Archive pour la catégorie 'Noël 2011'

LE NOËL D’UN « IGNORANT SAUVAGE » EN RELIGION

21 décembre, 2011

http://www.zenit.org/article-29778?l=french

LE NOËL D’UN « IGNORANT SAUVAGE » EN RELIGION

Une « visitation » pendant le chant du Magnificat

ROME, mercredi 21 décembre 2011 (ZENIT.org) – L’écrivain et diplomate français Paul Claudel a été comme consolé – on le sait souvent, sans avoir pourtant eu accès à son récit – par la lumière de Noël à Notre-Dame de Paris en 1886. Il a ensuite raconté lui-même cet événement intérieur, avouant qu’il était alors « d’une ignorance sauvage » pour ce qui est de la religion. C’est, écrit-il, Rimbaud qui a ouvert le premier une « fissure » dans son « bagne matérialiste ». Puis, l’Enfant de la crèche l’a visité dans son « état habituel d’asphyxie et de désespoir », pendant le chant du Magnificat.

Voici le récit (éditions Gallimard) que l’on peut trouver sur le site de la Société Paul Claudel :

« Ma conversion », par Paul Claudel
(…) J’avais complètement oublié la religion et j’étais à son égard d’une ignorance de sauvage. La première lueur de vérité me fut donnée par la rencontre des livres d’un grand poète, à qui je dois une éternelle reconnaissance, et qui a eu dans la formation de ma pensée une part prépondérante, Arthur Rimbaud. La lecture des Illuminations, puis, quelques mois après, d’ Une saison en enfer , fut pour moi un événement capital. Pour la première fois, ces livres ouvraient une fissure dans mon bagne matérialiste et me donnaient l’impression vivante et presque physique du surnaturel. Mais mon état habituel d’asphyxie et de désespoir restait le même.
J’avais complètement oublié la religion et j’étais à son égard d’une ignorance de sauvage. La première lueur de vérité me fut donnée par la rencontre des livres d’un grand poète, à qui je dois une éternelle reconnaissance, et qui a eu dans la formation de ma pensée une part prépondérante, Arthur Rimbaud. La lecture des Illuminations, puis, quelques mois après, d’ Une saison en enfer , fut pour moi un événement capital. Pour la première fois, ces livres ouvraient une fissure dans mon bagne matérialiste et me donnaient l’impression vivante et presque physique du surnaturel. Mais mon état habituel d’asphyxie et de désespoir restait le même.
Tel était le malheureux enfant qui, le 25 décembre 1886, se rendit à Notre-Dame de Paris pour y suivre les offices de Noël. Je commençais alors à écrire et il me semblait que dans les cérémonies catholiques, considérées avec un dilettantisme supérieur, je trouverais un excitant approprié et la matière de quelques exercices décadents. C’est dans ces dispositions que, coudoyé et bousculé par la foule, j’assistai, avec un plaisir médiocre, à la grand’messe. Puis, n’ayant rien de mieux à faire, je revins aux vêpres.
Les enfants de la maîtrise en robes blanches et les élèves du petit séminaire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet qui les assistaient, étaient en train de chanter ce que je sus plus tard être le Magnificat. J’étais moi-même debout dans la foule, près du second pilier à l’entrée du chœur à droite du côté de la sacristie.
Et c’est alors que se produisit l’événement qui domine toute ma vie. En un instant mon cœur fut touché et je crus. Je crus, d’une telle force d’adhésion, d’un tel soulèvement de tout mon être, d’une conviction si puissante, d’une telle certitude ne laissant place à aucune espèce de doute, que, depuis, tous les livres, tous les raisonnements, tous les hasards d’une vie agitée, n’ont pu ébranler ma foi, ni, à vrai dire, la toucher. J’avais eu tout à coup le sentiment déchirant de l’innocence, l’éternelle enfance de Dieu, une révélation ineffable. (…)

(1913)

Paul Claudel, Contacts et circonstances, Œuvres en Prose
Gallimard, La Pléiade, pp.1009-1010.

UN CONTE DE NOËL, PAR MGR FOLLO

20 décembre, 2011

http://www.zenit.org/article-29774?l=french

UN CONTE DE NOËL, PAR MGR FOLLO

Naissance d’une vocation
ROME, mardi 20 décembre 2011 (ZENIT.org) – L’Observateur permanent du Saint-Siège à l’UNESCO à Paris, Mgr Francesco Follo, qui vient de publier « La mission du Saint-Siège à l’Unesco : La paix en question” (Editions Parole et Silence, 2011) a accepté de raconter aux lecteurs de Zenit un souvenir – un conte – de Noël et d’évoquer sa vocation sacerdotale et son ministère peu commun.

Zenit – Mgr Follo, avez-vous un souvenir de jeunesse, pour nous aider à célébrer Noël ?
Mgr Francesco Follo – Je me souviens d’un noël particulier de ma jeunesse: j’étais à Lourdes, où j’ai entendu un chant qui parlait de la visite des Rois Mages à Jésus. La chanson disait notamment que les trois Sages étaient arrivés à la grotte avec amour dons l’or, l’encens et la myrrhe, et qu’ils étaient accompagnés de beaucoup de serviteurs dont un clown. Cet homme, petit et vête du façon cocasse n’avait pas été considéré digne d’être présenté à la Sainte Faille. Il était donc resté derrière et il y avait un mur de personnes entre lui et l’Enfant Jésus. Comme il était petit de faille, il ne voyait rien et alors il faisait des bonds pour pouvoir voir Jésus. Son agitation faisait sonner les clochettes accrochées à son costume de bouffon. En entendant ce son, qui risquait de réveiller le nouveau-né, la Vierge a demandé qui en était responsable. Le mur de gens s’ouvrit et quelqu’un désigna le clown comme le responsable du tapage. La Mère du Sauveur lui sourit et, une fois reçus les cadeaux des Rois Mages, elle demanda à ce pauvre homme quel cadeau il avait apporté à Jésus. Le clown avait les mains vides, mais il répondit assez vite : « J’apporte ma capacité à m’émerveiller ».
Alors, je cherche à vivre le Saint Noël en cultivant l’émerveillement, en cherchant à m’émerveiller, avec gratitude parce que Dieu nous/m’aime, au point de descendre au milieu de nous. Je cherche aussi à me regarder comme lui me regarde, dans la lumière de sa sainteté, et dans l’amour de son cœur qui se donne à nous. Et c’est avec ce regard dans les yeux et dans le cœur, que je cherche à regarder les autres qui sont, avec moi, devant la crèche.

Mais où fêter Noël ?
Si le « comment » c’est l’émerveillement reconnaissant pour un Dieu qui se fait petit enfant, le « lieu », c’est la maison : celle de la famille, celle de Dieu. Si l’on ne vit pas en communion avec les autres, à commencer par ceux de notre famille, ce n’est pas une vie « commune », il n’y a pas de vraie vie communautaire sinon dans la louange de Dieu qui nous fait contempler la crèche.

Pourquoi vous êtes devenu prêtre ?
Avant tout je ne vous dirai pas pourquoi je suis devenu prêtre, mais pour « Qui » je l’ai fait. Ce « Qui » est le Christ. Il m’a toujours fasciné, je l’ai toujours estimé et, après, de plus en plus aimé et perçu comme mon ami.

Comment le Christ vous a-t-il attiré, appelé ?
A travers des personnes, par la douce et sainte figure du curé de ma paroisse, quand j’était petit, par l’amour, l’exemple et la sagesse de mes parents, dont la foi simple et solide (ils étaient l’un ouvrier et l’autre coiffeuse) m’a fait rencontrer le Christ dans le concret de la vie quotidienne et humble de la famille et du village. Mais je dois aussi ajouter le vicaire qui gérait le patronage, quand j’étais à l’école primaire. Son dévouement sacerdotal m’a fait apprécier la vie du prêtre. Enfin, mon père spirituel, qui est mort, mais qui a rendu ma vocation solide, en m’aidant à faire une expérience intelligente et amoureuse de l’Eglise comme communion. Ce prêtre m’a fait comprendre, entre autres, qu’il n’y a pas de vie vraie si elle n’est pas en communion avec les frères et sœurs en humanité, mais qu’il n’y a pas de vie en communion sinon dans la louange de Dieu. A partir de ce moment-là mon principal désir a été de remplir l’Eglise de fidèles. Et si vous me demandiez : « Quelle prière feriez-vous maintenant sans réfléchir une seule seconde ? », je vous répondrais immédiatement : « Que ton Règne vienne » et l’Eglise est le signe sacramentel de cette royauté de Dieu sur le monde. L’Eglise n’est pas contre le monde, ou en-dehors du monde. L’Eglise est cette partie du monde sauvée.

