Archive pour la catégorie 'Noël 2009 (du Avent jusqu’à après Noël)'

1er Dimanche de l’Avent. Année C

27 novembre, 2009

du site:

http://www.spiritualite2000.com/Archives/parole/Cycle_C/avent1-c.htm

1er Dimanche de l’Avent. Année C

Vigilance

par Jacques Sylvestre, o.p.

——————————————————————————–

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (21,25-28, 34-36)
«Jésus parlait à ses disciples de sa venue : «Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles. Sur terre, les nations seront affolées par le fracas de la mer et de la tempête. Les hommes mourront de peur dans la crainte des malheurs arrivant sur le monde, car les puissances des cieux seront ébranlées. Alors, on verra le Fils de l’homme venir dans la nuée, avec grande puissance et grande gloire. Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche.

«Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre coeur ne s’alourdisse dans la débauche, l’ivrognerie et les soucis de la vie, et que ce jour-là ne tombe sur vous à l’improviste. Comme un filet, il s’abattra sur tous les hommes de la terre. Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous serez jugés dignes d’échapper à tout ce qui doit arriver et de paraître debout devant le Fils de l »homme.»

——————————————————————————–
Commentaire

Dans les versets précédents, l’évangéliste Luc énumérait quelques épisodes dont il devait être       témoin. Ici, son regard quitte ces perspectives historiques pour se porter vers la Fin des temps annoncée en signes cosmiques. Ces signes sont, dans les apocalypses, le décor classique du jugement final. Ils proviennent des tableaux prophétiques de la victoire de Dieu sur les mauvais anges et les divinités d’Assur et de Babylone. Mais, en vrai, ni l’auteur ni même Jésus ne pensent à un réel combat contre les dieux païens ; ce sont de vieilles images de la tradition exprimant tout simplement une intervention définitive de Dieu sur un monde qu’il veut libérer de tout mal. «Je vis un ciel nouveau, une terre nouvelle. Et je vis la Cité sainte, la Jérusalem nouvelle, qui descendait du ciel de chez Dieu ; elle s’était faite belle, comme une jeune mariée parée pour son époux. J’entendis alors une voix clamer, du trône : « Voici le demeure de Dieu avec les hommes. Il aura sa demeure avec eux ; ils seront son peuple et lui, Dieu-avec-eux  sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux ; de mort, il n’y en aura plus ; de pleur, de cri et de peine, il n’y en aura plus, car l’ancien monde s’en est allé ».(Apocalypse 21:1-4)

Dans les apocalypses juives, révélations concernant la fin des temps, on trouvait une série d’épisodes complexes : résurrection, jugement, salut des élus, châtiment des méchants et l’établissement d’un monde nouveau, la Jérusalem céleste.  Ici tout est condensé dans l’événement triomphal : la venue du Fils de l’homme, l’annonce qui en est faite et  un appel à l’espérance, car malgré  l’aspect  redoutable de tous ces événements, les fidèles de Jésus n’ont rien à craindre, ces événements  manifestent la victoire et la domination  de leur Maître, leur délivrance. La condition est qu’il soient vigilants.

Vigilance, amour et joie
La vigilance doit nous habiter, enseignait saint Grégoire, et elle serait bien médiocre et fragile si elle n’était habitée que par la crainte ou la peur de voir s’écrouler un jour ce monde visible dans lequel nous vivons. « Pleurer à cause de la destruction du monde est le propre de ceux qui ont enfoncé les racines de leur coeur dans l’amour de ce monde et qui ne recherchent pas la vie qui doit venir après et n’en soupçonnent même pas l’existence »… (1ère homélie sur les évangiles).

Également indigne d’un coeur fidèle, qui ne se maintiendrait en éveil que par crainte du face à face avec le Christ. (saint Augustin : Sur le psaume 47.1). « Nous l’aimons, mais nous craignons qu’il vienne ! L’aimons-nous vraiment ? » (S. Augustin, Psaume 95.14).  Seul l’amour et le désir du Christ peuvent nous garder vigilants. « Je veux vous voir exempts de soucis », écrivait Paul aux Corinthiens (1:7,32)

La vigilance du Chrétien est la vigilance du coeur qui aime, du coeur dont l’amour et le désir souhaitent ardemment la venue du Règne de Dieu. Elle implique également la liberté du coeur, la libération de tout souci. La mesure de notre désir de la venue du Christ est la mesure de notre amour réel pour lui, Nous serons d’autant plus vigilants que notre désir de le voir sera plus grand et que notre Amour pour lui sera vrai. Ainsi, loin d’être source de crainte, la venue du Seigneur sera une cause de joie dans le coeur du fidèle. Seul l’« ami du monde » ne peut se réjouir de voir approcher la fin du monde, la fin de ce monde.

