Archive pour la catégorie 'Noël 2012'

Bethléem – Réflexions – Frédéric Manns, ofm

7 janvier, 2013

http://198.62.75.1/www1/ofm/sites/TSbtmanns2.html

Bethléem – Réflexions

Frédéric Manns, ofm

« Maison du pain » : telle serait selon Jérôme l’étymologie populaire du terme Bethléem. Dans un village ignoré, loin des agitations impériales de la forteresse romaine située non loin de là et connue sous le nom de l’Hérodion, paraît un enfant qui dans la fragilité de sa venue met un terme à l’attente inquiète d’Israël. Sur la tige de Jessé une fleur vient d’éclore. 
Jésus n’est pas l’homme divin que la mythologie grecque célébrait dans sa quête de sagesse. Il n’est pas non plus le symbole de l’humanité exaltée au point de devenir Dieu. Il est Dieu qui se fait homme. Le scandale chrétien est l’humanisation de Dieu, sa kénose, son humilité. 
Le message d’un Dieu qui s’humilie est déjà contenu dans les évangiles de l’enfance. Tandis que l’Evangile de Marc s’ouvre sur la proclamation du Règne de Dieu, Matthieu et Luc ont senti le besoin d’insister sur le mystère de l’Incarnation de Dieu. Le Dieu qui se fait homme vient accomplir les Ecritures d’Israël: « Si tu pouvais déchirer les cieux et descendre ». Un Dieu qui partage la condition de l’homme, qui souffre avec son peuple, qui intervient pour le libérer, voilà une nouveauté surprenante, mais déjà annoncée par les Ecritures. 
La Bible avait célébré l’efficacité de la Parole qui fut l’instrument de la création du monde. « Par sa Parole les cieux ont été faits ». Cette parole n’était autre que la Sagesse de Dieu. Ben Sira est arrivé à cette conclusion après de longues méditations. Le Nouveau Testament qui accomplit l’Ancien Testament en le dépassant, affirme dans le Prologue de l’Evangile de Jean: « Le Verbe s’est fait chair et il a demeuré parmi nous ». La Parole devient une personne en qui la gloire de Dieu se manifeste. Bethléem, la cité du roi David, accueille ce message révélé aux petits et non pas aux sages. La Sagesse a dressé sa tente au milieu des hommes. Dieu se révèle comme l’Emmanuel, un Dieu avec les hommes. 
Les Pères de l’Eglise frappés par une telle nouveauté ont commenté bien des fois cet événement. Une bonne nouvelle de cette envergure ne peut être que chantée, car elle réjouit le coeur. Elle ouvre les portes à une espérance illimitée. Irénée de Lyon, héritier de la tradition johannique, célèbre la nouveauté absolue de l’incarnation. Dieu fait toutes choses nouvelles. La naissance du Verbe fait craquer l’écorce de vétusté du monde. Tout ce qui est vieux et usé recule devant la naissance de Jésus. Celui qui vient de Dieu apporte avec lui toute la nouveauté. « Cieux nouveaux, terre nouvelle », avait annoncé le prophète Isaïe. C’est dire que la naissance de l’enfant de Bethléem a une dimension cosmique. Toute la création attend la libération, puisqu’elle a été soumise au péché. 
En s’incarnant la Parole de Dieu se fait ce que nous sommes pour que nous devenions ce qu’elle est. La terre est transformée en cieux au moment de l’incarnation par celui qui devient le « laboureur de Dieu », selon l’expression de Clément d’Alexandrie. Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu, répéteront les Pères de l’Eglise. Il s’est fait pauvre pour nous enrichir. Il s’est fait petit pour nous permettre de grandir. 
L’incarnation du Fils de Dieu signifie la vocation de l’homme à être divinisé. Fils de Dieu, nous le sommes réellement, affirme Saint Jean dans sa première lettre. Reconnaître cette dignité, c’est renoncer à proclamer l’absurdité du monde. La condition humaine a été tellement ennoblie qu’une étincelle divine resplendit en chaque créature. L’Esprit de Dieu qui a couvert Marie de son ombre est encore capable de répéter le même miracle. 
Les maîtres spirituels, en méditant le mystère du Verbe incarné, ont souvent parlé du Verbe abrégé. La parole longue de l’Ancien Testament qui a inspiré les prophètes s’abrège dans l’enfant qui naît à Bethléem. Et cette parole demande à naître dans le coeur des croyants. Saint François en conclura que le prédicateur doit faire une parole brève, puisque le Christ est la parole brève du Père, celle qui résume la Loi et les Prophètes. Le Christ, parole brève, résume son enseignement en un seul commandement: celui de l’amour. Il suffit que le prédicateur centre son homélie sur ce thème fondateur. 
Noël évoque une triple naissance: la naissance du Fils unique engendré par le Père céleste dans l’essence divine, celle qui s’accomplit à Bethléem par une mère qui dans sa fécondité garde l’absolue pureté; et celle par laquelle Dieu naît chez ceux qui l’accueillent. C’est dire que la symphonie de Noël reste inachevée tant que le coeur des croyants reste fermé. 
La Parole qui s’incarne demande de bannir tout ce qui est désincarné, rétréci et étriqué. Elle n’est plus simplement objet d’étude et d’approfondissements intellectuels. Etant devenue une personne, elle exige adoration, contemplation et respect. Plonger dans ce mystère c’est dilater son coeur et son regard pour éviter de se recroqueviller dans un repli frileux devant les possibilités étonnantes de notre monde. 
Rappeler l’incarnation en tête des Evangiles c’est redire l’originalité de la pensée chrétienne. Le Fils de Dieu qui partage la condition de l’homme est l’Adam nouveau, celui qui réalise pleinement la vocation de l’homme. Il est la Sagesse de Dieu annoncée dans l’Ancien Testament qui établit sa demeure parmi les hommes. Il est l’Emmanuel qui souffre et se réjouit avec l’humanité et la ramène vers le Père. A partir de Noël tout s’achemine sous la poussée de l’amour vers la Face du Père. Le temps est déjà enveloppé par l’éternité, parce que l’éternité s’est engagée dans le temps. La nuit du monde se transforme progressivement en clarté. 
Le Fils de Dieu lorsqu’il devient fils de la terre se laisse contenir en un point de l’espace et du temps. Bien plus il se laisse conditionner par une langue et une culture. En réalité, c’est lui qui contient l’univers. Il ne veut pas s’approprier à travers son corps le monde comme une proie, mais il le fait corps d’unité, chair cosmique et eucharistique. En lui le monde devient corporéité spirituelle, il est vivifié par l’Esprit. 
Le judaïsme et l’Islam refusent l’incarnation du Fils de Dieu en raison de la transcendance de Dieu. Un Dieu ne peut se mêler à sa créature qu’au risque de perdre sa divinité, affirment-ils. Le christianisme proclame que Dieu aime les hommes au point de devenir homme. L’incarnation n’est pas une humiliation de la raison de l’homme, mais la reconnaissance de la vraie dignité de l’homme. Elle est la finalité de la création : tout a été créé pour lui, affirme saint Paul. Origène, dans son Commentaire de l’Evangile de Matthieu 14,7 rappelait que le corps du Christ n’est pas quelque chose à côté de l’Eglise qui est son corps. Dieu ne les a pas unis comme deux, mais en une seule chair, défendant que l’homme sépare l’Eglise et Dieu. D’une façon invisible le mystère de l’incarnation se prolonge dans l’Eglise. 
La vie que Dieu a communiquée est une irradiation de son amour trinitaire. Le but de l’incarnation du Fils de Dieu a été de rendre possible la communion avec Dieu et entre les hommes. Un Dieu qui ne serait pas Trinité ne serait ni amour ni partage. Or ce partage commence à Noël et signifie le salut. 
Faire étape à Bethléem, c’est pour Jean Paul II fêter la rencontre du Christ eucharistique qui est la maison du pain de vie. C’est aussi préparer l’humanité pour le retour du retour en gloire du Fils de Dieu. 
Non loin de là au camp palestinien de Deheishe le pape en saluant les réfugiés qui depuis la guerre de 1948 connaissent une situation de précarité rend hommage à la dignité de tout homme. C’est une même logique qui le pousse à vénérer l’enfant de la crèche et le pauvre sans défense. Les réfugiés du monde entier connaissent une condition difficile qui fut celle de la sainte famille lorsqu’elle dut fuir en Egypte pour échapper à la colère d’Hérode. Il est urgent pour les chrétiens de déchiffrer les signes d’un autre monde qui commence à germer dans le nôtre. 

