Archive pour la catégorie 'liturgie'

Le dimanche in albis – Les temps liturgiques

14 avril, 2012

http://www.salve-regina.com/salve/Le_dimanche_in_albis

Le dimanche in albis

Les temps liturgiques

Quand nous entendons ce mot: dimanche blanc, nous nous représentons quelque chose de clair et de blanc. Nous pensons aux premiers communiants, vêtus de blancs. Mais d’om vient ce nom de dimanche in albis ?
Comme on le sait, les catéchumènes, après leur baptême recevaient un vêtement blanc et un cierge allumé. Ils sortaient ensuite de la chapelle baptismale et entraient dans l’église pour assister, la première fois, à la messe. L’habit blanc était le symbole de l’innocence et de la grâce baptismales.

La messe : Quasimodo
On désigne souvent ce dimanche par ces premiers mots de l’Introït.
L’Eglise unit aujourd’hui la force et la douceur. On entend dans les chants l’accent dominateur de la foi qui caractérisait l’ère du martyre et, en même temps, le tendre amour de l’Eglise pour ses enfants nouveaux nés. On trouve ici l’expression de la grande pensée liturgique: du baptême à l’Eucharistie. Ce sera le moyen permanent qu’emploiera l’Eglise pour éduquer les baptisés. L’oraison nous enseigne que Pâques est passée mais que nous devons en « conserver l’esprit dans notre conscience ». Il y a là tout un programme. Nous devons mener une vie de résurrection spirituelle. L’Epître nous parle de la foi qui triomphe du monde. Les baptisés sont nés de Dieu; la foi au Christ a vaincu le monde. Cette foi est attestée par le Dieu un en trois personnes: par le Père au baptême dans le Jourdain, par le Fils mourant sur la croix; par le Saint Esprit dans son Eglise. La liturgie donne cependant une autre interprétation de ces paroles. Elle y voit l’indication des trois sacrements de la nuit pascale: le baptême (l’eau), l’Eucharistie (le sang) et la confirmation (l’Esprit). Dans cette phrase: « Le Christ n’est pas venu avec l’eau seulement, mais avec l’eau et le sang », l’Eglise veut exprimer sont thème de prédilection: ce n’est pas le baptême qui fait le Chrétien complet, mais le baptême et l’Eucharistie.
Dans l’Evangile avec l’apparition à Saint Thomas l’Eglise aborde avec cette apparition qui est à la fois la plus intime et la plus dramatique le thème de la foi qui ne voit pas, qui n’aperçoit pas et qui croit cependant. La liturgie voit de plus une légère allusion à l’Eucharistie : S’il vous est difficile de croire, mettez sans cesse vos doigts dans la plaie de Jésus Christ, c’est à dire recevez l’Eucharistie; alors vous verrez avec le christ et direz avec saint Thomas: Mon Seigneur et mon Dieu.
Dans le mystère sacré de la liturgie, nous sommes aujourd’hui saint Thomas, c’est ce que nous enseigne l’antienne de la communion. Si nous recevons la sainte Hostie, le Christ nous dit :  » Avance la main et reconnais la place des clous… » L’allégresse pascale éclate dans la secrète : nous offrons à Dieu les dons de l’Eglise joyeuse et nous demandons la joie éternelle.

Octave de Pâques, le mercredi: Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 24,13-35.

11 avril, 2012

Le mercredi de Pâques

Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 24,13-35.

Le troisième jour après la mort de Jésus, deux disciples faisaient route vers un village appelé Emmaüs, à deux heures de marche de Jérusalem,
et ils parlaient ensemble de tout ce qui s’était passé.
Or, tandis qu’ils parlaient et discutaient, Jésus lui-même s’approcha, et il marchait avec eux.
Mais leurs yeux étaient aveuglés, et ils ne le reconnaissaient pas.
Jésus leur dit : « De quoi causiez-vous donc, tout en marchant ? » Alors, ils s’arrêtèrent, tout tristes.
L’un des deux, nommé Cléophas, répondit : « Tu es bien le seul de tous ceux qui étaient à Jérusalem à ignorer les événements de ces jours-ci. »
Il leur dit : « Quels événements ? » Ils lui répondirent : « Ce qui est arrivé à Jésus de Nazareth : cet homme était un prophète puissant par ses actes et ses paroles devant Dieu et devant tout le peuple.
Les chefs des prêtres et nos dirigeants l’ont livré, ils l’ont fait condamner à mort et ils l’ont crucifié.
Et nous qui espérions qu’il serait le libérateur d’Israël ! Avec tout cela, voici déjà le troisième jour qui passe depuis que c’est arrivé.
A vrai dire, nous avons été bouleversés par quelques femmes de notre groupe. Elles sont allées au tombeau de très bonne heure,
et elles n’ont pas trouvé son corps ; elles sont même venues nous dire qu’elles avaient eu une apparition : des anges, qui disaient qu’il est vivant.
Quelques-uns de nos compagnons sont allés au tombeau, et ils ont trouvé les choses comme les femmes l’avaient dit ; mais lui, ils ne l’ont pas vu. »
Il leur dit alors : « Vous n’avez donc pas compris ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce qu’ont dit les prophètes !
Ne fallait-il pas que le Messie souffrît tout cela pour entrer dans sa gloire ? »
Et, en partant de Moïse et de tous les Prophètes, il leur expliqua, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait.
Quand ils approchèrent du village où ils se rendaient, Jésus fit semblant d’aller plus loin.
Mais ils s’efforcèrent de le retenir : « Reste avec nous : le soir approche et déjà le jour baisse. » Il entra donc pour rester avec eux.
Quand il fut à table avec eux, il prit le pain, dit la bénédiction, le rompit et le leur donna.
Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards.
Alors ils se dirent l’un à l’autre : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route, et qu’il nous faisait comprendre les Écritures ? »
A l’instant même, ils se levèrent et retournèrent à Jérusalem. Ils y trouvèrent réunis les onze Apôtres et leurs compagnons, qui leur dirent :
« C’est vrai ! le Seigneur est ressuscité : il est apparu à Simon-Pierre. »
A leur tour, ils racontaient ce qui s’était passé sur la route, et comment ils l’avaient reconnu quand il avait rompu le pain.

