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LE SENS DOGMATIQUE DE L’ICÔNE

10 septembre, 2018

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LE SENS DOGMATIQUE DE L’ICÔNE

imm fr

par Léonide Ouspensky

L’ICÔNE, THÉOLOGIE INSPIRÉE
L’ICÔNE, TRANSMISSION OBJECTIVE
DE LA RÉVÉLATION
L’ICÔNE, VISION DU MONDE SPIRITUEL
L’ICÔNE, RÉALITÉ DU ROYAUME

L’intérêt pour l’art liturgique orthodoxe, en particulier pour l’icône, ne cesse de croître en Occident. Les livres, les conférences, les articles, les expositions, les collections se multiplient. Tous ces efforts ont, certes, le mérite de révéler à un grand nombre l’existence d’un mode d’expression demeuré quasi-inconnu au public occidental. Cependant, la grande majorité des ouvrages consacrés à l’art liturgique orthodoxe sont des ouvrages laïques, traitant un sujet religieux. Ils relèguent cet art soit dans les admirables souvenirs de l’archéologie, soit dans le domaine de l’esthétique pure. Il est ainsi ramené à un seul de ses aspects, l’aspect humain – sa valeur artistique, les influences réciproques des styles, des écoles etc… Les orthodoxes qui vivent et se nourrissent spirituellement de ce art voient, dans l’attitude générale à son égard, une grande incompréhension de ce qu’il y d’essentiel.

L’ICÔNE, THÉOLOGIE INSPIRÉE
L’icône est une sainte image et non une  » image sainte  » ou une image pieuse. Elle a son caractère propre, ses canons particuliers et ne se définit pas par l’art du siècle ou d’un génie national, mais par la fidélité à sa destination qui est universelle. Elle est une expression de l’économie divine, résumée dans l’enseignement de l’Église orthodoxe :  » Dieu est devenu homme pour que l’homme devienne dieu.  » Telle est l’importance que l’Église attribue à l’icône que la victoire sur l’iconoclasme fut solennellement déclarée Triomphe de l’Orthodoxie, triomphe qui est toujours fêté à la première semaine du Grand Carême.
Pour l’Église orthodoxe l’image, aussi bien que la parole, est un langage exprimant ses dogmes et son enseignement. C’est une théologie inspirée, présentée sous une forme visuelle. Elle est le miroir reflétant la vie spirituelle de l’Église, permettant de juger des luttes dogmatiques de telle ou telle époque. Les époques de la floraison de l’art liturgique correspondent toujours à un essor de la vie spirituelle : ce fut le cas de Byzance, des autres pays orthodoxes et de l’Occident à l’époque romane. À ces moments, la vie liturgique est réalisée pleinement dans son ensemble harmonieux, ainsi que dans chacun de ses domaines particuliers.
Toutefois, l’image ne se borne pas à exprimer la vie dogmatique et spirituelle de l’Église, sa vie intérieure. À travers l’Église, l’image reflète également la civilisation qui l’entoure. Lié par ceux qui le créent au monde d’ici-bas, cet art est aussi un miroir de la vie du peuple, de l’époque, du milieu et même de la vie personnelle de l’artiste. Il est aussi en quelque sorte l’histoire du pays et du peuple. Ainsi, une icône russe, tout en ayant la même iconographie qu’une icône byzantine, diffère de celle-ci par ses types et son caractère national, une icône de Novgorod ne ressemble pas à une icône de Moscou etc… C’est précisément cet aspect extérieur de l’art sacré qui forme l’objet de la grande majorité des études actuelles.
Le contenu liturgique de l’image sacré fut perdu en Occident au XIIIe siècle et dans le monde orthodoxe, suivant les pays, aux XVe, XVIe et XVIIe siècles. Ce n’est que vers la fin du XIXe siècle que les connaisseurs, les savants, les esthètes découvrirent l’icône. Ce qui semblait auparavant une tache sombre, engoncée d’un riche revêtement d’or, apparut soudain en sa miraculeuse beauté. Nos ancêtres iconographes se révélèrent non seulement des peintres de génie, mais des maîtres de la vie spirituelle, ayant su donner des formes à la parole du Seigneur : Mon Royaume n’est pas de ce monde (Jn).
Or, l’incompréhension du contenu de cet art n’est pas due à notre supériorité, ni à une perte de sa force vitale ou de son importance, mais à notre décadence spirituelle profonde. Sans parler des personnes qui sont complètement en dehors de l’Église, nous sommes en présence, même chez les croyants, d’un péché essentiel de notre époque : la sécularisation de notre esprit, la déformation complète de l’idée même de l’Église et de la Liturgie.
On peut dire qu’en général on ne voit plus de la vie spirituelle que son côté moral. Son fond dogmatique, devenu le domaine des  » savants théologiens « , est considéré comme une science abstraite et n’a plus aucun rapport avec la réalité de notre vie quotidienne. Quant à la Liturgie, guide infaillible de notre chemin spirituel, profession de notre foi, elle n’est plus pour beaucoup qu’un rite traditionnel ou bien un usage pieux et touchant. L’unité organique du dogme et de la loi morale dans la Liturgie s’est brisée, désagrégée. Cette absence d’unité intérieure détruit la plénitude liturgique de nos services divins. Les éléments qui les composent et dont nous ne saisissons plus le but commun – la parole, le chant, l’image, l’architecture, l’éclairage etc… – s’en vont, chacun dans sa propre voie, à la recherche de son sens et de ses effets particuliers. Ils ne sont plus unis les uns aux autres que par la mode de telle ou telle époque (baroque, classicisme etc…) ou par le goût personnel. Ainsi, l’art de l’Église ne vit plus de la révélation du Saint-Esprit, de la vie dogmatique de l’Église, mais se nourrit de la civilisation de tel ou tel moment historique. Il n’enseigne plus ; il cherche et tâtonne avec le monde.
On entend souvent des voix indignées protester contre les images mièvres et sentimentales  » genre Saint-Sulplice « , ou contre les pièces de concert qui viennent remplacer le chant liturgique. Il ne s’agit pas là, comme on l’admet couramment, d’une décadence de notre goût. Le mauvais goût a toujours existé et existera toujours. Le malheur de notre époque c’est que le goût personnel, qu’il soit bon ou mauvais, est généralement admis comme critère dans l’Église, alors que le critère objectif est perdu.

L’ICÔNE, TRANSMISSION OBJECTIVE
DE LA RÉVÉLATION
Pour saisir la signification et le contenu de l’art sacré, en particulier l’icône, commençons par étudier brièvement le tout dont elle n’est qu’une partie, l’église et sa signification symbolique d’une part, l’attitude de l’Église orthodoxe vis-à-vis de l’art d’autre part.
Le principe orthodoxe de la construction des églises est basé sur la tradition léguée par les Pères. Or, la tradition n’est pas un principe conservateur ; elle est la vie même de l’Église dans l’Esprit Saint. C’est la révélation divine qui continue de vivre. À l’expérience de celui qui la reçue et transmise, s’ajoute l’expérience de celui qui la vivra après lui. Ainsi, l’unité de la vérité révélée cohabite avec la pluralité des compréhensions personnelles.
Dans son second Traité pour la défense des saintes icônes, saint Jean Damascène dit :  » La Loi et tout ce qui fut institué par la Loi (l’Ancien Testament) était une certaine préfiguration de l’image à venir, c’est-à-dire de notre culte actuel. Et le culte que nous rendons actuellement est une image des biens à venir. Quant aux objets eux-mêmes, ils sont la Jérusalem céleste, immatérielle, et qui n’est pas faite par la main de l’homme, suivant la parole de l’Apôtre : Nous n’avons point d’ici-bas de cité permanente, mais nous cherchons celle qui est à venir (He 13,14), c’est-à-dire la Jérusalem céleste, dont Dieu est l’architecte et le constructeur (He 11,10). Une église, avec tout ce qu’elle contient, est donc l’iamge des  » biens à venir  » de la Jérusalem céleste.
Selon les Pères liturgistes, et en particulier saint Germain de Constantinople, grand confesseur de l’Orthodoxie de la période iconoclaste,  » l’église est le ciel sur terre, où habite et se meut Dieu qui est plus haut que le ciel « .  » Elle a été préfigurée dans les personnes des patriarches, annoncée dans celle des prophètes, fondée dans celle des Apôtres, ornée dans celle des évêques, sanctifiée dans celle des martyrs…  »  » Elle est l’image de l’Église divine et représente ce qui est sur la terre, ce qui est au ciel et ce qui dépasse le ciel  » (saint Syméon de Salonique). Il précise :  » Le narthex correspond à la terre, la nef au ciel et le saint sanctuaire à ce qui est plus haut que le ciel. « 
Ainsi, pour les Pères, l’église est le ciel nouveau et la nouvelle terre, le monde transfiguré, la paix à venir, où toutes les créatures se rassembleront dans l’ordre hiérarchique autour de leur Créateur.
C’est sur cette image que se basent la construction et la décoration des églises. Ce sont là des symboles dogmatiques qui se bornent à fixer les principes généraux et essentiels. Les Pères ne prescrivent aucun style d’architecture, n’indiquent point comment orner l’édifice, ni de quelle façon il faut peindre les icônes. Tout ceci découle de l’idée générale de l’Église et suit une règle d’art analogue à la règle liturgique. Autrement dit, nous avons une formule générale très nette et très clair qui dirige nos efforts, en laissant une liberté complète à l’action du Saint-Esprit en nous.
C’est donc l’image du monde transfiguré qui est à la base du principe définissant l’aspect de l’église, la forme des objets et leur place, le caractère des chants liturgiques, et règle l’ordonnance des sujets de la décoration, ainsi que l’aspect extérieur de l’image.
Il est clair qu’une pareille conception de l’église nécessite une harmonie parfaite de tous les éléments qui la forment, c’est-à-dire leur unité et leur plénitude liturgique. L’architecture, l’image, le chant, tout doit rappeler au fidèle qu’il se trouve en un lieu sacré. Chaque partie de l’édifice doit, par son aspect, lui montrer son sens et sa destination.
Pour former un ensemble harmonieux, chacun des éléments composant une église doit, avant tout, être subordonné à son idée générale et partant renoncer à toute ambition de jouer un rôle propre, de valoir par lui-même. L’image, le chant cessent d’être des arts ayant chacun sa voie propre, indépendante des autres, pour devenir des formes variées exprimant, chacune à sa façon, l’idée générale de l’église, univers transfiguré, préfiguration de la paix à venir. Cette voie est la seule où chaque art, formant partie d’un tout harmonieux, puisse acquérir la plénitude de sa valeur et s’enrichir infiniment d’un contenu toujours nouveau.
Cette harmonie qui forme de l’église et du service divin un tout homogène réalise, dans son domaine propre, cette  » unité dans la diversité  » et cette  » richesse dans l’unité « , qui exprime, dans l’ensemble et dans chacun des détails, le principe de catholicité de l’Église orthodoxe.
Ainsi, l’art de l’Église est, par son essence même, un art liturgique. Non seulement il sert de cadre au service divin et le complète, il lui est parfaitement conforme. L’art sacré et la Liturgie ne font qu’un, tant par leur contenu que par les symboles servant à l’exprimer. L’image découle du texte, elle lui emprunte ses thèmes iconographiques et la façon de les exprimer.
La correspondance parfaite de l’image et du texte a été le principe de l’art sacré, dès les premiers siècles du christianisme. Dans les catacombes et les premières églises, nous ne voyons jamais d’images de caractères anecdotique ou psychologique. Comme la Liturgie, elles unissent la réalité la plus concrète à un symbolisme profond.
Or, ce que nous voyons dans nos églises est souvent bien loin de ce que doit être l’art liturgique. Il y a confusion de deux choses absolument distinctes : la sainte image et l’image sainte, c’est-à-dire de l’art liturgique et de ce qu’on appelle communément l’art  » religieux « , art qui, tant par son essence que par sa destination, sa manière d’expression et sa façon de traiter la matière, est un art profane à sujet religieux. Du fait de cette confusion, l’art sacré a été presque complètement évincé de nos églises et remplacé par l’art religieux.
Cet art est de conception relative et subjective ; expression d’un état d’âme de l’artiste et de sa piété propre et non, comme l’art liturgique, transmission objective de la révélation. Il reflète le monde sensible et émotionnel, conçoit Dieu à l’image de l’homme. Ce n’est plus l’Église qui enseigne, mais la personnalité humaine qui impose ses recherches individuelles aux croyants. Le but de l’art religieux est de provoquer une certain émotion. Or, l’art liturgique ne se propose pas d’émouvoir, mais de transfigurer tout sentiment humain.
De même la conception de la beauté, dans l’art religieux, est complètement différente de celle de l’art liturgique. Pour l’Église orthodoxe , la beauté est le vêtement royal de Dieu triomphant : Le Seigneur règne, il s’est vêtu de splendeur (Ps 92,1). Dans le plan humain, elle est le couronnement divin d’une oeuvre, la correspondance de l’image à son prototype. Or, dans l’art religieux, comme dans l’art profane, la beauté a sa valeur en elle-même ; elle est le but de l’oeuvre. Ce n’est plus la beauté dans le sens orthodoxe du mot, mais plutôt une déformation de cette beauté, aboutissant dans l’image du monde déchu, allant parfois jusqu’à l’image du monde décomposé )Picasso, les surréalistes…). La beauté d’une image est ici quelque chose de subjectif, tant pour l’artiste qui la crée que pour le spectateur qui la regarde. Dans la façon de créer, comme dans la façon d’apprécier, c’est la personnalité humaine qui s’affirme, consciemment ou inconsciemment. C’est ce qu’on appelle communément la  » liberté « .
Cette liberté consiste en une expression de la personnalité de l’artiste, de son moi ; la piété personnelle, les sentiments individuels, l’expérience de telle ou telle personne humaine passant avant la confession de la vérité objective de la révélation divine. C’est, en réalité, le culte de l’arbitraire. Ajoutons que, dans une image religieuse, cette liberté s’exerce au dépens de celle des spectateurs : l’artiste leur présente sa personnalité qui s’interpose entre eux et la réalité de l’Église. Ceci ne peut que provoquer une révolte, et ce qui était destiné à stimuler la piété des croyants confirme les incroyants dans leur impiété. Un artiste qui, consciemment ou inconsciemment, s’engage dans cette voie, est esclave de son émotivité, de ses impressions sentimentales. L’iamge créée par lui perd inévitablement sa valeur liturgique. De plus, la conception individualiste de l’art détruit forcément son unité et prive les artistes du lien qui les unit les uns aux autres et à l’Église. La catholicité cède le pas au culte du personnel, de l’exclusif, de l’original.
Tout autre est le chemin suivi par la peintre liturgique orthodoxe. C’est la voie de la soumission ascétique, de la prière contemplative. La beauté d’une icône, quoique comprise par chacun de ceux qui la regardent à sa façon personnelle. dans la mesure de ses possibilités, est exprimée par l’artiste objectivement, selon le refus de son moi, s’effaçant devant la vérité révélée. La liberté consiste en la  » libération de toutes les passions et de tous les désirs de ce monde et de la chair « , suivant Syméon le Nouveau Théologien (Sermon 87). C’est la liberté spirituelle, celle dont parle saint Paul : Là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté (2 Co 3,17). La qualité liturgique et spirituelle de l’art est proportionné au degré de liberté spirituelle de l’artiste. Cette voie est la seule qui mène la personnalité de l’artiste à la plénitude de son importance réelle.
La tâche du peintre d’icônes et celle du prêtre ont beaucoup de points communs. Selon saint Théodose l’Érmite, par exemple,  » l’un compose le Corps et le Sang du Seigneur et l’autre le représente « . Comme le prêtre, le peintre a le devoir, dans son art, de nous mettre devant la réalité, laissant à chacun la liberté de réagir dans la mesure de ses moyens, suivant son caractère et les circonstances.
Un autre point par où l’art liturgique diffère essentiellement de l’art religieux est la façon dont il traite la matière. Il suit, là aussi, le principe essentiel de l’Église. L’image du monde transfiguré ne saurait, avant tout, tolérer aucun mensonge : elle est l’opposé de l’illusion, la vérité par excellence. C’est pourquoi la matière, entrant dans sa composition, doit être authentique. Il faut que son traitement soit conforme à la matière en question et que, de son côté, la matière soit conforme à l’emploi de l’objet. Il est essentiel que l’objet ne donne pas l’illusion d’être autre chose qu’il n’est pas. Aussi, dans l’icône, l’espace est limité par la surface plane de la planche et ne doit pas donner l’impression artificielle de la dépasser.
Nous voyons donc que le principe même de la création dans l’art liturgique est diamétralement opposé à celui de l’art religieux. C’est pourquoi une image religieuse peur être intéressante et utile à sa place, mais cette place n’est pas dans l’église.

