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MYSTIQUE ET DÉSERT » – Extrait de La mystique retrouvée

8 août, 2015

http://eocf.free.fr/text_desert_mystique.htm

MYSTIQUE ET DÉSERT » – Extrait de La mystique retrouvée

William Johnston

Traduction de Marie-Alyx Revellat
DÉSCLÉE DE BROUWER
ISBN 2-220-02595-0

L’expérience mystique est ici proposée à tous par le grand initiateur spirituel qu’est William Johnston. Dans un langage simple et concret, très proche du quotidien, il saisit le cours et la profondeur de la vie intérieure et replace le mysticisme face aux grandes questions d’aujourd’hui.
William Johnston parle de l’homme en quête d’absolu et désireux de proximité.
Il dit la vérité des contradictions et la joie si particulière d’être un homme épris de Dieu.
La personne de Jésus est saisie dans la transparence de tout être et – ce n’est pas un des moindres paradoxes – dans la force de sa vulnérabilité.
(…)
Né en Irlande en 1925, William Johnston, jésuite, est docteur en théologie de l’Université Sophia de Tokyo. Il réside habituellement au Japon depuis 1951.
En l’an de grâce 1981 alors que Men hem Begin était encore Premier ministre en Israël et Anouar al-Sadate président de la République arabe unie, j’ai eu le privilège de passer six mois à Jérusalem.
Je logeais dans un institut situé à la périphérie de la Ville sainte avec un groupe d’exégètes dont chacun poursuivait son programme biblique avec un enthousiasme et un zèle admirables.
Mon propre programme (et quel programme!) consistait à étudier les racines du mysticisme chrétien. Après avoir consacré de nombreuses années à comparer le mysticisme chrétien avec son équivalent bouddhiste, cherché leurs similitudes et exploré leur fond commun, j’ai senti que le moment était venu d’évaluer la dimension unique de l’expérience chrétienne et de faire ressortir ses traits distinctifs.
Je désirais en même temps remonter au-delà de saint Jean de la Croix et de sainte Thérèse d’Avila, au-delà de maître Eckhart et du Nuage de l’Inconnaissance, au-delà d’Augustin et de Grégoire, jusqu’aux origines mêmes de cette prière mystique qui prend une importance croissante dans la vie de nos contemporains, hommes et femmes.
J’espérais trouver ce que je cherchais dans le désert.
N’est-ce pas dans le désert que le peuple d’Israël a connu l’amour indéfectible de Yahvé et qu’il a conclu une alliance avec lui?
N’est-ce pas dans le désert que la parole est venue à Jean-Baptiste ?
N’est-ce pas dans le désert que jésus a prié et jeûné avant de rencontrer le démon ?
Et les premiers moines chrétiens ont fui la Rome païenne pour se réfugier dans le silence fécond du désert où ils ont prié, jeûné et amassé pour nous un trésor inestimable de maximes spirituelles et de conseils mystiques.
J’ai donc passé un temps considérable dans le désert – déserts de Judée, du Neguev, du Sinaï, enfin dans le désert d’Égypte, au sud d’Alexandrie.
J’ai appris à aimer la mer Morte.
J’ai été fasciné par Jéricho et par ce monastère haut perché sur la colline nommée  » Mont des tentations ».
À Qumran, berceau de ces extraordinaires Esséniens, j’étais debout dès l’aube, avant l’arrivée des premiers touristes, pour goûter le silence qui planait sur le désert et sur la mer.
L’atmosphère me rappelait celle qui règne dans certains temples bouddhistes avec cette différence que dans cette région j’éprouvais cette indéfinissable sensation de présence que l’on associe nécessairement aux religions monothéistes.
Il m’apparaît ainsi clairement que l’environnement crée l’expérience religieuse. L’environnement peut conduire à une modification de l’état de conscience.
Peut-être crée-t-il une sorte d’expérience mystique. On découvre que le désert vaste et vide n’est pas seulement  » là-bas « , il est également  » ici « . On pénètre dans le désert intérieur. Peut-être est-ce exactement ce que jésus et Jean-Baptiste ont fait.
