Archive pour la catégorie 'Biblique: Nouveau Testament'

LES ANGES DE NOËL. AU FIL DU TEXTE DE LC 2,8-21

16 décembre, 2013

http://www.bible-service.net/extranet/current/pages/533.html

LES ANGES DE NOËL. AU FIL DU TEXTE DE LC 2,8-21

COMMENTAIRE AU FIL DU TEXTE  

COMMENCER …

Un Ange du Seigneur apparaît à des bergers. Tout s’éclaire d’une lumière venue d’en haut. L’enfant, les bergers et les anges

Voici donc le récit de la naissance de Jésus. La naissance elle-même occupe peu de place dans le texte. Elle est évoquée en un seul verset : Marie accouche d’un bébé, l’emmaillote et le couche dans une mangeoire. C’est tout. Extrême sobriété, pas un mot de trop. Rien de spectaculaire : une mère et son bébé. On aimerait en savoir un peu plus. Où sont les autres personnages ? Où est Joseph ? Que fait-il ? L’auteur ne s’y intéresse pas. Il est pressé de nous emmener ailleurs, là où se déroule l’essentiel de son récit.

La scène principale se passe en effet dans un lieu indéterminé, mais à quelque distance de l’endroit qui a vu naître Jésus. Comme dans un théâtre, la scène s’éclaire d’une lumière venue d’en haut.

L’ange du Seigneur Un Ange du Seigneur apparaît à des bergers. L’apparition de l’Ange du Seigneur n’est pas une nouveauté dans la Bible. Tout se déroule en effet selon un schéma classique : l’Ange du Seigneur arrive subitement, sa venue suscite le trouble, le messager divin annonce la naissance d’un enfant et il donne un signe. Luc connaît bien la Bible et les interventions de l’Ange du Seigneur. Dans l’évangile de Luc c’est la troisième apparition de l’Ange du Seigneur. Il s’est déjà adressé à Zacharie, dans le Temple de Jérusalem, et à Marie dans sa maison de Nazareth. Dans les deux cas il s’agissait de Gabriel celui qui, dans le livre de Daniel, annonçait la venue du temps du salut. Ici, l’Ange du Seigneur n’est pas nommé pas plus que les destinataires du message. Ce sont des bergers anonymes.

L’enfant est pour vous Le récit comporte une nouveauté. Tout ne se déroule pas selon le schéma convenu. L’annonce de la naissance, cette fois-ci, n’est pas destinée à de futurs parents, mais à des tiers. « Il ‘vous’ est né », dit l’Ange. Dieu donne cet enfant aux bergers, mais également à tout un peuple qui sera comblé de joie à l’annonce de la bonne nouvelle. L’enfant, par ailleurs, n’est plus à venir, il est déjà là : « Il vous est né aujourd’hui », dit l’Ange. Nous entendons pour la première fois ce mot si important dans l’évangile de Luc que nous retrouverons lors du baptême de Jésus, lors de sa prédication inaugurale à Nazareth, lors de sa visite à Zachée et sur la croix, adressée à un des deux bandits : le mot « aujourd’hui ». Le temps du salut n’est plus à venir. Il est là, inauguré par la naissance de Jésus.

Les titres royaux Le messager divin attribue maintenant l’enfant qui vient de naître une surabondance de titre royaux. Il est Christ, Seigneur et Sauveur. Christ : c’est la traduction grecque du mot « Messie » qui désigne le roi attendu par le peuple juif issu de la descendance de David. Jésus justement est né dans le même village que David, à Béthléem. Seigneur : autre terme royal utilisé pour désigner l’empereur. Mais c’est aussi le terme utilisé par la Bible grecque pour désigner Dieu. Sauveur : encore un titre royal ou impérial. Les potentats de l’époque aimaient s’attribuer ce titre. Ils voulaient qu’on les appelle « bienfaiteurs » ou « sauveurs » de leur peuple. C’est également le mot que le livre des Juges emploie pour désigner les personnages providentiels que Dieu envoyait pour sauver son peuple en péril. C’est enfin un des mots qui désigne Dieu lui-même. Marie l’a employé dans son Magnificat : « Mon âme exalte le Seigneur et mon esprit s’est rempli d’allégresse à cause de Dieu, mon Sauveur. »

Le hérault du roi Dans le récit de Luc, l’Ange du Seigneur apparaît comme un hérault qui parcourt le royaume pour énumérer les titres d’un l’enfant royal destiné à monter sur le trône. Le texte n’indique pas le lieu où apparaît l’Ange. Il précise seulement que c’est « dans le même pays », celui de Marie et de Joseph, le descendant de David. Il s’adresse à la population du pays, qui attend un roi envoyé par Dieu. Ce roi vient de naître. Les bergers, qui font partie des basses classes de la société, sont les premiers à en être avertis. C’est normal, le roi vient plus particulièrement pour eux. Plus tard le Seigneur Jésus dira : « Heureux, vous les pauvres : le Royaume de Dieu est à vous. » et également : « Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout petits. »

Une intrigue qui se noue Le lecteur de l’évangile est intrigué par cette déclaration solennelle. Que signifient tous ces titres ? Comment l’enfant va-t-il régner ? À la manière de César Auguste et de son représentant Quirinius que le texte vient d’évoquer ? À la manière du roi David, ancêtre de Joseph ? Comment va-t-il monter sur le trône ? D’une façon plus pratique, le lecteur se demande comment les bergers vont trouver l’enfant. L’Ange du Seigneur ne répond à aucune de ces questions, mais, comme dans tous les autres récits d’annonces de naissances, il donne un signe. Il parle d’un enfant couché dans une crèche. Le signe donné par l’Ange est ambigu. Il semble en totale contradiction avec le message qui vient d’être donné. Comment la pauvreté et la faiblesse de l’enfant peuvent-elles être des signes royaux ? Placé au début de l’évangile, ce message angélique joue un grand rôle. Il intrigue et invite à lire la suite du texte. Quelle va être la destinée de cet enfant royal couché dans une mangeoire ? La lecture de l’évangile, et plus particulièrement le récit de la longue marche de Jésus vers Jérusalem permettra petit à petit de comprendre le paradoxe. Mais le sens ultime de la royauté de Jésus ne pourra être comprise qu’après sa mort et sa résurrection.

Le choeur de l’armée céleste Le récit continue avec l’arrivée d’un groupe nombreux qui occupe tout l’espace : l’armée céleste . Son rôle est semblable à celui d’un choeur dans un théâtre antique qui intervient à la fin d’une scène pour en tirer la leçon. L’armée céleste chante la louange de Dieu et la paix pour « les hommes de bienveillance ». Nouvelle expression ambiguë. De quelle bienveillance s’agit-il ? De celle des hommes ou de celle de Dieu ? S’agit-il des hommes de bonne volonté (selon les traductions anciennes) ou des hommes objets de la bonne volonté de Dieu (selon les traductions récentes) ? Pour formuler les choses différemment : Qu’est-ce qui est premier : la bonne disposition du coeur des hommes pour accueillir le salut de Dieu ou l’amour gratuit de Dieu pour les hommes ? Autres questions : de quels hommes s’agit-il ? Du peuple élu, objet de la promesse ou de tous les hommes de la terre ? Et enfin : en quoi consiste cette paix ? Est-elle intérieure ou extérieure, pour aujourd’hui ou pour demain ? La suite de l’évangile apportera progressivement des réponses à ces questions. Comme le message de l’Ange du Seigneur, le chant de l’armée céleste s’adresse au lecteur pour susciter son intérêt. Il formule les questions essentielles, celles que la communauté chrétienne des origines se pose, celles qui continuent à se poser à notre foi.

Les nouveaux « anges » Quand les anges sont partis, les bergers, qui jusqu’à présent semblaient figés comme des santons, s’animent à leur tour. Ils s’encouragent mutuellement et vont voir ce qui vient de s’accomplir. Ils y vont en hâte et annoncent ce qui leur a été révélé. Ceux qui les entendent sont étonnés. Nous retrouverons ce même étonnement chez Pierre, à la fin de l’évangile, quand, au matin de Pâque, les femmes lui transmettront le message des anges. Les bergers maintenant s’en retournent pleins de joie. Ils ont pu constater que les paroles de Dieu se réalisaient. Ils sont devenus des « anges » à leur tour, c’est-à-dire des messagers et des célébrants. Comme l’Ange du Seigneur, ils ont annoncé un message de bonheur. Comme l’armée céleste, ils chantent maintenant les louanges de Dieu. Ils préfigurent le rôle de la communauté chrétienne chargée d’annoncer à tous les hommes la bienveillance de Dieu qui s’exerce par le Seigneur Jésus, notre seul Sauveur.

Joseph STRICHER

L’ENFANCE DE JÉSUS SELON MATTHIEU (2/6) LE DILEMME DE JOSEPH – MATTHIEU 1, 18-25

10 décembre, 2013

http://www.interbible.org/interBible/ecritures/exploration/2013/exp_131203.html  

L’ENFANCE DE JÉSUS SELON MATTHIEU (2/6)    LE DILEMME DE JOSEPH – MATTHIEU 1, 18-25

La généalogie de Jésus en Matthieu se termine avec « Joseph, l’époux de Marie de laquelle est né Jésus ». Le texte affirme clairement que Marie est la mère de l’enfant, mais ne précise rien au sujet de son père. C’est d’ailleurs cette question qui est à la base du récit de l’annonciation à Joseph.

Mais qui est le père de Jésus ?      Avant que Joseph n’ait habité avec Marie sa fiancée, il découvre qu’elle est enceinte! Que faire ? Avant que l’ange lui révèle l’origine de cet enfant, Joseph devait penser que l’enfant provenait d’un adultère commis par Marie. Aujourd’hui, au Québec, l’adultère est loin d’être aussi problématique qu’à l’époque. Dans la culture biblique, l’honneur familial était de la plus haute importance. L’adultère était alors considéré comme le pire crime car la famille de la fille se voyait complètement déshonorée. La punition pour ce crime n’était pas le divorce, mais bien la lapidation de la fautive (Dt 22, 23-27). Quand une femme a déshonoré sa famille de la sorte, ce sont les mâles du clan qui doivent restaurer leur honneur en l’exécutant.      Vous imaginez le résultat ? L’histoire ne fait que commencer, et Marie et son enfant auraient été mis à mort. Pourtant, de façon inespérée, la vie surgira d’une mort certaine.

