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LA SIMPLICITÉ (LE PARADIS DE L’ÂME) – PAR SAINT ALBERT LE GRAND

27 février, 2014

http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/albert/albert/30simplicite.htm

LE PARADIS DE L’ÂME

PAR SAINT ALBERT LE GRAND

CHAPITRE XXX

LA SIMPLICITÉ

1. La simplicité véritable et parfaite consiste à ne nuire à personne, mais à être utile à tous, comme le dit la Glose sur les paraboles (1). C’est la première vertu que l’on fait valoir chez Job. « Il y avait, dans le pays de Hus, un homme du nom de Job, et cet homme était simple et droit » (ch. 1, v. 1). Apparemment, cette vertu l’emportait, en lui, sur toutes les autres.
C’est elle aussi que le Seigneur a ordonnée, lorsqu’il envoya ses apôtres dans le monde pour appeler les incrédules à l’unité de la foi catholique : « Soyez prudents comme les serpents et simples comme les colombes » (Matt., ch. 10, v. 16). Dans son commandement, il joint la prudence à la simplicité ; car la prudence sans la simplicité, c’est de la ruse ; la simplicité sans la prudence, c’est de la sottise. La colombe ne blesse ni du bec ni des ongles ; de même, l’âme vraiment simple ne fait du mal ni en parole ni par action.
2. Il aime vraiment la simplicité, celui qui ne s’occupe pas, comme Marthe, à une multitude d’affaires, – car le grand nombre entraîne la complication– mais qui n’en cherche qu’une seule, celle dont Notre-Seigneur disait : « Une seule chose est nécessaire » (Luc, ch. 10, v. 42) ; et il en félicitait Marie-Madeleine : « Elle a choisi la meilleure part qui ne lui sera pas enlevée. » Il s’agit du seul Bien, où se trouvent tous les biens, immenses et éternels.
3. Les avantages de la simplicité doivent nous exciter à l’amour de cette vertu. Il est écrit que Dieu aime à s’entretenir avec les âmes simples » (Prov., ch. 3, v. 32). Le Seigneur est familier avec elles et il ne dédaigne pas de leur révéler ses secrets. Ainsi, aux apôtres qui empêchaient les petits enfants d’aller jusqu’à lui, Notre-Seigneur disait : « Laissez-les, ne les empêchez pas de venir à moi, car le royaume des cieux appartient à ceux qui leur ressemblent » (Matt., ch. 19, v. 14). Sans cette vertu, le salut est impossible : « Si vous ne devenez comme les petits enfants, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux » (ch. 18, v. 3). Le Seigneur Jésus ne dit pas : Si vous ne devenez petits enfants, mais « comme les enfants », ce qui signifie simples et innocents.
Voici une autre utilité de cette vertu. « Celui qui marche dans la simplicité marche en confiance » (Prov., ch. 10, v. 9). La voie de la simplicité, c’est le chemin le plus sûr dans le royaume des cieux. « Dieu protégera ceux qui marchent dans la simplicité » (ch. 2, v. 7).
4. Les preuves de la simplicité véritable sont de bien présumer de tous, loin de tourner en mauvaise part les actions du prochain ; de ne dénaturer le bien de personne ni de le diminuer ; de ne souhaiter le mal à aucun et de désirer le salut de tous, de faire de bonnes actions et de les bien faire, d’avoir des idées justes sur Dieu et de le chercher dans la simplicité du cœur, de se soumettre aussi à sa volonté et de garder ses commandements.
5. Il est convaincu de duplicité, celui dont les paroles diffèrent des pensées et des actions. Ainsi Joab s’apprête à baiser Amasa en lui disant : Salut, mon frère ; mais en même temps il tire en secret son épée et le frappe mortellement (IIe livre des Rois, ch. 20, v. 9-10).
Le Seigneur Jésus s’oppose à cette duplicité : « Que votre langage soit : Cela est, cela n’est pas » (Matt., ch. 5, v. 37) ; autrement dit : Ce que vous avez dans le cœur, proférez-le de vive voix et montrez-le par vos œuvres. « L’homme à deux âmes est inconstant dans toutes ses voies » (Jacq., ch. 1, v. 8). Notre-Seigneur maudit les hommes de duplicité qui veulent servir en même temps Dieu et le diable, ou s’exercer au péché et aux bonnes œuvres. Et il disait à leur adresse : « Personne ne peut servir deux maîtres » (Matt., ch. 6, v. 24) ; il s’agit de deux maîtres qui s’opposent : le bien et le mal, la vertu et le vice sont absolument contraires. Et pour ceux qui voudraient plaire à Dieu et au monde, voici la pensée de saint Jacques : « Quiconque veut être ami du monde se rend ennemi de Dieu » (ch. 4, v. 4).
Se montrer simple, à l’extérieur, dans la manière de se conduire, et porter la fourberie dans son mur, c’est une marque de fausse simplicité. Jérémie s’en plaignait de la sorte : « Que chacun de vous se garde de son ami ; et ne vous fiez à aucun frère, car les frères se supplanteront les uns les autres, et les amis sont des trompeurs » (ch. 9, v. 5).

