Archive pour la catégorie 'Littérature'

Chant de Noël tzigane (pour Noël)

19 décembre, 2009

du site:

http://www.granby.net/~santschi/noel/nh09.htm

Chant de Noël tzigane 

Le père de Marcou Magar est un riche propriétaire, dont les terres s’étendent plus loin que l’horizon. Inlassablement il les parcourt pour se rendre de ferme en ferme afin de ramasser ses bénéfices, donner des ordres et châtier cruellement tous ceux, qui ne montrent pas assez de zèle à l’ouvrage. Il est détesté autant que craint.
Tout au long de l’année une multitude de paysans avec leurs femmes et leurs enfants peinent à son service. Le nombre de ses domestiques est encore augmenté par des tziganes, qui accomplissent toutes sortes de besognes : jardinage, dressage des chevaux, tonsure des mulets, soins vétérinaires de tous les troupeaux et surtout cueillette pour laquelle ils sont spécialement doués.
Bambin, Marcou Magar invente toutes sortes de ruses pour échapper à sa gouvernante et rejoindre l’un ou l’autre campement tzigane. Certains vivent dans des sortes de huttes de branchages et de peaux, d’autres ont de superbes roulottes sculptées et décorées de peintures vives. Il aime se glisser à l’intérieur et rêvasser, bien au chaud, glissé au fond des édredons douillets.
Quand les musiciens tziganes, qu’on appelle lautarous dans son pays, viennent jouer des horas, de fameux morceaux de virtuosité, aux réceptions que donnent ses parents, le petit Marcou est ravi. Sa joie approche du délire, quand il peut les écouter aux noces paysannes. Ce sont les musiciens, qui conduisent le cortège, jouent pendant que sonnent les cloches et, bien sûr, font danser les invités.
Partout on le cajole, l’embrasse. Marcou Magar est bien trop jeune et trop égoïste pour prêter attention à la misère des serviteurs de son père. Pourtant la révolte gronde dans le cœur des opprimés et Radou Réou le plus ambitieux des intendants de son père profite de toute occasion pour attiser la colère des malheureux et les pousser au meurtre, afin de prendre la place de son maître et d’opprimer à son tour.
Marcou a à peine huit ans, quand son père est assassiné. Juste avant d’être saisie par les paysans fous de colère, sa mère e confie à un vieux saltimbanque. Marcou Magar se souviendra toujours de sa fuite éperdue, caché sous une ourse, au fond d’une verdine tirée par des bœufs. Avançant à grand peine dans la nuit, ils franchissent des guets et des cols.
Chaque fois qu’ils sont arrêtés par ceux qui recherchent l’héritier pour le massacrer, le brave tzigane soulève la bâche. L’ourse grogne en montre ses crocs, ce qui les met tous en fuite. C’est grâce à ces sauveteurs, que le petit Marcou arrive chez le frère aîné de sa mère, Boris Bogat, un marchand richissime. Leurs enfants étant déjà mariés et installés dans leurs propres foyers, Fourmosa, sa femme, est tout heureuse d’accueillir l’orphelin. Rien n’était trop beau ou trop bon pour le neveu.
Marcou a la plus dévouée des gouvernantes et les précepteurs les plus qualifiés. Mais il est si paresseux et si méchant, qu’il ne tire guère profit de leur enseignement. Habitué à courir la campagne, il s’ennuie beaucoup en ville et occupe son temps à jouer des tours à la cuisinière, aux valets, aux livreurs et aux voisins, sans toutefois parvenir à tarir la patience de son oncle et la tendresse de sa tante à son égard.
A quinze ans, c’est lui, qui, lassé d’être chouchouté, les quitte en emportant avec lui, sans le moindre scrupule, les bijoux de sa tante et la bourse de son oncle. De par le vaste monde, il veut toujours plus de force et de puissance. Pour l’obtenir et comme rien ne l’effraie, il désire rencontrer le diable.
Et, une nuit, alors qu’il est justement à sa recherche dans un cimetière, il sent très nettement sa présence derrière lui. Il n’ose pas se retourner de peur d’être terrifié par l’horreur de sa personne. Quand enfin il a le courage de le faire, grande est sa stupéfaction. Jamais il n’a rencontré un être aussi séduisant. Mis en confiance par son aspect agréable, il dit au diable :
-  » Il est écrit que tu es Prince de ce monde. Grand est donc ton pouvoir. Accorde-moi richesse et gloire.  »
Le diable lui répond :
- » Il te faut choisir. Si je te donne la richesse, tu vivras vieux. Si je te donne la gloire, tu mourras jeune. Mais pour l’une comme pour l’autre il faut que tu me cèdes ton âme.  »
Sans hésiter une seconde, Marcou choisit la gloire et donne son âme au diable.
Celui-ci, satisfait, le quitte sur le champs. Marcou, lui, sort du cimetière tout fier de son expérience et curieux de la suite.

Eh ! oui,
immédiatement
Marcou Magar,
se met à rédiger.
Tout ce qu’il crée

Il vend,
Immédiatement.
Marcou Magar.

Marcou Magar a seulement vingt-cinq ans et il est déjà mondialement connu pour son talent. Cependant il n’est pas heureux. Il angoisse de voir arriver la mort le faucher en pleine jeunesse et l’amener au Diable. Quand il croit avoir trouvé un ami, Marcou Magar lui confie son tourment. Soit on sourit avec indulgence de sa fertile imagination d’artiste ; soit, on lui conseille d’aller consulter un médecin.
En ce très rude jour d’hiver, Marcou Magar aperçoit à l’angle d’une rue, une tzigane, qui mendie avec deux petits enfants accrochés à ses jupes. En souvenir des jours heureux passés parmi son peuple, il se dirige vers elle avec l’intention de mettre une pièce dans sa main tendue. Elle arrête son geste et s’écrie :

-  » Non ! Dieu me garde de ton argent ! Va ton chemin.  »
-  » Tu ne veux rien de moi ?  »
-  » Non ! Car le diable te possède. « 

Puis, le regardant droit dans les yeux, la tzigane ajoute :
 » Qui pourrait te tirer des griffes du diable ? … Notre drabarni, peut-être. Pour le moment il n’y a personne à notre campement, excepté le vieux Yéneu. Les hommes sont ici, au marché, à vendre ce qu’ils ont taillé dans du bois. Les femmes font comme moi. Elles mendient ou chinent. Les enfants chantent de maison en maison. Viens donc ce soir ! Nous sommes derrière les remparts de la ville, dans le bosquet, pas trop loin de la rivière. Viens, on aura ramassé de quoi faire la fête ! C’est Noël
aujourd’hui !  »
Marcou Magar hésite longuement. Il est si désemparé ! La nuit est tombée depuis longtemps, quand il se dirige enfin vers le lieu indiqué par la tzigane. A son approche les chiens aboient. Les chèvres ont un mouvement de frayeur. Deux chevaux tournent vers lui leurs regards si doux.
Un pleur d’enfant, venant comme des airs, lui fait lever la tête. C’est alors que Marcou Magar réalise, que pour moins souffrir du froid, les tziganes se sont installés dans des arbres. Serrés les uns contre les autres, ils tendent leurs mains vers des braseros calés entre les branches nues.
Plusieurs hommes descendent de leurs perchoirs pour examiner le nouveau venu et l’accueillir. Après une brève hésitation Marcou Magar s’éclaircit la voix, se présente et explique la raison de sa venue. Le plus âgé lui répond :
 » Tcharaïna la drabarni n’est pas encore rentrée. Elle soigne un malade quelque part dans une ferme. »
Puis on l’invite à monter les rejoindre. Il grimpe dans le premier arbre venu. Tout de suite on lui propose un verre de thé brûlant. Tandis qu’on l’installe le plus confortablement possible, Saduk, le conteur du groupe, lui lance :
 » Eh ! Justement je venais de raconter que la Vierge Marie a accouché comme le font nos femmes, dehors à l’air libre ! Qu’ensuite, Saint Joseph a trouvé refuge pour elle et l’enfant dans une grotte de tziganes. A peine la sainte famille installée chez eux, ces tziganes ont vu arriver les bergers. Quel festin que leurs agneaux tournés à la broche !
Un beau jour Joseph et Marie ont porté l’enfant au temple, comme nous le faisons aussi pour donner à nos enfants des prénoms chrétiens. Eux, ils l’ont appelé Jésus.
Plus tard, les mages sont venus ! Guidés par  » Tchalaï  » l’étoile de Noël. Balthasar, le mage noir de peau, était, comme tous le savent ici, un des nôtres. C’est en souvenir de lui que nous nous appelons  » fils de la comète « .
Bon je ne vais pas, encore une fois, énumérer tous leurs cadeaux qu’ils ont apporté un divin enfant. Venons-en, où j’en étais, quand tu es arrivé Marcou Magar.
Je disais qu’en rêve Joseph a vu un ange, qui lui a conseillé de partir en Egypte, car un roi de gadgés, voulait tuer l’enfant Jésus. D’effroi Joseph s’est réveillé. Il s’est mis sur son séant et tout le restant de la nuit il n’a plus pu dormir. Le lendemain matin le voyant les yeux cernés, la mine défaite, son auréole tout de travers, notre chef lui a demandé :

 » Mais que t’arrive-t-il Saint Joseph ? Tu es tout retourné.  »
- » C’est qu’il y a de quoi !  »
Et Saint Joseph lui confie le rêve. Le chef tzigane lui répond :

 » Les rêves sont à prendre au sérieux. Si ton enfant est en danger, les nôtres le sont aussi. On s’en va avec toi. Le chemin on le connaît. J’ai mes bibis, mes chères tantes, là-bas en Egypte. De fameuses danseuses ! Allez ! On y va ! Tu peux faire monter ta femme et ton enfant sur cet âne là… »
Un galop de cheval interrompe Saduk, le conteur. Il s’arrête dans son récit le temps d’identifier, qui approche de leur campement si tard dans la nuit. Enfin il apostrophe Marcou Magar :

- » Elle arrive, notre drabarni. Si tu tiens vraiment à la rencontrer, va la rejoindre plus loin. Elle est des nôtres, mais nous préférons, qu’elle se tienne à l’écart. « 

Marcou Magar glisse de l’arbre et rejoint Tcharaïna, la drabarni. A bonne distance des autres, elle s’active à frotter la sueur de son cheval avec du foin. Il s’attendait à une sorte de sorcière échevelée et sauvage. Il se trouve en face d’une jeune fille soignée et paisible. Décontenancé, troublé, Marcou Magar prend une poignée de foin et l’aide. Alors qu’ils sont tous deux occupés à bichonner le cheval, Tcharaïna rompt le silence embarrassé en chantant :

En ce Noël, Jésus
Apprends à l’étranger
Parmi les miens venu.
Que contre tout danger
Ton nom seul Oh !Jésus
Au prix du sang versé
Est pour lui le salut.
En ce Noël, Jésus !