A PROPOS D’UN LIVRE SUR L’EUCHARISTIE, PAR LE CARD. CAÑIZARES

6 mars, 2012

http://www.zenit.org/article-30309?l=french

A PROPOS D’UN LIVRE SUR L’EUCHARISTIE, PAR LE CARD. CAÑIZARES

« La concélébration eucharistique. Du symbole à la réalité », de Mgr Derville

ROME, lundi 5 mars 2012 (ZENIT.org) – « La concélébration eucharistique. Du symbole à la réalité » : c’est le titre du livre de Mgr Guillaume Derville, publié chez Wilson & Lafleur (dans la collection « Gratianus », 120 pages), et présenté ce 5 mars à Rome, à l’Université pontificale de la Sainte-Croix, par le cardinal Antonio Cañizares, préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements.
Le cardinal espagnol a écrit la préface : il estime que ce livre contribuera « à la promotion de la liturgie souhaitée par Benoît XVI selon la rénovation voulue par le Concile Vatican II».
Dans sa présentation de ce 5 mars, le cardinal ajoute : « Je suis sûr que ce livre contribuera à ce que l’Année de la Foi soit « une occasion propice pour intensifier la célébration de la foi dans la liturgie, et en particulier dans l’Eucharistie ».
Mgr Derville est directeur spirituel central de la Prélature personnelle de la Sainte-Croix et de l’Opus Dei.
Intervention de S. Ém. Rév.me le Cardinal Antonio Cañizares
À l’occasion de la présentation du livre de Mgr Guillaume Derville
La concélébration eucharistique. Du symbole à la réalité (Wilson & Lafleur)
Université Pontificale de la Sainte-Croix
5 mars 2012
« Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmène, eux seuls, à l’écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux. Ses vêtements devinrent resplendissants, d’une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille. Élie leur apparut avec Moïse, et ils s’entretenaient avec Jésus. Pierre alors prend la parole et dit à Jésus : – Rabbi, il est heureux que nous soyons ici ! Dressons donc trois tentes : une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie » (Mc 9, 2-5).
Hier, deuxième dimanche de Carême, la liturgie proclamait les paroles que je viens de lire.  Des mots qui, à mon avis, peuvent servir d’introduction à cette présentation du livre de Mgr Guillaume Derville, publié chez Wilson & Lafleur dans la collection Gratianus, La concélébration eucharistique. Du symbole à la réalité.
Lorsqu’on évoque le récit de la transfiguration, il y a des mots qui viennent spontanément  à l’esprit : gloire, éclat, beauté.  Ils s’appliquent directement à la liturgie. Comme le rappelle Benoît XVI, la liturgie est intrinsèquement liée à la beauté. En effet, « la beauté véritable est l’amour de Dieu, qui s’est définitivement révélé à nous dans le mystère Pascal. »
L’expression “mystère Pascal”  résume le noyau essentiel du processus de la Rédemption, sommet de l’œuvre de Jésus-Christ. De même, la liturgie possède comme contenu spécifique cette « œuvre » de Jésus, car en elle s’actualise l’œuvre de notre Rédemption.  Aussi la liturgie, qui fait partie du mystère Pascal, est-elle « expression très haute de la gloire de Dieu et elle constitue, en un sens, le Ciel qui vient sur la terre. Le mémorial du sacrifice rédempteur porte en lui-même les traits de la beauté de Jésus dont Pierre, Jacques et Jean ont donné témoignage quand le Maître, en marche vers Jérusalem, voulut être transfiguré devant eux (cf. Mc 9, 2). Par conséquent, la beauté n’est pas un facteur décoratif de l’action liturgique ; elle en est plutôt un élément constitutif, en tant qu’elle est un attribut de Dieu lui-même et de sa révélation. Tout cela doit nous rendre conscients de l’attention que nous devons avoir afin que l’action liturgique resplendisse selon sa nature propre ».
Je voudrais fixer mon attention sur les dernières paroles du texte cité précédemment car, à mon avis, elles introduisent un sujet délicat qui est, en même temps, le centre de l’étude de Mgr Derville. Lisons-les  à nouveau : « La beauté n’est pas un facteur décoratif de l’action liturgique ; elle en est plutôt un élément constitutif, en tant qu’elle est un attribut de Dieu lui-même et de sa révélation. Tout cela doit nous rendre conscients de l’attention que nous devons avoir afin que l’action liturgique resplendisse selon sa nature propre ».
La liturgie, et à l’intérieur de celle-ci la concélébration, sera belle lorsqu’elle sera vraie et authentique, lorsque sa nature propre resplendira en elle. Dans cette optique se situe la question soulevée par le Souverain Pontife à l’égard des grandes concélébrations : « Selon moi, je dois dire, cela reste un problème, parce que la communion concrète dans la célébration est fondamentale et donc je ne pense pas que la réponse définitive ait vraiment été trouvée. J’ai également soulevé cette question lors du dernier Synode, qui n’a toutefois pas trouvé de réponse. J’ai fait poser une autre question, sur la concélébration en masse:  parce que si, par exemple, mille prêtres concélèbrent, on ne sait pas si subsiste encore la structure voulue par le Seigneur».
 Ce qui est crucial, ici, c’est de maintenir « la structure voulue par le Seigneur », parce que la liturgie est un don de Dieu. Elle n’est pas fabriquée par l’homme. Elle n’est pas à notre libre disposition. De fait, « par son commandement « Faites cela en mémoire de moi » (Lc 22, 19; 1 Co 11, 25), il nous demande de correspondre à son offrande et de la représenter sacramentellement. Par ces paroles, le Seigneur exprime donc, pour ainsi dire, le désir que son Église, née de son sacrifice, accueille ce don, développant, sous la conduite de l’Esprit Saint, la forme liturgique du Sacrement ».
 C’est pourquoi « nous devons apprendre à comprendre la structure de la Liturgie et la raison pour laquelle elle est organisée ainsi. La Liturgie s’est développée à travers deux millénaires, et même après la Réforme, elle n’est pas devenue quelque chose d’élaboré seulement par une poignée de liturgistes. Elle s’inscrit toujours dans la continuation de cette croissance permanente de l’adoration et de l’annonce. Ainsi, il est très important, pour pouvoir être  au diapason, de comprendre cette structure, qui s’est développée dans le temps, et d’entrer ainsi avec notre mens dans la vox de l’Église ».
L’étude approfondie de Mgr Derville va dans cette direction. Elle nous aide à nous mettre à l’écoute du Concile Vatican II dont les textes, aux dires du bienheureux Jean Paul II, « ne perdent rien de leur valeur ni de leur éclat. Il est nécessaire qu’ils soient lus de manière appropriée, qu’ils soient connus et assimilés, comme des textes qualifiés et normatifs du Magistère, à l’intérieur de la Tradition de l’Église ».
Le Concile a en effet décidé d’étendre la faculté de concélébrer selon deux principes : il s’agit d’une manière de célébrer la Sainte Messe qui manifeste de manière appropriée l’unité du sacerdoce et, d’autre part, elle a été utilisée jusqu’à présent dans l’Église tant en Orient qu’en Occident. De ce fait, comme le signalait encore la Constitution Sacrosanctum Concilium, la concélébration faisait partie de ces rites qu’il convenait de rétablir « selon l’ancienne norme des saints Pères ».
Dans cette optique il est important de s’intéresser, ne serait-ce que brièvement, à l’histoire de la concélébration. L’exposition historique, un résumé succinct comme le dit modestement Mgr Derville, suffit à nous faire entrevoir des zones d’ombre, qui mettent en lumière l’absence de données définitives sur la célébration eucharistique dans les premiers temps de l’Église. En même temps, mais sans se laisser entraîner par un « archéologisme » naïf, il apporte suffisamment d’arguments pour pouvoir affirmer que la concélébration, dans la tradition authentique de l’Église, qu’elle soit orientale ou occidentale, est un rite extraordinaire, solennel et public, ordinairement présidé par l’Evêque ou par son délégué, entouré de son presbyterium et de toute la communauté des fidèles. D’autre part, la concélébration quotidienne, en usage dans les Églises orientales, au cours de laquelle concélèbrent exclusivement des prêtres, ainsi que la concélébration pour ainsi dire « privée » à la place des Messes célébrées individuellement ou « more privato », ne font pas partie de la tradition liturgique latine.
En outre, je pense que les explications de l’auteur sont pleinement satisfaisantes lorsqu’il développe les raisons évoquées par le Concile pour étendre la pratique de la concélébration. Il s’agissait d’augmenter, de façon modérée, la faculté de concélébrer, comme il ressort de la lecture les textes du Concile. Il est en effet tout à fait logique qu’il en soit ainsi, puisque la concélébration n’a pas pour but de résoudre des problèmes logistiques ou d’organisation, mais plutôt de rendre présent le mystère Pascal, par la manifestation de l’unité du sacerdoce, qui naît de l’Eucharistie. Comme nous avons dit précédemment, , la beauté de la concélébration implique sa célébration dans la vérité. Sa force significative dépend ainsi de ce que l’on vive et respecte les exigences inscrites dans la concélébration même.
Un nombre trop élevé de concélébrants masque un aspect essentiel de la concélébration. Le fait qu’il soit quasiment impossible de synchroniser les paroles et les gestes non réservés exclusivement au célébrant principal, l’éloignement de l’autel et des offrandes, le manque d’ornements pour certains concélébrants, l’absence d’harmonie dans les couleurs et dans les formes, tout cela peut éclipser la manifestation de l’unité du sacerdoce. Et nous ne pouvons manquer de rappeler que c’est précisément la manifestation de cette unité qui a justifié l’augmentation des possibilités de concélébrer.
Déjà en 1965, le Cardinal Lercaro, alors président du Consilium ad exsequendam Constitutionem de sacra liturgia, adressait une lettre aux Présidents des Conférences Épiscopales, afin de les prévenir de ce danger : considérer la concélébration comme un moyen de surmonter des difficultés pratiques. Il rappelait qu’il pouvait être opportun de la promouvoir dans le cas où elle favoriserait la piété des fidèles et celle des prêtres.
Je voudrais aborder ce dernier point très brièvement. Comme l’affirme Benoît XVI : « je recommande aux prêtres, avec les Pères du Synode, la célébration quotidienne de la Messe, même sans la participation de fidèles. Cette recommandation correspond avant tout à la valeur objectivement infinie de chaque célébration eucharistique ; elle en tire ensuite motif pour une efficacité spirituelle particulière, parce que, si elle est vécue avec attention et avec foi, la Messe est formatrice dans le sens le plus profond du terme, en tant qu’elle promeut la conformation au Christ et qu’elle affermit le prêtre dans sa vocation ».
Pour tout prêtre, la célébration de la Sainte Messe est la raison de son existence. C’est et ce doit être une rencontre très personnelle avec le Seigneur et avec son œuvre rédemptrice. En même temps, tout prêtre, pendant la célébration eucharistique, est le Christ lui-même présent dans l’Église comme Tête de son corps. Il agit également au nom de toute l’Église, « lorsqu’il présente à Dieu la prière de l’Église et surtout lorsqu’il offre le sacrifice eucharistique ». Face à la merveille qu’est le don eucharistique, qui transforme et configure au Christ, on ne peut qu’avoir une attitude de stupeur, de reconnaissance et d’obéissance.
L’auteur nous aide à comprendre cette admirable réalité plus clairement et profondément. En même temps ce livre nous rappelle qu’à côté de la concélébration, il existe aussi la possibilité de célébrer seul ou de participer à l’Eucharistie comme prêtre, sans toutefois concélébrer. Il s’agit, dans chaque cas, d’entrer dans la liturgie, de chercher la solution qui permette d’établir plus facilement un dialogue avec le Seigneur, tout en respectant la structure même de la liturgie. Nous nous trouvons ici face aux limites d’un « droit à concélébrer ou pas », qui doit respecter le droit des fidèles de participer à une liturgie où l’ars celebrandi rende possible leur actuosa participatio. Nous touchons là des questions en rapport avec la justice. De fait, l’auteur ne manque pas de faire mention du Code de Droit Canonique.
Il ne me reste plus qu’à remercier Mgr Derville ainsi que les maisons d’édition Palabra et Wilson & Lafleur pour ce livre que j’ai la joie de présenter aujourd’hui. Je pense qu’il donne l’exemple d’une juste herméneutique du Concile Vatican II. « Il s’agit de lire les changements voulus par le Concile à l’intérieur de l’unité qui caractérise le développement historique du rite lui-même, sans introduire de ruptures artificielles ». Ce livre constitue une aide et un encouragement face à la tâche que le Saint Père a récemment rappelé à la Congrégation que je préside : « qu’elle se consacre principalement à donner une nouvelle impulsion à la promotion de la sainte liturgie dans l’Église, selon le renouveau voulu par le Concile Vatican II, à partir de la Constitution Sacrosanctum Concilium ». Je suis sûr que ce livre contribuera à ce que l’Année de la Foi soit « une occasion propice pour intensifier la célébration de la foi dans la liturgie, et en particulier dans l’Eucharistie ».