L’ICÔNE, VISION DU MONDE SPIRITUEL
C’est au cours de la période iconoclaste des VIIIe-IXe siècles que l’Église formula clairement la portée dogmatique de l’icône. En défendant les images, ce n’est pas seulement leur rôle didactique, ni leur côté esthétique que défendait l’Église orthodoxe, c’est la base même de la foi chrétienne : le dogme de l’Incarnation de Dieu. En effet, l’icône de notre Seigneur est à la fois un témoignage de son Incarnation et celui de notre confession de sa divinité.  » J’ai vu l’image humain de Dieu et mon âme est sauvée « , dit saint Jean Damascène (Premier traité pour la défense des saintes icônes, chapitre 22).
D’une part, l’icône témoigne, en représentant la Personne du verbe incarné, de la réalité et de la plénitude de son Incarnation : d’autre part, nous confessons par cette image sacrée que ce  » Fils de l’Homme  » est réellement Dieu, la vérité révélée. Ainsi, nous voyons chez saint Pierre qui, le premier, confessa la divinité du Christ, non pas une connaissance humaine naturelle, mais une connaissance d’ordre supérieur, suivant la parole de notre Seigneur :Tu es heureux, Simon, fils de Jonas, car ce ne sont pas la chair et la sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux (Ma 16,17).
L’élan de l’homme vers Dieu, le côté subjectif de la foi, se rencontre ici avec la réponse de Dieu à l’homme, une connaissance spirituelle objective, exprimée soit par la parole, soit par l’image. Ainsi, l’art liturgique n’est pas seulement notre offrande à Dieu, mais aussi la descente de Dieu vers nous, une forme dans laquelle s’opère la rencontre de  » Dieu avec l’homme, de la grâce avec la nature, de l’éternité avec le temps « . Les formes de cette interpénétration du divin et de l’humain sont perpétuellement transmises et toujours vivantes dans la tradition.
La tradition dans l’art liturgique, comme dans l’Église elle-même, se base sur deux réalités : un fait historique d’une part, et la révélation dépassant les limites du temps d’autre part. C’est ainsi que l’iamge d’une fête ou d’un saint reproduit le plus fidèlement possible la réalité historique et nous ramène à son prototype, sans quoi elle n’est pas une icône. De là, le pouvoir des images d’opérer des miracles, car  » les saints, au cours de leur vie, étaient remplis du Saint-Esprit. Après leur mort également, la grâce du Saint-Esprit demeure perpétuellement dans leurs âmes, dans leurs corps ensevelis, dans leur aspect et dans leurs saintes images  » (saint Jean damascène). Au cas où une ressemblance physique absolue ne saurait être atteinte, la réalité historique est exprimée par des symboles parfaitement adéquats. C’est pourquoi l’Église orthodoxe n’admet pas les images peints d’après un modèle vivant ou d’après l’imagination de l’artiste. Une telle image n’exprime, à part son mensonge inévitable, que le fait que saint Pierre par exemple était un homme et la Sainte Vierge une femme. Les conciles prescrivent de peindre comme peignaient les anciens iconographes. Il existe, à cet effet, des recueils fixant les traits iconographiques de chaque saint.
D’un autre côté, une image sacrée ne représente pas simplement un événement historique ou un être humain parmi les autres ; elle nous montre de cet événement ou de cet être humain son visage éternel, nous révèle son sens dogmatique et son rang dans l’enchaînement des événements salutaires de l’économie divine. Les images de notre Seigneur et de la Vierge, à elles seules, dégagent déjà la plénitude de cette économie. Par l’icône d’un saint, nous voyons sa place et son importance dans l’Église, ainsi que sa façon particulière de servir Dieu en tant que prophète, martyr, apôtre etc…, exprimés par les attributs iconographiques et les couleurs symboliques. Ainsi l’icône, tout comme la Sainte Écriture, nous montre le terme suprême et le sens profond de toute la vie humaine : vie de martyr, vie contemplative, active ou autre. Elle nous révèle la voie à suivre et les moyens de l’accomplir et nous aide à découvrir le sens de notre propre vie.
Comme l’Évangile, l’art sacré est laconique. La Sainte Écriture ne consacre que quelques lignes à des événements qui décidèrent de l’histoire de l’humanité. L’image sacré également nous montre seulement ce qui est essentiel. Les détails, ici et là, ne sont tolérés que lorsqu’ils sont indispensables et suffisants, comme par exemple dans le récit et l’image de la Résurrection, les bandes qui étaient à terre et le linge qu’on avait mis sur la tête de Jésus, non pas avec les bandes, mais plié dans un lieu à part (Jn ).
Mais si l’icône dépasse les limites du temps, elle ne rompt pas ses relations avec le monde, ne s’enferme pas en elle-même. Les saints sont toujours représentés de face ou de trois quarts vers le spectateur. Ils ne sont presque jamais vus de profil, même dans les compositions compliquées, où leur mouvement est dirigé vers le centre de la composition. Le profil, en effet, interrompt en quelque sorte la communion, il est comme un début d’absence. On le tolère dans la représentation de personnages qui n’ont pas acquis la sainteté, comme par exemple les bergers ou les mages dans l’icône de la Nativité de notre Seigneur.
Cette absence de profil est une des expressions de la relation intime entre celui qui prie et le saint représenté. Dans une église, où la décoration, comme nous l’avons dit, n’est pas un assemblage d’icônes plus ou moins arbitraire, mais forme, en quelque sorte, une icône générale de l’Église, la Liturgie, c’est-à-dire  » action commune « , englobe l’assemblée des saints représentés et celle des fidèles, les saints tournés à la fois vers eux et vers le Seigneur, étant un objet de prière et des médiateurs auprès de Dieu.
Si aujourd’hui nous avons cessé de comprendre le message que nous apporte l’icône, c’est que nous avons perdu la clef de son langage. Cette chef est le sens concret et vivant de la Transfiguration, idée centrale de l’enseignement chrétien. Ainsi que disait un évêque russe du XIXe siècle, saint Ignace Braintchaninov,  » la connaissance même de la capacité du corps humain à être spirituellement sanctifié est perdue par les hommes  » (Essai ascétique, premier volume).
L’icône est précisément le témoignage de cette connaissance concrète, vécue de la sanctification du corps humain, de sa transfiguration. De même que la parole, mais au moyen d’images visibles, elle nous montre la créature pénétrée et déifiée par la grâce incréée.  » L’homme, dont l’âme est toute devenue feu, transmet également à son corps une partie de la gloire acquise intérieurement, tout comme le feu matériel transmet son action au fer  » (saint Syméon le Nouveau Théologien, sermon 83).
Saint Ignace Briantchaninov décrit cet état d’une façon qui nous est plus accessible :  » Lorsque la prière est sanctifiée par la grâce divine, l’âme tout entière est attirée vers Dieu par une force inconnaissable, entraînant avec elle le corps… Chez l’homme né à une vie nouvelle, ce n’est pas l’âme seulement, ni le coeur seul, mais la chair aussi qui s’emplit d’une consolation et d’une félicité spirituelles : la joie du Dieu vivant… Lorsque l’homme prie véritablement, chacun de ses clame : Seigneur qui t’égale ? Tu délivres le pauvre des puissants qui l’oppriment. Tu libères le malheureux et l’indigent de ceux qui ravissent sa prière et son espoir : les pensées et les sensations venant de la nature déchue et provoquées par les démons. « 
Ainsi, l’être entier prend part à la prière : le corps, les sens, les sentiments, sont sanctifiés par la grâce. Leur dispersion habituelle,  » les pensées et les sensations qui proviennent de la nature déchue  » font place à une prière concentrée, tout se fond dans l’élan de l’homme tout entier vers Dieu. Nos sens régénérés deviennent autres. C’est ce corps humain transformé qui est représenté sur l’icône. Ceci ne veut pas dire que le corps humain devienne autre chose qu’il est. Au contraire, le corps reste corps et garde toutes les particularités physiques de la personne. Mais le changement de son état est représenté par des traits qui, n’étant pas naturalistes, nous sont souvent incompréhensibles.
L’icône est donc, comme nous l’avons dit, un témoignage de la déification de l’homme, de la plénitude de la vie spirituelle, une communication par l’image de ce qu’est l’homme en état de prière sanctifiée par la grâce. C’est en quelque sorte de la peinture d’après nature, mais d’après la nature rénovée, à l’aide de symboles. Elle est le chemin et le moyen ; elle est la prière même. De là, la majesté de l’icône, sa simplicité, le calme du mouvement, de là le rythme de ses lignes et de ses couleurs qui découle d’une harmonie intérieure parfaite.
Il convient de préciser que cet état de sanctification n’est pas à confondre avec celui de l’extase. En effet, l’état extatique n’est pas une union de la nature humaine avec Dieu, il ne transfigure pas la créature. Il est une rupture de l’âme avec l’organisme sensible (raptus), une vision qui arrive parfois à des débutants dans la vie spirituelle. À mesure que le débutant croît dans la grâce, sa nature s’en pénètre tout entière ; il n’est plus ébloui par la vision du monde surnaturel ; il  » connaît dès ici-bas, dès la vie présente, le mystère de sa déification  » (saint Syméon le Nouveau Théologien, Sermon 83, chapitre 3).
Seuls les hommes qui, par expérience personnelle, connaissent cet état, peuvent créer de telles images, révélant la participation de l’homme à la vie du monde transfiguré qu’il contemple. Et seule une telle image, authentique et convaincante, peut nous communiquer son élan vers Dieu. Aucune imagination artistique, aucune perfection technique ne peuvent remplacer ici la connaissance positive  » provenant de la vision et de la contemplation « .
Il est facile de comprendre à présent pourquoi tout ce qui rappelle la chair corruptible de l’homme et l’espace physique est contraire à la nature même de l’icône, car la chair et le sang ne peuvent hériter le Royaume de Dieu et la corruption n’hérite pas l’incorruptibilité (1 Co 15,50).
De tout ce qui précède, il ne résulte nullement que seuls, les saints puissent faire des icônes. L’Église ne consiste pas que de saints. Nous tous en faisons partie par les sacrements et cela nous confère le devoir, le droit, l’audace de marcher sur la trace des saints. Tout peintre orthodoxe vivant dans la tradition peut faire des icônes authentiques. Ceci explique les exigences de l’Église, en ce qui concerne le côté moral de la vie des peintres d’icônes. La peinture d’icônes n’est pas seulement un art, c’est une ascèse quotidienne. Mais la source inépuisable qui abreuve l’art sacré est l’Esprit Saint par l’intermédiaire de l’Église, par la contemplation des hommes, dont la prière a été sanctifiée par la grâce divine. C’est pourquoi l’Église orthodoxe, parmi les différents ordres de saints, docteurs, martyrs etc…, a un ordre de saints peintres d’icônes canonisées pour leur art.