(1) On n’a pas trouvé cette glose.

CHAPITRE III : DE L’HEUREUSE NAISSANCE DE MARIE. PRÉMICES DE SA VIE TOUTE MERVEILLEUSE

20 décembre, 2013

http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Dagreda/chap3.html

CHAPITRE III : DE L’HEUREUSE NAISSANCE DE MARIE. PRÉMICES DE SA VIE TOUTE MERVEILLEUSE

Par Marie d’Agréda (mystique espagnole)

(Traduite de l’Italien par l’Abbé Joseph-Antoine Boullan, Missionnaire du Précieux Sang et Docteur en Théologie. Paris, 1853)

Les neuf mois étant accomplis, sainte Anne fut éclairée d’une lumière intérieure, par laquelle le Seigneur lui fit connaître que le temps de ses heureuses couches était venu. Prosternée en présence de la majesté divine, elle demanda humblement au Seigneur de l’assister de ses grâces, et tout-à-coup elle sentit dans son sein un doux mouvement, qui lui fit comprendre que sa très-chère enfant voulait venir à la lumière. Dans cet état de la sainte mère, la très-sainte enfant vint au monde le huit septembre, à minuit; et afin qu’elle ne vit ni ne sentit sa naissance, elle fut ravie en une extase très-sublime en paradis. La sainte mère voulut elle-même l’envelopper de ses langes, la recevoir dans ses bras, sans permettre que d’autres mains la touchassent et elle put remplir elle même cet office parcequ’elle ne ressentit pas les douleurs de l’enfantement. Sainte Anne ayant reçu cette chère enfant dans ses bras adresse à Dieu cette prière: « Seigneur, dont la sagesse est infinie, créateur de tout ce qui a l’être, je vous offre humblement le fruit de mes entrailles que j’ai reçu de votre infinie bonté et je vous remercie du fond du coeur. Faites de la fille et de la mère selon votre très-sainte volonté, et regardez de votre trône notre petitesse. Je félicite les saints pères des limbes et tout le genre humain, à cause du gage assuré que vous leur donnez de leur prochaine rédemption. Mais comment me comporterai-je envers celle que vous me donnez pour fille, ne méritant pas d’être sa servante? Comment oserai-je toucher la véritable arche du testament? Donnez-moi Seigneur la lumière qui m’est nécessaire pour connaître votre sainte volonté, pour l’exécuter suivant votre bon plaisir et dans les services que je dois rendre à ma fille.» Le Seigneur lui fit entendre de traiter cette sainte enfant en ce qui concernait l’extérieur, comme une mère traite sa fille; mais de lui conserver dans son intérieur le respect qu’elle lui devait. Les anges vénérèrent leur reine entre les bras de sa mère et ceux qui étaient préposés à sa garde se découvrirent à, ses yeux; ce fut la première fois qu’elle les vit sous une forme corporelle. Ils étaient mille, désignés par Dieu pour sa défense dès le premier instant de sa conception. Quant ils l’eurent adorée, Dieu envoya le saint archange Gabriel, afin qu’il annonçât cette bonne nouvelle aux saints pères des limbes; et dans le même instant il envoya une multitude innombrable d’anges pour prendre et transporter dans le ciel en corps et en âme celle qui devait être la mère du verbe éternel. La petite Marie entra dans le ciel par le ministère des anges, et prosternée avec amour devant le trône royal du Très-Haut, elle fut reçue de Dieu lui-même dans son trône. Elle fut mise à son côté en possession du titre de sa propre mère et de reine de toutes les créatures, bien qu’elle ignorât alors la fin de ces profonds mystères, le Seigneur les lui cachant pour sa plus grande gloire. Il fut déterminé dans le conseil divin de donner un nom à cette enfant bien aimée, et aussitôt on entendit une voix sortant du trône de Dieu, qui disait: n notre élue doit s’appeler Marie. Ce nom doit être merveilleux et magnifique : ceux qui l’invoqueront avec une affection dévote, recevront des grâces très-abondantes; il sera terrible contre l’enfer et écrasera la tête du serpent » Le Seigneur commanda aux esprits