D’autres personnes vous ont aidé à enraciner votre vocation?
Certainement. L’une d’entre elles a été la bienheureuse Mère Teresa de Calcutta, qui m’appris à servir Dieu en le reconnaissant dans les pauvres, et qu’il faut, je cite, « une pauvreté angélique » pour voir Dieu dans le prochain. Depuis presque trente ans à Rome, auparavant, et maintenant à Paris, je « travaille » avec les Missionnaires de la Charité (nom officiel des Sœurs de Mère Teresa de Calcutta). Une autre personne m’a beaucoup aidé : c’est le bienheureux Jean-Paul II, que j’ai eu la chance de rencontrer grâce à mon « travail » à la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège. Il m’a appris comment être un « maître » et un guide vers la vérité pour les personnes confiées à mon ministère de prêtre : en étant un père fort, parce « homme de Dieu », et en priant, parce que la prière est l’âme de tout apostolat (dans un confessionnel ou dans un bureau). Et l’on travaille pour l’Eglise là où l’obéissance nous met.

Comment est-on prêtre … à l’UNESCO ?
L’UNESCO est une Agence spécialisée des Nations Unies pour l’éducation, les sciences (naturelles et humaines), la culture, la communication et l’information, dont l’objectif central est « de contribuer au maintien de la paix et de la sécurité en resserrant, par l’éducation, la science et la culture, [la communication et l’information] la collaboration entre nations, afin d’assurer le respect universel de la justice, de la loi, des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion, que la Charte des Nations Unies reconnaît à tous les peuples ». Le Saint-Siège y est présent parce qu’en raison de sa souveraineté spécifique, mais surtout, en raison du « lien organique et constitutif qui existe entre la religion en général et le christianisme en particulier, d’une part, et la culture, d’autre part » (Discours de Jean-Paul II à l’occasion de sa visite à l’UNESCO – 2 juin 1980), et « pour prendre part à la réflexion et à l’engagement » de l’UNESCO (Message de Benoît XVI pour le XXV anniversaire de la visite de Jean-Paul II à l’UNESCO – 2 juin 2005).
Donc, la présence d’un prêtre qui – avec un statut diplomatique – représente le « Vatican » dans cette enceinte étatique (193 Etats en sont membres) est voulue et considérée utile au dialogue avec le monde et pour apporter la contribution de l’Eglise à une Agence qui a été créée pour la paix, parce que, comme le dit le préambule de l’Acte Constitutif de l’UNESCO : « Les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix ».
Dit autrement et en bref, le Saint-Siège est à l’UNESCO pour quatre motifs principaux. Primo pour faire entendre la voix de l’Église catholique dans les domaines de l’éducation, des sciences naturelles et sociales, de la culture et de la communication ; et d’autre part.
Secundo, pour être une interface entre les États membres de l’UNESCO et le Saint-Siège qui coordonne ces mêmes domaines dans l’ensemble des organisations internationales.
Tertio, pour participer au renforcement de la coopération internationale de l’UNESCO avec les membres de la « famille UNESCO » mais aussi des organismes de la société civile tels que les ONG.
Et enfin, pour contribuer à bâtir une civilisation de l’amour comme souvent le Pape Jean-Paul II a affirmé et Benoît XVI a très fortement réitéré dans son enseignement.
Personnellement, j’essaye de remplir ma tâche en étant un « maître » parce que je suis père, un heureux père dans l’Esprit pour le plus grand nombre possible de fils et filles.

Propos recueillis par Anita S. Bourdin

PAPE BENOÎT: POUR S. FRANÇOIS, À NOËL, DIEU EST VRAIMENT L’«EMMANUEL», EXPLIQUE LE PAPE

14 décembre, 2011

du site:

http://www.zenit.org/article-23073?l=french

POUR S. FRANÇOIS, À NOËL, DIEU EST VRAIMENT L’«EMMANUEL», EXPLIQUE LE PAPE

Catéchèse du mercredi

ROME, Mercredi 23 décembre 2009 (ZENIT.org) – « Grâce à saint François, le peuple chrétien a pu percevoir qu’à Noël, Dieu est vraiment devenu l »Emmanuel’, le Dieu-avec-nous, dont ne nous sépare aucune barrière et aucune distance », a expliqué Benoît XVI qui a mis en valeur l’apport spécifique de saint François d’Assise aux célébrations et au sens de Noël, à l’occasion de sa catéchèse du mercredi, en la salle Paul VI du Vatican.
L’accueillir librement
Le pape souligne ce que la Nativité signifie pour la liberté de l’homme : « Dans cet Enfant se manifeste Dieu-Amour : Dieu vient sans armes, sans la force, parce qu’il n’entend pas  conquérir, pour ainsi dire, de l’extérieur, mais il entend plutôt être librement accueilli par l’homme ; Dieu se fait Enfant sans défense pour vaincre l’orgueil, la violence, la soif de possession de l’homme ».
Le pape rapproche le mystère de Noël de cette parole de l’Evangile : « C’est à la lumière de Noël que nous pouvons comprendre les paroles de Jésus: « Si vous ne changez pas pour devenir comme les petits enfants, vous n’entrerez point dans le Royaume des cieux » (Mt 18, 3).
Le pape interprète ainsi cette parole de l’Evangile : « Celui qui n’a pas compris le mystère de Noël, n’a pas compris l’élément décisif de l’existence chrétienne. Celui qui n’a pas accueilli Jésus avec le cœur d’un enfant, ne peut pas entrer dans le royaume des cieux : tel est ce que François a voulu rappeler à la chrétienté de son époque et de tous les temps, jusqu’à aujourd’hui ».
Aimer et adorer l’humanité du Christ
Benoît XVI a en effet évoqué, en italien, le biographe de saint François d’Assise, Thomas de Celano, qui « parle de la nuit de la crèche de Greccio de manière vivante et touchante, en offrant une contribution décisive à la diffusion de la plus belle tradition de Noël, celle de la crèche ».
« La nuit de Greccio, en effet, a redonné à la chrétienté l’intensité et la beauté de la fête de Noël, et a éduqué le Peuple de Dieu à en saisir le message le plus authentique, la chaleur particulière, et à aimer et adorer l’humanité du Christ », a fait observer le pape.
Et de préciser : «  Cette approche particulière  de Noël a offert à la foi chrétienne une nouvelle dimension. La Pâque avait concentré l’attention sur la puissance de Dieu qui l’emporte sur la mort, inaugure la vie nouvelle et enseigne à espérer dans le monde qui viendra. Avec saint François et sa crèche étaient mis en évidence l’amour désarmé de Dieu, son humilité et sa bénignité qui, dans l’Incarnation du Verbe, se manifeste aux hommes pour enseigner une nouvelle manière de vivre et d’aimer ».
Thomas de Celano raconte que, en cette nuit de Noël, a raconté à son tour Benoît XVI, « la grâce d’une vision merveilleuse fut accordée à François » : « Il vit couché immobile dans la mangeoire un petit enfant, qui fut réveillé du sommeil précisément par la proximité de François. Et il ajoute : « Cette vision n’était pas discordante des faits car, par l’œuvre de sa grâce qui agissait au moyen de son saint serviteur François, l’enfant Jésus fut ressuscité dans le cœur de beaucoup de personnes qui l’avaient oublié, et il fut profondément imprimé dans leur mémoire pleine d’amour » (Vita prima, op. cit., n. 86, p. 307) ».
Une joie ineffable
Pour Benoît XVI, voilà l’apport décisif de saint François : « Cette évocation décrit avec beaucoup de précision ce que la foi vivante et l’amour de François pour l’humanité du Christ ont transmis à la fête chrétienne de Noël : la découverte que Dieu se révèle sous la  tendre apparence de l’Enfant Jésus. Grâce à saint François, le peuple chrétien a pu percevoir qu’à Noël, Dieu est vraiment devenu l »Emmanuel’, le Dieu-avec-nous, dont ne nous sépare aucune barrière et aucune distance. Dans cet Enfant, Dieu est devenu si proche que nous pouvons le tutoyer et entretenir avec lui une relation confidentielle de profonde affection, de la même façon que nous le faisons avec un nouveau-né », a insisté le pape.
Benoît XVI a fait observer que l’expérience des bergers – et de saint François – peut être communiquée à chacun aujourd’hui : « Nous prions le Père pour qu’il accorde à notre cœur cette simplicité qui reconnaît  le Seigneur dans l’Enfant, précisément comme le fit François à Greccio. Il pourrait alors aussi nous arriver ce que Thomas de Celano – se référant à l’expérience des pasteurs dans la Nuit Sainte (cf. Lc 2, 20) – raconte à propos de ceux qui furent présents à l’événement de Greccio: « Chacun s’en retourna chez lui empli d’une joie ineffable» (Vita prima, op. cit., n. 86, p. 479) ».
« Tel est le vœu que j’adresse avec affection à vous tous, à vos familles et à ceux qui vous sont chers. Bon Noël à vous tous ! », a conclu le pape.

Anita S. Bourdin

ILS SE SONT INDIGNÉS ! UN SERMON PROPHÉTIQUE DE L’AVENT 1511

13 décembre, 2011

du site:

http://www.zenit.org/article-29710?l=french

ILS SE SONT INDIGNÉS ! UN SERMON PROPHÉTIQUE DE L’AVENT 1511

Par le prof. Mariano Delgado

ROME, mardi 13 décembre 2011 (ZENIT.org) – Le mouvement des « Indignés », pourrait se nourrir de cette réflexion du Prof. Mariano Delgado, doyen de la Faculté de théologie de Fribourg et professeur d’histoire de l’Eglise. Une réflexion sur l’indignation inspirée par l’Evangile, à partir d’un « sermon prophétique de l’Avent 1511 » sur les Indiens d’Amérique.
Nous la publions au lendemain de la fête de la Vierge de Guadalupe, alors que le bicentenaire l’indépendance des peuples d’Amérique latine a été célébrée par Benoît XVI qui a présidé une messe solennelle, hier soir, 12 décembre, en la basilique Saint-Pierre.