Antonio Card. Cañizares Llovera
Préfet de la Congrégation pour le Culte Divin
et la Discipline des Sacrements

3 Janvier: Le Saint Nom de Jésus, Lecture et commentaire de Saint Jérôme

3 janvier, 2012

http://www.cath.ch/calendrier/le-saint-nom-de-j%C3%A9sus

3 Janvier: Le Saint Nom de Jésus

1Jn 2,29;3,1-6 Première lecture

Lecture de la première lettre de saint Jean
Mes bien-aimés,
puisque vous savez que Dieu est juste, reconnaissez aussi que tout homme qui vit selon la justice de Dieu est vraiment né de lui.
Voyez comme il est grand, l’amour dont le Père nous a comblés: il a voulu que nous soyons appelés enfants de Dieu — et nous le sommes. Voilà pourquoi le monde ne peut pas nous connaître: puisqu’il n’a pas découvert Dieu. Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons ne paraît pas encore clairement. Nous le savons: lorsque le Fils de Dieu paraîtra, nous serons semblables à lui parce que nous le verrons tel qu’il est. Et tout homme qui fonde sur lui une telle espérance se rend pur comme lui-même est pur. Tout homme qui commet le péché lutte contre Dieu; car le péché, c’est la lutte contre Dieu. Or, vous savez que lui, Jésus, est apparu pour enlever les péchés, et qu’il n’y a pas de péché en lui. Quand un homme demeure en lui, il ne pèche pas; quand il pèche, c’est qu’il ne l’a pas vu et ne le connaît pas.

Jn 1,29-34 Évangile
Le lendemain, comme Jean Baptiste voyait Jésus venir vers lui, il dit: «Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde; c’est de lui que j’ai dit: Derrière moi vient un homme qui a sa place devant moi, car avant moi il était. Je ne le connaissais pas; mais, si je suis venu baptiser dans l’eau, c’est pour qu’il soit manifesté au peuple d’Israël.» Alors Jean rendit ce témoignage: «J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et demeurer sur lui. Je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit: ‘L’homme sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est celui-là qui baptise dans l’Esprit Saint.’ Oui, j’ai vu, et je rends ce témoignage: c’est lui le Fils de Dieu.»
Commentaire

Saint Jérôme (347-420), prêtre, traducteur de la Bible, docteur de l’Église
Sur Isaïe, ch. 11 (trad. Sr Isabelle de la Source, Lire la Bible, t. 6, p. 53)

«C’est celui-là qui baptise dans l’Esprit Saint»

«Un rameau sortira de la souche de Jessé (père de David), un rejeton jaillira de ses racines. Sur lui reposera l’esprit du Seigneur» (Is 11,1-2). Toute cette prophétie concerne le Christ… Le rameau et la fleur qui sortent de la souche de Jessé, les juifs les interprètent du Seigneur lui-même: pour eux le rameau est le symbole du sceptre royal; la fleur, celui de sa beauté. Nous les chrétiens, nous voyons dans le rameau issu de la souche de Jessé la sainte Vierge Marie, à qui nul ne s’est uni pour la rendre féconde. C’est elle que désignait plus haut le même prophète: «Voici que la Vierge concevra et enfantera un fils» (7,14). Et dans la fleur nous reconnaissons le Seigneur notre Sauveur qui dit dans le Cantique des cantiques: «Je suis la fleur des champs et le lys des vallées» (Ct 2,1)…
Sur cette fleur qui jaillit soudain de la souche et de la racine de Jessé par la Vierge Marie, va reposer l’Esprit du Seigneur, car «Dieu s’est plu à faire habiter en lui corporellement toute la plénitude de la divinité» (Col 2,9). Non d’une manière fragmentaire, comme sur les autres saints, mais…selon ce qu’on lit dans l’évangile de Matthieu: «Voici mon serviteur que j’ai choisi, mon bien-aimé en qui je me complais. Je ferai reposer sur lui mon esprit. Aux nations, il fera connaître le jugement» (Mt 12,18; Is 42,1). Nous appliquons cette prophétie au Sauveur sur qui l’Esprit du Seigneur a reposé, ce qui veut dire qu’il établit en lui sa demeure éternelle… Comme en témoigne Jean Baptiste, il descend pour demeurer sans cesse sur lui: «J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et demeurer sur lui. Je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit: ‘Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est celui-là qui baptise dans l’Esprit Saint’»… Cet Esprit est appelée «Esprit de sagesse et d’intelligence, Esprit de conseil et de force, Esprit de science, de piété et de crainte du Seigneur» (Is 11,2)… Il est l’unique et même source de tous les dons.

28 DÉCEMBRE LES SAINTS INNOCENTS MARTYRS : HOMÉLIE DE S. QUODVULTDEUS AUX CATÉCHUMÈNES, SUR LE SYMBOLE

28 décembre, 2011

http://www.aelf.org/office-lectures

28 DÉCEMBRE LES SAINTS INNOCENTS MARTYRS

Liturgie des Heures – Office des Lectures

HOMÉLIE DE S. QUODVULTDEUS AUX CATÉCHUMÈNES, SUR LE SYMBOLE

Enfants et témoins du Christ

Un petit enfant vient de naître : c’est le grand Roi. ~ Les mages arrivent d’un lointain pays. Ils viennent adorer celui qui est encore couché dans la crèche, mais qui règne au ciel et sur terre. Quand les mages annoncent la naissance du Roi, Hérode est pris d’inquiétude ; pour ne pas perdre son trône, il veut le tuer, alors que, s’il avait cru en lui, il aurait été ici-bas en sécurité, et dans la vraie vie, il aurait régné sans fin.
Pourquoi as-tu peur, Hérode, en apprenant la naissance du Roi ? Il ne vient pas pour te détrôner, mais pour triompher du diable. Et comme tu ne comprends pas cela, tu es inquiet et tu entres en fureur ; et afin de perdre le seul enfant que tu recherches, tu es assez cruel pour en faire mourir un si grand nombre.
Tu ne recules ni devant l’amour des mères éplorées, ni devant le deuil des pères pleurant leurs fils, ni devant les hurlements et les gémissements des tout-petits. Tu assassines ces faibles corps parce que la peur assassine ton cœur. Et tu t’imagines, si tu réalises tes désirs, que tu pourras vivre longtemps, alors que c’est la Vie elle-même que tu cherches à détruire.
Celui qui est la source de la grâce, à la fois petit et grand, qui est couché dans la crèche, épouvante ton trône. Il agit par toi, sans que tu connaisses ses desseins, et il délivre les âmes de la captivité du diable. Il accueille les fils de ses ennemis et les adopte pour ses enfants.
Ces tout-petits meurent pour le Christ sans le savoir, les parents pleurent la mort de ces martyrs ; et ceux qui ne parlent pas encore, le Christ les rend capables d’être ses témoins. Voilà comment il règne, lui qui était venu régner ainsi. Voici que déjà le libérateur accomplit la libération et que le sauveur apporte le salut.
Mais toi, Hérode, ignorant tout cela, tu es inquiet et tu entres en fureur ; et tandis que tu t’irrites contre un petit enfant, tu lui rends déjà hommage, mais tu l’ignores.
Qu’il est grand, le don de la grâce ! Par quels mérites ces enfants ont-ils obtenu d’être ainsi des vainqueurs ? Ils ne parlent pas encore, et ils confessent le Christ. Leurs corps sont encore incapables d’engager la lutte, et ils remportent déjà la palme de la victoire.

Te Deum. L’adresse d’une hymne de louange (Maxime Allard, o.p.)