Ne pas être absents de ce monde.
Qu’impliquent à vrai dire ces fondements et caractères de la vigilance chrétienne, et ce, dans notre vie quotidienne ? Le danger ne serait-il pas, que tourné vers l’événement qui peut d’un moment à l’autre abolir notre univers, de provoquer un oubli de cette terre et de sa vie de chaque jour ? Certains ont tiré semblables conclusions des paroles du Christ. La seconde lettre de Paul aux Thessaloniciens constitue comme une mise en garde aux frères et aux soeurs « qui se laissent agiter l’esprit et alarmer par des paroles prophétiques, des propos ou des lettres données comme venant de nous et qui feraient penser que le Jour de Seigneur est déjà là ».  Il ajoutait : « Nous vous prescrivons au nom du Seigneur Jésus Christ de vous tenir à distance de tout frère qui vit dans l’oisiveté et ne se conforme pas à la tradition que vous avez reçue de nous »:La pensée de la venue du Christ ne doit pas pousser les chrétiens vers le désert ni les retirer du monde. Désirer la venue du Christ, s’est concrètement obéir à ses commandements, oublier le vieil homme pour nous tourner résolument vers les biens promis par le Christ.

Demeurer éveillé, être vigilant, enseignait s. Grégoire (13e homélie sur les évangiles) exige à la fois de contempler la vérité et d’agir courageusement sans jamais se lasser. « Celui qui veille, c’est celui qui par ses oeuvres garde ce qu’il croit ; celui qui veille, c’est celui qui repousse loin de lui les ténèbres de la torpeur et de la négligence ». Il ajoutait :« Frères très chers, appliquez-vous de toutes vos forces à penser à ce jour ; amendez vos vies, changez vos moeurs, résistez aux maux qui vous tentent, remportez  la victoire, expiez par vos larmes les péchés ceux que vous avez commis»(1ère homélie sur évangiles).

Une autre parabole des évangiles décrit l’attitude de la vigilance recommandée en ce temps de l’Avent : le fidèle serviteur qui attend le retour de son maître. Il sait qu’il devra rendre compte des biens que le Maître lui a confiés, aussi demeure-t-il dans une vigilante attente et met tout son zèle à bien administrer les biens qu’il lui a laissés en gérance.  « Administre comme il faut ce que tu as reçu mission  de Dieu d’administrer et de dispenser. Des richesses t’ont été confiées, administre-les bien. L’enseignement de la parole t’a été confié ? Dispense-le bien. Tu peux te gagner les âmes de ceux qui t’écoutent. Fais-le avec diligence. Nombreuses sont les formes d’une saine administration». (15e catéchèse de s.Cyrille).

C’est Jean Chrysostome qui enseignait :« Celui qui administre les biens de l’Église, ne peut dépenser au hasard et selon ses caprices car ce qu’il a reçu de vous, vous l’avez donné pour l’entretien des pauvres. Vous ne pouvez davantage user ainsi pour vous-mêmes de vos biens. Tout ce que vous possédez vous aurait-il été transmis par vos ancêtres, tout cependant appartient à Dieu… Écoutons donc, nous tous qui nous livrons aux plaisirs de la table, qui dépensons en repas somptueux un argent qui n’est pas à nous, mais aux pauvres. N’allez pas vous imaginez qu’il est à vous parce que la miséricorde, dans ses inépuisables inventions, vous a prescrit d’en fait part aux autres comme si c’était une chose qui vous appartenait » (77e homélie).

C’est dire avec tous ces enseignements de nos Pères dans la foi que, comme chrétien, nous ne pouvons vivre l’attente de la divine rencontre en oubliant notre engagement terrestre.  Nous vivons dans un monde dont nous sommes comptables et au milieu des hommes dont nous sommes responsables. Voilà ce que veut dire en somme être vigilants dans la vérité, la paix et l’amour.

