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CANONISATION DE CHARBEL MAKHLUOF, HOMÉLIE DU PAPE PAUL VI (1977)

28 avril, 2009

du site:

http://www.vatican.va/holy_father/paul_vi/homilies/1977/documents/hf_p-vi_hom_19771009_fr.html

CANONISATION DE CHARBEL MAKHLUOF

HOMÉLIE DU PAPE PAUL VI

Dimanche, 9 octobre 1977

Venerables Frères et chers Fils,

L’Eglise entière, de l’Orient à l’Occident, est invitée aujourd’hui à une grande joie. Notre cœur se turne vers le Ciel, où nous savons désormais avec certitude que saint Charbel Makhlouf est associé au bonheur incommensurable des Saints, dans la lumière du Christ, louant et intercédant pour nous. Nos regards se tournent aussi là où il a vécu, vers le cher pays du Liban, dont Nous sommes heureux de saluer les représentants: Sa Béatitude le Patriarche Antoine Pierre Khoraiche, avec nombre de ses Frères et de ses Fils maronites, les représentants des autres rites catholiques, des orthodoxes, et, au plan civil, la Délégation du Gouvernement et du Parlement libanais que Nous remercions chaleureusement.

Votre pays, chers Amis, avait déjà été salué avec admiration par les poètes bibliques, impressionnés par la vigueur des cèdres devenus symboles de la vie des justes. Jésus lui-même y est venu récompenser la foi d’une femme syro-phénicienne: prémices du salut destiné à toutes les nations. Et ce Liban, lieu de rencontre entre l’orient et l’Occident est devenu de fait la patrie de diverses populations, qui se sont accrochées avec courage à leur terre et à leurs fécondes traditions religieuses. La tourmente des récents événements a creusé des rides profondes sur son visage, et jeté une ombre sérieuse sur les chemins de la paix. Mais vous savez notre sympathie et notre affection constantes: avec vous, Nous gardons la ferme espérance d’une coopération renouvelée, entre tous les fils du Liban.

Et voilà qu’aujourd’hui, nous vénérons ensemble un fils dont tout le Liban, et spécialement l’Eglise maronite, peuvent être fiers: Charbel Makhlouf. Un fils bien singulier, un artisan paradoxal de la paix, puisqu’il l’a recherchée à l’écart du monde, en Dieu seul, dont il était comme enivré. Mais sa lampe, allumée au sommet de la montagne de son ermitage, au siècle dernier, a brillé d’un éclat toujours plus grand, et l’unanimité s’est faite rapidement autour de sa sainteté. Nous l’avions déjà honoré en le déclarant bienheureux le 5 décembre 1965, au moment de la clôture du Concile Vatican II. Aujourd’hui, en le canonisant et en étendant son culte à l’ensemble de l’Eglise, Nous donnons en exemple, au monde entier, ce valeureux moine, gloire de l’ordre libanais maronite et digne représentant des Eglises d’Orient et de leur haute tradition monastique.

Il n’est point nécessaire de retracer en détail sa biographie, d’ailleurs fort simple. II importe du moins de noter à quel point le milieu chrétien de son enfance a enraciné dans la foi le jeune Youssef – c’était son nom de baptème -, et l’a préparé à sa vocation: famille de paysans modestes, travailleurs, unis; animés d’une foi robuste, familiers de la prière liturgique du village et de la dévotion à Marie; oncles voués à la vie érémitique, et surtout mère admirable, pieuse et mortifiée jusqu’au jeûne continuel. Ecoutez les paroles que l’on rapporte d’elle après la séparation de son fils: «Si tu ne devais pas être un bon religieux, je te dirais: Reviens à la maison. Mais je sais maintenant que le Seigneur te veut à son service. Et dans ma douleur d’être séparée de toi, je lui dis, résignée: Qu’il te bénisse, mon enfant, et fasse de toi un saint» (P. PAUL DAHER, Charbel, un homme ivre de Dieu, Monastère S. Maron d’Annaya, Jbail Liban, 1965, p. 63). Les vertus du foyer et l’exemple des parents constituent toujours un milieu privilégié pour l’éclosion des vocations.

Mais la vocation comporte toujours aussi une décision très personnelle du candidat, où l’appel irrésistible de la grâce compose avec sa volonté tenace de devenir un saint: «Quitte tout, viens! Suis-moi!» (Ibid. p. 52; cfr. Marc. 10, 32). A vingt-trois ans, notre futur saint quitte en effet son village de Gégà-Kafra et sa famille pour ne plus jamais y revenir. Alors, pour le novice devenu Frère Charbel, commence une formation monastique rigoureuse, selon la règle de l’ordre libanais maronite de Saint Antoine, au monastère de Notre-Dame de Mayfouk, puis à celui plus retiré de Saint-Maron d’Annaya, après sa profession solennelle, il suit des études théologiques à Saint-Cyprien de Kfifane, reçoit l’ordination sacerdotale en 1859; il mènera ensuite seize ans de vie communautaire parmi les moines d’Annaya et vingt-trois ans de vie complètement solitaire dans l’ermitage des Saints Pierre et Paul dépendant d’Annaya. C’est là qu’il remet son âme à Dieu la veille de Noël 1898, à soixante-dix ans.

Que représente donc une telle vie? La pratique assidue, poussée à l’extrême, des trois vœux de religion, vécus dans le silence et le dépouillement monastiques: d’abord la plus stricte pauvreté pour ce qui est du logement, du vêtement, de l’unique et frugal repas journalier des durs travaux manuels dans le rude climat de la montagne; une chasteté qu’il entoure d’une intransigeance légendaire; enfin et surtout une obéissance totale à ses Supérieurs et même à ses confrères, au règlement des ermites aussi, traduisant sa soumission complète à Dieu. Mais la clé de cette vie en apparence étrange est la recherche de la sainteté, c’est-à-dire la conformité la plus parfaite au Christ humble et pauvre, le colloque quasi ininterrompu avec le Seigneur, la participation personnelle au sacrifice du Christ par une célébration fervente de la messe et par sa pénitence rigoureuse jointe à l’intercession pour les pécheurs. Bref, la recherche incessante de Dieu seul, qui est le propre de la vie monastique, accentuée par la solitude de la vie érémitique.

Cette énumération, que les hagiographes peuvent illustrer de nombreux faits concrets, donne le visage d’une sainteté bien austère, n’est-ce pas? Arrêtons-nous sur ce paradoxe qui laisse le monde moderne perplexe, voire irrité; on admet encore chez un homme comme Charbel Makhlouf une héroïcité hors de pair, devant laquelle on s’incline, retenant surtout sa fermeté au-dessus de la normale. Mais n’est-elle pas «folie aux yeux des hommes», comme s’exprimait déjà l’auteur du livre de la Sagesse? Même des chrétiens se demanderont: le Christ a-t-il vraiment exigé pareil renoncement, lui dont la vie accueillante tranchait avec les austérités de Jean-Baptiste? Pire encore, certains tenants de l’humanisme moderne n’iront-ils pas, au nom de la psychologie, jusqu’à soupçonner cette austérité intransigeante, de mépris, abusif et traumatisant, des saines valeurs du corps et de l’amour, des relations amicales, de la liberté créatrice, de la vie en un mot?

Raisonner ainsi, dans le cas de Charbel Makhlouf et de tant de ses compagnons moines ou anachorètes depuis le début de l’Eglise, c’est manifester une grave incompréhension, comme s’il ne s’agissait que d’une performance humaine; c’est faire preuve d’une certaine myopie devant une réalité autrement profonde. Certes, l’équilibre humain n’est pas à mépriser, et de toute façon les Supérieurs, l’Eglise doivent veiller à la prudence et à l’authenticité de telles expériences. Mais prudence et équilibre humains ne sont pas des notions statiques, limitées aux éléments psychologiques les plus courants ou aux seules ressources humaines. C’est d’abord oublier que le Christ a exprimé lui-même des exigences aussi abruptes pour ceux qui voudraient être ses disciples: «Suis-moi . . . et laisse les morts enterrer leurs morts» (Luc. 9, 59-60). «Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs et jusqu’à sa propre vie, il ne peut être mon disciple» (Ibid. 14, 26). C’est oublier aussi, chez le spirituel, la puissance de l’âme, pour laquelle cette austérité est d’abord un simple moyen, c’est oublier l’amour de Dieu qui l’inspire, l’Absolu qui l’attire; c’est ignorer la grâce du Christ qui la soutient et la fait participer au dynamisme de sa propre Vie. C’est finalement méconnaître les ressources de la vie spirituelle, capable de faire parvenir à une profondeur, à une vitalité, à une maîtrise de l’être, à un équilibre d’autant plus grands qu’il n’ont pas été recherchés pour eux-mêmes: « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice et le reste vous sera donné par surcroît» (Matth. 6, 32).

Et de fait, qui n’admirerait, chez Charbel Makhlouf, les aspects positifs que l’austérité, la mortification, l’obéissance, la chasteté, la solitude ont rendus possibles à un degré rarement atteint? Pensez à sa liberté souveraine devant les difficultés ou les passions de toutes sortes, à la qualité de sa vie intérieure, à l’élévation de sa prière, à son esprit d’adoration manifesté au cœur de la nature et surtout en présence du Saint-Sacrement, à sa tendresse filiale pour la Vierge, et à toutes ces merveilles promises dans les béatitudes et réalisées à la lettre chez notre saint: douceur, humilité, miséricorde, paix, joie, participation, dès cette vie, à la puissance de guérison et de conversion du Christ. Bref l’austérité, chez lui, l’a mis sur le chemin de la sérénité parfaite, du vrai bonheur; elle a laissé toute grande la place à l’Esprit Saint.