29 novembre, 2011

du site:

http://www.dimensionesperanza.it/articles-en-francais/item/6495-te-deum-ladresse-dune-hymne-de-louange-maxime-allard-op.html

Te Deum. L’adresse d’une hymne de louange (Maxime Allard, o.p.)

L’hymne Te Deum se raconte au cours d’une longue histoire. Elle est connue depuis les environs de 502, date de sa première apparition consignée dans une règle monastique. Elle semble bien avoir été composée par à-coup et insérée dans la liturgie progressivement…

L’hymne Te Deum se raconte au cours d’une longue histoire. Elle est connue depuis les environs de 502, date de sa première apparition consignée dans une règle monastique. Elle semble bien avoir été composée par à-coup et insérée dans la liturgie progressivement, même si une légende tenace en fait une composition presque spontanée lors du baptême d’ Augustin par Ambroise, à Milan en 387. Mais cette histoire a déjà été retracée[1]. L’hymne emprunte par moment au Gloire à Dieu avec lequel elle conserve des affinités quant aux jours de son utilisation. Avec une tonalité souvent proche des préfaces eucharistiques, l’hymne a été un élément de la célébration des Heures, de matines puis de l’Office des lectures. Utilisée aussi en dehors de la célébration de l’office choral pour marquer le couronnement de rois, le sacre d’évêques, des victoires en temps de guerres, elle a été mise en musique autrement que sur les mélodies grégoriennes. On trouve et apprécie diversement des Te Deum par Berlioz, Bizet, ,Brückner, Charpentier, Dettinger, Dvorak, Fauré, Haydn, Kodály, Mozart, Part, Rutter, Tinel, Verdi, etc. Jusqu’à l’opéra Tosca de Puccini qui en conserve des traces à la fin du premier acte, au moment où le drame se noue.
Cette hymne, la liturgie actuelle la propose en deux versions. La version longue, traditionnelle, inclut en finale une cascade de versets psalmiques retravaillés: Ps 27, 9 ; 144, 2; 122,3 ; 32, 22. La version brève les retranche, par souci avoué de reconstituer une authenticité historique[2]. Le choix de la version relève cependant de la volonté de la personne qui célèbre ou d’options communautaires[3]. Dans l’analyse proposée, la version longue est privilégiée. Elle est même rallongée par l’ajout du dernier verset de la version latine, en provenance du Ps 30, 1, verset que je traduis directement du latin sans souci d’exactitude liée au texte hébreu: « En toi, Seigneur, j’ai espéré: que je ne sois pas confondu dans l’éternité. »
Sa place actuelle est claire: à la fin de l’Office des lectures des dimanches et aux jours de solennités et de fêtes. D’autres traditions chrétiennes et d’autres périodes de l’histoire de l’Église en prescrivent cependant l’utilisation quotidienne[4]. Seul le temps du Carême la fait taire dans l’Église. Comme hors des milieux monastiques la pratique de l’Office des lectures en commun est peu répandue, cette hymne ne retentit donc plus souvent. Or, elle gagne, pour donner toute sa mesure, à être proférée à voix haute. En cela, elle rejoint l’Alléluia dont la force se montre vraiment lorsqu’il est chanté.
Le Te Deum termine l’Office des lectures sur une note de louange. Dans la version longue comme dans la brève, cet office se clôt sur une demande d’entrer dans la gloire éternelle des « saints » de Dieu
(« prends-les avec tous les saints dans ta joie et dans ta lumière » ; « que je ne sois pas confondu dans l’éternité »). La clôture de l’office serait donc une note de louange. Cette dernière affirmation est beaucoup trop rapide. Elle donne trop vite dans une certaine manière d’envisager la louange qui, pour être spirituelle, n’en demeure peut-être pas moins un peu déconnectée de ce que l’Église propose comme acte de louange avec le Te Deum. Après tout, il y avait quelque chose de juste à faire retentir les églises des accents puissants de Te Deum après des guerres, au moment de la victoire. À la fin de la guerre, il y a bien des ruines, bien des traces de blessures qui ne se laissent pas oublier si rapidement. Cela doit percer dans la louange, la glorification, l’acclamation, la confession assurée. Le Te Deum les met sur les lèvres. Dans ces conditions, qu’est-ce que la louange? Qu’est-ce que glorifier Dieu?
De plus, écrire qu’il s’agit simplement de louange comme si on savait ce dont il s’agit ne suffit pas. Louer est une action complexe qui recourt, selon le texte du Te Deum, à l’acclamation, à la prostration, à l’action de grâce, à l’adoration, au chant, à la glorification, à la proclamation, au témoignage, à l’annonciation et à la reconnaissance. Entre « Toi, Dieu… » et « nous » (et l’entourage céleste), la louange prend corps, littéralement. Elle passe par des mots, par des chants qui ne sont jamais solitaires. Elle requiert que les mots chantés, proclamés, se muent en attitudes corporelles: prosternation et adoration. D’ailleurs, la liturgie, avant Vatican II, suggérait que la dernière strophe, celle débutant par « Montre-toi…», soit priée à genoux. Cela laisse entrevoir la complexité de la louange adressée « À toi, Dieu… » Cela signale la « perlaboration », le lent travail que cette hymne peut faire sur une personne qui s’y livre, s’y exprime et en fait un lieu pour s’entraîner à rendre grâce.
Suivons maintenant l’hymne du point de vue double de son adresse: à qui elle s’adresse et qui l’adresse. Cela suggérera des façons de se la remettre en bouche aujourd’hui. Après tout, cette hymne ne va pas de soi. Les anges et archanges ont beau avoir été à la mode récemment, ils ont pris peu de place dans la liturgie; notre rapport à la liturgie céleste est pour le moins ambigu. De plus, la christologie qui y est chantée pourra sembler problématique à certaines personnes: qui est à l’aise avec le « tu n’as pas craint de prendre chair dans le corps d’une vierge» qui atténue le latin « tu n’as pas été horrifié ou eu horreur (horruisti) du sein de la Vierge »?

« Toi,  Dieu» ou « À Toi, Dieu… »
Toi! En latin, quatorze vers de l’hymne débutent par l’adresse ou son rappel (Te, tibi, tu).
Malheureusement, la traduction française n’a pas conservé ce rythme. Il faut la retrouver sous les lourds    « Devant toi… c’est toi que… toi que» et sous les transformations du performatif « Toi… à Toi » en constatations quasi factuelles : « Tu n’as pas craint… tu as ouvert… tu règnes. » Et ainsi, il y a perte de l’insistance, du sens de l’adresse requise pour s’adresser ainsi à Dieu, sans crainte.
« Toi… Dieu », « à toi, Dieu… ». De nos jours, ce type d’exclamation ou d’apostrophe est réservé à des interpellations plus ou moins violentes. Selon les dictionnaires, l’apostrophe possède quelque chose de brutal et d’impoli. On ne s’empêtre pas dans les fleurs du tapis, dans les formules de politesse. « Toi, Dieu… » : c’est à la fois un peu plus brusque et moins familier que Notre Père. Plus osé même que les prières eucharistiques, commençant avec leurs préfaces et qui distribuent quelques « toi » au fil de leur déroulement. Et pourtant, cela semble bien l’adresse eschatologique: « Toi… Dieu » !
Toi, Dieu… ! À toi, Dieu… Le destinataire est désigné presque comme dans: « Père Noël. Pôle Nord ». Pas de méprise possible. L’adresse est directe, unique. Elle signe à la fois la proximité, malgré la grandeur de Dieu, et une certaine audace de qui ose interpeller ainsi Dieu. Aucune précaution oratoire, rhétorique, déférente. Serait-ce dû à un débordement de joie et d’action de grâce qui en viendrait à faire manquer aux convenances, à la calme récitation de l’Office des lectures? Serait-ce les psaumes priés au cours de cet office et les lectures y guidant et nourrissant la méditation qui causent un tel débordement, une adresse si brusque ? Dans tous les cas, avec une telle adresse initiale, l’attention est détournée du sujet de la discussion, de la méditation et, résolument, orientée vers Dieu à qui il s’agit de s’adresser.
Avec habileté – adresse ! -, l’hymne déploie l’adresse initiale: Père éternel, Fils éternel et bien-aimé, Seigneur, Esprit de puissance et de paix (dommage, cependant, que la traduction française ait perdu  « l’Esprit consolateur » du latin). Lentement, l’adresse initiale s’étend et le déploiement de Dieu couvre toute la terre, le ciel, l’univers entier. L’adresse n’en finit pas d’être reprise, réitérée. Comme si on voulait y séjourner, ne pas aller plus loin, ne pas pouvoir aller plus loin. Comme si, d’un coup, on avait atteint le but.
Il vaut la peine de s’attarder encore un peu au déploiement de cette adresse. Après tout, à la déployer ainsi, la cause de la louange se laisse repérer et répéter. Dieu est loué et adoré parce qu’il est Dieu, parce qu’il est une adorable trinité. Il est confessé pour son plaisir, ou pour sa gloire éternelle. C’est la même chose. La louange adressée à Dieu est sans pourquoi. Comme la rose de Silésius ! On ne cherche donc pas à accumuler des raisons de louer Dieu. Difficile d’en trouver qui pourraient justifier aujourd’hui sa reprise hebdomadaire. Difficile d’en relier l’une ou l’autre au vécu des personnes qui s’y engagent. Seulement, on accumule, tour à tour, toutes les différentes manières de le louer par divers groupes. Comme si cela allait de soi de s’adresser « à Toi, Dieu… ».