Un sermon prophétique de l’Avent 1511
L’essai passionné de Stéphane Hessel, « Indignez-vous ! » fait partie des best-sellers de l’année. Le spectre de l’indignation de beaucoup de gens, surtout de jeunes, contre un ordre mondial et économique injuste se profile à l’horizon, et il s’exprime parfois par la colère et la violence. Ces lignes traitent d’une autre indignation, celle de l’Avent 1511. Elle fait partie de ces événements de l’histoire du monde que nous devrions toujours garder vivants dans notre mémoire collective. Elle nous montre qu’un christianisme « prophétique » est l’une des racines spirituelles irrécusables de notre civilisation.
Après la découverte du Nouveau Monde par Christophe Colomb en 1492 et le partage des territoires et des personnes entre les couronnes de l’Espagne et du Portugal par le pape Borgia Alexandre VI en 1493, on se contenta en Europe de l’argument aristotélicien du théologien écossais John Major, professeur à Paris (+1550). En 1509 il nota que les Espagnols avaient le droit de régner sur les Indiens comme « les Grecs sur les barbares ». Puisque les Indiens sont des « esclaves par nature », « la première personne qui les conquiert » est en droit de  les gouverner. Les Indiens étaient donc considérés comme appartenant à une humanité moindre et née pour servir.

Ces gens ne sont-ils pas des hommes ?
Ce n’est qu’après l’arrivée des Frères Prêcheurs à Saint-Domingue fin 1510 qu’on commença à réfléchir. Ceux-ci avaient été formés dans une théologie réaliste (thomiste) qui prenait au sérieux les questions de justice et de droit et qui gardait ainsi vivantes les traditions prophétiques d’Israël. En outre, dans l’imitation de Jésus, le feu de l’amour brûlait dans leurs cœurs, c’est-à-dire la recherche de son visage « dans les pauvres et les souffrants » (Mt 25,31-46), selon la « compassion » active recommandée par les constitutions de l’Ordre. L’oppression des Indiens par des « chrétiens » était pour eux « encore pire que celle des enfants d’Israël sous Pharaon ». Le quatrième dimanche de l’Avent 1511, le frère Antón Montesino posa donc en chaire les questions cruciales : « Dites, de quel droit, et au nom de quelle justice tenez-vous ces Indiens dans une si cruelle et si horrible servitude ? … Ces gens ne sont-ils pas des hommes ? [...] N’êtes-vous pas obligés à les aimer comme vous-mêmes ? » Comme c’est souvent le cas, l’Évangile a dû être prêché d’abord et avant tout « dans l’Eglise ».
Ce sermon prophétique déclencha un débat sur la question des raisons légitimant la conquête espagnole du Nouveau Monde, mais aussi sur la nature de ses habitants et leur dignité. Même les gens d’Eglise, à cette époque surtout des missionnaires relevant d’ordres mendiants, franciscains, dominicains et augustins, étaient partagés sur cette question, de sorte que naquirent un parti indiophile et un parti indiophobe. A la tête du premier il y avait Bartolomé de Las Casas, dominicain et évêque de Chiapa (Mexique). Le franciscain Jerónimo de Mendieta écrivit à son propos à la fin du XVIe siècle que « parmi tous les religieux », c’est lui qui « a travaillé le plus et a obtenu le plus de choses » pour les Indiens. Son grand héritage consiste en ce qu’il a défendu, en faveur des peuples récemment découverts, l’unité du genre humain à une époque où cela n’était pas si évident. Gabriela Mistral, prix Nobel de littérature, l’a par conséquent appelé « un honneur pour la race humaine ».

Une parole du Pape
Même après le sermon de Montesino, des missionnaires indiophobes prirent la parole avec véhémence, sans parler des conquistadores. Un autre Dominicain, Tomas de Ortiz, qui connut apparemment chez les Indiens de la Côte de Nacre (Venezuela) un choc culturel profond, lut par exemple en 1524 devant l’administration de la Couronne d’Espagne un acte d’accusation qui fit sensation. Il y est dit entre autres : « Les hommes de la Terre Ferme des Indes mangent la chair humaine et sont sodomites plus que tout autre race. Il n’y a entre eux aucune justice. … Ils sont ennemis de la religion, paresseux, voleurs, menteurs et de faible jugement. Ils ne gardent pas la fidélité. … Ils mangent des poux, des araignées, des vers tout crus, là où ils en trouvent. Ils n’ont ni art ni habilité humaine. … Je dis que jamais Dieu a créé des gens aussi évidemment vicieux et bestiaux, sans mélange de bonté et d’éducation. … Les Indiens sont plus bêtes que les ânes et ils ne veulent s’améliorer en aucune façon. »

Cet acte d’accusation n’était pas un cas isolé. Le 2 juin 1537, le parti indiophile arrive à obtenir du pape Paul III, avec la bulle Sublimis Deus, une magna charta de la dignité humaine, de la capacité de civilisation et de foi des Indiens. Il y est dit « que les Indiens sont véritablement des hommes et qu’ils sont non seulement capables de comprendre la Foi Catholique, mais que, selon nos informations, ils sont très désireux de la recevoir. » En vertu de son autorité apostolique le pape définit et déclare « que quoi qu’il puisse avoir été dit ou être dit de contraire, les dits Indiens et tous les autres peuples qui peuvent être plus tard découverts par les Chrétiens, ne peuvent en aucun cas être privés de leur liberté ou de la possession de leurs biens, même s’ils demeurent en dehors de la foi de Jésus-Christ; et qu’ils peuvent et devraient, librement et légitimement, jouir de la liberté et de la possession de leurs biens, et qu’ils ne devraient en aucun cas être réduits en esclavage. »

Une controverse importante
Mais une parole du pape n’avait alors pas beaucoup de valeur, surtout depuis que Charles Quint y vit une ingérence illégitime du pape dans son empire (conflit de patronage) et interdit la proclamation de la Bulle sur ses territoires. Ainsi les débats continuèrent, oui, atteignirent même un nouveau sommet, quand le célèbre humaniste Juan Ginés de Sepúlveda, grand connaisseur d’Aristote, réaffirma en 1544 la thèse selon laquelle les Indiens sont des « esclaves par nature ». Pour lui, tous les Indiens sont des « créatures faibles et pauvres », des cannibales barbares comme les Scythes de l’Antiquité et qu’on doit donc chasser comme des animaux s’ils ne se soumettent pas volontairement aux Espagnols civilisés. En outre, ils n’ont guère réalisé de performances culturelles notables. Que les Indiens disposent de maisons et d’un gouvernement assez bien ordonné dans leurs royaumes montre seulement en fin de compte qu’ils ne sont pas de simples ours ou singes dépourvus de raison.
L’affaire a pris donc à nouveau un mauvais tour, car Sepúlveda jouit d’une grande renommée dans la République internationale des Lettres de l’Europe humaniste. Las Casas considéra désormais comme son devoir sacré de s’opposer à ce détracteur et à tous les autres détracteurs des Indiens. Il le fit avec une plume qui avait « la netteté d’une épée ». Il exhorta les gens à parler de telle sorte que « si nous étions des Indiens ». Il était indigné de l’injustice subie par les Indiens. Alors que depuis Socrate on entend par apologie la défense de sa propre position, Las Casas écrit en 1551 son Apologie pour la défense des autres. Le fait qu’elle porte parfois des traits idéalisés – ainsi par exemple quand il dit des Indiens des Bahamas qu’ils sont si simples, sereins et paisibles qu’on a l’impression que « Adam n’a pas péché, en eux » – ne doit pas être dissimulé.
Pour lui, les Indiens ne sont pas des esclaves par nature, mais capables de civilisation et de foi comme nous, oui, « nos frères pour lesquels le Christ a donné sa vie ». Leurs civilisations ne sont pas barbares mais, d’un point de vue éthique, meilleures que la plupart des civilisations du monde antique. Leurs religions sont à comprendre comme un désir sincère du vrai Dieu … L’apologie de Las Casas culmine dans un manifeste pour l’unité du genre humain : « Tous les hommes sont, en ce qui concerne leur création et les conditions naturelles, semblables les uns aux autres », c’est-à-dire doués par le Créateur de raison et de libre-arbitre. Une telle image de l’homme est la condition qui rend possible un ordre mondial coopératif, tel qu’il est souhaité actuellement.