« Et verbum caro factum est » (Jean, 1-14) – Le Christ dans la Théologie de l’Incarnation :

27 décembre, 2012

http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Huan/theologi.html

Le Christ dans la Théologie de l’Incarnation

« Et verbum caro factum est » (Jean, 1-14).

Nous avons étudié le mystère du Christ d’après les données de la tradition, puis d’après les formules du dogme ; nous voudrions maintenant l’étudier d’après la doctrine des théologiens et rechercher notamment comment les théologiens ont interprété à la lumière du dogme les données traditionnelles. Dans cette étude, évidemment sommaire, nous retiendrons surtout les solutions présentées par les deux grandes écoles de théologie qui se partagent encore aujourd’hui la pensée catholique, l’école de Saint Thomas d’Aquin et l’école du Bienheureux Duns Scot (1). Il est d’ailleurs entendu que les opinions des théologiens ne sont pas articles de foi, mais matière à discussion, qu’elles n’engagent en aucune façon la croyance et demeurent toujours libres dans les limites, toutefois, du cadre imposé par la formule dogmatique.
I
La formule dogmatique a presque toujours pour objet de définir contre l’hérésie le véritable sens du donné révélé. Nous avons déjà signalé que, sous des formes diverses, l’hérésie tendait principalement à « diviser Jésus », à séparer en lui l’homme et le Dieu pour ne reconnaître que l’homme ou que le Dieu. Mais gnostiques et docètes avaient été pareillement condamnés par la Grande Église. La question se posait alors de savoir comment la nature humaine et la nature divine sont unies dans la personne du Christ. Les uns, avec Nestorius, enseignèrent qu’il y avait en lui deux personnes, la divine et l’humaine ; le Concile d’Éphèse en 431, prenant à son compte les douze anathématismes de Saint Cyrille, proclama l’unité de personne dans le Christ. Les autres, avec Eutychès, nièrent la dualité des natures pour n’admettre qu’une seule nature, composée de l’humanité et de la divinité ; le Concile de Chalcédoine en 451 maintint énergiquement la dualité des natures dans le Christ. Il restait à montrer comment la dualité des natures est compatible avec l’unité de la personne. Ce sera proprement l’oeuvre de la théologie.
Un premier point est unanimement acquis : puisqu’il y a dans le Christ une seule personne et deux natures, l’union en lui de l’humanité et de la divinité ne peut se faire dans la nature, mais seulement dans la personne, c’est-à-dire que l’unique personne du Verbe, qui, de toute éternité, possède la nature divine, a assumé à un certain moment de la durée une nature humaine, et cette assomption s’est opérée de telle sorte que les deux natures n’ont pas cessé dans leur union de demeurer extrinsèques l’une à l’autre. Il fallait bien qu’il en fut ainsi, puisque, si la nature divine avait été modifiée dans son essence par son union avec la nature humaine, ce qui est immuable par définition. aurait subi quelque changement.
Mais, pour que la nature humaine du Christ pût être unie à la nature divine dans la personne du Verbe, il fallait aussi que cette nature humaine à son tour, pour concrète et individuelle qu’elle fût, ne subsistât pas déjà dans une personne ; elle devait être « quelque chose », puisque ce n’est pas à une nature abstraite des individus particuliers que le Verbe s’est uni dans son incarnation ; mais elle ne pouvait être « quelqu’un », puisque, si une personne humaine avait déjà subsisté dans la nature que le Verbe a assumée, il y aurait eu, après l’union, deux personnes dans le Verbe incarné. En ce sens, il n’est pas exact de dire que le Christ est « un homme », mais simplement qu’il est « homme ». Mais, d’autre part, une nature humaine ne peut pas subsister sans une personne, puisque c’est la personne précisément qui la fait subsister. C’est donc qu’au moment même de son incarnation le Verbe fait subsister lui-même la nature humaine qu’il assume en l’unissant à son être personnel et en lui communiquant sa propre subsistance. Dans le Verbe incarné il n’y a pas unité de nature, mais il y a unité de personne. L’union des deux natures dans l’unique personne du Verbe est une union « hypostatique ».
II
Une seconde conséquence découle des données de la tradition. Parce qu’il a assumé une nature humaine individuelle et concrète, le Verbe n’a pas seulement assume un corps humain, mais à la fois et en même temps un corps humain et une âme humaine, donc un tout humain complet ; c’est-à-dire que, contrairement à l’enseignement des Anciens, la personne du Verbe ne tient pas la place de l’âme dans la nature humaine du Christ. Le Verbe incarné possède une âme humaine et un corps humain ; il est véritablement homme, homme tout entier. Si les deux natures, humaine et divine, ne sont pas conjointes dans une même forme après l’incarnation, puisque chacune de ces deux natures reste extrinsèque à l’autre, il faut dire que les deux substances, corps et âme, qui composent la nature humaine, restent conjointes l’un à l’autre dans la forme que le Verbe unit à sa personne pour lui conférer la subsistance.
Dira-t-on que la notion d’une nature humaine sans personnification, c’est-à-dire dépouillée de sa propre subsistance, est inconcevable ? Mais il ne pourrait s’agir ici d’une nature humaine « dépouillée » de sa propre subsistance que si le Verbe avait assumé un homme déjà existant, comme le voulaient les gnostiques, puisque la personne humaine aurait du dans ce cas être anéantie pour faire place à la personne divine. Toute nature humaine, en tant qu’elle est une réalité concrète, est apte de soi à être personnifiée par la subsistance et elle tend d’elle-même à sa propre personnalité. Or, dans l’union hypostatique, la nature humaine du Christ a reçu, par une intervention spéciale de la toute-puissance divine, une hypostase supérieure, la personne même du Verbe ; elle n’a donc pas été dépouillée, mais bien plutôt enrichie. Comment dès lors pourrait-elle tendre désormais à sa propre hypostase ? Il faudrait, pour qu’elle fût mise en possession de sa personnalité humaine, que le Verbe cessât de l’hypostasier et c’est cela qui est inconcevable, puisque la nature humaine du Christ n’a été créée que pour être assumée par la personne du Verbe et qu’elle puise dans cette assomption sa seule raison d’être et toute sa perfection. La nature humaine du Christ n’a pas d’existence propre ; elle n’existe que de l’existence personnelle du Verbe.
III
Indéfectible et permanente, l’union de la nature humaine et de la nature divine dans la personne du Verbe n’est pas une union par accident, mais substantielle. L’accident ne peut jamais que « qualifier » la substance. Si l’union de la nature humaine à la nature divine ou de la nature divine à la nature, humaine dans la personne du Verbe n’était qu’une union accidentelle, on pourrait dire, avec certains, hérétiques, que le Christ est ou bien un Dieu humanisé ou bien un homme divinisé ; mais il ne serait pas permis de dire qu’il est a la fois Dieu et homme, parfaitement Dieu et parfaitement homme ! Pour qu’il en soit ainsi, il faut que l’union hypostatique se fasse, non pas de la substance à l’accident, humain ou divin, mais d’une substance à l’autre, de l’homme à Dieu. De ce fait se trouve écartée la théorie gnostique des avatars qui ne veut voir dans le Christ qu’une des nombreuses et successives incarnations, la dernière en date d’ailleurs, de la Divinité parmi les hommes. Parce que l’union hypostatique est substantielle et indéfectible, elle n’a pu se produire qu’une fois pour toutes : avant le Christ il n’y a pas eu d’incarnation du Verbe et il n’y en aura plus après lui, puisque le Christ, désormais, demeure éternellement.