Et d’ailleurs, chose impressionnante, le peuple de Dieu ne s’y est pas trompé. Dès le vivant de Charbel Makhlouf, sa sainteté rayonnait, ses compatriotes, chrétiens ou non, le vénéraient, accouraient à lui comme au médecin des âmes et des corps. Et depuis sa mort, la lumière a brillé plus encore au-dessus de son tombeau: combien de personnes, en quête de progrès spirituel, ou éloignées de Dieu, ou en proie à la détresse, continuent à être fascinées par cet homme de Dieu, en le priant avec ferveur, alors que tant d’autres, soi-disant apôtres, n’ont laissé aucun sillage, comme ceux dont parle l’Ecriture (Sap. 5, 10; Epistola ad Missam).

Oui, le genre de sainteté pratiqué par Charbel Makhlouf est d’un grand poids, non seulement pour la gloire de Dieu, mais pour la vitalité de l’Eglise. Certes, dans l’unique Corps mystique du Christ, comme dit saint Paul (Cfr. Rom. 12, 4-8), les charismes sont nombreux et divers; ils correspondent à des fonctions différentes, qui ont chacune leur place indispensable. Il faut des Pasteurs, qui rassemblent le peuple de Dieu et y président avec sagesse au nom du Christ. Il faut des théologiens qui scrutent la doctrine et un Magistère qui y veille. Il faut des évangélisateurs et des missionnaires qui portent la parole de Dieu sur toutes les routes du monde. Il faut des catéchètes qui soient des enseignants et des pédagogues avisés de la foi: c’est l’objet du Synode actuel. Il faut des personnes qui se vouent directement à l’entraide de leurs frères . . . Mais il faut aussi des gens qui s’offrent en victimes pour le salut du monde, dans une pénitence librement acceptée, dans une prière incessante d’intercession, comme Moïse sur la montagne, dans une recherche passionnée de l’Absolu, témoignant que Dieu vaut la peine d’être adoré et aimé pour lui-même. Le style de vie de ces religieux, de ces moines, de ces ermites n’est pas proposé à tous comme un charisme imitable; mais à l’état pur, d’une façon radicale, ils incarnent un esprit dont nul fidèle du Christ n’est dispensé, ils exercent une fonction dont l’Eglise ne saurait se passer, ils rappellent un chemin salutaire pour tous.

Permettez-Nous, en terminant, de souligner l’intérêt particulier de la vocation érémitique aujourd’hui. Elle semble d’ailleurs connaître un certain regain de faveur que n’explique pas seulement la décadence de la société, ni les contraintes que celle-ci fait peser. Elle peut d’ailleurs prendre des formes adaptées, à condition qu’elle soit toujours conduite avec discernement et obéissance.

Ce témoignage, loin d’être une survivance d’un passé révolu, Nous apparaît très important, pour notre monde, comme pour notre Eglise.

Bénissons le Seigneur de nous avoir donné saint Charbel Makhlouf, pour raviver les forces de son Eglise, par son exemple et sa prière. Puisse le nouveau saint continuer à exercer son influence prodigieuse, non seulement au Liban, mais en Orient et dans l’Eglise entière! Qu’il intercède pour nous, pauvres pécheurs, qui, trop souvent, n’osons pas risquer l’expérience des béatitudes qui conduisent pourtant à la joie parfaite! Qu’il intercède pour ses frères de l’ordre libanais maronite, et pour toute I’Eglise maronite, dont chacun connaît les mérites et les épreuves! Qu’il intercède pour le cher pays du Liban, qu’il l’aide à surmonter les difficultés de l’heure, à panser les plaies encore vives, à marcher dans l’espérance! Qu’il le soutienne et l’oriente sur la bonne et juste voie, comme nous le chanterons tout à l’heure! Que sa lumière brille au-dessus d’Annaya, ralliant les hommes dans la concorde et les attirant vers Dieu, qu’il contemple désormais dans la félicité éternelle! Amen!

Il Papa cosi prosegue in lingua italiana.

Sia lode alla Santissima Trinità, che ci ha dato la gioia di proclamare Santo il monaco libanese Charbel Makhlouf, a conferma della perenne, inesausta santità della Chiesa.

Lo spirito della vocazione eremitica che si manifesta nel nuovo Santo, lungi dall’appartenere ad un tempo ormai passato, ci appare molto importante, per il nostro mondo, come per la vita della Chiesa. La vita sociale di oggi è spesso contrassegnata dall’esuberanza, dall’eccitazione, dalla ricerca insaziabile del conforto e del piacere, unita ad una crescente debolezza della volontà: essa non riacquisterà il suo equilibrio se non con un accrescimento del dominio di sé, di ascesi, di povertà, di pace, di semplicità, di interiorità, di silenzio (Cfr. Paolo VI, Discorso ai Monaci di Monte Cassino, del 24 ottobre 1964: AAS 56 (1964) 987). La vita eremitica gliene insegna l’esempio ed il gusto. E nella Chiesa, come pensare di superare la mediocrità e realizzare un autentico rinnovamento spirituale, non contando che sulle nostre forze, senza sviluppare una sete di santità personale, senza esercitare le virtù nascoste, senza riconoscere il valore insostituibile e la fecondità della mortificazione, dell’umiltà, della preghiera? Per salvare il mondo, per conquistarlo spiritualmente, è necessario, come vuole Cristo, essere nel mondo, ma non appartenere a tutto ciò che nel mondo allontana da Dio (Cfr. SALVATORE GAROFALO, Il profumo del Libano, San Sciarbel Makhluf, Roma 1977, p. 216).

Le Missel romain : Prière pour la bénédiction de l’eau baptismale pendant la veillée pascale

20 avril, 2009

du site:

http://www.levangileauquotidien.org/main.php?language=FR&module=commentary&localdate=20090420

Le lundi de la 2e semaine de Pâques : Jn 3,1-8
Commentaire du jour
Le Missel romain
Prière pour la bénédiction de l’eau baptismale pendant la veillée pascale

Renaître de l’eau et de l’Esprit

Par ta puissance invisible, Seigneur,
tu accomplis des merveilles dans tes sacrements,
et au cours de l’histoire du salut,
tu t’es servi de l’eau, ta créature,
pour nous faire connaître la grâce du baptême.

Dès les commencements du monde,
c’est ton Esprit qui planait sur les eaux
pour qu’elles reçoivent en germe
la force qui sanctifie.
Par les flots du déluge,
tu annonçais le baptême qui fait revivre,
puisque l’eau y préfigurait également
la mort du péché et la naissance de toute justice.
Aux enfants d’Abraham,
tu as fait passer la mer Rouge à pied sec
pour que la race libérée de la servitude
préfigure le peuple des baptisés.

Ton Fils bien-aimé,
baptisé par Jean dans les eaux du Jourdain,
a reçu l’onction de l’Esprit Saint.
Lorsqu’il était en croix,
de son côté ouvert
il laissa couler du sang et de l’eau ;
et quand il fut ressuscité, il dit à ses disciples :
« Allez, enseignez toutes les nations,
et baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit » (Mt 28,19).

Maintenant, Seigneur, regarde avec amour ton Église
et fais jaillir en elle la source du baptême.
Que l’Esprit Saint donne, par cette eau, la grâce du Christ
afin que l’homme, créé à ta ressemblance,
y soit lavé par le baptême
des souillures qui déforment cette image,
et renaisse de l’eau et de l’Esprit
pour la vie nouvelle d’enfant de Dieu.

Nous t’en prions, Seigneur
Par la grâce de ton Fils,
que la puissance de l’Esprit Saint
vienne sur cette eau,
afin que tout homme qui sera baptisé,
enseveli dans la mort avec le Christ,
ressuscite avec lui pour la vie.
Par Jésus, le Christ, notre Seigneur.

L’Eglise vit de l’Eucharistie, par: Patrick Prétot, Directeur de l’Institut Supérieur de Liturgie à l’institut Catholique de Paris.

18 avril, 2009

du site:

http://www.catho-theo.net/spip.php?article25

L’Eglise vit de l’Eucharistie

Présentation du document publié par le Pape Jean-Paul II, à l’occasion du jeudi saint 2003
Patrick Prétot

Moine bénédictin

Directeur de l’Institut Supérieur de Liturgie à l’institut Catholique de Paris.

Site web : Page sur le site de la Catho de Paris

L’encyclique sur l’Eucharistie, publiée par le Pape Jean-Paul II, à l’occasion de ce jeudi saint 2003, commence par ces mots significatifs « L’Église vit de l’Eucharistie » (Ecclesia de Eucharistia vivit). Sans proposer un exposé complet de théologie de l’Eucharistie, le Pape offre une méditation très personnelle, parfois même sur le ton de l’entretien spirituel intime, sur les rapports entre le mystère de l’Eucharistie et la vie de l’Eglise. Il s’agit de dire pourquoi et comment « L’Eglise vit de l’Eucharistie ». La réponse est exprimée, sous forme synthétique, dès le n.3 : c’est parce que « l’Église naît du mystère pascal », que l’Eucharistie a sa place au centre de la vie ecclésiale. L’Encyclique apparaît donc comme la réception, par le magistère, de la redécouverte contemporaine de la dimension ecclésiale de l’Eucharistie. C’est en particulier la réflexion du P. de Lubac – exprimée surtout dans Méditations sur l’Église (1953), et synthétisée par l’adage : l’Eucharistie fait l’Église – qui trouve ainsi une sorte de consécration.

