Archive pour la catégorie 'martyrs'

JEUDI, 7ÈME – S. POLYCARPE, ÉVÊQUE ET MARTYR

23 février, 2017

http://www.aelf.org/2017-02-23/romain/lectures

JEUDI, 7ÈME – S. POLYCARPE, ÉVÊQUE ET MARTYR

LETTRE DE L’ÉGLISE DE SMYRNE SUR LE MARTYRE DE S. POLYCARPE

Lorsque le bûcher fut prêt, Polycarpe enleva lui-même tous ses vêtements et détacha sa ceinture ; puis il voulut se déchausser lui-même. Il ne le faisait pas auparavant, parce que chacun des fidèles s’empressait toujours pour être le premier à toucher son corps : même avant son martyre, il était toujours entouré de vénération à cause de la sainteté de sa vie.
Aussitôt donc on plaça autour de lui les matériaux préparés pour le bûcher. Comme on allait l’y clouer, il dit : « Laissez-moi ainsi. Celui qui me donne la force de supporter le feu me donnera aussi, même sans la garantie de vos clous, de rester immobile sur le bûcher. » On ne le cloua donc pas, mais on l’attacha.
Ainsi ligoté, avec les mains ramenées derrière le dos, il était comme un bélier de choix pris dans un grand troupeau pour être offert en sacrifice, holocauste préparé pour être agréable à Dieu. Levant les yeux au ciel, il dit :
« Seigneur, Dieu tout-puissant, Père de ton enfant bien-aimé et béni, Jésus Christ, par qui nous avons reçu la connaissance de ton nom. Dieu des anges, des puissances, de toute la création et de toute la race des justes qui vivent en ta présence : je te bénis parce que tu m’as jugé digne de ce jour et de cette heure, pour que je prenne part, dans la troupe des martyrs, à la coupe de ton Christ, en vue de la résurrection du corps et de l’âme à la vie éternelle, dans l’immortalité donnée par l’Esprit Saint. Je souhaite d’être admis aujourd’hui en ta présence avec eux, comme un sacrifice riche et agréable, ainsi que tu l’avais préparé et manifesté d’avance, ainsi que tu l’as réalisé, Dieu sincère et véritable.
« Aussi je te loue pour toute chose, je te bénis, je te glorifie par le grand prêtre éternel et céleste, Jésus Christ, ton enfant bien-aimé. Par lui, gloire à toi, à lui et à l’Esprit Saint, maintenant et dans les siècles futurs. Amen. »
Quand il eut fait monter cet amen et achevé sa prière, les hommes du feu allumèrent le brasier.
Une grande flamme brilla, et nous avons vu une merveille, nous à qui il fut accordé de le voir et qui avions été gardés pour annoncer aux autres ces événements. Le feu présenta la forme d’une voûte, comme la voile d’un navire gonflée par le vent qui entourait comme d’un rempart le corps du martyr. Celui-ci était au milieu, non comme une chair qui brûle, mais comme un pain qui cuit, ou comme de l’or et de l’argent étincelant dans la fournaise. Et nous sentions un parfum pareil à celui d’une exhalaison d’encens ou d’un autre aromate précieux.

 

THÉRÈSE-BÉNÉDICTE DE LA CROIX EDITH STEIN (1891-1942) – 9 AOUT

8 août, 2013

http://www.vatican.va/news_services/liturgy/saints/ns_lit_doc_19981011_edith_stein_fr.html

THÉRÈSE-BÉNÉDICTE DE LA CROIX EDITH STEIN (1891-1942)

CARMÉLITE DÉCHAUSSÉE, MARTYR

« Inclinons-nous profondément devant ce témoignage de vie et de mort livré par Edith Stein, cette remarquable fille d’Israël, qui fut en même temps fille du Carmel et soeur Thérèse-Bénédicte de la Croix, une personnalité qui réunit pathétiquement, au cours de sa vie si riche, les drames de notre siècle. Elle est la synthèse d’une histoire affligée de blessures profondes et encore douloureuses, pour la guérison desquelles s’engagent, aujoud’hui encore, des hommes et des femmes conscients de leurs responsabilités; elle est en même temps la synthèse de la pleine vérité sur les hommes, par son coeur qui resta si longtemps inquiet et insatisfait, « jusqu’à ce qu’enfin il trouvât le repos dans le Seigneur » « . Ces paroles furent prononcées par le Pape Jean-Paul II à l’occasion de la béatification d’Édith Stein à Cologne, le 1 mai 1987.