L’ICÔNE, RÉALITÉ DU ROYAUME
Résumons pour terminer. L’art liturgique est une théologie inspirée, exprimée par les formes, les lignes et les couleurs. Il contient les trois éléments qui forment la religion chrétienne : le dogme, qu’il confesse par l’image, l’enseignement spirituel et moral, qu’il traduit par son sujet et son contenu, et le culte, dont il fait partie intégrante.
De même que notre Seigneur sur le Mont Thabor montra aux disciples la vérité du siècle à venir et les fit participer au mystère de sa Transfiguration  » dans la mesure où ils en étaient capables « , l’art liturgique, en mettant devant nos yeux l’image de cette même vérité du siècle à venir (le Royaume de Dieu venu dans sa force (Mt )), sanctifie tout notre être suivant nos capacités.
En oubliant la capacité du corps humain à être ainsi sanctifié, on est arrivé à appliquer à l’art sacré les mêmes mesures et les mêmes exigences qu’à l’art profane, abaissant ainsi le surnaturel jusqu’à l’humain. L’homme déchu est devenu la mesure de toutes choses, il crée Dieu à son image au lieu de retrouver dans l’homme l’image de Dieu.
Si au temps de l’iconoclasme des VIIIe et IXe siècles, dans la lutte pour l’existence même de l’image, c’est le dogme de l’Incarnation de Dieu qui était défendu,  » Dieu est devenu homme « , aujourd’hui, c’est l’aboutissement de l’Incarnation :  » Pour que l’homme devienne Dieu « , qui est en jeu. L’iconoclasme de nos jours, inconscient sans doute, n’est pas tant une négation de l’image que sa défiguration, voire sa corruption, une incompréhension de sa portée dogmatique et éducatrice. La plupart du temps, l’image est considérée comme chose secondaire ; la parole seule est jugée suffisante. On oublie que notre Seigneur n’est pas seulement le Verbe du Père, mais aussi l’Image du Père et que, depuis le temps les plus reculés, la mission de l’Église dans le monde était exercée par l’iamge comme par la parole.
Loin d’être pour nous un objet de délectation esthétique ou de curiosité scientifique, l’icône a un sens théologique très net : de même que l’art profane représente la réalité du monde sensible et émotionnel, tel qu’il est vu personnellement par l’artiste, elle représente la réalité du Royaume qui n’est pas de ce monde, telle que nous l’enseigne l’Église. Autrement dit, elle représente, à l’aide de symboles, ce même monde sensible et émotionnel, délivré du péché, transfiguré et déifié.

Extrait des Mélanges de
l’Institut orthodoxe français
de Paris, IV, 1948.

 

LA SAINTETÉ: PROFESSEUR ALEXIS OSSIPOV

5 mars, 2018

https://orthodoxologie.blogspot.it/2010/02/alexis-ossipov-theologien-russe-de-quoi.html

en e fr christus - Copia

byzantine art, Panthokrator

LA SAINTETÉ: PROFESSEUR ALEXIS OSSIPOV

Théologien russe

De quoi a besoin une personne pour devenir un saint et pourquoi l’Église ne peut-elle jamais reconnaître une personne comme sainte alors que la personne est encore vivante? Ces questions sont la pierre angulaire de la vie spirituelle chrétienne. Alexis Ossipov, professeur à l’académie spirituelle de Moscou et théologien de renom, va répondre à ces questions.
Comme nous le savons par l’Évangile, la première personne qui soit jamais entrée au ciel a été le larron (Luc 23:39-43), un voleur dont les mains étaient couvertes de sang. Il s’agit d’un fait étonnant sans équivalent dans aucune autre religion du monde. Alors, pourquoi l’homme a-t-il été sauvé?
L’Évangile est très clair à ce sujet. L’auteur du méfait a été sauvé parce qu’il s’est rendu compte que sa vie était pleine d’immondices, parce qu’il a senti qu’il n’était pas digne d’être sauvé, et à cause de son repentir sincère devant le Sauveur. Le larron était pleinement conscient et n’avait absolument aucun doute qu’il ne pouvait pas être là où l’homme sur la croix allait être. C’est pourquoi il a prononcé ces paroles, si incroyablement humbles dans son agonie terrible, en s’adressant au Christ, « Seigneur, souviens-toi de moi quand tu viendras dans Ton royaume » (Luc 23:42). Il n’a pas demandé le soulagement de la douleur ou la miséricorde, mais il a demandé au Seigneur de se souvenir de lui dans le lieu où il pensait qu’il ne serait jamais. C’est ce qui était suffisant pour être sauvé. En effet, comme le dit le Psaume, « un cœur brisé et contrit, ô Dieu, Tu ne le mépriseras pas » (Ps. 51:17). La vie d’un saint commence par faire attention à sa propre vie morale, à son état intérieur. Il faudrait comparer ses sentiments et ses aspirations avec les Commandements de l’Évangile, et la manière dont le Christ a agi. Cela révèle un tout nouveau monde à l’intérieur du cœur d’une personne, un monde étrange et inconnu qui souvent ne paraît pas très bon.
D’une part, nous sommes absolument sûrs que nous sommes gentils, intelligents, honnêtes, etc En un mot, que nous sommes bons et justes. C’est pourquoi il ne nous vient jamais à l’esprit que nous pourrions aboutir en dehors du Royaume des Cieux. Au contraire, nous pensons que nous allons certainement être là, au moins quelque part dans un « coin » du Ciel. Il se peut que je ne sois pas un grand saint, comme je me le dis souvent, mais je suis encore un croyant, un chrétien orthodoxe, je vais à l’église, je confesse mes péchés, et je reçois la Communion… Comment ne pas être sauvé? Je n’ai jamais tué ou volé, ou trompé mon épouse, ou violé les lois, de quoi d’autre ai-je besoin? Je me sens comme un saint légitime. J’ai juste besoin d’être canonisé, pendant que je suis encore en vie.
Mais d’un autre côté, si nous prêtons attention à nos paroles, à nos souhaits, à nos sentiments et nos attitudes à l’égard des amis et des ennemis, et si l’on compare tout cela avec ce que notre conscience nous dit et à ce que dit l’Evangile, nous commençons à voir les choses très différemment. Il s’avère que je ne puis m’empêcher de juger, d’envier, de me vanter, de trop manger, etc… Il y a tellement de choses je ne puis m’empêcher de faire, que je ne peux plus me voir comme une « bonne personne ». Même si je fais quelque chose de bien, c’est parce que je suis prétentieux ou calculateur. J’entends le grand nombre de péchés à la confession publique et je me rends compte que 99% des péchés de cette liste sont mes péchés. C’est-à-dire que je vois que je n’arrive pas à respecter les normes énoncées dans l’Evangile.
Peut-on devenir un saint déjà de son vivant? Pour répondre à cette question, nous devons comprendre que la sainteté, cela consiste à avoir le Saint-Esprit, un état qui peut changer souvent tout au long de la vie d’une personne, car Dieu seul ne connaît pas de changement. Ce n’est pas un oiseau que nous pouvons prendre et enfermer dans une cage afin qu’il ne puisse s’échapper. Mais cela consiste à surveiller son « vieil homme », à être vigilant dans le cœur et l’esprit, comme si nous étions les défenseurs d’une forteresse assiégée. Si les gardes de la forteresse font preuve de négligence, toute l’armée peut perdre la bataille. De même, il y eut des cas dans l’histoire du christianisme, où certains ascètes atteignirent les dons de prophétie ou de miracles, mais perdirent la concentration de leurs pensées et de leurs sentiments. En conséquence, ils ne furent plus capables de voir leurs « ennemis intérieurs », et de bien réfléchir à leurs réalisations, et beaucoup de ces personnes moururent spirituellement. Il y eut d’autres qui ne s’élevèrent dans leur sainteté dessus de la pureté d’un enfant. Saint Ignace (Bryanchaninov) citait saint Macaire le Grand qui a écrit qu’il y avait des âmes qui avaient reçu la grâce de Dieu, mais étant spirituellement inexpérimentées, comme des enfants, elles étaient tombées en s’éloignant de la sagesse qui est nécessaire pour un ascète véritable. Dans de nombreux monastères de tels startsy étaient appelés « saints mais non expérimentés », et les autres moines étaient réservés et prudents quand il s’agissait de les consulter.
C’est seulement en réalisant que nous sommes incapables de vaincre nos passions et nos péchés par nous-mêmes que nous pouvons obtenir l’humilité. C’est le début de la vie spirituelle juste. Car cela seulement nous fait perdre nos illusions sur nous-mêmes, révélant le véritable état de nos âmes, qui est si loin de la pureté de l’Évangile. Cela rend une personne en mesure de chercher le Sauveur, de se tourner vers le Christ. SaintPierre Damascène a déclaré: « Le premier signe que l’âme commence à s’améliorer, c’est quand on voit ses péchés innombrables comme le sable de la mer ». Je dois répéter que ce n’est que le commencement du chemin vers la sainteté. Mais s’il n’y a pas de commencement, il n’y a pas de suite.

Version Française Claude Lopez-Ginisty
d’après
UNPLEASANT DIAGNOSIS. The First Step to Sainthood.

L’EXPÉRIENCE DE L’ÉTERNITÉ DANS LA PRIÈRE PERSONNELLE

8 janvier, 2018

http://religion-orthodoxe.eu/article-l-experience-de-l-eternite-dans-la-priere-personnelle-61431485.html

en e fr St. Sophia's Greek Orthodox Church in Syracuse, NY - Copia

St. Sophia’s Greek Orthodox Church in Syracuse, NY

L’EXPÉRIENCE DE L’ÉTERNITÉ DANS LA PRIÈRE PERSONNELLE

par Père Macaire de Simonos Petra

« Que ce soit dans notre vie liturgique, comme dans l’expérience mystique de la prière, nous sommes appelés à « passer» (au sens étymologique de Pâques) de la mort à la vie et de la terre au ciel (1), « encore et encore », chaque jour jusqu’à la fin du monde. Lorsque dans le silence de la nuit, le moine ou le fidèle se tient devant le Dieu invisible comme s’il était visible, les puissances de leur âme rassemblées dans le cœur et repoussant avec effort tous souvenirs ou distractions de ce monde, il leur est donné de vivre aussi de manière encore plus intense, cette transfiguration du temps. Que la prière suive le rythme alternant de la respiration ou qu’elle soit prononcée durant l’intervalle entre inspiration et expiration, qui est comme un arrêt du temps, le but de la méthode, ou plutôt des différentes méthodes hésychastes, reste le même. Il s’agit de concentrer toute notre attention sur « l’éternité arrêtée au cœur de l’instant» (2) L’invocation du Nom béni du Dieu-homme, répétée inlassablement jour après jour, réveille en nous une sensibilité spirituelle à sa présence et à son ineffable douceur. Dans ces moments privilégiés, dont il est impossible d’évaluer la durée, où la prière s’arrête pour devenir écoute du Verbe au dedans de nous, l’intellect, dépouillé de toute pensée et de toute représentation, se trouve transféré dans un mode d’existence nouveau. Saisissant par la foi que le Royaume de Dieu approche et qu’il est déjà inauguré au dedans de nous, par la prière intérieure nous nous portons en avant, dans un élan de réponse plein d’amour extatique.
Chaque invocation du Nom de Jésus répétée humblement même pendant les activités de la journée, constitue un pas de plus à la rencontre du Seigneur. La pratique quotidienne de la prière de Jésus, qui prend sa source dans la communion eucharistique et dépend étroitement de notre participation à la vie liturgique de l’Église, est donc expérience vécue de l’éternité au cœur du temps. Nous restons êtres de chair et de sang, prisonniers du temps et de ses contingences, faibles et impuissants à comprendre les mystères divins, et pourtant nous sommes à la fois hommes nouveaux, recréées à l’image du Second Adam, et par la grâce et la miséricorde du Seigneur, nous pouvons goûter à la vie éternelle cachée dans le Nom divin.
La temporalité qui était la marque de notre chute est devenue, en Jésus-Christ « une aile » qui nous porte vers les hauteurs, dans un élan sans fin vers l’éternité (3). »

Notes :
1- Canon de Pâques, Hirmos de la 1 ère ode.
2 – Acathiste du Buisson Ardent, ikos 2.
3 – St Grégoire de Nysse, Sur la Perfection 8,1
in »Entrée dans le troisième millénaire ou passage à l’éternité »
Lettre aux amis des monastères St Antoine Le Grand et Protection de la Mère de Dieu (1999)

LA THÉOLOGIE ORTHODOXE OU « LA FLAMME DES CHOSES »

23 juin, 2016

http://www.spiritualite-orthodoxe.net/paul_evdokimov_orthodoxie.html

LA THÉOLOGIE ORTHODOXE OU « LA FLAMME DES CHOSES »

« Dieu c’est fait homme, pour que l’homme puisse devenir dieu »

Article inspiré des cours de Père Razvan Ionescu Un explication plus approfondie du mot Théologie

D’après Orthodoxie (L’), Paul Evdokimov, Desclée de Brouwer, 1992; Pages 47-56. La vision de Paul Evdokimov sur la théologie patristique: les commentaires de Père Razvan Ionescu sont en italique Une théologie du mystère qu’on ne connaît que par révélation et participation – la metanoïa L’Orient distingue d’une part  » l’intelligence  » orientée vers la coïncidence des opposés et débouchant sur  » l’unité et l’identité par la grâce 1, et d’autre part la  » raison », pensée discursive fondée sur le principe logique de contradiction et d’identité formelle et tournée vers le multiple, donc « déifuge ». Or, « l’intelligence réside dans le coeur, la pensée dans le cerveau 2 . Ce qui explique pourquoi la foi orthodoxe ne se définit jamais en termes d’adhésion intellectuelle, mais relève de l’évidence vécue, d’une « sensation du transcendant »: « Seigneur, la femme qui était tombée dans un grand nombre de péchés, ayant ressenti ta dignité… » 3. Il faut souligner l’aspect existentiel de la foi où s’opère la coïncidence foncière de l’amour et de la connaissance, inséparablement un dans le coeur-esprit, – Il n’y a donc pas de division dans la personne humaine qui connait théologiquement. ce qui dépasse l’intellectualisme et le sentimentalisme et correspond au terme évangélique très fort de metanoïa, revirement de toute l’économie de l’être humain. – metanoïa de meta-noûs, c’est l’intelligence non pas dans le sens de ratio mais une intelligence plus profonde de l’homme dans sa complexité. C’est un renouveau de l’intelligence, c’est à dire un mouvement qui fait que la personne humaine voit les choses autrement à travers la grâce de Dieu. La théologie comporte un élément doctrinal, la didascalie objective de l’Eglise, sa catéchèse, mais plus profondément dans sa sève même elle écoute ses saints, s’alimente à leur expérience pneumatophore du Verbe. Ainsi, comme le montre le titre d’un des écrits de Denys le pseudo Aréopagite : De la théologie mystique, celle-ci est théologie du mystère qu’on ne connaît que par révélation et participation. Elle saisit les paroles de Dieu à l’intérieur des « phanies », manifestations de Dieu. La transcendance divine nous apprend qu’on ne peut jamais aller vers Dieu qu’en partant de lui, qu’en se trouvant déjà en lui. [Oeuvre complète de Saint Denys l'areopagite, Mgr Darboy, Maison de la Bonne presse, 1845 - Théologie Mystique à partir de la page 463 pdf, ou 286 livre., téléchargeable ici] Par rapport aux orientations développées en Occident, qui développent une théologie de discours et surtout une explication rationnelle des choses, l’Orient est plus enclin à une théologie du mystère. C’est à dire que l’on touche le mystère à travers la théologie. Ceci ne veut pas dire pour autant que l’on épuise le mystère à travers notre discours mais justement la théologie a comme fonction de nous mettre devant le mystère de Dieu. Elle nous invite à le goûter et en le goûtant on se rend compte que c’est une profondeur sans fin. Les développements théoriques, chez les Pères passent souvent et sans aucune interruption aux textes de prières et de dialogue avec Dieu. – Paul Evdokimov met l’accent sur cette relation étroite entre ce que l’on écrit sur Dieu et notre prière.