Il s’agit d’un acte magistériel, qui peut donc se réclamer de l’exemple de Paul s’adressant à Timothée : « Je t’adjure (…) proclame la Parole, insiste à temps et à contre-temps, reprends, menace, exhorte, toujours avec patience et souci d’enseigner » (2 Tm 4,1-2). Le Saint Père y expose certains éléments de la foi en vue d’affermir l’ensemble des fidèles dans la vérité. Sur ce point, il s’inscrit donc, en nette continuité avec l’encyclique Mysterium fidei de Paul VI (3 septembre 1965, qui portait surtout sur la question de la transformation eucharistique et sur la doctrine de la « présence réelle »), ou encore avec le préambule doctrinal de la Présentation Générale du Missel Romain qui souligne le fait que le Missel est le « témoignage d’une foi inchangée » (PGMR 2001, II-V). Parce que l’Eucharistie est ce que « l’Église peut avoir de plus précieux dans sa marche au long de l’histoire », le Pape Jean-Paul II exprime à son tour, l’attention empressée que le magistère a « toujours réservée au Mystère eucharistique » (n.9). L’encyclique rappelle par conséquent un certain nombre de principes en vue de garantir la vérité de la doctrine et de la pratique, mais aussi la qualité des célébrations liturgiques.

Sur le plan théorique, le chapitre 1er intitulé « Mystère de la foi » reprend l’enseignement classique de la théologie catholique, avec les catégories du Concile de Trente : « sacrifice », « présence réelle » et « communion ». Le sacrifice – entendu comme « re-présentation sacramentelle » de la Passion et de la mort sur la Croix (n.11) – est mis en relation avec la catégorie de « mémorial » retrouvée par les théologiens contemporains (n.11) : car le « mémorial de la mort et de la résurrection (du) Seigneur, cet événement central du salut est rendu réellement présent et ainsi » s’opère l’œuvre de notre rédemption [1] (n.11). La « présence réelle », quant à elle, est mise heureusement en relation avec la résurrection parce que « c’est en tant que vivant et ressuscité que le Christ peut, dans l’Eucharistie, se faire »pain de la vie« (Jn 6,35.48), »pain vivant« (Jn 6,51) » (n.14). Enfin la « communion » est présentée avant tout comme participation au banquet qui est le don de l’Esprit (n.17), gage de la résurrection (n.18), et anticipation eschatologique de la vie éternelle (n.19).

Sur le plan pratique, les rappels concernent surtout deux points. D’une part, le texte réaffirme le lien fondamental entre pénitence et Eucharistie (n.37), en le fondant sur le fait que « la communion invisible, tout en étant par nature toujours en croissance, suppose la vie de la grâce, (…) et la pratique des vertus (…) » (n.36). Il convient cependant de souligner que le texte précise que « Évidemment, le jugement sur l’état de grâce appartient au seul intéressé, puisqu’il s’agit d’un jugement de conscience » (n.37). D’autre part, pour ce qui concerne la qualité des célébrations, outre un rappel de la nécessaire fidélité aux prescriptions liturgiques présentée, loin de tout rubricisme, comme « l’expression concrète du caractère ecclésial authentique de l’Eucharistie » (n.52), il faut relever un développement original sur l’importance de l’art sacré (n.49-51). Le Saint Père souligne qu’en se laissant porter par le mystère eucharistique, la foi de l’Église s’est exprimée « non seulement par la requête d’une attitude intérieure de dévotion », mais aussi « par une série d’expressions extérieures, destinées à évoquer et à souligner la grandeur de l’événement célébré » (n.49). Le patrimoine artistique lié à l’Eucharistie touche en effet tous les domaines de la création – architecture, sculpture, peinture, musique – au point que l’Eucharistie « a aussi influencé fortement la » culture « , spécialement dans le domaine esthétique » (n.49).

C’est dans le prolongement de ces repères théologiques et pastoraux, et à travers eux, que l’encyclique Ecclesia de Eucharistia oriente la recherche théologique en donnant des indications sur un certain nombre de points difficiles.

Le n.15 encourage les théologiens dans leur effort de compréhension du mystère eucharistique, en notant qu’ils sont « d’autant plus utiles et pénétrants » qu’ils permettent « de conjuguer l’exercice critique de la pensée avec » la foi vécue « de l’Église ». A ce propos, le Pape rappelle la limite de la recherche, celle même qui était déjà indiquée par Paul VI : « maintenir que, dans la réalité elle-même, indépendante de notre esprit, le pain et le vin ont cessé d’exister après la consécration, en sorte que c’est le corps et le sang adorables du Seigneur Jésus qui, dès lors, sont réellement présents devant nous sous les espèces sacramentelles du pain et du vin » [2]

C’est avec cet éclairage qu’il faut comprendre par exemple l’insistance, au n.25, du lien entre célébration de l’Eucharistie et culte rendu à l’Eucharistie en dehors de la messe. Le renouveau actuel de l’adoration du Saint Sacrement, une pratique héritée de la piété médiévale, peut être considéré comme un signe des temps et l’un des aspects de « foi vécue » au sein du Peuple de Dieu, que les théologiens ont à faire dialoguer avec les acquis récents de la réflexion théologique. La recherche théologique s’approfondit à l’écoute de l’Esprit qui parle au cœur de l’Église, et par une réflexion sans cesse renouvelée sur la tradition doctrinale, et sur le ressourcement en tradition opéré à propos de la Messe par le Concile Vatican II. Parallèlement, l’encyclique souligne le caractère « inachevé » des célébrations dominicales en l’absence de prêtres (n.32). L’action eucharistique, célébration de la mort et de la résurrection du Christ est le centre de la vie eucharistique à partir duquel rayonnent aussi bien le culte de l’eucharistie en dehors de la messe que les célébrations de la parole en l’absence de ministre ordonné.

Parce qu’elle porte sur le lien entre Eglise et Eucharistie, Ecclesia de Eucharistia accorde une attention décisive à la dimension œcuménique. Il convient d’en souligner l’importance – c’est un aspect qu’on retrouve tout au long du texte (n.10, 30, 43, 61) -, et cela même si la position retenue peut apparaître en retrait par rapport à certaines attentes. A la question de savoir si la célébration commune de l’Eucharistie peut constituer un chemin vers l’unité des Eglises, le Pape répond clairement par la négative (n.30), mais il le fait au nom même des exigences de la recherche de la pleine communion. A notre connaissance, jamais un texte magistériel sur l’Eucharistie n’aura intégré à ce point la préoccupation œcuménique.

C’est avec la même recherche de cohérence que le Pape aborde la question décisive du rapport entre l’Eucharistie et le ministère ordonné. La notion d’« apostolicité » doit pouvoir s’appliquer autant au Mystère eucharistique qu’à l’Église : c’est pourquoi le chapitre III reprend la triple signification du terme « apostolique » proposée par le Catéchisme de l’Église Catholique (CEC n.857) : fondée sur les apôtres, célébrée conformément à la foi des apôtres, et dirigée par les successeurs des apôtres dans le ministère ordonné. Le ministère ordonné apparaît alors comme don et comme structure fondamentale de la célébration eucharistique : « Pour être véritablement une assemblée eucharistique, l’assemblée qui se réunit pour la célébration de l’Eucharistie a absolument besoin d’un prêtre ordonné qui la préside. D’autre part, la communauté n’est pas en mesure de se donner à elle-même son ministre ordonné. Celui-ci est un don qu’elle reçoit à travers la succession épiscopale qui remonte jusqu’aux apôtres » (n.29).

Le n.39 est, d’une certaine manière, un sommet, dans la mesure où il tire les conséquences du lien entre communion ecclésiale et Eucharistie. Le texte souligne que l’Eucharistie n’est jamais réductible à la communauté qui célèbre car « en recevant la présence eucharistique du Seigneur », la communauté « reçoit l’intégralité du don du salut » et, donc « dans sa particularité visible permanente », elle « se manifeste aussi comme image et vraie présence de l’Église une, sainte, catholique et apostolique » [3]. Contre toute tentation de replis sur le groupe, le Saint Père insiste sur l’importance des marques de communion avec l’Évêque du lieu et le Pontife romain, car « l’Évêque est le principe visible et le fondement de l’unité dans son Église particulière » [4] On sait combien ce principe est important dans un temps où des groupes catholiques, de toutes tendances, risquent de s’isoler, en promouvant des pratiques si différentes de celles de l’Église locale qu’elles donnent à voir et à penser que ces groupes ne sont plus vraiment en communion avec elle.

C’est peut-être avec cet éclairage qu’il faut comprendre aussi le développement final (chapitre VI), qui invite à se mettre à l’école de Marie, dénommée la « femme eucharistique » pour « redécouvrir dans toute sa richesse le rapport intime qui unit l’Église et l’Eucharistie ». Jean-Paul II, dans la lettre Rosarium Virginis Mariae, a voulu inscrire l’institution de l’Eucharistie parmi les mystères lumineux du Rosaire. C’est parce que la figure de Marie renvoie toujours au lien entre Dieu et l’humanité, que « Marie est présente, avec l’Église et comme Mère de l’Église, en chacune de nos Célébrations eucharistiques » (n.57).