Nous, eux, elle, nous… (enfin, je) !
L’adresse est claire: Toi, Dieu! L’adressant l’est aussi: « Nous te louons. » Mais « nous » n’est pas seul. Il s’inscrit dans un mouvement s’adressant à « Toi, Dieu » déjà enclenché depuis longtemps, par bien d’autres, au ciel et sur terre. Il y a les archanges, les anges, les esprits des cieux, le chœur des glorieux Apôtres, la multitude des prophètes, l’armée des martyrs, l’Église. C’est donc que la mort n’arrête pas l’adresse, la louange qui s’adresse à « Toi, Dieu… ». La compagnie du « nous » en est élargie aux dimensions cosmiques et par-delà. Tous les groupes et individus adressent leurs louanges à « Toi, Dieu… ». Du ciel ou de la terre, ils s’adressent à Dieu. Leur louange couvre le monde, la terre entière. En fait, on pourrait même finir par croire, à force de lire et de prier à nouveau cette hymne, que cette louange est, par elle-même, la « gloire » de Dieu qui remplit l’univers.
« Nous » se distingue d’un groupe d’« eux » : ceux qui sont déjà au ciel. Mais « nous » se distingue aussi d’« elle », soit de l’Église. Ces deux distinctions se comprennent. « Nous » n’est pas déjà au ciel. Il en va de tout l’écart entre le ciel et la terre, entre la vie présente et la vie éternelle, écart qui passe par la mort, par la vie jusqu’à la mort. Et si « nous » est occupé à chanter, c’est qu’il est encore en route jusqu’à en mourir. « Nous » se distingue de l’Église. Pas qu’il n’en est pas. Au contraire, « nous » fait sienne la confession de foi trinitaire de l’Église. Il s’en fait l’écho. Il ne se tient pas à l’écart de l’Église non plus. « Nous », déjà, cherche à s’y tenir toujours plus à l’aise.
Mais qui sommes-nous pour oser nous y accoler, nous y joindre et pour nous adresser à « Toi, Dieu…» ? Nous sommes des délivrés croyants qui attendons le Royaume des cieux. Nous sommes et espérons être comptés parmi le « peuple » d’un « Toi » qui n’est plus simplement « Toi, Dieu… », mais Toi, Christ, fils du Père, qui a pris chair de la Vierge Marie, qui a brisé l’emprise de la mort et demeure assis dans la gloire du Père. Nous ne sommes pas simplement des pièces anonymes d’un univers sans lien avec le «Toi» auquel nous nous adressons. Nous nous adressons à « Toi » car ce   « Toi » a rendu possible pour nous de trouver l’adresse de Dieu, de jouer d’adresse pour le louer. Par le Christ, Dieu s’est rassemblé un peuple sur terre et déjà au ciel, un peuple où nous désirons être comptés.
Nous sommes peut-être inscrits sur la liste des saints, dans la compagnie chantante des anges et de l’Église « céleste ». Mais nous ne sommes pas dans l’éternité. La louange est adressée à « Toi, Dieu » à tous les jours «( chaque jour… et à jamais ») et un jour à la fois (« en ce jour »). Et dans la suite des jours, dans leur succession un à un (per singulos dies), la louange se double d’une requête. Elle est alors presque supplique. La louange en compagnie des saints fait naître et soutient le désir de se retrouver en leur compagnie, de les retrouver par-delà le jugement. Mais il y a plus. Le déroulement des jours entre le chant à « Toi, Dieu… » et l’éternité accordée fait surgir une autre harmonique à la louange. Une harmonique suppliante : à chaque jour, en ce jour-ci, « garde-nous sans péché ». Rapidement, pourtant, la supplique prend un tour plus dramatique car le péché a déjà ralenti la marche vers Dieu et son adresse : « Pitié pour nous, Seigneur, pitié sur nous. » Un appel est lancé vers la miséricorde. Mais tout au long de la supplique, le fil de la louange ne se perd pas, il est tenu par l’espérance: « Comme notre espoir est en toi. »
À la fin, pour finir la louange, la parole passe du « nous » à la première personne du singulier:      « En toi, Seigneur, j’ai espéré; que je ne sois pas confondu dans l’éternité. » (Traduction non officielle du texte latin.) Le désir est si fort, l’adresse si confiante, qu’elle ne peut plus s’exprimer au pluriel. Le « Je » doit prendre sa place, sa part, s’exprimer pour lui-même. Comme si personne ne pouvait le dire à sa place. Comme s’il fallait que « je » répète ce que « nous » avait proclamé, confessé, immédiatement auparavant. Comme si la personnalité de chacun avait son bref solo, sans quoi il risquerait de manquer quelque chose à la louange universelle. Voilà une signification possible de l’ajout de ce verset psalmique après la fin de l’hymne, pour la prolonger.

Espérer louer
Le Te Deum est une avance que nous nous faisons en l’offrant à Dieu. Nous anticipons en quelque sorte. Il y a comme un écho préventif de la « victoire sur la mort », sur notre propre mort. En adressant une louange à Dieu, une louange qui se mue et porte en elle une supplication, la liturgie offre aux fidèles une action de grâce anticipant sur le Sanctus céleste. Anticipation certes de la liturgie céleste, mais déjà, de par la forme de l’hymne, anticipation de la célébration de l’eucharistie du dimanche comme mémorial de la passion et de la résurrection du Christ… jusqu’à ce qu’il vienne. Mais il y a plus. Le Te Deum, discret, à peine murmuré, dans la solitude de l’Office des lectures ou dans son calme nocturne, est une répétition, lent apprentissage de ce qu’est la louange qui s’adresse « à Toi, Dieu… », préparation à prendre place dans le Royaume des cieux.

Chanter le Te Deum
Voici, trop rapidement, presque sans commentaire, une brève liste de versions du Te Deum.
Nous omettons les versions grandioses et somptueuses écrites pour chœurs, orgue et orchestre qui se prêtent moins, il faut l’avouer, au cadre actuel de la liturgie des Heures. La liste présentée ici a pour but d’insuffler le goût de le chanter, de le fredonner pour faire sortir cette hymne du cadre silencieux et individuel de l’Office des lectures:
- Te Deum, tiré de la Liturgie tolosane des Prères Prêcheurs, André Gouzes. Cette version conserve la version longue du Te Deum sur une traduction qui rythme bien l’adresse « Toi, Dieu ». Elle offre la possibilité d’une alternance entre soliste et chœur.
- À toi, Dieu, L 62/1, Hymnes notées I, texte de J. E. David – C.N.P.L., musique de David Julien, offre un jeu entre un soliste et une assemblée.
- À toi, Dieu, I. 62/4, Hymnes notées I, texte C.N.P.L.-A.E.L.F., musique de J. Gelineau.
Utilisant la version officielle de la liturgie des Heures, l’adresse en souffre.
- A toi Dieu notre louange, Llh 100, texte A.E.L.F., musique C. Jacob. Sur la version française officielle, la musique offre une alternance entre deux chœurs et des parties chantées par tous.

