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LA FORCE D’AIMER, DE MARTIN LUTHER KING

6 avril, 2016

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LA FORCE D’AIMER, DE MARTIN LUTHER KING

décembre 2012

       Martin Luther KING Jr (1929-1968), pasteur baptiste afro-américain, militant non-violent pour les droits civiques des Noirs aux Etats-Unis, rédige maints sermons tout au long de son combat. Parmi ses ouvrages, La force d’aimer, publié en 1963 (Strenght to Love), se situe vers le début de son activité politique, après Stride toward freedom : the montgoemry story (1958) et The Measure of a Man (1959), avant Wy We Can’t Wait de 1964 (traduit en 1969 en français sous le titre Révolution non-violente). Il se compose de seize sermons prononcés durant ou après le boycottage des autobus à Montgomery en Alabama. Trois sermons : « L’amour en acte », « Aimer vos ennemis » et Rêves détruits » sont écrits dans les prisons de Géorgie. « Pèlerinage vers la non-violence » chapitre qui clôt de livre, est une refonte et une mise à jour d’un sujet traité dans The christian Century et dans Stride Toward Freedom. Tous ces sermons, qui pour l’auteur s’adressent surtout à l’oreille de l’auditeur, sont rassemblés dans ce livre à la demande de l’éditeur et peuvent être lus séparément.

     Ces sermons remontent aux sources de l’inspiration du combat du pasteur pour l’égalité des droits dans son pays et dans le monde, mais aussi de son combat contre la course aux armements, la guerre du VietNam et la pauvreté.       Ces dix-sept chapitres, qui suivent une courte préface, très inspirés par la lecture de l’Evangile, constituent autant d’exhortations à l’action contre toute résignation envers les injustices : – Un esprit ferme et un coeur tendre ; – Non-conformiste transformé ; – Etre un bon prochain ; – L’amour en acte ; – Aimer vos ennemis ; – Minuit…quelqu’un frappe à la porte ; – L’homme insensé ; – La mort du mal sur le rivage de la mer ; – Trois dimensions d’une vie achevée ; – Rêves détruits ; – Qu’est-ce que l’homme? – Comment un chrétien voit le communisme ; – Ce que peut notre Dieu ; – Antidotes de la peur ; – Réponse à une question embarrassante ; – Lettre de Paul aux chrétiens d’Amérique ; – Pélerinage à la non-violence, postface.