La réaction de Joseph      Même si la Loi exigeait la lapidation de Marie, Joseph réagit autrement : Joseph, son époux, qui était un homme juste et ne voulait pas la diffamer publiquement, résolut de la répudier secrètement (Mt 1,19). La justice de Joseph n’est pas d’appliquer la Loi de façon littérale et automatique. Il a décidé d’interpréter cette Loi pour que Marie et son enfant puissent vivre. La justice de Joseph ressemble beaucoup à celle de Jésus. Lorsqu’il aura des problèmes au sujet de la Loi, il l’interprétera avec amour et pardon.      La solution retenue par Joseph est une séparation sans procès ni accusation. Mais ce n’est pas le plan de Dieu. Dans un songe, l’Ange du Seigneur révèle à Joseph l’origine divine de l’enfant qui va naître et lui demande de prendre chez lui Marie comme épouse. C’est ce que fera Joseph, et il portera les conséquences sociales de ce geste puisqu’il est le seul ayant eu la révélation de l’Ange. La honte de l’adultère qui aurait mené à la mort de Marie se transfère alors sur Joseph. En acceptant la mère et l’enfant qu’elle porte, il se montre publiquement comme le père de l’enfant et devra s’occuper d’eux. De plus, comme cet enfant a été conçu avant leur vie commune, Joseph accepte de passer pour quelqu’un qui a eu des relations sexuelles avant le mariage. Il accepte la honte publique que lui cause sa décision car il a la conviction de réaliser la volonté de Dieu.      Par cet épisode, nous pouvons retenir quelques éléments très importants pour Jésus dans la suite de l’évangile. D’une part, la Loi 1 doit être interprétée avec une bonne dose de miséricorde. Jésus va enfreindre des lois comme le précepte du sabbat. Comme Joseph, il choisira de ne pas lapider une femme ayant commis l’adultère. D’autre part, le dilemme de Joseph illustre comment d’une mort certaine peut survenir la vie inespérée. En prélude d’Évangile, on expose un thème qui reviendra avec la mort et la résurrection de Jésus. La vie triomphe de la mort.

Les crimes d’honneurs      Une spiritualisation trop rapide du texte nous empêche de voir le scandale de la question de la paternité de Jésus et de la réponse étonnante qu’en fait l’Évangile. Le dilemme de Joseph doit se comprendre dans le cadre des crimes d’honneur puisque cette pratique horrible faisait partie de la culture de cette époque. D’ailleurs, cette problématique est encore très présente aujourd’hui au Moyen-Orient comme ailleurs. Au Québec, le procès des Shaffia en 2012 a montré comment un père, une mère et un frère peuvent assassiner trois filles pour laver l’honneur de la famille. Celles-ci fréquentaient des garçons en cachette et portaient à tort des vêtements trop suggestifs. _______________

1 La Loi (Torah) est un terme qui désigne à la fois les cinq premiers livres de la Bible et l’ensemble des commandements de Dieu.

Sébastien Doane, bibliste

DEUXIEME LECTURE – 2 TIMOTHÉE 3, 14 – 4,2 – COMMENTAIRE DE MARIE NOELLE THABUT

18 octobre, 2013

http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut.html

DEUXIEME LECTURE – 2 TIMOTHÉE 3, 14 – 4, 2

Fils bien-aimé,
3, 14 tu dois en rester à ce qu’on t’a enseigné :
 tu l’as reconnu comme vrai,
 sachant bien quels sont les maîtres qui te l’ont enseigné.
15 Depuis ton plus jeune âge, tu connais les textes sacrés :
 ils ont le pouvoir de te communiquer la sagesse,
 celle qui conduit au salut
 par la foi que nous avons en Jésus-Christ.
16 Tous les passages de l’Ecriture sont inspirés par Dieu ;
 celle-ci est utile pour enseigner, dénoncer le mal,
 redresser, éduquer dans la justice ;
17 grâce à elle, l’homme de Dieu sera bien armé,
 il sera pourvu de tout ce qu’il faut pour un bon travail.
4, 1 Devant Dieu,
 et devant le Christ Jésus qui doit juger les vivants et les morts,
 je te le demande solennellement,
 au nom de sa manifestation et de son Règne :
2 proclame la Parole, interviens à temps et à contre-temps,
 dénonce le mal,
 fais des reproches, encourage,
 mais avec une grande patience et avec le souci d’instruire.

Dimanche dernier, nous lisions dans la deuxième lettre à Timothée une Hymne en l’honneur du Christ : « Souviens-toi de Jésus-Christ, ressuscité d’entre les morts ». Aujourd’hui, on pourrait dire que nous lisons une hymne en l’honneur de l’Ecriture. Entendons-nous bien, ce que Saint Paul appelle l’Ecriture, c’est ce que nous appelons aujourd’hui l’Ancien Testament. Plusieurs fois, déjà, dans les lettres à Timothée, nous avons deviné un conflit persistant dans la communauté d’Ephèse où se trouve Timothée ; et c’est même à cause de ce conflit que Paul avait demandé à Timothée de rester à Ephèse ; il faut pouvoir compter sur de fidèles gardiens de la Parole. Les premières lignes du texte d’aujourd’hui, « Toi, tu dois en rester à ce qu’on t’a enseigné » sous-entendent que d’autres ne sont pas restés fidèles à l’enseignement reçu et qu’ils fourvoient les autres.
 Si bien qu’on peut résumer ce passage en trois phrases : premièrement, il faut se ressourcer dans l’Ecriture. Deuxièmement, il faut proclamer la Parole. Troisièmement, cette proclamation doit se faire dans le souci d’édifier la communauté. Premièrement, il faut se ressourcer dans l’Ecriture, au vrai sens du mot « ressourcer » : l’Ecriture est pour nous une source ; notre traduction dit « tu dois en rester à ce qu’on t’a enseigné » mais nous risquons d’entendre là une recommandation de fixisme, ce qui n’est pas du tout le propos de Paul. Le mot à mot dirait « demeure dans ce que tu as appris » : la foi n’est pas un objet qu’on possède mais un milieu vital, une « demeure » au sens de Saint Jean.
 Timothée a puisé dans cette source de l’Ecriture depuis son enfance : son père était grec et païen, mais sa mère, Eunice, et sa grand-mère maternelle, Loïs, étaient Juives : elles l’ont introduit dans l’Ancien Testament ; et quand sa mère s’est convertie au Christianisme, elle n’a pas cessé bien sûr de fréquenter l’Ecriture. D’autres maîtres encore ont initié Timothée, et Paul insiste sur cet aspect communautaire de l’accès à l’Ecriture. On ne découvre pas l’Ecriture tout seul mais en Eglise. Une fois de plus, nous retrouvons chez Paul le thème de la transmission de la foi, ce qu’on appelle en théologie la « Tradition » : tradere, en latin, veut dire « transmettre » : « Je vous ai transmis ce que j’ai moi-même reçu » (sous-entendu je n’ai rien inventé) dit Paul dans la lettre aux Corinthiens ; l’apôtre est un envoyé au service d’une Parole qui n’est pas la sienne. Dans la foi, aucun de nous n’est un fondateur, un innovateur, nous sommes les maillons d’une chaîne. Evidemment, il est vital que cette transmission soit fidèle. Un peu plus haut, dans cette même lettre, Paul a dit à Timothée : « Ce que tu as appris de moi en présence de nombreux témoins, confie-le à des hommes fidèles qui seront eux-mêmes capables de l’enseigner encore à d’autres. » (2 Tm 2, 2).
 La phrase suivante est très importante : Paul affirme : « Les textes sacrés ont le pouvoir de te communiquer la sagesse, celle qui conduit au salut par la foi que nous avons en Jésus-Christ » : il veut dire par là que l’Ancien Testament mène tout droit à Jésus-Christ. Pour Paul, comme pour les premiers apôtres, recrutés par Jésus parmi les Juifs, c’était une évidence. On se souvient qu’au cours de son procès à Jérusalem, Paul soutenait que c’était précisément parce qu’il était Juif qu’il était devenu Chrétien.
 Paul continue : « Tous les passages de l’Ecriture sont inspirés par Dieu » ; avant d’être un dogme affirmé par l’Eglise, cette phrase était donc déjà la foi d’Israël. Ce qui explique le respect dont sont entourés depuis toujours les Livres sacrés dans toutes les synagogues. « Grâce à l’Ecriture, l’homme de Dieu sera bien armé, il sera pourvu de tout ce qu’il faut ». Voilà donc l’équipement du Chrétien : l’Ecriture dans la fidélité à l’enseignement reçu : « Tu dois en rester à ce qu’on t’a enseigné : tu l’as reconnu comme vrai, sachant bien quels sont les maîtres qui te l’ont enseigné ». L’équipement du Chrétien, c’est donc l’Ecriture ET la tradition pour être capable de transmettre à son tour. Pour transmettre, et c’est le deuxième conseil de Paul à Timothée, il faut oser proclamer la Parole ; voilà la première peut-être même la seule tâche d’un responsable d’Eglise. L’enjeu est grave et Paul emploie une formule presque étonnante : « Devant Dieu et devant le Christ Jésus qui doit juger les vivants et les morts, je te le demande solennellement, au nom de sa manifestation et de son règne : proclame la Parole… »
 Une fois de plus, Paul fait référence à la manifestation du Christ, et à son Règne : l’accomplissement du projet de Dieu est vraiment l’horizon que Paul ne quitte jamais des yeux. Et d’ailleurs en grec, Paul dit « Proclame le Logos », le mot qui, chez Jean, désigne le Verbe, Jésus lui-même. Traduisez, si nous prenons au sérieux la Manifestation et le Règne du Christ, nous devons inlassablement proclamer la Parole. Toute la vie de Paul, depuis sa conversion, a été consacrée à cette tâche : « Annoncer l’Evangile est une nécessité qui s’impose à moi : malheur à moi si je n’annonce pas l’Evangile ! » (1 Co 9, 16).
 Mais il faut du courage pour proclamer la Parole, il faut accepter d’être mal reçu : « Interviens à temps et à contre-temps, dénonce le mal ; fais des reproches, encourage » ; c’est-à-dire n’hésite pas à juger ce que tu vois… Il termine en disant dans quel climat on doit le faire (et c’est le troisième point) : avec une grande patience et avec le souci d’instruire. Là encore nous retrouvons une insistance toujours présente chez Paul, le souci de ce qui édifie la communauté ; c’est la seule chose qui compte.