On demandera peut-être pourquoi la nature humaine a été assumée par le Verbe, de préférence à toute autre nature, à la nature angélique, par exemple, supérieure pourtant en essence et en dignité. Ce choix me parait établir, contre les partisans de Duns Scot, que l’un des buts principaux de l’incarnation a bien été la rédemption du genre humain. Seule la nature humaine avait besoin d’être sauvée, puisque le péché des anges fut irrémissible ; et elle ne pouvait l’être qu’à la condition d’être assumée par la personne même du Rédempteur. Si, d’autre part, la personne du Verbe seule a été le terme de cette assomption et non pas la personne du Père ou celle du Saint-Esprit, c’est qu’il y a entre le Verbe et la nature humaine une sorte d’affinité élective, d’accommodation qui a sa raison profonde dans le fait que Dieu a créé toutes choses dans son Verbe et que le Verbe est ainsi l’exemplaire de toute créature. Toute créature porte donc en soi un vestige de son créateur ; mais, seule, la nature humaine offre ce trait particulier d’être marquée de l’image même du Verbe.
Il est un troisième point que nous voudrions noter avant de conclure, à savoir que la nature humaine du Christ, même après son union à la nature divine dans la personne du Verbe, ne cesse pas d’être une nature simplement humaine. Les contemporains de Jésus avaient peine à découvrir en lui le Dieu ; nous qui ne l’avons pas connu dans la chair, c’est bien plutôt l’humanité que nous avons tendance à nier en lui, pour n’apercevoir que le Dieu. Mais des considérations que nous avons développées il résulte clairement que, si le Verbe communique à la nature humaine du Christ son être personnel pour lui assurer la subsistance, il ne saurait lui communiquer son être de nature, c’est-à-dire sa nature divine ; celle-ci, dans tous les cas, demeure extrinsèque à la nature humaine du Christ. Il ne pourrait, en effet, y avoir entre le Verbe et cette nature humaine unité d’être sous le rapport de la nature, sans que la nature divine du Verbe en fût affectée dans son essence propre. Or, c’est un des caractères de la nature divine d’être immuable.
Sans doute faut-il dire qu’à partir de l’incarnation, le Verbe, qui jusque-là n’existait et ne subsistait que dans sa nature divine, existe et subsiste désormais aussi dans et par une nature humaine. Mais dans cette relation nouvelle de la personne du Verbe à la nature humaine du Christ, celle-ci est seule à subir l’action divine qui a pour effet de l’élever à l’existence personnelle du Verbe et, en l’unissant à la nature divine, de lui conférer une sainteté, qui en fait assurément la plus parfaite des créatures, mais une créature tout de même. Parce que toute création exprime une relation, non pas de Dieu à la créature, mais bien de la créature, à Dieu, la nature humaine du Christ, qui est une créature, ne peut pas se transcender elle-même et s’intégrer à la nature divine. De là cette attitude d’adoration du Christ envers son Père, que nous pouvons noter à chaque page de l’Évangile.
De ce point de vue nous sera-t-il permis de hasarder une opinion sur le mode d’existence dans l’éternité du Christ Glorieux ? Le Verbe n’avait pas cessé, durant son incarnation surla terre, de demeurer dans le sein du Père avec sa nature divine, puisque celle-ci est par définition en dehors du temps et soustraite à tout changement. Mais la nature humaine que le Verbe avait unie à sa nature divine n’avait pas participé à cette prérogative qui n’appartient qu’à la Divinité ; elle avait été maintenue dans son ordre qui est celui du créé, bien que ce fût au point le plus élevé de cet ordre qu’une créature puisse atteindre. Doit-on supposer qu’après l’Ascension cet état de la nature humaine du Christ ait été modifié et que, par une grâce exceptionnelle, le Christ tout entier, homme et Dieu, ait été admis dans le sein du Père ? Le Fils de l’homme demeure dans le ciel ce qu’il était sur la terre. Cela signifie que le Christ, dans sa nature humaine qui est Jésus, reste toujours, même au ciel, ce qu’il était sur la terre, inférieur au Père, « qui est plus grand que Lui .» (Jean, XIV, 28) et que, par conséquent, il appartient à un ordre de réalité qui n’est pas celui de l’ineffable Trinité.
Savons-nous quelque chose sur cet ordre de réalité ? « Père, je veux que là où je suis, ceux que vous m’avez donnés y soient avec moi » (Jean, XVII, 26). Où donc est-il ? Nous l’apprenons par la promesse faite au bon larron sur la Croix : « en vérité, je te le dis, tu seras aujourd’hui avec moi dans le Paradis ». (Luc, XXIII, 43). Le Paradis ? La cité des élus, le lieu de gloire, de lumière et de paix que le Voyant de l’Apocalypse désigne du nom de « Jérusalem Céleste ». Le Christ en sa nature humaine est le roi de cette Jérusalem Céleste, car « toute puissance lui a été donnée dans le ciel et sur la terre » (Matth., XVIII, 18) ; il y règne en chef suprême de l’humanité, qu’il a rachetée par la vertu de son sang. Assurément l’union hypostatique réalisée pendant l’incarnation du Verbe sur la terre n’a pas été dissoute après l’Ascension ; la nature humaine du Christ ne cesse donc pas d’être unie à la nature divine dans la personne du Verbe, puisque le Christ subsiste éternellement, mais elle ne cesse pas non plus d’appartenir à son ordre qui est celui du créé, Le ciel n’appartient pas moins que la terre à l’ordre du créé et le Christ humain est au ciel comme sur la terre le premier-né de toute créature ; n’est-ce pas précisément parce que le Christ-total, homme et Dieu, réunit en lui les deux ordres du créé et de l’incréé, qu’il est l’universel Médiateur ? C’est Lui notre « témoin fidèle au ciel » (Ps.88) et nous ne pouvons espérer posséder la béatitude de la vie éternelle que par Lui, avec Lui et en Lui.

Gabriel HUAN
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(1) Sur la doctrine de Duns Scot, cf. la belle synthèse du P. Deodat de Basly, Scotus Docens, Paris, 1934.