    Le premier sermon reproduit dans La force d’aimer commence ainsi : « Un philosophe français (lequel?, l’auteur ne le dit pas et nous ne le retrouvons pas…) déclare : nul homme n’est fort s’il ne porte dans son caractère des antithèses fortement marquées. » Largement autoprésentation de sa pensée, cette « citation » indique que les tensions et opposition se trouvent non seulement autour de lui, mais aussi en lui. Dans la suite du texte il décrit trois voies par rapport à l’injustice, qu’elle frappe son entourage ou lui-même, la passivité, (préférer l’oppression au combat), la violence (qui ne donne que des victoires passagères)  et la résistance non-violente. S’inspirant des Ecritures (surtout l’Evangile selon St Mathieu), il présente cette troisième voie comme celle qui ouvre à l’espérance. « Lorsque les jours deviennent ténébreux, écrit-il, et les nuits lugubres, nous pouvons être heureux que notre Dieu combine en sa matière une synthèse créatrice d’amour et de justice, qui nous conduira par les vallées sombres de la vie jusqu’aux sentiers lumineux de l’espérance et de l’accomplissement.     En dépit de la tendance prédominante au conformisme, les chrétiens ont pour mission d’être non conformistes. Malgré l’appel des Evangiles à vivre différemment, « nous avons cultivé un esprit de masse et nous avons évolué de cet extrême qu’est l’individualisme farouche vers cet extrême plus grand encore qu’est le collectivisme farouche ». Il se réfère à Thomas JEFFERSON lorsque celui-ci écrit : « J’ai juré sur l’autel de Dieu hostilité éternelle à toute forme de tyrannie sur l’esprit de l’homme ». Contre les conformistes et les modeleurs de la mentalité conformiste, il appelle au renouvellement, à la transformation de l’esprit.     Etre un bon prochain, pour Martin Luther KING, c’est non avoir une bonté fondée sur une confiance passive, en un credo particulier, mais sur une action salvatrice de vie. Il se livre à une très courte exégèse sur le notion de prochain, s’appuyant entre autres sur la parabole du bon Samaritain, cet homme capable d’un altruisme universel, capable d’une altruisme dangereux (sauver sa vis pour sauver celle de son frère, capable d’un altruisme excessif (faire plus que son devoir).     « La grandeur d’âme de Jésus est rarement exprimée dans le Nouveau Testament avec plus de clarté et de solennité que dans ces paroles tombées de la crois : « Père, pardonnez-leur, cars ils ne savent pas ce qu’ils font ». C’est le sommet de l’amour. » Mais il fait comprendre ces paroles en fonction d’un contexte situé auparavant, dans la mise au crucifix, entre deux condamnés à mort. Il s’agit là d’une « merveilleuse expression de l’habileté de Jésus à joindre parole et action, et c’est aussi une expression de la conscience qu’a Jésus de l’aveuglement intellectuel et spirituel de l’homme.       Aimer vos ennemis est un des commandements les plus difficile à suivre. Comme aimer nos ennemis? « En premier lieu, nous devons développer et entretenir notre aptitude au pardon. Celui qui est incapable de pardonner est incapable d’aimer. Il est impossible de seulement commencer à aimer ses ennemis sans avoir accepté d’abord la nécessité, sans cesse renouvelée, de pardonner à ceux qui nous infligent le mal et l’injustice. (…) Pardonner, ne signifie pas ignorer ce qui a été fait ou coller une étiquette fausse sur un acte mauvais. Cela signifie plutôt que cet acte mauvais cesse d’être un obstacle aux relations. Le pardon est un catalyseur, qui crée l’ambiance nécessaire à un nouveau départ et à un recommencement. (…) En deuxième lieu, nous devons reconnaître que l’acte mauvais de notre prochain-ennemi, ce qui nous a blessé, n’exprime jamais adéquatement, ce qu’il est lui-même. » Ce qui ouvre la voie, disons-le ici, à la réconciliation, mais aussi au centrage de l’action sur le mal et non sur celui par qui vient le mal. Revenons à l’auteur : « A nos adversaires les plus farouches, nous disons : « A votre capacité d’infliger la souffrance, nous opposerons notre capacité d’endurer la souffrance. A votre force physique nous répondrons par la force de nos âmes. Faites-nous ce que vous voulez, et nous continuerons à vous aimer. Nous ne pouvons, en tout bonne conscience, obéir à vos lois injustes, car la non-ccopération avec le mal est autant que la coopération avec le bien une obligation morale. Jetez-nous en prison, et nous vous aimerons encore. Envoyez à minuit dans nos communautés vos cagoulards perpétrer la violence et nous laisser à demi morts, et nous vous aimerons encore. Mais soyez assurés que nous vous conduisons à l’épuisement par notre capacité de souffrir. Un jour nous gagnerons la liberté, mais pas pour nous seuls. Nous lancerons à vos coeurs et à vos consciences un tel appel que nous  aurons gagnés en chemin et que notre victoire sera un double victoire ».     Minuit… quelqu’un frappe à la porte est un des sermons les plus dramatiques prononcés par le pasteur baptiste. Il y passe en revue tout ce qui ne va pas dans la société du temps : crise morale, sociale, psychologique, familiale, politique, internationale, dans une ambiance nocturne effrayante. Dans cette nuit, les Eglises, les Eglises noires en premier, faillissent : les hommes frappent à leur porte, mais elles restent sourdes. Puis tout se retourne, il y a l’espoir malgré tout. Il est minuit dans l’ordre social, puis sonne des déclarations comme celle de la Cour Suprême des Etats-Unis qui déclare anticonstitutionnelle la ségrégation dans les autobus à Montgomery en Alabama.     