Après un moment, elle ajoute :

- » Je pense t’avoir donné la solution à ton problème. »
- » Oui Tcharaïna. Mais cela me paraît bien simple, juste ce nom de Jésus…  »
- » Le Beng, le Diable, sait que ce nom est au-dessus de tout nom. Tu trembles parce que tu as vendu ton âme au Diable. Jésus l’a rachetée depuis longtemps ! Ne crois plus ce que t’a dit le Diable. Le Beng est un menteur.  »
- » Oh ! Comme je veux te croire toi Tcharaïna ! Tu as presque tout deviné de moi. Qui es-tu, toi ?  »
- »Jumelle d’une fillette morte à la naissance, je suis considérée depuis comme sorcière.  »
- » Je ne te crois pas sorcière.  »
Tout en donnant de l’avoine à son cheval, Tcharaïna lui rétorque :
- » C’est pourtant ce dont mon peuple est certain. Ma mère, qui me chérissait, est morte d’une pneumonie un hiver.- Les morts, en cette rude saison, sont fréquentes parmi mon peuple.- Bien que je n’avais alors que neuf ans, j’ai été jugée responsable de sa mort. Fou de chagrin, mon père n’a fait que boire et boire. Il a fini par en mourir. Cette seconde mort a confirmé aux tziganes que je porte malheur.  »
- » C’est pour cela qu’ils te mettent à l’écart ?  »
- » Absolument. Mon peuple est très superstitieux. Le tien l’est tout autant, sinon tu ne serais pas venu me consulter. »
Tcharaïna prend le cheval par son licol pour l’emmener boire à la rivière. N’ayant nulle envie de la quitter, Marcou Magar leur emboîte le pas. Il remarque que Tcharaïna, tout en serrant son châle, a joint les mains et probablement prie en son âme. Des flocons de neige se mettent à tomber, doucement. Tandis qu’ils cheminent sous le ciel étoilé, un miracle se produit. Le cœur de pierre de Marcou Magar est rempli d’une telle chaleur, que tout mal, toute crainte, tout lien satanique, en est éliminé.
Une joie débordante le remplit au point qu’il se met, tout seul, à danser.

Lorsqu’il s’arrête enfin, hors d’haleine, il constate avec soulagement aucune moquerie dans le doux et paisible regard de la drabarni. Il a envie d’entendre à nouveau la voix chantante de Tcharaïna. C’est ce qui l’amène à lui poser encore une question :
- » Comment a-tu appris tout ce que tu sais ?  »
- » Livrée à moi-même la plupart du temps, j’ai sondé les mystères… Le plus doux, le plus beau, je t’assure, c’est Noël. Heureux Noël Marcou Magar. Que le Del te bénisse »
Marcou, n’arrivant toujours pas à se résoudre à prendre congé de Tcharaïna, s’enhardit à lui demander :
-  » Es-tu mariée ou fiancée ? « .
Elle rit, puis répond :
-  » Qui voudrait d’une femme, qui porte malheur ?  »
- » Moi, Tcharaïna.  »
Bouleversée, Tcharaïna, à qui l’on n’avait exprimé aucune tendresse depuis la mort de sa mère, se couvre le visage de ses cheveux comme d’un voile pour cacher les larmes jaillissant de ses yeux. Quand elle peut parler, elle murmure :
- »Marcou Magar c’est impossible. Tu es gadgo. Je suis tzigane. Les tiens me rejetteraient. Les miens te tueraient… »
Pour toute réponse Marcou saute en selle et hisse Tcharaïna devant lui. C’est ainsi qu’ils partent vivre leur amour. Ils ont assez souffert chacun pour l’apprécier et bien le protéger. Qui sait, peut-être qu’en sortant d’ici allez-vous les rencontrer.
HEUREUX NOËL a vous tous !!! Que le Del vous bénisse !

Christiane Dupuy

par Hans Christian Andersen : LA PETITE FILLE AUX ALLUMETTE

17 décembre, 2009

du site:

http://www.noelchretien.com/la_petite_fille_aux_allumettes.htm
 
LA PETITE FILLE AUX ALLUMETTE

d’après Hans Christian Andersen

C’ était un soir d’ hiver et la neige tombait à gros flocons sur la ville.
Malgré le grand froid, les quelques rares passants étaient joyeux . Car ce soir là, c’était la veille de Noël. Toutes les maisons brillaient de mille lumières. Tout le monde se préparait au grand réveillon sauf une petite fille qui elle, était dans la rue. C’ était la petite fille aux allumettes. Comme j ‘aimerais chanter et danser avec eux pensait-elle. La petite grelottait dans ses vêtements de pauvresse. La petite fille marchait pieds nus dans la neige, tenant dans sa main une boîte d’allumettes. La journée avait été mauvaise. Elle n’avait pas vendu une seule allumette.  Elle eut une lueur d’espoir lorsqu’un groupe de joyeux fêtards s’approcha d’elle.- Bonsoir monsieur. Vous voulez bien m’acheter quelques allumettes?- Des allumettes? Mais je t’en ai acheté hier et avant-hier encore! Mais tiens, voilà une belle orange pour toi. Joyeux Noël!
- Je la mangerai à minuit. Ce sera mon cadeau de Noël! Elle poursuivit son chemin, cherchant désespérément des yeux quelque passant.  -Madame, ma bonne dame, vous voulez bien m’acheter quelques allumettes ?  Dégage vermine, tu ne vois pas je suis pressée !
La petite se mit à pleurer. Il faisait de plus plus en plus froid. La neige tombait de plus en plus fort. La petite alla s’asseoir entre deux maisons. Ses mains et ses pieds étaient bleus de froid. En tournant la boîte d’allumettes entre ses doigts, elle pensa: – Si j’en allumais une, peut-être arriverais- je à me réchauffer un peu ?   Elle tira une allumette et la frotta contre le mur. Aussitôt, une flamme éblouissante éclata.  On aurait dit un grand feu de joie.  Elle s’approcha pour se réchauffer mais la flamme s’éteignit et le feu disparut. Elle se dépêcha de frotter une deuxième allumette. La flamme jaillit et une lueur éclaira le mur de la maison .Une gigantesque salle à manger dressée pour la fête de Noël apparut. Elle voulut s’approcher de la table mais l’allumette s’éteignit et devant elle il n’y avait plus qu’un mur épais et froid. Elle en frotta une troisième et aussitôt elle se vit assise sous un magnifique sapin de Noël. ll était plus beau et plus grand que tous ceux qu’elle avait vus. Au pied de l’arbre, des cadeaux! Des tonnes de cadeaux!
Quel bonheur! Mais l’allumette disparut. En pensant très fort à sa grand-mère qui était au ciel, la petite fille frotta une autre allumette. Il se fit alors une grande lumière. Et dans cette lumière la petite fille reconnut sa grand-mère. « Grand-mère ! Grand-mère ! emmène-moi car lorsque l’allumette s’éteindra, tu disparaîtras comme le feu, comme l’oie et comme le bel arbre de Noël » La petite s’ empressa de frotter tout le  reste du paquet.
Jamais la grand-mère n’avait été si grande et si belle. Elle souriait et tendait la main à sa petite-fille. Elle sentit alors une douce chaleur l’envelopper et c’est dans les bras de sa grand-maman qu’elle s’envola, heureuse.

FIN

la petite Espérance par Charles Péguy

22 octobre, 2009

du site:

http://www.enfantjesus.com/spip.php?article43

du Mystère de l’Enfant Jésus

la petite Espérance

par Charles Péguy

dimanche 6 mai 2007

De là leur vient cet air assuré qu’ils ont.
Si agréable à voir.
Ce regard franc, ce regard insoutenable à voir et qui soutient tous les regards.
Si doux, si agréable à regarder.
Ce regard insoutenable à soutenir.
Ce regard franc, ce regard droit qu’ils ont, ce regard doux, qui vient tout droit de paradis.
Si doux à voir, et à recevoir, ce regard de paradis.
De là leur vient ce front qu’ils ont.
Ce fraon assuré.
Ce fraont droit, ce front bombé, ce front carré, ce front levé.
Cette assurance qu’ils ont.
Et qui est l’assurance même.
De l’espérance.
Leur front bombé, tout lavé encore et tout propre du baptême.
Des eaux du baptême.
Et cette parole qu’ils ont, cette voix si douce, et ensemble si assurée.
Si douce à entenfre, si jeune,
Cette voix de paradis,
Car elle a une promesse, une secrète assurance intérieure.

La légende de Saint Janvier par Alexandre Dumas

18 septembre, 2009

du site:

http://decobed.club.fr/StjanvierDumas.html

La légende de Saint Janvier

par Alexandre Dumas

Nous allons commencer par la légende.