Qui fut cette femme?
Quand, le 12 octobre 1891, Édith Stein naquit à Wroclaw (à l’époque Breslau), la dernière de 11 enfants, sa famille fêtait le Yom Kippour, la plus grande fête juive, le jour de l’expiation. « Plus que toute autre chose cela a contribué à rendre particulièrement chère à la mère sa plus jeune fille ». Cette date de naissance fut pour la carmélite presque une prédiction.
Son père, commerçant en bois, mourut quand Édith n’avait pas encore trois ans. Sa mère, femme très religieuse, active et volontaire, personne vraiment admirable, restée seule, devait vaquer aux soins de sa famille et diriger sa grande entreprise; cependant elle ne réussit pas à maintenir chez ses enfants une foi vivante. Édith perdit la foi en Dieu: « En pleine conscience et dans un choix libre je cessai de prier ».
Elle obtint brillamment son diplôme de fin d’études secondaires en 1911 et commença des cours d’allemand et d’histoire à l’Université de Wroclaw, plus pour assurer sa subsistance à l’avenir que par passion. La philosophie était en réalité son véritable intérêt. Elle s’intéressait également beaucoup aux questions concernant les femmes. Elle entra dans l’organisation « Association Prussienne pour le Droit des Femmes au Vote ». Plus tard elle écrira: « Jeune étudiante, je fus une féministe radicale. Puis cette question perdit tout intérêt pour moi. Maintenant je suis à la recherche de solutions purement objectives ».
En 1913, l’étudiante Édith Stein se rendit à Gôttingen pour fréquenter les cours de Edmund Husserl à l’université; elle devint son disciple et son assistante et elle passa aussi avec lui sa thèse. À l’époque Edmund Husserl fascinait le public avec son nouveau concept de vérité: le monde perçu existait non seulement à la manière kantienne de la perception subjective. Ses disciples comprenaient sa philosophie comme un retour vers le concret. « Retour à l’objectivisme ». La phénoménologie conduisit plusieurs de ses étudiants et étudiantes à la foi chrétienne, sans qu’il en ait eu l’intention. À Gôttingen, Édith Stein rencontra aussi le philosophe Max Scheler. Cette rencontre attira son attention sur le catholicisme. Cependant elle n’oublia pas l’étude qui devait lui procurer du pain dans l’avenir. En janvier 1915, elle réussit avec distinction son examen d’État. Elle ne commença pas cependant sa période de formation professionnelle.
Alors qu’éclatait la première guerre mondiale, elle écrivit: « Maintenant je n’ai plus de vie propre ». Elle fréquenta un cours d’infirmière et travailla dans un hôpital militaire autrichien. Pour elle ce furent des temps difficiles. Elle soigna les malades du service des maladies infectieuses, travailla en salle opératoire, vit mourir des hommes dans la fleur de l’âge. À la fermeture de l’hôpital militaire en 1916, elle suivit Husserl à Fribourg-en-Brisgau, elle y obtint en 1917 sa thèse « summa cum laudae » dont le titre était: « Sur le problème de l’empathie ».
Il arriva qu’un jour elle put observer comment une femme du peuple, avec son panier à provisions, entra dans la cathédrale de Francfort et s’arrêta pour une brève prière. « Ce fut pour moi quelque chose de complètement nouveau. Dans les synagogues et les églises protestantes que j’ai fréquentées, les croyants se rendent à des offices. En cette circonstance cependant, une personne entre dans une église déserte, comme si elle se rendait à un colloque intime. Je n’ai jamais pu oublier ce qui est arrivé ». Dans les dernières pages de sa thèse elle écrit: « Il y a eu des individus qui, suite à un changement imprévu de leur personnalité, ont cru rencontrer la miséricorde divine ». Comment est-elle arrivée à cette affirmation?
Édith Stein était liée par des liens d’amitié profonde avec l’assistant de Husserl à Gôtingen, Adolph Reinach, et avec son épouse. Adolf Reinach mourut en Flandres en novembre 1917. Édith se rendit à Gôttingen. Le couple Reinach s’était converti à la foi évangélique. Édith avait une certaine réticence à l’idée de rencontrer la jeune veuve. Avec beaucoup d’étonnement elle rencontra une croyante. « Ce fut ma première rencontre avec la croix et avec la force divine qu’elle transmet à ceux qui la portent [...] Ce fut le moment pendant lequel mon irréligiosité s’écroula et le Christ resplendit ». Plus tard elle écrivit: « Ce qui n’était pas dans mes plans était dans les plans de Dieu. En moi prit vie la profonde conviction que -vu du côté de Dieu- le hasard n’existe pas; toute ma vie, jusque dans ses moindres détails, est déjà tracée selon les plans de la providence divine et, devant le regard absolument clair de Dieu, elle présente une unité parfaitement accomplie ».
À l’automne 1918, Édith Stein cessa d’être l’assistante d’Edmund Husserl. Ceci parce qu’elle désirait travailler de manière indépendante. Pour la première fois depuis sa conversion, Édith Stein rendit visite à Husserl en 1930. Elle eut avec lui une discussion sur sa nouvelle foi à laquelle elle aurait volontiers voulu qu’il participe. Puis elle écrit de manière surprenante: « Après chaque rencontre qui me fait sentir l’impossibilité de l’influencer directement, s’avive en moi le caractère pressant de mon propre holocauste ».
Édith Stein désirait obtenir l’habilitation à l’enseignement. À l’époque, c’était une chose impossible pour une femme. Husserl se prononça au moment de sa candidature: « Si la carrière universitaire était rendue accessible aux femmes, je pourrais alors la recommander chaleureusement plus que n’importe quelle autre personne pour l’admission à l’examen d’habilitation ». Plus tard on lui interdira l’habilitation à cause de ses origines juives.
Édith Stein retourna à Wroclaw. Elle écrivit des articles sur la psychologie et sur d’autres disciplines humanistes. Elle lit cependant le Nouveau Testament, Kierkegaard et le livre des exercices de saint Ignace de Loyola. Elle s’aperçoit qu’on ne peut seulement lire un tel écrit, il faut le mettre en pratique.
Pendant l’été 1921, elle se rendit pour quelques semaines à Bergzabern (Palatinat), dans la propriété de Madame Hedwig Conrad-Martius, une disciple de Husserl. Cette dame s’était convertie, en même temps que son époux, à la foi évangélique. Un soir, Édith trouva dans la bibliothèque l’autobiographie de Thérèse d’Avila. Elle la lut toute la nuit. « Quand je refermai le livre je me dis: ceci est la vérité ». Considérant rétrospectivement sa propre vie, elle écrira plus tard: « Ma quête de vérité était mon unique prière ».
Le ler janvier 1922, Édith Stein se fit baptiser. C’était le jour de la circoncision de Jésus, de l’accueil de Jésus dans la descendance d’Abraham. Édith Stein était debout devant les fonds baptismaux, vêtue du manteau nuptial blanc de Hedwig Conrad-Martius qui fut sa marraine. « J’avais cessé de pratiquer la religion juive et je me sentis de nouveau juive seulement après mon retour à Dieu ». Maintenant elle sera toujours consciente, non seulement intellectuellement mais aussi concrètement, d’appartenir à la lignée du Christ. À la fête de la Chandeleur, qui est également un jour dont l’origine remonte à l’Ancien Testament, elle reçut la confirmation de l’évêque de Spire dans sa chapelle privée.
Après sa conversion, elle se rendit tout d’abord à Wroclaw. « Maman, je suis catholique ». Les deux se mirent à pleurer. Hedwig Conrad-Martius écrivit: « Je vis deux israélites et aucune ne manque de sincérité » (cf Jn 1, 47).
Immédiatement après sa conversion, Édith aspira au Carmel, mais ses interlocuteurs spirituels, le Vicaire général de Spire et le Père Erich Przywara, S.J., l’empêchèrent de faire ce pas. Jusqu’à pâques 1931 elle assura alors un enseignement en allemand et en histoire au lycée et séminaire pour enseignants du couvent dominicain de la Madeleine de Spire. Sur l’insistance de l’archiabbé Raphaël Walzer du couvent de Beuron, elle entreprend de longs voyages pour donner des conférences, surtout sur des thèmes concernant les femmes. « Pendant la période qui précède immédiatement et aussi pendant longtemps après ma conversion [... ] je croyais que mener une vie religieuse signifiait renoncer à toutes les choses terrestres et vivre seulement dans la pensée de Dieu. Progressivement cependant, je me suis rendue compte que ce monde requiert bien autre chose de nous [...]; je crois même que plus on se sent attiré par Dieu et plus on doit « sortir de soi-même », dans le sens de se tourner vers le monde pour lui porter une raison divine de vivre ».
Son programme de travail est énorme. Elle traduit les lettres et le journal de la période pré-catholique de Newman et l’œuvre  » Questiones disputatx de veritate  » de Thomas d’Aquin et ce dans une version très libre, par amour du dialogue avec la philosophie moderne. Le Père Erich Przywara S.J. l’encouragea à écrire aussi des oeuvres philosophiques propres. Elle apprit qu’il est possible « de pratiquer la science au service de Dieu [... ] ; c’est seulement pour une telle raison que j’ai pu me décider à commencer une série d’oeuvres scientifiques ». Pour sa vie et pour son travail elle trouve toujours les forces nécessaires au couvent des bénédictins de Beuron où elle se rend pour passer les grandes fêtes de l’année liturgique.
En 1931, elle termina son activité à Spire. Elle tenta de nouveau d’obtenir l’habilitation pour enseigner librement à Wroclaw et à Fribourg. En vain. À partir de ce moment, elle écrivit une oeuvre sur les principaux concepts de Thomas d’Aquin: « Puissance et action ». Plus tard, elle fera de cet essai son ceuvre majeure en l’élaborant sous le titre « Être fini et Être éternel », et ce dans le couvent des Carmélites à Cologne. L’impression de l’œuvre ne fut pas possible pendant sa vie.
En 1932, on lui donna une chaire dans une institution catholique, l’Institut de Pédagogie scientifique de Münster, où elle put développer son anthropologie. Ici elle eut la possibilité d’unir science et foi et de porter à la compréhension des autres cette union. Durant toute sa vie, elle ne veut être qu’un « instrument de Dieu ». « Qui vient à moi, je désire le conduire à Lui ».
En 1933, les ténèbres descendent sur l’Allemagne. « J’avais déjà entendu parler des mesures sévères contres les juifs. Mais maintenant je commençai à comprendre soudainement que Dieu avait encore une fois posé lourdement sa main sur son peuple et que le destin de ce peuple était aussi mon destin ». L’article de loi sur la descendance arienne des nazis rendit impossible la continuation de son activité d’enseignante. « Si ici je ne peux continuer, en Allemagne il n’y a plus de possibilité pour moi ». « J’étais devenue une étrangère dans le monde ».
L’archiabbé Walzer de Beuron ne l’empêcha plus d’entrer dans un couvent des Carmélites. Déjà au temps où elle se trouvait à Spire, elle avait fait les veeux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance. En 1933 elle se présenta à la Mère Prieure du monastère des Carmélites de Cologne. « Ce n’est pas l’activité humaine qui peut nous aider, mais seulement la passion du Christ. J’aspire à y participer ».
Encore une fois Édith Stein se rendit à Wroclaw pour prendre congé de sa mère et de sa famille. Le dernier jour qu’elle passa chez elle fut le 12 octobre, le jour de son anniversaire et en même temps celui de la fête juive des Tabernacles. Édith accompagna sa mère à la Synagogue. Pour les deux femmes ce ne fut pas une journée facile. « Pourquoi l’as-tu connu (Jésus Christ)? Je ne veux rien dire contre Lui. Il aura été un homme bon. Mais pourquoi s’est-il fait Dieu? » Sa mère pleure.
Le lendemain matin Édith prend le train pour Cologne. « Je ne pouvais entrer dans une joie profonde. Ce que je laissais derrière moi était trop terrible. Mais j’étais très calme – dans l’intime de la volonté de Dieu ». Par la suite elle écrira chaque semaine une lettre à sa mère. Elle ne recevra pas de réponses. Sa soeur Rose lui enverra des nouvelles de la maison.
Le 14 octobre, Édith Stein entre au monastère des Carmélites de Cologne. En 1934, le 14 avril, ce sera la cérémonie de sa prise d’habit. L’archiabbé de Beuron célébra la messe. À partir de ce moment Édith Stein portera le nom de soeur Thérèse-Bénédicte de la Croix.
En 1938, elle écrivit: « Sous la Croix je compris le destin du peuple de Dieu qui alors (1933) commençait à s’annoncer. Je pensais qu’il comprenait qu’il s’agissait de la Croix du Christ, qu’il devait l’accepter au nom de tous les autres peuples. Il est certain qu’aujourd’hui je comprends davantage ces choses, ce que signifie être épouse du Seigneur sous le signe de la Croix. Cependant il ne sera jamais possible de comprendre tout cela, parce que c’est un mystère ».
Le 21 avril 1935, elle fit des voeux temporaires. Le 14 septembre 1936, au moment du renouvellement des voeux, sa mère meurt à Wroclaw. « Jusqu’au dernier moment ma mère est restée fidèle à sa religion. Mais puisque sa foi et sa grande confiance en Dieu [...] furent l’ultime chose qui demeura vivante dans son agonie, j’ai confiance qu’elle a trouvé un juge très clément et que maintenant elle est ma plus fidèle assistante, en sorte que moi aussi je puisse arriver au but ».
Sur l’image de sa profession perpétuelle du 21 avril 1938, elle fit imprimer les paroles de saint Jean de la Croix auquel elle consacrera sa dernière oeuvre: « Désormais ma seule tâche sera l’amour ».
L’entrée d’Édith Stein au couvent du Carmel n’a pas été une fuite. « Qui entre au Carmel n’est pas perdu pour les siens, mais ils sont encore plus proches; il en est ainsi parce que c’est notre tâche de rendre compte à Dieu pour tous ». Surtout elle rend compte à Dieu pour son peuple. « Je dois continuellement penser à la reine Esther qui a été enlevée à son peuple pour en rendre compte devant le roi. Je suis une petite et faible Esther mais le Roi qui m’a appelée est infiniment grand et miséricordieux. C’est là ma grande consolation ». (31-10-1938)
Le 9 novembre 1938, la haine des nazis envers les juifs fut révélée au monde entier. Les synagogues brûlèrent. La terreur se répandit parmi les juifs. La Mère Prieure des Carmélites de Cologne fait tout son possible pour conduire soeur Thérèse-Bénédicte de la Croix à l’étranger. Dans la nuit du 1er janvier 1938, elle traversa la frontière des Pays-Bas et fut emmenée dans le monastère des Carmélites de Echt, en Hollande. C’est dans ce lieu qu’elle écrivit son testament, le 9 juin 1939: « Déjà maintenant j’accepte avec joie, en totale soumission et selon sa très sainte volonté, la mort que Dieu m’a destinée. Je prie le Seigneur qu’Il accepte ma vie et ma mort [...] en sorte que le Seigneur en vienne à être reconnu par les siens et que son règne se manifeste dans toute sa grandeur pour le salut de l’Allemagne et la paix dans le monde ».
Déjà au monastère des Carmélites de Cologne on avait permis à Édith Stein de se consacrer à ses oeuvres scientifiques. Entre autres elle écrivit dans ce lieu « De la vie d’une famille juive ». « Je désire simplement raconter ce que j’ai vécu en tant que juive ». Face à « la jeunesse qui aujourd’hui est éduquée depuis l’âge le plus tendre à haïr les juifs [...] nous, qui avons été éduqués dans la communauté juive, nous avons le devoir de rendre témoignage ».
En toute hâte, Édith Stein écrira à Echt son essai sur « Jean de la Croix, le Docteur mystique de l’Église, à l’occasion du quatre centième anniversaire de sa naissance, 1542-1942″. En 1941, elle écrivit à une religieuse avec laquelle elle avait des liens d’amitié: « Une scientia crucis (la science de la croix) peut être apprise seulement si l’on ressent tout le poids de la croix. De cela j’étais convaincue depuis le premier instant et c’est de tout coeur que j’ai dit: Ave Crux, Spes unica (je te salue Croix, notre unique espérance) ». Son essai sur Jean de la Croix porta le sous-titre: « La Science de la Croix ».

Le 2 août 1942, la Gestapo arriva. Édith Stein se trouvait dans la chapelle, avec les autres soeurs. En moins de 5 minutes elle dut se présenter, avec sa soeur Rose qui avait été baptisée dans l’Église catholique et qui travaillait chez les Carmélites de Echt. Les dernières paroles d’Édith Stein que l’on entendit à Echt s’adressèrent à sa soeur: « Viens, nous partons pour notre, peuple ».
Avec de nombreux autres juifs convertis au christianisme, les deux femmes furent conduites au camp de rassemblement de Westerbork. Il s’agissait d’une vengeance contre le message de protestation des évêques catholiques des Pays-Bas contre le progrom et les déportations de juifs. « Que les êtres humains puissent en arriver à être ainsi, je ne l’ai jamais compris et que mes soeurs et mes frères dussent tant souffrir, cela aussi je ne l’ai jamais vraiment compris [...]; à chaque heure je prie pour eux. Est-ce que Dieu entend ma prière? Avec certitude cependant il entend leurs pleurs ». Le professeur Jan Nota, qui lui était lié, écrira plus tard: « Pour moi elle est, dans un monde de négation de Dieu, un témoin de la présence de Dieu ».
À l’aube du 7 août, un convoi de 987 juifs parti en direction d’Auschwitz. Ce fut le 9 août 1942, que soeur Thérèse-Bénédicte de la Croix, avec sa soeur Rose et de nombreux autres membres de son peuple, mourut dans les chambres à gaz d’Auschwitz.
Avec sa béatification dans la Cathédrale de Cologne, le ler mai 1987, l’Église honorait, comme l’a dit le Pape Jean-Paul II, « une fille d’Israël, qui pendant les persécutions des nazis est demeurée unie avec foi et amour au Seigneur Crucifié, Jésus Christ, telle une catholique, et à son peuple telle une juive ».