Mystagogie ou initiation Saint Isaac Saint Isaac le Syrien voit dans ces instants: « la flamme des choses ». C’est peut-être la meilleure définition de la théologie. Art, beaucoup plus que science systématique, elle découvre la vérité cachée des choses célestes et terrestres et initie à la participation-communion au monde éonique de Dieu. – Le mot initie, initiation, est important car en théologie on parle d’une pédagogie mais aussi d’une mystagogie, c’est à dire une initiation, on se souvient des paroles du seigneur quand Il dit:  » Allez, faites des gens de toutes les nations des disciples, baptisez-les pour le nom du Père, du Fils et de l’Esprit saint; et apprenez-leur à garder tout ce que je vous ai commandé. Quant à moi, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin des temps.  » Matthieu 28:19-20  » 4 donc quand Il dit « apprenez », cette pédagogie vient tout de suite après « baptisez », qui veut dire « initiez », ouvrez la porte du Royaume à travers la grâce de Dieu, la descente de l’Esprit Saint; à travers cette pentecôte personnelle. La pédagogie vient donc à la suite de la mystagogie, ce qui ne veut pas dire que dans l’Eglise seul le baptême est mystagogique, car toute expérience de l’Eglise nous parle d’une mystagogie mais l’expérience de l’Eglise nous parle aussi d’une pédagogie, on ne peut donc pas les séparer. La mystagogie est donc une initiation au mystère, une découverte du mystère. Théognosie – Theo: Dieu; gnosis: connaissance – catéchèse – Vous voyez l’équilibre qui existe toujours dans les affirmations théologiques, on parle d’une initiation mais aussi d’un enseignement. « voie expérimentale de l’union avec Dieu » Ce sont des mots extraordinaires car en fait si on parle de la théologie, en se référant à Theo et Logos, le Logos se rapporte soit à la parole, soit à la logique, un développement rationnel. Mais en même temps à l’école des Pères de l’Eglise c’est dans son aspiration ultime « voie expérimentale de l’union avec Dieu. » Pour les Pères la théologie est avant tout la contemplation de la Trinité. – Evdokimov fait une synthèse des Pères de l’Eglise. Par conséquent ce que nous faisons ici c’est une synthèse de synthèses.- C’est cette connaissance par inhabitation du Verbe qui est la théologie mystique. – Le saint Esprit vient et fait sa demeure en nous, si Dieu fait sa demeure en quelqu’un Il s’unit avec cette personne. Il ne peut pas vivre dans la chambre du coeur de quelqu’un sans être en communion avec cet être humain. C’est pourquoi quand on invite le Seigneur, on l’invite à venir en nous, à exprimer Sa présence et à s’unir avec nous. Il s’agit bien de la « parousie » divine dans l’âme – Paul Evdokimov utilise d’autres termes théologiques pour apporter une nouvelle lumière à la signification. qui ne peut être saisie que par les yeux de la foi, « les yeux de la Colombe ». Il s’agit non de connaître quelque chose sur Dieu, mais d’ »avoir Dieu en soi ». – Alors que les démarches théologiques essaient de construire un discours mais sans pouvoir véritablement construire quelque chose à partir de l’expérience concrète, les Pères se contentent d’exprimer leur expérience concrète personnelle par leur théologie. Toutefois ce n’est pas leur expérience particulière à eux, que personne ne peut interpréter, mais c’est une expérience personnelle qui entre dans l’expérience générale de l’Eglise. La théologie devient la description en termes théologiques de la présence illuminante du Verbe. Ce n’est point une spéculation sur les textes mystiques rnais la voie mystique elle-même, génératrice d’unité. Elle postule le retour à la nudité de l’esprit, son dépouillement jusqu’à son état pré-conceptuel de pure réceptivité adamique: – Cette expérience de Dieu, nous invite à découvrir un état de l’âme qu’on peut évoquer en pensant d’abord à Adam qui est appelé à goûter le Royaume de Dieu et Dieu Lui-même. Le centre même de notre culte se trouve dans la Cène eucharistique. Nous nous rassemblons pour goûter quelque chose ensemble, signe de communion. Dans le centre du culte chrétien, se trouve donc cette démarche de partager avec les autres notre nourriture qui n’est pas une nourriture de ce monde. Même si les choses matérielles qui contribuent à cette nourriture viennent de ce monde, à travers la bénédiction portée par liturgie la nourriture de ce monde devient également une nourriture qui n’est pas de ce monde, c’est à dire le Corps et le Sang du Seigneur que nous goûtons ensemble.

Le charisme d’oraison, prier sans cesse « La contemplation était le privilège d’Adam au paradis  » et donc nécessite avant tout un « charisme de l’oraison  » – C’est à dire la prière « . On imagine donc bien Adam vivre une vie qui était une contemplation de Dieu et nourrissait son être. Quand on parle de charisme d’oraison ça veut dire que la prière telle que nous l’apprenons aujourd’hui est une redécouverte d’une état qui fut paradisiaque: Adam priait. Quand on a demandé au Seigneur comment prier? Il a répondu: « Priez sans cesse « , ce qui signifie que la prière peut être une prière qui ne cesse pas. Ceci veut dire que l’être humain a une capacité de prière qui exprime quelque chose de sa nature. Il est capable par sa nature d’entretenir une relation avec Dieu à travers sa prière. La prière est comme une respiration de l’âme, c’est à dire que de la même façon que le corps respire et que sans respiration il ne vit plus, l’âme respire (Sans pour autant entrer dans un dualisme âme-corps). La prière fait partie du bon « fonctionnement » de l’être humain, il en a besoin mais c’est un charisme en même temps. La théologie ainsi s’érige en ministère charismatique, car « personne ne peut connaître Dieu si ce n’est Dieu lui-même qui l’enseigne » et « il n’y a pas d’autre moyen de connaître Dieu que de vivre en lui… « ; – Sans la grâce de Dieu on n’est pas capable de Prier. Quand nous voulons prier véritablement il nous faut cette aide. Dieu nous donne son aide à condition que nous le cherchions parce qu’Il respecte complètement notre liberté. La grâce de Dieu est garante de la liberté humaine, c’est le péché qui empêche la liberté humaine. Savoir prier nécessite également un enseignement de la part de Dieu. « parler de Dieu est une grande chose » ironise saint Grégoire le Théologien et justifie son titre en déclarant : « mais il est encore mieux de se purifier pour Dieu ». – Nous avons donc vu que certains Pères nous parlent de la connaissance de Dieu, nous parlent de la théologie en tant que connaissance de Dieu. J’ai souligné que la théologie est « voie expérimentale de l’union avec Dieu ». Théologie veut donc dire connaissance de Dieu et pour connaître Dieu nous ne pouvons pas rester comme nous sommes à l’heure actuelle, il faut changer quelque chose en nous. Car même si nous arrivons dans ce monde avec un certain état de pureté, notre nature corrompue à travers notre personne fait que nous sommes enclins malheureusement au péché. La vie spirituelle est la guérison totale, absolue et ultime de notre nature humaine. Dans l’office pour les défunts on dit que Dieu a tellement aimé l’être humain, qu’Il ne l’a pas laissé comme ça, c’est la raison pour laquelle la mort est justement la délivrance. S’il n’y avait pas de mort, cette nature à l’origine de l’être humain donnerait une vie corrompue éternelle. Dieu donne une fin à l’être humain par Amour 5.

La divinisation de l’homme par la grâce C’est un dialogue entre l’esprit de l’homme et l’Esprit de Dieu mais un dialogue générateur d’unité « déifiante »: « Dieu ne s’unit qu’à des dieux », dit saint Symeon? – C’est vraiment une synthèse avec des mots forts, des mots clés des Pères de l’Eglise. Autrement dit, en reprenant la définition la plus noble de la vie théologique ou de la vie de l’Eglise: « Dieu c’est fait homme, pour que l’homme puisse devenir dieu ». Notre destin n’est pas uniquement l’accomplissement de la personne humaine mais son accomplissement en tant que dieu par la grâce de Dieu. Il n’y a pas de changement de nature en nous mais si on vit la Vie que Dieu vit, on se transforme petit à petit en des dieux. Pour saint Macaire, un théologien est un enseigné de Dieu et c’est l’Esprit, selon saint Syméon, qui d’un érudit fait un théologien, car il s’agit non de s’instruire intellectuellement sur Dieu, mais de se remplir de Dieu : « Afin que l’ayant reçu en nous, nous devenions ce qu’il est ». – c’est pour cela que les êtres qui commencent à chercher Dieu dans leur vie deviennent de plus en plus ressemblant à Dieu. Une vie améliorée en Christ est une vie qui fait que quelqu’un est plus ressemblant à Dieu.

La libération des passions, les théologiens chrétiens orthodoxes Pour saint Basile « la vraie théologie libère des passions » -Si l’homme se libère petit à petit des mauvaises passions, c’est à dire les comportements qui ne laissent pas se manifester pleinement en nous l’image de Dieu. En s’en libérant on est dans l’acquisition petit à petits des « propriétés » qui expriment ce que Dieu est. « Une théologie sans action 6 est la théologie des démons » note saint Maxime. C’est au dynamisme de la foi que répond « le don spirituel de l’Esprit qui révèle le sens de la théologie »…. L’Orthodoxie s’est avérée très sobre pour délivrer le titre de « théologien » par excellence. Seules trois personnes le possèdent comme attribut de leur sainteté: saint Jean le Théologien, le plus mystique des quatre évangélistes, saint Grégoire le Théologien, « chantre de la sainte trinité » et saint Symeon le Nouveau Théologien, auteur des hymnes qui exaltent l’union. – Si l’Eglise est prudente dans l’attribution de ce titre, ce n’est pas qu’elle ne veut pas le donner mais ces personnes étaient caractérisées par leur profondeur théologique: elles ont su la vivre et l’exprimer à la fois. La théologie ce ne se limite pas à la contemplation, car il y a des êtres humains qui contemplent Dieu sans pouvoir exprimer cette contemplation et d’après ce qu’ils disent sans l’aide de Dieu il n’est pas possible de l’exprimer à travers un discours. En effet, notre discours ne peut pas « tenir en sa main » l’ineffable. Il faut que Dieu nous aide pour pouvoir exprimer des choses qui dépassent notre intelligence.

La contemplation ou theoria La théologie comporte l’élément de contemplation. Ce discours peut paraître très théorique mais la pratique mène à la contemplation, car notre pratique c’est de contempler Dieu, et la contemplation vient de « theoria ». Donc la theoria pour les Pères n’est pas une attitude passive devant Dieu où l’on n’aurait plus envie de bouger puisque ce serait Dieu qui s’occuperait de nous. En référence aux écrits de Père Dumitru staniloae, il est vrai que Dieu prend l’initiative et comble l’être humain de telle façon que l’être humain se trouve parfois dans « l’étonnement », dans les phases les plus élevées du mystère de Dieu, mais même dans cet état la contemplation « theoria » est très pratique. C’est une étape très active dans la vie de quelqu’un parce qu’il est pleinement là dedans. Alors qu’en science la théorie est relative a un schéma abstrait de faits que l’on interprète, dans l’Eglise la « theoria » veut dire contemplation. Toute contemplation de la vérité dans l’Eglise, à travers la parole, à travers les sens ou tout ce que l’on est, est une theoria.

Le cataphatisme et l’apophatisme, la conscience des limites, et Dieu sujet non pas objet. On a l’impression en lisant des écrits de théologie que les mots sont compliqués, par exemple cataphatisme et apophatisme. La théologie apophatique 7 est la théologie négative, celle cataphatique est positive. revenons à Paul evdokimov: La méthode cataphatique procède par affirmation, mais en définissant Dieu, en lui donnant des noms, elle limite et rend son propre enseignement incomplet, – C’est à dire que si on prend un livre par exemple, on arrive à décrire de quoi il s’agit par ses caractéristiques: sa taille, couleur, etc. Mais essayons de faire la même chose avec Dieu. Qui a vu Dieu? D’une certaine façon personne n’a vu Dieu. Cependant à travers notre expérience on peut avoir été touché par cette présence de Dieu, donc on parle d’une certaine façon d’une vision de Dieu, en gardant bien sûr les proportions. C’est pourquoi quand on essaie d’exprimer notre expérience on se rend compte que nos paroles sont très pauvres, on n’arrive pas à dire qui est Dieu. Si l’on se met à ajouter des attributs, des qualificatifs selon ce que l’on peut comprendre, on se rend compte que l’on commence à fabriquer une idole puisqu’en fait ça ne correspond pas à Dieu, car Il dépasse tout ce que l’on peut dire sur Lui. Ce genre de réflexion existe depuis le commencement du christianisme. Il faut donc le compléter par la méthode apophatique qui procède par des négations ou oppositons à tout ce qui est de ce monde. Donc la théologie positive n’est point dévaluée mais précisée exactement dans sa dimension propre et ses limites. – C’est extraordinaire, cette conscience des limites. La science d’aujourd’hui les découvre également car son discours ne couvre pas une réalité beaucoup plus complexe que celle que l’on peut imaginer. C’est que la théologie négative habitue à l’infranchissable distance salvatrice: « Les conceptions créent des idoles de Dieu, dit saint Grégoire de Nysse, l’étonnement seul saisit quelque chose ». – C’est à dire que l’on n’est pas devant un objet « Dieu ». En effet, pour la théorie de la connaissance il faut un objet de connaissance. Or dans la définition courante de la science, l’objet Dieu n’existe pas, puisqu’Il n’est pas reconnu de manière universelle. Même pour le théologien définir Dieu comme objet de connaissance n’est pas facile car il n’est pas un objet, il est un sujet de notre connaissance. Si Lui (ou si eux pour les trois personnes), ne s’ouvre pas à notre connaissance on ne peut pas le connaitre.