LECTURE DES ACTES ET ÉCRITURE DES RÉCITS

17 octobre, 2013

http://www.diocese-poitiers.com.fr/page-daccueil/notre-eglise/les-synodes/lecture-des-actes-et-ecriture-des-recits

LECTURE DES ACTES ET ÉCRITURE DES RÉCITS

LIRE LES ACTES DES APÔTRES  -  ECRIRE LE LIVRE DES RÉCITS

(Octobre 2002 – Avril 2003)
Lire les Actes des Apôtres

Proposés à la lecture de tous dans le cadre du synode, les Actes des Apôtres présentent une “première histoire du christianisme”, mettant en récit le sens de cette histoire pour les premiers chrétiens. Ainsi les Actes des Apôtres ne constituent pas seulement un livre d’histoire. Ils veulent bien plutôt proposer une expérience de foi aux lecteurs.
Les animateurs des groupes bibliques du diocèse se sont réunis en présence du Père Rouet, qui leur a livré quelques points d’attention de sa propre lecture du Livre des Actes. Deux exposés magistraux suivis d’une table ronde ont donné aux participants d’entrer dans les nuances et les richesses de l’herméneutique biblique. Au total, pour les animateurs de groupes bibliques, il s’agit maintenant d’aider à inscrire l’étude des Actes des Apôtres dans une démarche de foi pour faire de notre synode une véritable expérience spirituelle qui permette l’écriture des Actes d’une Eglise toujours en naissance.
En raison même de l’intérêt du propos tenu, mais aussi des réflexions qu’il ouvre, vous trouverez ci-dessous une synthèse de la première intervention du Père Yves-Marie Blanchard.

De quelques clés préalables à la lecture des Actes des Apôtres…
1. Le livre des Actes n’est pas aussi isolé qu’il y paraît. D’une part, il appartient à un genre littéraire très pratiqué dans le christianisme ancien (nombreux actes d’apôtres : écrits apocryphes, majoritairement du 2ème siècle). D’autre part, il fait corps avec l’évangile de Luc, comme les deux volets d’un diptyque inséparable. D’ailleurs, le principe du parallélisme – synkrisis – constitue une règle historiographique très utilisée dans l’Antiquité (ex. Plutarque) et familière au rédacteur lucanien (Jean-Baptiste / Jésus ; Pierre / Paul ; le ministère de Jésus / la mission apostolique). Dans ce cadre rhétorique, la vision lucanienne de l’histoire soutient plus le principe de continuité que la tension dialectique (ex. opposition Pierre / Paul, trop souvent considérée comme une clé de lecture des Actes : école allemande au 19ème siècle).
2. Le genre littéraire des actes d’apôtres se trouve au croisement de l’historiographie antique et du roman hellénistique. Tandis que le pôle romanesque tend à l’emporter dans les actes apocryphes (débordement du merveilleux, concentration sur les personnages traités comme des héros de légende), les Actes lucaniens cultivent une grande sobriété et attestent un grand souci de vérité historique. Ainsi le contexte géographique et socio-politique est reproduit avec une grande justesse, jusque dans les détails. Mais cela ne veut pas dire qu’on ait affaire à un reportage collant aux faits. Ainsi, les itinéraires de Paul sont probablement reconstruits, en faveur d’une démonstration de nature théologique, relative à une certaine conception de la mission chrétienne, en continuité du ministère propre de Jésus.
3. La relation de l’auteur à son livre est ambivalente. Dans la majeure partie du texte, le narrateur se tient à distance de l’action (récit à la 3ème personne), adoptant un ton de neutralité conforme aux prétentions historiographiques énoncées dans le double prologue (évangile et Actes). En revanche, dans plusieurs passages, l’auteur s’implique personnellement dans l’action (sections-nous : récit à la 1ère personne du pluriel). Traditionnellement interprétée comme le reliquat d’un journal de voyage ayant servi de source au rédacteur (exégèse historico-critique), cette situation peut aussi bien être étudiée du point de vue de la stratégie de communication déployée par l’auteur (analyse narrative ou narratologie). Dès lors, le narrateur n’est plus seulement observateur mais témoin engagé dans l’action, garant de la véracité des faits et habilité à fournir des clés d’interprétation.
4. La tentation est grande de sous-estimer des passages prétendus “légendaires”, pour lesquels le référent historique est invérifiable, sinon invraisemblable : tel est souvent l’objet de l’approche historico-critique. Or, plutôt que de considérer les Actes des Apôtres du seul point de vue des événements réels, il vaut la peine d’évoquer la valeur symbolique d’éléments narratifs ordonnés à la signification théologique des faits relatés. Ainsi peut-on parler d’un “récit interprétatif” (Paul Ricœur), c’est-à-dire d’un livre exprimant sous forme narrative les faits eux-mêmes, non dénués de référent historique, et leur interprétation au regard de la foi et dans la continuité de l’évangile.
5. Au-delà de l’intérêt historiographique (“la première histoire du christianisme” : expression de D. Marguerat), le livre des Actes constitue donc une synthèse théologique originale, associant les trois axes :
- christologique : le Ressuscité continue son œuvre à travers les efforts de la mission ; le plan du livre atteste la fidélité aux consignes reçues de Jésus ; l’ouverture aux nations, initiée par Pierre et développée par Paul, atteste l’universalité du salut accompli dans le mystère pascal ;
- pneumatologique : l’Esprit Saint accompagne la vie de la communauté post-pascale ; non seulement il réalise l’unité de ses membres, mais il suscite la dynamique missionnaire inaugurée dans le contexte de la Pentecôte juive ; ses interventions répétées soulignent le caractère inédit d’une mission toujours renouvelée ;
- ecclésiologique : situées à l’interface de l’héritage juif et du monde païen environnant, les communautés concrètes vivent la double exigence d’unité et de mission ; les tensions internes et les divergences externes appellent la mise en place d’un ministère de communion et de relance au service de l’évangélisation.
6. Appliquée aux Actes des Apôtres, la question herméneutique peut s’exprimer selon les propositions suivantes :
- L’enquête historique sur les faits advenus et les situations sous-jacentes au récit constitue, non seulement un témoignage précieux sur les premiers temps du christianisme méditerranéen, mais un préambule à l’appréciation du livre en ses différents niveaux de signification.
- La remise en contexte néo-testamentaire (diptyque lucanien), ainsi que l’attention aux paradigmes vétéro-testamentaires (tout particulièrement dans les premiers chapitres) permet d’apprécier la portée réelle d’un certain nombre d’éléments symboliques, pour lesquels l’évocation du référent historique est moins prégnante que la désignation de clés de lecture théologique.
- Il serait donc maladroit de s’en tenir, soit à une lecture historiciste, cédant purement et simplement à l’illusion référentielle (expression de R. Barthes) – le récit ne serait que l’exacte reproduction des faits – soit à une approche idéologique, considérant le livre comme la simple mise en œuvre narrative d’éléments symboliques, dénués de tout enracinement historique.
7. La catégorie de “récit interprétatif” paraît donc la mieux à même de rendre compte de l’originalité du livre des Actes, tout à la fois témoignage historique et attestation théologique, au travers d’une mise en scène narrative, non dénuée d’emprunts à la technique romanesque. En tout cas, le livre des Actes vaut beaucoup mieux qu’un manuel de pèlerinage sur les pas de saint Paul…

Ecrire le Livre des récits
« Vous allez recevoir une puissance, celle du Saint Esprit qui viendra sur vous : vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1, 8).
Avec l’Eglise de tous les lieux et de tous les temps, nous sommes, chrétiens en Poitou, le fruit de cette Parole du Ressuscité adressée aux Apôtres, le jour de son Ascension.
Ouvrir le livre des Actes des Apôtres nous invite à relire l’histoire de l’Eglise diocésaine et à vivre, aujourd’hui, cet appel du Seigneur à devenir ses témoins devant tous les hommes.
Il nous appartient d’écrire notre propre page de cette histoire, non pas que le livre des Actes des Apôtres soit incomplet, mais, pour parler comme saint Paul, afin que notre Eglise en synode demeure pour tous nos frères et soeurs en humanité comme :
« Une lettre du Christ écrite non avec de l’encre mais avec l’Esprit du Dieu vivant, non sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur vos coeurs » (2 Co 3, 3).

Lire et méditer le livre des Actes des Apôtres…
Plusieurs moyens sont mis à notre disposition :
* Des fiches pour une lecture du livre des Actes des Apôtres ont été préparées. Vous pouvez commander le dossier au Centre théologique (Secrétariat – 10 rue de la Trinité – 86034 Poitiers – tél : 05 49 60 63 04). Ce dossier constitue un excellent guide de lecture des Actes des Apôtres ;
* Tout au long de cette année, de nombreux groupes bibliques proposent une lecture du livre des Actes des Apôtres ;
* Des initiatives locales sont prises pour organiser une soirée ou un parcours sur le livre des Actes des Apôtres. Dans les territoires, le Parcours initial de formation (P.I.F.) programmé en tient compte.
Pourquoi écrire ?
On prend le crayon pour faire naître le sens. Reprendre les événements d’une histoire et les raconter permet de tisser les liens qui font le récit. Celui-ci s’oriente alors vers un but qui se révèle comme le sens donné au chemin parcouru.
Le marcheur, avec ses pieds et son bâton, laisse sur le sol la trace de son passage. Son chemin n’est pas tracé à l’avance. C’est lui qui, avançant pas à pas, invente son parcours et se découvre une destinée.
Le narrateur, avec son crayon, laisse sur le papier la trace de son écriture. Il invente les traits qui racontent le sens de son histoire. Il témoigne que l’homme peut écrire sa vie, l’engager dans un projet et lui ouvrir un avenir.
C’est ainsi que la longue marche du Peuple de Dieu se donne à découvrir dans le récit biblique et nourrit notre foi.
Quand le texte est ainsi histoire tissée, il peut devenir pour le groupe qui relit son histoire et pour tout le diocèse un acte d’espérance qui avive le désir de tracer encore le chemin d’un à-venir…
Comment raconter ?
Plusieurs pistes sont possibles pour mettre en récit le visage d’une Eglise toujours en naissance…
* S’arrêter sur un événement ; le raconter en décrivant ce qui a été vécu ; nommer les personnes qui ont agi (les caractéristiques du groupe, les noms, …) ; chercher des verbes qui précisent ce qui s’est produit ;
* S’arrêter sur une durée (de telle date à telle date) ou partir d’un moment précis (le précédent synode, le départ du prêtre résident, l’installation d’une communauté locale, la création de l’équipe du mouvement ou un temps fort vécu, le dernier projet réalisé par le service, …) pour faire le récit d’un événement marquant, d’une initiative prise ;
* Relever une difficulté rencontrée, un manque vécu ou une épreuve traversée qui invitent à avancer au large ;
* Décrire le chemin fait, ou ce qui a été changé, transformé à travers cet événement, ou encore les fruits recueillis ;
* Repérer un fait, lu à la lumière de la foi et porteur d’avenir ;
* Composer une prière d’actions de grâce.
N.B. : On veillera à ne pas dépasser deux pages par contribution.
“Ils (Barnabé et Paul) réunirent l’Eglise et racontaient tout ce que Dieu avait réalisé avec eux et surtout comment il avait ouvert aux païens la porte de la foi” (Ac 14, 27).
Les styles
Cette mise en récit peut prendre des formes diverses. On peut adopter un style descriptif. Ce peut être également un style poétique. Il est possible aussi de s’exprimer sous forme de témoignage. Pourquoi ne pas envisager une bande dessinée ? Des photos constituent un langage pour traduire un événement, une célébration, un temps fort, une réunion, etc…
Sous la responsabilité des Territoires…
* En chaque territoire, circule le Livre des Actes des Apôtres remis lors de l’Assemblée territoriale du synode. Il est accompagné par le “Livre des récits” ;
* L’équipe d’animation du territoire veille à l’organisation de la démarche et à son bon déroulement, selon un calendrier établi du mois d’octobre 2002 au mois d’avril 2003. Elle s’assure que chaque groupe du territoire pourra s’exprimer : dans le cadre des secteurs pastoraux, des mouvements, des groupes chrétiens existants et des services présents sur le territoire ;
* Les “Livres des récits” seront apportés et présentés lors de l’Assemblée synodale des 17-18 mai 2003.
 “Paul et Silas parcoururent la Phrygie et la région galate, car le Saint Esprit les avait empêchés d’annoncer la Parole en Asie.
Arrivés aux limites de la Mysie, ils tentèrent de gagner la Bithynie, mais l’Esprit de Jésus les en empêcha.
Ils traversèrent alors la Mysie et descendirent à Troas.
Une nuit, Paul eut une vision : un Macédonien lui apparut, debout, qui lui faisait cette prière : ‘Passe en Macédoine, viens à notre secours !’
A la suite de cette vision de Paul, nous avons immédiatement cherché à partir pour la Macédoine, car nous étions convaincus que Dieu venait de nous appeler à y annoncer la Bonne Nouvelle”.
(Ac 16, 6-10)