Indignation chrétienne
Dans l’encyclique Dives in Misericordia 11, le Pape Jean Paul II dit : « Il ne manque pas d’enfants mourant de faim sous les yeux de leurs mères. Il ne manque pas non plus, dans les diverses parties du monde et les divers systèmes socio-économiques, de zones entières de misère, de disette et de sous-développement. Ce fait est universellement connu. L’état d’inégalité entre les hommes et les peuples non seulement dure, mais il augmente. Aujourd’hui encore, à côté de ceux qui sont aisés et vivent dans l’abondance, il y en a d’autres qui vivent dans l’indigence, souffrent de la misère, et souvent même meurent de faim ; leur nombre atteint des dizaines et des centaines de millions. C’est pour cela que l’inquiétude morale est destinée à devenir encore plus profonde. De toute évidence, il y a un défaut capital, ou plutôt un ensemble de défauts et même un mécanisme défectueux à la base de l’économie contemporaine et de la civilisation matérialiste, qui ne permettent pas à la famille humaine de se sortir de situations aussi radicalement injustes. » Cette inquiétude morale doit augmenter aujourd’hui justement parmi les chrétiens, parce que nous avons à témoigner du « programme messianique » du Christ dans la synagogue de Nazareth (cf. Lc 4,18 s) : « Conformément aux paroles de l’ancienne prophétie d’Isaïe, ce programme consistait dans la révélation de l’amour miséricordieux envers les pauvres, ceux qui souffrent, les prisonniers, envers les aveugles, les opprimés et les pécheurs », selon l’encyclique (Dives in Misericordia 8).
Le sermon de l’avent de Montesino et l’œuvre de Las Casas nous montrent comment l’indignation surgit chez des chrétiens : elle commence par l’ouverture du cœur pour la compassion à la souffrance d’autrui, une compassion à la souffrance des victimes qui conduit à une « inquiétude morale ». Le cœur inquiet éclaire la réalité à la lumière de l’Evangile et de la conscience juridique existant, et pousse ensuite à une action miséricordieuse en parole et en acte.

Prof. Mariano Delgado

VENEZ, DIVIN MESSIE

12 décembre, 2011

du site:

http://www.noel-alsace.fr/textes_et_poemes_de_noel/texte_et_poeme_de_noel.php?pID=NOELPOEM0007&titre=+VENEZ%2C+DIVIN+MESSIE%3Cbr%3ESimon+Pellegrin+%281663-1745%29%3Cbr%3E

VENEZ, DIVIN MESSIE

Simon Pellegrin (1663-1745)

Venez, divin Messie,
Sauver nos jours infortunés ;
Venez, source de vie,
Venez, venez, venez.

Ah ! descendez, hâtez vos pas,
Sauvez les hommes du trépas,
Secourez-nous, ne tardez pas.
Venez, divin Messie,
Sauver nos jours infortunés ;
Venez, source de vie,
Venez, venez, venez.

Ah ! désarmez votre courroux ;
Nous soupirons à vos genoux ;
Seigneur, nous n’espérons qu’en vous.
Pour nous livrer la guerre,
Tous les enfers sont déchaînés ;
Descendez sur la terre,
Venez, venez, venez.

Que nos soupirs soient entendus !
Les biens que nous avons perdus
Ne nous seront-ils point rendus ?
Voyez couler nos larmes.
Grand Dieu, si vous nous pardonnez,
Nous n’aurons plus d’alarmes ;
Venez, venez, venez.

Eclairez-nous, divin flambeau ;
Parmi les ombres du tombeau,
Faites briller un jour nouveau.
Au plus affreux supplice
Nous auriez-vous abandonnés ?
Venez, Sauveur propice,
Venez, venez, venez.

Si vous venez en ces bas-lieux,
Nous vous verrons victorieux
Fermer l’enfer, ouvrir les cieux.
Nous l’espérons sans cesse ;
Les cieux nous furent destinés ;
Tenez votre promesse,
Venez, venez, venez.

Ah ! Puissions-nous chanter un jour,
Dans votre bienheureuse cour,
Et votre gloire, et votre amour !
C’est là l’heureux partage
De ceux que vous prédestnez ;
Donnez-nous-en le gage,
Venez, venez, venez.

La naissance de Jésus vue par les quatre évangélistes

10 décembre, 2011

du site:

http://www.portstnicolas.org/le-phare/Etudes-specialisees/La-naissance-de-Jesus-vue-par-les

La naissance de Jésus vue par les quatre évangélistes

Ce que les apôtres ont d’abord annoncé – et qui, depuis bientôt 2000 ans, est au coeur de la foi des chrétiens -, ce n’est pas la naissance de Jésus mais sa mort et sa résurrection. Puis, remontant dans le temps, ils ont tenu à rappeler – très sommairement d’ailleurs – son activité à travers toute la Galilée et la Judée.
Ce n’est que dans un troisième moment que les chrétiens se sont interrogés sur ce que tout cela impliquait quant à l’enfance de Jésus (Marc, le plus ancien évangile, n’en dit rien), avant d’en venir même (à l’époque de l’évangile de Jean) à entrevoir que Jésus était Fils de Dieu avant même de naître de Marie (cf. le prologue du 4ème Evangile).
On le voit, dans le calendrier chrétien, Pâques est la fête des fêtes, bien plus importante que Noël… et c’est à la lumière de Pâques qu’il convient de lire ce que les évangélistes nous disent de la naissance de Jésus. Sur les quatre d’ailleurs, seuls Matthieu et Luc nous parlent explicitement de la naissance et de l’enfance de Jésus. Encore ne le font-ils pas de la même manière, car ils n’écrivent pas pour les mêmes communautés et soulignent des aspects différents de la Bonne Nouvelle de Jésus.
Matthieu parle des mages (ni rois, ni trois), mais pas des bergers… d’une étoile mais pas des anges… Luc parle des bergers, mais pas des mages… des anges qui chantent la gloire de Dieu, mais pas de l’étoile au-dessus de la grotte… Aucun ne mentionne de boeuf et d’âne…

La crèche de Matthieu
Elle nous présente Jésus comme l’Emmanuel, c’est-à-dire « Dieu-avec-nous » et nous prépare déjà à accueillir la dernière promesse de Jésus dans cet évangile : Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps. (Mt 28,20).
L’étoile qui guide les mages est la métaphore du roi-messie, selon la prophétie du livre des Nombres (Nb 24,17). Quant aux mages eux-mêmes, ils symbolisent les nations païennes à qui l’Evangile de Jésus est offert. D’un bout à l’autre de son récit, Matthieu se plait à rappeler que ceux qui accueillent avec joie la parole de Jésus ne sont pas toujours ceux auxquels on aurait pu s’attendre… La tradition a voulu qu’ils soient de races différentes (belle image de l’universalité du salut) et s’appellent Melchior, Gaspard et Balthazar.
En ce sens, une manière de retrouver le sens profond de Noël sera peut-être pour les baptisés de s’ouvrir avec émerveillement à toutes les richesses humaines, culturelles et spirituelles que Dieu met dans le coeur des hommes, quelles que soient leurs religions, leurs cultures, leurs convictions.

Marc : une Bonne Nouvelle au présent
Marc ne nous parle pas du « petit Jésus », mais d’une « bonne nouvelle » – c’est le sens du mot Evangile – pour les chrétiens de Rome à qui il s’adresse. Cette bonne nouvelle, c’est Jésus Christ lui-même, le Fils de Dieu (Mc 1,1). La parole de Jésus est toujours d’actualité et les verbes que l’évangéliste emploie dans son récit sont le plus souvent au présent.
Bien des familles exprimeront à Noël cette certitude en installant leur crêche et n’hésiteront pas à compléter les traditionnels santons par des personnages ressemblant fort aux membres de la famille…

La crèche de Luc
La révélation de l’ange atteint le monde entier, du haut en bas, de la foule des anges aux bergers, c’est-à-dire l’une des catégories sociales les plus méprisées à l’époque. Né hors de son village, hors de l’hôtellerie, tel un exclu, Jésus fera la joie des petits et des pauvres et aura bien du mal à se faire entendre des riches (Lc 6,24;14,13.21;16,19-26;19,8).
Noël ne sera donc vraiment Noël que si nous savons les uns et les autres le vivre sous le signe du partage. A chacun de repérer ses vraies richesses et de voir s’il peut souscrire au constat fait par Jésus : Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir (Ac 20,35) !

Jean : la Lumière et le Verbe
On ignore le jour et l’heure de la naissance de Jésus, qui ne sont précisés dans aucun texte du Nouveau Testament. Mais, depuis le 4e siècle, l’Eglise a pris l’habitude de fêter la naissance de Jésus le 25 décembre, au coeur de la nuit la plus longue (d’où la messe de minuit), christianisant ainsi la fête païenne de Natalis Invicti (la naissance du soleil) qui se célébrait à cette date (solstice d’hiver). C’était faire droit à la belle intuition de l’évangéliste Jean selon laquelle, aux heures sombres de notre vie Jésus vient comme une lumière :

Le Verbe était la lumière véritable, qui éclaire tout homme (Jn 1,9)
Tout disciple de Jésus, à Noël, est appelé à se rappeler sa vocation qui est de mettre la vérité là où règne l’erreur, la joie là où règne la tristesse, l’espérance là où règne le désespoir, le pardon là où est l’offense.
Que ce soit à l’école de Matthieu, Marc, Luc ou Jean, peu importe. L’essentiel est de faire de ce Noël autre chose qu’une simple quinzaine commerciale, en accueillant le joyeux message d’un Dieu dont la gloire dans les cieux est inséparable de la paix sur la terre pour les hommes qu’Il aime ! 