Introduction à l’Avent

27 novembre, 2009

du site:

http://www.portstnicolas.org/introduction-a-l-avent.html

Introduction à l’Avent

1. L’Avent déformé – Un recentrage à faire
Pâques est la fête centrale de la liturgie, avec sa préparation, le Carême, et son extension, le Temps pascal. Assez vite cependant un deuxième cycle, de moindre importance bien sûr, se forma autour de Noël-Épiphanie, avec une préparation analogue, l’Avent, du latin adventus : la venue, l’arrivée – connotée de gloire, de joyeuse entrée. La place centrale de Pâques n’est pas évidente pour tous, car la fête de Noël est plus populaire, surtout dans les régions nordiques. Elle parle davantage au sentiment. Mais il ne faudrait jamais oublier que la crèche n’est que l’étape préparatoire au grand événement sauveur qu’est la mort du Christ en croix et sa résurrection glorieuse.

Cette première étape vers Pâques, la voici donc devant nous. Avant la grande ascension, voici la première montée, l’Avent.

Un deuxième recentrage est à faire, cette fois-ci pour le cycle de Noël lui-même. Beaucoup célèbrent ce temps dans le simple souvenir d’un événement qui, pour eux, est littéralement du passé. Ils condamnent ainsi Noël et sa préparation à l’insignifiance. Car enfin, que faut-il attendre alors et préparer ? Tout au plus une fête de famille, un Noël pour enfants : poupon sur paille fraîche, bergers et moutons, mages et dromadaires – avec, pour les adultes, une larme au souvenir de leur propre enfance (encore du passé !).

Or la naissance de Jésus a, non seulement laissé des traces (sans elle il n’y aurait pas d’Église chrÉtienne), mais elle veut agir dans notre aujourd’hui. Pour la simple raison que la liturgie actualise Jésus pour nous, le fait entrer dans notre vie et dans notre temps. Il nous faut donc réaliser la paix, la réconciliation dont la liturgie de l’Avent et de Noël est pleine. Les reculer jusqu’au paradis est une pieuse malhonnêteté. Jésus a transformé tout de suite; et nous, après lui, il nous faut transformer notre temps. Si, du moins, nous nous y attachions avec autant de sincérité que bien des hommes hors-Église !

Enfin cet aujourd’hui est en vue d’un proche avenir, celui de notre propre naissance à la vie plénière en Dieu. Demain, dans quelques petites années, l’aujourd’hui de la terre sera relayé par la joie d’une présence dévoilée. Bien sûr, il y a aussi la préparation à la fête de Noël. Mais cette préparation fait office de grandes manoeuvres. L’Avent liturgique nous « exerce » à traverser notre mort et à attendre un Avent grandiose, la venue glorieuse de Jésus. Et voici que la liturgie nous coince bien heureusement : Pour quoi, pour qui vis-tu ? Quel est ton avenir ? Et comment vois-tu l’avenir de l’humanité ? En catastrophe ? Ou comme entrée de tous tes frères et soeurs dans la joie de Dieu ? Ne sais-tu pas que tu es celui qui tient le flambeau de l’attente en lieu et place de tant d’hommes résignés, que tu le tiens pour le porter au-delà des mythes du progrès et des lendemains qui chantent ? Ces perspectives n’ont-elles pas de quoi t’exalter ?

Sois adulte. Vis une liturgie responsable.

2. Un temps pluri-dimensionnel
L’Avent est un amalgame de plusieurs temps préparatoires à Noël :
L’un plus ascétique, une espèce de « Carême de Noël », préparant aux baptêmes conférés le jour de l’Épiphanie (d’influence gallo-égyptienne).
L’autre plus historique : la préparation joyeuse à la fête de la naissance du Christ (d’influence romaine).
Un troisième plus eschatologique, orienté vers la venue finale du Christ en gloire (d’influence irlandaise).

L’Avent est riche de ces trois apports qui se sont fusionnés en un tout harmonieux. La liturgie les présente dans un intelligent pèle-mêle où un évangile plus austère est compensé par un chant de joie, où l’ardeur mystique du désir se fait réaliste par le patient engagement dans les tâches quotidiennes. On ne célèbre bien l’Avent qu’en ayant ces trois aspects continuellement présents à l’esprit.