Et le Sinaï –  » ce désert grand et redoutable  » (Deutéronome 1, 19).
Là aussi, l’immensité et la beauté impressionnantes semblent créer l’expérience religieuse.
Je ne m’attendais pas à une telle variété de paysages et, en voyant les kilomètres de pierres brunes, les rochers tordus, le sable étincelant et les bédouins nomades, je me remémorai la description de Félix Fabre, ce moine du xve siècle, qui écrivit qu’à  » chaque heure du jour on entre dans une nouvelle région, d’une nature différente, avec des conditions de climat et de terrain différentes, avec des montagnes de formes et de couleurs différentes de sorte que l’on est ébloui par ce que l’on voit et avide d’en voir davantage « .
Et la souffrance du désert?
C’est là un autre élément important de l’expérience religieuse.
Le jour, l’implacable soleil auquel il est impossible d’échapper, la nuit, le vent glacial contre lequel mon sac de couchage ne me procure qu’une protection insuffisante.
Le manque d’eau et la séparation de tout ce qui est familier, autant de conditions qui créent le détachement – et le détachement est essentiel dans la voie spirituelle.
J’ai dit que l’environnement crée l’expérience religieuse.
En termes plus théologiques nous pourrions dire que Dieu se révèle dans la nature.
Le psalmiste le sait et, quand il voit le désert, il s’écrie :  » Les cieux racontent la gloire de Dieu et l’oeuvre de ses mains, le firmament l’annonce  » (Psaume 19, 1).
Paul le sait aussi et il proclame que « ce qu’il a d’invisible depuis la création du monde se laisse voir à l’intelligence à travers ses oeuvres, son éternelle puissance et sa divinité » (Psaume 19, 1).
Oui, le vaste désert donne une idée de Dieu et il nous aspire dans sa présence envahissante.
Et pourtant, quand tout est dit, la révélation de Dieu par la voie du désert immense et terrible n’a qu’une importance secondaire.
Un prodige plus extraordinaire s’est produit au Sinaï : Dieu a parlé.
Il a parlé à Moïse face à face, comme un homme peut parler à son ami et, dès lors, une amitié merveilleuse est née entre Yahvé et la famille humaine.
 » Dans cette révélation, le Dieu invisible s’adresse aux hommes en son immense amour ainsi qu’à des amis ; il s’entretient avec eux pour les inviter et les admettre à partager sa propre vie. « 
Mais Dieu aurait pu parler ailleurs.
Il aurait pu parler à Belfast ou à Nagasaki.
Il aurait pu parler à Zamboanga ou à Dalamazoo.
Il a choisi le désert.
Et, selon la tradition judéo-chrétienne, on appelle désert le lieu où Dieu parlait.
C’est pourquoi le Nouveau Testament voit Jésus dans le désert chaque fois qu’il se retire dans un lieu isolé pour prier ou lorsqu’il gravit la montagne de Galilée ou lorsqu’il marche près de la mer.
Les écrivains chrétiens ne parlent pas du désert physique de sable et de pierres.
Pour eux, le désert est partout où quelqu’un prie et écoute la parole de Dieu.
Et, de nos jours, nombreux sont ceux qui trouvent leur désert dans le centre commercial de la ville, dans la prison ou l’hôpital ou dans les simples souffrances de la vie ordinaire.
J’ai visité un monastère copte situé dans le désert, au sud d’Alexandrie, en compagnie d’un prêtre anglican de mes amis.
C’était une expérience nouvelle car, alors que le Sinaï et la région désertique qui entoure Jérusalem présentent une grande variété de paysages et parfois quelques espaces couverts d’herbe où le bétail peut brouter, ce désert égyptien n’était qu’une immense étendue de sable.
De tous les côtés, du sable, du sable et encore du sable.
Après avoir quitté Le Caire, nous nous étions égarés quand un groupe d’aimables moines nous ont emmenés dans leur grande safari jusqu’à leur monastère où ils nous ont offert une hospitalité royale. Le monastère ressemblait à un grand navire flottant dans l’océan du désert.