AVENT : PREMIÈRE PRÉDICATION DU P. CANTALAMESSA, OFMCAP.

5 décembre, 2011

dal sito:

http://www.zenit.org/article-29635?l=french

AVENT : PREMIÈRE PRÉDICATION DU P. CANTALAMESSA, OFMCAP.

« La première vague d’évangélisation »

ROME, vendredi 2 décembre 2011 (ZENIT.org) – « Allez dans le monde entier. La première vague d’évangélisation» : c’est le thème de la première prédication du P. Raniero Cantalamessa, ofmcap, prédicateur de la Maison pontificale pour l’Avent 2011, dont voici le texte intégral en français. Le P. Cantalamessa a donné cette méditation ce vendredi matin, 2 décembre, au Vatican, en présence de Benoît XVI.

P. Raniero Cantalamessa, ofmcap.

L’Avent 2011 à la Maison Pontificale
Première prédication

« ALLEZ DANS LE MONDE ENTIER »
La première vague d’évangélisation

En réponse au Souverain pontife qui appelle à de nouveaux efforts d’évangélisation et en préparation du Synode des évêques de 2012 sur le sujet, je me propose de déterminer, dans ces médiations de l’Avent, quatre vagues de nouvelle évangélisation, soit quatre moments qui, dans l’histoire de l’Eglise, ont été marqués par une accélération ou une reprise de l’engagement missionnaire. Voici ces moments :
1. Les trois premiers siècles de l’expansion du christianisme, jusqu’à la veille de l’édit de Constantin où les personnages clefs sont d’abord les prophètes puis les évêques;
2. les VIe-IXe siècles où l’on assiste, grâce aux moines, à une nouvelle évangélisation de l’Europe après les invasions barbares;
3. le XVIe siècle avec la découverte et la conversion au christianisme des peuples du « nouveau monde », par les religieux;
4. l’époque actuelle qui voit l’Eglise engagée dans une nouvelle évangélisation de l’occident sécularisé, avec la participation déterminante des laïcs.
A chacune de ces époques, je tâcherai de mettre en évidence ce que nous pouvons apprendre pour l’Église d’aujourd’hui: quelles sont les erreurs à éviter et les exemples à imiter et quelle contribution spécifique les moines, les religieux de vie apostolique et les laïcs peuvent apporter à cette évangélisation.
1. La diffusion du christianisme, aux trois premiers siècles
Commençons aujourd’hui par une réflexion sur l’évangélisation chrétienne aux trois premiers siècles. Il y a surtout une raison qui fait de cette période un modèle pour tous les temps. C’est l’époque où le christianisme se fraye un chemin en ne comptant exclusivement que sur ses propres forces. Aucun « bras séculier » n’est là pour le soutenir ; les conversions ne sont le résultat d’aucun avantage extérieur, matériel ou culturel; être chrétien n’est pas une habitude ou une mode, mais un choix à contre-courant, au péril même souvent de la vie. En un certain sens, cette situation est celle que les chrétiens connaissent aujourd’hui certaines régions du monde.
La foi chrétienne naît avec une ouverture universelle. Jésus avait dit à ses disciples d‘aller « dans le monde entier » (Mc 16, 15), de « faire des disciples dans toutes les nations » (Mt 28, 19), d’être ses témoins « jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1,8), de « proclamer la conversion en son nom pour le pardon des péchés à toutes les nations » (Lc 24, 47).
L’application de ce principe d’universalité apparaît déjà dans la génération des apôtres, toutefois non sans difficultés ni déchirures. Le jour de la Pentecôte, la première barrière franchie est celle de la race (les trois mille convertis étaient de peuples différents, mais tous des prosélytes du judaïsme); dans la maison de Corneille et au Concile dit « de Jérusalem », surtout sous l’impulsion de Paul, c’est la barrière la plus tenace de toutes qui est franchie, la barrière religieuse qui divisait les juifs des païens. L’Evangile a désormais devant lui le monde entier, même si ce monde, selon la connaissance des hommes de l’époque, se limite au bassin méditerranéen et aux frontières de l’empire romain.
Suivre l’expansion concrète ou géographique du christianisme au cours des trois premiers siècles est plus complexe mais finalement moins nécessaire pour notre but. L’étude la plus complète, et toujours en vigueur, sur le sujet, est celle d’Adolph von Harnack, « Mission et expansion du Christianisme aux trois premiers siècles » .
Dans l’Eglise, l’activité missionnaire connaît une forte poussée sous l’empereur Commode (180-192) et puis dans la seconde moitié du IIIe siècle, c’est-à-dire à la veille de la grande persécution de Dioclétien (302). A part quelque persécution locale sporadique, ce fut une période où l’Eglise naissante, a pu se fortifier au plan interne et développer une activité missionnaire d’un genre nouveau.
Voyons en quoi consiste cette nouveauté. Au cours des deux premiers siècles, la propagation de la foi était confiée à l’initiative personnelle. Les prophètes itinérants, dont parle la Didaché, se déplaçaient d’un endroit à l’autre ; beaucoup de conversions étaient le résultat de contacts personnels, favorisés par l’exercice d’un même métier, par des voyages et des rapports commerciaux, par le service militaire ou d’autres circonstances de la vie. Origène nous offre une description émouvante du zèle de ces premiers missionnaires:
« Les chrétiens font tout leur possible pour répandre la foi dans le monde. Certains, à cette fin, se donnent formellement pour mission de vie, d’aller de ville en ville, mais aussi de bourg en bourg et de villa en villa pour gagner de nouveaux fidèles pour le Seigneur. Et l’on ne dira pas, je l’espère, que ceux-ci le font pour y gagner quelque chose, parce que souvent, ils refusent même d’accepter ce qui est nécessaire pour vivre » .
Maintenant, c’est-à-dire dans la seconde moitié du IIIe siècle, ces initiatives personnelles sont de plus en plus coordonnées et en partie remplacées par la communauté locale. L’évêque, ne serait-ce que par réaction face aux poussées destructrices de l’hérésie gnostique, arrive à prendre le dessus sur les maîtres, à jouer son rôle central dans la vie interne de la communauté, devenant aussi le moteur de son activité missionnaire. La communauté est désormais le sujet évangélisateur, au point qu’un expert comme Harnack, que l’on ne saurait soupçonner de sympathie pour l’institution, peut affirmer: « Nous devons tenir pour vrai que la seule existence et le travail constant de chaque communauté furent le facteur principal de la propagation du christianisme ».
Vers la fin du IIIe siècle, la foi chrétienne a pratiquement pénétré chaque couche de la société. Elle a désormais sa propre littérature en langue grecque et une autre, qui vient de commencer, en langue latine. Son organisation interne est solide. Elle commence à construire des édifices de plus en plus larges, signe que le nombre des croyants grandit. La grande persécution de Dioclétien, à part les nombreuses victimes, n’a fait que mettre en lumière la force désormais irrépressible de la foi chrétienne. Le dernier bras de fer entre l’empire et le christianisme en a donné la preuve.
Constantin ne fera, au fond, que prendre acte de ce nouveau rapport de force. Ce n’est pas lui qui imposera le christianisme au peuple, mais le peuple qui lui imposera le christianisme. Des affirmations comme celles de Dan Brown dans le roman : « Da Vinci code » et d’autres divulgateurs, selon lesquels Constantin, pour des raisons personnelles, aurait transformé, par un édit de tolérance et avec le concile de Nicée, une sombre secte religieuse judaïque en religion de l’empire, se fonde sur une totale ignorance de ce qui précéda de tels évènements.
2. Les raisons du succès
Une question qui a toujours passionné les historiens est celle des raisons du triomphe du christianisme. Un message né dans un coin obscur et méprisé de l’empire, au milieu de gens simples, sans culture et sans pouvoir, s’étend, en moins de trois siècles, au monde connu de l’époque, finissant par dominer la culture extrêmement raffinée des Grecs et la puissance impériale de Rome!
Parmi les différentes raisons de ce succès, certains insistent sur l’amour chrétien et l’exercice actif de la charité, jusqu’à faire de celui-ci « le plus puissant facteur, singulièrement pris, du succès de la foi chrétienne », au point d’induire, plus tard, l’empereur Julien l’Apostat à doter le paganisme des mêmes œuvres de charité pour s’opposer à un tel succès.
Harnack, pour sa part, donne une grande importance à ce qu’il appelle la nature « syncrétiste » de la foi chrétienne, c’est-à-dire à la capacité de concilier en soi des tendances opposées et les différentes valeurs présentes dans les religions et dans la culture de l’époque. Le christianisme se présente, en même temps, comme la religion de l’Esprit et de la puissance, c’est-à-dire accompagnée de signes surnaturels, de charismes et miracles, et comme la religion de la raison et du Logos intégral, « la vraie philosophie », aux dires du martyr St Justin. Les auteurs chrétiens sont « les rationalistes du surnaturel » , affirme Harnack en citant Paul et ses propos sur la foi décrite comme « l’adoration véritable » (Rm 12,1).
De cette façon, dans un équilibre parfait, le christianisme réunit en lui ce que le philosophe Nietzsche définit comme l’élément apollinien et l’élément dionysiaque de la religion grecque, le Logos et le Pneuma, l’ordre et l’enthousiasme, la mesure et l’excès. C’est ce que les Pères de l’Eglise entendaient, au moins en partie, avec le thème de la « sobre ivresse de l’Esprit ».
« Dès le début, écrit Harnack au terme de sa recherche monumentale, la religion chrétienne a révélé une universalité qui lui a permis d’assumer la vie tout entière, avec toutes ses fonctions, ses élévations et ses profondeurs, ses sentiments, ses pensées et ses actions. C’est cet esprit d’universalité qui a garanti sa victoire. C’est ce qui l’a conduite à professer que le Jésus qu’elle annonçait était le Logos divin … Une nouvelle lueur l’éclaire, et cette puissante attraction qui fait qu’elle est arrivée à absorber l’Hellénisme, à le subordonner à elle, se révèle presque comme une nécessité. Tout ce qui, d’une certaine façon, était encore capable de vie entra comme un élément dans sa construction… Comment une telle religion aurait-elle pu ne pas gagner ? »