Sur ce point, le Pape rejoint, à sa façon, les redécouvertes théologiques du XXe siècle qui ont valorisé, et la « bénédiction » (cf. la berakhah juive) et « l’action de grâces » (du grec eucharistein) comme structures fondamentales de l’Eucharistie. En finissant sur la méditation du Magnificat, le Pape montre que la prière de Marie, telle que l’Évangile nous la fait percevoir, est de forme eucharistique : « Si le Magnificat exprime la spiritualité de Marie, rien ne nous aide à vivre le mystère eucharistique autant que cette spiritualité. L’Eucharistie nous est donnée pour que notre vie, comme celle de Marie, soit tout entière un Magnificat ! » (n.58).

En définitive, Ecclesia de Eucharistia occupe une place significative dans l’enseignement récent du magistère. Elle prend place dans la série des textes publiés à la suite du grand jubilé de l’an 2000. Le Saint Père y invite les catholiques « à contempler le visage du Christ, à le contempler avec Marie » : « Contempler le Christ requiert qu’on sache le reconnaître partout où il se manifeste, dans la multiplicité de ses modes de présence, mais surtout dans le Sacrement vivant de son corps et de son sang. L’Église vit du Christ eucharistique, par lui elle est nourrie, par lui elle est illuminée. L’Eucharistie est un mystère de foi, et en même temps un » mystère lumineux  » [5](n. 7) « .

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[1] Concile Vatican II, Constitution Lumen gentium, n.3

[2] Paul VI, Profession de foi (30 juin 1968), n. 25 : AAS 60 (1968), pp. 442-443 ; La Documentation catholique 65 (1968), col. 1256.

[3] Cf. Congregation pour la Doctrine de la Foi, Lettre Communionis notio (28 mai 1992), n.11 : AAS 85 (1993), p. 844 ; La Documentation catholique 89 (1992), p. 731.

[4] Cf. Vatican II, Constitution Lumen gentium, n. 23

[5] Cf. Jean-Paul II, Lettre apostolique Rosarium Virginis Mariæ (16 octobre 2002), . 21 : AAS 95 (2003), p. 20 ; La Documentation catholique 99 (2002), pp. 959-960.

Homélie pascal ancienne: Le Christ est mort pour que nous ayons la vie.

17 avril, 2009

MERCREDI 15 AVRIL 2009 – Mercredi de Pâques

LITURGIE DES HEURES – OFFICE DES LECTURES

HOMÉLIE PASCALE ANCIENNE

Le Christ est mort pour que nous ayons la vie.

Saint Paul, rappelant l’heureux événement de notre salut restitué, s’écrie: De même que par Adam la mort est entrée dans le monde, c’est ainsi que par le Christ le salut a été rendu au monde. Et encore: Pétri de terre, le premier homme vient de la terre. Le deuxième homme, lui, vient du ciel. Et il ajoute: De même que nous portons l’image de celui qui est pétri de terre, c’est-à-dire de l’homme ancien, pécheur, de même nous porterons l’image de celui qui vient du ciel, c’est-à-dire que nous posséderons dans le Christ le salut de l’homme adopté, racheté, restauré et purifié. Car le même Apôtre dit: En premier, est ressuscité le Christ, c’est-à-dire l’auteur de la résurrection et de la vie, ensuite ceux qui seront au Christ, c’est-à-dire ceux qui vivent selon son modèle de pureté: ils auront en toute sécurité l’espérance de la résurrection, car ils posséderont avec lui la gloire promise par Dieu. En effet, le Seigneur a dit dans l’Evangile: Celui qui me suivra ne périra pas, mais il passera de la mort à la vie.

Ainsi, la passion du Christ, c’est le salut de la vie humaine. Car c’est pour cela qu’il a voulu mourir pour nous: afin que, croyant en lui, nous ayons la vie sans fin. Il a voulu devenir pour un temps ce que nous sommes, afin qu’ayant reçu la promesse de l’éternité, nous vivions sans fin avec lui.

Telle est la grâce des mystères célestes, tel est le don de la Pâque, telle est cette fête annuelle, si désirable, telle est l’aurore du monde nouveau.

C’est pourquoi les nouveau-nés, mis au monde par cet enfantement qu’est le baptême de vie donné par la sainte Église, régénérés dans la simplicité des enfants, font retentir les accents de l’innocence. C’est pourquoi des pères chastes et des mères pleines de pudeur engendrent par la foi une innombrable descendance nouvelle.

C’est pourquoi, sous l’arbre de la foi, du sein d’une source pure, brille l’éclat des cierges. C’est pourquoi ces enfants sont sanctifiés par le don d’une grâce céleste et sont nourris par le mystère d’un sacrement célébré dans l’Esprit.

C’est pourquoi, une troupe de frères, élevée sur les genoux de la sainte Eglise pour former un seul peuple, adorant la nature de la divinité unique et le nom de sa puissance en trois Personnes, s’unit au Prophète pour chanter le psaume de la solennité annuelle: Voici le jour que fit le Seigneur: qu’il soit pour nous jour de fête et de joie.

Quel est donc ce jour? Celui qui a donné naissance à la vie, qui a fait éclore le jour, l’auteur de la lumière, c’est-à-dire le Seigneur Jésus Christ en personne, qui a dit lui-même: Moi, je suis le jour; celui qui marche de jour ne trébuche pas. Autrement dit: celui qui suit le Christ en toute chose, parviendra sur ses traces au trône de l’éternelle lumière. C’est ainsi qu’aux derniers jours de sa vie mortelle lui-même a prié le Père pour nous en disant: Père, je veux que là où je suis, ceux qui ont cru en moi soient aussi; comme tu es en moi et moi en toi, qu’ils demeurent en nous.

La célébration du mystère pascal de Jésus Christ (2006 année B)

8 avril, 2009

du site:

http://mlambret.free.fr/article.php3?id_article=469

La célébration du mystère pascal de Jésus Christ

La semaine sainte et le Triduum pascal
Jeudi saint, Vendredi saint, Samedi saint, Nuit de Pâques et Jour de Pâques

dimanche 9 avril 2006. 

Les « jours saints » sont mis à part des autres jours, comme le signifie la racine indo-européenne du mot saint, “sak”, qui signifie “au-delà”, car ils sont la source de tous les autres jours.

Les événements historiques que nous célébrons pendant le Triduum, la passion, la mort et la résurrection du Fils de Dieu, sont précisément ce qui réalise le Salut et ce qui est l’objet de notre foi. Les liturgies de ces jours “à part” sont donc la source des célébrations de toute l’année, le prototype de toute liturgie, car toute liturgie célèbre, c’est-à-dire signifie et réalise, le mystère pascal du Christ Jésus. Les célébrations du Triduum sont, selon le Catéchisme de l’Église Catholique, « la source de lumière qui emplit toute l’année liturgique de sa clarté » (N°1168).

Triduum signifie “trois jours”. Lors de ces trois jours, nous célébrons le passage de Jésus, de ce monde à son Père, qui est donc à la fois la Source de son être et de toute chose, et sa “destination” finale. C’est ce que nous dit saint Jean dans son évangile, par cette phrase qui revient pour nous comme un refrain : « Au moment de passer de ce monde à son Père, Jésus disait à ses disciples… ».

En effet, dans le Triduum, on ne célèbre pas successivement de façon séparée la Cène, la Passion, la Croix, le Tombeau, puis la Résurrection, mais bien ce mouvement du Fils de Dieu vers son père, sa Pâque, son passage qui ouvre le passage à toute l’humanité et à toute la création. Élevé sur la croix vers le Père, le Christ reçoit le coup de lance qui lui ouvre le côté. Il en sort de l’eau et du sang. Là est la source du Salut pour les hommes. Avec le Christ, c’est l’ensemble du peuple des rachetés qui effectue son passage vers le Père. L’unité du Triduum doit être célébrée et vécue comme telle. Cette unité apparaît mieux quand on compte les jours à la manière de la Bible. Le jour biblique commence le soir au coucher du soleil et s’achève le lendemain soir. Aussi le Triduum ne correspond-il pas à proprement parler avec “nos jours saints”, qui d’ailleurs sont au nombre de quatre et non de trois : jeudi, vendredi, samedi et dimanche. En fait, le premier jour du Triduum, celui de la Passion, commence le jeudi soir et comprend toute la journée du vendredi jusqu’à la mise au tombeau. Le deuxième, jour du Tombeau, commence donc vendredi soir et se prolonge jusqu’à la vigile pascale, samedi soir. Enfin, le troisième jour, jour de la résurrection, commence dans la nuit du samedi au dimanche et comprend tout le dimanche.

Ce dernier jour, d’ailleurs, “n’a pas de fin”. Car il est précisément ce passage de l’obscurité à la lumière, le mouvement même du Salut, que nous célébrons dans tout le Triduum et qui est pour toujours. En lui l’histoire de la création depuis la chute se révèle un passage de la nuit au jour par la grâce de Dieu. Or, ce jour du salut n’a pas de fin, car la vie en Dieu ne connaît pas la mort. Et déjà, je dirai que chaque instant de notre vie de disciples dans la foi est un instant d’éternité dans la résurrection du Seigneur. Dans toute la liturgie du Triduum c’est donc cet événement unique, la Pâque du Seigneur, que nous célébrons, même si historiquement il y a bien eu une succession de moments. Ainsi, on ne peut pas célébrer la messe du Jeudi saint sans que ce soit aussi la mémoire de la passion et de la résurrection du Seigneur. De même, le Vendredi saint, on ne fait pas semblant d’être avant la résurrection. Ce qu’on célèbre le vendredi saint, c’est la Rédemption. Et si l’on peut la célébrer, c’est précisément parce que le Christ est ressuscité.

