s’identifient pas avec lui. Dans la théophanie du Mont Sinaï, la vision du feu est la vision de la gloire de Yahvé : « Cette gloire de Yahvé revêtait, aux yeux des enfants d’1srail, l’aspect d’une flamme dévorante couvrant la montagne » (Ex 19,8). Nous retrouvons le même thème dans la vision d’Ézéchiel : « C’était quelque chose ayant l’aspect de la gloire de Yahvé » (Éz 1,27). Le Psaume 103 montre Dieu « revêtu de faste et d’éclat, drapé de lumière comme d’un manteau » (Ps 103,1-2). Pareillement le prophète Habacuc décrit la lumière comme l’éclat de Yahvé et non Yahvé lui-même : « Son éclat est pareil au jour, des rayons jaillissent de ses mains » (Ha 3-4).

Ainsi, pour l’ensemble de l’Ancien Testament, la vision de feu ou de lumière n’est jamais une illumination ou une vision d’union divine, mais la manifestation d’un Dieu qui reste extérieur et incommunicable à l’homme. Il faut cependant mettre à part le Livre de la Sagesse, dans lequel la Sagesse personnifiée est comparée à la lumière de Dieu : « Elle est un reflet de la lumière éternelle… comparée à la lumière, elle l’emporte car la lumière fait place à la nuit… » (Sa 7,26 et 30). Ces versets du dernier auteur inspiré de l’Ancien Testament annoncent déjà la théologie de la lumière de l’Évangile.

Dans le Nouveau Testament, la lumière n’est plus un attribut ou une manifestation de Dieu, elle est Dieu lui-même : « Le Verbe était la lumière véritable qui éclaire tout homme » (Jn 1,9).

Dans l’épisode de la guérison de l’aveugle-né, Jésus dit de lui-même qu’il est la « Lumière du Monde » (Jn 9,5). Dans la première épître de saint Jean, ce n’est même pas uniquement le Christ, mais Dieu qui est dit être Lumière (1 Jn 1,5). Et cette affirmation, qui pourrait paraître purement spéculative, se concrétise, se révèle, s’incarne pour ainsi dire dans la Transfiguration du Christ, qui est l’alpha et l’oméga de toute l’expérience spirituelle de la Lumière : « Et il fut transfiguré devant eux : son visage resplendit comme le soleil et ses vêtements devinrent éblouissants comme la lumière » (Mt 17,2). Cette vision du Christ en gloire ne fut pas une vision spirituelle ou intellectuelle niais une contemplation par la totalité de l’être. Saint Pierre y insiste lorsqu’il écrit dans la deuxième épître que les apôtres ont été les « témoins oculaires de sa majesté » (2 P 1,16). La Transfiguration, pour la tradition orthodoxe, apparaît comme la fête eschatologique par excellence, comme la préfiguration et l’annonce du Royaume qui commence déjà ici-bas, de ce Royaume qui sera l’apothéose de la Lumière divine : « De nuit, il n’y en aura plus ; ils se passeront de lampe et de soleil pour s’éclairer, car le Seigneur Dieu répandra sur eux sa Lumière et ils régneront pour les siècles des siècles » (Ap 22,5).

Si le « jour sans soir », la Lumière éternelle ne nous seront donnés que dans l’unitotalité du Royaume, lorsque Dieu sera tout en tous, son avant-goût, l’expérience momentanée d la vision de lumière peut être accordée par le Seigneur dès cette vie, tout comme elle a été accordée à Pierre, Jacques et Jean sur le Mont Thabor et à Paul sur le chemin de Damas « quand soudain une lumière venue du ciel l’enveloppa de sa clarté » (Actes 9,3). Saint Paul dans ses Épîtres développe le thème de l’appel à l’illumination par le Christ de chaque chrétien : « Jadis vous étiez ténèbres, mais à présent vous êtes lumière dans le Seigneur, conduisez-vous en enfants de lumière » (Ép 5,9).

Ainsi pour le Nouveau Testament, non seulement Dieu est Lumière, mais chaque homme qui s’engage dans le combat de la foi, qui passe par l’illumination du baptême, est appelé à être lumière, non pas lumière autonome et tirant sa source de clarté de lui-même mais « lumière du Seigneur », illuminé par la gloire ineffable de celui qui, seul, est la Lumière véritable.
La spiritualité orthodoxe est essentiellement eschatologique, elle est centrée sur la Résurrection et la Transfiguration et, pour elle, le Christ est avant tout le Roi de gloire, le Triomphateur de la mort, le Seigneur Ressuscité. On comprend que dans une telle perspective, le thème de la Lumière ait été toujours un thème central.