angéliques d’annoncer cet heureux nom à sainte Arme, afin que ce qui avait été arrêté dans le ciel fut manifesté sur la terre. Les saints anges exécutèrent les ordres de Dieu. Ayant chacun un bouclier lumineux où le nom de Marie était gravé, ils annoncèrent à sainte Anne que c’était le nom qu’elle devait lui imposer. Marie fut donc remise entre les bras de sa mère, qui ne s’aperçut point de cette absence, parce que pendant assez longtemps, sainte Anne eut une extase d’une très-haute contemplation, et parce qu’un ange occupa la place de la très sainte enfant, ayant un corps aérien semblable au sien. Il est bon de connaître le continuel exercice auquel était occupée la sainte enfant. Au commencement de chaque jour, elle se prosternait intérieurement en la présence du Très- Haut, et le louait pour ses perfections infinies; elle lui rendait des actions de grâces de l’avoir tirée du néant, et se reconnaissant l’ouvrage de ses mains, elle le bénissait, l’exaltait, l’adorait comme son souverain Seigneur et créateur de tout ce qui a l’être. Elle élevait son esprit pour l’abandonner aux mains de Dieu; avec une profonde humilité et une parfaite résignation, elle priait Dieu de disposer d’elle selon sa sainte volonté; pendant ce jour là et pendant tous ceux qui lui resteraient à vivre et de lui enseigner ce qui lui serait le plus agréable pour l’accomplir exactement. Cette sainte habitude qu’elle prit dès sa naissance, elle la conserva pendant tout le cours de sa vie, sans jamais y manquer, quelques occupations et travaux qu’elle eût: elle la répétait même plusieurs fois le jour dans l’accomplissement de ses innocentes actions. Les soixante-six jours de la purification étant passés, sainte Anne alla au temple portant dans ses bras sa très pure enfant : elle se présenta à la porte du tabernacle avec l’offrande que la loi exigeait. Le saint prêtre Siméon ressentit une joie extraordinaire et sainte Anne entendit alors une voix qui lui dit d’accomplir le voeu qu’elle avait fait d’offrir sa fille au temple dès l’âge de trois ans. En entrant dans ce temple sur les bras de sa mère, cette aimable enfant voyant de ses yeux tant de magnificence consacrée au culte divin, en éprouva dans son esprit des effets merveilleux, et ne pouvant se prosterner à terre pour adorer la divinité, elle y suppléa du moins en esprit. Elle pria humblement le Seigneur de la recevoir en ce lieu, au temps que sa sainte volonté avait déterminé. En témoignage de l’acceptation que le Seigneur en faisait, une très claire lumière. descendit du ciel d’une manière sensible sur la mère et sur l’enfant. Ayant fini sa prière et présenté son offrande, sainte Anne revint à sa maison de Nazareth. La très sainte enfant était traitée dans la maison paternelle comme les autres enfants de son âge. Elle prenait les mêmes aliments qu’eux, mais en très petite quantité, son sommeil était court, quoiqu’elle se laissât coucher quand on le voulait; elle n’était pas importune et ne pleurait jamais pour les petits chagrins ordinaires aux autres enfants, mais elle était très douce et très paisible et elle dissimulait cette merveille en versant souvent des larmes pour les péchés des hommes, afin d’en obtenir le pardon, et de hâter la venue du rédempteur. Son visage était ordinairement joyeux, mais pourtant sérieux et plein de majesté et il n’y avait dans ses actions jamais rien de puéril. Elle recevait dans de certaines rencontres les caresses qu’on lui faisait, mais à l’égard de celles qui n’étaient point de sa mère, elle les modérait par son sérieux: Aussi le Seigneur inspira à saint Joachim et à sainte Anne un grand respect et une grande modestie en sorte qu’ils étaient fort réservés et fort prudents dans les démonstrations sensibles qu’ils lui donnaient de leur tendresse. Lorsqu’elle était seule, ou qu’on la mettait dans son berceau pour