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HOMÉLIE PASCALE ANCIENNE : Le Christ est mort pour que nous ayons la vie

26 mars, 2008

Office des Lectures – Deuxième Lecture  - 26 mars 2008 

 

HOMÉLIE PASCALE ANCIENNE 

 

Le Christ est mort pour que nous ayons la vie.

Saint Paul, rappelant l’heureux événement de notre salut restitué, s’écrie: De même que par Adam la mort est entrée dans le monde, c’est ainsi que par le Christ le salut a été rendu au monde. Et encore: Pétri de terre, le premier homme vient de la terre. Le deuxième homme, lui, vient du ciel. Et il ajoute: De même que nous portons l’image de celui qui est pétri de terre, c’est-à-dire de l’homme ancien, pécheur, de même nous porterons l’image de celui qui vient du ciel, c’est-à-dire que nous posséderons dans le Christ le salut de l’homme adopté, racheté, restauré et purifié. Car le même Apôtre dit: En premier, est ressuscité le Christ, c’est-à-dire l’auteur de la résurrection et de la vie, ensuite ceux qui seront au Christ, c’est-à-dire ceux qui vivent selon son modèle de pureté: ils auront en toute sécurité l’espérance de la résurrection, car ils posséderont avec lui la gloire promise par Dieu. En effet, le Seigneur a dit dans l’Evangile: Celui qui me suivra ne périra pas, mais il passera de la mort à la vie.

Ainsi, la passion du Christ, c’est le salut de la vie humaine. Car c’est pour cela qu’il a voulu mourir pour nous: afin que, croyant en lui, nous ayons la vie sans fin. Il a voulu devenir pour un temps ce que nous sommes, afin qu’ayant reçu la promesse de l’éternité, nous vivions sans fin avec lui.

Telle est la grâce des mystères célestes, tel est le don de la Pâque, telle est cette fête annuelle, si désirable, telle est l’aurore du monde nouveau.

C’est pourquoi les nouveau-nés, mis au monde par cet enfantement qu’est le baptême de vie donné par la sainte Église, régénérés dans la simplicité des enfants, font retentir les accents de l’innocence. C’est pourquoi des pères chastes et des mères pleines de pudeur engendrent par la foi une innombrable descendance nouvelle.

C’est pourquoi, sous l’arbre de la foi, du sein d’une source pure, brille l’éclat des cierges. C’est pourquoi ces enfants sont sanctifiés par le don d’une grâce céleste et sont nourris par le mystère d’un sacrement célébré dans l’Esprit.

C’est pourquoi, une troupe de frères, élevée sur les genoux de la sainte Eglise pour former un seul peuple, adorant la nature de la divinité unique et le nom de sa puissance en trois Personnes, s’unit au Prophète pour chanter le psaume de la solennité annuelle: Voici le jour que fit le Seigneur: qu’il soit pour nous jour de fête et de joie.

Quel est donc ce jour? Celui qui a donné naissance à la vie, qui a fait éclore le jour, l’auteur de la lumière, c’est-à-dire le Seigneur Jésus Christ en personne, qui a dit lui-même: Moi, je suis le jour; celui qui marche de jour ne trébuche pas. Autrement dit: celui qui suit le Christ en toute chose, parviendra sur ses traces au trône de l’éternelle lumière. C’est ainsi qu’aux derniers jours de sa vie mortelle lui-même a prié le Père pour nous en disant: Père, je veux que là où je suis, ceux qui ont cru en moi soient aussi; comme tu es en moi et moi en toi, qu’ils demeurent en nous

Chanté dans la nuit de Pâques, l’Exultet est la proclamation de la résurrection du Christ.

20 mars, 2008

veille du Samedi Saint l’Exultet,

TEXTE FRANÇAIS

Chanté dans la nuit de Pâques, l’Exultet est la proclamation de la résurrection du Christ. 

Qu’exulte de joie dans le ciel la multitude des anges ! Chantez, serviteurs de Dieu, et que retentisse la trompette triomphale pour la victoire du grand Roi ! Réjouis-toi, ô notre terre, resplendissante d’une lumière éclatante, car il t’a prise en sa clarté et son règne a dissipé ta nuit ! Réjouis-toi, Eglise notre mère, toute remplie de sa splendeur, et que résonne l’acclamation du peuple des fils de Dieu !…

Vraiment il est juste et bon de proclamer à pleine voix ta louange, Dieu invisible, Père tout puissant, et de chanter ton Fils bien-aimé, Jésus Christ notre Seigneur. C’est lui qui a payé pour nous la dette encourue par Adam notre père, et qui a détruit en son sang la condamnation de l’ancien péché. Car voici la fête de la Pâque où l’Agneau véritable est immolé pour nous. Voici la nuit où tu as tiré de l’Egypte nos pères, les enfants d’Israël, et leur as fait passer la mer Rouge à pied sec ; nuit où le feu de la nuée lumineuse a repoussé les ténèbres du péché…

Ô nuit qui nous rend à la grâce et nous ouvre la communion des saints ; nuit où le Christ, brisant les liens de la mort, s’est relevé victorieux des enfers. Heureuse faute d’Adam qui nous a valu un tel Rédempteur ! Ô nuit qui seule a pu connaître le temps et l’heure où le Christ est sorti vivant du séjour des morts ; ô nuit dont il est écrit : « La nuit comme le jour illumine, la ténèbre autour de moi devient lumière pour ma joie » (Ps 138,12)… Ô nuit bienheureuse, où se rejoignent le ciel et la terre, où s’unissent l’homme et Dieu.

Dans la grâce de cette nuit, accueille, Père très Saint, le sacrifice du soir de cette flamme que l’Eglise t’offre par nos mains ; permets que ce cierge pascal, consacré à ton nom, brûle sans déclin en cette nuit et qu’il joigne sa clarté à celle des étoiles. Qu’il brûle encore quand ce lèvera l’astre du matin, celui qui ne connaît pas de couchant, le Christ ressuscité revenu des enfers, qui répand sur les hommes sa lumière et sa paix. Garde ton peuple, nous t’en prions, ô notre Père, dans la joie de ces fêtes pascales. Par Jésus Christ, ton Fils notre Seigneur, qui par la puissance de l’Esprit s’est relevé d’entre les morts et qui règne près de toi pour les siècles des siècles.
Amen !

TEXTE LATIN

Exultet iam angelica turba caelorum! Exultent divina mysteria, et pro tanti regis victoria tuba intonet salutaris. Gaudeat se tantis Tellus inradiata fulgoribus, et aeterni regis splendore lustrata, totius orbis se sentiat amisisse caliginem. Laetetur et Mater Ecclesia, tanti luminis adornata fulgore, et magnis populorum vocibus haec aula resultet. Quapropter adstantibus vobis, fratres carissimi, ad tam miram sancti huius luminis claritatem, una mecum, quaeso, Dei omnipotentis misericordiam invocate. Ut qui me, non meis meritis, intra levitarum numerum dignatus est adgregare, luminis sui gratia infundente, cerei huius laudem implere praecipitat. (..)

Vere qui dignum et iustum est invisibilem Deum omnipotentem Patrem, Filiumque unigenitum Dominum nostrum Iesum Christum, toto cordis ac mentis adfectu at voci ministerio personare, qui pro nobis aeterno Patri Adae debitum solvit et veteris piaculi cautionem pio cruore detersit. Haec sunt enim festa paschalium, in quibus verus ille agnus occiditur eiusque sanguis postibus consecratur. Haec nox est in qua primum patres nostros, filios Israel, educens de Aegypto, Rubrum mare sicco vestigio transire fecisti. Haec igitur nox est, quae peccatorum tenebras columnae inluminatione purgavit. Haec nox est, quae hodie per universum mundum in Christo credentes, a vitiis saeculi segregatos et caligine peccatorum, reddit gratiae, sociat sanctitati.