Il y a cependant une progression dans les thèmes : les deux premiers dimanches sont marqués par l’avènement glorieux du Christ; ils sont en continuité frappante avec la fin de l’année liturgique qui nous parle, elle aussi, de la fin des temps. Les deux derniers dimanches sont marqués par la préparation joyeuse à la fête de Noël. Cette progression se retrouve dans les deux préfaces officielles, la première plus eschatologique : « Il reviendra de nouveau revêtu de sa gloire »; la deuxième évoquant le prophète Jean Baptiste et la Vierge et nous faisant « entrer déjà dans le mystère de Noël ».

Les quatre dimanches de l’Avent se célèbrent avec des ornements violets (un reste de la ligne pénitentielle ascétique). L’Avent est cependant une attente joyeuse, et l’on chante l’Alléluia. Si le Gloria est omis, c’est pour que le chant des anges à Noël « sonne comme quelque chose de neuf » (Missel romain).

Mais comment célébrer honnêtement l’enfant de la crèche sans devenir humble et sans mener une vie simple ? Comment attendre véritablement le retour du Christ sans nous détacher de tout ce qui nous sépare de lui ? Comment vivre l’Avent avec le minimum d’authenticité sans faire nôtre le grand désir des hommes, le désir de plus de justice, de paix ? Chrétien, tu es celui qui porte l’attente des hommes vers ses plus hauts sommets. En as-tu conscience ? Vis de telle sorte que d’autres se mettent à désirer avec toi.

Alors la liturgie ne sera pas seulement une célébration, un rite; le Christ naîtra dans ton coeur, il entrera avec puissance dans ta vie. Ce sera Noël, Épiphanie pour de vrai.

La Parousie
Mot grec que l’on trouve un peu chez Matthieu, beaucoup chez Paul. Il se traduit le mieux par Avènement. Il désignait l’arrivée solennelle d’un roi dans une ville, entrée qui s’accompagnait de réjouissances et de jugements.

Les premiers chrétiens ont adopté ce terme, parce que il leur était une image parlante du Christ quand il viendra dans sa gloire pour combler ceux qui l’avaient attendu avec foi. Cette venue sera un jugement : Dieu accomplira sa « justice », il réalisera pleinement son dessein. Ce sera le jour de la plénitude. Dieu avait fait habiter corporellement dans le Christ toute la plénitude de sa divinité. Jésus nous avait racheté avec abondance. Cette plénitude-abondance qui est dans le Christ, elle va maintenant se réaliser dans toute l’humanité.

Tu ne désires cette venue en plénitude que si tu as conscience de ton « manque », que si tu as déjà « goûté au Christ » de telle sorte que tu attends avec impatience qu’il vienne dans toute sa plénitude.

Entrer en avent (2007)

24 novembre, 2009

du site:

http://www.esprit-et-vie.com/breve.php3?id_breve=286

Entrer en avent (2007)

Les échéances et les dates importantes ne manquent pas dans notre calendrier mondial : élection présidentielle aux USA, début d’une nouvelle année civile, élections incertaines en Irak. Au milieu de tant d’événements, le commencement d’une nouvelle année liturgique risque de ne guère retenir l’attention.

Pourtant l’Église nous invite à vivre quatre semaines d’avent. Il est bon pour nous de voir ce que signifie ce temps de l’avent, comment il est structuré, et comment il est célébré par la liturgie. Temps de l’avènement ou de la venue du Seigneur, l’avent appelle de notre part attente et vigilance : une vigilance tournée vers Noël mais aussi vers Pâques, une vigilance qui trouvera son accomplissement dans la vigile pascale.

Le dimanche 28 novembre, nous allons entrer en avent : un avent qui cette année comptera quatre semaines complètes, et aura donc sa durée maximale. Il est moins facile de caractériser l’avent que de caractériser le carême, et donc il n’en est que plus nécessaire de mieux connaître ce temps, pour mieux le vivre et mieux le célébrer, individuellement et en communauté, que celle-ci soit paroissiale ou religieuse.

Au début d’un nouveau temps liturgique et d’une nouvelle année liturgique, il convient de réfléchir brièvement sur notre manière d’habiter le temps. Après quoi, nous proposerons deux approches de l’avent : une approche humaine et psychologique, puis une approche fondée sur les textes de la liturgie.

Habiter le temps

Nous allons donc entrer en avent. Nous quittons le temps « ordinaire » pour aborder le temps de l’avent et commencer une nouvelle année liturgique. Puis, dans quelques semaines, nous serons au 1er janvier 2005 et entrerons dans une nouvelle année civile.