Dans le sermon « L’homme insensé », il veut partager avec ceux qui l’écoutent « une petite histoire dramatique, dont les implications sont remarquablement pertinentes et les conclusions profondément significatives. « C’est l’histoire d’un homme qui, selon les normes modernes, serait considéré comme ayant réussi d’une manière éminente. Mais Jésus l’a traité d’insensé ». Il s’agit d’un homme riche, l’homme riche en question étant insensé « parce qu’il permettait aux fins pour lesquelles il vivait de se confondre avec les moyens par lesquels il vivait. La structure économique de sa vie absorbait sa destinée ». Ce qui est finalement, pensons-nous, un attaque frontale contre l’homo economicus tant célébré dans la société capitaliste libérale. « Notre espoir d’une vie créatrice repose sur notre aptitude à rétablir les fins spirituelles de nos vies dans le caractère personnel et dans la justice sociale. Sans ce réveil spirituel et moral, nous détruisons nous-mêmes par le mauvais usage de nos propres instruments. Notre génération ne peut éluder la question de notre Seigneur : Que sert à l’homme de gagner l’univers des choses extérieures – avion, lumière, automobile et télévision en couleurs – s’il perd la réalité intérieure : sa propre âme? »   Dans La mort du mal sur le rivage de la mer, l’auteur discute de l’existence et de l’origine du mal. Reprenant l’histoire des Egyptiens et du peuple hébreu qui traverse la Mer Rouge (Hebreux 12, 11), et la rapporochant d’autres textes plus récents (Hamlet, The Present Crisis, de LOWELL) ou de In Memoriam, de TENNYSON, ou encore de GANDHI…) suivant en cela une méthode que l’on retrouve beaucoup dans ses sermons, il entend montrer l’ampleur de la présence du mal, mais aussi la présence de Dieu, de Dieu consolateur : « car Dieu a deux lumière : l’une pour nous guider dans la clarté du jour, lorsque nos espoirs sont réalisés et les circonstances favorables ; l’autre pour nous conduire dans l’obscurité de la nuit, lorsque nous sommes contrariés et que les géants endormis de la tristesse et du désespoir se réveillent dans nos âmes. » C’est la foi qui soutient dans la lutte pour échapper à la captivité « de toute Egypte du mal ».   Dans Trois dimensions d’une vie achevée, il expose les réflexions que lui inspirent le Livre de l’Apocalypse (de l’apôtre Jean). « Je crains, termine-ti-il, que beaucoup d’entre nous tâtonnent encore dans des projets qui sont volumineux en quantité mais réduits en qualité, des projets qui s’étalent au plan horizontal du temps au lieu de s’élever au plan vertical de l’éternité. (…). Quelle est donc note conclusion? Aimez-vous vous-mêmes, si cela veut dire un intérêt propre raisonnable et sain ; vous avez reçu commandement de le faire ; c’est la longue de la vie. Aimez votre prochain comme vous-mêmes ; vous avez aussi reçu commandement de la faire ; c’est la largeur de la vie. Mais n’oubliez jamais qu’il y a un premier commandement, plus important encore : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de tout ton esprit » ; c’est la hauteur de la vie. Ce n’est que par un développement actif de chacune de ces trois dimensions que vous pouvez vous attendre à vivre une vie vraiment achevée.(…) ».    Dans Qu’est-ce que l’homme? il pose la question : « Toute la structure politique, sociale et économique de la société est largement déterminé par sa réponse à cette question vitale. En effet, le conflit dont nous sommes témoins entre le totalitarisme et la démocratie est fondamentalement centré sur ceci : l’homme est-il une personne ou un pion? Ets-ti une dent des rouages de l’Etat ou un être libre et créateur capable de responsabilité? Cette question est aussi vieille que l’homme et aussi récente que le journal de ce monde. Bien qu’il y ait accord très large sur la question, il y a désaccord aigu sur la réponse. » Sa « réponse », en tant que bon pasteur, il la trouve dans une vision chrétienne, une certaine vision chrétien, puisqu’il affirme que l’homme est fondamentalement bon, mais que par sa trop grande inclination au mal, l’homme « a terriblement défiguré l’image de Dieu ».      Après une « réponse » morale, il aborde dans le sermon placé juste après « Comment un chrétien voit le communisme », la question issue au coeur même de son combat puisque les accusations de « communisme » n’ont cessé de fuser, avec l’attention particulière de grands médias et des services secrets américains (nous sommes alors en pleine guerre froide). Question importante puisqu’elle touche des milliards d’êtres humains, parce que le communisme est le seul rival sérieux du christianisme et parce « qu’il est incorrect et certainement non scientifique de condamner un système avant de savoir ce que ce système enseigne et pourquoi il se trompe. » Il veut affirmer fortement en tête de ce sermon, que « le communisme et le christianisme sont fondamentalement incompatibles. » Pourquoi ? Parce que « le communisme se fonde sur une vision matérialiste et humaniste de la vie et de l’histoire ». Ceci dit « la théorie, mais sûrement pas la pratique du communisme, nous incite à nous vouloir davantage concernés par la justice sociale. et finalement « nous devons honnêtement reconnaître que la vérité ne se trouve ni dans le capitalisme traditionnel ni dans le marxisme. » « En dernier lieu, nous sommes mis au défi d’engager nos vies pour la cause du Christ, exactement comme les communistes engagent les leurs pour le communisme ».     