LE SILENCE ET LA PAROLE – « SOIT CHACUN ENCLIN À ÉCOUTER, LENT À PARLER » (JC 1,19)

7 octobre, 2013

http://www.moscati.it/Francais2/Fr_Silenzio.html

LE SILENCE ET LA PAROLE

« SOIT CHACUN ENCLIN À ÉCOUTER, LENT À PARLER » (JC 1,19)

TEXTE ÉDITÉ PAR LES CARMÉLITES DE CARPINETO ROMANO (ROME)

[TRADUCTION PAR ANTONELLA NAPPO]

UN ÊTRE EN RELATION

L’homme a été créé pour la relation. Il est un être toujours en relation: avec lui-même, avec la réalité qui l’entoure, avec les autres, avec l’Autre. Pour être heureux, il doit apprendre à vivre de façon constructive et positive ses capacités relationnelles qui sont innées et constitutives, don du Créateur à sa créature « fait à son image ».
Le Silence et la parole sont les instruments / les moyens qui, en dernière analyse, sont finalisés dans ce but, à la plus grande vocation de l’homme: le don de soi. Silence et parole: deux instruments qui doivent être connus et utilisés.
La famille, lieu où s’expérimentent les premières et profondes relations humaines
Chaque instrument, pour être utilisé correctement, doit évidemment être découvrit, connu dans toutes ses potentialités; à chacun, d’autre part, est dû la responsabilité personnelle de décider la façon de les utiliser. Silence et parole sont moyens puissants de communication; la parole sert la relation, mais le silence aussi est au service de la relation. Ils doivent interagir avec sagesse et équilibre. La « médaille » de la relation-don de soi a deux « faces »: le silence et la parole.

Le silence et la parole: deux réalités opposées?
Ces deux mots et réalités de l’homme peuvent sembler antithétiques et, en effet, est apparemment ainsi, parce que celui qui se tait ne parle pas et, celui qui parle, ne se tait pas. Mais, fondamentalement, le silence comme la parole impliquent une réalité plus profonde et mystérieuse – l’ontologique de l’homme – et ils ne peuvent pas se définir incompatibles, parce que l’un éclaire et donne sens à l’autre. D’un point de vue d’une attitude intérieure, profonde, ils sont – alors- complémentaires.

Le silence et la vie – la parole et le désir
Alors que c’est plus facile penser à la conception de parole et l’adjoindre, naturellement, à l’idée de relation, il est plus difficile concevoir le silence comme un instrument qui conduise ou facilite un rapport interpersonnel.
La question est la suivante: est-ce que le silence peut créer, établir, un rapport, une relation? Si, comme beaucoup de personnes expérimentent, parfois même une seule parole peut mettre fin à une liaison, un rapport d’amitié, familial, etc.… nous devons penser que le silence aussi pourrait servir à créer et maintenir un rapport interpersonnel vrai. Par ailleurs, comme beaucoup de personnes savent, devant grands drames ou souffrances inexplicables et atroces (comme une maladie terminale ou une morte subite), on ne parle pas ou on parle en gardant le silence. Le silence, en ce cas, devient présence expressive et affectueuse.
Donc, un silence « loquace » et une parole « silencieuse » existent. C’est-à-dire un silence qui parle, capable de dire quelque chose et une parole muette, qui ne dit rien à celui qui écoute. Un texte de psychologie soutient que « nous sommes ce que nous disons », mais en même temps nous sommes aussi « ce que nous vivons », que « faisons », sans beaucoup de paroles.
Dire ou faire? On peut dire et faire, mais on peut aussi faire sans dire, c’est possible « construire » en silence et « démolir » en parlant. C’est la vie qui doit parler à nous-mêmes et à les autres. Quelquefois notre silence se révèle constructif, efficace et loquace plus de milles paroles.
Parfois il y a des silences qui sont paroles et paroles qui sont silence. Il arrive, quelquefois, de dire beaucoup de paroles, mais non ce que nous devons dire et, donc, même si nous parlons, c’est comme garder le silence. Il y a, au contraire, des silences pleins de paroles.
Un silence peut être une réponse – naturellement à interpréter – mais il est toujours l’expression de quelque chose qu’on veuille dire, communiquer à l’autre. En gardant le silence, quelquefois, on évite de dire ce qu’est mieux omettre et donc, en réalité, c’est possible communiquer, aussi avec une « absence » de paroles.

Ce qu’enseigne à propos la psychologie
« Savoir tenir sa langue » (Psaume 39, 2), « Garder sa propre bouche » (Psaume 141, 3), préserve de la superficialité, de l’étourderie et de l’imprudence. Nous devrions nous habituer à interposer – comme nous enseigne la psychologie – un « intervalle » entre stimulant et réponse, entre action et réaction, a fin que notre parole – verbale et intérieure – ne naisse pas de l’impulsivité ou des automatismes de l’inconscient, mais soit résultat d’un choix libre et conscient. Pour parler librement et consciemment, il faut savoir s’habituer au silence, interprété comme une disposition à l’écoute profonde de soi-même et de l’autre.

Le silence
Donc, le silence peut être l’espace qui prépare la parole. Interprété comme une fin en soi, n’aurait pas sens; ou, mieux, il agirait dans notre vie avec une valeur négative de solitude, fuite, repliement sur soi-même, vu que nous avons soutenu que l’homme est un être en relation et la parole est un moyen de relation.
Le silence, avant d’être une possibilité de réflexion (par conséquent il y a un silence avant et un silence après la parole), doit être espace pour l’écoute, capacité d’accueil, d’accueillir sans préjugés, disponibilité libre de la présomption de soi. Le silence, interprété de cette manière, peut être comparé au bon terrain cité dans l’Evangile (Luc 8, 8) capable de recevoir le germe de la parole: de la Parole de Dieu et de la parole (quelquefois un peu dénaturée) des ses semblables.
Le silence, de plus, éduque et renforce la vigilance, qu’est l’attention au vécu dans les moindres détails, capables de révéler – à un regard pénétrant – la nouveauté qui se cache même dans la monotonie, dans le quotidien banalisé mais jamais banale et qu’échappe à la majorité. Le chrétien appelle cette attitude: l’attitude contemplative. L’homme devient capable de voir l’invisible (Hébreux 11, 27).
Dans une prière très belle, Etty Hillesum écrive: « Tout arrive selon un rythme plus profond … qu’on devrait enseigner à écouter: c’est la chose plus importante qu’on puisse apprendre dans cette vie. Le silence peut ainsi être le chemin qui conduit à la profondeur. Voici pourquoi les grandes femmes et les grands hommes de l’esprit ont aimé et vécu le silence. » (Journal de Etty Hillesum, Adepti Edizioni, Milan 1985).

Différents genres de silence (positif et négatif)
Nous avons vu comme l’attitude au silence soit capable de construire une relation; même, il met décidément les fondements d’une relation, autant que la parole exprimée, interprétée comme manifestation extérieure de soi-même à l’autre. De cette façon, s’annoncent différents genres de silence, qui peuvent avoir une valeur plus ou moins négative, autant qu’il y a de moyens personnels d’interpréter auxquels est sujet le même terme.
- Le silence d’écoute est ce que nous permet d’écouter l’autre jusqu’au bout, pour comprendre ce qu’il veut dire et accueillir le message qu’il est en train de nous transmettre. Il permet à l’autre d’exprimer complètement soi-même et sa pensée, jusqu’au moment où il est interrompu pendant ses propos.
- Le silence réciproque se réalise parce qu’il n’y a pas besoin de beaucoup de paroles pour se comprendre et il se produit lorsqu’il y a une connaissance et une communion très profonde entre les deux personnes qui sont en train de communiquer.
- Le silence de charité se tait intentionnellement tout ce que peut nuire à l’autre, que ne met pas en évidence le mal, ne murmure pas.
- Le silence d’indifférence se produit lorsqu’il n’y a pas la volonté de communiquer avec l’autre, n’importe pas ce que l’autre nous dit.
- Il y a un silence offensé et irrité, qu’appartient à qui n’est pas en paix avec soi-même et avec les autres et, de cette manière, s’isole.
- Il y a un silence qu’est péché, parce qu’omet ce qu’on devrait dire ou qui peut exprimer indifférence et distance de Dieu: le silence de celui qui ne prie pas et ne communique pas avec le Créateur.
- Il y a le silence du pardon, qui se produit lorsque s’évite de souligner, reprocher, répéter continuellement les erreurs et les fautes des autres.