Haec nox est, in qua destructis vincolis mortis, Christus ab inferis victor ascendit. Nihil enim nobis nasci profuit, nisi redimi profuisset. O mira circa nos tuae pietatis dignatio! O inaestimabilis dilectio caritatis: ut servum redimeres, filius tradidisti! O certe necessarium Adae peccatum, quod Christi morte deletum est! O felix culpa, quae talem ac tantum meruit habere redemptorem! O beata nox, quae sola meruit scire tempus et horam in qua Christus ab inferis resurrexit. Haec nox est, de qua scriptum est: Et nox ut dies inluminabitur, et: Nox inluminatio mea in deliciis meis. Huius igitur sanctificatio noctis fugat scelera, culpas lavat et reddit innocentiam lapsis, maestis laetitiam; fugat odia, concordiam parat et curvat imperia.

In huius igitur noctis gratia, suscipe, sancte Pater, incensi huius sacrificium vespertinum, quod tibi in hac cerei oblatione solemni, per ministrorum manus, de operibus apum, sacrosancta reddit Ecclesia. Sed iam columnae huius praeconia novimus, quam in honore Dei rutilans ingnis accendit. Qui licet divisus in partes, mutuati luminis detrimenta non novit: alitur liquantibus ceris quas in substantiam pretiosae huius lampadis apis mater eduxit. Apis ceteris, quae subiecta sunt homini animantibus antecellit. Cum sit minima corporis parvitate, ingentes animos angusto versat in pectore, viribus imbecilla sed fortis ingenio. Haec explorata temporum vice, cum canitiem pruinosa hiberna posuerint, et glaciale senium verni temporis moderata deterserint, statim prodeundi ad laborem cura succedit; dispersaque per agros, libratis paululum pinnibus, cruribus suspensis insidunt, prati ore legere flosculos; oneratis victualibus suis, ad castra remeant, ibique aliae inaestimabili arte cellulas tenaci glutino instruunt, aliae liquantia mella stipant, aliae vertunt flores in ceram, aliae ore natos fingunt, aliae collectis et foliis nectar includunt. O vere beata et mirabilis apis, cuius nec sexum masculi violant, foetus non quessant, nec filii destruunt castitatem; sicut sancta concepit virgo Maria, virgo peperit et virgo permansit. O vere beata nox, que expoliavit Aegyptos, ditavit Hebraeos; nox in qua terrenis caelestia iunguntur. Oramus te, Domine, ut cereus iste, in honore nominis tui consecratus, ad noctis huius caliginem destruendam indeficiens persevert. In odorem suavitatis acceptus, supernis luminaribus miseatur. Flammas eius Lucifer matutinus inveniat, ille inquam Lucifer qui nescit occasum; ille qui regressus ab inferis, humano generi sereno inluxit. Precamur ergo te, Domine (…)

Gianfranco Ravasi, meditation – via crucis au Colosseo : Jésus au Jardin des Oliviers

16 mars, 2008

PREMIÈRE STATION
Jésus au Jardin des Oliviers 
 

  
 V/. Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
R/. Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum. 

De l’Évangile selon saint Luc. 22,39-46

Jésus sortit pour se rendre, comme d’habitude, au mont des Oliviers, et ses disciples le suivirent. Arrivé là, il leur dit : « Priez, pour ne pas entrer en tentation ». Puis il s’écarta à la distance d’un jet de pierre environ. Se mettant à genoux, il priait : « Père, si tu veux, éloigne de moi cette coupe ; cependant, que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne ». Alors, du ciel, lui apparut un ange qui le réconfortait. Dans l’angoisse, Jésus priait avec plus d’insistance ; et sa sueur devint comme des gouttes de sang qui tombaient jusqu’à terre. Après cette prière, Jésus se leva et rejoignit ses disciples qu’il trouva endormis à force de tristesse. Il leur dit : « Pourquoi dormez-vous ? Levez-vous et priez, pour ne pas entrer en tentation ».

MÉDITATION

 Quand descend sur Jérusalem le voile de l’obscurité, aujourd’hui encore, les oliviers de Gethsémani semblent nous ramener, par le bruissement de leurs feuilles, à cette nuit de souffrance et de prière vécue par Jésus. Il se tient seul, au centre de la scène, agenouillé sur la terre de ce jardin. Comme toute personne affrontée à la mort, le Christ aussi est tenaillé par l’angoisse : plus encore, le mot qu’utilise l’évangéliste Luc est celui d’« agonie », c’est-à-dire lutte. La prière de Jésus est alors dramatique, tendue comme dans un combat, et la sueur mêlée de sang qui coule sur son visage est le signe d’un tourment âpre et dur. Le cri est lancé vers le ciel, vers le Père qui semble mystérieux et muet : « Père, si tu veux, éloigne de moi cette coupe », la coupe de la souffrance et de la mort. Jacob, l’un des pères d’Israël, avait lui aussi, au cours d’une nuit sombre sur les rives d’un affluent du Jourdain, rencontré Dieu, comme une personne mystérieuse qui « avait lutté avec lui jusqu’au lever de l’aurore ». (2) Prier au moment de l’épreuve est une expérience qui bouleverse le corps et l’âme, et Jésus, lui aussi, dans les ténèbres de ce soir, « a présenté, avec un grand cri et dans les larmes, sa prière et sa supplication à Dieu qui pouvait le sauver de la mort ». (3)  * * * 

Dans le Christ de Gethsémani aux prises avec l’angoisse, nous nous retrouvons nous-mêmes quand nous traversons la nuit de la souffrance qui déchire, la nuit de la solitude lorsque les amis nous abandonnent, la nuit du silence de Dieu. C’est pour cela que Jésus – comme il a été dit – « sera en agonie jusqu’à la fin du monde : il ne faut pas dormir pendant ce temps-là parce qu’il cherche de la compagnie et du soulagement » (4) comme toute personne qui souffre sur cette terre. En lui nous découvrons aussi notre visage, quand il est baigné de larmes et marqué par la désolation.  Mais le combat de Jésus n’aboutit pas à la tentation de se laisser vaincre par le désespoir, mais il aboutit à professer sa confiance dans le Père et dans son mystérieux dessein. Ce sont les paroles du « Notre Père » qu’il propose de nouveau en cette heure amère : « Priez pour ne pas entrer en tentation… Que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne ! ». Et voici qu’apparaît l’ange de la consolation, du soutien et du réconfort, qui aide Jésus et qui nous aide à continuer jusqu’au bout notre chemin.     (2) Cf. Gn 32, 23-32.
(3) Cf. He 5, 7.
(4) Blaise Pacale, Pensées, n. 553, éld. Brunschvicg. 
  

Tous:

 Pater noster, qui es in cælis:
sanctificetur nomen tuum;
adveniat regnum tuum;
fiat voluntas tua, sicut in cælo, et in terra.
Panem nostrum cotidianum da nobis hodie;
et dimitte nobis debita nostra,
sicut et nos dimittimus debitoribus nostris;
et ne nos inducas in tentationem;
sed libera nos a malo.
 
  

Stabat mater dolorosa
iuxta crucem lacrimosa
,
dum pendebat Filius.
 

Debout, la Mère douloureuse
près de la Croix était en larmes
devant son Fils suspendu.