À toi, Dieu, notre louange!
Nous t’acclamons: tu es Seigneur !
À toi, Père éternel,
l’hymne de l’univers.
Devant toi se prosternent les archanges,
les anges et les esprits des cieux;
ils te rendent grâce,
ils adorent et ils chantent:
Saint, Saint, Saint, le Seigneur,
Dieu de l’univers;
le ciel et la terre sont remplis de ta gloire.
C’est toi que les Apôtres glorifient,
toi que proclament les prophètes,
toi dont témoignent les martyrs;
c’est toi que par le monde entier
l’Église annonce et reconnaît.
Dieu, nous t’adorons:
Père infiniment saint,
Fils éternel et bien-aimé,
Esprit de puissance et de paix.
Christ, le Fils du Dieu, vivant,
le Seigneur de la gloire,
tu n’as pas craint de prendre chair
dans le corps d’une vierge
pour libérer l’humanité captive.
Par ta victoire sur la mort,
tu as ouvert à tout croyant
les portes du Royaume;
tu règnes à la droite du Père;
tu viendras pour le jugement.
Montre-toi le défenseur et l’ami
des hommes sauvés par ton sang:
prends-les avec tous les saints
dans ta joie et dans ta lumière.
Sauve ton peuple, bénis cet héritage;veille sur lui, porte-le à jamais.
Je veux te bénir chaque jour,
louer ton Nom, toujours et à jamais.
En ce jour, garde-nous sans péché;
pitié pour nous, Seigneur, pitié sur nous.
Ton amour, Seigneur, soit sur nous,
comme notre espoir est en toi.
[En toi, Seigneur, j'ai espéré:
que je ne sois pas confondu dans l'éternité.]
La phrase entre crochet est une traduction non officielle du texte latin
* Cet article est paru dans la revue canadienne Célébrer les Heures, n° 29.
———————————-
1) H. Leclercq, « Te Deum », dans H. I. Marrou (dir.), Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, tome XV, vol. 2, Paris, Smyrne  – Zraia, Letouzey & ‘Ané, 1953, col. 2028-2048 ; Dom R. Le Gall, « Le Te Deum, hymne à la gloire de Dieu et de ses saints », La Vie spirituelle n° 737, 2000, p.621-638.
2) S. Campbell,From Brieviary to Liturgy of the Hours. The Structural Reform of the Roman Office 1964-1971. Collegeville, Liturgical Press, 1995, p. 221-230.
3) Présentation générale de la liturgie des Heures: « la dernière partie de cette hymne, du verset « Sauve ton peuple » jusqu’à la fin, peut être omise à volonté. »
4) R. Taft, La Liturgie des Heures en Orient et en Occident, Turnhout, Brepols, coll. « Mysteria », 1991, p. 155-156 ; P. F. Bradshaw, Daily Prayer in the Farly Church, l.ondres, Alcuin Club/SPCK, coll. « Alcuin Club» 63, 1981, p. 119 et 131 .

(La Vie spirituelle,  776, mai 2008, p. 209)

Le temps de l’Avent

23 novembre, 2011

du site:

http://www.abbaye-tamie.com/la_communaute/conferences/le-temps-de-l-avent/vue

Le temps de l’Avent

Par dom Victor Bourdeau

Dimanche 3 décembre 2006
 
Le temps de l’Avent est un temps d’intériorité et de recueillement plus que de pénitence. C’est le temps de l’attention à Dieu, le temps de l’attente, du désir. Comment entretenir ce désir ? Je voudrais attirer votre attention sur trois points – l’expérience de Dieu – le souvenir ou la memoria Dei – le climat de silence et de recueillement.

1°) L’expérience de Dieu

Parler de l’expérience de Dieu, c’est rejoindre la grande tradition cistercienne portée par une mystique de la présence de Dieu et de l’union à Dieu :
Dès le début, en effet, les Cisterciens se sont distingués par une sorte de ‘passion mystique’, en montrant comment la recherche sincère de Dieu, à travers un itinéraire austère  et ascétique, conduit à la joie ineffable de la rencontre sponsale avec Lui dans le Christ.
Ces propos tenus par Jean Paul II lors de l’audience accordée aux membres du Chapitre Général de 2002 nous encouragent. Jean Paul II poursuivait :
Cette haute spiritualité conserve toute sa valeur de témoignage dans le contexte culturel actuel qui attise trop souvent le désir des biens trompeurs et des paradis artificiels. Votre vocation, très chers Frères et Sœurs, est en effet de témoigner, par une existence recueillie à la Trappe, de l’idéal élevé de sainteté qui se résume en un amour inconditionnel pour Dieu, bonté infinie, et de refléter un amour qui embrasse mystiquement toute l’humanité dans la prière.
Le style de vie qui vous caractérise souligne bien ces deux données qui composent l’amour. Vous ne vivez pas comme des ermites en communauté, mais comme des cénobites dans un désert particulier. Dieu se manifeste dans votre solitude personnelle, comme dans la solidarité qui vous unit aux membres de la communauté. Vous êtes seuls et séparés du monde pour vous dépasser sur le chemin de l’intimité divine. En même temps vous partagez cette expérience avec d’autres frères et sœurs dans un équilibre constant entre contemplation personnelle et union à la liturgie de l’Eglise. Conservez intact ce patrimoine charismatique ! Il constitue une richesse pour le peuple chrétien tout entier[1].
Ce message rejoint tout à fait ce que nous dit s.Paul dans la première lecture de la messe de ce premier dimanche d’Avent : Frères, que le Seigneur vous donne, entre vous et à l’égard de tous les hommes, un amour de plus en plus intense et débordant, comme celui que nous avons pour vous, et qu’ainsi il vous établisse fermement dans une sainteté sans reproche devant Dieu notre Père pour le jour où notre Seigneur Jésus viendra avec tous les saints. (1Th 3, 12-13)
            Dans son petit livre Soleil dans la nuit notre abbé général rappelait que nos Pères Cisterciens sont non seulement des mystiques mais des mystagogues c’est-à-dire non seulement des hommes qui ont fait une véritable expérience de Dieu et de son mystère mais des maîtres qui nous introduisent par leurs écrits dans cette expérience du mystère. En lisant leurs écrits nous sommes comme affectés par leur expérience à la manière dont on l’est par une musique, une poésie ou une peinture. De même que l’artiste essaye de communiquer l’expérience qu’il a faite de la beauté, ainsi nos Pères, par leurs écrits, veulent nous introduire dans leur expérience de Dieu, ils nous attirent vers le mystère et nous en ouvrent l’accès.

Ils nous montrent comment faire quotidiennement cette expérience. Chaque fois que, à leur exemple, j’écoute avec le cœur les textes qui sont lus dans la liturgie, lorsque durant ma lectio divina, je laisse la parole toucher mon cœur et amorcer un mouvement de conversion, je perçois, faiblement mais réellement, que Dieu me parle et j’essaye de lui répondre. Lorsque ce don de Dieu est reçu, accueilli, je vis, d’une certaine façon, ce dialogue mystique que Bernard traduit en termes d’épousailles et de noces. L’expérience de Dieu ne doit pas être comprise uniquement sous ses formes extraordinaires. Nous ne savons rien de l’expérience de Dieu que fit Marie ni celle que vécut Jésus et pourtant les textes de l’Evangile nous laissent entendre qu’elle se fit très souvent dans l’ordinaire de la vie. Dieu n’a pas triché en prenant notre condition humaine.
L’expérience mystique de Jésus, dit dom Bernardo, ne consiste pas en une succession d’expériences spécifiques de nature extraordinaire. Il s’agit plutôt d’un processus continu d’identification personnelle et de découverte de sa mission dans son propre contexte familier, social, culturel et religieux. C’est ainsi que Jésus est entré graduellement et constamment dans le Mystère de Dieu[2].
Et il poursuit :
L’expérience mystique de Jésus est éminemment trinitaire et tout à la fois messianique : son expérience se réfère à l’intimité du Dieu Trinité et à la volonté salvifique du Dieu amour.
J’aime aussi la brève analyse qu’il nous donne de l’extase de joie de Jésus telle que la rapporte Luc 10, 20-22 : A l’ instant même il exulta sous l’action de l’Esprit Saint et dit : « Je te loue, Père du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits. Oui, Père, c’est ainsi que tu en as disposé en ta bienveillance. Tout m’a été remis par mon Père, et nul ne connaît qui est le Fils, si ce n’est le Père, ni qui est le Père si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils veut bien le révéler. »
Quelle est la cause de cette exultation ? se demande dom Bernardo. Elle est triple :
- en premier lieu, le constat que le Règne de Dieu triomphe du Malin ;
- ensuite et principalement, l’expérience de la miséricorde du Père qui se révèle aux
petits et se cache aux sages. Ceci nous rappelle l’exaltation et la profonde joie    spirituelle de Marie se sachant regardée par Dieu à cause de sa petitesse ;
- enfin sa connaissance intime et profonde du Père et la confirmation que Celui-ci lui
a tout confié, spécialement la révélation du mystère du Père aux plus petits[3]
En faisant l’application de cette expérience de Dieu que vécut Jésus à celle que nous sommes appelés à faire dans notre vie monastique il conclut :
 Dans notre contexte monastique marqué par la tradition cistercienne, les expériences les plus communes du Mystère du Seigneur se réfèrent habituellement à la bonté libératrice et l’amitié de Dieu (dulcedo et suavitas), la componction du cœur (compunctio), le désert et l’obscurité attrayante et transformante (desertum), le désir d’infini et d’absolu (desiderium), l’alliance sponsale avec le Bien-Aimé (sponsalia), la communion des volontés (unitas spiritus) et l’alternance des phénomènes spirituels.