Martyrs et saints, ferments d’unité

22 septembre, 2009

du site:

http://www.famillechretienne.fr/celebrer/autres-temps-liturgiques/martyrs-et-saints-ferments-dunite_t12_s84_d35092.html

Toussaint

Martyrs et saints, ferments d’unité

Famille Chrétienne 25/10/2008

Par Didier Rance * 0 commentaire

La Toussaint est une fête partagée par les catholiques, les orthodoxes et les catholiques orientaux – qui la célèbrent le dimanche après la Pentecôte –, mais aussi par les anglicans et de plus en plus d’Églises de la Réforme. Martyrs et saints sont ainsi reconnus comme ferments d’unité.
Sommaire
Des martyrs de différentes confessions Sur le même sujet
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martyre saint Toussaint «L’œcuménisme des saints, des martyrs, est sans doute le plus convaincant», écrivait Jean-Paul II dans la lettre apostolique sur la préparation du Jubilé de l’an 2000, Tertio millenio adveniente. On oublie souvent que dans le martyre – et cela est particulièrement vrai au XXe siècle –, les saints « sont un », comme le Christ l’a demandé à son Père et nous l’a commandé.

L’œcuménisme des saints
L’expression «l’œcuménisme des saints, des martyrs» peut être comprise de deux façons. Pour nous en tenir à l’œcuménisme des martyrs (mais ceci vaut des saints non martyrs), il s’agit d’une part de l’unité vécue par des chrétiens de différentes confessions dans la persécution et la mort pour le Christ ; il s’agit d’autre part, dans la recherche de l’unité, du rôle que peuvent jouer la mémoire et la reconnaissance mutuelle de la sainteté des martyrs connus ou inconnus de toutes les confessions chrétiennes.

Pour le premier sens, on peut, et même il faut, parler de cet œcuménisme des martyrs comme d’une des grandes grâces de la réalité du martyre au XXe siècle et au début du XXIe siècle. Jean-Paul II l’a exprimée de façon très forte lors de son discours au Colisée du Vendredi saint 1994, à la fin du chemin de croix médité par le patriarche œcuménique Bartholomée Ier : «Nous sommes unis dans ces martyrs entre Rome, la «Colline des croix» et les îles Solovki et tant d’autres camps d’extermination. Nous sommes unis sur la toile de fond des martyrs, nous ne pouvons pas ne pas être unis».

La foi des premiers chrétiens
Cet œcuménisme est bien sûr celui de la souffrance mais aussi de la prière, de l’entraide, du témoignage commun donné. Les exemples sont nombreux, en particulier dans les prisons et camps nazis et dans le Goulag.

Les jeunes suppliciés de Munich du groupe de «La Rose Blanche», tous animés par la même foi chrétienne, étaient catholiques, protestants et orthodoxe (1). À Lübeck, dans le nord de l’Allemagne, un pasteur et un prêtre montèrent ensemble vers la guillotine en chantant leur amour du Christ après avoir prêché contre la barbarie hitlérienne dans leurs églises. Le Père Angeli, survivant de la baraque 26 du camp de Dachau, raconte : «Prêtres catholiques de tous les pays, pasteurs protestants et popes orthodoxes, nous avons appris à découvrir ce que sont vraiment la vie et la foi».

Il en fut de même au Goulag, comme en témoigne ce récit des îles Solovki : «Unissant leurs efforts, un évêque catholique encore jeune et un vieillard émacié et décharné à la barbe blanche, un évêque orthodoxe antique par les jours mais vaillant par le courage, qui poussait énergiquement le chariot… S’il y en a parmi nous qui ont un jour la chance de retourner dans le monde, ils devront rendre témoignage de ce que nous voyons ici. Et ce que nous voyons, c’est la renaissance de la foi pure et authentique des premiers chrétiens, l’union des Églises en la personne des évêques catholiques et orthodoxes qui participent unanimes à cette entreprise, l’union dans l’amour et dans l’humilité» (2).

Stephania Shabatura, catholique ukrainienne, m’a raconté comment le camp de Mordovie, où elle passa huit ans, était un lieu de découverte, d’amour et de prière réciproques entre détenues orthodoxes, protestantes et catholiques. Elles parvinrent même à y célébrer ensemble secrètement Noël et Pâques (3).

Une des expressions les plus fortes de cet œcuménisme des martyrs et des confesseurs de la foi a été donnée lors de la commémoration œcuménique des témoins de la foi du Grand Jubilé, le 7 mai 2000 : plusieurs des témoignages étaient ceux de chrétiens ayant souffert persécution rapportant le martyre d’un chrétien d’une autre confession, et ce qu’ils leur devaient. Et aujourd’hui encore, des chrétiens de différentes confessions continuent à souffrir ensemble pour le Christ et à se soutenir mutuellement, en Chine, au Nigeria, en Irak, en Inde ou au Soudan.

«Que tous soient uns»
Ces martyrs et tous les saints sont la bonne graine dont parle l’Évangile : «Si le grain tombé en terre ne meurt, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit» (Jean 12, 24). Leur exemple nous stimule, leur charité suscite la nôtre, « leur sollicitude fraternelle nous est du plus grand secours» (4). Il nous appartient de cultiver les ferments d’unité chrétienne qu’ils ont vécus, et de leur faire porter du fruit. L’enseignement de Vatican II, de Jean-Paul II et de Benoît XVI nous y pousse.

L’œcuménisme des saints est «sans doute le plus convaincant» parce qu’il est justement un œcuménisme de la conviction, parce que c’est le Christ qui nous convainc, à travers lui, que l’unité ne progressera ni par la force, ni par la séduction, ni par la recherche d’un compromis, mais par la conviction que c’est lui qui unit ses martyrs et qui veut nous unir.

Quant à ce martyrologe commun, que «d’un point de vue théocentrique, nous avons déjà, nous chrétiens», évoqué par Jean-Paul II dans son encyclique sur l’engagement œcuménique, Ut unum sint (n° 84), il peut être pour nous une cause d’espérance. Cette unité déjà réalisée en Dieu, au Ciel, n’efface hélas pas les divisions et les problèmes bien réels entre chrétiens sur la Terre, mais elle constitue pour toutes les Églises et communautés chrétiennes un admirable encouragement. Ne demandons-nous pas tous les jours : «Que ta volonté soit faite sur la Terre comme au Ciel» ? Or la volonté de Dieu, manifestée par son Fils, est «que tous soient un» (Jean 17).

Alors, en ce temps de Toussaint, «environnés de cette grande nuée de témoins» (cf. Hébreux 12, 1), les martyrs et les saints du Ciel, et soutenus par eux, prions et agissons pour que cette unité soit faite sur la Terre comme elle l’est déjà au Ciel.

Didier Rance *

(1) À voir : le film émouvant de Marc Rothemund, Sophie Scholl, les derniers jours, 2005. À lire : Lettres et carnets de Hans Scholl, par Sophie Scholl, Inge Jens, Paris, 2008.

(2) Josip Brodskij, Solovki, le isole del martirio. Da monastero a primo lager sovietico, Milan, 1998, p. 152.

(3) Didier Rance, Catholiques d’Ukraine, Mareil-Marly, 1991, p. 143-176.

(4) Vatican II, constitution dogmatique sur l’Église Lumen gentium, n° 49.

* Diacre latin et byzantin, père de famille, auteur et conférencier

6 février: Saint Paul Miki et ses compagnons(*), martyrs au Japon (+ 1597)

6 février, 2009

du site:

http://nominis.cef.fr/

6 FÉVRIER

Saint Paul Miki
et ses compagnons(*), martyrs au Japon (+ 1597)

voir aussi sur le site:

http://www.jesuites.com/histoire/saints/paulmiki.htm

Sur les traces de saint François Xavier, les pères Jésuites et les frères franciscains avaient profondément enraciné le christianisme dans le sol japonais. Ecoles, paroisses, hospices et léproseries témoignaient de la vigueur de cette jeune Eglise. Mais, à cette date, le Japon est en proie à des bouleversements politiques importants. Le shogun Taïcosama cherche à unifier le pays en limitant l’influence des daïmios locaux. Il veut aussi limiter l’influence des étrangers au Japon. Or le christianisme est une importation étrangère : le shogun s’en prend donc aux chrétiens. En 1587, les missionnaires sont expulsés, le christianisme interdit. Celui-ci s’enfouit et devient clandestin. Dix ans plus tard la persécution reprend de plus belle. En février 1597, vingt-six chrétiens sont arrêtés : des jésuites, des franciscains, des laïcs tertiaires de saint François, des enfants de choeur…
Parmi eux, Paul Miki, premier jésuite japonais et prédicateur passionné. On les promène de ville en ville, pour l’exemple, pour dissuader ceux qui seraient tentés d’embrasser la religion interdite. Torturés, les martyrs continuent à prêcher et à chanter pendant leurs supplices avant de finir crucifiés sur une colline proche de Nagasaki, face à l’Occident, comme pour narguer cet horizon d’où venait le christianisme.
Voir aussi: Saints Paul Miki, Jean Soan (de Goto) et Jacques Kisai sur le site internet des jésuites et sur le calendrier des Franciscains Saints Pierre-Baptiste, Paul Miki et leurs compagnons.
(*) Jean Soan de Goto, Jacques Kisai, religieux jésuites ; Pierre-Baptiste Blazquez, Martin de l’Ascension Aguirre, François Blanco, prêtres franciscains ; Philippe de Jésus de Las Casas, Gonzalve Garcia, François de Saint-Michel de la Parilla, religieux franciscains ; Léon Karasuma, Pierre Sukejiro, Côme Takeya, Paul Ibaraki, Thomas Dangi, interprête, Paul Suzuki, catéchistes ; Louis Ibaraki (11ans), Antoine (13 ans), Michel Kozaki et son fils Thomas ; Bonaventure, Gabriel, Jean Kinuya, Matthias, François de Méako, médecin, Joachim Sakakibara, médecin, François Danto, néophytes.

Le culte des saints dans l’Église catholique

22 janvier, 2009

du site:

http://www.esprit-et-vie.com/breve.php3?id_breve=529

Le culte des saints dans l’Église catholique 

Maurice Jourjon

Le culte des saints dans l’Église catholique Tout au long de l’année, nous fêtons des saints : apôtres, martyrs, évêques, docteurs, religieux et religieuses, hommes et femmes ayant exercé une fonction pédagogique ou une activité caritative. Nous les fêtons parce qu’ils ont rempli une fonction dans l’Église de Dieu, parce qu’ils sont été des serviteurs et des ministres du peuple de Dieu, rejoignant les intendants fidèles et avisés de l’Évangile.

À côté de ces « fonctionnaires », au meilleur sens du terme, l’Esprit Saint suscite librement des hommes et des femmes hors catégorie, qui ne sont pas des fonctionnaires mais des prophètes : François d’Assise, Catherine de Sienne, Jeanne d’Arc, Thomas More, Frédéric Ozanam, Thérèse de Lisieux ou Edith Stein, dont le P. Jourjon dit, dans une belle formule, qu’ » ils ont jeté l’Église en avant ». Leur canonisation répond à la mission ce l’Église de présenter aux chrétiens ceux et celles qui sont « non seulement nos ancêtres dans la foi, mais des hommes et des femmes d’avenir, et des enfants de grande espérance ».