Noël 2012

24 décembre, 2012

http://ofs-de-sherbrooke.over-blog.com/article-homelie-de-noel-2012-113561971.html

Noël 2012

Tous les ans, on se rassemble pour fêter Noël : tout est prévu, le réveillon, les cadeaux, le sapin, les décorations. Nous chrétiens, nous savons que cette fête c’est celle de la naissance et de la venue de Jésus dans notre vie et notre monde. Mais plus le temps passe, moins on semble se rappeler  du véritable sens de cette fête. Les familles et les amis se rassemblent pour s’amuser. De grands banquets sont organisés. Mais on oublie Celui qui devrait en être le principal invité. Toutes les portes se referment devant lui. C’est un peu comme un enfant qui invite ses amis à son anniversaire : si personne ne s’occupe de lui, nous  pouvons imaginer sa déception.
En venant ici dans cette église, nous voulons précisément nous rassembler autour de Celui qui nous invite à SA fête. Noël ce n’est pas seulement l’anniversaire d’un événement d’autrefois. C’est Jésus qui continue à vouloir naître dans notre vie et notre monde. C’est là le grand cadeau que Dieu nous fait : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il lui a donné son Fils unique. » A côté de ce cadeau extraordinaire, tout le reste c’est de la pacotille ; c’est comme des boites entourées de papier brillant qu’on met sur le sapin de Noël, mais à l’intérieur, elles sont vides.
Noël, c’est une bonne nouvelle pour « peuple qui marchait dans les ténèbres » (Isaïe). Nous aussi, nous sommes ce peuple envahi par les ténèbres : ténèbres de la guerre, de la violence, de l’égoïsme, ténèbres de l’ignorance religieuse et de l’indifférence, ténèbres de l’exclusion… Les pauvres y deviennent de plus en plus pauvres et de plus en plus nombreux. Les actes de violence font chaque jour la une des médias. Mais au milieu de ces ténèbres, une lumière a resplendi : des associations s’organisent pour aider les plus pauvres à sortir de leur misère. A travers ces gestes de solidarité, c’est un peu plus de lumière qui vient éclairer notre monde.
Mais en cette fête de Noël, la bonne nouvelle c’est d’abord celle que les anges ont annoncée aux bergers. « Aujourd’hui, vous est né un Sauveur… Il est le Messie, le Seigneur. » Cette bonne nouvelle aurait pu être annoncée en priorité aux prêtres, aux lévites, aux docteurs de la loi. C’étaient tous des gens très pieux et très cultivés, capables de lire la Bible et de l’expliquer, de chanter les psaumes et de respecter la loi. Ce ne sont pas ces notables qui sont choisis pour entendre la bonne nouvelle mais des pauvres bergers, des individus frustes qui vivent en pleine campagne. Ils sont considérés comme des marginaux par la société bien pensante. On ne les voit que très peu à la synagogue.
Mais ils ont une prédisposition que les autres n’ont pas. Alors que tout le monde dort, eux ils veillent dans la nuit de Bethléem. Ils veillent sur leurs bêtes, oui, bien sûr, mais aussi, peut-être dans leur cœur. Eux qui sont considérés comme des moins-que-rien dans le monde des hommes, ils devaient rêver de quelqu’un qui pourrait les respecter, les estimer ou tout simplement leur parler. Or voilà que c’est à eux que cette bonne nouvelle est proclamée. C’est déjà une manière d’annoncer que le Sauveur est venu pour les petits, les pauvres, les exclus. Ils ont la première place dans le cœur de Dieu. Bien sûr, les autres ne sont pas rejetés : Dieu aime tous les hommes, juifs et païens, riches et pauvres.
Mais ce n’est pas à la porte des grands que Dieu vient frapper. Ces derniers ont d’autres préoccupations. Ce n’est pas dans le bruit nous dans l’agitation qu’il se révèle. Rappelons-nous ce qui s’est passé avec le prophète Elie : c’est dans le silence qu’il a entendu Dieu. Et c’est dans le silence de la nuit, loin de tout, que le Fils de Dieu devient l’un de nous. C’est un tout petit bébé comme chacun de nous à sa naissance. Ce silence continuera à Nazareth. Enfant comme les autres, on l’appellera « le fils du charpentier ».
La naissance de Jésus est l’annonce de ce que sera sa vie. Il naît come un sans abri. Plus tard il dira qu’il n’a pas « d’endroit où reposer sa tête ». Né sur les planches d’une mangeoire, il mourra sur le bois de la croix. Par ailleurs, une mangeoire sert à nourrir le bétail. Or Jésus se présentera précisément comme le bon berger qui prend soin de chacune de ses brebis. Il faut aussi savoir que le nom de Bethléem signifie « la maison du pain ». La naissance de Jésus dans ce village et dans une mangeoire nous annonce la nourriture qu’il donnera au monde : « Moi je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura plus jamais faim ».
Nous n’aurons jamais fini de découvrir la grandeur de ce cadeau extraordinaire que Dieu nous fait. Il dépasse tout ce que nous pouvons imaginer. C’est ce cadeau que nous sommes invités à redécouvrir en cette année de la foi pour le révéler au monde. Avec la venue de Jésus, c’est Dieu qui nous rejoint. Dans les circonstances les plus humbles et les plus douloureuses, il est Emmanuel, Dieu avec nous. Il se fait petit enfant pour partager notre existence et nous accompagner sur le chemin qu’il est venu nous montrer. En ce temps de Noël, nous le supplions : « Toi qui es Lumière, toi qui es l’amour, mets en nos ténèbres ton Esprit d’amour ». Amen

Sources : Revues Signes et Feu Nouveau, lectures bibliques des dimanches (A. Vanhoye), Dossiers personnels

Le mardi 25 décembre 2012 : Noël. Messe du Jour

24 décembre, 2012

http://vallee-aisne60.cef.fr/Noel-Messe-du-Jour.html

Le mardi 25 décembre 2012

Noël 0 : Noël. Messe du Jour

« La Parole était la vraie lumière, celle qui éclaire tout humain ; elle venait dans le monde. Elle était dans le monde, et le monde est venu à l’existence par elle, mais le monde ne l’a jamais connue. »

La Parole de Dieu a retenti, à la crèche les bergers voient Jésus avec Marie et Joseph. Le Secret de Jésus se propage maintenant dans l’Église : « Au commencement était le Verbe et le Verbe était auprès de Dieu et le Verbe était Dieu ; Par lui tout s’est fait et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans Lui. » Et nous pouvons descendre des hauteurs pour le trouver : « Le Verbe s’est fait chair. Il a habité parmi nous. » Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu. Nous sommes dans la contemplation d’un si grand mystère : Dieu se révèle : Amour. Il nous a parlé par ce Fils, héritier de toutes choses, Lui qui a créé les mondes, Reflet resplendissant de son être ! A partir du tout petit enfant de Marie qui transpire la joie et la paix de Dieu nous trouvons le bonheur. Le voilà annoncé par toute la terre, le ciel est en fête, Dieu n’est pas loin de nous.
« Tout est venu à l’existence par elle, et rien n’est venu à l’existence sans elle. Ce qui est venu à l’existence en elle était vie, et la vie était la lumière des humains. » Qu’ils sont beaux les pieds de ceux qui annoncent la bonne nouvelle, les messagers de paix ! Après avoir contemplé Jésus sur la terre, nous devenons ses messagers. « Il y eut un homme envoyé par Dieu, son nom était Jean, il était venu comme témoin pour rendre témoignage à la lumière afin que tous croient par lui. Cet homme n’était pas la lumière. » Comme dans ce texte de Jean, le messager de Dieu et Dieu fait homme sont entrelacés. Mystère de la parole de Dieu qui est tellement humaine, de ce prodigieux mystère où humanité et divinité sont maintenant indissolublement unies : Qu’ils sont beaux ceux qui parlent de Dieu avec le langage même de Dieu, ceux qui sont entrés dans son Amour. A tous ceux qui l’ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir enfant de Dieu.
« Nous, en effet, de sa plénitude nous avons tous reçu, et grâce pour grâce ; car la loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus–Christ. » Les messagers annoncent la Bonne Nouvelle du Seigneur venu chez les siens, les pauvres. Quelle que soit notre race, notre appartenance sociale nous pouvons rejoindre l’enfant Dieu de Noël. Dieu met son plaisir avec les enfants des hommes, il trouve là son bonheur, il est notre Dieu. Il est au plus intime de notre vie, de notre être et nous le rejoignions pour vivre par lui. Il vient chez nous à Noël pour nous élever jusqu’à lui. De la Crèche au Crucifiement, Il est déjà offert en Sacrifice d’amour. Celui qui naît dans une mangeoire, devient le Pain de la Vie. Nous partageons le Pain et nous buvons à la Coupe du salut pour devenir son visage, ses témoins. « Qu’ils sont beaux les pieds de ceux qui portent la bonne nouvelle ! » C’est notre vocation, elle est si belle.
Nous demandons à Marie la grâce de cheminer avec nous, de nous rappeler sans cesse que Jésus est le seul bonheur de l’humanité.