    Comme de raison, la famille de saint Janvier appartient à la plus haute noblesse de l’antiquité ; le peuple qui, en 1647, donnait à sa république le titre de sérénissime royale république napolitaine, et qui, en 1799, poursuivait les patriotes à coups de pierre pour avoir osé abolir le titre d’Excellence, n’aurait jamais consenti à se choisir un protecteur d’origine plébéienne : le lazzarone est essentiellement aristocrate.
    La famille de saint Janvier descend en droite ligne des Januari de Rome, dont la généalogie se perd dans la nuit des âges. Les premières années du saint sont restées ensevelies dans l’obscurité la plus profonde : il ne parait en public qu’à la dernière époque de sa vie, pour prêcher et souffrir, pour confesser sa croyance et mourir pour elle. Il fut nommé à l’évêché de Bénévent vers l’an de grâce 504, sous le pontificat de saint Marcelin. Étrange destinée de l’évêché bénéventin, qui commence à saint Janvier et qui finit à M. de Talleyrand !
    Une des plus terribles persécutions que l’Église ait endurées, est, comme chacun sait, celle des empereurs Dioclétien et Maximien ; les chrétiens furent poursuivis, en 502, avec un tel acharnement, que, dans l’espace d’un seul mois, dix-sept mille martyrs tombèrent sous le glaive de ces deux tyrans. Cependant, deux ans après la promulgation de l’édit qui frappait de mort indistinctement tous les fidèles, hommes et femmes, enfants et vieillards, l’Église naissante parut respirer un instant. Aux empereurs Dioclétien et Maximien, qui venaient d’abdiquer, avaient succédé Constance et Galère ; il était résulté de cette substitution que, par ricochet, un changement pareil s’était opéré dans les proconsuls de la Campanie, et qu’à Dragontius avait succédé Timothée.
    Au nombre des chrétiens entassés dans les prisons de Cumes par Dragontius se trouvaient Sosius, diacre de Misène, et Proculus, diacre de Pouzzoles. Pendant tout le temps qu’avait duré la persécution, saint Janvier n’avait jamais manqué, au risque de sa vie, de leur apporter des consolations et des secours ; et, quittant son diocèse de Bénévent pour accourir là où il croyait sa présence nécessaire, il avait bravé mainte et mainte fois les fatigues d’un long voyage et la colère du proconsul.
    À chaque nouveau soleil politique qui se lève, un rayon d’espoir passa à travers les barreaux des prisonniers de l’autre règne ; il en fut ainsi à l’avènement au trône de Constance et de Galère, Sosius et Proculus se crurent sauvés. Saint Janvier, qui avait partagé leur douleur, se hâta de venir partager leur joie. Après avoir récité si longtemps avec ses chers fidèles les psaumes de la captivité, il entonna le premier avec eux le cantique de la délivrance.
    Les chrétiens, relâchés provisoirement, rendaient grâces au Seigneur dans une petite église située aux environs de Pouzzoles, et le saint évêque, assisté par les deux diacres Sosius et Proculus, s’apprêtait à offrir à Dieu le sacrifice de la messe, lorsque tout à coup il se fit au dehors un grand bruit, suivi d’un long silence. Les prisonniers, rendus il y avait peu d’instants à la liberté, prêtèrent l’oreille ; les deux diacres se regardèrent l’un l’autre, et saint Janvier attendit ce qui allait se passer, immobile et debout devant la première marche de l’autel qu’il allait franchir, les mains jointes, le sourire aux lèvres, et le regard fixé sur la croix avec une indicible expression de confiance.
Le silence fut interrompu par une voix qui lisait lentement le décret de Dioclétien remis en vigueur par le nouveau proconsul Timothée ; et ces terribles paroles, que nous traduisons textuellement, retentirent à l’oreille des chrétiens prosternés dans l’église :
«      Dioclétien, trois fois grand, toujours juste, empereur éternel, à tous les préfets et proconsuls du romain empire, salut.
    «  Un bruit qui ne nous a pas médiocrement déplu étant parvenu à nos oreilles divines, c’est-à-dire que l’hérésie de ceux qui s’appellent chrétiens, hérésie de la plus grande impiété (valdè impiam), reprend de nouvelles forces ; que lesdits chrétiens honorent comme dieu ce Jésus enfanté par je ne sais quelle femme juive, insultant par des injures et des malédictions le grand Apollon et Mercure, et Hercule et Jupiter lui-même, tandis qu’ils vénèrent ce même Christ, que les Juifs ont cloué sur une croix comme un sorcier ; à cet effet nous ordonnons que tous les chrétiens, hommes ou femmes, dans toutes les villes et contrées, subissent les supplices les plus atroces s’ils refusent de sacrifier à nos dieux et d’abjurer leur erreur. Si cependant quelques-uns parmi eux se montrent obéissants, nous voulons bien leur accorder leur pardon ; au cas contraire, nous exigeons qu’ils soient frappés par le glaive et punis par la mort la plus cruelle (morte pessimâ punire). Sachez enfin que, si vous négligez nos divins décrets, nous vous punirons des mêmes peines dont nous menaçons les coupables.  »
    Lorsque le dernier mot de la loi terrible fut prononcé, saint Janvier adressa à Dieu une muette prière pour le supplier de faire descendre sur tous les fidèles qui l’entouraient la grâce nécessaire pour braver les tortures et la mort ; puis, sentant que l’heure de son martyre venait de sonner, il sortit de l’église accompagné par les deux diacres et suivi de la foule des chrétiens, qui bénissaient à haute voix le nom du Seigneur. Il traversa une double haie de soldats et de bourreaux étonnés de tant de courage, et, chantant toujours au milieu des populations ameutées qui se pressaient pour voir le saint évêque, il arriva à Nola après une marche qui parut un triomphe.
    Timothée l’attendait du haut de son tribunal, élevé, dit la chronique, comme de coutume, au milieu de la place. Saint Janvier, sans éprouver le moindre trouble à la vue de son juge, s’avança d’un pas ferme et sûr dans l’enceinte, ayant toujours à sa droite Sosius, diacre de Misène, et à sa gauche Proculus, diacre de Pouzzoles. Les autres chrétiens se rangèrent en cercle et attendirent en silence l’interrogatoire de leur chef.
    Timothée n’était pas sans savoir la grande naissance de saint Janvier. Aussi, par égard pour le civis romanus, poussa-t-il la complaisance jusqu’à l’interroger, tandis qu’il aurait parfaitement pu, dit le père Antonio Carracciolo, le condamner sans l’entendre.
    Quant à Timothée, tous les écrivains s’accordent à le peindre comme un païen fort cruel, comme un tyran exécrable, comme un préfet impie, comme un juge insensé. A ces traits, déjà passablement caractéristiques, un chroniqueur ajoute qu’il était tellement altéré de sang que Dieu, pour le punir, couvrait parfois ses yeux d’un voile sanglant qui le privait momentanément de la vue, et qui, tout le temps que durait sa cécité, lui causait les plus atroces douleurs.
    Tels étaient les deux hommes que la Providence amenait en face l’un de l’autre pour donner une nouvelle preuve du triomphe de la foi.
— Quel est ton nom ? Demanda Timothée.
— Janvier, répondit le saint.
— Ton âge ?
— Trente-trois ans.
— Ta patrie ?
— Naples.
— Ta religion ?
— Celle du Christ.
— Et tous ceux qui t’accompagnent sont aussi chrétiens ?
— Lorsque tu les interrogeras, j’espère en Dieu qu’ils répondront comme moi qu’ils sont tous chrétiens.
— Connais-tu les ordres de notre divin empereur ?
— Je ne connais que les ordres de Dieu.
— Tu es noble ?
— Je suis le plus humble des serviteurs du Christ.
— Et tu ne veux pas renier ton Dieu ?
— Je renie et je maudis vos idoles, qui ne sont que du bois fragile ou de la boue pétrie.
— Tu sais les supplices qui te sont réservés ?
— Je les attends avec calme.
— Et tu te crois assez fort pour braver ma puissance ?
— Je ne suis qu’un faible instrument que le moindre choc peut briser ; mais mon Dieu tout-puissant peut me défendre de la fureur et te réduire en cendres au même instant où tu blasphèmes son nom.
— Nous verrons, lorsque tu seras jeté dans une fournaise ardente, si ton Dieu viendra t’en tirer.
— Dieu n’a-t-il pas sauvé de la fournaise Ananias, Azarias et Mizaël ?
— Je te jetterai aux bêtes dans le cirque.
— Dieu n’a-t-il pas tiré Daniel de la fosse aux lions ?
— Je te ferai trancher la tête par l’épée du bourreau.
— Si Dieu veut que je meure, que sa volonté soit faite.
— Soit. Je verrai jaillir ton sang maudit, ce sang que tu déshonores en trahissant la religion de tes ancêtres pour un culte d’esclaves.
— O malheureux insensé ! S’écria le saint avec un inexprimable accent de compassion et de douleur, avant que tu jouisses du spectacle que tu te promets, Dieu te frappera de la cécité la plus affreuse, et la vue ne te sera rendue qu’à ma prière, afin que tu puisses être témoin du courage avec lequel savent mourir les martyrs du Christ !
— Eh bien ! Si c’est un défi, je l’accepte, répondit le proconsul ; nous verrons si, comme tu le dis, ta foi sera plus puissante que la douleur.
    Puis, se tournant vers ses licteurs, il ordonna que le saint fût lié et jeté dans une fournaise ardente.
Les deux diacres pâlirent à cet ordre, et tous les chrétiens qui l’entendirent poussèrent un long et douloureux gémissement ; car quoique chacun d’eux fût personnellement prêt à subir le martyre, cependant le cœur leur manquait à tous du moment qu’il s’agissait d’assister au supplice de leur saint évêque.
    À ce cri de pitié et de douleur qui s’éleva tout à coup dans la foule, saint Janvier se tourna d’un air grave et sévère, et étendant la main droite pour imposer silence :
    — Eh bien ! Mes frères, dit-il, que faites-vous ? Voulez-vous par vos plaintes réjouir l’âme des impies ? En vérité, je vous le dis, rassurez-vous, car l’heure de ma mort n’est pas venue, et le Seigneur ne me croit pas encore digne de recevoir la palme du martyre. Prosternez-vous et priez cependant, non pas pour moi, que la flamme du brasier ne saurait atteindre, mais pour mon persécuteur, qui est voué au feu éternel de l’enfer.
Timothée écouta les paroles du saint avec un sourire de mépris, et il fit signe aux bourreaux d’exécuter son arrêt.
    Saint Janvier fut jeté dans la fournaise, et aussitôt l’ouverture par laquelle on l’avait poussé fut murée au dehors aux yeux de la population entière qui assistait à ce spectacle.
    Quelques minutes après, des tourbillons de flammes et de fumée s’élevant vers le ciel avertirent le proconsul que ses ordres étaient exécutés ; et se croyant vengé à tout jamais de l’homme qui avait osé le braver, il rentra chez lui plein de l’orgueil du triomphe.
    Quant aux autres chrétiens, ils furent ramenés dans leur prison pour y attendre le jour de leur supplice, et la foule se dissipa sous l’impression d’une pitié profonde et d’une sombre terreur.
Les soldats, occupés jusqu’alors à écarter les curieux et à maintenir le bon ordre, n’ayant plus rien à faire dès que le peuple se fut écoulé, se rapprochèrent lentement de la fournaise et se mirent à causer entre eux des événements du jour et du calme étrange qu’avait montré le patient au moment de subir une mort si terrible, lorsque l’un d’eux, s’arrêtant tout à coup au milieu de sa phrase commencée, fit signe à son interlocuteur de se taire et d’écouter. Celui-ci écouta en effet et imposa silence à son tour à son voisin ; si bien que, le geste se répétant de proche en proche, tout le monde demeura immobile et attentif. Alors des chants célestes, partant de l’intérieur de la fournaise, frappèrent les oreilles des soldats, et la chose leur parut si extraordinaire qu’ils se crurent un instant le jouet d’un rêve.