2° Le souvenir de Dieu
      Une telle expérience demeure un don de Dieu mais ont peut se préparer à recevoir cette grâce. Nos Constitutions elles-mêmes nous guident lorsqu’elles nous parlent du souvenir continuel de Dieu. C’est la constitution 20 :   
Par le continuel souvenir de Dieu, les frères prolongent l’œuvre de Dieu tout au long du jour. Aussi l’abbé doit-il veiller à ce que chacun ait amplement le loisir de vaquer à la lectio et à la prière. Tous ont le souci de rendre l’environnement du monastère propice au silence et au recueillement.
Sont mentionnés ici pour nourrir le souvenir de Dieu : l’office, la lectio, la prière, le silence, le recueillement, la vigilance de l’abbé, le loisir pour Dieu (en latin otium), le souci de rendre l’environnement propice au silence et au recueillement.
Saint Benoît recourt souvent au verbe se souvenir. Le début de toute vie spirituelle, pour lui, est de fuir absolument l’oubli de Dieu. Les premiers mots de la Règle sont Écoute, ô mon fils… Écouter, c’est déjà sortir de l’oubli, c’est percevoir une présence. Nous savons combien  sans cesse nous retombons dans l’oubli. Cela se manifeste lorsque nous fuyons la prière ou la lectio.
Rappelle-toi d’où tu es tombé (Ap 2,5) rappelle-toi comment tu as reçu et entendu la parole. (Ap 3,3) Déjà le Deutéronome tenait ce langage : Ne va pas oublier ces choses que tes yeux ont vues, ni les laisser aucun jour de ta vie sortir de ton cœur…au jour où tu te tenais en présence du Seigneur (4,9-10)  et surtout s.Paul à Timothée souviens-toi de Jésus-Christ ! (2 Tim 2,8) Les psaumes nous invitent à nous souvenir des merveilles de Dieu pour son Peuple, les deux grandes merveilles étant la Création et la Rédemption. On se souvient de Dieu parce que Dieu s’est souvenu de son Peuple, on se rappelle l’Alliance faite avec nos Pères en faveur d’Abraham et de sa race à jamais.
Pour garder ce souvenir de Dieu un certain radicalisme est nécessaire et en particulier pour ce qui concerne notre pratique quotidienne de la lectio. L’abbé doit veiller à ce que chacun ait suffisamment de temps pour la lectio. Il n’est pas demandé à l’Abbé de contrôler si chacun prie et fait sa lectio mais il doit avoir le souci que chacun puisse le faire. Ce temps, nous l’avons et particulièrement après les Vigiles. Comment l’utilisons-nous ? C’est très encourageant de se trouver ensemble à certains moments pour faire cette lectio. L’exercice de la lecture régulière durant le Carême n’est pas un temps supplémentaire mais une simple invitation à vivre toute l’année cette fidélité à la lectio. L’Avent nous invite à reprendre cette bonne habitude.

 3°) Climat de silence et de recueillement

Tous auront le souci de favoriser constamment cette mémoire de Dieu par une atmosphère de recueillement. C’est un domaine où doit  jouer l’entraide fraternelle car il est rare que celui qui nuit à cet environnement s’en rende compte sur le moment. Quand j’ai à parler à un frère je dois me retirer à l’écart et parler avec un ton de voix qui ne dérange pas l’ensemble.
Les cloîtres sont des lieux qui conditionnent l’atmosphère générale de la maison. Les hôteliers veillent à conserver cette atmosphère de silence à l’hôtellerie. Ce sont parfois les moines qui ne la respectent pas. Un retraitant en prière dans l’oratoire a dû un jour le quitter parce qu’un frère y était entré avec des hôtes en leur parlant ! En clôture il est normal que ce silence soit encore plus religieusement respecté. Un silence bien observé est porteur. Plusieurs frères m’ont dit combien ils appréciaient pour cela les journées de solitude.
Actus vitae suae omni hora custodire, (RB c.4, 48) dans tous ses actes et à toute heure, conserver une certaine maîtrise. C’est cette maîtrise qui crée une qualité de vie, un art de vivre ensemble. Les paroles spontanées affectent cet art de vivre qui pour nous s’appelle recueillement. Nous en sommes tous responsables.
Je vous relis la constitution 24 sur la garde du silence :
Dans l’Ordre, le silence est une des principales valeurs de la vie monastique. Il assure la solitude du moine dans la communauté. Il favorise le souvenir de Dieu et la communion fraternelle ; il ouvre aux inspirations de l’Esprit-Saint, entraîne à la vigilance du cœur et à la prière solitaire devant Dieu. C’est pourquoi en tout temps, mais surtout aux heures de la nuit, les frères s’appliqueront au silence, gardien de la parole en même temps que des pensées.
—————————————–
[1] Discours de Jean Paul II donné à Castelgondolfo aux membres du Chapitre Général le 19 octobre 2002
[2]  op.cité, p.69
[3]  op. cité, p. 75

4 Octobre : Saint François d’Assise – Liturgie des Heures – Office des Lectures

3 octobre, 2011

du site:

http://www.aelf.org/office-lectures

4 Octobre : Saint François d’Assise

Liturgie des Heures – Office des Lectures

LETTRE DE S. FRANÇOIS À TOUS LES FIDÈLES

À tous les chrétiens, religieux, clercs et laïques, hommes et femmes, à tous ceux qui habitent dans le monde entier, le frère François, leur serviteur et leur sujet : hommage et respect, vraie paix du ciel et sincère charité dans le Seigneur.
Puisque je suis le serviteur de tous, je suis tenu de me mettre au service de tous, et de me faire le ministre des paroles pleines de parfum de mon Seigneur. C’est pourquoi, considérant en moi-même que je ne puis, à cause des maladies et de la faiblesse de mon corps, aller vous visiter tous et chacun, je me suis proposé de vous adresser la présente lettre et ce message, pour vous rapporter les paroles de Notre Seigneur Jésus Christ, qui est la Parole du Père, et les paroles du Saint-Esprit, qui sont Esprit et Vie.
Ce Verbe du Père, si digne, si saint et si glorieux, le Père très haut en annonça la venue, par son saint archange Gabriel, à la sainte et glorieuse Vierge Marie, du sein de laquelle le Verbe reçut vraiment la chair de notre humanité fragile. Lui qui était riche plus que tout, il a voulu choisir, avec sa bienheureuse Mère, par-dessus tout, la pauvreté.
Proche de sa Passion, il célébra la Pâque avec ses disciples. ~ Ensuite il pria son Père en disant : Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! ~ Cependant, il mit sa volonté dans la volonté de son Père, en disant : Père, que ta volonté soit faite, non comme je veux, mais comme tu veux !
Or, la volonté du Père fut que son Fils béni et glorieux, qu’il nous a donné et qui est né pour nous, s’offrît lui-même par son propre sang, en sacrifice et en victime sur l’autel de la Croix ; non pour lui-même, par qui toutes choses ont été faites, mais pour nos péchés, nous laissant un exemple afin que nous suivions ses traces. Il veut que tous nous soyons sauvés par lui, et que nous le recevions d’un cœur pur et dans un corps chaste.~
Qu’ils sont heureux et bénis, ceux qui aiment le Seigneur et font ce qu’il dit lui-même dans l’Évangile : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur et de toute ton âme, et ton prochain comme toi-même. Aimons donc Dieu et adorons-le avec pureté de cœur et d’esprit, car c’est là ce qu’il cherche par-dessus tout quand il dit : Les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ; car tous ceux qui l’adorent doivent l’adorer en esprit et en vérité. Adressons-lui des louanges et des prières, jour et nuit, en disant : Notre Père qui es aux cieux. Car il nous faut toujours prier et ne cesser jamais. ~
En outre, faisons de dignes fruits de pénitence. Puis aimons notre prochain comme nous-mêmes. ~ Ayons donc charité et humilité : faisons des aumônes, car elles lavent les âmes des souillures de leurs péchés. En effet, les hommes perdent tout ce qu’ils laissent en ce monde ; tandis qu’ils emportent avec eux le prix de leur charité et les aumônes qu’ils ont faites : ils en recevront de Dieu la récompense et la digne rémunération. ~
Nous ne devons être ni sages ni prudents selon la chair ; mais nous devons plutôt être simples, humbles et purs. ~ Jamais nous ne devons désirer d’être au-dessus des autres ; mais nous devons plutôt être serviteurs et soumis a toute créature humaine à cause de Dieu.
Tous ceux qui agiront ainsi et persévéreront jusqu’à la fin, l’Esprit du Seigneur reposera sur eux et fera en eux habitation et demeure, et ils seront fils du Père céleste dont ils font les œuvres : et ils seront époux, frères et mères de Notre Seigneur Jésus Christ.