L’impression que l’on a en lisant cette synthèse est que le succès du christianisme est dû à un ensemble de facteurs. Certains sont allés si loin dans la recherche des raisons d’un tel succès, qu’ils ont trouvé vingt causes en faveur de la foi et tout autant de causes allant en sa défaveur, comme si l’issue finale dépendait de la victoire des premières sur les secondes.
Je voudrais maintenant mettre en évidence la limite d’une telle approche historique, bien que celle-ci soit faite par des historiens croyants comme ceux que j’ai évoqués jusqu’à présent. Cette limite, due à la méthode historique même, est que l’on donne plus d’importance au sujet qu’à l’objet de la mission, aux évangélisateurs et aux conditions dans lesquelles celle-ci a lieu, plus qu’à son contenu.
La raison qui me pousse à le faire est que cette limite est aussi la limite et le danger que l’on retrouve dans beaucoup d’approches actuelles et médiatiques, quand on parle de nouvelle évangélisation. On oublie une chose très simple: que Jésus lui-même avait donné à l’avance une explication à la diffusion de son Evangile et c’est de là que l’on doit repartir à chaque fois que nous nous apprêtons à un nouvel effort missionnaire.
Réécoutons deux brèves paraboles évangéliques, celle du grain qui germe et qui grandit même la nuit et celle du grain de moutarde.
« Il disait: « Il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette le grain dans son champ : nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment. D’elle-même, la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi. Et dès que le fruit est prêt, on y met la faucille, car c’est le temps de la moisson » (Mc 4, 26-29).
Cette parabole, à elle seule, nous dit que la raison essentielle du succès de la mission chrétienne ne vient pas de l’extérieur mais de l’intérieur, qu’elle n’est pas l’œuvre du semeur ni même du sol, mais du grain semé. Le grain ne peut se semer tout seul, mais c’est néanmoins automatiquement et de lui-même qu’il germe. Après avoir jeté le grain, le semeur peut bien aller se coucher, la vie du grain ne dépend plus de lui. Lorsque ce grain est « le grain tombé en terre et qui meurt », autrement dit Jésus Christ, rien ne saurait l’empêcher de « porter beaucoup de fruit ». On peut donner toutes les explications que l’on veut à ces fruits, celles-ci resteront toujours en surface, elles ne saisiront jamais l’essentiel.
L’apôtre Paul est celui qui, avec lucidité, a saisi la priorité de l’objet de l’annonce par rapport au sujet : « J’ai planté, Apollos a arrosé: mais c’est Dieu qui a donné la croissance ». Ces paroles semblent commenter la parabole de Jésus. Il ne s’agit pas de trois opérations ayant le même degré d’importance; l’apôtre ajoute en effet: « Donc celui qui plante ne compte pas, ni celui qui arrose; seul compte celui qui donne la croissance! » (1 Co 3, 6-7). La même distance qualitative entre le sujet et l’objet de l’annonce est présente dans une autre parole de l’Apôtre: « Mais ce trésor, nous, les Apôtres, nous le portons en nous comme dans des poteries sans valeur ; ainsi, on voit bien que cette puissance extraordinaire ne vient pas de nous, mais de Dieu » (2 Co 4,7). Tout cela se traduit dans ces exclamations programmatiques: « Nous ne nous prêchons pas nous-mêmes, mais Jésus Christ notre Seigneur ! » ; ou encore : « Nous prêchons le Christ crucifié ».
Jésus a prononcé une seconde parabole fondée sur l’image du grain qui explique le succès de la mission chrétienne et dont on doit tenir compte aujourd’hui, devant cette tâche immense qui consiste à réévangéliser un monde sécularisé.
« Il disait : « A quoi pouvons-nous comparer le règne de Dieu ? Par quelle parabole allons-nous le représenter ? Il est comme une graine de moutarde : quand on la sème en terre, elle est la plus petite de toutes les semences du monde. Mais quand on l’a semée, elle grandit et dépasse toutes les plantes potagères ; et elle étend de longues branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre » (Mc 4, 30-32).
L’enseignement que le Christ nous donne par cette parabole est que son Evangile, sa personne même, est tout ce qu’il y a de plus petit sur terre car il n’existe rien de plus petit et de plus faible qu’une vie qui finit par une mort sur la croix. Pourtant, cette petite « graine de moutarde » est destinée à devenir un arbre immense, si grand que ses branches ont la capacité d’accueillir tous les oiseaux qui viendront s’y réfugier. Cela signifie que toute la création, vraiment toute, ira s’y réfugier.
Quel contraste par rapport aux reconstructions historiques évoquées plus haut! Là, tout paraissait incertain, aléatoire, suspendu entre le succès et l’échec ; ici, tout est décidé et garanti depuis le début! Dans l’épisode de l’onction à Béthanie, Jésus conclut par ces mots: « Amen, je vous le dis : partout où cette Bonne Nouvelle sera proclamée, dans le monde entier, on racontera, en souvenir d’elle, ce qu’elle vient de faire » (Mt 26,13). La même conscience tranquille qu’un jour son message aurait été diffusé « dans le monde entier ». Et ne s’agit, certes pas, d’une prophétie « post eventum », car à ce moment-là tout laissait présager le contraire.
En cela aussi, c’est Paul qui, entre tous, a le mieux saisi « le mystère caché ». Il y a un fait qui me frappe toujours : l’Apôtre a prêché à l’Aréopage d’Athènes et il a essuyé un refus du message, de façon polie, avec la promesse de l’écouter à une autre occasion. A Corinthe, où il s’est rendu aussitôt après, il a écrit sa Lettre aux Romains, y affirmant avoir reçu la tâche d’amener « toutes les nations à l’obéissance de la foi » (Rm 1, 5-6). L’insuccès n’a pas le moins du monde égratigné sa confiance dans le message : « Je n’ai pas honte, s’écrie-t-il, de l’Évangile, car il est la puissance de Dieu pour le salut de tout homme qui est devenu croyant, d’abord le Juif, et aussi le païen” (Rm 1, 16).
« Chaque arbre, dit Jésus, se reconnaît à son fruit » (Lc 6, 44). Cela vaut pour chaque arbre, à l’exception de l’arbre sorti de lui, le christianisme (et en effet, il parle ici des hommes); il est le seul arbre qui ne se reconnaît pas à ses fruits, mais à sa racine. Dans le christianisme, la plénitude n’est pas à la fin, comme dans la dialectique hégélienne du devenir (« le vrai c’est le tout » ), mais elle est au début; aucun fruit, voire même les plus grands saints, n’ajoute quelque chose à la perfection du modèle. Dans ce sens, celui qui a affirmé que « le christianisme n’est pas perfectible » a raison.
3. Semer et …aller dormir
Ce que les historiens des origines chrétiennes ne retiennent pas, ou qu’ils jugent peu important, est cette incontrôlable certitude que les chrétiens de jadis, du moins les meilleurs d’entre eux, avaient de la bonté et de la victoire finale de leur cause. « Vous pouvez nous tuer, mais nous nuire, jamais », avait dit le martyr St Justin au juge romain qui le condamnait à mort. A la fin, c’est cette tranquille certitude qui leur a garanti la victoire, qui a convaincu les autorités politiques de l’inutilité de leurs efforts pour supprimer la foi chrétienne.
C’est ce dont nous avons le plus besoin aujourd’hui: réveiller chez les chrétiens, au moins chez ceux qui entendent se consacrer à cette nouvelle œuvre d’évangélisation, la certitude intime de la vérité de ce qu’ils annoncent. « L’Eglise, a dit un jour Paul VI, a besoin de retrouver le souci, le goût et la certitude de sa vérité » . Nous devons être les premiers à croire en ce que nous annonçons ; mais y croire vraiment. Nous devons pouvoir dire avec Paul: « J’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé. Et nous, les Apôtres, animés de cette même foi, nous croyons, nous aussi, et c’est pourquoi nous parlons » (2 Co 4, 13).
La tâche concrète que les deux paraboles de Jésus nous confie c’est de semer. Semer à pleines mains, « à temps ou à contretemps » (2 Tm 4,2). Le semeur de la parabole qui sort semer ne se préoccupe pas qu’une part de la semence finisse sur la route et une autre part dans les ronces, et dire que ce semeur, hors de parabole, c’est Jésus lui-même! Car, dans ce cas, on ne peut pas savoir à l’avance quel terrain se révélera être bon, ou bien dur comme de l’asphalte et étouffant comme un buisson. C’est ici qu’intervient la liberté humaine que l’homme ne peut prévoir et que Dieu ne veut pas violer. Que de fois ne découvre-t-on pas que, parmi les personnes qui ont écouté tel sermon ou lu tel livre, celle qui l’a vraiment pris au sérieux et en a eu sa vie changée, c’était celle à laquelle on s’attendait le moins, qui se trouvait là par hasard ou à contrecœur. Je pourrais moi-même raconter des dizaines de cas.
Donc semer, et ensuite … aller dormir! Autrement dit semer et ne pas rester là tout le temps à regarder, quand cela pousse, où cela pousse, de combien de centimètres cela pousse chaque jour. L’enracinement et la croissance ne sont pas notre affaire, mais l’affaire de Dieu et de celui qui écoute. Un grand humoriste anglais du XIXe siècle, Jerome Klapka Jerome, dit que le meilleur moyen de retarder l’ébullition de la cuisson dans une casserole est de rester au-dessus et d’attendre avec impatience.
Faire le contraire est une source inévitable d’inquiétude et d’impatience : ce sont des choses qui ne plaisent pas à Jésus et qu’il ne faisait jamais quand il était sur terre. Dans l’Evangile, il ne semble jamais être pressé. « Ne vous faites donc pas de souci pour demain, disait-il à ses disciples. Demain se souciera de lui-même : à chaque jour suffit sa peine » (Mt 6,34).