Nous vivons dans le temps. Que faut-il entendre par là ? En fait, chacun de nous habite plusieurs temps, plusieurs espaces temporels. Nous habitons d’abord des temps linéaires, qui ont un commencement et une fin. Nous nous situons dans l’histoire de l’humanité, dont les origines demeurent imprécises, et qui aura son terme à la fin du monde. Par ailleurs, en disant que nous sommes en 2004 ou 2005 (après J.-C.), nous nous situons dans une histoire « chrétienne », qui a commencé avec la venue du Christ et s’achèvera avec son deuxième avènement. Tout homme se situe également à un moment donné de l’histoire de son pays, avec des repères qui varient d’un pays à l’autre : avant ou après la guerre, avant ou après l’indépendance, avant ou après l’avènement ou la chute d’un régime, etc. Enfin, chacun de nous habite son temps personnel, qui a commencé à sa naissance et se terminera à sa mort : chacun a son présent, son passé et son avenir. Toutes ces histoires sont linéaires, les jours s’ajoutant aux jours et les années aux années.

Mais nous habitons aussi un temps cyclique, qui se renouvelle et se répète. Trois cycles structurent le déroulement de notre vie. D’abord le cycle quotidien, du jour et de la nuit, fondamental pour la vie de l’homme, avec l’alternance mystérieuse de l’activité et du sommeil. Notre vie suit également le cycle hebdomadaire, ce cycle de sept jours, scandé pour les chrétiens par la célébration dominicale et pour tous par le loisir de fin de semaine. Enfin, nous parcourons le cycle annuel, vécu très différemment selon la condition de chacun : très important pour le cultivateur, moins important pour le citadin qui attend seulement la période d’été pour les vacances, vécu de façon originale et arbitraire par tout le monde scolaire et universitaire, qui découpe l’année en semestres ou en trimestres.

Ainsi, nous habitons à la fois des temps linéaires et des temps cycliques ou circulaires. Une remarque, dont devra tenir compte la liturgie, s’impose immédiatement : une ligne a un commencement, mais un cercle ou un cycle n’a pas de point initial ; on ne peut dire où commence une roue. Cela se vérifie pour les trois cycles – quotidien, hebdomadaire, annuel – que nous avons indiqués. Le jour commence officiellement à 0 heure mais, en fait, il commence au lever du soleil ou au lever de l’homme, et, pour la Bible, il commence la veille, lorsque tombe la nuit : « Il y eut un soir et il y eut un matin : premier jour » (Gn 1, 5). Au moins pour les dimanches et les solennités, la liturgie a conservé ce système : l’avent commencera donc dès le 27 novembre au soir, avec les premières vêpres du dimanche.

Une divergence semblable existe pour le début de la semaine : le dimanche en est-il le premier jour, selon la conception de l’Ancien Testament et du Nouveau Testament ainsi que de la liturgie, ou bien est-il le septième jour, où l’homme se repose après tout le travail de la semaine ? Les agendas et calendriers font du dimanche le dernier jour de la semaine, celle-ci commençant le lundi matin.

Il n’est pas moins difficile de fixer le début de l’année. Officiellement, depuis quelques siècles, l’année civile commence au 1er janvier, après avoir commencé au 1er mars, au 25 mars ou à Noël. Mais l’année scolaire, universitaire, professionnelle, commence en septembre ou en octobre. Seuls les chrétiens, et même les plus attentifs d’entre eux, remarquent le début de l’année liturgique au premier dimanche de l’avent, donc à une date variable, proche du 1er décembre.

Ainsi, nous habitons à la fois un temps linéaire, ou plusieurs temps linéaires, et trois temps cycliques, que nous parcourons chaque jour, chaque semaine, chaque année (à quoi s’ajoute encore la très subtile division en mois). La ligne traverse les cercles, la trajectoire historique traverse la triple périodicité cosmique et humaine. Nous vivons une étrange combinaison de l’irréversible et du répétitif. De toute façon, le temps se déroule, le temps enroulé est déroulé comme un fil, et nous vivons « au fil du temps ».

Approche humaine de l’avent

Les années succèdent aux années, mais elles ne sont pas identiques. Notre année 2004 a eu ses caractéristiques personnelles, familiales, professionnelles, politiques, internationales, et l’année 2005 sera différente. De même, les années liturgiques se suivent, mais ne sont pas identiques. Si la liturgie célèbre la relation entre Dieu et les hommes, Dieu ne change pas, mais les hommes changent, dans leur situation personnelle et plus encore dans leur situation ecclésiale, nationale et mondiale. En cet avent 2004, un Sauveur vient dans le monde, mais le monde de 2004-2005, avec ses problèmes et ses conflits, n’est pas identique à celui de l’année dernière ou à celui de l’année prochaine. Du point de vue humain, chaque avent est unique et irréversible.