    Cependant les chants devenaient plus distincts, et bientôt ils purent reconnaître la voix de saint Janvier au milieu d’un chœur angélique.
    Cette fois, ce ne fut plus l’étonnement, mais bien la frayeur qui les saisit ; et voyant qu’il devenait urgent de prévenir le préfet de l’événement inattendu, quoique prédit, qui se passait sur la place, ils coururent chez lui, pâles et effarés, et lui racontèrent avec l’éloquence de la peur l’incroyable miracle dont ils venaient d’être témoins.
    Timothée haussa les épaules à cet étrange récit, et menaça ses soldats de les faire battre de verges s’ils se laissaient dominer par de si puériles frayeurs. Mais alors ils jurèrent par tous les dieux, non seulement d’avoir reconnu distinctement la voix de saint Janvier et l’air qu’il chantait dans la fournaise, mais encore d’avoir retenu les paroles du cantique et les actions de grâces qu’il rendait au Seigneur.
    Le proconsul, irrité, mais non convaincu par une telle obstination, donna l’ordre immédiatement que la fournaise fût ouverte en sa présence, se réservant de punir avec la dernière rigueur, après leur avoir mis sous les yeux les restes carbonisés du martyr, ces faux rapporteurs qui venaient le déranger pour lui faire de pareils récits.
    Lorsque le préfet arriva sur la place, il la trouva de nouveau tellement encombrée par le peuple qu’il eut peine à se frayer un passage.
    Le bruit du miracle ayant rapidement circulé dans la ville, les habitants de Nola, se pressant en tumulte sur le lieu du supplice, demandaient à grands cris la démolition de la fournaise, et menaçaient le proconsul, non point encore par des paroles ou des faits, mais par ces clameurs sourdes qui précèdent l’émeute comme le roulement du tonnerre précède l’ouragan.
Timothée demanda la parole, et lorsque le calme fut suffisamment rétabli pour qu’il pût se faire entendre, il répondit que le désir du peuple allait être satisfait sur-le-champ, et qu’il venait précisément donner l’ordre d’ouvrir la fournaise, pour offrir un éclatant démenti aux bruits absurdes répandus parmi la foule.
    À ces mots, les cris cessent, la colère s’apaise et fait place à une curiosité haletante.
    Toutes les respirations sont suspendues, tous les yeux sont fixés sur un point.
    À un signe de Timothée, les soldats s’avancent vers la fournaise, armés de marteaux et de pioches ; mais aux premières briques qui tombent sous leurs coups, un tourbillon de flammes s’échappe subitement du foyer et les réduit en cendres.
    À l’instant même les murs tombent comme par enchantement, et au milieu d’une clarté éblouissante le saint évêque apparaît dans toute sa gloire, Le feu n’avait pas touché un seul cheveu de son front, la fumée n’avait pas terni la blancheur de ses vêtements. Un essaim de petits chérubins soutenait au-dessus de sa tête une auréole éclatante, et une musique invisible, dont les accords célestes étaient réglés par la harpe des séraphins, accompagnait son chant.
    Alors saint Janvier se mit à marcher de long en large sur les charbons ardents, afin de bien convaincre les incrédules que le feu de la terre ne pouvait rien sur les élus du Seigneur ; puis, comme on aurait pu douter encore de la réalité du miracle, voulant prouver que c’était bien lui, et non pas un esprit, pas un fantôme, pas une apparition surhumaine que l’on venait de voir, saint Janvier rentra lui-même dans sa prison et se remit à la disposition du préfet.
    À la vue de ce qui venait de se passer, Timothée s’était senti pris d’une telle frayeur que, craignant quelque révolte, il s’était réfugié dans le temple de Jupiter ; ce fut là qu’il apprit que le saint, qui pouvait, au milieu de l’enthousiasme général dont ce miracle l’avait fait l’objet, s’éloigner et se soustraire à son pouvoir, était au contraire rentré dans sa prison, et y attendait le nouveau supplice qu’il lui plairait de lui infliger.
    Cette nouvelle lui rendit toute son assurance, et avec son assurance toute sa colère.
Il descendit dans la prison du martyr pour acquérir la certitude qu’il avait bien affaire à l’évêque de Bénévent lui-même, et non point à quelque spectre que la magie eût fait survivre à son corps.
    En conséquence, et pour qu’il ne lui restât aucun doute à ce sujet, après avoir tâté saint Janvier, pour s’assurer qu’il était bien de chair et d’os, il le fit dépouiller de ses vêtements sacerdotaux, le fit lier à une colonne que la vénération des fidèles a conservée jusqu’à nos jours comme un nouveau témoin du martyre du saint, et le fit fouetter par ses licteurs jusqu’à ce que le sang jaillît. Alors il trempa dans ce sang le coin de sa toge, et s’assura que c’était bien du sang humain, et non quelque liqueur rouge qui en avait l’apparence ; puis, satisfait de ce premier essai, il ordonna que le patient fût appliqué à la torture.
La torture fut longue et douloureuse ; saint Janvier en sortit les chairs meurtries et les os disloqués ; mais, pendant tout le temps qu’elle dura, les bourreaux ne purent lui arracher une plainte. Lorsque les souffrances devenaient insupportables, saint Janvier louait le Seigneur.
    Timothée, voyant que la question n’avait d’autre résultat pour lui que de le faire souffrir, décida que saint Janvier serait jeté dans le cirque et exposé aux tigres et aux lions ; seulement il hésita quelque temps pour savoir si l’exécution aurait lieu dans le cirque de Pouzzoles ou de Nola ; enfin il se décida pour celui de Pouzzoles.
    Un double calcul présida à cette décision : d’abord le cirque de Pouzzoles était plus vaste que celui de Nola, et par conséquent pouvait contenir un plus grand nombre de spectateurs ; et puis, une telle fermentation s’était manifestée à la suite du premier miracle, qu’il pensait que les bourreaux de saint Janvier auraient tout à craindre si le martyr sortait triomphant d’une seconde épreuve.
    Or, tandis que le proconsul avisait au moyen le plus sûr et le plus cruel de transporter le saint d’une ville à l’autre, on vint lui dire que saint Janvier, parfaitement guéri de la torture de la veille, pouvait faire le voyage à pied.
    À cette nouvelle, une idée infernale traversa l’esprit de Timothée : il avisa que ce serait faire merveille que d’ajouter la honte à la douleur, et imagina de faire traîner son char, de Nola à Pouzzoles, par le saint évêque et par ses deux compagnons, les diacres Sosius et Proculus.
Il espérait ainsi, ou que les trois martyrs tomberaient d’épuisement ou de douleur au milieu de la route, ou qu’ils arriveraient au lieu de leur supplice tellement humiliés et flétris par les huées de la populace, que leur sort n’inspirerait plus pitié ni regrets.
    La chose fut donc exécutée comme l’avait décidé le proconsul.
    On attela saint Janvier au char consulaire, entre Sosius et Proculus ; et Timothée, s’y étant assis, intima à ses licteurs l’injonction de frapper de verges les trois patients chaque fois qu’ils s’arrêteraient ou seulement ralentiraient le pas ; puis il donna l’ordre du départ en levant sur eux le fouet dont lui-même était armé.
    Mais Dieu ne permit même pas que le fouet levé sur les martyrs retombât sur eux. Saint Janvier, s’élançant d’un bond, entraîna avec lui ses deux compagnons, renversant sur son passage soldats, licteurs et curieux.
    Beaucoup dirent alors avoir vu pousser sur les épaules des trois hommes du Seigneur de ces grandes ailes archangéliques, à l’aide desquelles les messagers du ciel traversent l’empyrée avec la rapidité de l’éclair ; mais la vérité est que le char s’éloigna, emporté par une telle rapidité, qu’il laissa bientôt derrière lui non seulement la foule des piétons, mais les cavaliers romains, qui lancèrent inutilement leurs montures à sa poursuite, et le virent bientôt disparaître au milieu d’un nuage de poussière.
    Ce n’était pas à cela que s’était attendu le proconsul ; il ne s’était occupé que des moyens de pousser son saint attelage en avant et non de le retenir ; aussi se trouvant emporté avec une rapidité dont les oiseaux de l’air pouvaient à peine donner une idée, il ne songea qu’à se cramponner aux rebords du char pour ne point être renversé ; mais bientôt un vertige le prit ; il lui sembla que le char cessait de toucher la terre, que tous les objets, emportés d’une course égale à la sienne, fuyaient en arrière, tandis que lui s’élançait en avant. La lumière manqua à ses yeux, le souffle à sa bouche, l’équilibre à son corps ; il se laissa tomber à genoux au fond du char, pâle, haletant, les mains jointes.
Mais les trois saints ne pouvaient le voir, emportés qu’ils semblaient être eux-mêmes par une puissance surhumaine. Enfin, arrivé à la colline d’Antignano, à l’endroit même où l’on trouve encore aujourd’hui une petite chapelle élevée en mémoire de ce miraculeux événement, le proconsul, rassemblant toutes les forces de son agonie, poussa un tel cri de détresse et de douleur, que saint Janvier l’entendit, malgré le bruissement des roues, et que, s’arrêtant avec ses deux compagnons et se retournant vers son juge, il lui demanda d’une voix fraîche et reposée qui ne trahissait point la moindre lassitude.
— Qu’y a-t-il, maître ?
    Mais Timothée resta quelque temps sans pouvoir articuler une seule parole, tandis que les deux diacres profitaient de cet instant de halte pour respirer à pleine poitrine.
Saint Janvier, au bout de quelques secondes, renouvela sa question.
— Il y a que je veux relayer ici, dit le proconsul.
— Relayons, répondit saint Janvier.
Timothée descendit de son char ; mais les trois saints restèrent attachés à leur chaîne, et cependant, à l’émotion du proconsul, à la sueur qui coulait de son front, au souffle précipité qui sortait de sa poitrine, on eût pu croire que c’était lui qui avait jusqu’alors été attelé à la place des chevaux, et que c’étaient les trois saints qui avaient tenu la place du maître.
Mais, dès que le proconsul sentit son pied sur la terre, et que, par conséquent, il se vit hors de danger, sa haine et sa colère le reprirent, et s’avançant vers saint Janvier, le fouet levé.
— Pourquoi, lui dit-il, m’as-tu conduit de Nola ici avec une si grande rapidité ?
— Ne m’avais-tu pas commandé d’aller le plus vite que je pourrais ?
— Oui, mais qui allait se douter que tu irais plus vite que ceux de mes cavaliers qui étaient les mieux montés et qui n’ont pu te suivre ?
— J’ignorais moi-même de quel pas j’irais, quand les anges m’ont prêté leurs ailes.
— Ainsi, tu crois que l’assistance que tu as reçue viens de ton Dieu ?
— Tout vient de lui.
— Et tu persistes dans ton hérésie ?
— La religion du Christ est la seule vraie, la seule pure, la seule digne du Seigneur.
— Tu sais quelle mort t’attend à l’autre bout de la route ? Reprit le proconsul.
— Ce n’est pas moi qui ai demandé à m’arrêter, répondit saint Janvier.
— C’est juste, répondit Timothée ; aussi allons-nous repartir.
— À tes ordres, maître.
— Ainsi, je vais remonter dans mon char.
— Remonte.
— Mais écoute-moi bien.
— J’écoute.
— C’est à la condition que tu n’iras plus du train que tu as été.
— J’irai du train que tu voudras.
— Le promets-tu ?
— Je le promets.
— Sur ta parole de noble ?
— Sur ma foi de chrétien.
— C’est bien.
— Es-tu près, maître ?
— Allons, dit le proconsul.
— Allons, mes frères, dit saint Janvier à ses compagnons, faisons ce qui nous est ordonné.

