Archive pour la catégorie 'NOËL 2017'

L’ÂNE ET LE BOEUF PRÈS DE L’ENFANT-JÉSUS

27 décembre, 2017

https://www.peneaud.com/sculpture-noel/noel-1.htm

La sculpture de la Nativité du Christ avec une vue en détail de l'Enfant-Jésus, l'âne et le boeuf par le sculpteur sur bois Philippe Péneaud

(Sculpture-de-la-nativite-du-christ-avec-une-vue-en-detail-de-lenfant-Jesus-l’ane-et-le-boeuf-par-le-sculpteur-sur-bois-Philippe-Peneaud)

L’ÂNE ET LE BOEUF PRÈS DE L’ENFANT-JÉSUS

« II s’agit ici d’un détail familier qui, depuis longtemps, a sa place marquée dans les représentations de la Nativité. A côté de la crèche, nous sommes accoutumés à voir deux animaux, toujours les mêmes, — l’Ane et le Bœuf. Soit qu’ils se tiennent debout près de l’Enfant et semblent l’échauffer de leur haleine, comme dans les plus vieux bas-reliefs ; soit qu’ils restent étendus sur le sol, comme dans la plupart des mosaïques , soit que, pour embellir le vieux motif et y ajouter un trait plus charmant, le peintre d’un âge postérieur aita doucement posé le muffle roux de son bœuf sur les cheveux dorés de la Vierge… On le sait toutefois : entrés ainsi dans la vérité artistique du sujet, le Bœuf et l’Ane n’avaient pas été mentionnés par les textes autorisés des évangiles canoniques. II y a donc là un petit problême, qui a depuis longtemps attiré l’attention des historiens de l’Eglise. On s’est demandé si la tradition repose sur une base solide, si elle mérite notre confiance… Tout d’abord, une réponse se présente d’elle-même à l’esprit. Là où les quatre évangiles officiels sont restés muets, les Apocryphes prennent volontiers la parole. Ils savent ce que les autres ignoraient, ils disent ce que les autres n’ont pas dit. Dans les apocryphes, l’affectueuse curiosité des fidèles, avide de détails précis, de renseignements intimes sur cette admirable histoire dont on ne lui fournissait que de courts résumés, a puisé de bonne heure plus d’un trait heureux, plus d’une page touchante, qui ont mérité quelquefois de passer à jamais dans la croyance même de l’Eglise. Il suffit de citer pour exemple le récit des premières années de la Vierge et de sa présentation au temple de Jérusalem. L’intervention du Bœuf et de l’Ane auprès de la crèche du Sauveur ne serait-elle pas un des détails nouveaux qui se sont ajoutés de cette manière aux premiers récits évangéliques ? L’Apocryphe le plus riche en faits concernant la Nativité est celui que l’on désigne sous le nom de Pseudo-Mathieu. Les deux animaux y figurent, et c’est le seul où ils figurent. La Bienheureuse Marie…. entra dans l’étable où elle mit son enfant dans la crèche, et le Bœuf et l’Ane l’adorèrent . Le texte est net. Résout-il la question ? Nullement. Compilation latine mise indûment sous le patronage de St Jérôme, dont le nom sembla longtemps la meilleure garantie qu’on pût offrir aux lecteurs d’une œuvre nouvelle, le Pseudo-Mathieu remonte tout au plus au sixième siècle. Or une foule de sarcophages romains offrent la représentation du Bœuf et de l’Ane, et la plupart de ces bas-reliefs ont les caractères , si aisément reconnaissables, que l’art du quatrième siècle a donnés à ses productions. Quelques uns, supérieurs de style, ont peut être même précédé la période constantinienne ; d’autres, plus grossiers, trahissent la pleine décadence de la sculpture au cinquième siècle. D’ailleurs, si les raisons esthétiques ne suffisaient point et qu’il fallût une preuve décisive, celle-ci ne ferait pas défaut. Un fragment représentant la Nativité avec le Bœuf et l’Ane porte le nom des consuls Placide et Romulus : c’est dire qu’il remonte à l’année 343. Ainsi l’existence légendaire des deux animaux est bien antérieure au seul Evangile apocryphe qui l’ait constatée. Le problème subsiste donc. On a pu en proposer une autre solution. N’y a-t-il pas eu au sujet du Bœuf et de l’Ane, comme sur quelques autres points oubliés