Le silence: don ou pénitence?
Le silence peut être un don ou une espèce de pénitence, conçue comme une amende ou comme une limitation, cela dépend de la manière de concevoir-le, de vivre-le, du contexte dans lequel nous sommes appelés à l’incarné.
C’est un don lorsqu’il devient l’espace pour rencontrer Dieu, pour communiquer avec Lui et, en Lui, avec les autres. C’est plus facile « rencontrer » le Seigneur dans ce contexte silencieux qu’au milieu de beaucoup de bruits. Dieu nous parle à travers de son silence. La contemplation est la rencontre de deux silences: le silence de Dieu et le silence de l’homme. Celui qui apprend à prier vraiment, apprend à écouter le Verbe silencieux et rencontre le Silence qu’interpelle, apprend à écouter et sait vraiment être en relation aussi avec les autres hommes.
Mais quelquefois, le silence peut être une pénitence. Il y a moments dans lesquels est difficile se taire, parce que parler devient un besoin. C’est difficile se taire lorsqu’il y a eu une incompréhension, une offense, lorsque l’autre veut avoir toujours raison et veut toujours le dernier mot sur les décisions, lorsque nous voyons attitudes fausses dans les autres, lorsque nous avons une souffrance, lorsque nous comprenons que l’autre nous mal juge.
Lorsque nous sommes capables de triompher du besoin de parler et de nous taire, le silence devient « pénitence » qui nous enseigne à dominer nos passions et qui, même avec souffrance, nous ouvre le chemin vers une forme d’ascèse qui conduit à une maturité humaine et chrétienne authentique. On expérimente, donc, une grande paix et même on domine ses pensées en les rectifiant et transformant en positives, en retrouvant l’équilibre intérieur.

Importance et risques du silence
Le silence, alors, devient prédisposition à l’écoute, à l’accueil et à la communication avec les autres et avec l’Autre. Il nous aide à éviter le mal que facilement nous pouvons commettre en parlant; mais il cache aussi des risques. Un silence peut être une contre-témoignage. En effet, il y a choses qui sont dit au bon moment et choses qui sont dit au mauvais moment.
Un autre danger est l’isolement. Celui qui se tait, n’est pas confronté aux autres, il reste avec ses idées et sa façon d’être, ne s’ouvre pas à l’altérité. Celui qui se tait, ne donne pas soi-même et, donc, s’appauvrie.

Le silence du Seigneur
Les exemples du silence de Jésus et de sa référence au silence sont très nombreux. Jésus a gardé le silence en parlant et a parlé en gardant le silence. Jésus « se tait » lorsque manifeste au Père son pardon pour les hommes. Pendant les années de son éducation humaine et spirituelle à Nazareth il ne prêchait pas comme il aurait fait ensuite, mais aussi après son annonce publique il utilisait le silence de sa vie (Luc 2, 51) pour se faire reconnaître.
Jésus choit souvent lieux solitaires dans lesquels aller pour prier (Luc 5, 16). Jésus enseigne comme faire taire les sentiments négatifs en aimant ses ennemis (Luc 6, 27). En écoutant Jésus qui parle, le monde entier se tait, ne parle pas, mais écoute (Luc 10, 39). À la question que lui pose Pilate, Jésus ne réponde rien (Luc 23, 9) ou, en différentes occurrences, il réponde sans dire ce que les autres voudraient savoir et écouter par Lui. Jésus se tait avec sa mort (Luc 23, 46) pour parler encore après la Résurrection. Jésus nous montre un exemple à imiter dans l’équilibre et le discernement au moyen desquels se doit utiliser la parole et le silence.

La Parole de Dieu
Dans les Ecritures il y a beaucoup d’exemples qu’expriment la valeur de la Parole de Dieu et les caractéristiques de la parole de l’homme. Les Livres sapientiaux traitent amplement ce sujet. En effet, nous trouvons l’invitation à écouter, accueillir, garder, méditer, pas oublier, pas s’éloigner de la Parole de Dieu et, par conséquent, ils soutiennent que les avantages qui dérivent de cette attitude de foi conduisent dès maintenant à la béatitude, à la tranquillité et à une longue vie.

La parole de l’homme
À travers les paroles, l’homme exprime soi-même, ses pensées, ses sentiments, ses opinions. Dans les Livres sapientiaux sont décrit les propos de l’homme dans ses aspects positifs et négatifs.
Comment faut-il parler? Avec prudence, sapience, science, amabilité, calme, contrôle de soi-même, sagesse, rectitude, sincérité, loyauté, gentillesse, en pesant les paroles, en freinant la bouche.
Qu’est-ce qu’on doit éviter? Il est conseillé de ne pas être arrogants, ne pas fabriquer mensonges et calomnies, ne pas parler trop, ne pas tromper, ne pas flatter, ne pas user paroles dures et piquant.

Similitudes
La parole de l’homme est positivement comparée à un arbre de la vie, à un rayon de miel; négativement à un sol glissant, à un lacet, à une épée, à la mort, à morceaux appétissants, à une blessure au cœur, à eaux profondes.

Dangers et dommages en parlant
Parler porte des conséquences qu’il faut évaluer attentivement ; les paroles peuvent aider les autres, mais ils peuvent aussi causer dommages à eux et la même chose compte pour soi-même. Facilement on peut commettre erreurs en parlant, voilà pourquoi il est nécessaire réfléchir avant de parler. Celui qui n’utilise pas avec droiture ses paroles va au-devant de la ruine, cause dommage à soi-même, devient victime des ses lèvres; il court le danger d’être égoïste, les autres peuvent répéter ce qu’ont écouté par lui et il y a le risque de révéler secrets, de trahir, de perdre la confiance. Facilement celui qui parle tombe en faute.

INTRODUCTION AUX ACTES DES APÔTRES

26 septembre, 2013

http://artsculturesetfoi-lyon.cef.fr/spip.php?article52

INTRODUCTION AUX ACTES DES APÔTRES

LA CONSTITUTION DU NOUVEAU TESTAMENT
Repères historiques, littéraires théologiques

Le nouveau testament rassemble 27 écrits disposés généralement en 4 groupes : les évangiles, les Actes des Apôtres, les lettres et l’Apocalypse. Malgré leurs genres littéraires différents, tous ces écrits ont un point commun : ils évoquent Jésus-Christ comme Sauveur et médiateur d’une « Nouvelle Alliance ». L’histoire de la rédaction et de l’élaboration du NT est contemporaine de celle de l’Eglise primitive qui découvre son Seigneur, en même temps qu’elle se développe non sans tensions il est vrai aussi bien avec le monde environnant qu’à l’intérieur d’elle –même.
 Ces écrits étaient destinés à jouer un rôle dans les communautés primitives : les aider à dire leur foi pour instruire les catéchumènes, pour contester les « opposants », pour maintenir l’unité à l’intérieur et entre les communautés, pour louer et célébrer le Christ ressuscité. Ce sont donc des écrits fonctionnels qui deviendront très vite normatifs.

Des traditions orales aux premiers recueils
 Dès les premiers temps du christianisme, de multiples petites communautés chrétiennes vont surgir en Palestine, en Syrie, en Asie Mineure ou sur le pourtour de la Méditerranée. Ces communautés auront des visages très différents mais c’est le même Seigneur que l’on célèbre. On y retrouve aussi des activités communes : l’annonce de l’Evangile, les catéchèses, la vie liturgique et le culte.

L’Evangile selon Luc et les Actes des Apôtres
 L’auteur
La plupart des spécialistes sont d’accord pour affirmer qu’un même auteur a composé l’évangile et les actes des Apôtres. Ils reconnaissent que ces deux livres vraisemblablement rédigés dans les années 80-90, s’inscrivent dans un véritable projet littéraire et théologique ; présenter l’accomplissement et le déploiement de l’œuvre salvifique de Dieu dans la continuité des deux moments que sont le temps de Jésus et le temps de l’Eglise.

Une œuvre bien construite
 L’évangile est inséparable des Actes des Apôtres, car pour Luc le temps d’Israël (temps de la Promesse), le temps de Jésus (temps de salut) et le temps de l’Eglise (temps du témoignage) forment un tout qui fait de Jésus le Centre de l’histoire. Après l’Evangile, les Actes montrent comment les Apôtres, revêtus de l’Esprit saint, sont allées annoncer Jésus-Christ, la parole de salut, jusqu’au extrémités de la terre.
Une ville importante : Jérusalem. C’est vers elle qu’est orienté l’Evangile et c’est à partir d’elle que se déploieront les Actes des Apôtre. Car, c’est à Jérusalem que s’achève l’évangile, avec la Passion, les apparitions du Ressuscité et l’Ascension et l’événement de la Pentecôte.
 Dans l’Evangile, Luc reconnaît qu’il n’a pas été témoin oculaire de la vie de Jésus mais il présente longuement la manière dont il a travaillé et le but qu’il s’est fixé. Utilisant les procédés littéraires de son temps, il dédie son œuvre à un certain Théophile. Il a fait œuvre d’historien : il a mené son enquête, ce qui suppose l’existence de récits écrits dont il a eu connaissance et qu’il a pu utiliser.
 Reprenant de manière systématique le programme missionnaire de Jésus, Luc dans les Actes des Apôtres, relève les étapes géographiques de la prédication chrétienne : à Jérusalem tout d’abord, dans la Judée et la Samarie ensuite et enfin, aux extrémités de la terre. Et son œuvre se termine avec l’arrivée de Paul à Rome.
 A la lecture de cette œuvre, on pressent que celui que l’on désigne comme Luc n’était vraisemblablement ni palestinien, ni juif. Homme cultivé, son talent d’écrivain lui permet de jongler avec différents styles de grec selon les personnages qu’il met en scène. Pour le récit de la Pentecôte, il utilise un grec pétri de sémitisme tandis que Paul, devant l’aéropage d’Athènes, prononce un discours dans un grec élégant. En d’autres endroits, il imite le grec de la Septante. Cet évangéliste semble connaître les conventions rhétoriques des historiens grecs et il possède un art éprouvé de conteur.

LES ACTES DES APOTRES
Introduction à la lecture des Actes des Apôtres

I – Structure : évangile de Luc et actes des apôtres
 L’unité littéraire du troisième évangile et des Actes des Apôtres à laquelle renvoie de manière commode, la formulation abrégée Lc–Ac, fait aujourd’hui l’objet d’un consensus parmi les spécialistes. Cette unité se repère tout d’abord dans l’architecture d’ensemble des deux volumes !
 - Chacun d’eux est précédé d’une préface, celle des Actes (Ac 1,1-3) venant faire écho à celle qui ouvre le récit évangélique à l’adresse de Théophile (Lc 1,1-4).
 - La fin de l’Evangile et le début des Actes s’enchaînent sur un savant effet de tuilage, articulant comme en diptyque, les deux volumes autour du récit de l’Ascension : le récit du départ de Jésus au ciel a la double fonction de clore le premier (le Ressuscité n’est plus présent parmi les disciples et d’ouvrir le second (les apôtres reçoivent de lui leur mission).
 La ligne de continuité tracée entre le ministère de Jésus et celui de ses apôtres constitue, pour le lecteur, une précieuse clé de compréhension, attestant que le plan de salut divin annoncé par l’Ecriture et accompli par Jésus continue de se dérouler dans l’activité missionnaire des apôtres et, au delà, de ses disciples (dont le lecteur fait partie).