    Et le char repartit de nouveau ; mais le saint, observant scrupuleusement la promesse qu’il avait faite, ne marcha plus qu’au pas, ou tout au plus au petit trot ; encore se tournait-il de temps en temps vers Timothée pour lui demander si c’était là l’allure qui lui convenait.
Ce fut ainsi qu’ils arrivèrent sur la place de Pouzzoles, où pas une âme n’attendait le proconsul ; car ils avaient marché d’un tel train, que la nouvelle de leur arrivée n’avait pu les précéder. Aucun ordre n’était donc donné pour le supplice : aussi force fut à Timothée de le remettre à un autre moment. Il se fit donc purement et simplement conduire à son palais, et appelant ses esclaves, il ordonna que les trois saints fussent dételés et conduits dans les prisons de Pouzzoles, tandis que lui se parfumait dans un bain. Après quoi, brisé de fatigue, il se reposa trois jours et trois nuits.
Le matin du quatrième jour, la foule se pressait sur les gradins de l’amphithéâtre : elle y était accourue de tous les points de la campagne, car cet amphithéâtre était un des plus beaux de la province, et c’était pour lui qu’on réservait les tigres et les lions les plus féroces, qui, envoyés d’Afrique à Rome, abordaient et se reposaient un instant à Naples.
    C’était dans ce même amphithéâtre, dont les ruines existent encore aujourd’hui, que Néron, deux cent trente ans auparavant, avait donné une fête à Tiridate. Tout avait été préparé pour frapper d’étonnement le roi d’Arménie : les animaux les plus puissants et les gladiateurs les plus adroits s’étaient exercés devant lui ; mais lui était resté impassible et froid à ce spectacle, et lorsque Néron lui demanda ce qu’il pensait de ces hommes dont les efforts surhumains avaient forcé le cirque d’éclater en tonnerres d’applaudissements, Tiridate, sans rien répondre, s’était levé en souriant, et, lançant son javelot dans le cirque, il avait percé de part en part deux taureaux d’un seul coup.
À peine le proconsul y eut-il pris place sur son trône, au milieu de ses licteurs, que les trois saints, amenés par son ordre, furent placés en face de la porte par laquelle les animaux devaient être introduits. À un signe du proconsul, la grille s’ouvrit, et les animaux de carnage s’élancèrent dans l’arène. À leur vue, trente mille spectateurs battirent des mains avec joie ; de leur côté, les animaux étonnés répondirent par un rugissement de menace qui couvrit toutes les voix et tous les applaudissements. Puis, excités par les cris de la multitude, dévorés par la faim à laquelle, depuis trois jours, leurs gardiens les condamnaient, alléchés par l’odeur de la chair humaine dont on les nourrissait aux grands jours, les lions commencèrent à secouer leurs crinières, les tigres à bondir et les hyènes à lécher leurs lèvres. Mais l’étonnement du proconsul fut grand lorsqu’il vit les lions, les tigres et les hyènes se coucher aux pieds des trois martyrs, pleins de respect et d’obéissance, tandis que saint Janvier toujours calme, toujours souriant, levait la main droite et bénissait les spectateurs.
Au même instant, le proconsul sentit descendre sur ses yeux comme un nuage ; l’amphithéâtre se déroba à sa vue, ses paupières se collèrent, et il fut plongé tout à coup dans les ténèbres. Mais l’aveuglement n’était rien en comparaison de la souffrance, car à chaque pulsation de l’artère il semblait au malheureux qu’un fer rouge perçait ses prunelles. La prédiction de saint Janvier s’accomplissait.
    Timothée essaya d’abord de dompter sa douleur et d’étouffer ses plaintes devant la multitude ; mais, oubliant bientôt sa fierté et sa haine, il tendit les mains vers le saint, et le pria à haute voix de lui rendre la vue et de le délivrer de ses atroces souffrances.
Saint Janvier s’avança doucement vers lui au milieu de l’attention générale, et prononça cette courte prière :
— Mon Seigneur Jésus-Christ, pardonnez à cet homme tout le mal qu’il m’a fait, et rendez-lui la lumière afin que ce dernier miracle que vous daignerez opérer en sa faveur puisse dessiller les yeux de son esprit et le retenir encore sur le bord de l’abîme où le malheureux va tomber sans retour. En même temps, je vous supplie, ô mon Dieu ! de toucher le cœur de tous les hommes de bonne volonté qui se trouvent dans cette enceinte ; que votre grâce descende sur eux et les arrache aux ténèbres du paganisme.
Puis élevant la voix et touchant de l’index les paupières du proconsul, il ajouta :
— Timothée, préfet de la Campanie, ouvre les yeux et sois délivré de tes souffrances, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.
— Amen, répondirent les deux diacres.
    Et Timothée ouvrit les yeux, et sa guérison s’opéra d’une manière si prompte et si complète qu’il ne se souvenait même plus d’avoir éprouvé aucune douleur.
À la vue de ce miracle, cinq mille spectateurs se levèrent, et d’une seule voix, d’un seul cri, d’un seul élan, demandèrent à recevoir le baptême.
    Quant à Timothée, il rentra au palais, et, voyant que le feu était impuissant et les animaux indociles, il ordonna que les trois saints fussent mis à mort par le glaive.
    Ce fut par une belle matinée d’automne, le 19 septembre de l’année 305, que saint Janvier, accompagné des deux diacres Proculus et Sosius, fut conduit au forum de Vulcano, près d’un cratère à moitié éteint, dans la plaine de la Solfatare, pour y souffrir le dernier supplice. Près de lui marchait le bourreau, tenant dans ses mains une large épée à deux tranchants, et deux légions romaines, armées de fortes pièces, précédaient ou suivaient le cortège, pour ôter au peuple de Pouzzoles toute velléité de résistance. Pas un cri, pas une plainte, pas un murmure parmi cette foule avilie et tremblante ; un silence de mort planait sur la ville entière, silence qui n’était interrompu que par le piétinement des chevaux et par le bruit des armures.
    Saint Janvier n’avait pas fait une cinquantaine de pas dans la direction du forum, où son exécution devait avoir lieu, lorsque, au tournant d’une rue, il fut abordé par un pauvre mendiant qui avait eu toutes les peines du monde à se frayer un passage jusqu’à lui, accablé qu’il était par le double malheur de la cécité et de la vieillesse. Le vieillard s’avançait en levant le menton et en étendant les bras devant lui, se dirigeant vers la personne qu’il cherchait avec cet instinct des aveugles qui les guide quelquefois avec plus de sûreté que le regard le plus clairvoyant. Dès qu’il se crut assez près de saint Janvier pour être entendu, le malheureux, redoublant d’efforts et de zèle, s’écria d’une voix haute et perçante :
— Mon père ! Mon père ! Où êtes-vous, que je puisse me jeter à vos genoux ?
— Par ici, mon fils, répondit saint Janvier en s’arrêtant pour écouter le vieillard.
— Mon père ! Mon père ! Pourrai-je être assez heureux pour baiser la poussière que vos pieds ont foulée ?
— Cet homme est fou, dit le bourreau en haussant les épaules.
— Laissez approcher ce vieillard, dit doucement saint Janvier, car la grâce de Dieu est avec lui.
Le bourreau s’écarta, et l’aveugle put enfin s’agenouiller devant le saint.
— Que me veux-tu, mon fils ? Demanda saint Janvier.
— Mon père, je vous prie de me donner un souvenir de vous ; je le garderai jusqu’à la fin de mes jours, et cela me portera bonheur dans cette vie et dans les autres.
— Cet homme est fou ! Dit le bourreau avec un sourire de mépris. Comment ! Lui dit-il, ne sais-tu pas qu’il n’a plus rien à lui ! Tu demandes l’aumône à un homme qui va mourir !
— Cela n’est pas bien sûr, dit le vieillard en secouant la tête, ce n’est pas la première fois qu’il vous échappe.
— Sois tranquille, répondit le bourreau, cette fois il aura affaire à moi.
— Serait-il vrai, mon père ? Vous qui avez triomphé du feu, de la torture et des animaux féroces, vous laisserez-vous tuer par cet homme ?