Le mot « avent » traduit le latin adventus qui signifie « avènement, venue ». En ce temps de l’avent, le Seigneur vient vers nous, et nous célébrons et attendons sa venue. Divers sentiments qui appartiennent à notre expérience humaine parcourent ce temps de l’avent, se retrouveront dans la liturgie, et caractérisent notre attitude chrétienne pendant ces quatre semaines.

L’attente. Nous avons tous l’expérience de l’attente : attendre un bus qui n’arrive pas, une lettre qui pour nous est importante, une personne qui est en retard. L’attente n’est pas seulement passive. Dans le verbe « attendre », il y a le mot « tendre », avec son élan, son mouvement, son dynamisme. Le temps de l’avent ne consiste pas à attendre de façon passive le jour de Noël, mais à nous mobiliser pour aller à la rencontre de celui qui vient. À notre attente de Dieu, répond l’attente de Dieu sur nous : Dieu nous attend, le Sauveur nous attend. Dans la Règle de saint Benoît, il est écrit : « Le Seigneur nous attend chaque jour ». Il y a donc une attente réciproque pendant ces quatre semaines.

La vigilance.. Beaucoup de textes de l’avent nous invitent à la vigilance, et nous savons que l’attente s’accompagne d’attention et de vigilance : il ne faut pas laisser passer, sans nous en apercevoir, celui que nous attendons. Dans notre monde et notre langage, deux groupes de personnes semblent spécialistes de la vigilance : les vigiles qui de diverses manières assurent la sécurité, et les moines trappistes qui se lèvent la nuit pour célébrer l’office des vigiles. Les vigiles chargés de la sécurité ou de la protection regardent, observent, pour maintenir le bon ordre : sans eux, c’est le désordre et l’insécurité. La vigilance ou la veille des trappistes est différente : ils veillent tandis que les autres dorment. Ils veillent sur le monde, sur l’ordre entre le ciel et la terre. Leur regard est tourné à la fois vers Dieu et vers les hommes : contemplation et compassion.

Le désir. L’attente s’accompagne bien souvent du désir, de l’impatience du désir, et la liturgie de l’avent mentionne souvent le désir. Il vaut la peine de relever l’étymologie de ce mot, qui vient du latin desiderium, composé du préfixe de, qui marque l’absence, et de sidus, qui signifie « étoile » et que nous retrouvons dans « sidéral ». Le désir est donc, au sens premier, la recherche de l’étoile qui nous manque. Au temps de l’Épiphanie, les mages seront heureux de retrouver l’étoile qui les conduira à la crèche. Et durant l’avent nous sommes habités par le désir de contempler l’Étoile, l’Étoile de David, le Christ lumière.

La patience. Certains d’entre nous sont patients par nature, et d’autres sont impatients, comme l’enfant qui veut que son « désir » soit réalisé dans l’instant. Dans la vie humaine, la patience a une double signification et une double fonction. D’une part, elle représente la force de l’homme adulte qui accepte la durée, qui comprend le sens du temps, qui reconnaît la nécessité d’une élaboration et d’une maturation. La patience est donc signe de maturité et de maîtrise de soi. Mais elle peut aussi être signe de faiblesse : se résigner à attendre, sans avoir le courage de prendre une décision : « il est urgent d’attendre ».

Le temps de l’Avent

24 novembre, 2009

du site:

http://bousculade.free.fr/religion/temps_avent.php

Le temps de l’Avent
 
Notes historiques

Le terme « Avent » vient du mot latin : »Adventus » que l’on traduit habituellement par « Avènement ». En fait, il y a plus dans ce terme liturgique puisqu’il est, à l’origine, un terme grec employé dans l’Eglise chrétienne des premiers temps : « parousia ».

Dans le vocabulaire de nos contemporains, nous pouvons parler aussi du temps de l’avenir, » l’à venir ».
Parousie – Parousia.