A ce propos, le poète croyant Charles Péguy met dans la bouche de Dieu des paroles sur lesquelles cela nous fait du bien à nous aussi de méditer:

« On me dit qu’il y a des hommes
Qui travaillent bien et qui dorment mal.
Qui ne dorment pas. Quel manque de confiance en moi !
C’est presque plus grave
Que s’ils ne travaillaient pas mais dormaient, car la paresse
N’est pas un plus grand péché que l’inquiétude …
Je ne parle pas, dit Dieu, de ces hommes
Qui ne travaillent pas et qui ne dorment pas.
Ceux-là sont des pécheurs, c’est entendu…
Je parle de ceux qui travaillent et qui ne dorment pas…
Je les plains. Je leur en veux. Un peu. Ils ne me font pas confiance …
Ils gouvernent très bien leurs affaires pendant le jour.
Mais ils ne veulent pas m’en confier le gouvernement pendant la nuit …
Celui qui ne dort pas est infidèle à l’Espérance … » .

Les réflexions faites dans cette méditation, nous encouragent, en conclusion, à mettre à la base de cet engagement pour une nouvelle évangélisation un grand acte de foi et d’espérance, à nous défaire de tout sens d’impuissance et de résignation. Nous avons devant nous, il est vrai, un monde enfermé dans son sécularisme, pris dans l’ivresse des succès de la technique et des possibilités qu’offre la science, réfractaire à l’annonce de l’Evangile. Mais, le monde qui se présentait aux premiers chrétiens – l’hellénisme avec son savoir et l’empire romain avec sa puissance – était-il par hasard moins réfractaire à l’évangile ?
S’il y a une chose que nous pouvons faire, après avoir « semé », c’est d’« arroser », par la prière, le grain jeté. Terminons donc sur cette prière que la liturgie nous fait réciter au cours de la Messe « pour l’évangélisation des peuples »:

Dieu, qui veux que tous les hommes soient sauvés
Et parviennent à la connaissance de la vérité;
Vois comme la moisson est grande et envoie des ouvriers,
Pour que l’Evangile soit annoncé à chaque créature
Et que ton peuple, rassemblé par la parole de vie
Et modelé par la force des sacrements,
Avance sur la voie du salut et de l’amour.
Par le Christ, Notre Seigneur. Amen.

Traduit en français par Zenit (Isabelle Cousturié)

JEAN-PAUL II – AUDIENCE GÉNÉRALE 13.12.1978 (pour L’Avent)

5 décembre, 2011

du site:

http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/audiences/1978/documents/hf_jp-ii_aud_19781213_fr.html
 
JEAN-PAUL II

AUDIENCE GÉNÉRALE

(pour L’Avent)

Mercredi 13 décembre 1978

1. Pour la troisième fois, en ces rencontres du mercredi, je reprends le thème de l’Avent, en suivant le rythme de la liturgie qui, d’une façon à la fois très simple et très profonde, nous introduit dans la vie de l’Église. Le IIe Concile du Vatican, qui nous a donné sur l’Église une doctrine riche et universelle, a aussi attiré notre attention sur la liturgie. Par elle, non seulement nous savons ce qu’est l’Église, mais, jour après jour, nous expérimentons ce dont elle vit. Nous aussi nous en vivons parce que nous sommes l’Église : « La liturgie… contribue au plus haut point à ce que les fidèles, par leur vie, expriment et manifestent aux autres le mystère du Christ et la nature authentique de la véritable Église. Car il appartient en propre à celle-ci d’être à la fois humaine et divine, visible et riche de réalités invisibles, fervente dans l’action et occupée à la contemplation, présente dans le monde, et pourtant étrangère. » (Const. « Sacrosanctum Concilium », 2.)
En ce moment l’Église vit l’Avent et nos rencontres du mercredi sont donc axées sur ce temps liturgique. Avent veut dire « venue ». Pour pénétrer la réalité de l’Avent, nous avons d’abord cherché à savoir qui vient et pour qui il vient. Nous avons alors parlé d’un Dieu qui se révèle en créant le monde, d’un Dieu créateur. Et mercredi dernier, nous avons parlé de l’homme. Aujourd’hui nous poursuivrons en cherchant à trouver une réponse plus complète à la question : pourquoi l’Avent ? Pourquoi Dieu vient-il ? Pourquoi veut-il venir vers l’homme ?
La liturgie de l’Avent est principalement fondée sur des textes des prophètes de l’Ancien Testament. Nous y entendons presque chaque jour le prophète Isaïe qui, dans l’histoire du peuple de Dieu de l’ancienne alliance, était un « interprète » particulier de la promesse que ce peuple avait depuis longtemps obtenue de Dieu en la personne de son premier père, Abraham. Comme tous les autres prophètes, et peut-être plus qu’eux, Isaïe affermissait chez ses contemporains la foi dans les promesses de Dieu confirmées par l’Alliance au pied du mont Sinaï. Il enseignait surtout la persévérance dans l’attente et la fidélité: « Peuple de Sion, le Seigneur viendra sauver les peuples et fera entendre sa voix majestueuse pour la joie de vos cœurs. ,» (cf. Is. 30, 19. 30.)
Lorsque le Christ était dans le monde, il s’est référé plusieurs fois aux paroles d’Isaïe, et il a dit clairement : « Aujourd’hui, cette Écriture est accomplie pour vous qui l’entendez. » (Lc 4, 21.)
2. La liturgie de l’Avent a un caractère historique. L’attente de la venue de l’Oint (le Messie) fut un processus historique. Elle a en effet imprégné toute l’histoire d’Israël, qui fut choisi précisément pour préparer la venue du Sauveur.
Cependant, nos considérations débordent, d’une certaine manière, le cadre de la liturgie quotidienne de l’Avent. Revenons donc à notre question fondamentale : pourquoi Dieu vient-il ? Est-ce parce qu’il veut venir à l’homme, à l’humanité ? Essayons d’apporter à ces questions des réponses satisfaisantes que nous chercherons dans les toutes premières origines, c’est-à-dire avant même que ne commence l’histoire du peuple élu. Cette année, notre attention est concentrée sur les premiers chapitres du livre de la Genèse. L’Avent « historique » ne saurait être compris sans une lecture et une analyse attentives de ces chapitres.
Lorsque nous nous interrogeons sur le pourquoi de l’Avent, nous devons donc relire attentivement tout le récit de la création du monde, et en particulier de la création de l’homme. Il est significatif, comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner, que chacun des jours de la création finit sur cette constatation : « Dieu vit que cela était bon » ; et, après la création de l’homme : « … il vit que cela était très bon ». Comme je l’ai déjà dit la semaine dernière, cette constatation s’unit à la bénédiction de la création, et surtout à une bénédiction explicite de l’homme.
Dans tout ce récit, nous avons devant nous un Dieu qui, selon l’expression de saint Paul, se réjouit de la vérité, du bien (cf. 1 Co 13, 6). Là où est la joie, qui naît du bien, là est l’amour. Et c’est seulement là où est l’amour qu’est la joie qui naît du bien. Dès ses premiers chapitres, le livre de la Genèse nous révèle que Dieu est amour (expression dont se servira saint Jean beaucoup plus tard). Il est amour parce qu’il se réjouit du bien. La création est donc un don authentique : là où il y a amour, il y a don.
Le livre de la Genèse nous parle du moment où le monde et l’homme ont commencé à exister. En interprétant cette existence, nous devons, comme saint Thomas d’Aquin, construire la philosophie de l’être qui en découle et dans laquelle sera exprimé l’ordre même de l’existence. Cependant, le livre de la Genèse parle de la création comme d’un don. Dieu qui crée le monde visible est donateur et l’homme est donataire. Il est celui pour lequel Dieu crée le monde visible, celui que Dieu, dès le commencement, introduit non seulement dans l’ordre de l’existence, mais dans l’ordre du don. Le fait que l’homme soit « image et ressemblance » de Dieu signifie notamment qu’il est en mesure de recevoir le don, qu’il est sensible à ce don et qu’il est capable de donner en retour. C’est pourquoi, dès le début, Dieu établit une alliance avec l’homme et avec lui seul. Le livre de la Genèse nous révèle non seulement l’ordre naturel de l’existence, mais en même temps, et dès le début, l’ordre surnaturel de la grâce. Nous ne pouvons parler de la grâce que si nous admettons la réalité de Dieu. Rappelons-nous ce que dit le catéchisme : la grâce est le don surnaturel de Dieu par lequel nous devenons enfants de Dieu et héritiers du ciel.
3. Mais, nous demanderons-nous, quel rapport tout cela a-t-il avec l’Avent ? Je réponds : l’Avent s’est profilé pour la première fois à l’horizon de l’histoire de l’homme lorsque Dieu s’est révélé comme celui qui se réjouit du bien, qui aime et qui donne. Dans ce don à l’homme, Dieu ne s’est pas limité à « lui donner » le monde visible — cela est bien clair dès le début — mais en donnant à l’homme le monde visible, Dieu veut aussi se donner lui-même à lui, de même que l’homme est capable de se donner, de faire le don de lui-même à un autre homme, de personne à personne. Dieu veut donc se donner à lui en l’admettant à participer à ses mystères et même à sa vie. Cela se réalise d’une façon tangible dans les relations entre mari et femme, entre parents et enfants. Et c’est pourquoi les prophètes se réfèrent très souvent à ces relations pour montrer la vraie image de Dieu.
L’ordre de la grâce n’est possible que « dans le monde des personnes ». Il concerne le don qui tend toujours à la formation et à la communion des personnes ; le livre de la Genèse nous présente en effet un tel don. La forme de cette « communion des personnes » y est esquissée dès le début. L’homme est appelé à la familiarité avec Dieu, à l’intimité et à l’amitié avec lui. Dieu veut être proche de lui. Il veut le faire participer à ses desseins, à sa vie. Il veut le réjouir de sa même joie (de son même Être).
C’est pour tout cela qu’est nécessaire la venue de Dieu et l’attente de l’homme, la disponibilité de l’homme.
Nous savons que le premier homme, qui bénéficiait de l’innocence originelle et d’une proximité particulière avec son Créateur, n’a pas fait preuve de cette disponibilité. Cette première alliance de Dieu avec l’homme a été interrompue. Mais pour sa part, Dieu n’a pas cessé de vouloir sauver l’homme. L’ordre de la grâce n’a pas été rompu, et c’est pourquoi l’Avent dure toujours.
La réalité de l’Avent a notamment été exprimée par saint Paul lorsqu’il a dit : « Dieu… veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. » (1 Tm 2, 4.)
« Dieu veut… » C’est justement cela l’Avent, le fondement, de tout Avent.  