L’étude originale du P. Jourjon nous aide à mieux saisir la place des saints dans la vie de l’Église, de notre Église qui en permanence est à la fois institutionnelle et charismatique. Il conviendrait de la prolonger par une recherche sur les critères et les modalités des béatifications et des canonisations, qui ont sensiblement évolué au long des siècles, et donc par une nouvelle réflexion théologique et ecclésiologique sur le culte que nous rendons aux saints.

Pour aborder la question du culte des saints dans l’Église catholique, nous prendrons le terme de canonisation au sens large, nous l’étendrons pour ainsi dire tout au long des siècles. La canonisation des saints, c’est leur inscription sur une liste, l’enregistrement de leurs noms dans un document officiel (un martyrologe) après un jugement, officiel lui aussi, porté sur eux au cours d’un véritable procès. Nous écrirons donc par une induction vérifiée et pas du tout un abus de langage trois chapitres de l’histoire de ce que, peu à peu, on appellera canonisation.

Nous réfléchirons d’abord sur la liste primitive, celle de l’Église à ses origines, celle des deux premiers siècles. Puis, sur la liste dressée, peu à peu, par l’Église ancienne, l’Église des Pères, comme on dit, l’Église du iie au ve siècles. Enfin, franchissant allégrement Moyen Âge et Temps modernes, nous évoquerons quelques canonisés de notre xxe siècle qui s’achève.

Pour ce faire, nous utiliserons, nous analyserons trois textes. Nous ferons vraiment trois explications de textes, tournant à la théologie historique et à la spiritualité.

Les martyrs, premiers canonisés. Un texte percutant d’Irénée

C’est par le truchement d’un texte percutant d’Irénée que nous aborderons notre premier sujet : les martyrs premiers canonisés. Que veut dire Irénée lorsqu’il affirme que, grâce à l’Esprit Saint, le christianisme est : « une connaissance vécue comportant : l’enseignement des apôtres ; l’organisme originel de l’Église répandu à travers le monde entier ; la marque distinctive du Corps du Christ consistant dans la succession des évêques auxquels les apôtres remirent chaque Église locale ; parvenue jusqu’à nous, une conservation immuable des Écritures […] ; enfin le don suréminent de l’amour […]. Voilà pourquoi l’Église, en tout lieu, à cause de son amour pour Dieu, envoie sans cesse au-devant d’elle une multitude de martyrs vers le Père » (Contre les hérésies (A. H.), IV, 33, 8-9 ; trad. A. Rousseau, p. 519).

Expliquons le texte d’Irénée par Irénée lui-même, c’est-à-dire par son ouvrage intitulé Contre les hérésies : une connaissance vraie et non une connaissance au nom menteur (celle des sectes gnostiques) c’est, pour Irénée, cette sorte d’expérience de la présence, en nous, par la foi baptismale, de l’Esprit de vérité promis par le Christ pour nous enseigner toutes choses (Jn 14, 26) et nous conduire vers la vérité tout entière (Jn 16, 13).

Selon l’enseignement des apôtres, il y a un seul Dieu, Père tout-puissant, un seul Christ, Jésus, Fils de Dieu qui s’est incarné pour notre salut, et l’Esprit Saint qui, par les prophètes, a annoncé tout cela. (Voir A. H. I, 10, 1 ; trad., p. 65.)

L’organisme originel de l’Église, c’est son lien, son articulation avec le Père qui est la tête du Christ, le Verbe, qui est la tête de l’Église et l’Esprit qui est « l’eau vive octroyée par le Seigneur » (A. H. V, 18, 2 ; trad., p. 624).

La continuité apostolique de toutes les Églises grâce à la succession des évêques est la marque distinctive du Corps du Christ. Cette marque, qui est comme le signal de l’Église du Christ, prend sens et signification, devient signe d’authenticité par la prédication de l’Évangile et la vie selon l’Évangile (A. H. IV, 26, 5 ; trad., p. 495). C’est pourquoi il faut s’attacher à ceux qui gardent la succession depuis les apôtres et offrent une parole saine et une conduite irréprochable, comme c’est le cas de l’Église que Pierre et Paul fondèrent à Rome (A. H. III, 3, 2 ; trad., p. 279-280).

La conservation immuable des Écritures, c’est leur transmission intégrale et la proclamation de leur enseignement (A. H. I, 10, 2 ; trad., p. 66) par une lecture exempte de fraude et une interprétation légitime. Enfin le don par excellence, supérieur à tous les autres charismes, c’est l’amour pour Dieu, cause de l’irréfutable sainteté de l’Église : la multitude des martyrs.

Lorsque, vers 180 ap. J.-C., Irénée compose ce beau texte, quels sont les chrétiens que leur martyre a, si nous nous permettons cet anachronisme, canonisés ? Saint Étienne, Pierre et Paul et les autres victimes de Néron ; Polycarpe de Smyrne, Ignace d’Antioche, Justin et ses compagnons, les martyrs lyonnais, les martyrs scilitains. Le martyre d’Étienne est dans l’Écriture Sainte (Ac 7, 54-60) ; celui de Pierre et Paul est attesté par la lettre de l’Église de Dieu qui pérégrine à Rome, de l’Église de Dieu qui pérégrine à Corinthe. Pour ceux (et implicitement pour celles) que je viens de citer, nous avons des documents sûrs, authentiques, qui attestent l’historique vérité de leur mort pour le Christ. Le martyre de Polycarpe est attesté par une lettre de son Église, celle de Smyrne, à celle de Philomélium « et à toutes les communautés de la sainte Église catholique ». Pour Ignace, nous n’avons de récit de sa mort que légendaire, mais sept lettres de lui nous disent qu’il a été jugé et condamné à être livré aux bêtes. Pour Justin et ses disciples ou élèves ou étudiants, nous avons les Actes officiels mêmes de son procès et de sa condamnation. La lettre sur la persécution des chrétiens de Lyon, lettre des serviteurs du Christ qui sont à Vienne et à Lyon, nous raconte ces faits. Des martyrs de Scili, bourgade près de Carthage, par les Actes de leur procès (qui sont également l’acte de naissance du christianisme en Afrique), nous connaissons même les noms : Speratus, Nartzalus, Cittinus, Donata, Secunda, Vestia (trois hommes, trois femmes, quatre Romains, deux Berbères).

Ce sont des documents, certes, mais plus et mieux encore : ce sont des sources de vie et un pain nourrissant. Souvent, en les relisant, monte de mon cœur à ma mémoire l’étonnante parole de saint Jean de la Croix :

Cette source d’eau vive que je désire

Et ce pain de la vie, moi je la vois

Encore que de nuit.

Comme on ne peut pas tout dire, ni tout lire, nous procéderons selon la méthode bien connue de l’adjudant ; il demandait : « Pourquoi Pasteur et Berthelot sont-ils de grands savants du xixe siècle ? » et il fallait répondre : « C’est pour ne citer que les principaux ! » Nous allons considérer comme principaux : Étienne, Pierre et Paul, les Lyonnais.

Étienne

Le premier martyr, c’est-à-dire le premier qui restitua au Christ le sang que le Christ versa pour nous. On peut même dire le premier à prier le Christ, c’est-à-dire à le confesser comme Dieu. Étienne, en effet, adresse au Christ la prière du Christ au Père. La mort d’Étienne est comme la reprise de la mort de Jésus, une nouvelle version, un remake de la mort de Jésus. La mort de Jésus est un passage de Jésus à son Père. La mort d’Étienne est un passage d’Étienne à Jésus.

« Étienne prononçait cette invocation : « Seigneur Jésus, reçois mon esprit. » Puis il fléchit les genoux et lança un grand cri : « Seigneur, ne leur compte pas ce péché. » Et sur ces mots il mourut. » (Ac 7, 59-60.)

Telle est la première canonisation. Et le premier canonisé a, pour ainsi dire, signé son entrée au ciel : « Étienne, plein de grâce et de vérité » (Ac 6, 8). « Rempli d’Esprit Saint fixa le ciel : il vit la gloire de Dieu et Jésus debout à la droite de Dieu. « Voici, dit-il, que je contemple les cieux ouverts, et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu. » » (Ac 7, 55-56.)

Pierre et Paul, plus une immense foule d’élus

Témoigne d’eux la lettre écrite, en 95-96, par l’Église de Rome à celle de Corinthe : « Pierre qui […] a supporté tant de souffrances […] et qui après avoir rendu ainsi témoignage [littéralement  : avoir accompli son martyre] s’en est allé au séjour de gloire qui lui était dû […]. Paul […] après avoir enseigné la justice au monde entier et atteint les bornes de l’Occident rendit témoignage [litt. : accomplit son martyre] et s’en alla au séjour de sainteté. […] À ces hommes qui ont vécu dans la sainteté est venue se joindre une immense foule d’élus… » (Clément de Rome, Épître aux Corinthiens, Paris, Éd. du Cerf ; coll. « Sources chrétiennes » (SC), n° 167, p. 109).

Ignace

« Comme l’a dit quelqu’un des nôtres, condamné aux bêtes à cause du témoignage rendu par lui à Dieu : « Je suis le froment du Christ et je suis moulu par la dent des bêtes, pour être trouvé un pur pain de Dieu. » » (Rousseau, p. 654.)

Polycarpe

« Je te bénis pour m’avoir jugé digne de ce jour et de cette heure de prendre part, au nombre de tes martyrs, au calice de ton Christ pour la résurrection… » (Ignace d’Antioche, Lettres, SC 10, p. 263.)

Martyre de Jean-Baptiste : rendre témoignage à la vérité sans compromis

31 août, 2008

 du site:

http://www.zenit.org/article-18676?l=french

Martyre de Jean-Baptiste : rendre témoignage à la vérité sans compromis

Le témoignage du Précurseur, selon Benoît XVI

ROME, Vendredi 29 août 2008 (ZENIT.org) – En ce jour de la fête liturgique du martyre de saint Jean-Baptiste, rappelons que le pape Benoît XVI a évoqué son témoignage rendu à la vérité « sans compromis », notamment lors de l’angélus du 24 juin 2007.

Benoît XVI a mis en lumière cette mission de Jean-Baptiste au service de la vérité : « En tant que prophète authentique, Jean rendit témoignage à la vérité sans compromis. Il dénonça les transgressions des commandements de Dieu, même lorsque leurs auteurs en étaient les puissants. Ainsi, lorsqu’il accusa Hérode et Hérodiade d’adultère, il le paya de sa vie, scellant par le martyre son service au Christ qui est la Vérité en personne. Invoquons son intercession, ainsi que celle de la très sainte Vierge Marie, afin que de nos jours également, l’Eglise sache demeurer toujours fidèle au Christ et témoigner avec courage de sa vérité et de son amour pour tous ».

Benoît XVI soulignait que la vie de Jean-Baptiste a été « entièrement orientée vers le Christ, comme celle de Marie, sa mère ».

« Jean Baptiste, a souligné le pape, a été le précurseur, la voix’ envoyée pour annoncer le Verbe incarné. Par conséquent, commémorer sa naissance signifie en réalité célébrer le Christ, accomplissement de la promesse de tous les prophètes dont Jean Baptiste a été le plus grand, appelé à préparer le chemin’ devant le Messie (cf. Mt 11, 9-10) ».

Benoît XVI citait son livre « Jésus de Nazareth » qui « part également du baptême de Jésus dans le Jourdain, un événement qui eut un retentissement énorme à l’époque ».