II – Caractéristiques littéraires
 Pour avoir rapporté non seulement la vie de Jésus, comme les autres évangélistes, mais aussi l’histoire des origines de l’Eglise, Luc peut être désigné comme le premier historien du christianisme. Sa méthode est celle de mener des investigations complètes et sérieuses (Lc 1,3 : « après m’être informé soigneusement de tout à partir des origines ») s’inspirant du travail de ses prédécesseurs , lui-même enracinée dans ce qui fut rapporté par des témoins oculaires (1,2). Luc se rattache à la tradition historiographique gréco-romaine et à la tradition biblique, à une lecture croyante de l’histoire puisqu’il choisit de raconter les débuts modestes d’une petite communauté de croyants et qu’il témoigne, par son récit de sa foi en un Dieu qui intervient dans l’histoire des hommes pour les sauver.

Douze règles de l’historiographie antique !
 - le sujet choisi doit être noble, digne de figurer dans la mémoire d’un peuple ;
- le sujet doit être utile pour les destinataires et viser le bien commun ;
- l’auteur doit faire preuve d’indépendance d’esprit et se montrer impartial ;
- qu’il soit sans crainte, libre, ami de la franchise et de la vérité ;
- le récit doit être construit (le début et la fin en particulier) ;
- le matériau préparatoire doit être rassemblé de manière adéquate ;
- les faits doivent être soumis à un examen laborieux et pénible. Il faut que l’auteur en ait été témoin et les ait observés ; sinon qu’ils écoutent ceux qui les rapportent avec la fidélité la plus incorruptible, …
- Les informations doivent être choisies et variées ;
- Le récit doit être correctement disposé et ordonné ;
- La vivacité est requise dans la narration ;
- Ainsi que la modération dans les détails topographiques ;
- L’auteur doit composer des discours adéquats en fonction de l’orateur et de la situation rhétorique.

Luc est un écrivain de talent ; il prouve sa maîtrise du grec en faisant jouer différents registres de cette langue dans son récit. Ce style net en Luc 1,1-4 se déploie à nouveau en Ac 17 quand Paul s’adresse à la prestigieuse assemblée de l’aéropage d’Athènes. Le discours qu’il prononce constitue un brillant exemple de la culture « classique » de Luc. En revanche, c’est avec un grec rempli d’hébraïsme et de tournures empruntées à la langue de la Septante (LXX) qu’il raconte comment l’ange Gabriel est venu annoncer la naissance d’un enfant à Zacharie, représentant exemplaire, avec sa femme Elisabeth, de la foi d’Israël (Lc 1,5 –25).
 Historien et écrivain, Luc est également théologien. S’il écrit son double ouvrage avec ses exigences de vérité historique et de composition littéraire, c’est bien dans le but de conforter la foi de Théophile en lui montrant que l’histoire des hommes, traversée et dirigée par l’histoire du salut divin, est porteuse de sens : rien moins que l’accomplissement des promesses de Dieu peut se lire dans le récit des « événements qui se sont accomplis parmi nous ».

LES PAUVRES VOUS LES AUREZ TOUJOURS. MT 26,11

11 septembre, 2013

http://www.lechampdumidrash.net/ancien/articles.php?lng=fr&pg=81

DATE DE CRÉATION : 06/02/2007

POUR EN FINIR AVEC LES PAUVRES

LES PAUVRES VOUS LES AUREZ TOUJOURS. MT 26,11

Hasards de l’actualité en France : La mort de l’Abbé Pierre est survenue en même temps que la sortie du dernier roman de Jean-Christophe Ruffin: Le Parfum d’Adam. Campagne électorale aidant, l’idée d’en finir avec la pauvreté est à l’ordre du jour. Le livre de Ruffin pourrait s’appeler : la possibilité d’un chiasme. Il évoque un glissement de sens terrifiant, une inversion du sens de l’expression « la fin des pauvres ». L’ambiguïté du génitif, vous l’aurez toujours.
Selon Ruffin, l’objectif utopique mais louable d’en finir avec la pauvreté est en réalité notre agenda depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Notre utopie concrète, notre nouvelle frontière, c’est vaincre la pauvreté dans le tiers-monde. Mais voilà que l’horreur et le retournement se trament au sein d’une frange fondamentaliste de l’Ecologie qui en arrive à ce constat: si les masses du tiers-monde sortent effectivement de la pauvreté, ils adopteront notre mode de vie et cela condamnera ipso facto la planète. La conclusion, logique et terrifiante, s’impose. Il faut diminuer d’urgence le nombre des pauvres. Je ne sais pas si vous avez saisi le chiasme. Sinon, lisez le livre.

• Changeons de sujet.
On sait que le Judaïsme maintient une tension permanente entre deux registres contradictoires: celui de la Loi et celui de l’eschatologie. Dans le Judaïsme, il est toujours essentiel de savoir dans quel registre on se situe lorsqu’on traite d’un sujet quelconque.
C’est pourquoi, lorsque le Judaïsme parle des pauvres il est important de savoir dans quel registre il se situe, celui du droit ou celui de l’eschatologie, car ces registres sont diamétralement opposés.
La Bible contient nombre de dispositions en faveur des pauvres. Il s’agit de règles d’ordre juridique. Lorsque nous lisons la Bible (cela peut arriver) nous savons dans quel registre nous sommes: en général c’est celui de la Loi.
En revanche, lorsque nous lisons des textes midrashiques, nous devons comprendre que nous sommes dans un espace mental qui est celui de l’eschatologie. C’est, si l’on peut-dire un espace non-euclidien. Il possède ses propres caractéristiques qui font fi de l’histoire, du principe de non contradiction etc…Le projet de cette revue est d’ailleurs de faire la topologie de cet espace, du champ du midrash.
Lorsque le midrash traite des pauvres, nous ne sommes plus dans l’espace du juridique, mais dans un espace très particulier dans lequel il n’est pas sûr du tout que cette notion de pauvres ait quelque chose à voir avec l’économie, même politique.
On trouve en effet dans le midrash des expressions telles que:
• eyn ‘aniyim ela…. Il n’est de pauvres qu’en référence à… (aux bonnes actions, etc.)
• Voici ce qui est écrit : « Il relève (meqim) le pauvre de la poussière » (1S 2,8). Il s’agit d’Israël qui fut plongé dans la boue et les briques en Egypte
• Le verset « Yahvé écoute les malheureux » se rapporte à Israël, En effet, Rabbi YoHanan a dit : Chaque fois qu’il est question de pauvre, de misérable et de malheureux, c’est d’Israël que l’Écriture veut parler.
La pauvreté est une image du manque absolu, de l’épreuve et du comble. La pauvreté est une épreuve nécessaire avant le salut qu’elle annonce.
La question que nous voudrions commencer à traiter ici est la suivante:
La représentation occidentale des « pauvres » a été profondément marquée par l’empreinte du texte évangélique. Or ce texte est de nature midrashique. Il s’ensuit que notre conception des pauvres serait d’emblée marquée par l’eschatologie.
Cela est inévitable. Le messianisme chrétien des origines a voulu textuellement accomplir la loi, c’est-à-dire la dépasser, ce qui est logique pour une pensée juive qui entend se situer à la fin des temps. Le messie: relève de la Loi, mais au sens où on relève une garnison.
Le texte évangélique nous dit pourtant lui-même qu’il est un midrash. On sait qu’il le fait en mentionnant des expressions comme beruaH (en esprit, c’est-à-dire par midrash). Matthieu 5,3 prend bien soin de nous indiquer :
heureux les pauvres en esprit (les pauvres au sens midrashique).
Nous lisons pourtant aujourd’hui les Evangiles comme s’ils nous parlaient de pauvreté au sens économique, alors qu’ils font des pauvres un agent de l’eschatologie.

• Purim et l’utopie.
Prenons un exemple tiré de la tradition juive. On sait que le sens de la fête juive de Purim est eschatologique de part en part. Nous savons donc dans quel registre nous sommes. Lorsque nous lisons qu’à Purim un endeuillé doit se réjouir, nous savons qu’il n’y a là rien qui soit de l’ordre du juridique.
De même: A Purim celui qui commet un dommage n’est pas tenu de le réparer (autrement dit le code civil qui repose tout entier sur ce principe n’est plus valide, une paille.)
Enfin: notenim tsedaqa lekol poshet yado: on donne à toute personne qui tend la main. Essayez d’appliquer ce principe à la lettre, vous verrez que c’est assez difficile. Nous comprenons que nous sommes là en plein symbolisme. On commémore paradoxalement ici un événement à venir: la fin des temps. Purim est donc une parenthèse, une exception, une utopie au sens courant du terme. Personne n’aurait l’idée de se fonder sur les symboles eschatologiques pour réguler la vie quotidienne ou la société. Mais comme on n’est jamais trop prudent, le Talmud prend soin régulièrement de mettre en garde le lecteur: On n’infère pas une règle juridique d’une tradition orale (même prophétique): divre tora midivre qabala lo yalfinan (Hagiga 10b)