par les quatre évangélistes, une tradition constante, venue de témoins oculaires et transmise fidèlement de bouche en bouche ? En plus d’un cas, l’Eglise a de bonne heure admis l’authenticité de pareilles traditions. Ne serions-nous pas en présence d’un de ces cas ? Une tradition pour être acceptée doit présenter certaines garanties. On peut et on doit se demander où sont les traces qu’elle a laissées de son passage, les allusions qui trahissent son existence à une époque suffisamment ancienne, les textes qui, dès cette époque, la montrent en possession de la confiance générale. Les œuvres des Pères fourniront-elles ici une confirmation de ce genre ? C’est sur ce point que Baronius et Tillemont ont fait porter leur discussion. Tillemont surtout a mentionné tous les textes importants et en a indiqué la juste valeur. Sans doute, les noms du Bœuf et l’Ane reviennent dans plusieurs passages relatifs à la Nativité. On pourrait citer Origène, St Grégoire de Naziance, St Ambroise, St Cyrille de Jérusalem, d’autres encore. Mais les deux animaux dont parlent tous ces Pères ne sont autres que ceux dont a parlé Isaïe, et qui, dans le langage du prophète, précisent le lieu où le Sauveur doit naître, — l’étable. Ils n’ont pas une existence réelle : ils prennent tout au plus une valeur mystique…
L’évangile du Pseudo-Mathieu, dont tous les manuscrits sont latins, est, nous l’avons dit, une œuvre d’assez basse époque, qui met à profit des sources grecques faciles à reconnaître, le Protévangile de Jacques, et les récits de Thomas l’Israélite. Or selon la tradition gréco-orientale, Jésus était né dans une grotte. C’était une grotte que l’on montrait aux pèlerins qui venaient saluer le berceau du Sauveur à Bethléem. Il n’y avait rien la d’ailleurs qui fît contradiction avec le texte de St Luc :. les cavernes en Palestine ont servi et servent encore d’abris pour les troupeaux. Il n’en était pas de même en Italie : l’étable dont parlait l’Evangéliste est pour les sculpteurs romains du quatrième siècle un petit bâtiment abrité sous un toit en saillie, parfois recouvert de tuiles n’est pas douté que étable et grotte fussent ici la même chose. Il commence par raconter d’après le Protévangile la naissance de Jésus dans la caverne, speïunca, illuminée d’une clarté mystérieuse. C’est là que les deux sages-femmes, Zélomi et Salomé, viennent assister la Vierge, là que les bergers adorent l’Enfant. Et puis, avec une gaucherie significative, l’auteur juxtapose aux données que les Grecs lui fournissaient la tradition latine telle qu’elle s’était manifestée dans les œuvres d’art. De là un petit chapitre supplémentaire, le chapitre quatorzième du Pseudo-Mathieu : Au troisième jour après la naissance du Seigneur, Marie sortit de la caverne et entra dans l’étable et posa son enfant dans la crèche ; et Bœuf et l’Ane l’adorèrent. A la suite des récits orientaux, la version occidentale vient ainsi prendre place. Or on voit qu’elle contient et qu’elle contient seule la mention du Bœuf et de l’Ane. Cette légende a donc bien une origine latine. Sans doute, les textes des Pères rapprochant les paroles de St Luc et celles d’Isaïe étaient les mêmes pour l’Orient et pour l’Occident. Mais c’est à Rome surtout que la sculpture chétienne avait fait son œuvre et que de nombreux bas-reliefs avaient habitué l’œil à voir près de Jésus naissant un Ane et un Bœuf : c’est à Rome que, sous cette influence toute plastique, les deux animaux avaient commencé d’exister véritablement. Nous n’avons plus à suivre désormais notre légende à travers les âges. Jusqu’au seizième siècle on ne la mettra pas en doute ; et d’ailleurs, quels que soient les arguments qu’on puisse lui opposer, elle restera toujours vraie pour le sentiment populaire…  » Le boeuf et l’âne à la nativité du Christ, René Grousset, Mélanges d’archéologie et d’histoire, Année 1884 Volume 4, Numéro 1, p. 334-344.