Chacune des liturgies du Triduum, à l’intérieur de l’unique mystère pascal, célèbre néanmoins plus particulièrement un certain aspect de ce mystère.

Le Jeudi Saint est comme un prologue de la Passion. Il pose trois affirmations principales : d’abord que la Passion de Jésus est l’événement du Salut pour tous les hommes, ensuite que cet événement accomplit les Écritures et les promesses faites à Israël, enfin que ce salut va se réaliser pour, dans, et par l’Église jusqu’à la fin du monde. C’est ce que nous entendons dans les trois lectures de ce jour : la mémoire de la Pâque d’Israël au livre de l’Exode, le commandement du Seigneur, transmis par saint Paul, de partager son corps et son sang en mémoire de lui, et le lavement des pieds en saint Jean. À travers ces trois textes, nous voyons que la veille de sa Passion, Jésus institue l’Eucharistie, sacrifice de la Nouvelle Alliance. Et en instituant l’Eucharistie, Jésus institue son corps qui est l’Église, corps dont il est la tête, et il institue aussi les Apôtres et leurs successeurs qui tiendront sa place à la tête du corps, car ils présideront l’Eucharistie. C’est donc également l’institution du sacerdoce ministériel. Le lavement des pieds, enfin, signifie plus précisément la constitution de l’Église dans la charité, dans l’Amour qui vient du Christ. En effet, les pieds des Apôtres ont un sens symbolique : ils sont le signe de la charge apostolique. « Comme ils sont beaux, les pieds des messagers », annonçait déjà le prophète Isaïe (52.7). En lavant les pieds des Douze, Jésus institue et consacre la mission de l’Église : il assume l’action apostolique à venir des Apôtres et de toute l’Église, il se met au service de leur service. Il annonce qu’il ne cessera de supporter les faiblesses et les péchés des Apôtres et des fils de l’Église, mais il leur pardonnera et les relèvera toujours, par la vertu des sacrements. Jésus manifeste là toute la réalité de sa charité, charité qu’il nous commande d’avoir les uns pour les autres : « C’est un exemple que je vous donne », dit-il. Ainsi, en même temps qu’il confie aux disciples la charge de sa mission, Jésus leur donne le commandement et la charge de l’amour fraternel. C’est vrai pour les Apôtres et leurs successeurs, et pour toute l’Église.

Le vendredi saint, nous faisons mémoire de la croix du Christ et nous affirmons que Jésus, en son sacrifice, est la source de tout l’événement du Salut. En passant de ce monde à son Père, par sa mort, Jésus ouvre pour nous son côté d’où coulent l’eau et le sang. Les Pères de l’Église y ont vu dans l’eau du baptême et le sang de l’eucharistie, les deux sacrements principaux. Ainsi, comme Ève naît du côté d’Adam, l’Église naît du côté du Christ. L’Église est, selon l’expression du Concile Vatican II, « comme le sacrement du Salut ». C’est précisément le sens qu’il faut donner à la vénération de la croix le Vendredi saint. Lors de cette procession, les chrétiens affirment que la croix de Jésus les libère du péché et reconnaissent en elle le Salut du monde. C’est l’affirmation essentielle de notre foi. C’est croire qu’en tournant mon regard vers le Fils de Dieu crucifié, je détourne ma personne et toute ma vie du péché. A l’image du Christ qui a supporté toutes les souffrances, et par la puissance de son intercession, je convertis mon coeur à l’Amour. Dans ma vie quotidienne, je découvre par exemple que je deviens capable de patienter et de renoncer à mes colères. C’est aussi le sens de la grande prière universelle qui précède la vénération de la Croix. L’Église prie pour que lui soient données l’unité, la paix et la sainteté. On peut d’ailleurs remarquer que la plus grande partie de cette prière universelle est consacrée à l’Église et à ceux qui lui sont le plus proches. Ainsi, à l’instar de Jésus qui proclame en saint Jean « Ce n’est pas pour le monde que je prie, mais pour ceux que tu m’as donnés », l’Église manifeste sa conviction de foi que lorsque Dieu la comble de ses dons, par elle, il comble le monde. Parce que, déjà, lorsque Dieu ressuscite son Fils, c’est le monde qu’il sauve.

Le Samedi saint, il ne se passe rien. Il n’y a pas de liturgie sacramentelle, pas d’Eucharistie surtout. Nous faisons mémoire du Christ au tombeau en silence. Comme pour mieux entrer dans l’inouï de l’événement : celui-là même qui est la Vie, est mort ! Ce paradoxe absolu est monstrueux pour nous. Jésus est descendu dans l’abîme le plus profond de l’homme. Pour nous tous, c’est un jour de mort dans le Seigneur. Un jour de mort au péché, une mort qui, au lieu d’apporter la corruption, révèle la sainteté. C’est donc un jour de silence où nous sommes appelés à demeurer dans l’espérance. En demeurant au tombeau, Jésus rejoint toute mort et tous les morts. Et en les rejoignant, il leur apporte le Salut. Ainsi, au plus profond des abîmes de l’humanité luit la lumière du Christ. Dans tout ce qu’il y a de plus horrible au monde, l’espérance du Salut peut s’annoncer, car il n’y a pas de situation désespérée pour Dieu en ce monde qu’il est venu sauver.

Dans la nuit de la Vigile pascale, le silence est rompu par le chant de l’Exsultet, et la nuit est vaincue par la flamme du cierge pascal qui se propage de cierge en cierge parmi les fidèles. Dans cette nuit de Pâque, en célébrant la résurrection du Christ, nous affirmons que tous les hommes sont appelés à ressusciter à sa suite, et que la création est appelée à être transfigurée en lui. Tel est le sens de la liturgie de la lumière : le cierge pascal représente le Christ ressuscité qui vient illuminer notre nuit de sa joie et de sa résurrection. Sa lumière se propage dans l’Église cette nuit comme elle se propage dans le monde, depuis la Pentecôte, par la foi des baptisés. La vigile pascale est mémoire du salut depuis la création jusqu’à la fin du monde. La grande liturgie de la Parole de cette nuit nous offre neuf lectures, sept de l’Ancien Testament, deux du Nouveau. La première nous rappelle que Dieu a créé le monde par sa parole : « Dieu dit que la lumière soit, et la lumière fut. » Tout au long de l’histoire d’Israël (les six autres lectures), Dieu accomplit pour son peuple les gestes du salut. Et lorsque les temps sont accomplis, Dieu sauve le monde par son propre Fils, Jésus, le Verbe incarné, la Parole éternelle en qui il a créé le monde devenue l’un d’entre nous. Ces lectures font entendre aux chrétiens l’unité de la parole de Dieu dans son déploiement biblique, et l’unité de son action dans son développement historique. L’Église choisit cette nuit pour baptiser les catéchumènes parce que la liturgie baptismale réalise ce que la foi affirme, c’est-à-dire que Jésus est le premier né d’entre les morts, le premier homme à passer de l’ombre de la mort à la lumière de la vie, afin qu’elle puisse faire naître à cette vie nouvelle d’enfants de Dieu les hommes sauvés par son sacrifice pascal.

Vient enfin le grand dimanche de Pâques, où nous célébrons la résurrection du Christ. En fait, la résurrection du Seigneur est célébrée pendant cinquante jours, jusqu’à la Pentecôte, ce temps pascal étant comme un seul jour où le Christ, Agneau offert en sacrifice et ressuscité d’entre les morts envoie l’Esprit Saint. L’Esprit Saint en effet, « Fleuve de vie qui jaillit du trône de Dieu et de l’Agneau » (Apocalypse 22,1), a sa source dans la croix, arbre de vie. Le dimanche de Pâque, jour du tombeau vide, nous entendons la parole de l’Ange : « Ne cherchez pas parmi les morts celui qui est Vivant! »

La célébration du mystère pascal de Jésus Christ

1 avril, 2009

du site:

http://mlambret.free.fr/article.php3?id_article=469

La célébration du mystère pascal de Jésus Christ

La semaine sainte et le Triduum pascal
Jeudi saint, Vendredi saint, Samedi saint, Nuit de Pâques et Jour de Pâques
dimanche 9 avril 2006.
 

Les « jours saints » sont mis à part des autres jours, comme le signifie la racine indo-européenne du mot saint, “sak”, qui signifie “au-delà”, car ils sont la source de tous les autres jours.

Les événements historiques que nous célébrons pendant le Triduum, la passion, la mort et la résurrection du Fils de Dieu, sont précisément ce qui réalise le Salut et ce qui est l’objet de notre foi. Les liturgies de ces jours “à part” sont donc la source des célébrations de toute l’année, le prototype de toute liturgie, car toute liturgie célèbre, c’est-à-dire signifie et réalise, le mystère pascal du Christ Jésus. Les célébrations du Triduum sont, selon le Catéchisme de l’Église Catholique, « la source de lumière qui emplit toute l’année liturgique de sa clarté » (N°1168).