  

Office des Lectures : Dimanche des Rameaux

16 mars, 2008

Office des Lectures du dimanche 16 mars 2008
Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur

Lecture – première:

Lettre aux Hébreux (He 10, 1-18)
Sacrifice unique et efficace

Le sacrifice du Christ « accomplit » la valeur des sacrifices anciens et instaure le culte parfait.

Ne possédant que l’esquisse des biens à venir et non l’expression même des réalités, la loi est à jamais incapable, malgré les sacrifices, toujours les mêmes, offerts chaque année indéfiniment, de mener à l’accomplissement ceux qui viennent y prendre part. Sinon, n’aurait-on pas cessé de les offrir pour la simple raison que, purifiés une bonne fois, ceux qui rendent ainsi leur culte n’auraient plus eu conscience d’aucun péché? Mais, en fait, par ces sacrifices, on remet les péchés en mémoire chaque année. Car il est impossible que du sang de taureaux et de boucs enlève les péchés. Aussi, en entrant dans le monde, le Christ dit: De sacrifice et d’offrande, tu n’as pas voulu, mais tu m’as façonné un corps. Holocaustes et sacrifices pour le péché ne t’ont pas plu. Alors j’ai dit: Me voici, car c’est bien de moi qu’il est écrit dans le rouleau du livre: Je suis venu, ô Dieu, pour faire ta volonté. Il déclare tout d’abord: Sacrifices, offrandes, holocaustes, sacrifices pour le péché, tu n’en as pas voulu, ils ne t’ont pas plu. Il s’agit là, notons-le, des offrandes prescrites par la loi. Il dit alors: Voici, je suis venu pour faire ta volonté. Il supprime le premier culte pour établir le second. C’est dans cette volonté que nous avons été sanctifiés par l’offrande du corps de Jésus Christ, faite une fois pour toutes. Et tandis que chaque prêtre se tient chaque jour debout pour remplir ses fonctions et offre fréquemment les mêmes sacrifices, qui sont à jamais incapables d’enlever les péchés, lui, par contre, après avoir offert pour les péchés un sacrifice unique, siège pour toujours à la droite de Dieu et il attend désormais que ses ennemis en soient réduits à lui servir de marchepied. Par une offrande unique, en effet, il a mené pour toujours à l’accomplissement ceux qu’il sanctifie. C’est ce que l’Esprit Saint nous atteste, lui aussi. Car après avoir dit: Voici l’alliance par laquelle je m’allierai avec eux après ces jours-là, le Seigneur a déclaré: En donnant mes lois, c’est dans leurs coeurs et dans leur pensée que je les inscrirai, et de leurs péchés et de leurs iniquités je ne me souviendrai plus. Or, là où il y a eu pardon, on ne fait plus d’offrande pour le péché.

lecture: deuxième HOMELIE DE SAINT ANDRE DE CRÉTE POUR LE DIMANCHE DES RAMEAUX

Gloire au Christ vainqueur de la mort. Venez, gravissons ensemble le mont des Oliviers; allons à la rencontre du Christ. Il revient aujourd’hui de Béthanie et il s’avance de son plein gré vers sa sainte et bienheureuse passion, afin de mener à son terme le mystère de notre salut. Il vient donc, en faisant route vers Jérusalem, lui qui est venu du ciel pour nous, alors que nous étions gisants au plus bas, afin de nous élever avec lui, comme l’explique l’Ecriture, au-dessus de toutes les puissances et de toutes les forces qui nous dominent, quel que soit leur nom. Et il vient sans ostentation et sans faste. Car, dit le prophète, il ne protestera pas, il ne criera pas, on n’entendra pas sa voix. Il sera doux et humble, il fera modestement son entrée. ~ Alors, courons avec lui qui se hâte vers sa passion , imitons ceux qui allèrent au-devant de lui. Non pas pour répandre sur son chemin, comme ils l’ont fait, des rameaux d’olivier, des vêtements ou des palmes. C’est nous-mêmes qu’il faut abaisser devant lui, autant que nous le pouvons, l’humilité du coeur et la droiture de l’esprit afin d’accueillir le Verbe qui vient, afin que Dieu trouve place en nous, lui que rien ne peut contenir. Car il se réjouit de s’être ainsi montré à nous dans toute sa douceur, lui qui est doux, lui qui monte au dessus du couchant, c’est-à-dire au-dessus de notre condition dégradée. Il est venu pour devenir notre compagnon, nous élever et nous ramener vers lui par la parole qui nous unit à Dieu. Bien que, dans cette offrande de notre nature humaine, il soit monté au sommet des cieux, à l’orient, comme dit le psaume, j’estime qu’il l’a fait en vertu de la gloire et de la divinité qui lui appartiennent. En effet, il ne devait pas y renoncer, à cause de son amour pour l’humanité, afin d’élever la nature humaine au-dessus de la terre, de gloire en gloire, et de l’emporter avec lui dans les hauteurs. C’est ainsi que nous préparerons le chemin au Christ: nous n’étendrons pas des vêtements ou des rameaux inanimés, des branches d’arbres qui vont bientôt se faner, et qui ne réjouissent le regard que peu de temps. Notre vêtement, c’est sa grâce, ou plutôt c’est lui tout entier que nous avons revêtu: Vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ. C’est nous-mêmes que nous devons, en guise de vêtements, déployer sous ses pas. Par notre péché, nous étions d’abord rouges comme la pourpre, mais le baptême de salut nous a nettoyés et nous sommes devenus ensuite blancs comme la laine. Au lieu de branches de palmier, il nous faut donc apporter les trophées de la victoire à celui qui a triomphé de la mort. Nous aussi, en ce jour, disons avec les enfants, en agitant les rameaux qui symbolisent notre vie : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le roi d’lsraël!

Traité de Tertullien sur la prière : L’offrande spirituelle.

28 février, 2008

28 Février 2008 

Liturgie des Heures – Office de Lecture 

deuxième lecture 

 

Traité de Tertullien sur la prière  

L’offrande spirituelle.

La prière est le sacrifice spirituel qui a supprimé les anciens sacrifices. A quoi bon, dit le Seigneur, m’offrir tant de sacrifices? Les holocaustes de béliers, la graisse des veaux, j’en suis rassasié. Le sang des taureaux, des agneaux et des boucs, je n’en veux plus. Qui donc vous a demandé de m’apporter tout cela?

Ce que Dieu réclame, l’Evangile nous l’enseigne. L’heure vient, dit Jésus, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité. En effet, Dieu est Esprit, et c’est pourquoi il cherche de tels adorateurs.

Nous sommes les vrais adorateurs et les vrais sacrificateurs. En priant dans l’Esprit, c’est par l’Esprit que nous offrons en sacrifice la prière, victime qui revient à Dieu, qui lui plaît, qu’il a recherchée, qu’ il s’est destinée.

C’est elle, offerte de tout cœur, nourrie de la foi, guérie par la vérité, gardée parfaite par l’innocence, purifiée par la chasteté, couronnée par l’amour, c’est elle, la prière, que nous devons conduire jusqu’à l’autel de Dieu, avec la procession des bonnes œuvres, parmi les psaumes et les hymnes; c’est elle qui obtiendra tout de Dieu en notre faveur.

En effet, qu’est-ce que Dieu peut refuser à la prière qui procède de l’esprit et de la vérité, lui qui l’exige? Les grandes preuves de son efficacité, nous les lisons, nous les entendons, nous les croyons!

La prière de jadis délivrait du feu, des bêtes, de la famine, et pourtant elle n’avait pas reçu du Christ sa perfection.