• La Boussole.
L’eschatologie n’apporte aucune réponse aux questions pratiques ou sociales. Il n’est donc pas possible de s’appuyer sur des péricopes évangéliques pour espérer disposer d’une boussole en ce domaine.
L’eschatologie juive, reprise intégralement dans les Evangiles, apporte certes un sens global à l’histoire d’Israël, mais elle ne répond pas aux questions sociales, économiques et morales qui relèvent, elles, de la loi, de la halakha, ni aux questions relatives à la guerre et à la paix.
Chacun peut vérifier que les Evangiles n’ont jamais apporté de réponse utilisable en matière de torture, d’esclavage, de peine de mort, etc. Par exemple au moment de la colonisation, les Evangiles n’ont pas fourni de boussole. Aux Etats-Unis, on peut être pentecôtiste et esclavagiste, voire membre du Ku-Klux-Klan. Le génocide du Rwanda a montré que la boussole évangélique n’a pas aidé les Eglises de ces pays, fortement compromises dans le génocide. En Haïti, le prêtre Jean-Bertrand Aristide n’a pas non plus bénéficié de la boussole évangélique. En Colombie, un autre prêtre, le curé Perez a dirigé la guérilla de l’E.L.N. qui pratique le racket (pardon, l’impôt révolutionnaire) les enlèvements, le narco-trafic, tout cela n’étant que la « conséquence de la pauvreté ».
La lecture naïve des Evangiles induit une lecture eschatologique de la pauvreté et aboutit à déifier les pauvres. Elle serait au fondement du populisme. Le pouvoir du peuple de Dieu devient alors absolu. Mais le peuple ne pouvant l’exercer directement, c’est son représentant (Aristide, Chavez) qui tend alors inévitablement à devenir un dictateur. Le passage de la théologie à la dictature passe par le populisme. C’est un processus paradoxal où l’identification du peuple au leader charismatique est d’autant plus grande qu’il se trouve complètement écarté de l’exercice de la souveraineté. Il se trouve séparé du pouvoir qui émane de lui parce que ce pouvoir se veut uni. Il n’accepte aucune séparation des pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire, médiatique) et ne tolère pas les institutions indépendantes. Ce culte de l’unité viendrait sans doute aussi du Christianisme: l’Eglise doit être unie dans le Christ, tout royaume divisé contre lui-même etc. La théologie tend donc à déifier le « peuple » .
Le remplacement progressif de l’idée de providence par celle de progrès signalait un recul de l’eschatologie. Il s’ensuit que la moindre défaillance dans la croyance au progrès, réactive le vieux fond de l’eschatologie. Or la lutte contre la pauvreté apparaît aujourd’hui comme un échec. Elle avait été déléguée depuis la fin de la seconde guerre mondiale aux économistes. La crise économique a d’abord été la crise de la science économique. Cet échec a contribué à affaiblir la croyance dans la science et dans le progrès en général. Les premiers succès d’après-guerre avaient rendu presque tangible la victoire contre la pauvreté. Avec l’installation du chômage de masse et de la pauvreté, c’est l’idée d’utopie elle-même qui entre en crise. Or l’utopie, même si elle est dangereuse, reste le dernier rempart contre les bouffées eschatologiques du type millénaristes. L’utopie est une manifestation encore contrôlable de l’eschatologie.
Un autre déclencheur de schémas eschatologiques est, on le sait, l’idée d’indifférenciation, or la mondialisation est venue renforcer se sentiment. Comme si cela ne suffisait pas, la crise écologique risque de donner le coup de grâce à l’idée même de progrès. Nous risquons alors de voir certains groupes, comme dans le roman de Ruffin, verser dans une sorte de délire anti-pauvres, tandis que d’autres à l’inverse vont monter d’un cran dans l’exaltation et même la déification des pauvres. C’est pourquoi il est urgent que les politiques avancent un discours rationnel sur la pauvreté qui soit exempt, si c’est encore possible, de toute eschatologie.

MERCREDI 11 SEPTEMBRE 2013 – HOMÉLIE- MESSE – (LES BÉATITUDES)

11 septembre, 2013

http://www.homelies.fr/homelie,,3586.html

FÉRIE – MERCREDI 11 SEPTEMBRE 2013

FAMILLE DE SAINT JOSEPH

HOMÉLIE- MESSE – (LES BÉATITUDES)

(Évangile Lc 6, 20-26)

Les Béatitudes sont la charte de ceux qui sont « morts avec le Christ » et « ressuscités avec lui » (1ère lect.) à la vie nouvelle de l’Esprit : « Par le baptême vous avez été mis au tombeau avec lui. Avec lui vous avez été ressuscités parce que vous avez cru en la force de Dieu qui a ressuscité le Christ d’entre les morts » (Col 2, 12). Si nous avons été mis au tombeau c’est que nous étions morts ; non pas physiquement mais spirituellement : « Vous étiez des morts parce que vous aviez péché ». Si nous sommes ressuscités c’est donc que « Dieu nous a donné la vie avec le Christ : il nous a pardonné tous nos péchés » (Col 2, 13). D’où l’invitation insistante de Paul à entrer dans le combat spirituel afin de ne pas déchoir de la grâce et retomber dans le péché : « Recherchez donc les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu. Tendez vers les réalités d’en haut et non pas vers celles de la terre » (1ère lect.).
Nous retrouvons la même tension dans les Béatitudes, que nous pouvons fort bien articuler avec la première lecture : « Malheureux vous les riches, vous qui êtes repus et qui riez » ; vous qui vous complaisez dans « la débauche, l’impureté, les passions, les désirs mauvais » ; vous qui vous laissez dominer par votre « appétit de jouissances » terrestres jusqu’à en oublier le respect, l’obéissance, et l’honneur qui reviennent à Dieu. Oui, malheureux les hommes charnels : « leur dieu c’est leur ventre et ils mettent leur gloire dans ce qui fait leur honte ; ils ne tendent que vers les choses de la terre et ils vivent en ennemis de la croix du Christ. Ils vont tous à leur perte, je le redis en pleurant » (Ph 3, 18-19).
Mais malheureux aussi les hommes psychiques qui mettent tous leurs efforts à entretenir leur vaine gloire et cherchent à tout prix les louanges des hommes, fût-ce au prix de mensonges. Ils n’hésitent pas à recourir à la « méchanceté, aux insultes, aux propos grossiers » ; à la médisance et à la calomnie pour asseoir leur suprématie et obtenir que « tous les hommes disent du bien d’eux ». Leur douceur et leur humilité apparentes ne sont que de façade : il suffit de les contredire ou de leur résister pour qu’ils s’emportent et laissent éclater leur colère. Pas plus que les hommes charnels, qui s’adonnent à « la débauche, l’impureté, l’obscénité, l’idolâtrie, la sorcellerie, les beuveries, la gloutonnerie », les hommes psychiques n’entreront pas dans le Royaume : « haine, querelles, jalousie, colère, envies, divisions, sectarisme, rivalités et autres choses du même genre : ceux qui agissent de cette manière ne recevront pas en héritage le Royaume de Dieu » (Ga 5, 19-21).
Nous sommes avertis : « voilà ce qui provoque la colère de Dieu » et qu’il nous faut « faire mourir » ; car une vie dans le désordre trahit que nous appartenons encore à la terre alors que par le baptême « notre vie devrait rester cachée avec le Christ en Dieu » (1ère lect.). En attendant que « paraisse le Christ », et en attendant de « paraître avec lui en pleine gloire », ceux qui veulent demeurer « enracinés en lui et construire leur vie sur lui » (Col 2, 7), auront à séjourner en étrangers sur cette terre. Si Jésus les déclare bienheureux ce n’est pas parce qu’ils sont pauvres, affamés et qu’ils pleurent ; mais parce que cette détresse, qui témoigne de leur aspiration à une autre patrie, se transformera en joie. De même, ce n’est pas la haine, l’exclusion, l’insulte, le mépris, que subissent les croyants, qui honorent le Seigneur, mais la fidélité à son Nom – « à cause du Fils de l’homme » – et la communion à son sort. Car la constance dans les persécutions témoignent que le croyant s’est « débarrassé des agissements de l’homme ancien et a revêtu l’homme nouveau, celui que le Créateur refait toujours neuf à son image pour le conduire à la vraie connaissance » (1ère lect.).

« Seigneur, au milieu des multiples sollicitations de ce monde, apprends-nous à garder les yeux fixés sur toi. Donne-nous ton Esprit, que nous puissions reconnaître les pièges de l’Ennemi et renoncer à nos complicités avec ses séductions. Accorde-nous ta patience, ton humilité et ta douceur pour traverser les épreuves de la vie dans la paix, les yeux fixés sur toi qui es la source et le terme de notre appel (cf. Ep 4, 4). »
Père Joseph-Marie

« JE SAIS EN QUI J’AI CRU. » (SAINT PAUL À TIMOTHÉE, 11, 1 V. 12)

10 septembre, 2013

http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Besson/Articles3/doctrine.htm

LA DOCTRINE ET LA VIE

 « JE SAIS EN QUI J’AI CRU. » (SAINT PAUL À TIMOTHÉE, 11, 1 V. 12)

Combien de gens donneraient beaucoup pour pouvoir prendre à leur compte une telle profession de foi ! Il y a peut-être parmi nous des coeurs désagrégés par le doute qui gardent néanmoins la nostalgie de la certitude, et aussi des coeurs croyants mais qui se demandent si les fondements de leur foi subsistent fermes. Que d’êtres se tournent vers les croyants du passé, en leur disant, dans la souffrance de leur âme : « Vous étiez heureux ; saint Paul était heureux de pouvoir dire : je sais en qui j’ai cru ! ».
Eh bien ! ce bonheur, ce bonheur de la certitude, il est à la portée de tout être de bonne volonté.
Le premier point est de connaître le Christ, de bien savoir quel Il est, ce qu’Il a fait, ce qu’Il a dit. Et puis, Lui donner notre foi.
Tout ce que nous pouvons connaître du Christ se trouve écrit dans les Evangiles.
Or les Evangiles n’ont pas été écrits pour raconter une belle histoire ni pour donner au monde des leçons de sociologie on des thèmes de méditation. Les quatre évangélistes et en, particulier saint Jean ont exprimé de la façon la plus nette l’intention qui a présidé à la rédaction des Evangiles. «Ils ont été écrits afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu et que, le croyant, vous ayez la vie en Son nom » (Jean XX, 31).
Saint Jean déclare que son Evangile est loin de contenir le récit complet de tout ce que le Christ a dit et accompli, mais que les faits qu’il rapporte suffisent pour créer et pour développer cette foi au Christ, le Fils de Dieu, qui a été toute sa propre vie.
Ainsi donc le but des évangélistes n’est pas la connaissance mais la foi et, par la foi, la vie. Les évangélistes ne sont pas des philosophes mais des témoins et leur témoignage doit amener un grand nombre d’êtres à cette foi et à cette vie.
Or que disent les Evangiles ?
Ils disent avec toute la précision possible que le Christ, en venant sur la terre, a voulu non pas enseigner une philosophie ou une doctrine, non pas former une assemblée de contemplatifs ou de savants, mais qu’Il a voulu réunir autour de Lui non pas des êtres qui penseraient d’une certaine façon, mais des êtres qui vivraient d’une certaine façon, des êtres qui vivraient d’une vie dont Lui-même a incarné le modèle. « Je vous ai donné un exemple afin que vous fassiez comme je vous ai fait ». « Si quelqu’un veut marcher sur mes traces, qu’il renonce à lui même, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive ». « Le serviteur n’est pas plus grand que son maître ». « La Loi et les prophètes se résument en ce double commandement : Aimer Dieu de tout son coeur et aimer le prochain comme soi-même ». « C’est ici mon commandement : aimez-vous les uns les autres ».
Tout ceci est parfaitement clair. Chacun quelle que soit son évolution, peux le comprendre, donc en faire sa règle de conduite, à lui. Car c’est cela la chose importante : prendre l’Evangile comme notre ligne de conduite, comme l’inspiration de notre vie.
Et l’oeuvre des croyants du passé, qui ont consigné par écrit leur foi, leur expérience spirituelle, est bénie parce qu’elle nous aide à approfondir la nôtre, à la mieux traduire dans nos actes.
Mais les croyants de tous les temps, qui ont voulu exprimer leur foi en Dieu, leur foi au Christ, se sont trouvés, eux créatures relatives, devant un absolu. Or, aucune parole humaine, aucune connaissance humaine ne peut appréhender l’Absolu. Pourtant il faut bien que les hommes expriment leur foi, leur pensée, leur amour. Et ils le font ; mais il est certain que chacun l’énonce comme il peut, selon ses facultés, selon sa propre compréhension, selon ses expériences, dans la mesure où il a reçu l’inspiration de Dieu ; par conséquent il est certain que les formules idéologiques dont l’ensemble constitue la théologie appartiennent au monde de la diversité. La théologie d’Origène n’est pas la théologie de saint Irénée, la théologie de saint Augustin n’est pas la théologie de saint Clément d’Alexandrie, la théologie de saint thomas d’Aquin n’est pas la théologie de saint jean Chrysostome – et il est bien probable que jamais les hommes ne se mettront d’accord sur une théologie.
Ici, il est capital de ne pas commettre d’erreur. La théologie est un chose, la vie chrétienne est
une autre chose; la connaissance du Christ est une chose, la vie en Christ est une autre chose. Ce n’est pas l’adhésion à une profession de foi, si orthodoxe soit-elle, qui fera de nous des disciples du Christ; ce n’est pas la ferveur de nos discours ou de nos cantiques, c’est l’amour que nous avons pour le prochain, c’est-à-dire pour tous les êtres. Le Christ l’a dit : « On vous reconnaîtra pour mes disciples si vous vous aimez les uns les autres ».
Ici plus de séparation entre les êtres; les hommes se rencontrent et communient. La théologie des théo­logiens est dans le relatif; la théologie de Bellarmin n’est pas la théologie de Luther; mais la sainteté des saints est dans l’absolu ; la sainteté de saint Etienne, le premier martyr, est la soeur de la sain­teté de saint François d’Assise et du Curé d’Ars.
La doctrine et la vie. – Ce n’est pas par des doctrines toujours mouvantes et toujours inadéquates – comment (les doctrines construites par des hommes exprimeraient-elles l’Indicible, l’Absolu ? -que le monde sera sauvé. « Dieu est amour et celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu et Dieu demeure en lui ». C’est par l’amour que le monde sera sauvé.
La doctrine et la vie. – Sédir, redisant la parole du Christ : « Si vous ne devenez pas semblables aux tout petits, vous n’entrerez pas dans le Royaume de mon Père », ajoutait que l’enfant, en face de sa mère, ne demande pas des papiers d’état-civil avant de l’embrasser, il se jette dans ses bras.
Les apôtres étaient des simples, des ignorants; ils s’exprimaient mal, mais ils aimaient et ils servaient le prochain pour l’amour du Christ et leur parole allait jusqu’au fond des coeurs; et ce sont eux qui ont conquis le monde.
C’est très bien d’avoir des croyances correctes, mais c’est mieux d’avoir une vie correcte. C’est très bien de chanter les louanges du Christ glorifié, mais c’est mieux de se pencher sur le Christ souffrant dans la personne de tous ceux qui souffrent. C’est très bien de se dire disciple du Crucifié, mais c’est mieux de porter la Croix dans son coeur et de s’en aller, sur les pas du Christ, « chercher et sauver ce qui était perdu ».
En résumé, la théologie a une grande importance. Elle indique le chemin. Mais la chose capitale, c’est de suivre le chemin. Or, ceux-là seuls sont des disciples du Christ qui s’engagent dans une ascension continue vers le sommet de la Montagne où les appelle ler Maître.
Par l’intelligence on raisonne sur Dieu, par le coeur on s’unit à Dieu.