Triduum signifie “trois jours”. Lors de ces trois jours, nous célébrons le passage de Jésus, de ce monde à son Père, qui est donc à la fois la Source de son être et de toute chose, et sa “destination” finale. C’est ce que nous dit saint Jean dans son évangile, par cette phrase qui revient pour nous comme un refrain : « Au moment de passer de ce monde à son Père, Jésus disait à ses disciples… ».

En effet, dans le Triduum, on ne célèbre pas successivement de façon séparée la Cène, la Passion, la Croix, le Tombeau, puis la Résurrection, mais bien ce mouvement du Fils de Dieu vers son père, sa Pâque, son passage qui ouvre le passage à toute l’humanité et à toute la création. Élevé sur la croix vers le Père, le Christ reçoit le coup de lance qui lui ouvre le côté. Il en sort de l’eau et du sang. Là est la source du Salut pour les hommes. Avec le Christ, c’est l’ensemble du peuple des rachetés qui effectue son passage vers le Père. L’unité du Triduum doit être célébrée et vécue comme telle. Cette unité apparaît mieux quand on compte les jours à la manière de la Bible. Le jour biblique commence le soir au coucher du soleil et s’achève le lendemain soir. Aussi le Triduum ne correspond-il pas à proprement parler avec “nos jours saints”, qui d’ailleurs sont au nombre de quatre et non de trois : jeudi, vendredi, samedi et dimanche. En fait, le premier jour du Triduum, celui de la Passion, commence le jeudi soir et comprend toute la journée du vendredi jusqu’à la mise au tombeau. Le deuxième, jour du Tombeau, commence donc vendredi soir et se prolonge jusqu’à la vigile pascale, samedi soir. Enfin, le troisième jour, jour de la résurrection, commence dans la nuit du samedi au dimanche et comprend tout le dimanche.

Ce dernier jour, d’ailleurs, “n’a pas de fin”. Car il est précisément ce passage de l’obscurité à la lumière, le mouvement même du Salut, que nous célébrons dans tout le Triduum et qui est pour toujours. En lui l’histoire de la création depuis la chute se révèle un passage de la nuit au jour par la grâce de Dieu. Or, ce jour du salut n’a pas de fin, car la vie en Dieu ne connaît pas la mort. Et déjà, je dirai que chaque instant de notre vie de disciples dans la foi est un instant d’éternité dans la résurrection du Seigneur. Dans toute la liturgie du Triduum c’est donc cet événement unique, la Pâque du Seigneur, que nous célébrons, même si historiquement il y a bien eu une succession de moments. Ainsi, on ne peut pas célébrer la messe du Jeudi saint sans que ce soit aussi la mémoire de la passion et de la résurrection du Seigneur. De même, le Vendredi saint, on ne fait pas semblant d’être avant la résurrection. Ce qu’on célèbre le vendredi saint, c’est la Rédemption. Et si l’on peut la célébrer, c’est précisément parce que le Christ est ressuscité.

Chacune des liturgies du Triduum, à l’intérieur de l’unique mystère pascal, célèbre néanmoins plus particulièrement un certain aspect de ce mystère.

Le Jeudi Saint est comme un prologue de la Passion. Il pose trois affirmations principales : d’abord que la Passion de Jésus est l’événement du Salut pour tous les hommes, ensuite que cet événement accomplit les Écritures et les promesses faites à Israël, enfin que ce salut va se réaliser pour, dans, et par l’Église jusqu’à la fin du monde. C’est ce que nous entendons dans les trois lectures de ce jour : la mémoire de la Pâque d’Israël au livre de l’Exode, le commandement du Seigneur, transmis par saint Paul, de partager son corps et son sang en mémoire de lui, et le lavement des pieds en saint Jean. À travers ces trois textes, nous voyons que la veille de sa Passion, Jésus institue l’Eucharistie, sacrifice de la Nouvelle Alliance. Et en instituant l’Eucharistie, Jésus institue son corps qui est l’Église, corps dont il est la tête, et il institue aussi les Apôtres et leurs successeurs qui tiendront sa place à la tête du corps, car ils présideront l’Eucharistie. C’est donc également l’institution du sacerdoce ministériel. Le lavement des pieds, enfin, signifie plus précisément la constitution de l’Église dans la charité, dans l’Amour qui vient du Christ. En effet, les pieds des Apôtres ont un sens symbolique : ils sont le signe de la charge apostolique. « Comme ils sont beaux, les pieds des messagers », annonçait déjà le prophète Isaïe (52.7). En lavant les pieds des Douze, Jésus institue et consacre la mission de l’Église : il assume l’action apostolique à venir des Apôtres et de toute l’Église, il se met au service de leur service. Il annonce qu’il ne cessera de supporter les faiblesses et les péchés des Apôtres et des fils de l’Église, mais il leur pardonnera et les relèvera toujours, par la vertu des sacrements. Jésus manifeste là toute la réalité de sa charité, charité qu’il nous commande d’avoir les uns pour les autres : « C’est un exemple que je vous donne », dit-il. Ainsi, en même temps qu’il confie aux disciples la charge de sa mission, Jésus leur donne le commandement et la charge de l’amour fraternel. C’est vrai pour les Apôtres et leurs successeurs, et pour toute l’Église.

Le vendredi saint, nous faisons mémoire de la croix du Christ et nous affirmons que Jésus, en son sacrifice, est la source de tout l’événement du Salut. En passant de ce monde à son Père, par sa mort, Jésus ouvre pour nous son côté d’où coulent l’eau et le sang. Les Pères de l’Église y ont vu dans l’eau du baptême et le sang de l’eucharistie, les deux sacrements principaux. Ainsi, comme Ève naît du côté d’Adam, l’Église naît du côté du Christ. L’Église est, selon l’expression du Concile Vatican II, « comme le sacrement du Salut ». C’est précisément le sens qu’il faut donner à la vénération de la croix le Vendredi saint. Lors de cette procession, les chrétiens affirment que la croix de Jésus les libère du péché et reconnaissent en elle le Salut du monde. C’est l’affirmation essentielle de notre foi. C’est croire qu’en tournant mon regard vers le Fils de Dieu crucifié, je détourne ma personne et toute ma vie du péché. A l’image du Christ qui a supporté toutes les souffrances, et par la puissance de son intercession, je convertis mon coeur à l’Amour. Dans ma vie quotidienne, je découvre par exemple que je deviens capable de patienter et de renoncer à mes colères. C’est aussi le sens de la grande prière universelle qui précède la vénération de la Croix. L’Église prie pour que lui soient données l’unité, la paix et la sainteté. On peut d’ailleurs remarquer que la plus grande partie de cette prière universelle est consacrée à l’Église et à ceux qui lui sont le plus proches. Ainsi, à l’instar de Jésus qui proclame en saint Jean « Ce n’est pas pour le monde que je prie, mais pour ceux que tu m’as donnés », l’Église manifeste sa conviction de foi que lorsque Dieu la comble de ses dons, par elle, il comble le monde. Parce que, déjà, lorsque Dieu ressuscite son Fils, c’est le monde qu’il sauve.

Le Samedi saint, il ne se passe rien. Il n’y a pas de liturgie sacramentelle, pas d’Eucharistie surtout. Nous faisons mémoire du Christ au tombeau en silence. Comme pour mieux entrer dans l’inouï de l’événement : celui-là même qui est la Vie, est mort ! Ce paradoxe absolu est monstrueux pour nous. Jésus est descendu dans l’abîme le plus profond de l’homme. Pour nous tous, c’est un jour de mort dans le Seigneur. Un jour de mort au péché, une mort qui, au lieu d’apporter la corruption, révèle la sainteté. C’est donc un jour de silence où nous sommes appelés à demeurer dans l’espérance. En demeurant au tombeau, Jésus rejoint toute mort et tous les morts. Et en les rejoignant, il leur apporte le Salut. Ainsi, au plus profond des abîmes de l’humanité luit la lumière du Christ. Dans tout ce qu’il y a de plus horrible au monde, l’espérance du Salut peut s’annoncer, car il n’y a pas de situation désespérée pour Dieu en ce monde qu’il est venu sauver.

Dans la nuit de la Vigile pascale, le silence est rompu par le chant de l’Exsultet, et la nuit est vaincue par la flamme du cierge pascal qui se propage de cierge en cierge parmi les fidèles. Dans cette nuit de Pâque, en célébrant la résurrection du Christ, nous affirmons que tous les hommes sont appelés à ressusciter à sa suite, et que la création est appelée à être transfigurée en lui. Tel est le sens de la liturgie de la lumière : le cierge pascal représente le Christ ressuscité qui vient illuminer notre nuit de sa joie et de sa résurrection. Sa lumière se propage dans l’Église cette nuit comme elle se propage dans le monde, depuis la Pentecôte, par la foi des baptisés. La vigile pascale est mémoire du salut depuis la création jusqu’à la fin du monde. La grande liturgie de la Parole de cette nuit nous offre neuf lectures, sept de l’Ancien Testament, deux du Nouveau. La première nous rappelle que Dieu a créé le monde par sa parole : « Dieu dit que la lumière soit, et la lumière fut. » Tout au long de l’histoire d’Israël (les six autres lectures), Dieu accomplit pour son peuple les gestes du salut. Et lorsque les temps sont accomplis, Dieu sauve le monde par son propre Fils, Jésus, le Verbe incarné, la Parole éternelle en qui il a créé le monde devenue l’un d’entre nous. Ces lectures font entendre aux chrétiens l’unité de la parole de Dieu dans son déploiement biblique, et l’unité de son action dans son développement historique. L’Église choisit cette nuit pour baptiser les catéchumènes parce que la liturgie baptismale réalise ce que la foi affirme, c’est-à-dire que Jésus est le premier né d’entre les morts, le premier homme à passer de l’ombre de la mort à la lumière de la vie, afin qu’elle puisse faire naître à cette vie nouvelle d’enfants de Dieu les hommes sauvés par son sacrifice pascal.