Benoît XVI a souligné comment Jean-Baptiste a reçu la révélation de la divinité du Christ: « Les gens accouraient de Jérusalem et de toutes les régions de Judée pour écouter Jean Baptiste et se faire baptiser par lui dans le fleuve, après avoir confessé leurs péchés (cf. Mc 1, 5). La réputation du prophète qui baptisait grandit au point que de nombreuses personnes se demandaient si c’était lui le Messie. Mais l’évangéliste précise qu’il nia de manière catégorique : Je ne suis pas le Christ’ (Jn 1, 20). Il reste de toute façon le premier témoin’ de Jésus, ayant reçu une indication du Ciel à son sujet : Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est lui qui baptise dans l’Esprit Saint’ (Jn 1, 33). Ceci se produisit précisément lorsque Jésus, ayant reçu le baptême, sortit de l’eau : Jean vit l’Esprit descendre sur Lui comme une colombe. Ce fut alors qu’il connut’ la réalité tout entière de Jésus de Nazareth, et commença à le manifester à Israël’ (Jn 1, 31), en le désignant comme Fils de Dieu et rédempteur de l’homme : Voici l’agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde’ (Jn 1, 29) ».

Anita Sanchez Bourdin

10 Août – Saint Laurent de Rome

9 août, 2008

du site:

http://nominis.cef.fr/contenus/fetes/10/8/2008/10-Aout-2008.html

Saint Laurent de Rome
Diacre et martyr à Rome (+ 258)

La « passio » de St Laurent, rédigée au moins un siècle après sa mort, n’est pas crédible. Le récit prétend que Laurent, diacre du pape saint Sixte II, fut mis à mort trois jours après le martyre de ce dernier et qu’il fut brûlé à petit feu sur un gril, ce qu’on ne souhaite à personne. La plupart des auteurs modernes estiment qu’il fut décapité, comme Sixte. Quoiqu’on pense de la valeur des « acta », il n’en reste pas moins que Laurent a toujours été vénéré, en Orient comme en Occident, comme le plus célèbre des nombreux martyrs romains (voir la liste chronologique, autour des années 258-259…). Les écrits des saints Ambroise, Léon le Grand, Augustin et Prudence témoignent de ce culte.
Son nom est cité dans la première prière eucharistique. Il est représenté comme diacre, tenant un gril ou couché dessus.

Diacre de l’Eglise de Rome, auprès du pape saint Sixte II, il a pour fonction d’être le gardien des biens de l’Eglise. Lorsque l’empereur Valérien prend un édit de persécution interdisant le culte chrétien, même dans les cimetières, il est arrêté en même temps que le pape et les autres diacres. Ils sont immédiatement mis à mort, mais lui est épargné dans l’espoir qu’il va livrer les trésors de l’Eglise. Voyant le pape marcher à la mort, Laurent pleure. Est-il donc indigne de donner sa vie pour le Christ? Saint Sixte le rassure, il ne tardera pas à le suivre. Sommé de livrer les trésors, il rassemble les pauvres, les infirmes, les boiteux, les aveugles. « Voilà les trésors de l’Eglise. » Il est condamné à être brûlé vif sur le gril. Il a encore le sens de l’humour et un courage extraordinaire : « C’est bien grillé de ce côté, tu peux retourner, » dira-t-il au bourreau. Il fut l’un des martyrs les plus célèbres de la chrétienté. Au Moyen Age, avec saint Pierre et saint Paul, il était le patron de la Ville éternelle où 34 églises s’élevaient en son honneur. 84 communes françaises portent son nom.

23 février – Saint Polycarpe

22 février, 2008

23 février – Saint Polycarpe

http://nominis.cef.fr/contenus/saint/690/Saint-Polycarpe.html

Evêque et martyr.
Dans sa jeunesse, il connut l’apôtre saint Jean dont il est devenu le disciple. Evêque de Smyrne, il transmettra la tradition johannique au jeune
Irénée, le futur évêque de Lyon. Lorsqu’éclate la persécution commandée par Marc-Aurèle, l’empereur-philosophe, saint Polycarpe est très âgé. Il est plein de noblesse devant le proconsul : »Voilà bientôt quatre-vingt six ans que je sers le Christ, et il ne m’a fait aucun mal. Comment pourrais-je outrager mon roi et mon sauveur ? » Il est alors brûlé vif, « comme un pain dans le four » selon son expression.

http://www.abbaye-saint-benoit.ch/martyrs/martyrs0001.htm#_Toc90633630

MARTYRE DE SAINT POLYCARPE, EVEQUE DE SMYRNE

L’Église de Dieu établie à Smyrne, à l’Église de Dieu établie à Philomelicum et à toutes les parties de l’Église sainte et catholique répandue dans le monde entier : que la miséricorde, la paix et la charité de Dieu le Père et de Notre-Seigneur Jésus-Christ surabonde en vous.

Mes frères, nous vous écrivons au sujet de nos martyrs et du bienheureux Polycarpe, dont le martyre, comme le sceau d’un homme puissant, a mis fin à l’état de persécution. Presque tout ce qui l’a précédé est arrivé afin que Dieu eût occasion de nous témoigner combien ce martyre était en conformité avec l’Évangile. Car Polycarpe a attendu d’être trahi, comme l’a été le Seigneur lui-même, afin que nous soyons ses imitateurs u et que chacun regarde plutôt l’intérêt des autres que le sien propre ». C’est en effet le propre d’une charité véritable et profonde que de chercher à procurer non seulement son salut, mais encore celui de ses frères

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Tous les témoignages rendus furent heureux et courageux, ils sont arrivés selon qu’il a plu à Dieu. Il convient que dans notre grande ferveur nous attribuions à Dieu la force des événements. Qui donc n’admirerait pas leur vaillance, leur patience et leur amour pour Dieu ? Ils étaient tellement déchirés par les fouets que leurs veines, leurs artères, tout le dedans de leur corps était à nu. Ils furent si fermes, néanmoins, que les assistants s’attendrissaient et pleuraient tandis qu’eux-mêmes ne faisaient entendre ni un murmure ni une plainte, nous montrant à tous qu’à cet instant où on les torturait, les martyrs du Christ étaient ravis hors du corps, ou plutôt, que le Christ lui-même les assistait et causait avec eux. Impatients de la grâce du Christ, ils méprisaient les tourments, et en une heure ils se rachetaient de la mort éternelle. Le feu leur faisait l’effet d’une fraîcheur délicieuse. Leur pensée était occupée de ce feu éternel et inextinguible, auquel ils échappaient ainsi ; leur coeur considérait les biens que l’oreille n’a jamais entendus, que l’oeil n’a pas vus, que l’esprit de l’homme n’a pu concevoir, qui sont réservés à ceux qui auront souffert. Le Christ les leur faisait entrevoir, et cela suffisait à les enlever à l’humanité pour en faire des anges par avance. Enfin livrés aux bêtes, ils subirent d’effroyables tortures, furent traînés sur un sable composé de coquillages pointus, et plusieurs autres horreurs leur furent infligées comme pour arracher l’apostasie à leur lassitude. Le diable s’ingénia à raifiner contre eux. Grâce à Dieu, il n’en put vaincre aucun. Germanicus, vaillant entre tous, relevait par des paroles intrépides le courage des autres ; son combat contre les bêtes fut sublime. Le proconsul le conjurait d’avoir pitié de lui-même, de son jeune âge, mais lui, avide de sortir d’un monde pervers, marcha droit à la bête et la frappa. La foule entière, confondue par cette bravoure, hurla : « A mort les athées ! Qu’on cherche Polycarpe ! »

Un seul faiblit, c’était un Phrygien nommé Quintus,

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récemment sorti de sa province. A la vue des bêtes, il se mit à trembler. Et c’était justement celui qui avait poussé es autres à venir se dénoncer avec lui. Le proconsul vint à bout de lui faire prêter serinent et de sacrifier. C’est pourquoi, mes frères, nous ne louons pas ceux qui vont s’offrir d’eux-mêmes ; l’Évangile d’ailleurs n’enseigne rien de pareil. L’admirable Polycarpe ne s’émut point et même ne voulut pas quitter la ville, quoiqu’on fît auprès de lui de vives instances pour qu’il s’éloignât. Enfin il céda, et se retira avec quelques compagnons dans une petite maison de campagne, située non loin de la ville ; il y passa les jours et les nuits dans une prière continuelle, selon sa coutume, pour l’Église universelle. Tandis qu’il priait, il aperçut dans une vision son oreiller qui brûlait. Il vint à ses compagnons et leur dit : « Je serai brûlé vif. » Ceci se passait trois jours avant son arrestation.

Averti de l’approche de la police, il changea de retraite. Les gens de police, n’ayant rien trouvé, mirent la main sur deux jeunes esclaves; l’un deux, mis à la torture, trahit son maître. Il ne pouvait plus songer à se dérober, maintenant que c’était son propre entourage qui le livrait. L’irénarque Hérode voulait le faire conduire dans le stade, afin qu’il pût achever sa vie en véritable disciple du Christ. Quant aux traîtres, ils partageraient le sort de Judas.

Un des deux jeunes gens consentit à servir de guide à une escouade de gens d’armes à pied et à cheval que l’on aurait pu croire à la poursuite de quelque bandit. C’était un vendredi — 22 février — à l’heure du dîner. Vers le soir ils arrivèrent à sa nouvelle retraite. Polycarpe pouvait encore fuir ; il ne le voulut pas : « Que la volonté de Dieu soit faite », dit-il. Les gens le trouvèrent dans la chambre haute d’une maisonnette; il s’était couché. Averti de leur arrivée par le bruit qu’ils faisaient, il descendit et se mit à causer avec les soldats. Sa vieillesse et son sang-froid les frappèrent d’admiration, ils ne s’expliquaient pas qu’on se

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fût donné tant de mal pour prendre ce vieillard. Polycarpe leur fit servir à boire et à manger à volonté, et demanda seulement une heure pour prier librement. Ils y consentirent. Deux heures durant il pria, debout et à hante voix. Ses auditeurs étaient stupéfaits, plusieurs éprouvèrent des remords d’avoir marché contre un si saint vieillard.

Après qu’il eut terminé sa prière, dans laquelle il recommandait au Seigneur tous ceux qu’il avait connus dans sa longue vie, petits et grands, illustres et obscurs, et toute l’Eglise catholique répandue dans le monde, l’heure du départ arriva. On le mit sur un âne et l’on prit la route qui conduisait à Smyrne; c’était le jour du grand sabbat, samedi 23 février.

Chemin faisant, on rencontra l’irénarque Hérode et son père Nicetas, qui firent monter Polycarpe dans leur voiture. Ils le mirent au milieu d’eux et essayèrent de le gagner : « Quel mal y a-t-il à dire Kyrios Kaesar, à faire un sacrifice et le reste et à se sauver ainsi ? » D’abord Polycarpe ne répondit pas; puis sur leurs instances, il dit ces seules paroles : « Je ne ferai pas ce que vous me conseillez. » Ses deux compagnons, désappointés, lui dirent des paroles outrageantes et le poussèrent si- brutalement hors de la voiture qu’il tomba sur la route et s’écorcha la jambe. Il se releva, et, toujours leste et de bonne humeur, suivit à pied avec les soldats. On se dirigea vers le stade. Le peuple y était déjà rassemblé. C’était un vacarme infernal.