— Mon heure est venue, répondit le martyr avec joie ; mon exil est fini, il est temps que je retourne dans ma patrie. Écoute, mon fils, interrompit saint Janvier, il ne me reste plus que le linge avec lequel on doit me bander les yeux à mon dernier moment : je te le laisserai après ma mort.
— Et comment irai-je le chercher ? Dit le vieillard, les soldats de me laisseront pas approcher de vous.
— Eh bien ! Répondit saint Janvier, je te l’apporterai moi-même.
— Merci, mon père.
— Adieu, mon fils.
L’aveugle s’éloigna et le cortège reprit sa marche. Arrivé au forum de Vulcano, les trois saints s’agenouillèrent, et saint Janvier, d’une voix ferme et sonore, prononça ces paroles :
— Dieu de miséricorde et de justice, puisse enfin le sang que nous allons verser calmer votre colère et faire cesser les persécutions des tyrans contre votre sainte Église !
Puis il se leva, et après avoir embrassé tendrement ses deux compagnons de martyre, il fit signe au bourreau de commencer son œuvre de sang. Le bourreau trancha d’abord les têtes de Proculus et de Sosius, qui moururent courageusement en chantant les louanges du Seigneur. Mais comme il s’approchait de saint Janvier, un tremblement convulsif le saisit tout à coup, et l’épée lui tomba des mains sans qu’il eût la force de se courber pour la ramasser.
Alors saint Janvier se banda lui-même les yeux ; puis portant la main à son cou :
— Eh bien ! Dit-il au bourreau, qu’attends-tu, mon frère ?
— Je ne pourrai jamais relever cette épée, dit le bourreau, si tu ne m’en donnes pas la permission.
— Non seulement je te le permets, frère, mais je t’en prie.
    À ces mots, le bourreau sentit que les forces lui revenaient, et levant l’épée à deux mains il en frappa le saint avec tant de vigueur, que non seulement la tête, mais un doigt aussi furent emportés du même coup.
    Quant à la prière que saint Janvier avait adressée à Dieu avant de mourir, elle fut sans doute agréée par le Seigneur, car la même année, Constantin, s’échappant de Rome, alla trouver son père et fut nommé par lui son héritier et son successeur dans l’empire. Si donc tout effet doit se reporter à sa cause, c’est de la mort de saint Janvier et de ses deux diacres Proculus et Sosius que date le triomphe de l’Église.
    Après l’exécution, comme les soldats et le bourreau s’acheminaient vers la maison de Timothée pour lui rendre compte de la mort de son ennemi et de ses deux compagnons, ils rencontrèrent le mendiant à la même place où ils l’avaient laissé. Les soldats s’arrêtèrent pour s’amuser un peu aux dépens du vieillard, et le bourreau lui demanda en ricanant :
— Eh bien ! L’aveugle, as-tu reçu le souvenir qu’on t’avait promis ?
— O impies qui vous êtes ! S’écria le vieillard en ouvrant les yeux brusquement et fixant sur tous ceux qui l’entouraient un regard clair et limpide, non seulement j’ai reçu le bandeau des mains du saint lui-même, qui vient de m’apparaître tout à l’heure, mais en appliquant ce bandeau sur mes yeux j’ai recouvré la vue, moi qui était aveugle de naissance. Et maintenant, malheur à toi qui as osé porter la main sur le martyr du Christ ! Malheur à celui qui a ordonné sa mort ! Malheur à tous ceux qui s’en sont rendus complices ! Malheur à vous, malheur !
    Les soldats se hâtèrent de quitter le vieillard, et le bourreau les devançait pour avoir la gloire de faire le premier son rapport au tyran. Mais la maison du proconsul était vide et déserte, les esclaves l’avaient pillée, les femmes l’avaient abandonnée avec horreur. Tout le monde s’éloignait de ce lieu de désolation, comme si la main de Dieu l’eût marqué d’un signe maudit. Le bourreau et son escorte, ne comprenant rien à ce qui se passait, résolurent d’avancer hardiment ; mais au premier pas qu’ils firent dans l’intérieur de la maison, ils tombèrent raides morts. Timothée n’était plus qu’un cadavre informe et pourri, et les émanations pestilentielles qui s’exhalaient de son corps avaient suffi pour asphyxier d’un seul coup les misérables complices de ses iniquités.
    Cependant, dès que la nuit fut venue, le mendiant s’en alla au forum de Vulcano pour recueillir les restes sacrés du saint évêque. La lune, qui venait de se lever, répandit sa lumière argentée sur la plaine jaunâtre de la Solfatare, de telle sorte qu’on pouvait distinguer le moindre objet dans tous ses détails.
    Comme le vieillard marchait lentement et regardait autour de lui pour voir s’il n’était pas suivi par quelque espion, il aperçut à l’autre bout du forum une vieille femme à peu près de son âge qui s’avançait avec les mêmes précautions.
— Bonjour, mon frère, dit la femme.
— Bonjour, ma sœur, répondit le vieillard.
— Qui êtes-vous, mon frère ?
— Je suis un ami de saint Janvier. Et vous ma sœur ?
— Moi, je suis sa parente.
— De quel pays êtes-vous ?
— De Naples. Et vous ?
— De Pouzzoles.
— Puis-je savoir quel motif vous amène ici à cette heure ?
— Je vous le dirai quand vous m’aurez expliqué le but de votre voyage nocturne.
— Je viens pour recueillir le sang de saint Janvier.
— Et moi je viens pour enterrer son corps.
— Et qui vous a chargé de remplir ce devoir, qui n’appartient d’ordinaire qu’aux parents du défunt ?
— C’est saint Janvier lui-même, qui m’est apparu peu d’instants après sa mort.
— Quelle heure pouvait-il être lorsque le saint vous est apparu ?
— À peu près la troisième heure du jour.
— Cela m’étonne, mon frère, car à la même heure il est venu me voir, et m’a ordonné de me rendre ici à la nuit tombante.
— Il y a miracle, ma sœur, il y a miracle. Écoutez-moi, et je vous raconterai ce que le saint a fait en ma faveur.
— Je vous écoute, puis je vous raconterai à mon tour ce qu’il a fait en la mienne ; car, ainsi que vous le dites, il y a miracle, mon frère, il y a miracle.
— Sachez d’abord que j’étais aveugle.
— Et moi percluse.
— Il a commencé par me rendre la vue.
— Il m’a rendu l’usage des jambes.
— J’étais mendiant.
— J’étais mendiante.
— Il m’a assuré que je ne manquerai de rien jusqu’à la fin de mes jours.
— Il m’a promis que je ne souffrirai plus ici bas.
— J’ai osé lui demander un souvenir de son affection.
— Je l’ai prié de me donner un gage de son amitié.
— Voici le même linge qui a servi à bander ses yeux au moment de sa mort.
— Voici les deux fioles qui ont servi à célébrer sa dernière messe.
— Soyez bénie, ma sœur, car je vois bien maintenant que vous êtes sa parente.
— Soyez béni, mon frère, car je ne doute plus que vous étiez son ami.
— À propos, j’oubliais une chose.
— Laquelle, mon frère ?
— Il m’a recommandé de chercher un doigt qui a dû lui être coupé en même temps que sa tête et de le réunir à ses saintes reliques.
— Il m’a bien dit de même que je trouverai dans son sang un petit fétu de paille, et m’a ordonné de le garder avec soin dans la plus petite des deux fioles.
— Cherchons.
— Cela ne doit pas être bien loin.
— Heureusement la lune nous éclaire.
— C’est encore un bienfait du saint, car depuis un mois le ciel était couvert de nuages.
— Voici le doigt que je cherchais.
— Voici le fétu dont il m’a parlé.
    Et tandis que le vieillard de Pouzzoles plaçait dans un coffre le corps et la tête du martyr, la vieille femme napolitaine, agenouillée pieusement, recueillait avec une éponge jusqu’à la dernière goutte de son sang précieux, et en remplissait les deux fioles que le saint lui avaient données lui-même à cet effet.
    C’est ce même sang qui, depuis quinze siècles, se met en ébullition toutes les fois qu’on le rapproche de la tête du saint, et c’est dans cette ébullition prodigieuse et inexplicable que consiste le miracle de saint Janvier.
    Voilà ce que Dieu fit de saint Janvier ; maintenant voyons ce qu’en firent les hommes
.