Vient enfin le grand dimanche de Pâques, où nous célébrons la résurrection du Christ. En fait, la résurrection du Seigneur est célébrée pendant cinquante jours, jusqu’à la Pentecôte, ce temps pascal étant comme un seul jour où le Christ, Agneau offert en sacrifice et ressuscité d’entre les morts envoie l’Esprit Saint. L’Esprit Saint en effet, « Fleuve de vie qui jaillit du trône de Dieu et de l’Agneau » (Apocalypse 22,1), a sa source dans la croix, arbre de vie. Le dimanche de Pâque, jour du tombeau vide, nous entendons la parole de l’Ange : « Ne cherchez pas parmi les morts celui qui est Vivant ! »

Benoît XVI : Le Triduum pascal

30 mars, 2009

du site:

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/audiences/2006/documents/hf_ben-xvi_aud_20060412_it.html

BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 12 avril 2006 

Le Triduum pascal

Chers frères et soeurs,

Demain commence le Triduum pascal, qui est le sommet de toute l’année liturgique. Aidés par les saints rites du Jeudi Saint, du Vendredi Saint et de la Veillée pascale solennelle, nous revivrons le mystère de la passion, de la mort et de la résurrection du Seigneur. Il s’agit de journées capables de réveiller en nous un plus vif désir d’adhérer au Christ et de le suivre généreusement, conscients du fait qu’Il nous a aimés jusqu’à donner sa vie pour nous. Que sont, en effet, les événements que le saint Triduum nous repropose, sinon la manifestation sublime de cet amour de Dieu pour l’homme? Apprêtons-nous donc à célébrer le Triduum pascal en accueillant l’exhortation de saint Augustin:  « A présent, considère avec attention les trois saints jours de la crucifixion, de la sépulture et de la résurrection du Seigneur. De ces trois mystères, nous accomplissons dans la vie présente ce dont la croix est le symbole, alors que nous accomplissons au moyen de la foi et de l’espérance ce dont la sépulture et la résurrection sont le symbole » (Epistola 55, 14, 24:  Nuova Biblioteca Agostiniana (NBA), XXI/II, Rome 1969, p. 477).

Le Triduum pascal s’ouvre demain, Jeudi Saint, avec la Messe vespérale « in Cena Domini », même si le matin a lieu normalement une autre célébration liturgique significative, la Messe chrismale, au cours de laquelle, rassemblé autour de l’Evêque, tout le presbyterium de chaque diocèse renouvelle les promesses sacerdotales, et participe à la bénédiction des huiles des catéchumènes, des malades et du Chrême; et ainsi  ferons-nous ici aussi, à Saint-Pierre demain matin. Outre l’institution du sacerdoce, en ce jour saint on commémore l’offrande totale que le Christ a faite de Lui-même à l’humanité dans le sacrement de l’Eucharistie. Au cours de cette même nuit où il fut trahi, Il nous a laissé comme le rappelle l’Ecriture Sainte, le commandement nouveau – « mandatum novum » – de l’amour fraternel, en accomplissant le geste touchant du lavement des pieds, qui rappelle l’humble service des esclaves. Cette journée particulière, évocatrice de grands mystères, se termine par l’Adoration eucharistique, en souvenir de l’agonie du Seigneur dans le jardin de Gethsémani. L’Evangile rapporte que, pris d’une grande angoisse, Jésus demanda aux siens de veiller avec Lui en restant en prière:  « Demeurez ici et veillez avec moi » (Mt 26, 38), mais les disciples s’endormirent. Aujourd’hui encore, le Seigneur nous dit:  « Demeurez  ici  et veillez avec moi ». Et nous voyons que nous aussi, disciples d’aujourd’hui, nous dormons souvent. Ce fut pour Jésus l’heure de l’abandon et de la solitude, qui fut suivie, dans le coeur de la nuit, par l’arrestation et le début du chemin douloureux vers le Calvaire.

Centré sur le mystère de la Passion, le Vendredi Saint est un jour de jeûne et de pénitence, entièrement orienté vers la contemplation du Christ sur la Croix. Le récit de la passion est proclamé dans les églises et les paroles du prophète Zacharie retentissent:  « Ils lèveront  les yeux vers celui qu’ils ont transpercé » (Jn 19, 37). Et nous aussi, le Vendredi Saint, nous voulons réellement tourner notre regard vers le coeur transpercé du Rédempteur dans lequel – écrit saint Paul – sont « cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance » (Col 2, 3), ou, plus encore, « habite la plénitude de la divinité » (Col 2, 9), c’est pourquoi l’Apôtre peut affirmer de manière décidée ne rien vouloir connaître d’autre « que Jésus Christ, ce Messie crucifié » (1 Co 2, 2). C’est vrai:  la croix révèle « la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur » – les dimensions cosmiques, tel est le sens – d’un amour qui dépasse toute connaissance – l’amour va au-delà de ce que l’on connaît – et nous comble de « la plénitude de Dieu » (Ep 3, 18-19). Dans le mystère du Crucifié « s’accomplit le retournement de Dieu contre lui-même, dans lequel il se donne pour relever l’homme et le sauver – tel est l’amour dans sa forme la plus radicale » (Deus caritas est, n. 12). La Croix du Christ, écrit au V siècle le Pape saint Léon le Grand, « est source de toutes les bénédictions, et cause de toutes les grâces » (Disc. 8 sur la passion du Seigneur, 6-8; PL 54, 340-342).

Le Samedi Saint, l’Eglise, s’unissant spirituellement à Marie, reste en prière auprès du sépulcre, où le corps du Fils de Dieu gît inerte, comme dans une attitude de repos après l’oeuvre créatrice de la rédemption, accomplie avec sa mort (cf. He 4, 1-13). La nuit venue commencera la Veillée pascale solennelle, au cours de laquelle, dans chaque Eglise, les chants joyeux du Gloria et de l’Alleluia pascal s’élèveront du coeur des nouveaux baptisés et de toute la communauté chrétienne, joyeuse car le Christ est ressuscité et a vaincu la mort.

* * *

Je salue cordialement les pèlerins francophones présents ce matin. Puissiez-vous préparer vos cœurs à célébrer ces jours saints et, dans le sacrement de Pénitence, vous laisser réconcilier avec le Christ, accueillant son pardon, pour goûter plus intensément la joie que sa résurrection vous communique. 

D’AELRED DE RIEVAULX : «Aimez vos ennemis».

6 mars, 2009

LITURGIE DES HEURES – OFFICE DES LECTURES – 6 MARZ 2009

LE MIROIR DE LA CHARITÉ, D’AELRED DE RIEVAULX
«Aimez vos ennemis».

Rien ne nous encourage tant à l’amour des ennemis, en lequel consiste la perfection de l’amour fraternel, que de considérer avec gratitude l’admirable patience du plus beau des enfants des hommes. Il a tendu son beau visage aux impies pour qu’ils le couvrent de crachats. Il les a laissés mettre un bandeau sur ces yeux qui d’un signe gouvernent l’univers. Il a exposé son dos au fouet. Il a soumis aux pointes des épines sa tête, devant laquelle doivent trembler princes et puissants. Il s’est livré lui-même aux affronts et aux injures. Et enfin il a supporté patiemment la croix, les clous, la lance, le fiel, le vinaigre, demeurant au milieu de tout cela plein de douceur et de sérénité. Il fut mené comme une brebis à l’abattoir, il s’est tu comme un agneau devant celui qui le tondait, et il n’ouvrit pas la bouche. ~

En entendant cette admirable parole, pleine de douceur, d’amour et d’imperturbable sérénité: Père pardonne-leur, que pourrait-on ajouter à la douceur et à la charité de cette prière?

Et pourtant le Seigneur ajouta quelque chose. Il ne se contenta pas de prier, il voulut aussi excuser; Père, dit-il, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font. Ils sont sans doute de grands pécheurs, mais ils en ont à peine conscience ; c’est pourquoi, Père, pardonne-leur. Ils crucifient, mais ils ne savent pas qui ils crucifient, car s’ils l’avaient su, ils n’auraient jamais crucifié le Seigneur de gloire. C’est pourquoi, Père, pardonne-leur. Ils pensent qu’il s’agit d’un transgresseur de la Loi, d’un usurpateur de la divinité, d’un séducteur du peuple. Je leur ai dissimulé mon visage. Ils n’ont pas reconnu ma majesté. C’est pourquoi, Père, pardonne-leur: ils ne savent pas ce qu’ils font.

Pour apprendre à aimer, que l’homme ne se laisse donc pas entraîner par les impulsions de la chair. Et afin de n’être pas pris par cette convoitise, qu’il porte toute son affection à la douce patience de la chair du Seigneur. Pour trouver un repos plus parfait et plus heureux dans les délices de la charité fraternelle, qu’il étreigne aussi ses ennemis dans les bras du véritable amour.

Mais afin que ce feu divin ne diminue pas à cause des injures, qu’il fixe toujours les yeux de l’esprit sur la sereine patience de son bien-aimé Seigneur et Sauveur.