21 SEPTEMBRE – SAINT MATTHIEU APÔTRE ET ÉVANGÉLISTE (Litrurgie des Heures)

20 septembre, 2011

du site:

http://www.aelf.org/office-lectures

21 SEPTEMBRE – SAINT MATTHIEU APÔTRE ET ÉVANGÉLISTE

Liturgie des Heures – Office des Lectures

HOMÉLIE DE S. BÈDE LE VÉNÉRABLE

Matthieu se leva et suivit Jésus

Jésus vit un homme assis au bureau de la douane ; son nom était Matthieu. « Suis-moi », lui dit-il. Il le vit non pas tant avec les yeux du corps qu’avec le regard intérieur de sa miséricorde. ~ Il vit le publicain, et parce qu’il le vit d’un regard qui prend pitié et qui choisit, il lui dit : « Suis-moi », c’est-à-dire imite-moi. En lui demandant de le suivre, il l’invitait moins à marcher derrière lui qu’à vivre comme lui ; car celui qui déclare demeurer dans le Christ doit marcher dans la voie où lui, Jésus, a marché. ~ Matthieu se leva et le suivit. Rien d’étonnant que le publicain, au premier appel impérieux du Seigneur, ait abandonné sa recherche de profits terrestres et que, négligeant les biens temporels, il ait adhéré à celui qu’il voyait dépourvu de toute richesse. C’est que le Seigneur qui l’appelait de l’extérieur par sa parole le touchait au plus intime de son âme en y répandant la lumière de la grâce spirituelle. Cette lumière devait faire comprendre à Matthieu que celui qui l’appelait à quitter les biens temporels sur la terre était en mesure de lui donner dans le ciel un trésor incorruptible. ~
Comme Jésus était à table à la maison, voilà que beaucoup de publicains et de pécheurs vinrent s’attabler avec lui et ses disciples. La conversion d’un seul publicain ouvrit la voie de la pénitence et du pardon à beaucoup de publicains et de pécheurs. ~ Beau présage en vérité : celui qui devait être plus tard Apôtre et docteur parmi les païens entraîne à sa suite, lors de sa conversion, tout un groupe de pécheurs sur le chemin du salut ; et ce ministère de l’Évangile qu’il allait accomplir après avoir progressé dans la vertu, il l’entreprend dès les premiers débuts de sa foi. ~
Essayons de comprendre plus profondément l’événement relaté ici. Matthieu n’a pas seulement offert au Seigneur un repas corporel dans sa demeure terrestre, mais il lui a bien davantage préparé un festin dans la maison de son cœur par sa foi et son amour ; comme en témoigne celui qui a dit : Voici que je me tiens à la porte, et je frappe : Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui et je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi. ~ Nous ouvrons notre porte pour le recevoir à l’appel de sa voix lorsque nous donnons notre libre assentiment à ses avertissements intérieurs ou extérieurs et quand nous mettons à exécution ce que nous avons compris que nous devions faire. Et il entre pour manger, lui avec nous et nous avec lui, parce qu’il habite dans le cœur de ses élus, par la grâce de son amour ; ainsi il les nourrit sans cesse par la lumière de sa présence afin qu’ils élèvent progressivement leurs désirs, et lui-même se nourrit de leur zèle pour le ciel comme de la plus délicieuse nourriture
.

Hosanna au plus haut des cieux

25 août, 2011

du site:

http://www.esprit-et-vie.com/article.php3?id_article=2134

Hosanna au plus haut des cieux

P. Philippe Rouillard, o.s.b.

La liturgie de ce dimanche est exceptionnelle, puisqu’elle porte un double titre : dimanche des Rameaux et de la Passion, et comporte deux lectures d’Évangile. C’est donc un double événement et un double mystère que nous vivons en ce dernier dimanche avant Pâques, en ce jour où nous entrons dans la sainte semaine des passions du Christ.

La célébration des Rameaux

« Quelques jours avant la fête de la Pâque. » Surprise : cette indication chronologique que nous trouvons dans notre missel au début de l’évangile des Rameaux… ne figure pas dans la Bible. Elle a été ajoutée pour établir un lien plus étroit entre la célébration pascale et l’entrée de Jésus à Jérusalem, alors que dans la Bible beaucoup d’événements et d’enseignements (qui occupent les chapitres 21-25 de Matthieu) suivent l’entrée à Jérusalem.
Quoi qu’il en soit, Jésus entre à Jérusalem dans un climat d’allégresse populaire : on brandit des feuillages coupés aux arbres. Ici encore, il y a de libres traductions : selon les climats, on coupe de vraies palmes, signes de victoire, ou des branches d’olivier, symboles de paix, ou encore de modestes rameaux de buis toujours vert, qui à ce titre sont considérés comme un symbole d’immortalité et sont placés dans les maisons mais aussi sur les tombes. En beaucoup d’églises, on offre aujourd’hui les trois sortes de branchages : choisirons-nous un signe de victoire, de paix ou d’immortalité ?
À Jérusalem autrefois comme dans nos églises aujourd’hui, la procession s’accompagne de l’acclamation « Hosanna au plus haut des cieux », dont nous ignorons l’origine précise, mais qui évoque le chant des anges à Noël : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux. » Il est bon qu’avant de célébrer l’abaissement de la Passion, nous chantions déjà l’exaltation du Christ, et qu’ainsi nous donnions le ton à toute la liturgie de ce jour.
Aussi bien, l’évangile s’achève par une de ces questions d’identité chères à Matthieu, déjà rencontrées dans les évangiles de la Samaritaine au quatrième dimanche et de l’aveugle-né au cinquième dimanche. Alors qu’on vient de faire un triomphe à Jésus, quelques ignorants ou quelques étrangers demandent : « Qui est-ce ? » Ne serions-nous pas, nous aussi, de ceux qui posent des questions légitimes ?
La célébration de la Passion
Toute la célébration est marquée par la lecture ou le chant de la Passion selon saint Matthieu, qui commence avec les préparatifs du repas pascal et l’institution de l’eucharistie pour s’achever avec la déposition du corps du Christ dans un tombeau, déposition accompagnée d’allusions non anodines à l’annonce de sa Résurrection. Après l’entrée triomphale à Jérusalem, vient donc la route des douleurs, la via dolorosa, le chemin du mépris et de la dérision qui se prolonge par le chemin de croix.
Dans ce long récit, Matthieu et Marc sont les seuls à nous transmettre l’appel au secours du Christ en croix : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Un cri, un sentiment d’abandon, qui reste mystérieux pour nous, mais qui est relayé aujourd’hui par tant d’hommes, de femmes et d’enfants : « Mon Dieu, où es-tu, m’as-tu abandonné ? » Et peut-être est-ce le monde entier, en proie à tant de conflits, de violences et d’incertitudes, qui demande à Dieu : « Où es-tu, nous aurais-tu abandonnés ? » Ce récit dramatique, qui a ému toute l’assemblée et chacun de nous, qui fait couler souvent des larmes d’émotion et de compassion, ne doit pas rester sans réponse. En certaines églises, on chante à nouveau et à plusieurs reprises le « Hosanna au plus haut des cieux », en montrant ainsi que l’on voit dans un regard de foi l’aboutissement et donc le sens de toutes ces allées et venues relatées avec insistance par l’Évangéliste. En reprenant ce chant de la procession des Rameaux, on exprime aussi le lien entre les deux parties de la célébration.
Que dire du mystère de la Passion ? En français comme en d’autres langues occidentales, le mot passion a deux sens : la souffrance, mais aussi l’intérêt ou l’amour passionné pour une science, pour un art, pour une personne. Certes, notre dimanche de la Passion du Seigneur évoque et célèbre la souffrance endurée et acceptée par le Christ, mais il contemple et célèbre aussi, de façon plus intérieure, l’amour passionné du Christ pour Dieu son Père et pour nous les hommes, à qui il donne sa vie.
Amour passionné du Christ pour son Père lorsqu’au jardin des Oliviers il lui dit : « Non pas ma volonté, mais ta volonté » ; amour déchiré lorsque sur la croix il s’écrie : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » ; amour de totale confiance lorsqu’il s’abandonne : « Entre tes mains je remets mon esprit. »
Et de l’autre côté, amour passionné du Christ pour ses disciples et pour tous les hommes lorsqu’il institue l’eucharistie : « Ceci est mon corps donné pour vous, ceci est mon sang répandu pour la multitude en rémission des péchés » ; amour trahi pour Judas lorsqu’il l’appelle ami : « Mon ami, fais ta besogne » ; amour infini pour Pierre le renégat lorsqu’à la fin de la Cène il lui dit : « J’ai prié pour toi afin que ta foi ne sombre pas », et qu’après son reniement il pose son regard sur lui, et Pierre « pleure amèrement » ; amour plein de pitié pour ses bourreaux lorsqu’il demande : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. »
Nous rappeler les deux sens du mot passion, c’est nous rendre plus attentifs à la richesse des mystères célébrés en ce dimanche : victoire de la vie sur la mort, que symbolisent les rameaux printaniers ; souffrance indicible : « Mon âme est triste jusqu’à la mort » ; amour passionné du Christ pour son Père et pour les hommes, qui lui donne la force de surmonter les épreuves et d’aller jusqu’au bout du chemin.
« Hosanna au plus haut des cieux » : ce chant lié au dimanche des Rameaux et à l’entrée de Jésus à Jérusalem, nous le reprenons à chaque messe dans le chant du Sanctus. Il y a beaucoup de façons de chanter cet Hosanna. Et Bach et d’autres compositeurs ont écrit une Passion selon saint Matthieu. À nous de donner, par notre vie, une interprétation personnelle de l’Hosanna aussi bien que de la Passion.

123456...16