D’ailleurs combien la prière chrétienne est plus amplement efficace! Elle ne place pas au milieu de la fournaise un ange porteur de rosée ; elle ne ferme pas les gueules des lions; elle n’apporte pas aux affamés le repas des moissonneurs. Elle n’écarte aucune souffrance par un bienfait particulier: elle forme par la patience ceux qui pâtissent, qui souffrent et qui s’affligent, elle développe la grâce par son efficacité pour que la foi sache ce qu’elle peut obtenir du Seigneur, en comprenant qu’elle souffre pour le nom de Dieu.

Autrefois la prière infligeait des calamités, mettait en déroute les armées ennemies, arrêtait les bienfaits de la pluie, mais maintenant la prière de justice détourne toute colère divine, monte la garde en faveur des ennemis, supplie pour les persécuteurs. Est-il étonnant qu’elle ait su obtenir de force les eaux du ciel, puisqu’elle a pu en faire tomber le feu? C’est la prière seule qui triomphe de Dieu; mais le Christ n’a pas voulu qu’elle produise aucun mal, toute la vertu qu’il lui a conférée est pour le bien.

Aussi tout ce qu’elle sait faire, c’est rappeler les âmes des défunts du chemin qui conduit droit à la mort, fortifier les faibles, guérir les malades, délivrer les possédés, ouvrir les prisons, défaire les chaînes des innocents. C’est elle encore qui lave les fautes, repousse les tentations, arrête les persécutions, réconforte les timides, adoucit les magnanimes, guide les voyageurs, apaise les flots, paralyse les bandits, nourrit les pauvres, modère les riches, relève ceux qui sont tombés, retient ceux qui trébuchent, raffermit ceux qui restent debout.

Tous les anges prient, toutes les créatures prient; les bêtes domestiques et les bêtes sauvages fléchissent les genoux, et, lorsqu’elles sortent de leurs étables ou de leurs repaires, elles regardent vers le ciel, non sans motif, en faisant frémir leur souffle, chacune à sa manière. Quant aux oiseaux, lorsqu’ils se lèvent, ils se dirigent vers le ciel et ils étendent leurs ailes, comme nous étendons les mains, en forme de croix, et ils font entendre ce qui apparaît comme une prière.

Que dire encore sur la fonction de la prière? Le Seigneur lui-même a prié, à qui soient honneur et puissance pour les siècles des siècles. 

23 février – Saint Polycarpe

22 février, 2008

23 février – Saint Polycarpe

http://nominis.cef.fr/contenus/saint/690/Saint-Polycarpe.html

Evêque et martyr.
Dans sa jeunesse, il connut l’apôtre saint Jean dont il est devenu le disciple. Evêque de Smyrne, il transmettra la tradition johannique au jeune
Irénée, le futur évêque de Lyon. Lorsqu’éclate la persécution commandée par Marc-Aurèle, l’empereur-philosophe, saint Polycarpe est très âgé. Il est plein de noblesse devant le proconsul : »Voilà bientôt quatre-vingt six ans que je sers le Christ, et il ne m’a fait aucun mal. Comment pourrais-je outrager mon roi et mon sauveur ? » Il est alors brûlé vif, « comme un pain dans le four » selon son expression.

http://www.abbaye-saint-benoit.ch/martyrs/martyrs0001.htm#_Toc90633630

MARTYRE DE SAINT POLYCARPE, EVEQUE DE SMYRNE

L’Église de Dieu établie à Smyrne, à l’Église de Dieu établie à Philomelicum et à toutes les parties de l’Église sainte et catholique répandue dans le monde entier : que la miséricorde, la paix et la charité de Dieu le Père et de Notre-Seigneur Jésus-Christ surabonde en vous.

Mes frères, nous vous écrivons au sujet de nos martyrs et du bienheureux Polycarpe, dont le martyre, comme le sceau d’un homme puissant, a mis fin à l’état de persécution. Presque tout ce qui l’a précédé est arrivé afin que Dieu eût occasion de nous témoigner combien ce martyre était en conformité avec l’Évangile. Car Polycarpe a attendu d’être trahi, comme l’a été le Seigneur lui-même, afin que nous soyons ses imitateurs u et que chacun regarde plutôt l’intérêt des autres que le sien propre ». C’est en effet le propre d’une charité véritable et profonde que de chercher à procurer non seulement son salut, mais encore celui de ses frères

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Tous les témoignages rendus furent heureux et courageux, ils sont arrivés selon qu’il a plu à Dieu. Il convient que dans notre grande ferveur nous attribuions à Dieu la force des événements. Qui donc n’admirerait pas leur vaillance, leur patience et leur amour pour Dieu ? Ils étaient tellement déchirés par les fouets que leurs veines, leurs artères, tout le dedans de leur corps était à nu. Ils furent si fermes, néanmoins, que les assistants s’attendrissaient et pleuraient tandis qu’eux-mêmes ne faisaient entendre ni un murmure ni une plainte, nous montrant à tous qu’à cet instant où on les torturait, les martyrs du Christ étaient ravis hors du corps, ou plutôt, que le Christ lui-même les assistait et causait avec eux. Impatients de la grâce du Christ, ils méprisaient les tourments, et en une heure ils se rachetaient de la mort éternelle. Le feu leur faisait l’effet d’une fraîcheur délicieuse. Leur pensée était occupée de ce feu éternel et inextinguible, auquel ils échappaient ainsi ; leur coeur considérait les biens que l’oreille n’a jamais entendus, que l’oeil n’a pas vus, que l’esprit de l’homme n’a pu concevoir, qui sont réservés à ceux qui auront souffert. Le Christ les leur faisait entrevoir, et cela suffisait à les enlever à l’humanité pour en faire des anges par avance. Enfin livrés aux bêtes, ils subirent d’effroyables tortures, furent traînés sur un sable composé de coquillages pointus, et plusieurs autres horreurs leur furent infligées comme pour arracher l’apostasie à leur lassitude. Le diable s’ingénia à raifiner contre eux. Grâce à Dieu, il n’en put vaincre aucun. Germanicus, vaillant entre tous, relevait par des paroles intrépides le courage des autres ; son combat contre les bêtes fut sublime. Le proconsul le conjurait d’avoir pitié de lui-même, de son jeune âge, mais lui, avide de sortir d’un monde pervers, marcha droit à la bête et la frappa. La foule entière, confondue par cette bravoure, hurla : « A mort les athées ! Qu’on cherche Polycarpe ! »

Un seul faiblit, c’était un Phrygien nommé Quintus,

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récemment sorti de sa province. A la vue des bêtes, il se mit à trembler. Et c’était justement celui qui avait poussé es autres à venir se dénoncer avec lui. Le proconsul vint à bout de lui faire prêter serinent et de sacrifier. C’est pourquoi, mes frères, nous ne louons pas ceux qui vont s’offrir d’eux-mêmes ; l’Évangile d’ailleurs n’enseigne rien de pareil. L’admirable Polycarpe ne s’émut point et même ne voulut pas quitter la ville, quoiqu’on fît auprès de lui de vives instances pour qu’il s’éloignât. Enfin il céda, et se retira avec quelques compagnons dans une petite maison de campagne, située non loin de la ville ; il y passa les jours et les nuits dans une prière continuelle, selon sa coutume, pour l’Église universelle. Tandis qu’il priait, il aperçut dans une vision son oreiller qui brûlait. Il vint à ses compagnons et leur dit : « Je serai brûlé vif. » Ceci se passait trois jours avant son arrestation.