Au moment où Polycarpe fut introduit dans le stade, le tumulte était indescriptible, mais les chrétiens ne laissèrent pas d’entendre ces paroles qui semblaient venir du ciel : « Sois fort, sois viril, Polycarpe. » On mena l’évêque au proconsul, qui lui demanda s’il était Polycarpe. Sur sa réponse affirmative, le proconsul l’importunait pour lui faire renier sa foi : « Au nom du respect que tu dois à ton âge », lui disait-il et d’autres choses de ce genre qui sont

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ordinaires en pareille circonstance, « jure par le Génie de César, repens-toi ; crie : Plus d’athées. »

Polycarpe alors, promenant un regard sévère sur la foule qui couvrait les gradins, la montra de la main : « Oui, certes, dit-il, plus d’athées ! » Et il leva les yeux au ciel et poussa un profond soupir.

Statius Quadratus lui dit : « Jure et je te renvoie, insulte le Christ. »

Polycarpe répondit : « Il y a quatre-vingt-six ans que je le sers, et il ne m’a jamais fait de mal, comment pourrais-je insulter mon Roi et mon Sauveur ? »

Le proconsul revint à la charge et dit : « Jure par le Génie de César »

Polycarpe répondit : « Si tu te fais un point d’honneur de me faire jurer par le Génie de César, comme tu t’appelles ; et si tu feins d’oublier qui je suis, écoute : Je suis chrétien. Veux-tu savoir ce qu’est la religion chrétienne ? Accorde-moi un jour de répit et prête-moi attention. »

Le proconsul : « Persuade le peuple. »

Polycarpe : « Avec toi, cela vaut la peine de discuter. Nous avons pour maxime de rendre aux puissances et aux autorités établies par Dieu les honneurs qui leurs sont dus, pourvu que ces marques de respect n’aient rien de blessant pour notre conscience. Quant à ces gens-là, je ne daignerai jamais entrer en explication avec eux.

— J’ai des bêtes féroces, je vais te faire jeter à elles si tu ne te repens.

— Fais-les venir. Nous ne reculons pas, nous autres, pour aller du mieux au pire ; il m’est bon, au contraire, de passer des maux de cette vie à la suprême justice.

— Puisque tu méprises les bêtes, je te ferai brûler, si tu ne changés d’avis.

— Tu me menaces d’un feu qui brûle une heure, et s’éteint aussitôt ; ne sais-tu pas qu’il y a le feu du juste jugement et de la peine éternelle, qui est réservé aux

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impies ? Vraiment pourquoi tous ces retards ? Apporte ce que tu voudras ! »

Polycarpe dit ces choses et d’autres encore avec une fermeté et une joie débordantes ; la grâce divine illuminait son visage, à ce point que ce n’était pas lui que l’interrogatoire avait troublé, mais le proconsul. Celui-ci confondu envoya le héraut au milieu du stade crier par trois fois : «Polycarpe s’est avoué chrétien. »

Aussitôt la foule des païens et des Juifs très nombreux à Smyrne hurla : « Le voilà, le docteur de l’Asie, le père des chrétiens, le destructeur de nos dieux, celui qui enseigne à pas sacrifier, à ne pas adorer ! »

En même temps ils demandaient à Philippe de Tralles, asiarque en exercice, de lancer un lion sur Polycarpe. Philippe s’en défendit; les jeux d’animaux étaient terminées. « Au feu donc ! » cria-t-on de toutes parts. C’était la vision des jours précédents qui allait s’accomplir, lorsqu’après avoir vu le coussin sur lequel il reposait la tête entouré de flammes, il avait dit aux fidèles qui l’entouraient : « Je serai brûlé vif. »

Tout cela se passa en moins de temps qu’on n’en met à le dire, la foule se répandit dans les boutiques et les bains pour y chercher du bois et des fagots ; les Juifs montraient à cette besogne, selon leur habitude, un zèle tout particulier. Quand le bûcher fut prêt, Polycarpe se dépouilla de tous ses vêtements, ôta sa ceinture, essaya aussi de se déchausser. Il ne le fit pas sans quelque difficulté.; car, en temps ordinaire, les fidèles qui l’entouraient avaient coutume de s’empresser pour lui éviter cette peine, tant ils étaient jaloux du privilège de toucher son corps vénérable. Même avant le martyre on l’honorait déjà à cause de sa sainteté. On le plaça au milieu de l’appareil qui servait à fixer le patient et on allait l’y clouer, mais il dit : « Laissez-moi. Celui qui me donne la force de supporter le feu m’accordera aussi la force de rester immobile sur le

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bûcher, sans qu’il soit besoin pour cela de vos clous. »

On ne le cloua donc pas, mais on le lia. Debout contre un poteau, les mains attachées derrière le dos, il semblait un bélier de choix pris dans le troupeau et destiné à l’oblation. Il leva les yeux au ciel et dit :

« Seigneur Dieu tout-puissant, Père de Jésus-Christ, fils aimé et béni, par lequel nous avons appris à te connaître, Dieu des anges, des puissances, de toute créature, et de toute la race des justes qui vivent sous ton regard; je te bénis, parce qu’en ce jour, à cette heure même, tu as daigné m’admettre, avec tes martyrs, à boire le calice de ton Christ, afin que je ressuscite à la vie éternelle de l’âme et du corps, incorruptible par le Saint-Esprit. Daigne me recevoir aujourd’hui parmi eux en ta présence, comme un sacrifice abondant et agréable ; puisque le sort que tu me réservais et que tu m’as montré dans une vision s’accomplit en ce moment, ô Dieu, qui dis la vérité, et ne connais pas le mensonge. C’est pourquoi je te loue, je te bénis, je te rends gloire pour tous les bienfaits par le Pontife éternel et céleste, par Jésus-Christ, ton Fils tant aimé, par lequel à Toi avec Lui et l’Esprit-Saint, gloire maintenant et dans les siècles futurs. Amen. »

Après qu’il eut dit Amen et qu’il eut achevé sa prière, les valets du bourreau mirent le feu au bois. Dès que la flamme commença à briller, nous fûmes témoins d’un miracle; et nous avons été épargnés afin que nous puissions en faire aux autres le récit. La flamme sembla s’arrondir en voûte au-dessus du corps du martyr et présenter l’aspect d’une voile de navire gonflée par le vent. Le vieillard, placé au centre de cette chapelle ardente, nous apparaissait non comme une chair qui brûle, mais comme un pain doré dans le four ou comme un lingot d’or ou d’argent dans la fournaise. Nous sentions pendant ce temps une odeur délicieuse comme celle de l’encens ou des plus précieux parfums.

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Cependant les impies voyaient que les flammes ne consumaient point le condamné ; on donna ordre au confector d’aller lui donner un coup de couteau. Le sang jaillit avec tant d’abondance que le brasier en fut éteint. Et le peuple voyait avec étonnement la différence qu’il y a entre les infidèles et les élus. Parmi ces derniers nous comptons l’incomparable martyr Polycarpe, qui fut parmi nous notre docteur tout rempli de l’esprit des apôtres et des prophètes, évêque de l’Église catholique de Smyrne. Toute parole sortie de sa bouche a été ou sera accomplie.

Cependant l’ennemi, haineux et méchant, l’adversaire de la race des justes voyait ce glorieux martyre, il savait la pureté irréprochable du saint dès son enfance, et ne pouvait douter qu’il eût reçu la couronne immortelle et la récompense promise; aussi s’efforça-t-il de nous priver de ses reliques, quoique un grand nombre voulussent les recueillir et souhaitassent de posséder ses précieux restes. Le démon suggéra donc à Nicétas, père d’Hérode et frère d’Alcé, d’aller trouver le proconsul afin qu’on refusât aux chrétiens l’autorisation d’enlever le corps du martyr, de crainte, ajoutait-il, qu’ils n’abandonnassent pour lui le Crucifié. Tout ceci se passait à l’instigation des Juifs, qui, montant la garde auprès du bûcher, avaient aperçu les chrétiens qui s’empressaient de retirer ce qui pouvait l’être de ce saint corps. Ces malheureux ignoraient que nous ne pouvons délaisser le Christ, qui, pour le salut de tous ceux qui seront sauvés, a souffert malgré son innocence à la place des coupables, et que nous ne pouvons adorer que lui. Nous l’adorons comme Fils de Dieu; pour les martyrs, nous les honorons comme disciples et imitateurs du Christ, et à cause de leur incomparable tendresse pour le Roi et Maître.

Daigne le Seigneur nous faire les compagnons de leur sort et de leur fidélité !

Le centurion, voyant la turbulence des Juifs, fit replacer

Le martyre de saint Polycarpe

75

le corps sur le bûcher et, comme c’était l’usage, fit brûler le cadavre. Nous vînmes recueillir les os, plus précieux pour nous que les pierres précieuses et l’or le plus pur, et ils furent déposés dans un lieu convenable. C’est là que nous nous réunirons dès que nous le pourrons, dans l’allégresse et la joie, et Dieu nous fera la grâce de célébrer le jour anniversaire de son martyre, pour honorer, d’une part, la mémoire de ceux qui ont déjà combattu, et de l’autre, former et préparer les générations suivantes à faire de même.

Voici tout ce que nous savons touchant Polycarpe, qui souffrit le martyre à Smyrne avec onze compagnons originaires de Philadelphie. Toutefois sa mémoire est l’objet de plus de vénération que celle des autres martyrs, à ce point qu’il n’est pas de lieu où les païens eux-mêmes ne s’entretiennent de ce docteur incomparable, de ce martyr fameux dont nous souhaitons tous d’imiter la confession tout imprégnée de l’esprit de l’Évangile. Après avoir affronté un juge inique, il fut vainqueur et reçut la couronne d’immortalité ; réuni aux apôtres et à tous les justes, il glorifie Dieu le Père tout-puissant, rend grâces à Jésus-Christ, au Sauveur de nos âmes, au Maître de notre corps et au Pasteur de l’Église catholique répandue dans le monde entier.

Vous nous aviez demandé le récit détaillé des événements, nous vous envoyons un tableau abrégé de la situation de notre frère Marcion. Après que vous aurez lu la lettre, faites-la parvenir aux frères les plus éloignés, afin qu’eux aussi rendent gloire à Dieu de ce qu’il a fait un choix parmi ses serviteurs.

A Celui qui peut nous conduire tous par sa grâce et sa miséricorde dans son éternel royaume par son Fils unique Jésus-Christ, à Lui, gloire, honneur, puissance, majesté dans les siècles. Saluez tous les saints en notre none.

Ceux qui sont avec nous et le scribe lui-même, Evariste, avec toute sa famille vous saluent.

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Polycarpe souffrit le martyre le second jour du mois de Xanthice, sept jours avant les calendes de mars, le jour du grand sabbat, à la huitième heure. Il fut fait prisonnier par Hérode, sous le pontificat do Philippe de Tralles. Statius Quadratus était proconsul de la province d’Asie et Notre-Seigneur Jésus-Christ régnait dans tous les siècles, à

qui soit gloire, honneur, majesté, royauté éternelle pendant toutes les générations. Amen !

Nous vous en prions, mes frères, allez, marchez dans la parole évangélique de Jésus-Christ, avec qui gloire soit au

Père et au Saint-Esprit à cause du salut des saints qu’il a appelés, comme il a accordé le martyre au bienheureux Polycarpe. Puissions-nous à sa suite parvenir dans le royaume de Jésus-Christ!