1er dimanche de Carême (1er mars 2009)

28 février, 2009

du site:

http://www.bible-service.net/site/434.html

1er dimanche de Carême (1er mars 2009)

COMMENTAIRE AUX LECTURES

“ Rappelle-toi, Seigneur ta tendresse, ton amour qui est de toujours. ”    La phrase du psaume introduit à l’important hème de l’Alliance qui est présent dans les textes de ce jour.

Après son baptême, Jésus vit dans le désert parmi les bêtes sauvages. Rappel de Noé qui sort de l’arche après le déluge avec tous les animaux de la création et avec qui Dieu fait alliance.

Avec Jésus Christ, cette alliance s’accomplit en plénitude. Elle est valable pour les hommes de tous les temps, même pour ceux qui sont morts dans le déluge, rappelle Paul. Jésus est le Sauveur universel qui inaugure sa vie publique par un triomphe sur les forces du mal.
 
Genèse 9,8-15
 

Dès le départ, l’humanité se libère de la volonté de Dieu et sombre dans la violence. Caïn ne peut maîtriser le péché tapi à sa porte et se comporte en bête féroce avec son frère Abel. Lameck, un de ses descendants, chante : “ J’ai tué un homme pour une blessure, un enfant pour une meurtrissure. Oui, Caïn sera vengé sept fois, mais Lameck soixante-dix-sept fois ”. L’humanité s’enferme dans le cycle infernal de la violence. Dieu est obligé d’intervenir par un déluge pour effacer son œuvre première. Mais il ne peut se résoudre à en finir une fois pour toute avec l’humanité. En demandant à Noé et aux siens de construire une arche, il les sauve.

Après le déluge, Dieu conclut avec Noé une alliance de paix. Elle est universelle, unilatérale et sans conditions. Dieu s’engage à ne plus ravager la terre. Il raccroche son arc de guerre dans le ciel pour en faire un signe de paix. Visible après chaque orage, l’arc-en-ciel est le signe de l’Alliance entre Dieu et l’humanité. Il est l’anneau nuptial qui relie le ciel à la terre.
 
Psaume 24  

“ Rappelle-toi, Seigneur ta tendresse, ton amour est de toujours ”. Cette expression est au coeur de la théologie de l’Alliance. Israël se souvient de l’Alliance conclue entre Dieu et Abraham, mais également entre Dieu et Noé, en d’autres termes, de l’Alliance entre Dieu et son peuple choisi mais également entre Dieu et l’humanité tout entière. C’est Dieu qui a l’initiative de ces Alliances où il s’engage de manière unilatérale sans exigences à priori mais en attendant un amour en retour. Avec audace, le psaume invite Dieu à se rappeler sa propre parole et à oublier le comportement lamentable du peuple. Au lieu de répondre avec ferveur à son Dieu, le peuple s’est égaré sur le chemin du mal. Il en a conscience et il plaide sa cause en disant que c’étaient des péchés de jeunesse. Il ne le refera plus. Il abandonnera son orgueil pour se laisser conduire par Dieu. Cette prière fervente et humble trouve bien sa place dans notre coeur et dans notre bouche en ce début du Carême.

 • 1 Pierre 3,18-22

Lettre écrite vers les années 75-80 par une personnalité de l’Église de Rome qui emprunte le nom de Pierre, mort martyr dix ans auparavant, lettre adressée à des chrétiens d’Asie Mineure. Ceux-ci étaient païens jusqu’à l’arrivée de Paul et restent entourés de païens qui trouvent  » étrange  » que ces chrétiens ne se joignent plus à eux pour les débauches, les passions et le culte des idoles. Les jeunes chrétiens sont sinon persécutés, du moins outragés et inquiétés.

C’est pourquoi notre auteur commence par rappeler que la souffrance et la mort du Christ ont été condition de sa gloire ; puis pour parler de la totalité du mystère pascal – Jésus est allé porter la bonne nouvelle de la résurrection même aux morts d’autrefois – il remonte au déluge, c’est-à-dire au temps de la génération la plus incrédule qui soit. De là, notre auteur passe à Noé, au baptême, et à la responsabilité qui revient à ceux qui font partie du petit nombre que Dieu sauve.


Marc 1,12-15 

Marc raconte très sobrement les tentations de Jésus.  Il n’y a ni jeûne ni déplacements de Jésus dans différents endroits, comme en Matthieu et Luc. Mais cette apparente simplicité, le texte est d’une grande richesse théologique.

Tout démarre par une initiative divine : l’Esprit “ pousse ” Jésus au désert. La traduction littérale dit : l’Esprit “ projette ” Jésus au désert. Le lecteur de la Bible se rappelle l’irruption de l’Esprit sur des hommes de l’Ancien Testament. Il s’en empare pour en faire des prophètes et il les expédie vers le peuple d’Israël pour lui délivrer un message de conversion, souvent assez rude.

Le désert et la durée du séjour évoquent les quarante ans d’errance du peuple avant l’entrée en terre promise mais aussi le temps d’épreuves et de révoltes contre Dieu. Au début de son activité publique, Jésus récapitule l’histoire de son peuple, mais au lieu de succomber devant les tentations diaboliques, il en triomphe avec l’aide de Dieu : des anges viennent le servir.  Le mot employé ici évoque la diaconie, le service des tables. On se souvient du livre de l’Exode et à la manne, ce pain du ciel qui a permis aux Hébreux de traverser le désert. On pense également au premier livre des Rois et au pain apporté par un ange au prophète Élie lors de sa traversée du désert pendant 40 jours.

La vie paisible de Jésus parmi les bêtes sauvages renvoie à nos premiers parents dans le jardin des origines et à l’ordre de Dieu : “ Soyez les maîtres des poissons de la mer, des oiseaux du ciel, et de tous les animaux qui vont et viennent sur la terre. ” (Gn 1,28) On pense également au texte présenté dans la première lecture. Noé est au milieu des animaux qui sortent de l’arche. Dieu fait Alliance avec lui pour un nouveau départ de l’humanité.

Mercredi des Cendres : Le signe de l’imposition des cendres …

24 février, 2009

du site:

http://jerusalem.cef.fr/index.php/fraternites/vivre-la-liturgie/temps-liturgique/careme/mercredi-des-cendres

Mercredi des Cendres

Le signe de l’imposition des cendres marque la liturgie de ce jour. La signification de ce geste rejoint celle de la métanie (ce grand signe de croix plongeant jusqu’à toucher le sol) : nous ne sommes que poussière mais, par sa mort et sa résurrection, le Christ nous ouvre les portes de son Royaume. Lui qui a remporté la victoire, nous assiste dans notre combat «contre l’esprit du mal» (oraison du jour), pour que nous puissions vivre une «vie nouvelle». Le signe de la mort (les cendres proviennent des rameaux de l’année précédente) devient celui de la vie. C’est pourquoi, en bénissant les cendres, le célébrant dit : «Seigneur notre Dieu, toi qui ne veux pas la mort du pécheur mais sa conversion, dans ta bonté, exauce notre prière ; bénis les cendres dont nous serons marqués, nous qui venons de la terre et devons retourner à la terre. En nous appliquant à observer le Carême, puissions-nous obtenir le pardon de nos péchés et vivre de la vie nouvelle à l’image de ton Fils ressuscité».

La liturgie de ce jour est comme un long signal — «Et c’est Dieu lui-même qui, en fait, vous adresse un appel» (2 Co 5,20). Par la voix du prophète Joël, Dieu presse les hommes : «Revenez à moi de tout votre cœur dans le jeûne, les larmes et le deuil !» (Jl 2,12), car «c’est maintenant le moment favorable, c’est maintenant le jour du salut», dit l’apôtre (2 Co 6,2). Le temps du Carême s’ouvre dans une sorte d’urgence : «Que le jeune époux sorte de sa maison, que la jeune mariée quitte sa chambre» (Jl 2,16). Urgence et gravité, car c’est l’heure du Seigneur : «Nous vous en supplions, au nom du Christ : Laissez-vous réconcilier avec Dieu !» (2 Co 5,20).

C’est l’heure de se tourner vers le Créateur dans l’oubli de tout le créé : «Regarde, Seigneur, j’oublie de manger mon pain, la cendre est ma nourriture, et mes larmes ma boisson» (antienne du psaume responsorial). Les lectures de la messe s’en font largement l’écho. C’est l’heure du grand repentir qui fait se «déchirer le cœur» (Joël 2,13). L’heure de s’engager de tout son être dans la conversion «car le Royaume des cieux est proche» (Mt 4,17 : verset d’acclamation de l’évangile) — l’évangile trace pour cela trois chemins : la prière, l’aumône et le jeûne, «dans le secret». Chemins de pénitence, mais plus encore de renaissance et de salut, comme le dit le psaume : «Rends-moi la joie d’être sauvé, que l’esprit généreux me soutienne. Seigneur, ouvre mes lèvres et ma bouche publiera ta louange» (Psaume 50,14.17).

En entrant dans le Carême, c’est donc tout autant au repentir et à la pénitence que nous sommes conviés, qu’à la joie et la confiance, comme le signifie l’antienne d’ouverture de la messe :

«Seigneur, tu aimes tout ce qui existe et tu n’as de répulsion pour aucune de tes œuvres ; tu fermes les yeux sur les péchés des hommes, tu les invites à la pénitence et tu leur pardonnes car tu es le Seigneur notre Dieu» (Sg 11,24-27).

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