La postface, Pèlerinage à la non-violence, retrace brièvement les étapes de son cheminement aussi bien intellectuel que spirituel : « pendant ma dernière année au séminaire de théologie, j’entrepris la lecture excitante de diverses théories théologiques. J’avais été éduqué dans une tradition fondamentaliste assez stricte ; il m’arriva donc d’être choqué, lorsque mon voyage intellectuel me faisait traverser des pays doctrinaux nouveaux pour moi et parfois complexes. Mais le pèlerinage fut toujours stimulant ; il me donna une estime nouvelle pour le jugement objectif et l’analyse critique, il me réveilla de mon sommeil dogmatique. Le libéralisme me procura une satisfaction intellectuelle que je n’avais jamais trouvée dans le fondamentalisme. Je m’entichais tellement de l’optique libérale que je faillis tomber dans le piège et accepter sans esprit critique tout ce qu’englobait le libéralisme. J’étais absolu convaincu de la bonté naturelle de l’homme et du pouvoir de la raison humaine. » Tout en gardant l’ardeur dans la recherche de la vérité, l’insistance sur un esprit d’ouverture et d’analyse de la vérité et le refus de renoncer aux meilleures clartés de la raison, il remet en question la doctrine libérale de l’homme par la lecture notamment des oeuvre de Reinhold NIEBUHR qui le fait rendre compte « de la complexité des implications sociales de l’homme et de la réalité évidente du mal collectif ». Un des aspects un peu oublié lorsqu’on parle de Martin Luther KING est évoqué, alors qu’il reste insatisfait du libéralisme sur la question de la nature humaine : « Entre-temps, j’avais acquis une connaissance meilleure de la philosophie existentielles », avec les oeuvres de KIERKEGAARD et de NIETSZCHE, mais aussi de JASPERS, HEIDEGGER et de SARTRE, puis de celles de Paul TILLICH, alors très en vogue à l’époque. « Mes études proprement dites avaient pour objet la théologie et la philosophie systématiques, mais je m’intéressai de plus en plus à la morale sociale. » Déjà profondément concerné par le problème de l’injustice raciale, la lecture de Chrétienté et la crise sociale de Wlater RAUSCHENBUSCH précipite cet intérêt qui l’amène à prendre connaissance des écrits de GANDHI. Bien entendu reprendre connaissance avec La désobéissance civile de David Henri THOREAU, auteur très lu à l’école aux Etats-Unis, le conforte dans cette direction  En fin de parcours intellectuel (étant donné qu’il est assassiné à l’âge de 38 ans), « je ne suis pas un doctrinaire du pacifisme, mais j’ai essayé d’embrasser un pacifisme réaliste qui voit dans  dans la position pacifiste le moindre mal pour les circonstances actuelles. je ne prétends pas être libéré du dilemme moral auquel est affronté le non-pacifiste chrétien, mais je suis convaincu que l’Eglise ne peut rester silencieuse alors que le genre humain est sous la menace d’un anéantissement nucléaire. Si l’Eglise est fidèle à sa mission, elle doit réclamer la fin de la course aux armements. »   Très diffusé, traduit en de nombreuses langues, le livre de Martin luther KING est l’objet de nombreuses lectures. Des auteurs estiment toujours valable son discours, même à presque cinquante ans de distance. Frédérick de CONINCK estime par exemple qu’il est possible d’actualiser son message qui reste un appel très fort aux chrétiens. « Nous avons eu ou nous avons, écrit-il, autour de nous, plusieurs exemples de luttes non-violentes qui ont permis de faire avancer les choses. Un exemple majeur fut la chute du mur de Berlin en 1989. La transformation des pays de l’Est a obéi à une série de facteurs, mais, entre autres, vers la fin, à une action non-violente de protestation. Les Eglises y jouèrent d’ailleurs, un rôle tout à fait actif. D’une manière générale dans les relations internationales, il y a une conviction assez générale qui veut que la négociation soit plus efficace que les conflits armés? Cela dit c’est une conviction qui fait son chemin lentement.(…). Dans ls affaires intérieures, il y a aussi la conviction encore plus partagée que la démocratie vaut mieux que les pouvoirs militaires. Or la démocratie est une vaste organisation de confrontations, de combats non-violentes. (…) ». Bernice KING, fille de Martin Luther, fait le parallèle entre 1968 et 2008, entre la guerre du VietNam et la guerre en Irak : « Trois maux, disait (mon) père, rongent l’Amérique : la pauvreté, le racisme et le militarisme. je fais le même constat… Ce n’est pas par les « terroristes » que sont terrorisés la plupart des Américains. C’est par leur santé et la perspective de mourir isolés et sans soins médicaux, faute d’en avoir les moyens! ». Le chemin emprunté par Martin Luther King, dont La force d’aimer constitue une grande indication, « est toujours ouvert et nous invite. Sa leçon permanente ne concerne pas les seuls Noirs ni les seuls Américains mais nous concerne tous : elle est double : – il n’est pas possible qu’une partie de l’humanité soit durablement humiliée, discriminée et soumise par les autres, il est toujours nécessaire que les opprimés se mettent debouts et luttent pour leur vie et leur dignité ; – L’injustice ne peut être vaincue pr l’injustice, la violence par la violence. Dans la perspective évangélique, Dieu ne veut pas d’un monde domine par les riches et les puissants : il choisit les pauvres, comme l’exprime la version des béatitudes dans l’Evangile de Luc (Lc, 6, 20). Mais Jésus a pris un chemin de non-violence pour changer le monde en changeant les coeurs. Il appelle toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté à se faire les alliés des pauvres (Evangile selon Saint Mathieu).