NOEL: CHEZ HERODE

18 décembre, 2012

http://www.info-bible.org/legrand/noel.htm

NOEL: CHEZ HERODE

A partir des récits de la nativité qui nous sont rapportés dans le Nouveau Testament, nous allons aujourd’hui nous introduire sans qu’on nous voie dans le palais du roi Hérode à Jérusalem. Nous nous cachons dans une encoignure, et de là nous ouvrons l’œil et nous prêtons l’oreille. La journée tire à sa fin et Hérode que je me représente « gros, gras et replet » (saviez-vous que cette expression qui fait sourire est dans la Bible ? en Deut 17 :15) , Hérode donc se retire dans ses appartements privés après une journée bien remplie : il a bien mangé, bien bu, ses joueurs de harpe l’ont accompagné dans sa sieste ; il rendu une visite de courtoisie à son épouse légitime, il s’est entretenu un peu plus longuement avec les autres… moins légitimes ; il a donné des ordres d’une voix autoritaire, ordres qui ont été exécutés à la lettre et sur le champ. Il a fait du bon travail et sa conscience en paix, il peut maintenant se livrer à la méditation en toute tranquillité. Il sait qu’il est âgé et qu’il devra bientôt déposer la tente de cette vie mais, comme la plupart des hommes, il n’a fait aucun préparatifs sérieux pour le grand départ de l’éternité. Oh ! bien sûr, il a la meilleure religion du monde de cette époque, celle révélée par Dieu à Moïse ; il assistait occasionnellement à quelques cérémonies, il marmonnait chaque soir avant de s’endormir une petite prière apprise par cœur et c’était tout. Par contre il méditait nombres de préparatifs pour cette terre qu’il allait pourtant devoir quitter. Il avait un fils qui devait lui succéder dans les affaires et il tenait à assurer sa dynastie. Il échafaudait des plans pour qu’il règne sur de nombreux sujets. Hérode est brusquement tiré de ses méditations par un serviteur qui lui apporte les dernières nouvelles. Des gens venus d’orient sont entrés dans la ville, ils voyagent depuis longtemps, ils sont couverts de la poussière de la route car, disent-ils, une étoile mystérieuse apparue en Orient leur a révélé qu’en Israël le roi des Juifs venait de naître et ils viennent lui rendre hommage. De toutes ces paroles Hérode n’a retenu celles-ci : « Le Roi des Juifs qui vient de naître ». Un roi qui ne serait pas son fils, pas de sa lignée à lui ! ! C’est un coup de tonnerre dans son ciel bleu. Au soir de sa vie, Hérode est sidéré par l’ampleur du désastre qui l’atteint et le touche au cœur même de ses ambitions. Mais il se ressaisi rapidement , il accorde sur l’heure une audience aux voyageurs venus de l’Est. Sous des dehors accueillants et intéressés, le vieux renard qu’il est se déguise en poule afin de mieux piller le poulailler. Et pourtant, quelques jours avant, hier peut-être, il était encore dans le temple de l’Eternel avec la foule, il s’inclinait en public devant Dieu, il donnait l’impression d’écouter attentivement la lecture de la Loi. Tant que sa religion formaliste et traditionnelle ne lui demandait que des cérémonies extérieures, des génuflexions, des actes de présence aux grandes occasions. tout allait bien. Mais le jour où, en la personne de Jésus, l’Evangile croise son chemin, dérange ses plans, lui demande de détrôner son orgueil et d’introniser l’envoyé de Dieu, alors cet orgueil se rebiffe et éclate au grand jour, le masque tombe, il est déterminé à tout briser sur son passage, même Dieu s’il le pouvait. Il y a des millions d’Hérodes aujourd’hui dans le monde ; tant que leur religion leur permet des compromis de conscience : une crèche à Noël avec un petit Jésus en sucre, un cierge qu’on allume à l’Eglise de temps à autre, le portefeuille qui s’ouvre à l’occasion pour une bonne cause caritative ou paroissiale à grand spectacle, on peut compter sur eux. Mais le jour où le vrai Jésus, le Fils de Dieu croise leur route, bouleverse leurs plans, leur demande de dire comme Jean-Baptiste à propos du Christ « Il faut qu’il croisse et que moi je diminue », alors, là, rien ne va plus ! Lorsqu’il faut remplacer les cérémonies extérieures par une piété véritable, la religion d’un jour par celle de tous les jours, , de quitter une majorité insouciante pour se mettre dans une minorité méprisée, autrement dit aller à contre-courant, c’est alors qu’on entend le Holà ! d’Hérode : Jusque là mais pas plus loin ! Hérode fait appel à ses théologiens qui, honnêtement, rendons-leur cette justice, lui donnent la confirmation de ce qu’il craint : « Oui, de toi Bethléem sortira un chef qui paîtra Israël mon peuple » (Matt.2 :6). Hérode se fait mielleux avec les mages et, avec ruse, il s’entretient du divin enfant mais pour le faire périr. Les mages, eux, divinement avertis des plans meurtriers du roi, ne revinrent pas vers lui comme prévu mais s’en retournèrent en Orient par un autre chemin. Alors Hérode se mit dans une grande colère et il se rendit coupable d’une horrible tuerie que l’Histoire a flétri du nom de « Massacre des Innocents ». Dans tout son territoire il envoya tuer tous les petits enfants de moins de deux ans. Mais cette folie meurtrière ne put empêcher le plan de Dieu de s’accomplir. Il n’arriva qu’à se retrancher de toute possibilité de salut et peu de temps après il mourut. Son âme quitta son corps et descendit dans le séjour des mort où elle est encore au moment où je vous parle, et elle y restera jusqu’au jour où il sera traîné au grand jugement de Dieu auquel nul n’échappe. Et là, assis sur le grand Trône de l’Univers Qui verra-t-il ? Non plus le faible nourrisson de l’étable de Bethléem, mais Celui entre les mains duquel le Père a remis tout jugement selon la vision que nous en donne l’Apocalypse (1 :13-16) : « Je vis Quelqu’un qui ressemblait à un fils d’homme, vêtu d’une longue robe et ayant une ceinture d’or sur la poitrine. Sa tête et ses cheveux sont blancs comme de la neige, ses yeux sont comme une flamme de feu, ses pieds sont ardents comme du métal embrasé dans une fournaise, sa voix comme le bruit des grandes eaux, de sa bouche sort une épée aiguë a double tranchant et son visage est comme le soleil quand il brille dans sa force… ». Et avant que la sentence leur soit signifiée, tous les Hérodes du monde entendront ce jour-là, non pas les vagissements du nouveau-né de la crèche mais le Nom de Jésus proclamé à la face de tout l’Univers. Et, dit la Bible dans l’épître aux Philippiens, à l’énoncé de ce nom, « tout genoux fléchira de tout ce qui est dans les cieux, sur la terre et sous la terre et toute langue confessera que Jésus-Christ est Seigneur à la Gloire de Dieu le Père ». (Phil. 2 :10,11). C’est par avance ce qu’ont fait les mages et nous sommes invités à leur ressembler en cette veille de Noël, et à Lui ouvrir le plus grand trésor du monde, c’est-à-dire notre cœur

Livre du Prophète Ésaïe – Chapitres 7 à 9 (v.7)

18 décembre, 2012

http://www.bibleenligne.com/Commentaire_biblique/Commentaire_intermediaire/AT/Esaie/Es7.htm

Livre du Prophète Ésaïe

Troisième série — Chapitres 7 à 9 (v.7)

Le chapitre 6 venait à point pour compléter le chapitre 5, mais il appartient tout autant à une Troisième partie qu’il introduit, et dont la date n’est plus la mort d’Ozias, mais saute par-dessus le règne de Jotham pour arriver aux jours du méchant Achaz.