La prière liturgique, élévation vers Dieu et communion avec les autres Paul Evdokimov parle plus loin de la prière liturgique: elle nous mène vers cette union. Quand on parle de prière personnelle, cela ne veut pas dire prière individuelle, parce que quand la personne prie elle est en communion avec d’autres personnes. Plus elle prie, plus elle est en communion avec les autres. C’est très important de le comprendre. Le Père Dumitru Staniloae, le décrivait en prenant l’image d’une pyramide inversée, plus on prie, plus on s’approche de Dieu et plus on est entouré. Quand nous prions ordinairement, nous sommes seuls même au milieu de plein de gens car nous ne les aimons pas comme il le faudrait, ou nous n’arrivons pas à entretenir cette communion à travers notre amour, c’est Dieu qui nous enseigne l’Amour. On parle de la prière liturgique car on a besoin de cette prière qui concerne le peuple de Dieu dans l’Eglise. C’est elle qui nous mène vers notre « déification »: on devient Dieu selon la grâce de Dieu. En cherchant Dieu, c’est l’homme qui est trouvé par Dieu.

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Notes: 1 Saint Maxime, De ambig., P.G. 91, 1308 B. 2 Evagre, Centuries gnostiques; voir K; Rahner, « Die geistiche Lehre des Evagrius Pontikus, dans ZAM, t. 8, 1933. 3 Récité pendant le grand Carême: Matines du grand mercredi. 4 Allez, faites des gens de toutes les nations des disciples, baptisez-les pour le nom du Père, du Fils et de l’Esprit saint; et enseignez-leur à garder tout ce que je vous ai commandé. Quant à moi, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde.  » La Nouvelle Bible Segond . 5 C’est à dire de la nature humaine telle qu’elle a été corrompue par le péché. 6 Notez qu’il s’agit ici de l’action au sens de praxis, et non pas de l’action dans le sens d’activité ou de service 7 L’apophatisme est une démarche théologique par laquelle toute idée que l’on se fait de Dieu se voit démasquée dans son inadéquation à exprimer ce qui est au-delà de tout concept ou de la pensée discursive.

LA RENCONTRE AVEC LE COSMOS

19 avril, 2016

http://www.pagesorthodoxes.net/pages-choisies/contemplation-de-dieu-dans-la-creation.htm#delvasto

LA RENCONTRE AVEC LE COSMOS

par Nicolas Berdiaev

La distinction fondamentale établie entre l’esprit et la nature, comme entre des réalités et des ordres qualitativement différents, n’implique pas la négation du cosmos, la séparation de l’homme spirituel et de la vie cosmique. Le cosmos, le monde divin, la nature divine, ne se révèlent que dans l’expérience spirituelle, dans la vie spirituelle. La rencontre avec le cosmos n’a lieu qu’en esprit, et l’homme n’est pas séparé de lui, mais lui est uni. La spiritualité concrète comporte en elle la plénitude de la vie cosmique, tous les degrés hiérarchiques du cosmos. Ce n’est que dans le monde spirituel intérieur que le cosmos est donné dans sa vie intérieure, dans sa beauté. Dans le monde naturel, l’homme isolé considère le cosmos comme lui étant extérieur, impénétrable, étranger, comme un objet pouvant être soumis à l’action technique et à l’étude des sciences mathématiques et physiques ; il voit dans le cosmos son propre asservissement aux éléments inférieurs et sensibles. La contemplation de la beauté et de l’harmonie dans la nature constitue déjà une expérience spirituelle, une pénétration dans la vie intérieure du cosmos, qui se révèle dans l’esprit. L’amour envers la nature, envers les minéraux, les végétaux, les animaux est déjà une expérience spirituelle, une victoire sur la désunion et l’ » extrincésisme « . La doctrine mystique et théosophique de la nature, telle que nous la trouvons chez Paracelse, Jacob Boehme, Fr. Baader, et en partie chez Schelling, considère la nature en esprit, comme la vie intérieure de l’esprit, comme l’insertion de la nature dans l’esprit et de l’esprit dans la nature. Le cosmos est conçu comme un certain degré de l’esprit, comme la symbolique de sa vie intérieure. La naturalisation de l’esprit chez Boehme n’est que la contrepartie de l’absorption de la nature dans l’esprit. Les éléments de la nature et du cosmos sont aussi des dimensions spirituelles de l’homme, ils sont unis dans le monde spirituel. Le microcosme et le macrocosme se révèlent, dans la vie spirituelle, non pas selon la séparation et l’ » extrincésisme « , mais dans l’unité et la pénétration réciproque. La perte du paradis par l’humanité signifie la séparation d’avec le cosmos, d’avec la nature divine, la formation d’une nature extérieure, étrangère, la dissension et l’asservissement. L’obtention du paradis est le retour du cosmos vers l’homme et de l’homme vers le cosmos. Elle ne se réalise que dans une vie spirituelle réelle, dans le Royaume de Dieu. Cette expérience commence dans l’expérience de l’amour, dans la contemplation de la beauté. La nature extérieure est l’induration de l’esprit. Or, le cosmos est la vie, et non un ensemble d’objets matériels endurcis et de substances inertes. L’ » acosmisme  » de la spiritualité abstraite est totalement étranger au christianisme, qui connaît une spiritualité concrète contenant la plénitude du monde de Dieu. Le  » monde  » pris au sens évangélique, le monde pour lequel nous devons avoir de l’inimitié, ne représente pas la création divine, le cosmos, que nous devons au contraire aimer et avec lequel nous devons être unis. Le  » monde « , la  » nature  » constituent, dans ce cas, l’engourdissement par le péché, l’induration par les passions, l’asservissement aux éléments inférieurs, la déformation du monde de Dieu et non pas le cosmos lui-même.

Extrait de Nicolas Berdiaev, Esprit et liberté, Desclée de Brouwer, 1984

JEAN DE VALAAM « BÉATITUDES, LETTRES D’UN MOINE AUX ENFANTS DE CE MONDE »

4 avril, 2016

http://oodegr.co/francais/psyxotherapeftika/lettres_d_un_moine.htm

SUR LA VIE SPIRITUELLE

JEAN DE VALAAM « BÉATITUDES, LETTRES D’UN MOINE AUX ENFANTS DE CE MONDE »

Editions du « Sel de la Terre »

Lettre 7 du 14 août 1945 Christ est parmi nous ! J’ai bien reçu ta bonne lettre et je l’ai lue avec amour. Il est bon que tu aspires à la vie spirituelle, mais efforce-toi de ne pas éteindre l’Esprit. S’il vous est plus difficile, à vous qui êtes dans le monde, de développer une vie spirituelle, le Seigneur aide ceux qui font des efforts. Saint Jean Climaque s’étonne de notre étrange condition : « Comment se fait-il qu’ayant le Dieu tout puissant, les anges et les saints comme auxiliaires pour pratiquer les vertus, et le seul Malin pour nous inciter au péché, nous soyons néanmoins plus facilement portés aux passions et aux vices qu’aux vertus?  » La question est restée ouverte. Le saint n’a pas voulu nous l’expliquer. On peut cependant supposer deux choses. D’une part, notre nature corrompue par la désobéissance et le monde, avec ses séductions multiples et étourdissantes, font le jeu du diable. D’autre part, le Seigneur ne viole pas notre liberté souveraine. Nous devons tendre aux vertus jusqu’à la limite de nos forces ; toutefois, il ne dépend pas de nous de persévérer dans les vertus, mais du Seigneur- C’est en fonction de notre humilité, et non de notre ascèse, que le Seigneur nous garde dans la vertu. Saint jean Climaque dit : « Là où une chute est survenue, c’est que l’orgueil a précédé. » Cependant, à nous qui sommes faibles, le Seigneur, dans sa miséricorde, a donné le repentir, car notre nature est profondément encline au péché. Les saints Pères ont, par leur propre expérience, étudié à fond les subtilités de notre nature ; ils nous consolent en nous exposant en détail, dans leurs écrits, les moyens de lutter contre le péché. Maintenant que tu as le combat invisible , consulte-le plus souvent. Quant à ta règle de prière, à toi de juger; simplement, que la prière ne soit pas dite en l’air, juste pour accomplir une règle. Efforce-toi de prier avec attention ! N’est-il pas préférable d’écourter la règle plutôt que de l’accomplir avec agitation et d’en être esclave ? Ce n’est pas ma pensée, mais celle de saint Isaac le Syrien. C’est aussi mentionné dans le Combat invisible, mais je ne me rappelle plus dans quel chapitre. Ton indigne compagnon de prière.

Lettre 10 du 10 juillet 1946 Christ est parmi nous ! Je te souhaite de mener une vie spirituelle et d’essayer, par amour de Dieu et pour le salut de ton âme, d’exprimer tout ce que tu as sur la conscience. « Prenez garde de ne pas tomber », dit l’Apôtre (1 Co 10,12). Sans la grâce de Dieu, toutes nos précautions s’émiettent car, comme je te l’ai déjà dit, il n’est pas en notre pouvoir de persévérer dans les vertus. Nous devons tendre aux vertus et nous faire violence, en cela consiste notre liberté. Tu as maintenant des notions sur la vie intérieure ainsi qu’une certaine expérience. Selon les forces et le temps dont tu disposes, contrains-toi à prier plus souvent intérieurement. Exerce-toi aussi au souvenir de la mort et prie Dieu de t’accorder cette grâce. Vois notre vie passagère : inconstante, changeante et très éphémère ; elle pousse à la distraction ceux qui ne sont pas attentifs. Pour acquérir la paix intérieure, il n’est qu’un moyen: la prière continuelle. L’ennui et la tristesse passeront ; prends patience et ne te décourage pas ! Que le Seigneur t’aide et te garde ! Il n’est pas bon de croire les paroles de ceux qui sont étrangers à notre façon de penser. Les gens sont ce qu’ils sont : ils font parfois d’un rien une montagne et ne voient que les faiblesses. Ils ne peuvent pas connaître les larmes secrètes versées en cellule ni pénétrer la vie intérieure d’un moine solitaire. Les degrés d’avancement spirituel sont variés, et seul le spirituel peut comprendre le spirituel. Rien n’est plus profitable que de considérer tous les autres comme bons et soi-même comme pire que tous. Ainsi que je te l’ai déjà dit personnellement, ne fais attention qu’à toi-même, et tu te verras alors pire que tous. Je me souviens toujours de vous dans mes indignes prières. Que la miséricorde de Dieu soit avec vous, selon votre foi !

Lettre 13 du 6 décembre 1946 J’aimerais bien répondre de vive voix à tes questions, car on ne peut pas tout dire par écrit. Il doit bien en être ainsi : si nous faisons attention à nous mêmes, les autres nous paraissent bons ; l’œil sain, en effet, regarde tous les hommes avec droiture, tandis que l’œil torve regarde tous les hommes de travers. Tu as donc maintenant le livre de saint Cassien ; lis-le de temps à autre ; bien qu’il soit écrit pour les moines, il s’adresse aussi aux Iaïcs. Des extraits bien choisis de ce livre figurent dans le tome Il de la Philocalie. Puisque tu aimes les « Vies des saints », lis-les ! Nous les lisons ici chaque jour au réfectoire et j’ai remarqué que certains en ont les larmes aux yeux. Tu as donc constaté toi-même que les visites et les conversations te laissent dans la tristesse ; aussi, dans la mesure du possible, évite-les sans hésiter. Même si cela fait quelques mécontents, cela n’a pas d’importance. Ne t’en préoccupe pas ! Tu as peur de l’obscurité ? Moi aussi. Cela nous montre combien nous sommes faibles et avons peu de foi dans la Providence divine. Lorsque je suis revenu à pied de chez les moniales, il m’a fallu traverser la forêt sur une distance de cinq kilomètres; à un endroit, une telle frayeur m’a saisi que j’en ai eu la chair de poule et que mes oreilles se sont mises à bouger: j’avais l’impression que quelqu’un me suivait. Je me suis retourné, j’ai fait le signe de croix et j’ai poursuivi mon chemin. L’Ecriture sainte dit : « La peur n’est rien d’autre qu’absence de réflexion » (Sg 17,12). Quant à ton trouble, les saints Pères ont dit : « Ce qui s’effectue avec trouble vient toujours des démons. » Prosterne-toi devant la croix et l’icône de la Mère de Dieu, cela suffit. Sois en paix ! Lis dans saint Barsanuphe la question 430 ainsi que la réponse et fais de même avec la question 433 ; tu pourras alors clarifier toi-même un peu les choses. Ne te trouble pas lorsque tu ne peux accomplir toute ta règle de prière et ne sois pas esclave d’une règle ! Garde la prière du publicain – « O Dieu, sois miséricordieux envers moi, pécheur ! » – et garde le souvenir de Dieu. Cela remplace toutes les règles. Lis ce qui est écrit à la page 136 du livre de saint Isaac, ainsi que le chapitre 20 de la deuxième partie du Combat invisible. Si des larmes apparaissent, arrête-toi jusqu’à ce qu’elles tarissent. Les larmes sont toujours utiles, mais ne t’en inquiète pas. Sache aussi que prier sans attention n’amènera jamais les larmes. Quand tu te couches, que la pensée de Dieu, tes souvenirs de l’Ecriture, surtout de l’Evangile, occupent ton esprit. Laisse les larmes venir librement. En confession, il ne faut pas essayer d’avoir des larmes; dis ce que tu as sur la conscience et rien de plus. Il est évident que X. traverse une période difficile ; aussi, il faut prier pour elle et ne pas t’irriter contre elle. Tu fais bien de ne pas lui accorder trop attention et de ne pas intervenir. Que le Seigneur vous accorde la sagesse et la réconciliation.