Vincent ROUSSEL résume les aspects souvent repris après lui dans maintes luttes non-violentes : – La résistance non-violente n’est pas destinées aux peureux ; c’est une véritable résistance ; – La non-violence ne cherche pas à vaincre ni à humilier l’adversaire, mais à conquérir sa compréhension et son amitié ; – C’est une méthode qui s’attaque aux forces du mal, et non aux personnes qui se trouvent être les instruments du mal ; – La résistance non-violente implique la volonté de savoir accepter la souffrance sans esprit de représailles, de savoir recevoir les coups sans les rendre. Le non-violent ne cherchera pas à éviter la prison ; – La non-violence refuse non seulement la violence extérieure, physique, mais aussi la violence intérieure ; – La résistance non-violente se fonde sur la conviction que la loi qui régit l’univers est une loi de justice

Martin Luther KING, La force d’aimer, Casterman, 1964, 235 pages. Avant-propos de Jean BRULS.

Vincent ROUSSEL, Martin Luther King, combats pour la liberté, Alternatives non-violentes, Les luttes non-violentes au XXe siècle (tome 1), n°119-120, Eté-Automne 2001 ; Jean Marie FAUX, Documents d’analyse du Centre Avec, Le rêve de Martin Luther KING, Février 2008 ; Frédéric de CONINCK, Martin Luther KING, 40 ans après, Comment actualiser son message?, 1990.

« I HAVE A DREAM » PAR MARTIN LUTHER KING

23 février, 2016

http://felina.pagesperso-orange.fr/doc/decl/luther_king.htm

« I HAVE A DREAM » PAR MARTIN LUTHER KING

« J’ai fait un rêve » discours prononcé par Martin Luther King au Lincoln Memorial de Washington D.C., le 28 août 1963.