Averti de l’approche de la police, il changea de retraite. Les gens de police, n’ayant rien trouvé, mirent la main sur deux jeunes esclaves; l’un deux, mis à la torture, trahit son maître. Il ne pouvait plus songer à se dérober, maintenant que c’était son propre entourage qui le livrait. L’irénarque Hérode voulait le faire conduire dans le stade, afin qu’il pût achever sa vie en véritable disciple du Christ. Quant aux traîtres, ils partageraient le sort de Judas.

Un des deux jeunes gens consentit à servir de guide à une escouade de gens d’armes à pied et à cheval que l’on aurait pu croire à la poursuite de quelque bandit. C’était un vendredi — 22 février — à l’heure du dîner. Vers le soir ils arrivèrent à sa nouvelle retraite. Polycarpe pouvait encore fuir ; il ne le voulut pas : « Que la volonté de Dieu soit faite », dit-il. Les gens le trouvèrent dans la chambre haute d’une maisonnette; il s’était couché. Averti de leur arrivée par le bruit qu’ils faisaient, il descendit et se mit à causer avec les soldats. Sa vieillesse et son sang-froid les frappèrent d’admiration, ils ne s’expliquaient pas qu’on se

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fût donné tant de mal pour prendre ce vieillard. Polycarpe leur fit servir à boire et à manger à volonté, et demanda seulement une heure pour prier librement. Ils y consentirent. Deux heures durant il pria, debout et à hante voix. Ses auditeurs étaient stupéfaits, plusieurs éprouvèrent des remords d’avoir marché contre un si saint vieillard.

Après qu’il eut terminé sa prière, dans laquelle il recommandait au Seigneur tous ceux qu’il avait connus dans sa longue vie, petits et grands, illustres et obscurs, et toute l’Eglise catholique répandue dans le monde, l’heure du départ arriva. On le mit sur un âne et l’on prit la route qui conduisait à Smyrne; c’était le jour du grand sabbat, samedi 23 février.

Chemin faisant, on rencontra l’irénarque Hérode et son père Nicetas, qui firent monter Polycarpe dans leur voiture. Ils le mirent au milieu d’eux et essayèrent de le gagner : « Quel mal y a-t-il à dire Kyrios Kaesar, à faire un sacrifice et le reste et à se sauver ainsi ? » D’abord Polycarpe ne répondit pas; puis sur leurs instances, il dit ces seules paroles : « Je ne ferai pas ce que vous me conseillez. » Ses deux compagnons, désappointés, lui dirent des paroles outrageantes et le poussèrent si- brutalement hors de la voiture qu’il tomba sur la route et s’écorcha la jambe. Il se releva, et, toujours leste et de bonne humeur, suivit à pied avec les soldats. On se dirigea vers le stade. Le peuple y était déjà rassemblé. C’était un vacarme infernal.

Au moment où Polycarpe fut introduit dans le stade, le tumulte était indescriptible, mais les chrétiens ne laissèrent pas d’entendre ces paroles qui semblaient venir du ciel : « Sois fort, sois viril, Polycarpe. » On mena l’évêque au proconsul, qui lui demanda s’il était Polycarpe. Sur sa réponse affirmative, le proconsul l’importunait pour lui faire renier sa foi : « Au nom du respect que tu dois à ton âge », lui disait-il et d’autres choses de ce genre qui sont

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ordinaires en pareille circonstance, « jure par le Génie de César, repens-toi ; crie : Plus d’athées. »

Polycarpe alors, promenant un regard sévère sur la foule qui couvrait les gradins, la montra de la main : « Oui, certes, dit-il, plus d’athées ! » Et il leva les yeux au ciel et poussa un profond soupir.

Statius Quadratus lui dit : « Jure et je te renvoie, insulte le Christ. »

Polycarpe répondit : « Il y a quatre-vingt-six ans que je le sers, et il ne m’a jamais fait de mal, comment pourrais-je insulter mon Roi et mon Sauveur ? »

Le proconsul revint à la charge et dit : « Jure par le Génie de César »

Polycarpe répondit : « Si tu te fais un point d’honneur de me faire jurer par le Génie de César, comme tu t’appelles ; et si tu feins d’oublier qui je suis, écoute : Je suis chrétien. Veux-tu savoir ce qu’est la religion chrétienne ? Accorde-moi un jour de répit et prête-moi attention. »

Le proconsul : « Persuade le peuple. »

Polycarpe : « Avec toi, cela vaut la peine de discuter. Nous avons pour maxime de rendre aux puissances et aux autorités établies par Dieu les honneurs qui leurs sont dus, pourvu que ces marques de respect n’aient rien de blessant pour notre conscience. Quant à ces gens-là, je ne daignerai jamais entrer en explication avec eux.

— J’ai des bêtes féroces, je vais te faire jeter à elles si tu ne te repens.

— Fais-les venir. Nous ne reculons pas, nous autres, pour aller du mieux au pire ; il m’est bon, au contraire, de passer des maux de cette vie à la suprême justice.

— Puisque tu méprises les bêtes, je te ferai brûler, si tu ne changés d’avis.

— Tu me menaces d’un feu qui brûle une heure, et s’éteint aussitôt ; ne sais-tu pas qu’il y a le feu du juste jugement et de la peine éternelle, qui est réservé aux

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impies ? Vraiment pourquoi tous ces retards ? Apporte ce que tu voudras ! »

Polycarpe dit ces choses et d’autres encore avec une fermeté et une joie débordantes ; la grâce divine illuminait son visage, à ce point que ce n’était pas lui que l’interrogatoire avait troublé, mais le proconsul. Celui-ci confondu envoya le héraut au milieu du stade crier par trois fois : «Polycarpe s’est avoué chrétien. »

Aussitôt la foule des païens et des Juifs très nombreux à Smyrne hurla : « Le voilà, le docteur de l’Asie, le père des chrétiens, le destructeur de nos dieux, celui qui enseigne à pas sacrifier, à ne pas adorer ! »

En même temps ils demandaient à Philippe de Tralles, asiarque en exercice, de lancer un lion sur Polycarpe. Philippe s’en défendit; les jeux d’animaux étaient terminées. « Au feu donc ! » cria-t-on de toutes parts. C’était la vision des jours précédents qui allait s’accomplir, lorsqu’après avoir vu le coussin sur lequel il reposait la tête entouré de flammes, il avait dit aux fidèles qui l’entouraient : « Je serai brûlé vif. »

Tout cela se passa en moins de temps qu’on n’en met à le dire, la foule se répandit dans les boutiques et les bains pour y chercher du bois et des fagots ; les Juifs montraient à cette besogne, selon leur habitude, un zèle tout particulier. Quand le bûcher fut prêt, Polycarpe se dépouilla de tous ses vêtements, ôta sa ceinture, essaya aussi de se déchausser. Il ne le fit pas sans quelque difficulté.; car, en temps ordinaire, les fidèles qui l’entouraient avaient coutume de s’empresser pour lui éviter cette peine, tant ils étaient jaloux du privilège de toucher son corps vénérable. Même avant le martyre on l’honorait déjà à cause de sa sainteté. On le plaça au milieu de l’appareil qui servait à fixer le patient et on allait l’y clouer, mais il dit : « Laissez-moi. Celui qui me donne la force de supporter le feu m’accordera aussi la force de rester immobile sur le

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bûcher, sans qu’il soit besoin pour cela de vos clous. »

On ne le cloua donc pas, mais on le lia. Debout contre un poteau, les mains attachées derrière le dos, il semblait un bélier de choix pris dans le troupeau et destiné à l’oblation. Il leva les yeux au ciel et dit :