Du toit, j’observais les moines, pareils à de minuscules fourmis allant et venant dans le sable sous le soleil ardent.
 » C’est notre vie « , me confia l’un d’entre eux et il m’expliqua que le but de leur existence était leur présence au désert, leur présence face à Dieu car le désert est un symbole vide et vaste du Dieu inconnaissable.
C’était un cadre idéal pour le mysticisme. Le désert conduit à une expérience cosmique, une expérience de la kénose (1) qui crée le vide, elle conduit au nada, nada, nada de ces mystiques apophatiques selon lesquels nous savons mieux ce que Dieu n’est pas que ce qu’il est.
Pourtant, la même question me hantait : en quoi cette expérience diffère-t-elle de l’expérience mystique du bouddhiste ou de l’hindou ?
En quoi diffère-t-elle de l’expérience de quiconque va dans le désert vaste et solitaire pour goûter le vide ou pour entrer dans le monde fascinant du silence supraconceptuel ?
Qu’y a-t-il de spécifiquement chrétien dans la prière de ces moines?
Alors, la réponse m’est apparue, ridiculement claire. Les moines lisent constamment les Écritures.
Ils sont attentifs à la parole de Dieu.
Ils chantent ses louanges à l’office.
Ils se rassemblent pour rompre le pain et pour célébrer la nouvelle alliance dans son sang.
Ils prient la Vierge Marie à qui leur monastère est dédié.
Et quand ils vont seuls dans le désert, la parole retentit à leurs oreilles et chante dans leur coeur.
Parole et sacrement les transportent dans le vaste désert intérieur vide dont le désert extérieur n’est que le symbole.
Parole et sacrement remplissent les cavernes profondes de leur inconscient pendant qu’ils marchent ou restent assis immobiles dans cette vaste étendue de sable.
Oui, Dieu a parlé dans le désert.
Certes, il est apparu à Abraham et lui a révélé son nom :  » Je suis apparu à Abraham, à Isaac et à Jacob comme El Shaddai, mais mon nom de Yahvé je ne leur ai pas fait connaître  » (Exode 6, 3).
Après avoir dévoilé son nom à Moïse, Dieu a parlé par la bouche des prophètes et finalement par l’intermé diaire de son fils.
Il s’est exprimé non seulement par des mots mais à la faveur d’actes extraordinaires, et surtout il s’est manifesté dans la vie, la mort et la résurrection de Jésus, son fils unique.
Et Dieu continue à parler car  » Dieu, qui parla jadis, ne cesse de converser avec l’Épouse de son Fils bien-aimé, et l’Esprit-Saint… introduit les croyants dans la vérité tout entière et fait que la parole du Christ réside en eux avec toute sa richesse (2). « 
Dieu continue à parler avec force et éloquence.
Il s’adresse à la famille humaine comme il s’adressait à Moïse et nous écoutons sa voix quand nous lisons les Écritures ou que nous les entendons lire en communauté.
Écoutons le concile (3)
 » Dans les Saints Livres, en effet, le Père qui est aux cieux vient avec tendresse au-devant de son fils et entre en conversation avec eux ; Or la force et la puissance que recèle la parole de Dieu sont si grandes qu’elles constituent, pour l’ Eglise, son point d’appui et sa vigueur et, pour les enfants de l’Eglise, la force de leur foi, la nourriture de leur âme, la source pure et permanente de leur vie spirituelle. « 
Et ailleurs, le même concile cite saint Ambroise :  » Nous lui parlons quand nous prions mais nous l’écoutons quand nous lisons les oracles divins. « 
Dieu ne se contente pas de parler.
Il conclut une alliance avec son peuple.
Il appelle son élu Moïse au sommet de la montagne et, à travers lui, il dit au peuple combien il l’aime et combien il le protège.
Il lui demande en retour son amour inconditionnel.
L’amour réciproque de Dieu et du peuple est solennellement scellé dans le sang des animaux.