Chapitre 7
Le ch. 7 donne, en Achaz, un exemple de l’endurcissement qui doit atteindre le peuple comme jugement de Dieu (6:9, 10).
v. 1-9. La prophétie précédente se terminait sur la promesse d’une semence sainte, le vrai Résidu (basé sur le tronc d’Isaï), qui sera «le tronc» du peuple du Messie; un événement prêt à se produire devient le motif d’une nouvelle prophétie. «Un résidu reviendra» (Shear Jashub), ce grand fait est comme enfanté par le prophète et l’accompagne partout. Il est à la base de tout ce qui va arriver. La Syrie et Israël veulent détruire la semence de David. Achaz ne mérite que cela, mais Dieu a en vue le Messie, Emmanuel, et annonce la destruction de ces deux ennemis de Juda au bout de 65 ans (v. 8).
v. 10-17. Dieu veut en donner confirmation à Achaz par le signe que celui-ci demandera. Mais Achaz a mis sa confiance en l’Assyrie, et il refuse sous prétexte de ne pas tenter l’Éternel, comme si l’Éternel, quand il fait une promesse, pouvait en revenir ou la voir annuler. Cette incrédulité lasse enfin la patience de Dieu, mais ne l’empêche nullement, Lui, de donner un signe dans la personne d’Emmanuel, le fils de la Vierge, donné comme un petit enfant dont Lui suit la croissance parmi les autres, nourri comme eux, jusqu’à l’âge de «savoir rejeter le mal et choisir le bien». À lui se rattache le retour du Résidu (Shear Jashub) dans un temps futur 1. Mais Ésaïe va avoir un nouveau fils dont le nom signifie hâte du butin, promptitude du pillage. Avant que celui-là sache rejeter le mal et choisir le bien, Israël et la Syrie, Samarie et Damas, seront détruits. Mais celui auquel Achaz s’est confié pour amener ce résultat, et qui l’amènera en effet, selon les voies de Dieu, l’Assyrien, sera contre Juda la verge de la colère de Dieu.
1 Il sera alors délivré non plus de Damas et Samarie, mais de l’Assyrien des derniers jours. Emmanuel est de tout temps l’espérance de ce Résidu, la base de l’accomplissement des promesses en sa faveur. C’est en vue de cet accomplissement que se déroulent tous les événements prophétiques, à commencer, peu après cette prophétie d’Ésaïe, par la défaite de Syrie et d’Israël, avant qu’un enfant en bas âge fût élevé. Cf. Lettre de JND, Messager Évangélique, 1891, p 69, 70, qui rapporte le v. 16 à Shear Jashub lui-même, le premier fils prophétique, alors que l’auteur y voit le second, celui de 8:1-4. Il est clair que le sens général reste le même (Éditeur).
Ainsi, nous avons jusqu’ici: l’assurance prophétique du retour d’un Résidu, la promesse de la venue du Messie, Dieu avec nous, mais une tribulation sans précédent tombant sur Juda. Cette tribulation trouve son expression dans l’Assyrien de la fin.
v. 18-25. Ici nous est dépeint ce temps de désolation amené par le conflit entre l’Égypte et l’Assyrie, le roi du Midi et le roi du Nord. Ce conflit ne laissera rien subsister de Juda, tout le pays ne sera que ronces et épines. Par l’Assyrien Juda sera réduit à l’état du petit enfant qui vient de naître (22), mais c’est dans cette condition qu’il pourra rencontrer Emmanuel.

Sermon du bienheureux Guerric D’Igny, abbé

17 décembre, 2012

http://peresdeleglise.free.fr/textesvaries/avent.htm

Sermon du bienheureux Guerric D’Igny, abbé

« Préparez le chemin du Seigneur. » Le chemin du Seigneur, frères, qu’il nous est demandé de préparer se prépare en marchant. On y marche dans la mesure où on le prépare. Même si vous vous êtes beaucoup avancés sur ce chemin, il vous reste toujours à le préparer, afin que, du point où vous êtes parvenus, vous soyez toujours tendus au-delà. Voilà comment, à chaque pas que vous faites, le Seigneur à qui vous préparez les voies vient au-devant de vous, toujours nouveau, toujours plus grand. Aussi est-ce avec raison que le juste prie ainsi : « Enseigne-moi le chemin de tes volontés et je le chercherai toujours. » On donne à ce chemin le nom de vie éternelle, peut-être parce que bien que la providence ait examiné le chemin de chacun et lui ait fixé un terme jusqu’où il puisse aller, cependant la bonté de celui vers lequel vous vous avancez n’a pas de terme. C’est pourquoi le voyageur sage et décidé pensera commencer lorsqu’il arrivera. Il oubliera alors ce qui est derrière lui pour se dire chaque jour : « Maintenant, je commence. »
Mais nous qui parlons d’avancée dans ce chemin, plût au ciel que nous nous soyons mis en route ! A mon sens, quiconque s’est mis en route est déjà sur la bonne voie : il faut toutefois qu’il ait vraiment commencé, qu’il ait trouvé le chemin de la ville habitée, comme dit le psaume. qu’ils sont peu nombreux ceux qui la trouvent, dit la Vérité. Qu’ils sont nombreux ceux qui errent dans les solitudes…
Et toi Seigneur, tu nous as préparé un chemin, si seulement nous consentons à nous y engager. Tu nous as enseigné le chemin de tes volontés en disant : Voici le chemin, suivez-le sans vous égarer à droite ou à gauche. C’est le chemin que le Prophète avait promis : « Il y aura une route droite et les insensés ne s’y égareront pas. » J’ai été jeune, maintenant je suis vieux et, si j’ai bonne mémoire, je n’ai jamais vu d’insensés sur ton chemin, Seigneur, c’est tout juste si j’ai vu quelques sages qui aient pu le suivre tout au long. Malheur à vous qui êtes sages à vos yeux et qui vous dites prudents, votre sagesse vous a éloignés du chemin du salut et ne vous a pas permis de suivre la folie du Sauveur.
Si tu es déjà sur le chemin, ne perds pas ta route ; tu offenserais le Seigneur qui lui-même t’a conduit. Alors il te laisserait errer dans les voies de ton coeur. Si ce chemin te paraît dur, regarde le terme auquel il te conduit. Si tu vois ainsi le bout de toute perfection, tu diras : « Comme ils sont larges tes ordres. » Si ton regard ne va pas jusque-là, crois au moins Isaïe le Voyant qui est l’oeil de ton corps. Il voyait bien ce terme lorsqu’il disait : « Ils marcheront par ce chemin, ceux qui ont été libérés et rachetés par le Seigneur, et ils viendront dans Sion avec des cris de joie. Un bonheur éternel transfigurera leur visage, allégresse et joie les accompagneront, douleur et plainte auront pris fin. » Celui qui pense à ce terme, non seulement trouve le chemin court, mais encore a des ailes, de sorte qu’il ne marche plus, il vole vers le but. Que par là vous conduise et vous accompagne celui qui est le chemin de ceux qui courent et la récompense de ceux qui arrivent au but : Jésus-Christ. »

Sermon V pour l’Avent, in Lectionnaire pour les dimanches et fêtes de Jean-René Bouchet, Cerf, 1994, pp. 36-38).