Noël méditation: Il n’y avait pas de place pour eux

3 décembre, 2011

du site:

http://arras.catholique.fr/page-18235.html

Noël 2009 – méditation

Il n’y avait pas de place pour eux

le Jeudi 24 décembre 2009

Ils sont partis sur la route de Bethléem,
Marie et Joseph, avec leur bourricot.
Le prince avait décidé de compter ses sujets.
Et toi, le prince de la vie, tu commençais alors
Ton itinérance à travers le pays de Galilée et de Judée.
Personne ne dit s’ils furent bien accueillis,
Chez les samaritains qu’on ne fréquentait pas.
A l’auberge où Joseph s’enquérait d’un espace,
A Bethléem, on dit qu’il n’y avait pas de place.
 
Il n’y a pas de place non plus pour toi,
L’émigré Afghan. Le prince en a décidé ainsi.
Le soir tu es à Calais, le lendemain à Kaboul.
Il n’y avait pas de place pour toi,
Parce que tu n’as pas aidé ses soldats
A faire la guerre contre tes frères.
Alors il t’a rejeté vers ton pays en guerre.
Il n’y avait pas de place pour eux,
Il n’y avait pas de place pour toi :
C’est toujours la même histoire.
 
Pourtant, cette nuit-là, les anges
Avaient chanté : “Gloire à Dieu au Ciel
Et sur la terre, paix aux hommes, ses amis”.
Seules de petites gens, des bergers
Ont entendu cette parole de fête.
Et dans les chaumières on écrit encore
Au dessus d’une crèche de paille et de papier
Ces quelques mots d’attente et d’espoir.
 
Reviens, Jésus, reviens vite chez nous.
“La fille ainée de ton Eglise” est devenue folle
Et, avec elle, les nations réunies à Copenhague :
Ils ne connaissent pas les mots paix, joie, fraternité
Ils ne savent pas s’accorder entre eux.
L’avenir de la terre, ils en parlent et discutent.
L’avenir de la terre ne les intéresse pas vraiment
On fera beau réveillon sous les lampions
Après avoir supprimé quelques ampoules
Pour être écologiquement corrects.

Qu’importe, puisqu’après demain ils ne seront plus.
Et tant pis si, après eux, c’est le désert !
Ils auront bien vécu et nous aussi !
Alors à quoi cela sert-il que tu sois venu
Un jour de l’histoire et du temps ?
Ils ne t’auront pas écouté ! Mais les petites gens savent
ce qu’aimer et pardonner veut dire, ils savent
où est la lumière qui les guide au milieu de la nuit
Tu ne prendras pas notre place, mais tu veux bien,
Au milieu de nous, être le Chemin.

Abbé Emile Hennart
Arras, 17 décembre 2009

Christ est venu, Christ vient, Christ reviendra (by Frédéric Manns)

3 décembre, 2011

odu site:

http://jerusalem-dialogue.blogspot.com/2009/11/christ-est-venu-christ-vient-christ.html

Christ est venu, Christ vient, Christ reviendra

Posted 29th November 2009 by Frédéric Manns

Avec le premier dimanche de l’Avent nous sommes entrés dans une nouvelle année liturgique au cours de laquelle l’Eglise célèbre la totalité du mystère du Christ depuis son incarnation jusqu’à son retour dans la gloire. Le rythme est celui de l’histoire sainte qui nous invite à jeter un regard neuf sur les évènements et sur les personnes. C’est le Seigneur qui est le maître de l’histoire. Le livre de Daniel nous invitait la semaine dernière à relire l’histoire des empires qui se succèdent à la lumière de cette petite pierre qui se détache de la montagne et qui frappe les pieds d’argile de la gigantesque statue à la tête d’or, au tronc d’argent et aux parties inférieures de bronze. Cette pierre symbolise le Messie dans toute la tradition juive. Sa vocation est de rétablir le règne de Dieu et de rappeler aux hommes que Dieu est le roi de l’univers.
Le prophète Jérémie avait annoncé une promesse de bonheur pour la maison d’Israël. Un germe de justice devait naître. Le nom qu’il portera est : Le Seigneur est notre justice.
L’Eglise a pour vocation d’être le peuple de veilleurs qui guette les signes de l’avènement de Dieu au quotidien et qui invite les hommes à abandonner les sentiers de la nuit pour prendre le chemin de l’espérance.
Saint Paul rappelle aux chrétiens de Thessalonique que seul l’amour intense et débordant est capable de résoudre les problèmes. Saint Augustin déclarait : Tu as vu la charité, tu as vu la Trinité. C’est uniquement dans la charité que l’homme trouve la liberté. La charité éteint le péché et le pauvre intercède pour son bienfaiteur.
Le Christ reviendra à la fin des temps pour juger les vivants et les morts. Mais il vient au quotidien dans l’Ecriture sainte, dans les sacrements et dans le pauvre qui tend la main pour associer sans délai les hommes de bonne volonté à l’incomparable joie de la rédemption.
Le temps de l’attente est empreint de joie. Depuis la naissance de Jésus à Bethléem, le terme de l’histoire est connu. Chez David un germe de justice est né. L’année liturgique sera bonne dans la mesure où elle sera vécue dans l’attente de la venue du Seigneur qui abat les murs et construit des ponts entre les hommes de bonne volonté. L’Avent nous tourne vers l’avenir avec optimisme, tout en étant réalistes sur les problèmes urgents que les chefs d’état sont appelés à résoudre. C’est des ténèbres que nous devons partir pour déboucher sur la lumière du Christ qui a fait de nous ses frères. Marana tha. C’est le cri de l’humanité quia soif de justice et peur de l’avenir.

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