 

OLIVIER CLÉMENT, PHILOSOPHE DE LA LUMIÈRE

31 mars, 2016

http://www.pagesorthodoxes.net/theologiens/clement/olivier-clement-intro.htm

OLIVIER CLÉMENT, PHILOSOPHE DE LA LUMIÈRE

par Rafaël Mathieu

Ce portrait d’Olivier Clément est extrait d’un recueil d’une trentaine de textes réunis par Rafaël Mathieu sous le titre Les identités remarquables, qui vient de paraître aux éditions du Moulin de l’Étoile (1). On le sait : l’art du portrait est tout entier dans l’alchimie d’une rencontre, qui suppose, de la part du chroniqueur, autant d’humilité que de psychologie et d’intelligence des situations — outre une parfaite connaissance de l’œuvre de la personnalité qui lui ouvre sa porte. Journaliste aux talents multiples, Rafaël Mathieu se fait ici tour à tour peintre, écrivain, romancier, photographe, architecte, hermétiste ou métaphysicien pour mieux nous donner à découvrir et comprendre l’itinéraire et l’œuvre d’une trentaine d’artistes, au sens premier du terme. Tous sont très éloignés des circuits balisés d’une certaine notoriété frelatée, mais tous, ou presque, sont auteurs d’une œuvre forte et originale, faite « de main d’ouvrier » — et, chacun dans son domaine, une voix libre parmi lesquels plusieurs sont de proches collaborateurs de Symbole, de Frédérick Tristan à Gérard de Sorval et de Jean Biès à Michel Random… (Jean-Marie Beaume)
« J’aime écouter les autres parler d’eux. Je n’aime pas parler de moi », écrivait Olivier Clément il y a trente ans dans l’un de ses maîtres livres, L’Autre soleil. Alors que paraissent ses Mémoires d’espérance, l’homme n’a pas tellement changé. Il a vieilli, bien sûr, les jambes ne le portent plus guère, mais l’esprit a conservé sa fraîcheur. Tellement moins préoccupé par ses propres rides « que de celles qui marquent le visage du christianisme ». Le visage, le christianisme, ces deux mots résument d’ailleurs, pour ses lecteurs, l’oeuvre de ce personnage à part dont la seule autobiographie possible semble être spirituelle. Sa vie est pourtant exemplaire. De tous les penseurs chrétiens de son temps, Olivier Clément est l’un des rares à avoir vécu le christianisme comme une nouveauté. À avoir éprouvé aussi toutes les angoisses et les contradictions du siècle, à être passé par « le grand creuset du doute ». Pour paraphraser Chesterton, l’immense avantage d’Olivier Clément sur les autres théologiens, c’est que lui a un jour été athée…

Un christianisme « libérateur »
Il est né en 1921 en pays combiste, le Languedoc, « dans une famille qui ne parlait jamais de Dieu ». Son enfance telle qu’il l’a évoquée dans L’autre soleil est celle d’un « païen méditerranéen », bercé par une culture oublieuse de ses racines chrétiennes mais vivace. « Les êtres dit-il, étaient portés, ils vivaient, sans le savoir, sur une ancienne et savoureuse cuisson des choses de la terre au feu de l’Évangile. »
Même le socialisme de son grand-père, « n’était pas une haine de classe, mais une exigence morale. Il ignorait le ressentiment. Mon grand-père était socialiste à l’intérieur d’une civilisation. » Par certains côtés, son parcours fait écho à celui des chrétiens convertis des premiers siècles : la Méditerranée, une culture laïque ou plutôt publique, des hommes enracinés dans leur terre, et puis ici et là, la marque du christianisme, autrefois naissant, désormais disparaissant, malgré les églises romanes de Saint-Guilhem-le-Désert ou de Maguelone. Lui revient un lointain souvenir, une immense croix vert-de-grisée. Sur la croix, un homme mort. Au-dessus de sa tête, une inscription : I.N.R.I. « Je pensais que c’était le nom de l’homme. » Pourtant c’est aussi ce monde qui l’éveille au premier stade de sa vie spirituelle, la découverte de la beauté : « Comme j’ai pu haïr la trop verte Île-de-France, où tout est végétal, mouillé, même la roche, même le ciel – une chair opaque, omnipotente. Tandis qu’en pays méditerranéen, dès qu’on accède aux plateaux solitaires, c’est le feu qui se cristallise. La chair elle-même est céleste. »
Pour passer de cette lumière de l’enfance, à celle, incréée, des Pères de l’Église, il devra pourtant encore se libérer des « maîtres du soupçon » (Marx, Nietzsche, Freud), vaincre son nihilisme, surmonter la tentation du suicide. Si certains doutent encore qu’un livre peut changer une vie, il faut l’entendre parler de sa découverte, pendant la guerre, d’Esprit et Liberté du philosophe russe Nicolas Berdiaev. Le jeune homme s’apprêtait à rejoindre la Résistance. Le germe de sa re-naissance était planté même si toutes les digues de son éducation « laïciste » n’étaient pas encore rompues à commencer par cette « répugnance instinctive et qui s’enracinait dans (s)on enfance ».
« Le catholicisme, on me l’avait présenté comme une énorme et sournoise puissance terrestre, répressive, castratrice. La lecture de Nicolas Berdiaev a été pour moi déterminante car elle m’a permis d’entrevoir un christianisme non pas moralisateur – tel que mes parents et tant d’autres l’imaginaient –, mais profondément libérateur ». Ce n’est donc pas vers le catholicisme qu’il se tournera, ni vers le protestantisme de ses ancêtres cévenols, mais vers cette église orthodoxe et ses grands penseurs (Berdiaev, Lossky, Boulgakov…) exilés par la révolution d’Octobre, dont il est devenu – ironie du destin – l’un des principaux continuateurs.

Une relation charnelle avec le divin
Olivier Clément reçoit le baptême à trente ans (« désormais la lumière était en dedans »); l’agrégé d’histoire – il enseignera longtemps au lycée Louis-le-Grand – se révèle un philosophe religieux de premier plan, affranchi des scléroses et des tabous du christianisme occidental. Le sien passe par le mystère des visages, une relation presque charnelle avec le divin comme dans ses traditions de l’Inde au sein desquelles il dit s’être un temps « dilaté ». Car Olivier Clément n’a rien du penseur en chambre, rien d’éthéré. Chez lui la révélation chrétienne est d’abord une révélation de l’humain, l’avènement de la personne, « un accomplissement de l’humain dans le divin ». Il n’est pas sûr d’ailleurs qu’au sein même du monde orthodoxe, ses audaces aient toujours été jugées très canoniques à commencer par son rejet du confessionnalisme… Peu importe d’ailleurs, c’est à travers lui que toute une tradition théologique négligée a été diffusée en France. De même que la découverte de ses livres et d’un christianisme débarrassé des scories de l’histoire ou des pesanteurs sociologiques a été pour beaucoup une décisive révélation. Mais Olivier Clément est plus qu’un passeur. Son œuvre est une invitation à revenir à la source, souvent ignorée des chrétiens eux-mêmes, du message évangélique. Dans une perspective de sursaut créateur.
Ses contemporains se tournent-ils vers les philosophies orientales, qu’il y puise une nouvelle espérance : « On peut imaginer un christianisme renouvelé par cette connaissance des Orients, comme les Pères de l’Église ont été irrigués par la pensée antique… » Dans les dernières pages des Mémoires d’espérance il évoque Plotin. « Âgé, malade, il parlait de la beauté d’une telle manière que les disciples affluaient. »
Olivier Clément n’est peut-être pas Plotin mais de la beauté, ce vieil homme irradié du dedans en parle comme personne. Témoin ce jour en Grèce, où, dit-il, « baigné par une lumière encore plus intense que celle de mon enfance, je suis entré dans la fraîcheur d’une église : la coupole reprenait la ronde bénédiction du ciel, mais un visage s’y inscrivait. Entrer dans cette église avait résumé mon chemin : de l’azur vide à l’azur plein, de l’azur fermé sur sa propre beauté, mais au-delà tout est ténèbres, à l’azur rayonnant autour du Visage des visages. De la lumière à l’autre Lumière. »

IN HIS IMAGE AND LIKENESS: THE BEAUTIFUL, LOVELY, AND NOSTALGIC THEOLOGY OF PAUL EVDOKIMOV

29 février, 2016

https://ndtheo60423.wordpress.com/2015/02/06/in-his-image-and-likeness-the-beautiful-lovely-and-nostalgic-theology-of-paul-evdokimov/

IN HIS IMAGE AND LIKENESS: THE BEAUTIFUL, LOVELY, AND NOSTALGIC THEOLOGY OF PAUL EVDOKIMOV

“Brothers, have no fear of men’s sin. Love a man even in his sin, for that is the semblance of Divine Love and is the highest love on earth. Love all God’s creation, the whole of it and every grain of sand in it. Love every leaf, every ray of God’s light. Love the animals, love the plants, love everything. If you love everything, you will perceive the divine mystery in things. Once you have perceived it, you will begin to comprehend it better every day, and you will come at last to love the world with an all-embracing love.” Father Zossima, in The Brothers Karamazov, Book VI, Chapter 3

“[My] creed is extremely simple; here it is: I believe that there is nothing lovelier, deeper, more sympathetic, more rational, more manly, and more perfect than the Saviour; I say to myself with jealous love that not only is there no one else like Him, but that there could be no one. I would even say more: If anyone could prove to me that Christ is outside the truth, and if the truth really did exclude Christ, I should prefer to stay with Christ and not with truth.” Fyodor Mikhailovich Dostoevsky (1821-1881)

Reading the theological reflections of Paul Evdokimov is, as one observed, like walking into a secret garden – a place bursting with beautiful flowers, of various colors and scents. As one takes a closer look, all sorts of surprisingly delightful shades and aroma and attractiveness unfold so that one is compelled to examine more and more flowers and eventually contemplate Beauty itself.  Every plant and flower in this captivating garden flourishes because of the rich soil of the traditional teachings of the Church. A key to understanding the aesthetic theology of Evdokimov is to consider his view of God’s passionate love for humanity.  Quoting his brilliant compatriot Dostoevsky often along the way, the equally brilliant lay theologian Paul Evdokimov writes about God’s foolhardy (unconditional) love for humanity and the harmonious order of the created universe envisioned as God’s gift for mankind from all ages. Evdokimov talks about man’s tragic fall, which “had cosmic repercussions in that it perverted not only the initial relationship with God and man but also the relationship between man and the cosmos.” (1657). But in the same breath, Evdokimov writes about Jesus Christ as God’s greatest manifestation of his eternal love for humanity; Christ as “the Divine-human [theandric] archetype”, Christ as “the Wisdom of God” whose vocation is the “reuniting of all things, whether in the heavens or on the earth” in his deified humanity. (800). Thus, fallen man (created in the image and likeness of God and now lovingly embraced by Christ) falls again into the beautiful mystery of “the fiery explosion of the divine plenitude in the deified human plenitude.” (1107). This passionate union of fallen (but deified) man with the infinitely loving God through the salvific sacrifice of Christ accomplishes God’s plan from all ages.   No wonder Dostoevsky exclaimed with all confidence: “…there is nothing lovelier…more sympathetic…more perfect than the Savior…if the truth really did exclude Christ, I should prefer to stay with Christ and not with truth.” Even as man was banished from the gates of Paradise, God implanted a lingering “nostalgia” deep in man’s heart and soul so that fallen humanity would yearn and seek the truth, the goodness, the beauty of God.  Such nostalgia is fulfilled by penetrating and contemplating the mystery of creation. In reaching out towards the goodness and beauty of God’s created world, man finds his true identity, which is linked to God’s greatest art: the theandric, divino-human archetype Christ, whose vocation is to gather humanity and the created order unto himself and into the light and splendor of the Holy Trinity. To Evdokimov, this is a “mystery hidden in God from before the beginning of the ages.”(800) In observing the present order of things, Evdokimov decries the fact that “the initial unity between Truth, Goodness, and Beauty has fallen apart. The principles which govern knowledge, ethics and aesthetics are no longer integrated in religious principles. Each area of human activity has become autonomous [and ambiguous]…” (708). He recalls how Dostoevsky, challenged by such “ontological schism,” discovered “a vein of gold” and arrived at a “brilliant psychosynthesis…a mature analysis of man and his destiny.”  (707) If the nostalgia for the source and origin of truth and goodness and beauty disappeared, if humanity were deprived of a sense of “the infinitely great… [men and women] would die of despair.” (707) Evdokimov echoes Dostoevsky’s point: “A sense of infinity and measurelessness is as necessary for man as the little planet he lives on.”(707) This fear that “man would lose even his outer form if he lost his faith in the possibility of being integrated into the Divine” (1379) led Dostoevsky to “the acquisition of the Holy Spirit in existence…to a ‘life filled with the fire of the Spirit.’”(707)  As Evdokimov points out: “It is in holiness, in the Spirit, that man finds again the immediate intuition of true Beauty.” Furthermore, he writes, “Beauty will save the world…It is the healing power which flows from Christ, the ‘Great Healer.’ (736) Christ unites us and the world to divine Beauty. Dostoevsky’s, Evdokimov’s and our “search for Beauty coincides with the search for the Absolute and the Infinite.” (717)

What part does liturgy play in this salvific quest for beauty? In praising, adoring, and glorifying God, liturgy embodies everything important that we do in creation. It is the microcosm of our existence. In one shining glorious moment, we, as members of the Mystical Body of Christ, gather in thanksgiving to acknowledge God as our Creator and to love one another.  In liturgy, we perceive the created universe in the light of God’s splendor; we are drawn into a deeper contemplation and encompassing union with God’s beauty, goodness, and truth. In Evdokimov’s eloquent prose: “This action of ‘punching holes’ in the closed world by powerful explosions from the Beyond belongs properly to the sacramental mysteries and sacramental which teach us that everything is destined for a liturgical fulfillment. The blessing of the fruits of the earth…extends over every kind of ‘food’…The final destiny of water is to participate in the mystery of the Epiphany; of wood, to become a cross; of the earth, to receive the body of the Lord during his rest on the Great Sabbath; of rock, to become the ‘sealed Tomb’ and the stone rolled away from in front of the myrrh-bearing women. Olive oil and water attain their fullness as conductor elements for grace on regenerated man. Wheat and wine achieve their ultimate raison d’etre in the Eucharistic chalice. Everything is referred to the Incarnation and everything finds its final goal and destiny in the Lord. The liturgy integrates the most elementary actions of life: drinking, eating, washing, speaking, acting, communing. It restores to them their meaning and true destiny, that is to be blocks in the cosmic temple of God’s glory.”