HOMÉLIES DE NOËL

22 décembre, 2017

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en  e fr Amici del Presepio a New Haven 2015 - - Copia

Crèche italienne a New Haven

HOMÉLIES DE NOËL

Nativité du Seigneur

(Le Missel propose quatre messes : pour la veille, la nuit, l’aurore et le jour de la Nativité)

Is 57, 7-10 ; He 1, 1-6 ; Jn 1, 1-18

Aujourd’hui, comme il y a deux mille ans, nous avons mille raisons de désespérer… Et, pendant que nous fêterons joyeusement Noël, les faits de guerre, les maladies, famines et crises… feront aussi l’actualité.
C’est dans ce monde-là, dans ce genre de ténèbres, que Dieu s’est fait petit bébé, fragile, non pas dans la sécurité de la maison familiale, mais au cours d’un déplacement obligatoire, et sans même trouver place dans la salle d’hôtes de l’auberge bondée. Selon Luc, sa mère l’a déposé dans une auge destinée au bétail, probablement moitié taillée dans le sol rocheux et la paroi de la grotte, et moitié façonnée en argile. Marc, lui, ne raconte rien. Matthieu se contente de dire que Jésus est né à Bethléem et qu’il reçut, à la maison, la visite des mages.
Mais les journaux n’en ont pas parlé. Tout cela paraît excessivement discret pour l’arrivée d’un libérateur attendu. Une discrétion qui nous étonne, voire même qui nous irrite, tellement cela cadre peu avec nos impatiences, nos agressivités et nos prédilections pour la manière forte et la contrainte. Mais c’est la manière de Dieu de faire la paix, en prenant le risque de la faiblesse et de l’amour, c’est-à-dire aussi de la patience, du pardon et de la réconciliation.
Dans la liturgie du jour de Noël, c’est Jean qui nous apporte la Bonne Nouvelle, mais tout autrement. « Noël, c’est l’irruption de l’éternité dans le temps » (Urs von Balthasar). C’est la venue parmi nous « du véritable exégète (interprète) de Dieu » et même, comme dit l’épître aux Hébreux, l’ »expression parfaite de son être », à tel point qu’on peut l’appeler son Fils. « Qui m’a vu a vu le Père », dira-t-il plus tard.
Mais Jean, le mystique, ne parle pas de l’enfant Jésus, ni de la crèche, ni de bergers, d’anges, de trompettes, ni de mages. Jean évoque la Parole de Dieu, le Verbe de Dieu, la Sagesse dont parle l’Ancien Testament, ou le Logos, comme disaient les philosophes grecs. Jean va appliquer ces notions à un être historique, concret : Jésus de Nazareth. Autrement dit, son intuition fut de percevoir comment ce qui était dit de la Parole de Dieu et de sa Sagesse dans l’Alliance ancienne, et ce que disait la culture grecque pour exprimer l’incréé – ce qui est hors du temps – se vérifiaient en la personne de Jésus.
Jean remonte à la Genèse… Au commencement, Il était. C’est par Lui que Dieu a créé le monde. C’est en Lui qu’est la vie, en Lui que Dieu se révèle. Tout ce qui vit tient l’être de Lui. Il est la lumière qui éclaire tout être humain, c’est-à-dire le principe qui permet à chacun de se comprendre lui-même. La lumière des origines a un nom : le Verbe créateur. Il est bien Vie et Lumière.
C’est par son Verbe, par sa Parole, que Dieu crée le monde et par Lui aussi qu’il se manifeste à la création tout entière. Le Logos est non seulement la Parole de Dieu, mais aussi sa Sagesse et sa Loi… « Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous ». Le Verbe, qui existe de toute éternité, est entré dans le temps et dans l’histoire humaine. Il a planté sa tente dans notre désert. Il est venu comme « Grâce et Vérité ». Vérité, ce qui veut dire : C’est bien ainsi qu’est Dieu. Et grâce signifie : « Dieu est l’amour pur et gratuit ».
En Jésus, être humain, la communauté des disciples de Jean a su voir la gloire de Dieu. C’est-à-dire : une qualité, un rayonnement, qui relèvent de Dieu. C’est pourquoi la théologie qui suivra parlera de divinité.
Mais pour Dieu, et donc pour son Verbe, il n’y a pas de temps. La Bonne Nouvelle du Verbe fait chair n’est pas seulement d’hier, mais d’aujourd’hui. Le Christ naît chaque jour, il est crucifié chaque jour. La Bonne Nouvelle fait partie de l’actualité immédiate. Elle est toujours création et donc créatrice. Une Parole d’amour, de vie, de libération, de miséricorde, de pardon, de solidarité.
Fêter Noël, c’est nous souvenir et croire activement que nous sommes porteurs de lumière et d’espérance au creux des horreurs de ce monde. Faire naître et rayonner Jésus, c’est témoigner que nous sommes vraiment des artisans de paix, des hommes et des femmes capables de pardonner, de se réconcilier, d’être solidaires à la manière du Christ. Bien sûr, nous ne sommes pas responsables de tout. Bien sûr, on ne peut pas grand chose, mais chacun est responsable du peu qu’il peut entreprendre là où il est. C’est le premier pas de l’espérance. Et, comme le disait Raymond Devos, « Rien c’est rien, mais un petit rien c’est déjà quelque chose ».

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008