LA DIVINE COMÉDIE, CHANT TRENTE-TROISIÈME (HYMNE POUR L’OFFICE DES LECTURES EN ITALIEN)

8 septembre, 2009

dans la liturgie de L’Officie des Lectures de la Vierge Marie, en italien nous avons – pour Hymne – ce passage da la Divine Comédie, texte du site:

http://www.abbaye-saint-benoit.ch/dante/index.htm

DANTE  ALIGHIERI

LA DIVINE COMÉDIE

CHANT TRENTE-TROISIÈME
 

« Vierge Mère, fille de ton Fils, humble et élevée plus qu’aucune créature, terme fixe d’un éternel conseil (1),
tu es celle qui tant a ennobli l’humaine nature, que son auteur ne dédaigna point de s’en revêtir. En ton sein se ralluma l’amour, par la chaleur duquel dans l’éternelle paix ainsi a germé cette fleur. Ici, pour nous, tu es en son midi le flambeau de la charité, et en bas, parmi les mortels, tu es la vraie fontaine d’espérance. Dame, tu es si grande, et si grand est ton pouvoir, que celui qui désire la grâce et à toi ne recourt point, son désir veut voler sans ailes. Ta bonté non-seulement secourt qui demande, mais d’elle-même, souvent, elle prévient le demander. En toi miséricorde, en toi pitié, en toi magnificence, en toi se rassemble tout ce que dans les créatures il y a de bonté.

DANTE ALIGHIERI

31 janvier, 2008

du site: 

 

http://www.ac-strasbourg.fr/pedago/lettres/Victor%20Hugo/Notes/Dante.htm

 

DANTE ALIGHIERI

 

 Né à Florence en 1265, Dante Alighieri, mondialement connu sous son seul prénom, comme beaucoup d’artistes italiens d’autrefois, est mort en exil, à Ravenne, en 1321. Issu d’une famille appartenant à la petite noblesse, il aperçoit pour la première fois en 1274 une jeune fille, Béatrice, dont on ne sait rien ; il la revoit deux fois encore par la suite sans jamais faire sa connaissance, sans jamais lui adresser la parole, et pourtant c’est pour elle qu’il écrit la Vita nuova, et c’est elle 

 

qui occupe une place prépondérante dans la Divina Commedia ! Il perd sa mère en 1278 et son père en 1282.
De l’éducation qu’il a reçue, on ne sait pas grand-chose, si ce n’est qu’il vit à Bologne, vers 1285, où il poursuit des études supérieures : mais il suffit de lire son œuvre pour se rendre compte que cet homme possède des connaissances encyclopédiques, recouvrant quasiment tout le savoir de son temps.
D’autre part, il est clair qu’il a subi l’influence du philosophe florentin Brunetto Latini, lequel, exilé en France, a écrit son œuvre majeure, une somme des connaissances de l’époque, en français. On sait aussi qu’il fréquente de nombreux poètes, en particulier Guido Cavalcanti et Cino da Pistoia.
La vie politique florentine de l’époque est pour le moins compliquée, comme d’ailleurs dans toute l’Italie. Deux grands groupes se disputent le pouvoir : les guelfes d’un côté, qui soutiennent le pouvoir temporel du pape, et qui émettent des revendications nationalistes ; les gibelins de l’autre, qui soutiennent l’autorité émanant du Saint-Empire romain germanique, lequel exerce une forte influence en Italie. En fait, plus que d’une simple opposition, il s’agit d’une véritable guerre civile : Dante, partisan des guelfes, participe en 1289 à la bataille de Campaldino, qui oppose les deux factions ; les Florentins y remportent la victoire sur les gibelins de Pise et d’Arezzo. Mais, pour compliquer les choses, le parti guelfe est lui-même victime d’une scission, et se divise en deux groupes rivaux, celui des guelfes blancs et celui des guelfes noirs : disons, pour simplifier, que les blancs sont des modérés, qui désirent garder leur indépendance tant face au pape que face à l’empereur, les noirs des extrémistes, qui considèrent le pape comme un allié dans leur lutte contre l’empire, sachant que la réalité est beaucoup plus compliquée. Dante, qui a épousé entre-temps Gemma Donati, jeune femme appartenant à une famille guelfe jouant un rôle politique fort important à Florence, se range du côté des guelfes blancs.
Il participe d’ailleurs activement à la vie politique de sa ville natale de 1295 à 1301, occupant des fonctions administratives ou chargé de missions diplomatiques. C’est durant cette période que la lutte entre les blancs et les noirs s’intensifie, au point que le Conseil qui dirige Florence décide, pour calmer les esprits et restaurer un climat plus serein dans la cité, d’exiler les chefs des deux factions. Mais les noirs, grâce au soutien du pape Boniface VIII, reviennent d’exil dès 1301 et prennent le pouvoir. En 1302, alors qu’il est en mission diplomatique auprès du pape, Dante, en tant que guelfe blanc, est condamné à un exil de deux ans et à une forte amende. Comme il est dans l’impossibilité de payer celle-ci, il est condamné à mort s’il rentre à Florence, ce qui équivaut à un exil définitif.
À partir de ce moment, il séjourne dans diverses villes d’Italie du nord, notamment à Vérone, et effectue un voyage en France où en retrouve sa trace à Paris entre 1307 et 1309. En même temps, il change d’opinion politique : pensant qu’un empereur éclairé pourrait élaborer une union européenne qui éviterait guerres et conflits, il embrasse la cause des gibelins. En 1310, Henri VII de Luxembourg accède au trône impérial, avec pour objectif déclaré de placer l’Italie sous son autorité : Dante alors envoie des lettres à de nombreux princes et hommes politiques italiens pour les exhorter à reconnaître l’autorité de Henri VII, afin de mettre fin une fois pour toutes aux conflits qui déchirent les cités et les principautés italiennes, insistant cependant sur la nécessaire séparation de l’Église et de l’État, ce qui apparaît également dans un ouvrage qu’il rédige à cette époque, De monarchia, dont le titre français est la Monarchie universelle ; mais l’empereur meurt en 1313, alors qu’il séjourne à Pise, ce qui ruine les espoirs du poète.
En 1316, le Conseil de la cité autorise Dante à revenir dans sa ville natale, mais à des conditions telles que le poète refuse énergiquement : il ne reviendra que si Florence le rétablit dans sa dignité et lui rend les honneurs qui lui sont dus. Il passe donc la fin de sa vie à Ravenne, où il meurt en 1321. C’est là qu’il est enterré.
En France, on ne connaît guère la Vita nuova, ni les œuvres dites mineures, comme le De vulgari eloquentia, inachevé, qui constitue pourtant un essai linguistique important ; en revanche, la Divine Comédie est connue de tous les lettrés du XIXe siècle, et elle a été traduite trente-sept fois, totalement ou en partie, depuis 1921 !
Dante a sans doute commencé à écrire Comédie vers 1307, alors qu’il était en exil, et il ne l’a achevée que peu avant sa mort. Ce n’est que dans l’édition de 1555 que le titre devient la Divine Comédie, sans doute parce que le parcours relaté par le poète se termine bien, par la vision de Dieu en qui se dissout toute volonté individuelle.
Dans la Divine Comédie, Dante raconte en vers – en toscan, la madre lingua, qui va devenir l’italien, grâce à lui – le voyage imaginaire qu’il effectue, guidé par Virgile puis par Béatrice, de l’enfer au paradis en passant par le purgatoire ; chacun des lieux visités contitue une partie de l’œuvre, l’Enfer, le Purgatoire, le Paradis, et chacune de ces parties est divisée en trente-trois chants. Le vers utilisé est la terza rima, c’est-à-dire que Dante utilise des tercets, groupes de trois vers dont le premier rime avec le troisième, alors que le deuxième fournit la première et la troisième rime du tercet suivant, et ainsi de suite : 

 

Nel mezzo del cammin di nostra vita
mi ritrovai per una selva oscura
chè la diritta via era smarrita.
Ah quanto a dir qual era è cosa dura
esta selva selvaggia e aspra e forte
che nel pensier rinova la paura !
Tant’è amara che poco è più morte ;
ma per trattar del ben ch’io vi trovai,
dirò dell’altre cose ch’i’ v’ho scorte. 

Inferno, I
Ulrico Hoepli, Editore-Libraio,
Milano, 1965 

 


Au milieu du chemin de notre vie
je me trouvai par une selve obscure
et vis perdue la droiturière voie.
Ha, comme à la décrire est dure chose
cette forêt sauvage et âpre et forte,
qui, en pensant, renouvelle ma peur !
Amère est tant, que mort n’est guère plus ;
mais pour traiter du bien que j’y trouvai,
telles choses dirai que j’y ai vues. 