 » Moïse ayant pris le sang le répandit sur le peuple et dit : ceci est le sang de l’Alliance que Yahvé a conclue avec vous moyennant toutes ces clauses  » (Exode 24, 8).
Les chrétiens croient que cette alliance a été renouvelée dans le sang de jésus qui est mort et ressuscité pour notre salut –  » il entra une fois pour toutes dans le sanctuaire, non pas avec du sang de boucs et de jeunes taureaux mais avec son propre sang nous ayant acquis une rédemption éternelle  » (Hébreux 9, 12).
De même qu’il continue à parler, Dieu continue à renouveler l’Alliance.
Il le fait au moyen de l’Eucharistie dans laquelle les chrétiens trouvent leur aliment, reçoivent l’amour de Dieu et le lui rendent.
Écoutons ce que dit le concile au sujet des deux tables de la parole et du sacrement
 » L’Eglise a toujours vénéré les divines Écritures, comme elle l’a toujours fait aussi pour le corps même du Seigneur, elle qui ne cesse pas, surtout dans la sainte liturgie, de prendre le pain de vie sur la table de la parole de Dieu et sur celle du corps du Christ, pour l’offrir aux fidèles.  » (…)

1. Du grec, abaissement, anéantissement, utilisé par saint Paul, en Phil 2, 8, à propos du Christ.
2. Ibid-, C 2, 8 ; p. 131. 4. Ibid., C 6, 21 ; p. 141. 5. Ibid., C 6, 25; p. 144.
3. Concile oecuménique Vatican II, Constitutions – Décrets – Déclarations, La Révélation divine  » Dei verbum « , C 1, 2 ; p. 126, éditions du Centurion, Paris, 1967.

LE RÉALISME DE LA CROIX

14 avril, 2015

http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Huan/lereali.html

LE RÉALISME DE LA CROIX

«Les juifs demandent des
miracles et les Grecs cherchent
la sagesse ; nous, nous prê-
chons le Christ crucifié »
(I Cor., I. 22)

Vous rappelez-vous la saisissante description qu’a faite Huysmans, dans Là-Bas, du Christ en croix peint par Mathaeus Grûnewald au Musée de Cassel ?

« Démanchés, presque arrachés des épaules, les bras du Christ paraissaient garrottés dans toute leur longueur par les courroies enroulées des muscles. L’aisselle éclamée craquait ; les mains grandes ouvertes brandissaient des doigts hagards « qui bénissaient quand même, dans un geste confus de prières et de reproches ; les pectoraux tremblaient, beurrés par les sueurs le torse était rayé de cercles de douves par la cage divulguée des côtes ; les chairs gonflaient, salpêtrées et bleuies, persillées de morsures de puces, mouchetées comme de coups d’aiguilles par les pointes des verges qui, brisées sous la peau, la lardaient encore, çà et là, d’échardes
L’heure des sanies était venue la, plaie fluviale du flanc ruisselait plus épaisse, inondait la hanche d’un sang pareil au jus foncé des mûres ; des sérosités rosâtres, des petits laits, des eaux, semblables à des vins de Moselle gris suintaient de la poitrine, trempaient le ventre au-dessous duquel ondulait le panneau bouillonné d’un linge ; puis, les genoux rapprochés de force, heurtaient leurs rotules et les jambes tordues s’évidaient jusqu’aux pieds qui, ramenés l’un sur l’autre, s’allongeaient, poussaient en pleine putréfaction, verdissaient dans des flots de sang les pieds spongieux et caillés étaient horribles la chair bourgeonnait, remontait sur la tête du clou et leurs doigts crispés contredisaient le geste implorant des mains, maudissaient, griffaient presque avec la corne bleue de leurs ongles l’ocre du sol, chargé de fer, pareil aux terres empourprées de la Thuringe.
Au-dessus de ce cadavre en éruption, la tête apparaissait tumultueuse et énorme ; cerclée d’une couronne désordonnée d’épines, elle pendait, exténuée, entrouvrait à peine un oeil hâve où frissonnait encore un regard de douleur et d’effroi ; la face était montueuse, le front démantelé, les joues taries ; tous les traits renversés pleuraient, tandis que la bouche descellée riait avec sa mâchoire contractée par des secousses tétaniques, atroces.
Le supplice avait été épouvantable, l’agonie avait terrifié l’allégresse des bourreaux en fuite. »