dormir, ce qu’elle ne faisait que fort sobrement, et sans jamais interrompre les actions intérieures du saint amour, elle conférait sur les mystères du Très-Haut avec les anges. Elle fut sujette à la faim, à la soif et aux peines corporelles parce qu’il était convenable qu’elle imitât Jésus. La faim, la soif étaient plus grandes pour elle que pour les autres enfants, et la privation de nourriture lui était plus dangereuse, à cause de la perfection de son tempérament; mais si on ne lui en donnait pas à temps, ou qu’on y excédât, elle prenait patience jusqu’à ce que l’occasion se présentât de la demander par quelque signe. Elle ne ressentait pas de peine d’être enveloppée dans ses langes, à cause de la connaissance qu’elle avait que le verbe incarné devait être ignominieusement garrotté. Lorsqu’elle était seule, elle se mettait en forme de croix, parce qu’elle savait que le rédempteur du monde devait mourir ainsi. Elle rendait très fréquemment des actions de grâces pour les aliments qui la nourrissaient, pour les influences des planètes, des étoiles, des cieux, reconnaissant tout cela pour un bienfait de la bonté divine; si elle manquait de quelque chose, elle ne se troublait point, sachant que tout est une pure grâce et un bienfait du Seigneur. Nous avons dit qu’une de ses principales occupations était de s’entretenir avec les Anges, lorsqu’elle était seule. Pour mieux faire entendre tout ceci, il faut donner une idée précise sur la manière dont ils se rendaient visibles à ses yeux, et dire quels étaient ces esprits angéliques. Ils avaient été pris des neuf choeurs, cent de chaque choeur, et choisis parmi ceux qui s’étaient le plus distingués par leur amour pour le Verbe incarné et sa très sainte mère, dans le combat contre Lucifer. Lorsqu’ils lui apparaissaient ils avaient la forme de jeunes hommes d’une merveilleuse beauté. Leur corps participait fort peu du terrestre, et il était comme un cristal très pur et rayonnant de la lumière du ciel. Ils joignaient à cette beauté une gravité noble, et un air majestueux. Leurs vêtements étaient semblables à un or très pur émaillé et embelli des plus riches couleurs. On découvrait néanmoins que tout cela n’était pas fait pour être touché, mais pour la vue seule, comme la lumière du soleil. Ils avaient sur la tête une belle couronne des fleurs les plus riches et les plus variées, qui exhalaient un parfum céleste. Ils portaient en leurs mains des palmes entrelacées, qui signifiaient les vertus que Marie devait pratiquer, et la gloire qu’elle devait obtenir. Ils avaient aussi sur leurs poitrines des devises qui avaient quelque rapport à celles des ordres militaires, il y avait un chiffre qui voulait dire: Marie Mère de Dieu. Cette devise était resplendissante, c’était un de leurs plus beaux ornements; mais la sainte vierge ne la comprit que lorsqu’elle conçut le Verbe incarné. Les effets que ces esprits célestes produisaient dans l’âme de Marie ne se peuvent expliquer dans le langage humain. Outre les neuf cents anges dont nous avons parlé, soixante-dix Séraphins d’entre les plus proches du trône, choisis parmi ceux qui se distinguèrent le plus par la dévotion à l’union hypostatique des deux natures divine et humaine, assistaient leur jeune reine. Lorsqu’ils se rendaient visibles, elle les voyait sous la même forme qu’Isaïe les vit, ayant six ailes, deux qui voilaient leur face, deux qui voilaient leurs pieds, et ils volaient avec les deux autres, signifiant ainsi le mystère caché de l’Incarnation et l’essor ardent de leur amour envers Dieu. Leur manière de communiquer avec la vierge était la même qu’ils gardent entr’ eux, les supérieurs illuminant les inférieurs; car bien que la Reine du ciel leur fût supérieure en dignité et en grâce, néanmoins dans sa nature l’homme comme le dit David, a été fait moindre que les anges. Il y avait encore