« Seigneur Dieu tout-puissant, Père de Jésus-Christ, fils aimé et béni, par lequel nous avons appris à te connaître, Dieu des anges, des puissances, de toute créature, et de toute la race des justes qui vivent sous ton regard; je te bénis, parce qu’en ce jour, à cette heure même, tu as daigné m’admettre, avec tes martyrs, à boire le calice de ton Christ, afin que je ressuscite à la vie éternelle de l’âme et du corps, incorruptible par le Saint-Esprit. Daigne me recevoir aujourd’hui parmi eux en ta présence, comme un sacrifice abondant et agréable ; puisque le sort que tu me réservais et que tu m’as montré dans une vision s’accomplit en ce moment, ô Dieu, qui dis la vérité, et ne connais pas le mensonge. C’est pourquoi je te loue, je te bénis, je te rends gloire pour tous les bienfaits par le Pontife éternel et céleste, par Jésus-Christ, ton Fils tant aimé, par lequel à Toi avec Lui et l’Esprit-Saint, gloire maintenant et dans les siècles futurs. Amen. »

Après qu’il eut dit Amen et qu’il eut achevé sa prière, les valets du bourreau mirent le feu au bois. Dès que la flamme commença à briller, nous fûmes témoins d’un miracle; et nous avons été épargnés afin que nous puissions en faire aux autres le récit. La flamme sembla s’arrondir en voûte au-dessus du corps du martyr et présenter l’aspect d’une voile de navire gonflée par le vent. Le vieillard, placé au centre de cette chapelle ardente, nous apparaissait non comme une chair qui brûle, mais comme un pain doré dans le four ou comme un lingot d’or ou d’argent dans la fournaise. Nous sentions pendant ce temps une odeur délicieuse comme celle de l’encens ou des plus précieux parfums.

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Cependant les impies voyaient que les flammes ne consumaient point le condamné ; on donna ordre au confector d’aller lui donner un coup de couteau. Le sang jaillit avec tant d’abondance que le brasier en fut éteint. Et le peuple voyait avec étonnement la différence qu’il y a entre les infidèles et les élus. Parmi ces derniers nous comptons l’incomparable martyr Polycarpe, qui fut parmi nous notre docteur tout rempli de l’esprit des apôtres et des prophètes, évêque de l’Église catholique de Smyrne. Toute parole sortie de sa bouche a été ou sera accomplie.

Cependant l’ennemi, haineux et méchant, l’adversaire de la race des justes voyait ce glorieux martyre, il savait la pureté irréprochable du saint dès son enfance, et ne pouvait douter qu’il eût reçu la couronne immortelle et la récompense promise; aussi s’efforça-t-il de nous priver de ses reliques, quoique un grand nombre voulussent les recueillir et souhaitassent de posséder ses précieux restes. Le démon suggéra donc à Nicétas, père d’Hérode et frère d’Alcé, d’aller trouver le proconsul afin qu’on refusât aux chrétiens l’autorisation d’enlever le corps du martyr, de crainte, ajoutait-il, qu’ils n’abandonnassent pour lui le Crucifié. Tout ceci se passait à l’instigation des Juifs, qui, montant la garde auprès du bûcher, avaient aperçu les chrétiens qui s’empressaient de retirer ce qui pouvait l’être de ce saint corps. Ces malheureux ignoraient que nous ne pouvons délaisser le Christ, qui, pour le salut de tous ceux qui seront sauvés, a souffert malgré son innocence à la place des coupables, et que nous ne pouvons adorer que lui. Nous l’adorons comme Fils de Dieu; pour les martyrs, nous les honorons comme disciples et imitateurs du Christ, et à cause de leur incomparable tendresse pour le Roi et Maître.

Daigne le Seigneur nous faire les compagnons de leur sort et de leur fidélité !

Le centurion, voyant la turbulence des Juifs, fit replacer

Le martyre de saint Polycarpe

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le corps sur le bûcher et, comme c’était l’usage, fit brûler le cadavre. Nous vînmes recueillir les os, plus précieux pour nous que les pierres précieuses et l’or le plus pur, et ils furent déposés dans un lieu convenable. C’est là que nous nous réunirons dès que nous le pourrons, dans l’allégresse et la joie, et Dieu nous fera la grâce de célébrer le jour anniversaire de son martyre, pour honorer, d’une part, la mémoire de ceux qui ont déjà combattu, et de l’autre, former et préparer les générations suivantes à faire de même.

Voici tout ce que nous savons touchant Polycarpe, qui souffrit le martyre à Smyrne avec onze compagnons originaires de Philadelphie. Toutefois sa mémoire est l’objet de plus de vénération que celle des autres martyrs, à ce point qu’il n’est pas de lieu où les païens eux-mêmes ne s’entretiennent de ce docteur incomparable, de ce martyr fameux dont nous souhaitons tous d’imiter la confession tout imprégnée de l’esprit de l’Évangile. Après avoir affronté un juge inique, il fut vainqueur et reçut la couronne d’immortalité ; réuni aux apôtres et à tous les justes, il glorifie Dieu le Père tout-puissant, rend grâces à Jésus-Christ, au Sauveur de nos âmes, au Maître de notre corps et au Pasteur de l’Église catholique répandue dans le monde entier.

Vous nous aviez demandé le récit détaillé des événements, nous vous envoyons un tableau abrégé de la situation de notre frère Marcion. Après que vous aurez lu la lettre, faites-la parvenir aux frères les plus éloignés, afin qu’eux aussi rendent gloire à Dieu de ce qu’il a fait un choix parmi ses serviteurs.

A Celui qui peut nous conduire tous par sa grâce et sa miséricorde dans son éternel royaume par son Fils unique Jésus-Christ, à Lui, gloire, honneur, puissance, majesté dans les siècles. Saluez tous les saints en notre none.

Ceux qui sont avec nous et le scribe lui-même, Evariste, avec toute sa famille vous saluent.

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Polycarpe souffrit le martyre le second jour du mois de Xanthice, sept jours avant les calendes de mars, le jour du grand sabbat, à la huitième heure. Il fut fait prisonnier par Hérode, sous le pontificat do Philippe de Tralles. Statius Quadratus était proconsul de la province d’Asie et Notre-Seigneur Jésus-Christ régnait dans tous les siècles, à

qui soit gloire, honneur, majesté, royauté éternelle pendant toutes les générations. Amen !

Nous vous en prions, mes frères, allez, marchez dans la parole évangélique de Jésus-Christ, avec qui gloire soit au

Père et au Saint-Esprit à cause du salut des saints qu’il a appelés, comme il a accordé le martyre au bienheureux Polycarpe. Puissions-nous à sa suite parvenir dans le royaume de Jésus-Christ!

Caius a écrit tout ceci d’après la copie qui appartenait à Irénée, disciple de Polycarpe, avec qui il vécut longtemps

Moi Socrate, Corinthien, j’ai transcrit sur la copie de Caius. La grâce pour tous.

Et moi Pione, j’ai écrit tout ceci d’après l’exemplaire qui vient d’être ainsi signalé. Je l’avais cherché, mais le bienheureux Polycarpe m’en fit révélation comme je le dirai ailleurs. J’ai recueilli ces faits dont le temps avait presque amené la disparition, afin que Notre-Seigneur Jésus-Christ me réunisse moi aussi avec ses élus dans son royaume céleste. A lui, avec le Père et le Saint-Esprit, gloire dans les siècles des siècles. Amen.