Evdomikov Paul Evdokimov (1901-1970) was born in St. Petersburg, Russia. His family fled following the Bolshevik Revolution and joined the émigré community in Paris circa 1923.  The young Evdokimov supported himself with “proletarian jobs” such as chef’s assistant and a Citroen factory and railway car worker. He earned his undergraduate degree in philosophy at the Sorbonne and studied theology at the Institut-Saint Serge, under Nikolai Berdyaev and Fr. Sergius Bulgakov (1871-1944), a brilliant and controversial Orthodox theologian, philosopher and economist. He married Natasha Brunel in 1927 and remarried in 1954 after Natasha died of cancer. He is the father of theologian Fr. Michel Evdokimov. Paul Evdokimov completed his doctorate in philosophy at Aix-en-Provence in 1942 with a thesis on “Dostoyevsky and the Problem of Evil.” He taught at the Catholic Graduate Theological Faculty in Paris and served as an official observer at the second session of Vatican II.

COMMENT FAIRE NAÎTRE L’ESPRIT DE PRIÈRE ? PAR LE SAINT ÉVÊQUE THÉOPHANE LE RECLUS

16 février, 2016

http://www.pagesorthodoxes.net/priere/priere-theophane.htm

COMMENT FAIRE NAÎTRE L’ESPRIT DE PRIÈRE ? PAR LE SAINT ÉVÊQUE THÉOPHANE LE RECLUS

Dans la vie chrétienne, la prière tient la première place. La prière, c’est le souffle de l’esprit. Là où est la prière, l’esprit vit ; s’il n’y a pas de prière, l’esprit est sans vie. Se tenir devant une icône et se prosterner, n’est pas la prière, ce n’en est qu’un attribut. Dire des prières, de mémoire, ou les lisant, ou les écoutant – n’est pas encore prier, c’est seulement un moyen de découverte et d’éveil. La prière elle-même consiste en l’apparition dans notre cœur d’une succession de sentiments pieux, dirigés l’un après l’autre vers Dieu : sentiments de notre propre indignité, de dévotion, de reconnaissance, de glorification, de supplique, de contrition, de prosternation ardente, et autres. Tout notre souci doit être là : emplir notre âme de tous ces sentiments et de ceux qui leur sont identiques, afin que le cœur ne reste pas vide. Lorsque tous ces sentiments ou l’un d’entre eux s’y trouvent, et s’élancent vers Dieu, notre oraison est alors prière, sinon elle ne l’est pas encore. La prière, ou élan du cœur vers Dieu, doit être stimulée et affermie ou, ce qui revient au même, il faut éduquer en nous-mêmes l’esprit de prière. Le premier procédé pour cela est la lecture ou l’écoute de nos prières. Lis, ou écoute avec attention, et en toute certitude, tu éveilleras et conforteras la montée de la prière de ton cœur vers Dieu, c’est-à-dire que tu en pénétreras l’esprit. Dans les prières des Pères saints, une force puissante est en mouvement, et celui qui s’y introduira en déployant toute son attention et sa persévérance la goûtera sans doute aucun, par la loi de l’interaction, dans la mesure où il aura approché du contenu de cette prière son propre état d’esprit. Pour que nos prières soient un réel moyen d’éduquer cette disposition, il est indispensable de les accomplir de telle sorte que la pensée et le cœur en accueillent le contenu. Voici, dans ce but, trois procédés des plus simples : ne commence pas tes prières sans t’y être d’abord préparé comme il se doit ; ne prie pas n’importe comment, mais avec attention et sentiment ; et à la fin, ne reprends pas immédiatement tes occupations.

Préparation à la prière Lorsque tu te disposes à prier, quel que soit le moment choisi, reste d’abord un peu tranquille, assieds-toi ou fais quelques pas et efforce-toi alors de libérer ta pensée de toute préoccupation ou objet d’ici-bas. Puis, réfléchis : Quel est celui à qui tu vas t’adresser dans ta prière, et qui tu es, toi qui dois maintenant la lui adresser ; et éveille en ton âme le sentiment approprié, celui d’abnégation et de crainte pieuse en la présence de Dieu au dedans du cœur. Voilà en quoi consiste cette préparation minime, mais d’importante signification : se maintenir avec piété devant Dieu dans le cœur. C’est là le début de la prière, et un bon début, c’est déjà la moitié de l’entreprise accomplie. Observance de la prière – Les prières lues T’étant ainsi préparé intérieurement, place-toi devant l’icône, signe-toi, fais une prosternation, et commence tes prières habituelles. Lis sans hâte, pénètre chaque mot, amène jusqu’au cœur le sens de chaque parole, et accompagne tout cela de prosternations, en te signant. Cette lecture fructueuse de la prière est agréable à Dieu. Approfondis chaque parole et introduis sa pensée jusqu’au cœur, autrement dit : comprends ce que tu lis, et ressens-le. Tu lis : « Purifie-moi de toute souillure » (Ps 50), ressens le mal qui est en toi, désire la pureté, et dans une totale espérance, demande-la au Seigneur. Tu lis : « Que ta volonté soit faite », et dans ton cœur remets complètement ton destin au Seigneur, étant totalement prêt à accueillir de bon gré tout ce qu’il t’enverra. Tu lis : « Remets-nous nos dettes, comme nous les remettons à nos débiteurs », et en ton âme, pardonne tout à tous, et demande alors son pardon au Seigneur pour toi. Si tu agis ainsi pour chaque verset de ta prière, tu auras trouvé l’oraison appropriée. Et pour l’accomplir au mieux précisément de cette façon, voici ce qu’il faut faire :

1) Aie une certaine règle de prières, pas trop longue, afin de pouvoir l’accomplir sans hâte, malgré tes occupations habituelles. 2) Dans tes temps libres, lis attentivement les prières de ta règle, pour en comprendre chaque mot et le ressentir, afin de connaître d’avance ce que tu dois produire en ton âme et en ton cœur à telle ou telle parole, afin que cela te soit facile de le réaliser et de l’éprouver au moment de l’oraison. 3) Si, au moment de la prière, ta pensée s’envole vers d’autres objets, efforce-toi de rester attentif, et ramène-la sur l’objectif de la prière ; elle s’enfuit à nouveau, ramène-la à nouveau : répète la lecture, tant que tu n’en auras pas compris et ressenti chaque mot. C’est ainsi que tu déshabitueras ta pensée de la dispersion lorsque tu pries. 4) Si une parole de la prière exerce un effet puissant sur ton âme : arrête-toi dessus et ne lis pas plus loin ; reste sur ce passage, dans l’attention et le sentiment, nourris-en ton âme, ou les pensées qu’elle produira, et ne détruis pas cet état, tant qu’il ne disparaîtra pas de lui-même : c’est le signe que l’esprit de prière commence à faire son nid en toi, et cet état est le moyen le plus sûr d’éduquer et d’affermir cet esprit.

Après la prière Lorsque tu auras terminé ton oraison, ne passe pas aussitôt à quelque autre occupation, mais à nouveau, reste tranquille un moment et réfléchis à ce que tu viens d’accomplir et à ce à quoi cela t’engage, sauvegardant tout particulièrement, après la prière, ce qui a eu sur toi un effet marquant. La nature même de la prière est telle que si tu as bien prié, comme il se doit, tu n’auras pas rapidement envie de te soucier des affaires : celui qui aura goûté au miel ne voudra pas du fiel ; goûter à cette douceur de la prière est le but même de l’oraison et, en goûtant à cette douceur dans l’oraison, l’esprit de prière s’éduque. Si tu te tiens à ces quelques principes, tu verras rapidement le fruit de tes efforts. Toute oraison laisse dans l’âme une trace de la prière ; sa poursuite fidèle avec la même méthode l’enracinera, et la persévérance dans l’effort y greffera alors l’esprit de prière. Voilà le début, le premier moyen d’éduquer en nous cet esprit de prière ! Il est conforme à sa destination, l’accomplissement de nos prières. Mais ce n’est pas encore tout, ceci n’est que le début de la science de la prière. Il faut aller plus loin.

Aller plus loin : La prière personnelle Nous étant habitués par l’esprit et le cœur à nous adresser à Dieu avec une aide extérieure, les livres de prières, il est ensuite indispensable de s’essayer à sa propre montée vers Dieu, d’arriver à ce que l’âme elle-même, par un discours pour ainsi dire personnel, entre dans un entretien de prières avec Dieu, se transporte elle-même vers lui, s’ouvre à lui, lui confesse son état, et ce qu’elle désire. Et il faut le lui apprendre. Comment réussir dans cette science ? Certes l’habitude de prier, avec piété, attention et sensibilité, à l’aide du livre de prières, y amène, car la prière personnelle, emplie de sentiments saints par le livre de prières, commencera à s’arracher d’elle-même du cœur, pour aller vers Dieu. Cependant, il existe aussi pour cela des méthodes particulières qui amènent à la réussite nécessaire de la prière. Première méthode : l’enseignement qui conduit l’âme à s’adresser fréquemment à Dieu est la « pensée en Dieu », ou réflexion pieuse sur les propriétés et actions divines – bienveillance, justice, sagesse, omnipotence, omniprésence, omniscience – sur la création et la providence, le salut en Jésus Christ, sur la grâce et la parole de Dieu, les saints mystères, le royaume céleste. Quel que soit celui de ces sujets sur lequel tu commenceras à méditer, il emplira sans faute l’âme d’un sentiment de piété envers Dieu : il propulse tout droit vers Dieu l’être entier, c’est pourquoi c’est le moyen le plus direct pour habituer l’âme à s’élancer vers Dieu. Lorsque tu auras terminé tes prières, surtout le matin, assieds-toi, et commence la méditation : aujourd’hui sur l’une, demain sur l’autre des propriétés et actions de Dieu, et amène ton âme à la prédisposition correspondante. Dis, avec saint Dimitri de Rostov : « Viens, sainte pensée en Dieu, et plongeons-nous dans la méditation sur les grandes œuvres de Dieu ». Permets ainsi à ton cœur de s’émouvoir et tu commenceras à épancher ton âme dans la prière. Ce n’est pas un gros effort, mais il donne beaucoup de fruits. Il y faut seulement le désir et le zèle. Commence, par exemple, à réfléchir sur la bienveillance divine et tu te verras entouré des effets corporels et spirituels de la miséricorde divine, et, plein de reconnaissance, tu te prosterneras devant Dieu ; médite sur son omniprésence et tu découvriras que tu es partout devant lui et qu’il est devant toi, et il te sera impossible de ne pas ressentir une crainte pieuse ; médite sur la vérité de Dieu, tu seras alors convaincu qu’aucune mauvaise action ne restera impunie, et tu te disposeras, à coup sûr, à te purifier de tes péchés devant Dieu d’un cœur contrit, dans le repentir ; réfléchis à l’omniscience divine : tu reconnaîtras que rien de ce qui est en toi n’échappe à l’œil de Dieu, et tu décideras sûrement d’être sévère envers toi-même et attentif en tout, afin de ne pas irriter Dieu, qui voit tout. La deuxième méthode pour éduquer l’âme à fréquemment invoquer Dieu est de dédier toute entreprise, grande ou petite, à sa gloire ; car si nous prenons pour règle, selon l’Apôtre (1 Co 10, 31), de tout faire, même manger et boire, à la gloire de Dieu, alors il est certain que chaque fois, non seulement nous nous souviendrons de Dieu, mais nous ferons attention, en toute circonstance, de ne pas agir mal et de ne pas irriter Dieu par quelque action. Cela nous obligera à nous adresser à lui avec crainte et à Le prier de nous aider et de nous éclairer. Et comme nous sommes presque sans arrêt en activité, nous adresserons presque sans arrêt des prières à Dieu, et nous nous exercerons donc presque sans arrêt à l’élévation priante de notre âme vers Dieu. Ainsi nous apprendrons à notre âme à s’adresser le plus souvent possible à lui au cours d’une journée. La troisième méthode d’éducation de notre âme est de l’habituer à faire appel à Dieu à partir du cœur, par des paroles courtes, selon les besoins de l’âme et les occupations. Tu commences quelque chose, dis : « Bénis, Seigneur ! » Tu as terminé, dis, non seulement par la langue, mais avec le cœur : « Gloire à toi, Seigneur ! » Une mauvaise passion apparaît, dis : « Sauve-moi, Seigneur, je péris ! » Une foule de pensées mauvaises t’envahit, appelle : « Tire mon âme de sa prison ! » Un mensonge apparaît dans une affaire et le péché t’y attire, prie : « Guide-moi, Seigneur, sur la route » ; ou : « Ne laisse pas mon pied chanceler ». Les péchés te pèsent et t’amènent au désespoir, appelle par la voix du publicain : « Seigneur, aie pitié de moi ! » Et ainsi en toute circonstance. Ou bien, dis plus souvent : « Seigneur, aie pitié ! Mère de Dieu Souveraine, sauve-moi ! Ange, mon saint gardien, défends-moi ! » ; ou appelle par quelque autre parole. Seulement, autant que possible, appelle plus souvent, t’efforçant surtout à ce que ces appels viennent du cœur, comme s’ils jaillissaient hors de lui. Faisant ainsi, nous aurons de fréquentes élévations spirituelles du cœur vers Dieu, des appels fréquents à lui, et une prière fréquente, et cette fréquence nous inculquera l’habitude de l’entretien spirituel avec Dieu. Ainsi donc, outre la règle de prières, l’apprentissage de l’élévation de l’âme vers Dieu par la prière comporte aussi les trois pratiques nous amenant à l’esprit de prière : laisser du temps le matin à la méditation de Dieu ; œuvrer en tout pour la Gloire de Dieu ; et s’adresser à Dieu souvent, par des appels courts. Lorsque la méditation de Dieu matinale aura été bonne, elle préservera une disposition profonde de l’esprit à penser à Dieu. Cette pensée en Dieu obligera l’âme à accomplir tout acte, intérieur ou extérieur, avec prudence et pour la gloire de Dieu. Et l’une et l’autre la mettront dans une situation qui lui fera faire souvent de courts appels à Dieu. Ces trois choses – méditation de Dieu, toute œuvre pour la gloire de Dieu et invocations fréquentes – sont les armes les plus efficaces pour la prière spirituelle du cœur. Chacune d’elles élève l’âme vers Dieu. S’étant arrachée de la terre, celle-ci entrera dans son domaine et vivra avec délice dans les hauteurs ; ici, par le cœur et la pensée ; et, là-haut, elle se sera essentiellement rendue digne de se tenir devant la Face de Dieu.

Théophane le Reclus, Lettre 227. Traduit du russe par N.M. Tikhomirova.