Je suis heureux de participer avec vous aujourd’hui à ce rassemblement qui restera dans l’histoire comme la plus grande manifestation que notre pays ait connu en faveur de la liberté. Il y a un siècle de cela, un grand américain qui nous couvre aujourd’hui de son ombre symbolique signait notre acte d’émancipation. Cette proclamation historique faisait, comme un grand phare, briller la lumière de l’espérance aux yeux de millions d’esclaves noirs marqués au feu d’une brûlante injustice. Ce fut comme l’aube joyeuse qui mettrait fin à la longue nuit de leur captivité. Mais cent ans ont passé et le Noir n’est pas encore libre. Cent ans ont passé et l’existence du Noir est toujours tristement entravée par les liens de la ségrégation, les chaînes de la discrimination; cent ans ont passé et le Noir vit encore sur l’île solitaire de la pauvreté, dans un vaste océan de prospérité matérielle; cent ans ont passé et le Noir languit toujours dans les marches de la société américaine et se trouve en exil dans son propre pays. C’est pourquoi nous sommes accourus aujourd’hui en ce lieu pour rendre manifeste cette honteuse situation. En ce sens, nous sommes montés à la capitale de notre pays pour toucher un chèque. En traçant les mots magnifiques qui forment notre constitution et notre déclaration d’indépendance, les architectes de notre république signaient une promesse dont héritaient chaque Américain. Aux termes de cet engagement, tous les hommes, les Noirs, oui, aussi bien que les Blancs, se verraient garantir leurs droits inaliénables à la vie, à la liberté et à la recherche du bonheur. Il est aujourd’hui évident que l’Amérique a failli à sa promesse en ce qui concerne ses citoyens de couleur. Au lieu d’honorer son obligation sacrée, l’Amérique a délivré au peuple noir un chèque sans valeur; un chèque qui est revenu avec la mention « Provisions insuffisantes ». Nous ne pouvons croire qu’il n’y ait pas de quoi honorer ce chèque dans les vastes coffres de la chance en notre pays. Aussi sommes nous venus encaisser ce chèque, un chèque qui nous fournira sur simple présentation les richesses de la liberté et la sécurité de la justice. Nous sommes également venus en ce lieu sanctifié pour rappeler à l’Amérique les exigeantes urgences de l’heure présente. Il n’est plus temps de se laisser aller au luxe d’attendre ni de pendre les tranquillisants des demi-mesures. Le moment est maintenant venu de réaliser les promesses de la démocratie; le moment est venu d’émerger des vallées obscures et désolées de la ségrégation pour fouler le sentier ensoleillé de la justice raciale; le moment est venu de tirer notre nation des sables mouvants de l’injustice raciale pour la hisser sur le roc solide de la fraternité; le moment est venu de réaliser la justice pour tous les enfants du Bon Dieu. Il serait fatal à notre nation d’ignorer qu’il y a péril en la demeure. Cet étouffant été du légitime mécontentement des Noirs ne se terminera pas sans qu’advienne un automne vivifiant de liberté et d’égalité. 1963 n’est pas une fin mais un commencement. Ceux qui espèrent que le Noir avait seulement besoin de laisser fuser la vapeur et se montrera désormais satisfait se préparent à un rude réveil si le pays retourne à ses affaires comme devant. Il n’y aura plus ni repos ni tranquillité en Amérique tant que le Noir n’aura pas obtenu ses droits de citoyen. Les tourbillons de la révolte continueront d’ébranler les fondations de notre nation jusqu’au jour où naîtra l’aube brillante de la justice. Mais il est une chose que je dois dire à mon peuple, debout sur le seuil accueillant qui mène au palais de la justice : en nous assurant notre juste place, ne nous rendons pas coupables d’agissements répréhensibles. Ne cherchons pas à étancher notre soif de liberté en buvant à la coupe de l’amertume et de la haine. Livrons toujours notre bataille sur les hauts plateaux de la dignité et de la discipline. Il ne faut pas que notre revendication créatrice dégénère en violence physique. Encore et encore, il faut nous dresser sur les hauteurs majestueuses où nous opposerons les forces de l’âme à la force matérielle. Le merveilleux militantisme qui s’est nouvellement emparé de la communauté noire ne doit pas nous conduire à nous méfier de tous les Blancs. Comme l’atteste leur présence aujourd’hui en ce lieu, nombre de nos frères de race blanche ont compris que leur destinée est liée à notre destinée. Ils ont compris que leur liberté est inextricablement liée à notre liberté. L’assaut que nous avons monté ensemble pour emporter les remparts de l’injustice doit être mené par une armée biraciale. Nous