Par contre, ce thème a toujours été assez étranger à la théologie et à la piété occidentales, beaucoup plus centrées sur le mystère de la Croix et de la Passion de Notre Seigneur et pour lesquelles le Christ est avant tout le Crucifié et le Serviteur souffrant. C’est dans une telle vision que prend racines la mystique des stigmates, qui reste totalement inconnue dans le monde orthodoxe.

Il faut certes se méfier beaucoup des schémas traditionnels et des généralisations hâtives – et une confrontation attentive de saint Jean de la Croix et des mystiques orthodoxes serait du plus haut intérêt. Il est incontestable que la « Nuit Mystique » du saint espagnol débouche sur l’aube et sur l’illumination ; seulement, cette illumination est de nature surtout spirituelle, elle est illumination de l’âme et non de l’homme tout entier : « Cette transformation’ n’est autre chose que l’illumination de l’entendement par la Lumière surnaturelle de telle sorte qu’il est uni au divin et devient divin… Il en est de même de la volonté, de la mémoire des affections » et de. tendances. Toutes ces transfigurations… Dieu les accomplit et les réalise dans l’âme par l’intermédiaire de cette Nuit Obscure : il éclaire l’âme et l’embrase divinement du désir de posséder Dieu seul et rien de plus ». À aucun moment, saint Jean ne parle de la participation du corps à cette vision de gloire ; à aucun moment, il ne dit, comme saint Pierre, être « le témoin oculaire » de la Majesté de Dieu.

Les mystiques orthodoxes, eux, se situeront dans la perspective de la Transfiguration telle qu’elle a été vécue par les apôtres, pour qui la vision lumineuse sera toujours celle de la Lumière incréée du Thabor, vécue par l’homme dans son intégrité et non seulement par son âme ou son intellect. Trois grands saints dominent cette spiritualité de la lumière : saint Syméon le Nouveau Théologien à la fin du Xe siècle, saint Grégoire Palamas au XIVe siècle et saint Séraphin de Sarov au début du XIXe siècle.

Saint Syméon le Nouveau Théologien est l’un des rares mystiques orthodoxes qui parlent de leur expérience personnelle : « Souvent je voyais la Lumière, parfois elle m’apparaissait à l’intérieur de moi-même, lorsque mon âme possédait la paix et le silence ou bien elle ne paraissait qu’au loin ou même se cachait tout à fait. Mais dès que je témoignais d’un complet détachement de tout, d’une absolue humilité et obéissance, la Lumière réapparaissait à nouveau » (Serm 90).

La vision de la Lumière divine est antinomique par nature, car elle est vision de l’invisible et seul le vocabulaire apophatique, c’est-à-dire procédant par négation, peut prétendre en donner témoignage : « C’est un feu vraiment divin, incréé et invisible, inextinguible et immortel, incompréhensible, au-delà de tout être créé… »
Le don de Lumière n’est accordé à l’homme qu’après un long chemin de purification et de repentir : « Le repentir est la porte qui conduit de la région des ténèbres à celle de la lumière » (Serm. 79).

La vision de la Lumière divine réalise une véritable union entre Dieu et l’homme dans sa totalité, corps, âme et esprit : « Dieu est Lumière et il communique de sa clarté à ceux qui s’unissent à lui dans la mesure de leur purification. Ô miracle ! L’homme s’unit à Dieu spirituellement et corporellement… Dieu entre en union avec l’homme tout entier » (Serm. 25).

Nous sommes là au cœur du mystère de la déification de l’homme, si central pour la théologie et la spiritualité orthodoxes. Quand saint Pierre parle de la participation à la nature divine (2 P 1,4), il exprime en termes scripturaires cette doctrine de la déification qui, dans la pensée patristique, sera résumée par la phrase de saint Athanase : « Dieu est devenu homme afin que l’homme devienne Dieu ». La véritable nature de l’homme, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, est non plus la nature humaine déchue, mais sa nature déifiée. L’homme est appelé à être Dieu non par essence mais par grâce et, pour les théologiens orthodoxes, la nature divine à laquelle l’homme est appelé à participer ne sera jamais une surnature, un don surajouté, mais Dieu lui-même, dans la communion duquel s’accomplit la véritable nature de homme, nature qui s’est obscurcie dans la chute et qui ne redevient elle-même que dans la Lumière de la Sainte Trinité.