Traduction André Pézard,
Œuvres complètes de Dante,
Bibliothèque de la Pléiade, 1965 

 

Tout au long de son voyage, Dante rencontre des personnages mythologiques, historiques ou contemporains de son époque ; chacun d’eux est la personnification d’une faute ou d’une vertu, religieuse ou politique, et le poète décrit en détails le châtiment subi ou la récompense accordée. Le poète latin Virgile, qui représente la raison, est son guide à travers l’enfer et le purgatoire, mais c’est la douce et vertueuse Béatrice qui le conduit au paradis. Qu’on ne s’imagine pas pour autant que la Divine Comédie est une œuvre religieuse : elle est en réalité une somme des conceptions politiques, scientifiques et philosophiques de la fin du XIIIe siècle ; complexe malgré sa simplicité apparente, elle peut se lire à différents niveaux et être interprétée de différentes façons.

Dante: « La Divine Commedie » – Le paradis

9 décembre, 2006

 Dante: « La Divine Comédie »

Je vous mis le chant XXXIII du Paradis (oui, c’est une peu longue)

CHANT TRENTE-TROISIÈME

« Vierge Mère, fille de ton Fils, humble et élevée plus qu’aucune créature, terme fixe d’un éternel conseil (1), tu es celle qui tant a ennobli l’humaine nature, que son auteur ne dédaigna point de s’en revêtir. En ton sein se ralluma l’amour, par la chaleur duquel dans l’éternelle paix ainsi a germé cette fleur. Ici, pour nous, tu es en son midi le flambeau de la charité, et en bas, parmi les mortels, tu es la vraie fontaine d’espérance. Dame, tu es si grande, et si grand est ton pouvoir, que celui qui désire la grâce et à toi ne recourt point, son désir veut voler sans ailes. Ta bonté non-seulement secourt qui demande, mais d’elle-même, souvent, elle prévient le demander. En toi miséricorde, en toi pitié, en toi magnificence, en toi se rassemble tout ce que dans les créatures il y a de bonté. Ores, celui-ci, qui du plus profond gouffre de l’univers (2) jusqu’ici, a vu les vies spirituelles (3) une à une, te supplie que, par grâce, il obtienne la force d’élever les yeux plus haut vers le dernier salut (4). Et moi qui jamais ne brûlai de voir plus que je ne brûle qu’il voie, je t’offre toutes mes prières, et te prie qu’elles ne soient pas insuffisantes, afin que, par les tiennes, tu dissipes entièrement les nuages de sa mortalité, en sorte que devant lui le suprême Bien se déploie. Je te prie encore, ô Reine qui peux ce que tu veux, qu’après une telle vue tu conserves ses affections saines. Que, sous ta garde, il vainque les mouvements humains ! Vois Béatrice, vois avec elle que de bienheureux, joignant les mains, s’unissent à mes prières.»

Les yeux aimés et vénérés de Dieu (5), fixés sur les suppliants, montrèrent combien les dévotes prières lui sont agréables. Ensuite ils se relevèrent vers l’éternelle lumière, dans laquelle on ne peut croire qu’avec tant de clarté pénètre le regard d’aucune créature (6). Et, comme je m’approchais du terme de tous les désirs ainsi que je le devais, l’ardeur du désir se calma en moi. Bernard, en souriant, me faisait signe de regarder en haut ; mais déjà, de moi-même, j’étais tel qu’il voulait; parce que ma vue, devenant pure, pénétrait de plus en plus dans la splendeur de la haute lumière qui de soi est vraie (7). Ce que je vis ensuite surpasse notre langage, impuissant à le peindre comme la mémoire à aller si loin.

Tel que celui qui, en songeant, voit, et après le songe la passion demeure imprimée, et le reste à l’esprit ne revient point ; tel suis-je, toute ma vision presque s’étant évanouie, et encore en mon cœur distille la douceur qui naquit d’elle. Ainsi la neige fond au soleil; ainsi au vent, sur les feuilles légères, se perdait l’oracle de la Sibylle. O suprême lumière qui tant t’élèves au-dessus des pensées des mortels, reprête à mon esprit un peu de ce que tu paraissais, et fais que ma langue soit assez puissante pour laisser, de ta gloire, seulement une étincelle à la gent future : car, revenant un peu en ma mémoire, et raisonnant un peu dans ces vers, plus on concevra de ta victoire (8). Si vive en moi fut l’impression du vivant rayon, que je me serais, je crois, égaré, si de lui j’avais détourné les yeux (9) ; et je me souviens qu’avec d’autant plus de courage (10) je le supportai, que je tins ma vue plus étroitement jointe à la Vertu infinie (11). O abondante Grâce, par qui j’osai tant fixer mon regard sur l’éternelle lumière, que de la vision j’atteignis le terme! Je vis que dans sa profondeur s’enfonce, relié en un volume (12) par l’amour, tout ce qui se disperse dans l’univers : substance et accident, et leurs propriétés, tous ensemble unis de telle manière, que ce que je dis est une simple lumière.

La forme universelle de ce nœud (13), je crois que je la vis, parce qu’en disant ceci je me sens plus au large dans la joie. Un seul moment m’est une plus longue léthargie (14) que vingt-cinq siècles à l’entreprise qui fit admirer à Neptune l’ombre d’Argo. Ainsi mon esprit interdit regardait fixement,  immobile et   attentif,  et toujours de  voir  brûlait davantage.

A cette lumière on devient tel, que se détourner pour voir autre chose, il est impossible qu’on y consente jamais ; parce qu’en elle est rassemblé tout le bien qui est l’objet du vouloir, et que hors d’elle est défectif ce qui est parfait en elle. Désormais mes paroles, proportionnées à mon souvenir, seront plus courtes que celles de l’enfant qui baigne encore sa langue à la mamelle. Non que plus d’une seule apparence fût dans la vive lumière que je regardais, laquelle est toujours telle qu’elle était auparavant ; mais parce qu’en moi la vue devenait plus forte, et qu’en regardant un seul objet, moi changeant, il changeait pour moi.

Dans la profonde et splendide substance de la haute lumière, m’apparurent trois cercles de trois couleurs et de même étendue ; et l’un par l’autre, comme une Iris par une Iris, paraissait réfléchi ; et le troisième paraissait un feu qui d’ici et de là également émane (13). Oh ! combien la parole est courte, et combien faible près de ma pensée ! Et celle-ci, près de ce que je vis, est telle, que « peu » ce n’est pas assez dire. O lumière éternelle, qui seule en toi reposes (14), seule te connais, et, connue de toi et te connaissant (15), t’aimes et te souris ! Ce triple cercle (16), qui paraissait se produire en toi comme un rayon réfléchi, regardé un peu par mes yeux tout autour, au-dedans de soi me parut offrir de sa propre couleur (17) notre image peinte, là où toute ma vue était plongée.

Tel que le géomètre qui tout entier s’applique à mesurer le cercle, et, pensant, ne trouve point ce principe (18) dont il a besoin ; tel étais-je à cette vue nouvelle ; je voulais voir comment l’image convient au cercle, et comment elle y a son lieu ; mais point n’auraient à cela suffi mes propres ailes, si mon esprit n’eût été frappé d’un éclair par lequel s’accomplit son désir. A la haute imagination ici manqua le pouvoir (19) ; mais déjà, comme une roue mue également (20), tournait mon désir et le velle (21) l’Amour qui meut le Soleil et les autres étoiles.

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Note:

1. Destinée de toute éternité, par un décret fixe, immuable, à être la mère du Fils de Dieu.

2. De l’Enfer.

3. Les différents états où vivent les esprits.

4. Le dernier terme du salut, ou Dieu même.

5.  Aimés et vénérés, à cause de la qualité de mère de Dieu, a laquelle Marie a été élevée.

6. D’aucune autre créature.

7.  Qui n’a d’autre source, d’autre principe qu’elle-même.

8.  « Plus on concevra combien tu vaincs, tu surpasses tout ce qu’il y a de plus grand hors de toi. »

9.  Ebloui par l’éclat du vivant rayon, il se serait égaré s’il avait tourné les yeux ailleurs, parce que, à l’opposé de la lumière matérielle, la lumière de Dieu fortifie la vue qui se fixe sur elle.

10.  D’autant plus facilement.

2.  « Que ma vue se fixa plus fortement sur cette lumière divine. »

3.  Le Poète représente métaphoriquement l’Intelligence divine qui contient les idées éternelles, les exemplaires immuables des choses, comme un livre dont le Créateur, en formant les êtres, disperse les feuilles dans l’univers.

11. La nature divine, qui produit et qui lie toutes choses.

12. Toute mémoire est éteinte pendant la léthargie ; ainsi Dante veut dire, que « des choses qu’il vit, il en oublie plus en un seul moment, qu’on n’a, pendant vingt-cinq siècles, oublié de circonstances de l’expédition des Argonautes, dont la hardiesse étonna Neptune, lorsqu’il vit se projeter sur la mer l’ombre du navire Argo qui les portait. »

13. Si Spiri ; ce verbe manque à notre langue ; il exprime ici le rapport de l’Eprit-Saint aux deux autres Personnes divines, desquelles il procède également par voie de spiration.

14.  « Qui as, en toi seule, le fondement, le principe de ton être. »

15. Dieu est à la fois, en soi-même, ce qui est connu et ce qui connaît.

16.  Dieu est, Dieu se connaît, et Dieu s’aime : ce sont les trois hypostases ou les trois Personnes de la Trinité ; la Puissance ou le Père, le Verbe ou le Fils, l’Amour ou l’Esprit.

17. De la couleur du triple cercle. L’image étant une avec la couleur qui la forme, le Poète indique par là l’union de la nature divine et de la nature humaine.

18. Le rapport du diamètre à la circonférence.

19. Dévoilé un moment, et comme par un éclair, le mystère de l’Homme-Dieu se dérobe aux yeux de Dante, impuissant à apercevoir, à contempler plus longtemps cette haute image.

20. Dont toutes les parties se meuvent d’un même mouvement.

21.  Le vouloir : c’est-à-dire que, par l’action de Dieu en lui, il ne désirait et ne voulait rien que ce que voulait Dieu lui-même. »

Dante: Le Paradis, du site:

 http://www.bu.edu/english/levine/

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