ne pouvons marcher tout seuls au combat. Et au cours de notre progression, il faut nous engager à continuer d’aller de l’avant ensemble. Nous ne pouvons pas revenir en arrière. Il en est qui demandent aux tenants des droits civiques : « Quand serez vous enfin satisfaits ? » Nous ne pourrons jamais être satisfaits tant que le Noir sera victime des indicibles horreurs de la brutalité policière. Nous ne pourrons jamais être satisfaits tant que nos corps recrus de la fatigue du voyage ne trouveront pas un abris dans les motels des grand routes ou les hôtels des villes. Nous ne pourrons jamais être satisfaits tant que la liberté de mouvement du Noir ne lui permettra guère que d’aller d’un petit ghetto à un ghetto plus grand. Nous ne pourrons jamais être satisfaits tant que nos enfants seront dépouillés de leur identité et privés de leur dignité par des pancartes qui indiquent : « Seuls les Blancs sont admis. » Nous ne pourrons être satisfaits tant qu’un Noir du Mississippi ne pourra pas voter et qu’un Noir de New York croira qu’il n’a aucune raison de voter. Non, nous ne sommes pas satisfaits, et nous ne serons pas satisfaits tant que le droit ne jaillira pas comme les eaux et la justice comme un torrent intarissable. Je n’ignore pas que certains d’entre vous ont été conduits ici par un excès d’épreuves et de tribulations. D’aucuns sortent à peine de l’étroite cellule d’une prison. D’autres viennent de régions où leur quête de liberté leur a valu d’être battus par les tempêtes de la persécution, secoués par les vents de la brutalité policière. Vous êtes les pionniers de la souffrance créatrice. Poursuivez votre tache, convaincus que cette souffrance imméritée vous sera rédemption. Retournez au Mississippi; retournez en Alabama; retournez en Caroline du Sud; retournez en Géorgie; retournez en Louisiane, retournez à vos taudis et à vos ghettos dans les villes du Nord, en sachant que, d’une façon ou d’une autre cette situation peut changer et changera. Ne nous vautrons pas dans les vallées du désespoir. Je vous le dis ici et maintenant, mes amis : même si nous devons affronter des difficultés aujourd’hui et demain, je fais pourtant un rêve. C’est un rêve profondément ancré dans le rêve américain. Je rêve que, un jour, notre pays se lèvera et vivra pleinement la véritable réalité de son credo : « Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes que tous les hommes sont créés égaux. » Je rêve que, un jour, sur les rouges collines de Géorgie, les fils des anciens esclaves et les fils des anciens propriétaires d’esclaves pourront s’asseoir ensemble à la table de la fraternité. Je rêve que, un jour, l’État du Mississippi lui-même, tout brûlant des feux de l’injustice, tout brûlant des feux de l’oppression, se transformera en oasis de liberté et de justice. Je rêve que mes quatre petits enfants vivront un jour dans un pays où on ne les jugera pas à la couleur de leur peau mais à la nature de leur caractère. Je fais aujourd’hui un rêve ! Je rêve que, un jour, même en Alabama où le racisme est vicieux, où le gouverneur a la bouche pleine des mots « interposition » et « nullification », un jour, justement en Alabama, les petits garçons et petites filles noirs, les petits garçons et petites filles blancs, pourront tous se prendre par la main comme frères et sœurs. Je fais aujourd’hui un rêve ! Je rêve que, un jour, tout vallon sera relevé, toute montagne et toute colline seront rabaissés, tout éperon deviendra une pleine, tout mamelon une trouée, et la gloire du Seigneur sera révélée à tous les êtres faits de chair tout à la fois. Telle est mon espérance. Telle est la foi que je remporterai dans le Sud. Avec une telle foi nous serons capables de distinguer, dans les montagnes de désespoir, un caillou d’espérance. Avec une telle foi nous serons capables de transformer la cacophonie de notre nation discordante en une merveilleuse symphonie de fraternité. Avec une telle foi, nous serons capables de travailler ensemble, de prier ensemble, de lutter ensemble, d’aller en prison ensemble, de nous dresser ensemble pour la liberté, en sachant que nous serons libres un jour. Ce sera le jour où les enfants du Bon Dieu pourront chanter ensemble cet hymne auquel ils donneront une signification nouvelle - »Mon pays c’est toi, douce terre de liberté, c’est toi que je chante, pays où reposent nos pères, orgueil du pèlerin, au flanc de chaque montagne que sonne la cloche de la liberté »- et si l’Amérique doit être une grande nation, il faut qu’il en soit ainsi. Aussi faites sonner la cloche de la liberté sur les prodigieux sommets du New Hampshire.