douze anges dont a fait mention Saint-Jean (Apoc. ch. 21, v. 12.) Ils étaient de ceux qui se distinguèrent le plus par leur amour pour la rédemption des hommes. Ils furent choisis afin qu’ils coopérassent avec Marie au privilège qu’elle a d’être mère de miséricorde et médiatrice du salut du monde. Ces douze anges lui apparaissaient corporellement comme les premiers, et ils portaient plusieurs couronnes et plusieurs palmes réservées pour les dévots de cette divine reine. Leur emploi particulier était de lui faire connaître d’une manière toute spéciale la charité du Seigneur envers le genre humain. Les dix-huit anges qui complétaient le nombre de mille, étaient de ceux qui se distinguèrent le plus par leur affection envers les souffrances du Verbe incarné. Ces anges apparaissaient à Marie avec une admirable beauté. Ils étaient ornés de plusieurs devises de la passion et d’autres symboles mystérieux de la rédemption. Ils avaient une croix sur la poitrine et une autre sur le bras; l’une et l’autre d’une singulière beauté et d’une splendeur extraordinaire. La sainte vierge se servait souvent de ces anges qu’elle envoyait en ambassade à son très aimable fils pour le bien des âmes. Tous ces mille anges assistèrent à la garde dé cette grande reine, sans y jamais manquer en rien, comme nous le verrons, en plusieurs occasions, dans la suite de cette vie, et ils jouissent maintenant dans le ciel d’une joie toute particulière, par sa présence et par sa compagnie. La sainte enfant n’eut jamais l’impossibilité de parler qu’éprouvent les autres enfants; néanmoins pendant les dix-huit premiers mois, elle ne voulut point prononcer une parole; cachant par ce moyen la science et la capacité qu’elle possédait, et évitant l’étonnement qu’on aurait eu d’entendre parler un enfant qui ne faisait que de naître. Elle se dispensait seulement de cette loi du silence, lorsque dans la solitude elle priait le Seigneur, ou parlait avec les anges de sa garde. Le temps étant arrivé où la divine Marie devait rompre ce saint silence, le Seigneur lui déclara qu’elle pouvait commencer à parler avec les créatures humaines. Avant d’exécuter cet ordre, elle supplia le Seigneur dans une humble et fervente prière de l’assister dans cette dangereuse et difficile action de parler, afin qu’elle n’y commît jamais aucune faute. Le Seigneur lui ayant promis sa divine assistance, elle délia sa langue pour la première fois et les premières paroles qu’elle proféra furent pour demander la bénédiction de ses parents. Ceci arriva au dix-huitième mois de sa naissance. Pendant les dix-huit autres qui restaient pour achever les trois ans où elle entra au temple, elle n’ouvrit presque jamais la bouche que pour répondre à sa mère qui s’entretenait avec elle de Dieu, de ses mystères et surtout de l’incarnation du Verbe divin. Il était admirable de voir le soin qu’elle mettait dans un âge si tendre à faire les choses les plus basses et les plus humbles, comme de nettoyer et de balayer la maison, et alors les saints anges l’aidaient à recueillir ce fruit d’humilité. La maison de Joachim n’était pas fort riche, mais pourtant elle n’était pas des plus pauvres; c’est pourquoi sainte Anne habillait sa fille le mieux possible, dans les limites de l’honnêteté et de la modestie. Dès que la sainte enfant commença à parler, elle pria ses parents de la vêtir plus pauvrement d’un habit grossier et de couleur de cendres, et leur témoigna le désir qu’il eût déjà été porté. Sainte Anne ne jugea pas à propos de la ‘vêtir d’habits aussi grossiers qu’elle le demandait, elle la satisfit néanmoins pour la couleur et pour la forme qui rappelaient un peu l’habit qu’on met aux enfants par dévotion. Elle ne répliqua pas une parole, et se montra très soumise à‘sa mère, compensant par cet acte d’obéissance l’acte d’humilité qu’elle ne pouvait pas faire. 