Emile BESSON janvier 67

DIMANCHE 25 AOÛT – DEUXIEME LECTURE : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT

23 août, 2013

http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut.html

DIMANCHE 25 AOÛT : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT

DEUXIEME LECTURE – Hébreux 12, 5-7. 11-13

Frères,
5 n’oubliez pas cette parole de réconfort, 
 qui vous est adressée comme à des fils : 
 Mon fils, ne néglige pas les leçons du Seigneur, 
 ne te décourage pas quand il te fait des reproches.
6 Quand le Seigneur aime quelqu’un,
 il lui donne de bonnes leçons ; 
 il corrige tous ceux qu’il reconnaît comme ses fils.
7 Ce que vous endurez est une leçon. 
 Dieu se comporte envers vous comme envers des fils ; 
 et quel est le fils auquel son père ne donne pas des leçons ?
11 Quand on vient de recevoir une leçon, 
 on ne se sent pas joyeux, mais plutôt triste. 
 Par contre, quand on s’est repris grâce à la leçon, 
 plus tard, on trouve la paix et l’on devient juste.
12 C’est pourquoi il est écrit : 
 Redonnez de la vigueur aux mains défaillantes 
 et aux genoux qui fléchissent.
13 Et : Nivelez la piste pour y marcher. 
 Ainsi, celui qui boite ne se tordra pas le pied ; 
 bien plus, il sera guéri.

On sait, d’après les chapitres précédents de cette lettre que les destinataires ont déjà beaucoup souffert pour leur foi : « Souvenez-vous de vos débuts : à peine aviez-vous reçu la lumière (le Baptême) que vous avez enduré un lourd et douloureux combat : ici donnés en spectacle sous les injures et les persécutions ; là, devenus solidaires de ceux qui subissaient de tels traitements. Et, en effet, vous avez pris part à la souffrance des prisonniers et vous avez accepté avec joie la spoliation de vos biens, vous sachant en possession d’une fortune meilleure et durable. » (He 10, 32-34).
 L’auteur de la lettre aux Hébreux cherche donc à redonner du courage à ces premiers Chrétiens qui traversent une période de persécution ; ici, il le dit clairement : « Frères, n’oubliez pas cette parole de réconfort. » Et, pour les réconforter, que fait-il ? Ce que fait tout croyant, de son temps : il se replonge dans les paroles de l’Ancien Testament. Il se rappelle, entre autres ce que disait le prophète Isaïe à ses compatriotes dans une période terrible, celle de l’Exil à Babylone : « Redonnez de la vigueur aux mains défaillantes et aux genoux qui fléchissent ». Et tout le monde connaissait la suite : la promesse du salut, d’abord, c’est-à-dire bien concrètement du retour au pays, et ensuite, l’accomplissement de cette promesse, c’est-à-dire ce retour précisément. En citant le grand prophète de l’Exil, l’auteur de la lettre aux Hébreux veut probablement suggérer ici que les Chrétiens en butte à la persécution sont eux aussi, de quelque manière en exil.
 Deuxième manière de réconforter ses frères, le prédicateur aborde le délicat problème de la souffrance. Non pas pour la justifier, ni pour l’expliquer, mais pour les inviter à lui donner un sens. La Bible a toujours soutenu que la souffrance est un mal, mais qu’elle peut devenir un chemin : parce qu’elle est une épreuve pour la foi, elle peut faire grandir la foi. Le croyant sait que quoi qu’il arrive, Dieu est silencieux, peut-être, mais il n’est ni sourd ni indifférent ; au contraire, il accompagne chacun de nos pas sur ce dur chemin. De ce mal, nous pouvons sortir grandis, avec l’aide de Dieu. C’est dans ce sens-là que l’on peut comprendre, je crois, la phrase : « Ce que vous endurez est une leçon. » Et là, notre auteur s’inspire d’un autre livre de la Bible, le livre des Proverbes : « Ne rejette pas, mon fils, l’éducation du SEIGNEUR, et ne te lasse pas de ses avis. Car le SEIGNEUR réprimande celui qu’il aime tout comme un père (réprimande) le fils qu’il chérit. » (Pr 3, 11-12).
 Pour les premiers Chrétiens, ce thème était familier car ils connaissaient bien le livre du Deutéronome qui comparait Dieu à un pédagogue qui accompagne au jour le jour la croissance de ceux qu’il éduque : « Tu te souviendras de toute la route que le SEIGNEUR ton Dieu t’a fait parcourir depuis quarante ans dans le désert, afin de te mettre dans la pauvreté ; ainsi il t’éprouvait pour connaître ce qu’il y avait dans ton coeur et savoir si tu allais, oui ou non, observer ses commandements. Il t’a mis dans la pauvreté, il t’a fait avoir faim et il t’a donné à manger la manne que ni toi ni tes pères ne connaissiez, pour te faire reconnaître que l’homme ne vit pas de pain seulement, mais qu’il vit de tout ce qui sort de la bouche du SEIGNEUR … et tu reconnais, à la réflexion, que le SEIGNEUR ton Dieu faisait ton éducation comme un homme fait celle de son fils. » (Dt 8, 2-5).
 Lorsqu’elle est vécue ainsi dans la confiance en Dieu, notre souffrance peut devenir pour ceux qui nous regardent un lieu de témoignage de notre espérance et de la paix intérieure que donne l’Esprit. La première lettre de Pierre est très éclairante à ce sujet : il compare la persécution à la fournaise d’un orfèvre : « Il faut que, pour un peu de temps, vous soyez affligés par diverses épreuves, afin que la valeur éprouvée de votre foi – beaucoup plus précieuse que l’or périssable qui pourtant est éprouvé par le feu – provoque louange, gloire et honneur lors de la révélation de Jésus-Christ. » (1 P 1, 6-7). Un peu plus loin, il en déduit : « Bien-aimés, ne trouvez pas étrange d’être dans la fournaise de l’épreuve, comme s’il vous arrivait quelque chose d’anormal. Mais, dans la mesure où vous avez part aux souffrances du Christ, réjouissez-vous, afin que, lors de la révélation de sa gloire, vous soyez aussi dans la joie et l’allégresse. » (1 P 4, 12-13).
 La souffrance peut donc devenir une école ; celle où nous apprenons à vivre dans l’Esprit, quoi qu’il arrive ; c’est Pierre qui dit : « Si l’on vous outrage pour le nom du Christ, heureux êtes-vous, car l’Esprit de gloire, l’Esprit de Dieu repose sur vous. » (1 P 4, 14). Et Paul, qui sait, lui aussi, de quoi il parle, dit dans la lettre aux Romains : « La détresse produit la persévérance, la persévérance la fidélité éprouvée, la fidélité éprouvée l’espérance ; et l’espérance ne trompe pas, car l’amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné. » (Rm 5, 3-4). Encore une fois, ce n’est pas la souffrance en elle-même qui est bonne ou qui serait voulue par Dieu ; mais elle fait partie de notre condition humaine : Dieu nous confie l’honneur et la responsabilité du témoignage de la foi ; si la persécution fait partie, malheureusement, du parcours chrétien, ce n’est pas que Dieu l’ait voulu, c’est le fait des hommes. Quand Jésus dit « Il faut que le Fils de l’homme souffre », il ne s’agit évidemment pas d’une exigence de Dieu, mais de la triste réalité de l’opposition des hommes. Comme disait Paul aux premières communautés d’Asie Mineure, elles aussi en butte à la persécution : « Il nous faut passer par beaucoup de détresses pour entrer dans le Royaume de Dieu. » (Ac 14, 22).

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