Déification et transfiguration sont intimement liées et verront leur accomplissement dans le Royaume. Saint Syméon le Nouveau Théologien le décrit avec un grand lyrisme dans son 27e Sermon : « La grâce de ton Esprit Très Saint brillera comme un astre sur les justes et, au milieu d’eux, tu resplendiras, toi, ô Soleil inaccessible. Alors tous ils seront éclairés dans la mesure de leur foi et de leurs œuvres, de leur espérance et de leur charité, dans la mesure de la purification et de l’illumination par ton Esprit, ô Dieu unique d’infinie mansuétude ».
Saint Grégoire Palamas fut au XIVe siècle le grand docteur de la théologie de la Lumière incréée. Attaqué par un moine calabrais du nom de Barlaam qui l’accusait de messalianisme, c’est-à-dire de prétendre voir l’essence divine avec des yeux corporels, saint Grégaire rédigea plusieurs traités et fut amené à expliciter la distinction de l’essence et des énergies en Dieu. L’essence divine reste totalement incommunicable et Dieu s’unit à l’homme dans ses énergies dans lesquelles il est totalement présent : « L’illumination et la grâce divine et déifiante n’est pas l’essence, mais l’énergie de Dieu ». Dans le Traité contre Akindynos, Palamas écrit : « Dieu est appelé Lumière non selon son essence mais selon son énergie ». Une série de conciles échelonnés de 1340 à 1360 donnèrent raison à saint Grégoire et officialisèrent la doctrine de la distinction de l’essence et des énergies divines.

Saint Grégoire distingue trois types de lumière : la lumière sensible, la lumière intellectuelle ou intelligible et la Lumière divine qui est au-delà tant du sensible que de l’intelligible, tout en étant perçue aussi bien par les sens que par l’intelligence. Le Tome hagioritique souligne le caractère mystérieux du mode de la vision de la Lumière divine : «Comment ? Cela n’est connu que de Dieu et de ceux qui ont eu l’expérience de sa grâce ».

Pour Palamas, la Lumière divine est la Lumière incréée du Thabor : « La Lumière divine est non matérielle ; il n’y avait rien de sensible dans la Lumière qui illumina les apôtres sur le Mont Thabor » (Cont. Akind.) Dans la 35e Homélie, il écrit : « La lumière de la Transfiguration du Seigneur n’a pas commencé et n’a pas pris fin ; elle reste circonscrite dans le temps et l’espace et imperceptible pour les sens bien qu’elle fût contemplée… mais par une transmutation des sens, les disciples du Seigneur passèrent de la chair à l’Esprit ».

Ainsi pour Palamas la Lumière divine se révèle à l’homme dans sa totalité mais, au moment de la vision, il y a « transmutation des sens », c’est-à-dire spiritualisation de la chair dans le sens des paroles de saint Paul : « On sème un corps psychique, il ressuscite un corps spirituel , (1 Co 15, 44). C’est donc uniquement dans la mesure ou il y a une transfiguration pneumatique du corps que la vision de la Lumière devient possible ; on ne peut avoir la révélation de la Transfiguration que si l’on y participe soi-même, cette participation tant toujours ineffable et totalement incompréhensible à la raison humaine. Chez Grégoire Palamas tout comme chez saint Syméon le Nouveau Théologien, la vision de la Lumière incréée est intimement liée à la spiritualité hésychaste, dont les racines se perdent dans le IVe siècle, et qui constitue un des courants les plus remarquables de la spiritualité orthodoxe. L’hésychasme est centré sur la prière de Jésus répétée inlassablement. L’invocation du Nom de Jésus devient une oraison permanente qui imprègne l’homme tout entier et le fait participer corps, âme et esprit, à la vie en Christ selon la parole de saint Paul : « Ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi » (Ga 2,20). Seuls ceux qui demeurent dans cette prière perpétuelle peuvent espérer recevoir la grâce de la vision déifiante. Cependant, et c’est un point sur lequel saint Grégoire insiste, tous sont appelés à y participer : « Cette expérience divine est donnée à chacun selon sa mesure et peut-être plus ou moins grande selon la dignité de ceux qui l’éprouvent » (Hom. 35).