Madeleine Delbrêl, « grande mystique missionnaire », par le P. Gilles François

19 novembre, 2008

du site: 

http://www.zenit.org/article-19402?l=french

Madeleine Delbrêl, « grande mystique missionnaire », par le P. Gilles François

Centre Saint-Louis de France « L’Europe et le langage de la mystique féminine »

ROME, Lundi 17 novembre 2008 (ZENIT.org

) – Madeleine Delbrêl, qui a dit, trois semaines avant sa mort, être « éblouie par Dieu », est « une grande mystique missionnaire », estime le P. Gilles François. Le P. François, président des Amis de Madeleine Delbrêl amis.madeleine.delbrel@wanadoo.fr ), et auteur de « Madeleine Delbrêl, genèse d’une spiritualité » (Nouvelle Cité 2008) a tenu une conférence intitulée « Madeleine Delbrêl : une vie de conversion », au centre culturel Saint-Louis de France, à Rome, dans le cadre d’une réflexion sur « L’Europe et le langage de la mystique féminine », promue par l’université romaine « Roma 3 », ce lundi, 17 novembre.

Le P. Franç

ois a voulu « repérer les traces de Jésus Christ » dans le langage mystique de Madeleine Delbrêl , « au travers de quatre périodes de sa vie ».

« Il y a 75 ans, rappelait-il, Madeleine Delbrêl (1904-1964) démarrait avec des compagnes une aventure qui dure encore dans la banlieue ouvrière d’Ivry au sud de Paris. Dans ce fief du communisme français, son engagement auprès des plus pauvres était le fruit de sa conversion à l’âge de 20 ans et de son amour pour Jésus-Christ ».

Le premier é

pisode, intitulé « Conversion, désert et solitude » est reflété dans le poème « Le désert », du 29 mars 1924, jour de sa conversion.

« Viens à moi, le désert est un immense appel… ».1 « Dans ce poème de style symboliste, retravaillé ensuite et où il est question d’un « livre ouvert sur le bord du néant » se découvre une attirance de Madeleine pour l’abîme, un thème qu’elle développe souvent ensuite : « [La] passion de Dieu, écrit-elle en 1960, nous révèlera que notre vie chrétienne est une marche entre deux abîmes. L’un est l’abîme mesurable des rejets de Dieu par le monde, l’autre est l’abîme insondable des mystères de Dieu » 2, a expliqué le P. François.

Le deuxiè

me épisode, « les noces mystiques et la Croix » se reflètent dans ses lettres de 1930 à son confesseur.

« Dans une lettre inédite du 11 octobre 1930, Madeleine exprime son union à Jésus-Christ comme un double amour : amour d’épouse, orienté vers Lui, et amour de mère, orienté vers les âmes », a fait remarquer le conférencier qui soulignait que son langage « est celui de joyeuses noces mystiques ». Et de citer ce passage : « Le plus petit instant d’amour vrai en croix nous est plus précieux que des heures de prière confortable ou des monceaux d’aumônes, parce que l’âme aime Jésus d’un amour d’épouse en se donnant elle-même, ce qui est le plus qu’elle puisse faire et que, en même temps, elle donne la vie aux autres âmes, elle les aime d’un amour de mère ».3 »

« Pour Madeleine Delbrê

l, disait le P. François, l’audace d’aimer vient de l’union mystique exprimée aussi dans l’adoration : « Être des îlots de résidence divine (…), être voué avant tout à l’adoration, laisser peser sur nous jusqu’à l’écrasement le mystère de la vie divine ».4 »

Un troisiè

me épisode correspond à des « paroles pour un mieux vivre ensemble », qui s’expriment dans sa « Veillée d’armes », de 1942.