LA SAINTE RENCONTRE OU PRÉSENTATION DU CHRIST AU TEMPLE

1 février, 2016

http://www.spiritualite-orthodoxe.net/sainte_rencontre_orthodoxie.html

LA SAINTE RENCONTRE OU PRÉSENTATION DU CHRIST AU TEMPLE

Tropaire de la fête: Ton 1: Réjouis-toi, Pleine de grâce, Mère de Dieu et Vierge! De toi a resplendi le Soleil de justice, Christ notre Dieu, illuminant ceux qui sont dans les ténèbres. Et toi, juste vieillard Siméon sois dans la joie! Car tu as reçu dans tes bras le Libérateur de nos âmes, Celui qui nous donne la Résurrection

Sainte Rencontre Sainte Rencontre -Collection Ourmedia On nomme aussi la fête « la sainte rencontre » ou « hypapanthe » du grec «aller au-devant». La fête est appelée également la chandeleur car elle se fêtait à la lumière des chandelles pour exprimer le témoignage de Siméon sur Jésus-Christ: « lumière pour la révélation aux nations ». On la nomme aussi la fête de la Purification parce que, quarante jours après la naissance du Seigneur, la Vierge vint au Temple se purifier, selon la loi de Moïse. Jésus fut présenté au Temple par Marie et Joseph, il rencontra le vieillard Siméon et la prophétesse Anne qui se trouvaient alors dans le Temple. La Sainte Rencontre est celle de Dieu et de son peuple, elle préfigure la rencontre liturgique. « Chaque âme devrait être un Temple de Dieu, où Marie apporte Jésus. Et chacun de nous, comme Siméon, devrait prendre l’enfant dans ses bras et dire au Père: «Mes yeux ont vu ton salut». La prière de Siméon, «laisse ton serviteur s’en aller en paix», ne signifie pas seulement que celui qui a vu Jésus et l’a tenu dans ses bras peut maintenant quitter cette vie, mourir en paix. Elle signifie encore pour nous que, ayant vu et touché le Sauveur, nous sommes délivrés de la servitude du péché et nous pou­vons nous éloigner en paix du royaume du mal. » Extrait de : L’An de grâce du Seigneur, Père Lev Gillet, Editions du Cerf.

La présentation de Jésus au Temple Homélie par S.B. Patriarche Daniel Trois grandes vérités L’Église a fait correspondre le texte de l’Évangile Luc 2:21-36 à la fête nommés la Présentation du Seigneur Jésus-Christ au Temple. Ce texte évangélique nous expose trois grandes vérités: Tout d’abord que les gens ont attendu avec foi pendant des siècles l’arrivée du Messie, dans l’espérance et avec beaucoup de patience. Deuxièmement, l’Évangile nous explique que le juste Siméon a prédit que l’Enfant en bas âge Jésus qui était amené au Temple était « pour la chute et le relèvement de beaucoup en Israël, et comme un signe qui provoquera la contradiction « . Et il dit à la Mère de Dieu que « une épée te transpercera – de sorte que soient révélés les raisonnements de beaucoup « . Le juste Siméon prophétise donc sur le Mystère de la Croix du Christ et de Sa Passion, mais aussi sur Sa mère, la Vierge Marie, qui verra son Fils crucifié et tué. Troisièmement, l’Évangile nous montre que nous préparons notre rencontre avec Dieu par le jeûne et la prière. Ceci est l’enseignement que Sainte Anne la prophétesse exprime le mieux. Elle représente les gens Justes qui sont proches de l’Église, qui nuit et jour jeûnent et prient.

Comment l’Esprit saint inspire les justes L’Évangile est très utile spirituellement pour ceux désirant comprendre comment l’Esprit Saint, qui a inspiré le juste Siméon et la prophétesse Anne à attendre pendant des dizaines d’années l’arrivée du Messie, peut aussi agir dans l’âme des fidèles qui patientent pour que s’accomplisse la promesse de salut, de l’union de l’homme avec Dieu. Ainsi, le juste Siméon est nommé « le Destinataire de Dieu « dans le calendrier de notre Église. Il nous montre comment nous pouvons être les destinataires de Dieu aussi. Nous voyons que l’Évangile selon Saint Luc décrit ce serviteur du Temple comme un homme juste, craignant Dieu. Le mot « juste » dans l’Ancien Testament n’était pas appliqué à la justice humaine, mais plutôt à l’homme qui obéit aux paroles de Dieu et accomplit Sa volonté dans sa vie, qui a compris que la parole de Dieu est un guide pour la vie de l’homme. C’est pourquoi les Psaumes disent: « Dieu, j’ai obéi à vos paroles », à savoir aux conseils pour améliorer la vie de l’homme de Dieu. Le Juste est un homme dont la foi est forte et qui vit selon la volonté de Dieu. L’homme fidèle est l’homme Juste. L’homme pieux est aussi l’homme Juste dans les Saintes Écritures. C’est pourquoi le juste Siméon avait l’habitude de passer son temps dans la prière obéissant aux paroles de Dieu et à ses commandements. La tradition de l’Église dit qu’il était un des 70 hommes sages qui ont contribué à la traduction de la sainte Écriture. Cependant, il était aussi un serviteur du Temple qui attendait l’arrivée du Messie, le Christ de Dieu. L’Évangile ne nous dit pas quel âge il avait, mais seulement qu’il était très vieux. Ainsi, nous voyons qu’il vit parce que l’Esprit saint lui a dit qu’il ne mourrait pas jusqu’à ce qu’il ait vu le Christ Notre Seigneur, qu’il ne décéderait pas avant qu’il n’ait rencontré le Dieu-Homme, c’est à dire le Fils de Dieu qui a s’est fait homme par amour pour les hommes. Nous voyons comment la promesse se concrétise pour le juste Siméon , comment l’espérance devient communion ou rencontre avec Dieu.

Les élus qui attendent le Seigneur mais rien du monde Saint Siméon Saint Siméon le juste – Image de la collection Ourmedia Le juste de l’Ancien Testament n’attend pas quelque chose, mais quelqu’un: « le juste Siméon et la prophétesse Anne représentent tous les élus qui attendent le Seigneur, comme le Psaume 40 dit: « j’ai attendu patiemment le Seigneur ». Le Juste de l’Ancien Testament, est représenté par Siméon en raison de sa patience, sa piété, sa foi et son espérance et parce qu’il n’attendait pas quelque chose, mais Quelqu’un: « J’ai attendu patiemment le Seigneur ». Il n’attendait pas que lui sont donné quelque chose de mieux dans ce monde. Ils n’attendait pas un avantage, des dons de Dieu mais Dieu Lui-même, qui est la source de vie et de tous les dons. Ainsi, « j’ai attendu patiemment le Seigneur » signifie que j’attendais pour le rencontrer ». C’est pourquoi quand la promesse de l’Esprit saint se concrétise, le juste Siméon reçoit dans ses bras affaiblis par le temps Celui qui porte l’Univers entier, toutes les galaxies, Dieu le Créateur du ciel et de la terre, comme un enfant en bas âge. Il dit : « Maintenant, Maître, tu laisses ton serviteur s’en aller en paix selon ta parole. Car mes yeux ont vu ton salut, celui que tu as préparé devant tous les peuples, lumière pour la révélation aux nations et gloire de ton peuple, Israël ». Comme l’Évangile selon Saint Luc le dit, dès le moment où il a rencontré Dieu il l’a glorifié et a dit: « Maintenant, Maître, tu laisses ton serviteur s’en aller en paix « . Le juste Siméon prophétise sur la Croix Nous voyons ici que le juste Siméon est un Prophète aussi. Il voit l’avenir de cet enfant qu’il reçoit dans ses bras. Il sait qu’Il est le Sauveur. Jeshoua signifie que Dieu sauve, Jésus signifie que Dieu sauve. « Car mes yeux ont vu ton salut » signifie Celui par qui le salut vient.  » Celui que tu as préparé devant tous les peuples » signifie que Christ, le Seigneur, n’est pas venu seulement pour les gens d’Israël, mais pour toutes les nations. C’est pourquoi il ajoute « devant tous les peuples » ou « lumière pour la révélation aux nations ». Alors il ajoute « et gloire de ton peuple, Israël ». Et il bénit le justes Joseph et la Vierge Marie, la Mère de l’Enfant en bas âge Jésus. Alors, après qu’il eu béni Dieu, il bénit aussi ceux considérés comme les parents de l’enfant. Le juste Joseph était le père adoptif de Jésus, mais la Mère de Dieu était la mère qui a donné naissance. Il les bénit et ensuite il prophétisa que cet Enfant « est pour la chute et le relèvement de beaucoup en Israël, et comme un signe qui provoquera la contradiction » et « une épée te transpercera (la Mère de Dieu) – de sorte que soient révélés les raisonnements de beaucoup », à savoir l’épée de la peine, de la souffrance d’une mère qui voit son Fils crucifié et mourir sur la croix. Le juste Siméon associe « la Gloire d’Israël » à la Croix de la Passion, parce que Christ a été condamné, qu’il a été crucifié et qu’il est mort pour les hommes, pour lesquels il est venu. Ainsi, nous voyons dans le juste Siméon un prophète qui lie la gloire et la Croix ensemble parce que la gloire ne peut pas être atteinte sans porter la Croix. La gloire appartient à la Résurrection, mais la Résurrection a été atteinte par la Croix. Ainsi, le juste Siméon représente, comme nous avons déjà dit, la période d’attente des justes et des prophètes de l’Ancien Testament. C’est pourquoi les mots prononcés dans le Temple de Jérusalem font partie des Vêpres Orthodoxes. À la fin de cette office il est dit « Et maintenant Seigneur, tu peux laisser aller en paix ton serviteur, parce que mes yeux ont vu le salut qui vient de toi… », montrant que les Vêpres symbolisent la période d’attente du Messie. Les Matines symbolisent l’aube de l’arrivée de Jésus, Sa Nativité à Bethléem, Son enfance et Sa jeunesse, non connues par les gens jusqu’à Son baptême; tandis que le début de Son économie dans le monde est représentée par la Divine Liturgie. Ainsi, nous voyons une relation entre notre culte et l’histoire du salut. Le culte Orthodoxe représente le temps béni à travers l’attente, la prière et le jeûne.

La prophétesse Anne La prophétesse Anne était une femme qui restait dans le Temple et la prière, comme l’Évangile dit, la nuit et le jour, non jour et nuit. Ainsi, les veilles ont été faites particulièrement la nuit, car tandis que les autres se reposent l’homme fidèle prie. Il se repose dans la prière, dans la communion avec Dieu qui donne le vrai repos à l’homme. Nous voyons dans cette prophétesse, la fille de Fanuel de la nation d’Asher, une représentation de toutes les femmes fidèles, qui prient et jeûnent dans le silence et font beaucoup de bien à l’Église par la prière. Anne se joint à l’éloge que le juste Siméon fait à l’Enfant Jésus, parce que l’Évangile dit qu’elle a aussi parlé de l’Enfant Jésus et du salut qu’Israël attendait. Il est très intéressant que l’Évangéliste Saint Luc révèle son âge, alors qu’il ne le fait pas pour Siméon. Il dit qu’elle a vécu seulement sept ans avec son mari avant qu’il ne meurt, qu’elle ne s’est jamais remariée et qu’elle est alors une veuve âgée de 84. Cette explication est très intéressante parce qu’il montre que la prophétesse Anne était fidèle tant à son mari qu’à Dieu. Elle a tellement aimé son mari que lorsqu’elle est devenue veuve elle n’en a jamais pris un autre, mais a voulu consacrer toute sa vie à Dieu par le jeûne et la prière. Par le Primat de l’Église Orthodoxe roumaine, le Patriarche Daniel, 2 février 2013. © Traduit de l’anglais au français par Spiritualité Orthodoxe © .

Luc 2:21-36. Jésus est présenté dans le temple 21 Quand huit jours furent accomplis, il fut circoncis et on lui donna le nom de Jésus, celui que l’ange avait indiqué avant sa conception. 22 Et, quand les jours de leur purification furent accomplis selon la loi de Moïse, ils l’amenèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur – 23 suivant ce qui est écrit dans la loi du Seigneur : Tout mâle né le premier de sa mère sera consacré au Seigneur – 24 et pour offrir en sacrifice une paire de tourterelles ou deux jeunes colombes, selon ce qui est dit dans la loi du Seigneur. Syméon et l’enfant Jésus 25 Or il y avait à Jérusalem un homme du nom de Syméon. Cet homme était juste et pieux ; il attendait la consolation d’Israël, et l’Esprit saint était sur lui. 26 Il avait été divinement averti, par l’Esprit saint, qu’il ne verrait pas la mort avant d’avoir vu le Christ du Seigneur. 27 Il vint au temple, poussé par l’Esprit. Et, comme les parents apportaient l’enfant Jésus pour accomplir à son égard ce qui était en usage d’après la loi, 28 il le prit dans ses bras, bénit Dieu et dit : 29 Maintenant, Maître, tu laisses ton esclave s’en aller en paix selon ta parole. 30 Car mes yeux ont vu ton salut, 31 celui que tu as préparé devant tous les peuples, 32 lumière pour la révélation aux nations et gloire de ton peuple, Israël. 33 Son père et sa mère s’étonnaient de ce qu’on disait de lui. 34 Syméon les bénit et dit à Marie, sa mère : Celui-ci est là pour la chute et le relèvement de beaucoup en Israël, et comme un signe qui provoquera la contradiction 35 – et, toi-même, une épée te transpercera – de sorte que soient révélés les raisonnements de beaucoup. Anne, la prophétesse 36 Il y avait aussi une prophétesse, Anne, fille de Phanuel, de la tribu d’Aser. Elle était très avancée en âge. Après avoir vécu sept ans avec son mari depuis sa virginité, 37 elle était restée veuve ; âgée de quatre-vingt-quatre ans, elle ne s’éloignait pas du temple et prenait part au culte, nuit et jour, par des jeûnes et des prières. 38 Elle aussi survint à ce moment même ; elle louait Dieu et parlait de l’enfant à tous ceux qui attendaient la rédemption de Jérusalem. 39 Lorsqu’ils eurent accompli tout ce que prescrivait la loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, à Nazareth, leur ville. 40 Or l’enfant grandissait et devenait fort ; il était rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui.

 

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