Le voilà le réalisme de la Croix ! Sans doute, l’Homme que l’on cloua sur le gibet d’infamie était Dieu par sa Personne incréée ; mais il était bien aussi, et en toute plénitude, par son âme et par son corps, un homme comme l’un quelconque d’entre nous ; aurait-il pu souffrir et mourir, s’il n’avait eu de la chair que l’on peut transpercer, et du sang que l’on peut répandre ? Et, s’il n’avait pas souffert, s’il n’était pas mort, la rédemption eût-elle été vraiment accomplie ? Ce ne fut donc pas un vain simulacre que la crucifixion de Jésus, mais une oeuvre de douleurs et d’angoisses où « l’Homme-Dieu reçut de telles meurtrissures que son corps exténué ne put retenir l’âme sainte qui l’animait et expira.

Que vient-on nous parler, à ce propos, de symbolisme, comme si la Croix de Jésus, par l’intersection de ses deux lignes horizontale et verticale, avait simplement pour objet de représenter par des signes géométriques une certaine doctrine cosmologique ? (1). En vérité, il s’agit ici de tout autre chose que de conceptions métaphysiques. Ce qui s’est accompli sur le Calvaire, c’est un sacrifice et un sacrifice sanglant : un Homme a été cloué sur une croix, et quel Homme ! Le Fils de Dieu, le Verbe, qui ne s’est fait chair qu’afin de donner sa vie pour le salut du monde. Si la Croix est un signe, c’est le signe de notre Rédemption. Aussi, dans la contemplation de Jésus crucifié, attachons-nous bien moins nos regards à l’instrument de bois qui a servi au supplice qu’à l’être humano-divin qui y est suspendu.

Avez-vous noté le fait remarquable de la destruction du Temple de Jérusalem quelques années après .la mort du Sauveur ? Cette destruction a eu pour effet de mettre un terme aux rites sacrificiels qui y étaient célébrés et par suite, à l’institution même du sacerdoce juif. Il semble bien, à ne constater que la succession historique des événements, que la mort de Jésus sur la Croix ait été un accomplissement, la réalisation de figures qui devaient prendre fin à sa venue et qui, de fait, ont pris fin lorsqu’il eut achevé sa mission rédemptrice. S’il est vrai, comme le rappelle l’Épître aux Hébreux, que l’effusion du sang des victimes consacrées à la divinité ait été, chez tous les peuples, la condition et le signe de la rémission des péchés, pourquoi les sacrifices sanglants ont-ils cessé, tout d’abord dans le culte juif, puis peu à peu sur toute la terre, si ce n’est précisément parce que l’Agneau de Dieu, se substituant à toutes les victimes, a payé pour tous les coupables et que par sa seule médiation l’humanité est désormais rentrée en grâce auprès du Créateur ? Le sacrifice du Golgotha est donc à la fois une oeuvre de rachat, dont la portée est universelle, puisqu’elle s’étend à tous les pécheurs et s’applique à tous les temps, et une oeuvre de substitution, puisque les fruits de la passion du Christ ont une telle vertu qu’ils suffisent, sans mérite de notre part, à nous, ouvrir tous les trésors de la miséricorde divine. Ainsi la mort du Christ met fin à la longue coulée de sang qui, depuis le meurtre d’Abel, n’avait cessé d’inonder le monde, sans réussir à laver l’humanité de ses iniquités et de ses turpitudes.