« Devenue assistante sociale, rappelait le confé

rencier, Madeleine écrit en 1934 : « Le service social est la robe neuve de la charité. La charité est l’âme du vrai service social ».5 »

Il pré

cisait qu’elle montera « en première ligne » durant toute la période de la guerre, « en tant que responsable du service social de la Mairie d’Ivry, coordinatrice et formatrice de services sociaux, elle poursuit sa réflexion mystique dans un monde en crise ».

« Veillé

e d’armes, a-t-il expliqué, est un livre adressé aux travailleuses sociales. « C’est avec cette initiation à la souffrance du temps présent que nous nous sommes recueillis sur l’avenir », écrit-elle. « Il fallait que nos cœurs de femmes retrouvent la forme du ciel, qu’ils s’élargissent assez pour pouvoir comprendre la terre et pouvoir recevoir le ciel ».6 »

« Madeleine déborde du cadre de la spécialisation professionnelle : la force de son union à Dieu la porte vers l’universalité, mais son livre regorge aussi de conseils à propos du service : douceur, confiance, optimisme, humilité », a souligné le P. François.

Enfin, le quatriè

me épisode est relaté dans son livre « La femme, le prêtre et Dieu » (1950) et constitue comme une rencontre entre « le possible et Dieu ».

« Immergée dans la mission et le bouillonnement qui précède le Concile, Madeleine est une grande mystique missionnaire », a affirmé le conférencier.

Il soulignait que, dans «

un texte oublié, contemporain du Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir », elle médite sur « la complémentarité entre les prêtres et les femmes ».

« Dans la dernière partie, (« Le possible et Dieu »), elle développe, en questionnant le masculin et le féminin, que prêtres et laïques engagés dans le célibat se rejoignent dans un même signe, celui d’une « énorme humanité pour laquelle Dieu a dilaté en eux des entrailles immenses ».7 Le célibat des « volontaires d’un autre amour » est fécond », a fait observer le conférencier.

Il ajoutait, en soulignant la solitude que vé

cut Madeleine Delbrêl : « Madeleine sait le désert nécessaire. Il est un appel entendu par quelques-uns pour préparer l’accueil par tous de l’immensité de la charité, amour de Dieu qui prend tout et met en solitude :

« La solitude, ô mon Dieu

ce n’est pas que nous soyons seuls,

c’est que vous soyez là

car en face de vous, tout devient mort

ou tout devient vous »

.8 »

« C’est sur ce plan de la foi qu’elle ne cesse de méditer durant toute sa maturité et jusqu’à sa mort dans une œuvre littéraire immense que la publication des Œuvres complètes permet aujourd’hui de mieux découvrir », a conclu le P. Gilles François.

NOTES

1. M. Delbrêl connue et inconnue par G. François, B. Pitaud et A. Spycket (Nouvelle Cité 2004) 2. Nous autres, gens des rues, textes de M. Delbrêl (Seuil 1966) 3. M. Delbrêl, genèse d’une spiritualité par G. François et B. Pitaud (Nouvelle Cité 2008)

4. Communautés selon l’Évangile

, textes de M. Delbrêl (Seuil 1973) 5. M. Delbrêl, Le service social entre personne et société, tome VI des Œuvres complètes (Nouvelle Cité 2007) 6. M. Delbrêl, Profession assistante sociale, tome V des Œuvres complètes (Nouvelle Cité 2007) 7. A paraître dans le tome VIII des Œuvres complètes prévu en 2010

8. M. Delbrêl, Humour dans l’amour

, tome III des Œuvres complètes (Nouvelle Cité 2005)