Lc 2 : les anges de Noël

17 décembre, 2012

http://www.bible-service.net/site/532.html

Lc 2 : les anges de Noël

Luc 2, 1 Or, en ce temps-là, parut un décret de César Auguste pour faire recenser le monde entier. 2 Ce premier recensement eut lieu à l’époque où Quirinius était gouverneur de Syrie.
3 Tous allaient se faire recenser, chacun dans sa propre ville; 4 Joseph aussi monta de la ville de Nazareth en Galilée à la ville de David qui s’appelle Béthléem en Judée, parce qu’il était de la famille et de la descendance de David, 5 pour se faire recenser avec Marie son épouse, qui était enceinte.
6 Or, pendant qu’ils étaient là, le jour où elle devait accoucher arriva; 7 elle accoucha de son fils premier-né, l’emmaillota et le déposa dans une mangeoire, parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans la salle d’hôtes.
8 Il y avait dans le même pays des bergers qui vivaient aux champs et montaient la garde pendant la nuit auprès de leur troupeau. 9 Un ange du Seigneur se présenta devant eux, la gloire du Seigneur les enveloppa de lumière et ils furent saisis d’une grande crainte. 10 L’ange leur dit :  »Soyez sans crainte, car voici, je viens vous annoncer une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple : 11 Il vous est né aujourd’hui, dans la ville de David, un Sauveur qui est le Christ Seigneur; 12 et voici le signe qui vous est donné: vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire ».
13 Tout à coup il y eut avec l’ange l’armée céleste en masse qui chantait les louanges de Dieu et disait : 14  »Gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur la terre paix pour ses bien-aimés ».
15 Or, quand les anges les eurent quittés pour le ciel, les bergers se dirent entre eux:  »Allons donc jusqu’à Béthléem et voyons ce qui est arrivé, ce que le Seigneur nous a fait connaître ». 16 Ils y allèrent en hâte et trouvèrent Marie, Joseph et le nouveau-né couché dans la mangeoire.
17 Après avoir vu, ils firent connaître ce qui leur avait été dit au sujet de cet enfant. 18 Et tous ceux qui les entendirent furent étonnés de ce que leur disaient les bergers. 19 Quant à Marie, elle retenait tous ces événements en en cherchant le sens. 20 Puis les bergers s’en retournèrent, chantant la gloire et les louanges de Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu, en accord avec ce qui leur avait été annoncé.

LE TEMPS DE NOEL AVEC PADRE PIO

12 décembre, 2012

http://saint.padre.pio.free.fr/meditation-noel.htm

LE TEMPS DE NOEL AVEC PADRE PIO

Méditation pour Noël

Présentation
Cette présentation de Noël pourra sembler au premier abord sombre, à l’encontre de la douceur qui inondait le coeur de Padre Pio et transparaissait sur son visage. Mais sans doute faut-il, au-delà des images et de certains mots, aller jusqu’au bout de ce mystère de l’incarnation : Padre Pio ne s’arrête pas, tant qu’il n’en a pas atteint le coeur ; et ce coeur, c’est l’amour: « Tout cela, il l’a fait par amour ; il ne nous invite qu’à l’amour, il ne nous parle que d’amour, il ne nous donne que des preuves d’amour ». Ainsi qu’il l’écrit, même si nous ne comprenons pas tout, chacun est capable d’en percevoir, d’en entendre quelque chose.
Le reste découle de cela. Le reste, ce n’est pas une vision misérabiliste, moralisatrice ou rigoriste, mais le débordement de l’amour comme humilité : humilité de Jésus et, en réponse, notre humilité. l’accent à plusieurs reprises sur la tendresse doit être noté ; il évite toute dérive hors de ce sublime mystère de Dieu devenu enfant

TEXTE
C’est au cœur de la nuit, au cours de la saison la plus rigoureuse, dans la grotte la plus glaciale, habitation des troupeaux plus que d’une créature humaine, que vint à la lumière, à la plénitude des temps, le Messie promis – Jésus – le Sauveur des hommes.
Aucun bruit autour de lui ; un bœuf et un âne réchauffent le pauvre Enfant nouveau-né ; une femme humble, un homme pauvre et fatigué en adoration devant lui.
Ne se font entendre que les vagissements et les pleurs de Dieu devenu enfant. Et par ces pleurs, par ces vagissements, il offre à la justice divine la première rançon pour notre réconciliation.
Depuis plus de quarante siècles il est attendu ; c’est avec des soupirs que les Patriarches en avaient invoqué la venue ; les auteurs sacrés avaient prophétisé clairement et le lieu et l’époque de sa naissance… Pourtant tout est silence et il semble que nul ne sait rien de ce grand avènement. Un peu plus tard seulement, des bergers qui gardaient leurs troupeaux dans les champs viennent lui rendre visite. Ils ont été avertis par des esprits célestes de cet avènement grandiose, et invités à se rendre à la grotte où il se trouve.
Qu’ils sont nombreux et importants, ô chrétiens, les enseignements qui partent de la grotte de Bethléem ! Oh, comme notre cœur doit se sentir brûlant d’amour pour celui qui s’est fait toute tendresse pour nous ! Comme nous devrions avoir au cœur le désir de conduire le monde entier à cette humble grotte, refuge du roi des rois, plus grande que tout palais humain, parce que trône et demeure de Dieu ! Demandons à ce divin Enfant de nous revêtir d’humilité, parce que seule cette vertu nous fera goûter ce mystère rempli de tendresse divine.
Les palais de l’Israël orgueilleux scintillent, mais ce n’est pas en eux qu’est venue au monde la Lumière ! Mettant leur assurance dans la grandeur humaine, baignant dans l’or : ainsi sont les notables de la nation juive ; les prêtres du temple sont pleins de vaine gloire et de superbe ; à l’encontre du sens véritable de la révélation divine ils attendent un Sauveur rabougri, venant dans le monde selon la grandeur humaine et la puissance.
Mais Dieu, qui a toujours à cœur de confondre la sagesse de ce monde, balaie leurs projets et, à l’encontre de l’attente de ceux qui sont privés de la sagesse divine, descend parmi nous dans la plus grande abjection, renonçant à naître dans l’humble maison de Joseph ou même dans celle d’un parent ou d’une connaissance dans la ville de Juda ; et, en quelque sorte rejeté par les hommes, il demande asile et secours à de vils animaux, choisissant leur demeure comme lieu de sa naissance, leur paille pour réchauffer son petit corps délicat. Il fait en sorte que le premier hommage lui soit rendu par de pauvres et rustres bergers qu’il a lui-même, par l’intermédiaire de ses anges, informés de ce grand mystère.
O sagesse et puissance de Dieu ! nous sentions le devoir de nous exclamer – entrés en extase avec ton Apôtre – combien tes jugements sont incompréhensibles et insondables tes voies ! Pauvreté, humilité, abjection et mépris entourent le Verbe fait chair ; nous, cependant, nous comprenons une chose de cette obscurité dans laquelle le Verbe fait chair est enveloppé, nous entendons une parole, nous entrevoyons une vérité sublime : Tout cela, il l’a fait par amour ; il ne nous invite qu’à l’amour, il ne nous parle que d’amour, il ne nous donne que des preuves d’amour.
L’Enfant céleste souffre et gémit dans la crèche, afin que la souffrance nous devienne aimable et méritoire, afin que nous la recherchions : il manque de tout afin que nous apprenions de lui le renoncement aux biens terrestres, il prend plaisir en ces pauvres et humbles adorateurs, pour nous pousser à aimer la pauvreté et à préférer la compagnie des petits et des simples à celle des grands de ce monde.
Ce petit Enfant, qui est tout mansuétude et douceur, veut insuffler en nos cœurs, par son exemple, ces vertus sublimes, afin que dans ce monde déchiré et bouleversé surgisse une ère de paix et d’amour. Par sa naissance il nous indique notre mission : mépriser ce que le monde aime et recherche.
Oh ! Prosternons-nous devant la crèche, et avec le grand saint Jérôme, le saint enflammé d’amour pour Jésus enfant, offrons-lui tout notre cœur, sans réserve ; et promettons-lui de suivre les enseignements qui viennent à nous depuis la grotte de Bethléem, et peuvent presque se résumer en ceci : Vanité des vanités, tout est vanité.