Devant ce spectacle de Jésus en croix, dont la tragique grandeur est faite de justice et d’amour, quel est celui d’entre nous qui oserait dire: cela ne me regarde pas ! Comme s’il n’était pour rien dans la passion du Christ ! Comme si Celui qui fut sans péché n’avait souffert et n’était mort que pour son propre salut ! Le grand-prêtre juif aspergeait lui-même de sang l’autel de Yahvé devant tout le peuple, au grand jour de l’Expiation ; mais, en le marquant ainsi du sang des taureaux, ce n’est pas seulement pour la rémission des péchés du peuple qu’il offrait le sacrifice, C’était aussi pour la rémission de ses propres péchés. Le Saint de Dieu, qui est notre grand-prêtre pour l’éternité, n’offre pas à son Père le sang des taureaux : il offre son sang à lui et il l’offre pour le salut du monde, c’est-à-dire pour la rédemption de chacun de nous en particulier. « Le Fils de Dieu, parce qu’il m’a aimé, s’est livré lui-même à la mort pour moi ». (Galat.II, 20).

Comprend-on maintenant ce qu’est pour nous Jésus en Croix ?
Jésus en croix, c’est le don infini de l’Amour divin à tout coeur qui veut aimer !
Jésus en croix, c’est la miséricorde et le pardon de Dieu, s’inclinant vers tous les hommes de bonne volonté !
Jésus en croix, c’est l’Agneau sans tâche qui porte sur lui les péchés du monde !
Jésus en croix, c’est le bon Pasteur qui donne sa vie pour ses brebis !
Jésus en croix, c’est le Roi des rois, couronné d’épines pour payer la rançon de son peuple !
Jésus en croix, c’est la Vigne mystique qui étend ses rameaux sur l’humanité coupable pour la couvrir de son abri tutélaire !
Jésus en croix, c’est la Lumière du Ciel venant éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et à l’ombre de la mort !
Jésus en croix, c’est la sainte et pure Victime d’amour inondant toute la terre de son sang, afin qu’elle fût lavée de toutes ses iniquités, de toutes ses turpitudes, de toutes ses forfaitures !
Jésus en croix, c’est le souverain Maître de l’Univers livré à toutes les puissances du Mal et de la Haine pour nous mériter la liberté des enfants de Dieu ;
Jésus en croix, c’est l’appel de l’Amour compatissant à toutes les âmes affligées qui plient sous le poids de leurs misères et de leurs fautes !
Jésus en croix, c’est le Dieu qui meurt pour que tous les hommes, ses créatures aient la vie et la vie éternelle
Jésus en croix, c’est notre guérison, notre lumière., notre, force, notre justice, c’est notre sanctification et notre rédemption, notre Salut et notre Paix.
«Mon âme approche de la Croix avec la plus profonde humilité, la plus grave attention et la plus entière confiance. Baise cet autel où meurt ton Bien-aimé Sauveur : mets-toi sous ses pieds et courbe la tête pour recevoir le sang divin. Dis, comme les Juifs mais avec un tout autre sentiment : que son sang soit sur moi ! Oui, Seigneur, que votre précieux sang descende sur nous et nous lave de nos péchés ! Non, le sang de Jésus-Christ, le sang du Sauveur mort pour nous, ce sang ne crie pas vengeance comme celui d’Abel. Il ne demande pour nous que grâce et miséricorde (2).»

JÉSUS EN CROIX ! VOUS QUI EFFACEZ LES PÉCHÉS DU MONDE, AYEZ PITIÉ DE NOUS

Gabriel HUAN.