Faites la sonner sur les puissantes montagnes de l’État de New York. Faites la sonner sur les hauteurs des Alleghanys en Pennsylvanie. Faites la sonner sur les neiges des Rocheuses, au Colorado. Faites la sonner sur les collines ondulantes de la Californie. Mais cela ne suffit pas.

Faites la sonner sur la Stone Mountain de Géorgie. Faites la sonner sur la Lookout Mountain du Tennessee. Faites la sonner sur chaque colline et chaque butte du Mississippi, faites la sonner au flanc de chaque montagne.

Quand nous ferons en sorte que la cloche de la liberté puisse sonner, quand nous la laisserons carillonner dans chaque village et chaque hameau, dans chaque État et dans chaque cité, nous pourrons hâter la venue du jour où tous les enfants du Bon Dieu, les Noirs et les Blancs, les juifs et les gentils, les catholiques et les protestants, pourront se tenir par la main et chanter les paroles du vieux « spiritual » noir : « Libres enfin. Libres enfin. Merci Dieu tout-puissant, nous voilà libres enfin. »

par Martin Luther King: Pèlerinage à la non-violence

25 août, 2010

du site:

http://spiritualite2000.com/Archives/temoins/2002/juillet-aout02.htm

Pèlerinage à la non-violence

par Martin Luther King

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‘Evangile bien compris intéresse la totalité de l’homme, non seulement son âme mais aussi son corps, non seulement son bien-être spirituel, mais aussi son bien-être matériel. Une religion qui s’affirme concernée par les âmes des hommes et qui ne l’est pas également par les bidonvilles qui les damnent, les conditions économiques qui les étranglent et les situations sociales qui les paralysent, n’est qu’une religion spirituellement moribonde.

Pendant un temps je fus près de désespérer du pouvoir de l’amour dans la solution des problèmes sociaux. Les systèmes tels que présente-l’autre-joue et aime-tes-ennemis sont valables, pensai-je, uniquement dans les conflits d’individu àindividu. Mais si les groupes raciaux et les nations sont en conflit, il faut une méthode plus réaliste.

Je fis alors connaissance avec la vie et les enseignements du Mahatma Gandhi. Et je fus profondément captivé par ses campagnes de résistance non-violentes… Tout le concept gandhien de satyagraha ( satya est la vérité qui correspond à l’amour et graha est la force ; satyagraha signifie donc vérité-force ou amour-force ) avait pour moi une signification profonde… Mon scepticisme sur le pouvoir de l’amour, alors, diminua progressivement. J’en arrivai à voir pour la première fois que la doctrine chrétienne de l’amour, mis en aeuvre par la méthode gandhienne de non-violence, est l’une des armes les plus puissantes dont puisse disposer un peuple opprimé dans sa lutte pour la liberté. Mais ce n’étaient encore que compréhension et jugements intellectuels sans dessein pratique dans un contexte social réel.

Lorsqu’en 1954 je partis comme pasteur à Montgomery en Alabama, je n’avais pas la moindre idée que je serais plus tard impliqué dans une crise où la résistance non-violente serait applicable. J’avais vécu environ un an . dans la communauté lorsque se déclencha le boycottage des autobus. Poussé à bout par des expériences humiliantes qu’ils avaient constamment affrontés dans les autobus, les Noirs de Montgomery exprimèrent dans une action massive de non-coopération leur volonté d’être libres. Ils trouvèrent qu’il était en fin de compte plus honorable d’aller à pied dans les rues avec dignité que de rouler en autobus dans l’humiliation. Au début de cette protestation, les gens me demandèrent d’être leur porte-parole. En acceptant cette responsabilité, mon esprit consciemment ou inconsciemment, fut ramené au Sermon sur la Montagne et à la méthode gandhienne de résistance non-violente. Ce principe devint l’étoile directrice de notre mouvement. Le Christ donnait l’esprit et la motivation, Gandhi fournissait la méthode.

L’expérience de Montgomery fit plus pour clarifier mes idées sur la non-violence que tous les livres que j’avais lus. Au fil des jours, je me convainquais toujours davantage de la puissance de la non-violence. Elle devint beaucoup plus qu’une méthode que j’avais approuvée intellectuellement, elle devint un engagement dans un style de vie. De nombreux points que je n’avais pas réussi à clarifer intellectuellement au sujet de la non-violence se trouvèrent désormais résolus dans le domaine de l’action pratique.

Je ne voudrais pas donner l’impression que la nonviolence peut accomplir des miracles du jour au lendemain… Et je suis certain que beaucoup de nos frères blancs àMontgomery et partout dans le Sud restent amers envers les meneurs noirs, bien que ceux-ci aient choisi une voie d’amour et de non-violence. Mais la méthode non-violente atteint les coeurs et les âmes qui se vouent à elle. Elle leur donne un nouveau respect de soi. Elle fait appel à des réserves de force et de courage qu’ils ne savaient pas posséder. Finalement, elle émeut la conscience de l’adversaire au point que la réconciliation devient une réalité.

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Prier avec Martin Luther King. Fides/Jean-Pierre Delarge, 1981