Caius a écrit tout ceci d’après la copie qui appartenait à Irénée, disciple de Polycarpe, avec qui il vécut longtemps

Moi Socrate, Corinthien, j’ai transcrit sur la copie de Caius. La grâce pour tous.

Et moi Pione, j’ai écrit tout ceci d’après l’exemplaire qui vient d’être ainsi signalé. Je l’avais cherché, mais le bienheureux Polycarpe m’en fit révélation comme je le dirai ailleurs. J’ai recueilli ces faits dont le temps avait presque amené la disparition, afin que Notre-Seigneur Jésus-Christ me réunisse moi aussi avec ses élus dans son royaume céleste. A lui, avec le Père et le Saint-Esprit, gloire dans les siècles des siècles. Amen.

oggi: I martiri canadesi

19 octobre, 2007

oggi: I martiri canadesi dans martyrs

http://santiebeati.it/immagini/?mode=album&album=29700&dispsize=Original

LE MARTYRE DE POLYCARPE 1

30 juillet, 2007

du site:

http://catho.org/

LE MARTYRE DE POLYCARPE 1

L’Église de Dieu qui séjourne à Smyrne à l’Église te Dieu qui séjourne à Philomelium et à toutes les communautés de la sainte Église catholique qui séjournent en tout lieu: que la miséricorde, la paix et l’amour de Dieu le Père et de notre Seigneur Jésus-Christ vous soient données en plénitude (cf. Jud 1,2).

1 1 Nous vous écrivons, frères, au sujet des martyrs et du bienheureux Polycarpe, qui, par son martyre, a pour ainsi dire mis le sceau à la persécution en la faisant cesser. Presque tous les événements antérieurs sont arrivés pour que le Seigneur nous montre encore une fois un martyre conforme à l’Évangile. 2 Comme le Seigneur, en effet, Polycarpe a attendu d’être livré, pour que nous aussi nous soyons ses imitateurs, sans regarder seulement à notre intérêt, mais aussi à celui du prochain (cf. Ph 2,4). Car c’est le fait d’une charité vraie et solide que de ne pas chercher seulement à se sauver soi-même, mais aussi à sauver tous les frères.

2 1 Bienheureux donc et généreux tous ces martyres qui sont arrivés selon la volonté te Dieu. Car il nous faut être assez pieux pour attribuer à Dieu la puissance sur toutes choses. 2 Qui n’admirerait la générosité te ces héros, leur patience, leur amour pour le Maître? Déchirés par les fouets, au point qu’on pouvait voir la constitution de leur chair jusqu’aux veines et aux artères intérieures, ils demeuraient fermes si bien que les spectateurs eux-mêmes en gémissaient de compassion. Ils en vinrent à un tel degré de courage que pas un d’entre eux ne dit un mot ni ne poussa un soupir. Ils nous montrèrent à tous que dans leurs tortures les généreux martyrs du Christ n’étaient plus dans leur corps, ou plutôt que le Seigneur était là qui s’entretenait avec eux. 3 Attentif à la grâce du Christ, ils méprisaient les tortures de ce monde, et en une heure ils achetaient la vie éternelle. Le feu même des bourreaux inhumains était froid pour eux, car ils avaient devant les yeux la pensée d’échapper au feu éternel qui ne s’éteint pas, et des yeux te leur coeur ils regardaient les biens réservés à la patience, biens que l’oreille n’a pas entendus, que l’oeil n’a pas vus, auxquels le coeur de l’homme n’a pas songé (1Co 2,9; cf. Is 64,3), mais que le Seigneur leur a montrés, à eux qui n’étaient plus des hommes, mais déjà des anges. 4 De même ceux qui avaient été condamnés aux bêtes enduraient te terribles supplices; on les étendit sur des coquillages piquants, et on leur fit subir toutes sortes de tourments variés pour les amener à renier, si possible, par ce supplice prolongé.

3 1 Le diable machinait contre eux toutes sortes de supplices, mais grâce à Dieu, il ne put l’emporter contre aucun d’entre eux. Le généreux Germanicus fortifiait leur timidité par sa constance; il fut admirable dans la lutte contre les bêtes; le proconsul voulait le fléchir et lui disait d’avoir pitié de sa jeunesse; mais il attira sur lui la bête en lui faisant violence, voulant être plus vite délivré de cette vie injuste et inique. 2 Alors toute la foule, étonnée devant le courage de la sainte et pieuse race des chrétiens, s’écria:  » A bas les athées; faites venir Polycarpe.  »

4 Mais l’un d’entre eux, nommé Quintus, un Phrygien récemment arrivé de Phrygie, fut pris de peur à la vue des bêtes. C’est lui qui avait entraîné quelques frères à se présenter spontanément avec lui devant le juge. Le proconsul, par ses prières instantes, réussit à le persuader de jurer et de sacrifier. C’est pourquoi, frères, nous ne louons pas ceux qui se présentent d’eux-mêmes, puisque ce n’est pas l’enseignement de l’Évangile.

5 1 Quant à l’admirable Polycarpe, tout d’abord il ne se troubla pas à ces nouvelles, mais il voulait rester en ville; mais la plupart cherchaient à le persuader de s’éloigner secrètement. Il se retira donc dans une petite propriété située non loin de la ville, avec un petit nombre < de compagnons>; nuit et jour il ne faisait que prier pour tous les hommes et pour les Églises du monte entier, comme c’était son habitude. 2 Et étant en prière, il eut une vision, trois jours avant d’être arrêté: il vit son oreiller entièrement brûlé par le feu; et se tournant vers ses compagnons il leur dit:  » Je dois être brûlé vif.  »

6 1 Comme on continuait à le chercher, il passa dans une autre propriété, et aussitôt arrivèrent ceux qui le cherchaient. Ne le trouvant pas, ils arrêtèrent deux petits esclaves, et l’un d’eux, mis à la torture, avoua. 2 Il lui était donc impossible d’échapper, puisque ceux qui le livraient étaient dans sa maison; et l’irénarque, qui avait reçu le même nom qu’Hérode, était pressé de le conduire au stade; ainsi lui, il accomplirait sa destinée, en entrant en communion avec le Christ, tandis que ceux qui l’avaient livré recevraient le châtiment de Judas lui-même.

7 1 Prenant avec eux l’esclave,–c’était un vendredi vers l’heure tu souper–, les policiers et les cavaliers, armés comme à l’ordinaire, partirent comme pour courir  » après un bandit  » (cf. Mt 26,55). Et tard, dans la soirée, survenant tous ensemble, ils le trouvèrent couché dans une petite chambre à l’étage supérieur. Il pouvait encore s’en aller dans une autre propriété, mais il ne le voulut pas et dit:  » Que la volonté de Dieu soit faite.  » 2 Apprenant donc que les agents étaient là, il descendit et causa avec eux; ils s’étonnaient de son âge et de son calme, et de toute la peine qu’on prenait pour arrêter un homme aussi âgé. Aussitôt, à l’heure qu’il était, il leur fit servir à manger et à boire autant qu’ils voulaient; il leur demanda < seulement > de lui donner une heure pour prier à son gré. 3 Ils le lui accordèrent, et debout, il se mit à prier, rempli de la grâce de Dieu au point que deux heures durant il ne put s’arrêter de parler, et que ceux qui l’entendaient en étaient étonnés et que beaucoup se repentirent d’être venus arrêter un si saint vieillard.

8 1 Quant enfin, il cessa sa prière, dans laquelle il avait rappelé tous ceux qu’il avait jamais rencontrés, petits et grands, illustres ou obscurs, et toute l’Église catholique répandue par toute la terre, l’heure étant venue de partir, on le fit monter sur un âne, et on l’emmena vers la ville; c’était jour de grand sabbat. 2 L’irénarque Hérode et son père Nicétès vinrent au-devant de lui, et le firent monter dans leur voiture; assis à côté de lui, ils essayaient de le persuader en disant:  » Quel mal y a-t-il à dire: César est Seigneur, à sacrifier, et tout le reste, pour sauver sa vie?  » Lui, d’abord, ne répondit pas, et, comme ils insistaient, il dit:  » Je ne ferai pas ce que vous me conseillez.  » 3 Alors, ne réussissant pas à le persuader, ils lui dirent toutes sortes d’injures, et il le firent descendre de la voiture si précipitamment qu’il se déchira le devant de la jambe. Sans se retourner, et comme si rien ne lui était arrivé, il marchait allègrement; il allait vers le stade, et il y avait un tel tumulte dans le stade que personne ne pouvait s’y faire entendre.

9 1 Quand Polycarpe entra dans le stade, une voix du ciel se fit entendre:  » Courage, Polycarpe, et sois un homme.  » Personne ne vit celui qui parlait, mais la voix, ceux des nôtres qui étaient là l’entendirent.
Enfin, on le fit entrer, et le tumulte fut grand quant le public apprit que Polycarpe était arrêté. 2 Le proconsul se le fit amener et lui demanda si c’était lui Polycarpe. Il répondit que oui, et le proconsul cherchait à le faire renier en lui disant:  » Respecte ton grand âge  » et tout le reste qu’on a coutume de dire en pareil cas;  » Jure par la fortune de César, change d’avis, dis: A bas les athées.  » Mais Polycarpe regarda d’un oeil sévère toute cette foule de païens impies dans le stade, et fit un geste de la main contre elle, puis soupirant et levant les yeux, il dit:  » A bas les athées.  » 3 Le proconsul insistait et disait:  » Jure, et je te laisse aller, maudis le Christ « ; Polycarpe répondit:  » Il y a quatre-vingt six ans que je le sers, et il ne m’a fait aucun mal; comment pourrais-je blasphémer mon roi qui m’a sauvé?  »

10 1 Et comme il insistait encore et disait:  » Jure par la fortune de César « , Polycarpe répondit:  » Si tu t’imagines que je vais jurer par la fortune de César, comme tu dis, et si tu fais semblant de ne pas savoir qui je suis, écoute franchement: Je suis chrétien. Et si tu veux apprendre de moi la doctrine du christianismel8, donne-moi un jour, et écoute-moi.  » 2 Le proconsul répondit:  » Persuade cela au peuple.  » Polycarpe reprit:  » Avec toi, je veux bien discuter; nous avons appris en effet à donner aux autorités et aux puissances établies par Dieu le respect convenable, si cela ne nous fait pas tort. Mais ceux-là, je ne les estime pas si dignes que je me défende devant eux.  »

11 1 Le proconsul dit:  » J’ai des bêtes, et je te livrerai à elles si tu ne changes pas d’avis.  » Il dit:  » Appelle-les, il est impossible pour nous de changer d’avis pour passer du mieux au pire, mais il est bon de changer pour passer du mal à la justice.  » 2 Le proconsul lui répondit: Je te ferai brûler par le feu puisque tu méprises les bêtes, si tu ne changes pas d’avis.  » Polycarpe lui dit:  » Tu me menaces d’un feu qui brûle un moment et peu de temps après s’éteint; car tu ignores le feu du jugement à venir et du supplice éternel réservé aux impies. Mais pourquoi tarder? Va, fais ce que tu veux.  »

12 1 Voilà ce qu’il disait et beaucoup d’autres choses encore; il était tout plein de force et de joie et son visage se remplissait de grâce. Non seulement il n’avait pas été abattu ni troublé par tout ce qu’on lui disait, mais c’était au contraire le proconsul qui était stupéfait; il envoya son héraut au milieu du stade proclamer trois fois:  » Polycarpe s’est déclaré chrétien.  » 2 A ces paroles du héraut, toute la foule des païens et des Juifs, établis à Smyrne, avec un déchaînement de colère, se mit à pousser de grands cris:  » Voilà le docteur de l’Asie, le père des chrétiens, le destructeur de nos dieux; c’est lui qui enseigne tant de gens à ne pas sacrifier et à ne pas adorer.  » En disant cela, ils poussaient des cris et demandaient à l’asiarque Philippe de lâcher un lion sur Polycarpe. Celui-ci répondit qu’il n’en avait pas le droit, puisque les combats de bêtes étaient terminés. 3 Alors il leur vint à l’esprit de crier tous ensemble:  » Que Polycarpe soit brûlé vif !  » Il fallait que s’accomplît la vision qui lui avait été montrée: pendant sa prière, voyant son oreiller en feu, il avait dit d’un ton prophétique aux fidèles qui étaient avec lui:  » Je dois être brûlé vif  » (5, 2 ).