Liturgie des Heures, Office des Lecture – 22 février – Chaire de saint Pierre, Apôtre

21 février, 2008

Liturgie des Heures, Office des Lecture – 22 février – Chaire de saint Pierre, Apôtre

SERMON DE S. LÉON LE GRAND POUR L’ANNIVERSAIRE DE SON ORDINATION
L’Église et la foi de Pierre.

deuxième lecture

Dans tout l’univers, Pierre seul est choisi pour présider à la vocation de tous les peuples, à la direction de tous les Apôtres et de tous les Pères de l’Église. Ainsi, bien qu’il y ait dans le peuple de Dieu beaucoup de prêtres et beaucoup de pasteurs, Pierre en personne les gouvernerait tous, alors que le Christ les gouverne aussi à titre de chef. Dieu a daigné remettre à cet homme une grande et admirable participation à sa puissance. Et s’il a voulu que les autres chefs aient quelque chose de commun avec lui, tout ce qu’il n’a pas refusé aux autres, c’est toujours par lui qu’il le leur a donné.

Le Seigneur demande à tous les Apôtres quelle est l’opinion des hommes à son sujet. Et ils disent tous la même chose aussi longtemps qu’ils exposent les doutes venus de l’ignorance humaine.

Mais lorsque le Seigneur exige de connaître le sentiment des disciples eux-mêmes, le premier à confesser le Seigneur est celui qui est le premier dans la dignité d’Apôtre. Comme il avait dit: Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant, Jésus lui répond: Heureux es-tu, Simon, fils de Yonas, car ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux. C’est-à-dire: Heureux es-tu parce que c’est mon Père qui t’a enseigné; l’opinion de la terre ne t’a pas égaré, mais c’est une inspiration céleste qui t’a instruit; et ce n’est pas la chair et le sang, mais celui dont je suis le Fils unique qui t’a permis de me découvrir.

Et moi, dit-il, je te le déclare, c’est-à-dire: de même que mon Père t’a manifesté ma divinité, de même moi, je te fais connaître ta supériorité. Tu es Pierre, c’est-à-dire: moi, je suis le rocher inébranlable, la pierre d’angle, qui fais l’unité de deux réalités séparées, le fondement tel que nul ne peut en poser un autre; mais toi aussi, tu es pierre, car tu es solide par ma force, et ce que j’ai en propre par ma puissance, tu l’as en commun avec moi du fait que tu y participes.

Et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et la puissance de la mort ne l’emportera pas sur elle. Sur cette solidité j’érigerai un temple éternel, et la hauteur de mon Église, qui doit la faire pénétrer dans le ciel, s’élèvera sur la fermeté de cette foi.

Les puissances de l’enfer n’arrêteront pas cette confession, les liens de la mort ne l’enchaîneront pas: car cette parole est une parole de vie. Et de même qu’elle porte jusqu’au ciel ceux qui la confessent, de même plonge-telle dans les enfers ceux qui la refusent.

C’est pourquoi il est dit à saint Pierre: Je te donnerai les clefs du Royaume des Cieux: tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les Cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les Cieux.

Sans doute, la possession de ce pouvoir a passé encore aux autres Apôtres et l’institution née de ce décret s’est étendue à tous les chefs de l’Église. Mais ce n’est pas en vain que ce qui doit être signifié à tous est confié à un seul. En effet, ce pouvoir est remis à Pierre personnellement, parce que Pierre est donné en modèle à tous ceux qui gouvernent l’Église.

Les questions les plus profondes de l’homme

16 février, 2008

Liturgie des Heures

deuxième lecture:

ACTES DU CONCILE VATICAN II : L’Église dans le monde de ce temps.

Les questions les plus profondes de l’homme.

Le monde actuel appara

ît à la fois comme puissant et faible, capable du meilleur et du pire; le chemin qui s’ouvre devant lui est celui de la liberté ou de la servitude, du progrès ou de la régression, de la fraternité ou de la haine. En outre, l’homme découvre qu’il lui appartient de bien diriger les forces qu’il a mises en mouvement et qui peuvent l’écraser ou le servir. C’est pourquoi il s’interroge.

En vérité, les déséquilibres dont souffre le monde actuel sont liés à un déséquilibre plus fondamental, qui a sa racine dans le coeur même de l’homme.

C’est en l’homme lui-même, en effet, que de nombreux éléments se combattent. D’une part, comme créature, il lit l’expérience de ses multiples limites; d’autre part, il se sent illimité dans ses désirs et appelé à une vie supérieure, sollicité par tant d’appels, il est sans cesse contraint de choisir entre eux et d’en abandonner quelques-uns. En autre, faible et pécheur, il accomplit souvent ce qu’il ne veut pas et n’accomplit point ce qu’il voudrait. C’est donc en lui-même qu’il souffre division, et c’est de là que naissent au sein de la société des discordes si nombreuses et si profondes.

Certes, beaucoup d’hommes, dont la vie est imprégnée de matérialisme pratique, sont détournés par là d’une claire conception de cette situation dramatique; ou bien, accablés par la misère, ils sont dans l’impossibilité d’y prêter attention. Un grand nombre d’entre eux pensent trouver leur tranquillité dans les multiples explications du monde qui leur sont proposées. Certains attendent du seul effort de l’homme la libération véritable et complète du genre humain; ils se persuadent que le règne futur de l’homme sur la terre comblera tous les voeux de son coeur. Beaucoup, désespérant du sens de la vie, exaltent les audacieux qui, jugeant l’existence humaine dénuée par elle-même de toute signification, tentent de lui donner, par leur seule inspiration, tout son sens.

Néanmoins, il y en a de plus en plus qui, devant l’évolution présente du monde, se posent les questions les plus fondamentales ou les perçoivent avec une acuité nouvelle: Qu’est-ce que l’homme? Que signifient la souffrance, le mal, la mort, qui subsistent malgré tant de progrès? A quoi bon ces victoires payées d’un si grand prix? Qu’est-ce que l’homme peut apporter à la société? Que peut-il attendre d’elle? Qu’arrivera-t-il après cette vie terrestre?

L’Eglise, quant à elle, croit que par son Esprit le Christ, mort et ressuscité pour tous, offre à l’homme lumière et forces pour lui permettre de répondre à sa très haute vocation. Elle croit qu’il n’est pas sous le ciel d’autre nom donné aux hommes par lequel ils doivent être sauvés. Elle croit aussi que l’on trouve la clé, le centre et la fin de toute histoire humaine en son Maître et Seigneur. Elle affirme en outre qu’à travers tous les changements bien des choses demeurent qui ont leur fondement ultime dans le Christ, le même hier, aujourd’hui et à jamais.

SERMON DE S. SOPHRONE DE JERUSALEM POUR LA FÊTE DES LUMIÈRES

2 février, 2008

de mon livre de la Liturgie des Heures, deuxième lecture de l’Office des Lectures d’aujourd’hui:

 

SERMON DE S. SOPHRONE DE JERUSALEM POUR LA FÊTE DES LUMIÈRES
Recevoir la lumière.