HANOUKAH ET NOËL – Frédéric Manns

11 décembre, 2012

http://www.christusrex.org/www1/ofm/sbf/dialogue/hanouka.html

HANOUKAH ET NOËL

Frédéric Manns

Opposer à l’occasion de Hanoukah, la fête des lumières, célébrée du 25 Kislev au 3 Tevet, la lumière que la Grèce voulait imposer par la force et la lumière rayonnante de la Loi est un genre littéraire bien connu. Hanoukah rappelle que la fidélité à la Loi a surmonté le danger d’assimilation. Peu importent les aspects légendaires ou historiques de la fête célébrée au solstice d’hiver; c’est son aspect symbolique que les rabbins retiennent.
Et pourtant les Juifs d’Alexandrie avaient traduit la Loi dans la langue de Japhet qu’une partie des autorités juives considérait comme la plus belle de toutes les langues. La Septante est le résultat d’une double démarche: la demande des Ptolémées et le désir des Juifs d’acquérir un statut accepté des Grecs en faisant connaître leur Loi. La lumière d’Athènes devait rejoindre celle de Jérusalem. « L’Ancien Testament a mûri à Alexandrie », écrivait jadis le Père Barthélémy. La Parole de Dieu d’abord acheminée vers le peuple hébreu à travers leur langue avait ensuite été transmise à un plus grand nombre de destinataires par le grec des Septante, avant sa réception dans le Nouveau Testament. Avec la Septante la Bible accédait pour la première fois dans l’histoire au niveau délibéré d’une valeur philosophique, elle prenait rang parmi les oeuvres maîtresses de la philosophie. Le grec avait permis aux juifs d’Alexandrie de franchir la distance entre la religion et la philosophie. La religion et la Philosophie avaient opéré leur fusion dans la version grecque de la Bible. Le pont jeté entre le judaïsme et l’hellénisme en orientait le sens de manière originale. S’il y avait un sens du texte hébreu il y a aussi un sens du grec qui est une autre vérité de la Bible.
E. Lévinas a résumé les bienfaits de la traduction grecque de la Bible: elle en a donné une élucidation nécessaire pour ce qui était la modernité du monde hellénistique. Malheureusement la Septante a disparu de la mémoire juive qui garde le souvenir de ce moment terrible et répète la condamnation rabbinique du jour funeste où la Loi fut traduite dans la langue des ennemis. La Septante sera toujours consultée pour la critique et pour la correction du texte hébreu. Seule l’oeuvre de Philon d’Alexandrie lui a apporté un moment de gloire. Elle reste la grande ignorée de la littérature rabbinique. C’est par les chrétiens qu’elle a été préservée, lue et utilisée.
Les Juifs d’Alexandrie avaient donné la lumière de leur Loi à leurs contemporains. La Septante pourrait être un pont plutôt qu’une rupture entre Juifs et Païens. Elle est au coeur du problème de la relation entre judaïsme et christianisme. Elle a été un pont entre les deux. Mais l’usage de la Septante fait par les chrétiens dans le Nouveau Testament a révélé également une rupture.
E. Lévinas admet que le grec a apporté par delà son vocabulaire et sa grammaire une autre merveille de l’esprit : le langage d’une intelligence et d’un intelligibilité ouvertes à l’esprit non prévenu. Le passage par le grec a constitué pour la Loi une épreuve nécessaire. Le grec signifie toute langue de la raison: c’est la façon dont s’exprime l’universalité de l’Occident surmontant les particularismes locaux. Toute langue de la modernité fait apparaître l’universel dans le judaïsme. La prophétie de Noé disant que Dieu donnerait un grand espace à son fils Japhet et que Japhet habitera dans les tentes de Sem (Gen 9,27) signifie que Sem s’ouvrira à la langue de Japhet, le grec. Les Juifs peuvent donc revendiquer par le grec la modernité à côté de la tradition. Un judaïsme qui a traversé un processus d’assimilation dans s’écarter de la Loi se situe au-delà de la confrontation entre l’exigence de la Loi et la modernité. Pourquoi opposer la lumière d’Athènes à celle de Jérusalem? N’est-ce pas de deux approches d’une même réalité qu’il s’agit ?
Les historiens s’interrogeront encore longtemps sur l’importance qu’il faut accorder à la version grecque lors du passage du judaïsme au christianisme? Les penseurs juifs peuvent reconnaître en elle une étape de l’ouverture du judaïsme à la modernité du temps. C’est un fait que les chrétiens d’Alexandrie vers les années 180 développeront dans la ville une école d’enseignement chrétien le didaskaleion où on lisait et commentait les oeuvres de Philon. Les traités de Philon étaient à la disposition de Clément d’Alexandrie et d’Origène. Origène apportera avec lui ces oeuvres lorsqu’il ouvrira son scriptorium de Césarée maritime. Or Philon pratiquait une exégèse biblique dans la ligne du judaïsme alexandrin. Dans ses commentaires de l’Ecriture Philon explique pourquoi avant de s’unir à Sara, figure de la vertu, Abraham dut s’unir à Hagar, la servante: celle-ci est la figure de la culture obtenue par le cycle des connaissances préparatoires, la paideia. La culture est la servante de la sagesse. La lumière de la culture ouvre à l’accueil de la révélation.
La lumière vient-elle de la Grèce ou bien de la Torah? Israël qui avait traduit la Bible dans la langue de Japhet ne pouvait éviter cette interrogation. L’allumage des lumières de Hanoukah montre concrètement que l’accomplissement d’un commandement fait descendre la Lumière Divine dans ce monde. Cette idée est vraie pour tous les commandements qui sont qualifiés de « luminaires ». L’allumage se fait de manière croissante, en rajoutant une flamme chaque soir de la fête. Cela implique que, dans tout accomplissement d’un commandement, l’idée de progression est essentielle. Les lumières de Hanoukah doivent être allumées enfin « à la porte de la maison, vers l’extérieur », car il appartient à chacun de diffuser la lumière du judaïsme autour de lui. La lumière est faite pour être communiquée aux autres. C’était l’intention des traducteurs de la Bible en grec.
Le même symbolisme de la lumière qui luit dans les ténèbres est repris par les chrétiens dans leur célébration de la naissance de Jésus à Bethléem. Une étoile montre la route aux païens et les guide vers Celui qui est la Lumière du monde. La fête remplace celle du Sol invictus qui à Rome correspondait elle aussi au solstice d’hiver. La lumière du soleil orientait déjà vers la lumière de la Révélation. Symbole et réalité ne se contredisent pas. Sur les lampes qu’on donnait aux chrétiens figurait l’inscription grecque: la lumière du Christ brille pour tous. Impossible de la garder pour soi tout seul.
Les bougies de Hanoukah illuminent le regard de l’enfant qui sourit à ces lumières si différentes, chargées d’humanité, anciennes et toujours nouvelles. L’enfant ne sait pas dire cette différence et cette histoire, cette attente. Il contemple les flammes fragiles et en même temps la puissance de leur éclat.
En chacun de nous aussi, un enfant s’éveille et se souvient, sourit à cette merveille de la fête, et dit avec un secret tremblement de bonheur : la lumière est plus forte que la nuit. L’essentiel est invisible aux yeux de chair. Seul qui regarde avec le coeur comprend ces réalités.

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