Ce mot chrétien est d’origine profane. Les premiers chrétiens utilisaient le langage courant pour caractériser les évènements religieux. « Parousia », « adventus », signifiait la venue annuelle d’une divinité pour visiter ses fidèles. Le dieu, dont la statue était alors proposée au culte d’une manière toute particulière, était censé demeurer au milieu des siens tant que durait la solennité.

Il en était de même pour la cour impériale. « Parousia », « adventus » désignait la première visite officielle d’un personnage important lors de son avènement ou lors de son entrée solennelle dans sa charge. L’on possède ainsi des monnaies romaines de Corinthe qui perpétuent « l’Adventus Néroni », la venue de Néron. Le « Chronographe de 354″ désigne le jour de l’avènement de Constantin comme « l’Adventus divi », l’avènement du divin empereur.

La Parousie chrétienne

Les premiers écrits chrétiens emploient ce mot, en grec comme en latin, pour désigner la venue du Christ parmi les hommes. L’avènement dans la chair, inaugurant les temps messianiques. L’avènement glorieux, à la fin des temps, qui couronnera l’œuvre rédemptrice à la fin du monde. Peu à peu, ce mot caractérisa le temps liturgique qui précède Noël.

Mais, dans les textes liturgiques, le double avènement du Christ est mentionné, tout particulièrement au premier dimanche de ce temps. Il l’est d’ailleurs dans bien d’autres écrits proches de la liturgie.

La spiritualité de ce temps

Nous voyons s’instaurer une préparation ascétique aux fêtes de Noël, d’abord en Gaule et en Espagne, dès la fin du 4ème siècle et au début du 5ème. Elle est sans doute liée à la préparation des baptêmes administrés alors à l’Epiphanie. Le concile de Saragosse en 380 la rappelle et l’historien Grégoire de Tours parle d’un jeûne allant de la Saint Martin à la Nativité.

Dans la liturgie de Rome, l’Avent apparaît, plus tard, dans la seconde moitié du 6ème siècle. C’est un temps de préparation sans doute, mais il est sans considérations ascétiques. C’est davantage l’attente joyeuse de la fête de la Nativité qui se prolonge jusqu’au retour glorieux du Seigneur à la fin du monde. Les textes d’Isaïe et les paroles de saint Jean-Baptiste seront les grandes voix liturgique de l’Avent.

Les liturgies orientales, byzantine, syrienne, chaldéenne, connaissent une préparation à la fête de la Nativité ou de l’Epiphanie. Dans la liturgie byzantine, le dimanche qui précède, est celui de la commémoration de tous ceux qui, depuis Adam et Eve, les « Premiers créés » jusqu’à Joseph, le fiancé de la Mère de Dieu, ont annoncé la venue dans la chair du Fils de Dieu que ce soit par leurs oeuvres ou par leurs paroles.

La liturgie unit ainsi tous les ancêtres selon la chair, en même temps que les Justes et les Prophètes, car selon les paroles du Seigneur lui-même : »Quiconque fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là est pour moi un frère et une sœur et une mère. » (Matthieu 12. 49)

Dans le rite chaldéen, les semaines qui précèdent Noël sont « les semaines des annonciations », l’Avent s’appelle « Saboura » ou l’annonce de la bonne nouvelle à Zacharie, à Marie, la nativité de Jean-Baptiste et l’annonciation à Joseph.

Dans la liturgie latine

Alors qu’au temps de Noël, nous contemplons le mystère du Verbe Incarné, du Fils de Dieu fait homme (Nativité) et de l’homme Jésus manifesté comme Dieu (Epiphanie), les quatre semaines de l’Avent ont pour but de nous faire lever les yeux vers l’avenir, en communiant dans l’attente du retour glorieux du Seigneur Jésus, en communiant à l’espérance des temps messianiques qui remplit les cœurs lorsque s’élève la voix de Jean Baptiste.

Nous nous préparons à commémorer dans une foi plus vive et renouvelée la venue du Christ parmi les hommes.

Toute la liturgie de l’Avent trouve sa synthèse dans les deux préfaces de ce temps. La première rend grâce de ce que le Seigneur soit « déjà venu en prenant la condition des hommes » et elle annonce « qu’il reviendra de nouveau revêtu de sa gloire ». La seconde qui est dite du 17 au 24 décembre, évoque la longue attente des prophètes, de la Vierge Marie, de Jean Baptiste, pour nous préparer, grâce à l’exemple qu’ils nous donnent, à « entrer déjà dans le mystère de Noël. »

12345