Allons  à la rencontre du Christ, nous tous qui honorons et où vénérons son mystère avec tant de ferveur, avançons vers lui dans l’enthousiasme. Que tous sans exception participent à cette rencontre, que tous sans exception y portent leurs lumières. Si nos cierges procurent un tel éclat, c’est d’abord pour montrer la splendeur divine de celui qui vient, qui fait resplendir l’univers et l’inonde d’une lumière éternelle en repoussant les ténèbres mauvaises; c’est aussi et surtout pour manifester avec quelle splendeur de notre âme, nous-mêmes devons aller à la rencontre du Christ.De même, en effet, que la Mère de Dieu, la Vierge très pure, a porté dans ses bras la véritable lumière à la rencontre de ceux qui gisaient dans les ténèbres; de même nous, illuminés par ses rayons et tenant en mains une lumière visible pour tous, hâtons-nous vers celui qui est vraiment la lumiè

re.C’est évident: puisque la lumière est venue dans le monde et l’a illuminé alors qu’il baignait dans les ténèbres, puisque le Soleil levant qui vient d’en haut nous a visités, ce mystère est le nôtre. C’est pour cela que nous avançons en tenant des cierges, c’est pour cela que nous accourons en portant des lumières, afin de signifier la lumière qui a brillé pour nous, mais aussi afin d’évoquer la splendeur que cette lumière nous donnera. Courons donc ensemble, allons tous à la rencontre de Dieu.~Cette lumière véritable, qui éclaire tout homme venant en ce monde

, voici qu’elle vient. Soyons-en tous illuminés, mes frères, soyons-en tous resplendissants.Que nul d’entre nous ne demeure à l’écart de cette lumière, comme un étranger; que nul, alors qu’il en est inondé, ne s’obstine à rester plongé dans la nuit. Avançons tous dans la lumière, tous ensemble, illuminés, marchons à sa rencontre, avec le vieillard Syméon, accueillons cette lumière glorieuse et éternelle. Avec lui, exultons de tout notre coeur et chantons une hymne d’action de grâce à Dieu, Père de la lumière, qui nous a envoyé la clarté véritable pour chasser les ténèbres et nous rendre resplendissants.Le salut

de Dieu, qu’il a préparé à la face de tous les peuples et qu’il a manifesté pour la gloire du nouvel Israël que nous sommes, voilà que nous l’avons vu à notre tour, grâce au Christ; et nous avons été aussitôt délivrés de la nuit de l’antique péché, comme Syméon le fut des liens de la vie présente, en voyant le Christ.Nous aussi, en embrassant par la foi le Christ venu de Bethléem à notre rencontre, nous qui venions des nations païennes, nous sommes devenus le peuple de Dieu, car c’est le Christ qui est le salut de Dieu le Père. Nous avons vu de nos yeux Dieu qui s’est fait chair. Maintenant que la présence de Dieu s’est montrée et que nous l’avons accueillie dans notre âme, nous sommes appelés le nouvel Israël ; et nous célébrons sa venue par une fête annuelle pour ne jamais risquer de l’oublier.

27 JANVIER JOUR DE LA MEMOIRE: JEAN MARIE LUSTIGER PARLE DE LA SHOAH

27 janvier, 2008

du site:

http://www.cardinalrating.com/cardinal_54__article_680.htm  

Le cardinal Lustiger parle de la Shoah 

Jan 28, 2005 


L’archevêque de Paris représentera Jean-Paul II aux commémorations de la libération du camp d’Auschwitz. Il s’est expliqué sur le sens de cette «mission»

Le cardinal Lustiger ne voulait plus retourner à Auschwitz. Lui qui s’y était rendu en 1983, en compagnie de Mgr Albert Decourtray, ancien archevêque de Lyon, ne souhaitait plus revenir sur «ce lieu de mort». Là même où sa mère, et plus d’une trentaine de membres de sa famille paternelle, ont été assassinés.

À Auschwitz pourtant, l’archevêque de Paris sera bien présent, jeudi 27 janvier. Parce que «le Pape le lui a demandé». Parce qu’il doit le représenter aux commémorations du 60e anniversaire de la libération du camp d’extermination. C’est ainsi que Jean-Marie Lustiger situe le cadre de ce qu’il appelle sa «mission».

Il ne se rendra pas à Auschwitz à titre personnel – «je ne suis pas un ancien déporté», glisse-t-il avec pudeur, «même si je fais partie de ceux qui auraient dû, auraient pu être embarqués» – mais comme responsable, avec d’autres, des hommes croyants et des hommes incroyants. Par devoir. Pour «qu’on ne se trompe pas sur l’importance de cet anniversaire».

Mgr Lustiger veut souligner la portée universelle de la Shoah
Dès vendredi 21 janvier, devant quelques journalistes, il s’est attelé à ce travail d’explicitation et de mémoire. L’archevêque de Paris a déjà plus d’une fois évoqué la singularité de la Shoah, mais cette fois-ci, c’est sa portée universelle qu’il a tenu à souligner.

Face à «au moins trois entreprises de falsification de la réalité de l’extermination» – la première par les nazis eux-mêmes, la seconde par le régime stalinien, et la troisième par les révisionnistes occidentaux –, il lui paraît urgent de bien prendre la mesure de l’événement, pour l’humanité tout entière. La Shoah est certes d’abord l’affaire du peuple juif, estime-t-il. Mais elle est aussi celle des bourreaux. Et au-delà encore, elle concerne «l’ensemble de l’humanité».

La Shoah, c’est «l’extermination technique, moderne, délibérée d’un peuple, souligne le cardinal. Elle est le symptôme décisif, singulier, unique en son genre, de ce qu’est capable de faire l’humanité, quand elle déraisonne et met au service de la folie sa puissance.» La Shoah montre jusqu’où peut aller la folie humaine, et il faut que les générations à venir soient éduquées à cette responsabilité. Non comme une culpabilité, mais comme une «mise en garde».

À son ton devenu brusquement plus grave, on sent combien la question préoccupe le cardinal : «Comment graver dans les consciences des générations à venir qu’ils ont à gérer leur liberté pour qu’elle ne soit pas folle ?», s’interroge-t-il.

Universelle, la Shoah l’est aussi par ceux qu’elle a voulu exterminer, poursuit Mgr Lustiger : il n’y a aucune explication sociale, économique, démographique, culturelle à une telle volonté de supprimer le peuple juif. Si ce peuple a été tué, développe Mgr Lustiger reprenant là une idée qui lui est chère, c’est parce qu’il est porteur de cette loi morale fondamentale que sont les dix commandements (les droits de l’homme). C’est en ce qu’il est porteur de l’idée d’une transcendance que l’athéisme peut nier «mais dont toute personne humaine de la civilisation occidentale porte la trace, ne serait-ce que dans son histoire».

On a voulu «tuer le messager pour supprimer le message»
La loi nazie était une loi de prétention divine, analyse l’archevêque de Paris. Avec le peuple juif, il «s’agissait de tuer le témoin». De «tuer le messager pour supprimer le message». En cela aussi, la portée d’Auschwitz est universelle, conclut le cardinal : « Auschwitz dévoile ce que nous refusons de voir dans tous les malheurs, toutes les tragédies humaines, les massacres et les guerres : tous relèvent du même mépris de l’homme. Cet homme qui est, pour les croyants, l’image de la représentation de Dieu.»

Et ici, la Shoah peut servir de clé de lecture pour lire les autres événements qui touchent l’homme, souligne Jean-Marie Lustiger. Elle reste, par sa dimension religieuse et technique, à la cime des destructions humaines, l’événement qui permet de voir le défi posé à l’humanité. Avec la disparition progressive des derniers témoins, observe encore le responsable du diocèse de Paris, «nous allons passer du souvenir à l’histoire».

Il y a urgence à comprendre cette histoire, estime le cardinal. D’où l’utilité de tous ces témoignages de rescapés dont sont emplis les journaux depuis une semaine. D’où l’importance, aux yeux du cardinal, de la commémoration du 60e anniversaire de la libération d’Auschwitz. 

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