13 1 Alors les choses allèrent très vite, en moins de temps qu’il n’en fallait pour les dire: sur-le-champ la foule alla ramasser dans les ateliers et dans les bains du bois et des fagots,–les Juifs surtout y mettaient de l’ardeur, selon leur habitude. 2 Quand le bûcher fut prêt, il déposa lui-même tous ses vêtements et détacha sa ceinture, puis il voulut se déchausser lui-même: il ne le faisait pas auparavant, parce que toujours les fidèles s’empressaient à qui le premier toucherait son corps: même avant son martyre, il était toujours entouré de respect à cause de la sainteté de sa vie. 3 Aussitôt donc, on plaça autour de lui les matériaux préparés pour le bûcher; comme on allait l’y clouer, il dit:  » Laissez-moi ainsi: celui qui me donne la force de supporter le feu, me donnera aussi, même sans la protection de vos clous, de rester immobile sur le bûcher.  »

14 1 On ne le cloua donc pas, mais on l’attacha. Les mains derrière le dos et attaché, il paraissait comme un bélier de choix pris d’un grand troupeau pour le sacrifice, un holocauste agréable préparé pour Dieu.
Levant les yeux au ciel, il dit:  » Seigneur, Dieu tout-puissant, Père de ton enfant bien-aimé, Jésus-Christ, par qui nous avons reçu la connaissance de ton nom, Dieu des anges, des puissances, de toute la création, et de toute la race des justes qui vivent en ta présence, 2 je te bénis pour m’avoir jugé digne de ce jour et de cette heure, de prendre part au nombre de tes martyrs, au calice de ton Christ, pour la résurrection de la vie éternelle de l’âme et du corps, dans l’incorruptibilité de l’Esprit- Saint. Avec eux, puissé-je être admis aujourd’hui en ta présence comme un sacrifice gras et agréable, comme tu l’avais préparé et manifesté d’avance, comme tu l’as réalisé, Dieu sans mensonge et véritable. 3 Et c’est pourquoi pour toutes choses je te loue, je te bénis, je te glorifie, par le grand prêtre éternel et céleste Jésus- Christ, ton enfant bien-aimé, par qui soit la gloire à toi avec lui et l’Esprit-Saint maintenant et dans les siècles à venir.

15 1 Quand il eut fait monter cet Amen et achevé sa prière, les hommes du feu allumèrent le feu. Une grande flamme brilla, et nous vîmes une merveille, nous à qui il fut donné de le voir, et qui avions été gardés pour annoncer aux autres ces événements. 2 Le feu présenta la forme d’une voûte, comme la voile d’un vaisseau gonflée par le vent, qui entourait comme d’un rempart le corps du martyr; il était au milieu, non comme une chair qui brûle, mais comme un pain qui cuit, ou comme de l’or ou de l’argent brillant dans la fournaise. Et nous sentions un parfum pareil à une bouffée d’encens ou à quelque autre précieux aromate.

16 1 A la fin, voyant que le feu ne pouvait consumer son corps, les impies ordonnèrent au confector d’aller le percer de son poignard. Quand il le fit, jaillit une quantité de sang qui éteignit le feu, et toute la foule s’étonna de voir une telle différence entre les incroyants et les élus. 2 Parmi ceux-ci fut l’admirable martyr de Polycarpe qui fut, en nos jours, un maître apostolique et prophétique, l’évêque de l’Église catholique de Smyrne; toute parole qui est sortie de sa bouche s’est accomplie ou s’accomplira.

17 1 Mais l’envieux, le jaloux, le mauvais, l’adversaire de la race des justes, voyant la grandeur de son témoignage et sa vie irréprochable dès le début, le voyant couronné de la couronne d’immortalité, et emportant une récompense incontestée, essaya de nous empêcher d’enlever son corps, bien que beaucoup d’entre nous voulussent le faire pour posséder sa sainte chair. 2 Il suggéra donc à Nicétès, le père d’Hérode, le frère d’Akè, d’aller trouver le magistrat pour qu’il ne nous livre pas le corps:  » Pour qu’ils n’aillent pas, dit-il, abandonner le crucifié et se mettre à rendre un culte à celui-ci.  » Il disait cela à la suggestion insistante des Juifs, qui nous avaient surveillés quand nous voulions retirer le corps du feu. Ils ignoraient que nous ne pourrons jamais ni abandonner le Christ qui a souffert pour le salut de tous ceux qui sont sauvés dans le monde, lui l’innocent pour les pécheurs,–ni rendre un culte à un autre. 3 Car lui, nous l’adorons, parce qu’il est le fils de Dieu; quant aux martyrs, nous les aimons comme disciples et imitateurs du Seigneur, et c’est juste, à cause de leur dévotion incomparable envers leur roi et maître; puissions-nous, nous aussi, être leurs compagnons et leurs condisciples.

18 1 Le centurion, voyant la querelle suscitée par les Juifs, exposa le corps au milieu et le fit brûler comme c’était l’usage. 2 Ainsi, nous pûmes plus tard recueillir ses ossements plus précieux que des pierres de grand prix et plus précieux que l’or, pour les déposer en un lieu convenable. 3 C’est là, autant que possible que le Seigneur nous donnera de nous réunir dans l’allégresse et la joie, pour célébrer l’anniversaire de son martyre, de sa naissance, en mémoire de ceux qui ont combattu avant nous, et pour exercer et préparer ceux qui doivent combattre à l’avenir.

19 1 Telle fut l’histoire du bienheureux Polycarpe, qui fut, avec les frères de Philadelphie, le douzième à souffrir le martyre à Smyrne; mais de lui seul on garde le souvenir plus que des autres, au point que partout les païens eux-mêmes parlent de lui. Il fut non seulement un docteur célèbre, mais aussi un martyr éminent, dont tous désirent imiter le martyre conforme à l’Évangile du Christ. 2 Par sa patience, il a triomphé du magistrat inique, et ainsi il a remporté la couronne de l’immortalité; avec les Apôtres et tous les justes, dans l’allégresse, il glorifie Dieu, le Père tout-puissant, et bénit notre Seigneur Jésus-Christ, le sauveur de nos âmes et le pilote de nos corps, le berger de l’Église universelle par toute la terre.

20 1 Vous aviez désiré être informés avec plus de détail sur ces événements; pour l’instant, nous vous en avons donné un récit sommaire par notre frère Marcion. Quand vous aurez pris connaissance de cette lettre, transmettez-la aux frères qui sont plus loin pour qu’eux aussi glorifient le Seigneur qui fait son choix parmi ses serviteurs.
2 A celui qui, par sa grâce et par son don, peut nous introduire tous dans son royaume éternel par son fils unique Jésus-Christ, à lui la gloire, l’honneur, la puissance, la grandeur dans les siècles (cf.
1Tm 6,16; etc.).
Saluez tous les saints (cf.
Rm 16,15 He 13,24; etc.)
Ceux qui sont avec nous vous saluent, et aussi Erariste qui a écrit cette lettre, avec toute sa famille.

21 Le bienheureux Polycarpe a rendu témoignage au début du mois de Xanthique, le deuxième jour, le septième jour avant les calendes de mars, un jour de grand sabbat, à la huitième heure. Il avait été arrêté par Hérode, sous le pontificat de Philippe de Tralles, et le proconsulat de Statius Quadratus, mais sous le règne éternel de notre Seigneur Jésus-Christ; à lui soit la gloire, l’honneur, la grandeur, le trône éternel de génération en génération. Amen.

Appendice

1 Nous vous souhaitons bonne santé, frères, marchez selon l’Évangile, dans la parole de Jésus-Christ; avec lui, gloire à Dieu le Père et au Saint-Esprit, pour le salut des saints élus. C’est ainsi que témoigna le bienheureux Polycarpe; puissions- nous marcher sur ses traces, et être trouvés avec lui dans le royaume de Dieu.
2 Gaïus a transcrit cette lettre sur le manuscrit d’Irénée, disciple de Polycarpe; Gaïus a vécu avec Irénée. Et moi, Socrate, je l’ai copiée d’après la copie de Gaïus. La grâce soit avec tous.
3 Et moi, à mon tour, Pionius, je l’ai copiée sur l’exemplaire ci-dessus; je l’ai recherché, après que le bienheureux Polycarpe me l’eût montré dans une révélation, comme je le raconterai par la suite. J’ai rassemblé les fragments presque détruits par le temps; que le Seigneur Jésus-Christ me rassemble aussi avec ses élus dans le royaume du ciel; à lui la gloire avec le Père et le Saint-Esprit dans les siècles des siècles. Amen.

23

Appendice du manuscrit de Moscou.

1 Gaïus a copié ceci dans les écrits d’Irénée; il avait vécu avec Irénée, qui fut disciple de saint Polycarpe. 2 Cet Irénée, qui était à Rome à l’époque du martyre de l’évêque Polycarpe, instruisit beaucoup de personnes. On a de lui beaucoup d’écrits très beaux et très orthodoxes; il y fait mention de Polycarpe, disant qu’il avait été son disciple; il réfuta vigoureusement toutes les hérésies et nous transmet la règle ecclésiastique et catholique, telle qu’il l’avait reçue du saint. 3 Il dit aussi ceci: Marcion, d’où viennent ceux qu’on appelle les marcionites, ayant un jour rencontré saint Polycarpe, lui dit:  » Reconnais-nous, Polycarpe.  » Mais lui dit à Marcion:  » Je reconnais, je reconnais le premier-né de Satan.  » 4 On lit aussi ceci dans les écrits d’Irénée: Au jour et à l’heure où Polycarpe souffrit le martyre à Smyrne, Irénée se trouvant à Rome entendit une voix pareille à une trompette qui disait: Polycarpe a été martyrisé.
5 Comme on l’a dit, c’est donc dans les écrits d’Irénée que Gaïus a copié ceci, et Isocrate à Corinthe l’a transcrit sur la copie de Gaïus. Et moi, Pionius, à mon tour je l’ai copié sur l’exemplaire d’Isocrate, que j’avais recherché d’après une révélation de saint Polycarpe. J’en ai rassemblé les fragments presque détruits par le temps. Que le Seigneur Jésus-Christ me rassemble aussi avec ses élus dans la gloire du ciel; à lui la gloire avec le Père et le Saint-Esprit dans les siècles des siècles. Amen.