C’est à travers 1a tradition hésychaste que nous allons rejoindre saint Séraphin de Sarov, que près de cinq siècles séparent de saint Grégoire Palamas. Contrairement à ce dernier, saint Séraphin ne fut pas un théologien au sens scientifique du terme. Prêtre et moine, il passa toute sa vie en prière, soit en ermite dans la forêt, soit dans un monastère, le plus souvent seul dans sa cellule. Ce n’est que dans les huit dernières années qu’il accepta d’ouvrir sa cellule aux innombrables pèlerins attirés par le renommée de sa sainteté et qu’il devint leur guide spirituel. Il enseignait que le but de toute vie était « l’acquisition du Saint Esprit » et que cette vie de l’Esprit ne pouvait être obtenue que par la prière perpétuelle et la vie sacramentelle. L’enseignement de saint Séraphim nous est connu surtout par les récits de ses disciples. Le plus célèbre est constitué par les notes de Motovilov, dans lesquelles saint Séraphim apparaît comme l’un des plus grands mystiques de la Lumière.

À la question de Motovilov sur la nature de la vie dans l’Esprit, saint Séraphin répond : « Je vous ai déjà dit, fit le Père Séraphim, que c’est bien simple… Mon ami, nous sommes tous deux en ce moment dans l’Esprit de Dieu… Pourquoi ne voulez-vous pas me regarder ? – Je ne peux pas vous regarder, mon Père, répondis-je, vos yeux. projettent des éclairs, votre visage est devenu plus éblouissant que le soleil et j’ai mal aux yeux en vous regardant. – Ne craignez rien, dit-il, en ce moment, vous êtes devenu aussi clair que moi. Vous êtes aussi à présent dans la plénitude de l’Esprit de Dieu ; autrement, vous ne pourriez me voir tel que vous me voyez… Encouragé par ces paroles, je regardais et je fus saisi d’une frayeur pieuse. Imaginez-vous, au milieu de soleil, dans l’éclat de ses rayons éblouissants de midi, la face de l’homme qui vous parle. Vous voyez le mouvement de ses lèvres, l’expression changeante de ses yeux, vous entendez sa voix, vous sentez ses mains qui vous tiennent par les épaules, mais vous ne voyez ni l’es mains ni le corps de votre interlocuteur, – rien que la lumière resplendissante qui se propage loin, à quelques toises à l’entour, éclairant par son éclat le pré couvert de neige et les flocons blancs qui ne cessent de tomber… ».

Continuant sa description, Motovilov montre que c’est tout son être, sa personne tout entière qui participe à la vision divine : il ressent une paix extraordinaire, une chaleur, bien que l’on soit en plein hiver, un parfum d’une qualité rare.

Ce qui différencie saint Séraphin de Sarov des autres mystiques, c’est l’insistance sur le caractère pneumatique de la lumière divine. La vie en Christ par la prière perpétuelle conduit à l’illumination dans l’Esprit. Saint Séraphin rejoint ici le thème scripturaire du Saint Esprit se révélant comme feu et lumière lors de sa descente sur les apôtres dans la chambre haute de Jérusalem. La Pentecôte, « accomplissement de la promesse et la réalisation de l’espérance », réalise le parachèvement de la révélation trinitaire et, de même que le Christ est Lumière, de même le Saint Esprit est « Lumière et donnant la Lumière », comme le chante un hymne des matines de Pentecôte.

Et si l’illumination ici-bas par le Christ et le Saint Esprit n’est que l’avant-goût de cette Lumière ineffable dans laquelle baignera le Royaume du Père lorsque le Fils à travers le Saint Esprit lui aura tout soumis ; elle est tout de même vision du Royaume conformément à la promesse du Seigneur : « Je vous le dis vraiment, il en est de présents ici même qui ne goûteront pas la mort avant d’avoir vu le Royaume de Dieu » (Lc, 9,27).

Paru dans le Bulletin de l’Amitié
de janvier 1966 « Regards sur l’orthodoxie ».
Reproduit dans Contacts, vol. 21 (1969).

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