Archive pour la catégorie 'LITTÉRATURE ET FOI'

LE NOËL DE CHESTERTON

19 décembre, 2016

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LE NOËL DE CHESTERTON

G.K. Chesterton

Voir enfin ce que chacun avait cru voir.

Tout agnostique ou athée dont l’enfance a connu une véritable nuit de Noël voit toujours par la suite, qu’il le veuille ou non, un lien dans sa mémoire entre ces deux idées que la plupart des hommes considèrent naturellement comme contradictoires : l’idée d’un nouveau-né et l’idée d’une force inconnue qui soutient l’univers. L’instinct et l’imagination de celui qui fut chrétien peuvent encore les relier, alors que sa raison ne voit plus la nécessité de la relation; il y aura toujours pour lui quelque chose de religieux dans la simple image d’une mère portant son enfant, – une certaine évocation de clémence et d’attendrissement à la seule mention du nom terrible de Dieu. Pourtant ces deux idées n’ont aucune connexité naturelle ou nécessaire; elles ne seraient pas forcément associées pour un ancien Grec ni pour un Chinois, s’agit-il d’Aristote ou de Confucius; il n’est pas plus naturel de relier Dieu à un petit enfant que d’associer la gravitation à un petit chat. Cette association d’idées a profondément modifié la nature humaine. Il existe une différence réelle entre l’homme qui la connaît et l’homme qui ne la connaît pas. Il est possible que ce ne soit pas une différence de valeur morale; car le musulman ou le Juif peut avoir plus de mérite eu égard aux lumières qu’il a reçues; mais c’est un fait avéré touchant l’interférence de deux lumières particulières, la conjonction, sur notre horoscope, de deux astres déterminés. Toute-puissance et extrême faiblesse, divinité et première enfance, ont fini par former une sorte de cliché dont un million de répétitions ne pourront jamais faire une platitude : Bethléem est certainement le lieu où les extrêmes se touchent.
C’est aussi à Bethléem – est-il nécessaire de le dire? – qu’a pris origine une autre influence, puissante pour l’humanisation de la chrétienté. Si le monde cherchait ce qu’on appelle un aspect indiscutable du christianisme, il choisirait probablement Noël. Et cependant Noël est inséparable de ce qu’on croit en être un aspect discutable (je n’ai jamais pu, à aucun stade de mes opinions, me représenter pourquoi) : je veux parler de l’hommage rendu à la Sainte Vierge. Quand j’étais enfant, une génération plus puritaine qu’à l’heure actuelle trouvait à redire à la statue d’une église paroissiale représentant la Vierge et l’Enfant. Après pas mal de controverses, on se mit d’accord en enlevant l’enfant. On serait fondé à croire que cette solution était encore plus entachée de mariolâtrie, à moins que la mère ne fût tenue pour moins dangereuse, une fois privée de son labarum. Mais la difficulté pratique prend ici valeur de symbole. Impossible de faire disparaître la statue de la mère, tout à l’entoure de celle d’un nouveau-né! On ne peut pas suspendre l’enfant dans le vide; il ne resterait plus la moindre statue. Il en va de même de l’idée du nouveau-né, que nul ne peut poser dans l’espace ni se représenter sans évoquer sa mère. On ne peut aller voir l’enfant sans aller voir la mère. On ne peut aller voir l’enfant sans aller voir la mère; on ne peut dans la vie quotidienne approcher un enfant sans passer par sa mère. Si nous voulons, d’une manière ou d’une autre penser au Christ sous cet aspect, la seconde idée suivra, comme elle a suivi dans l’histoire. Il faut ou supprimer le Christ de la Nativité, ou la Nativité du Christ; faute de quoi il ne reste plus qu’à admettre, au moins comme on l’admet sur un tableau de primitif, que ces têtes sacrées sont trop proches l’une de l’autre pour qu’il n’y ait pas chevauchement et confusion des auréoles.
On pourrait suggérer par une image assez brutale que rien ne s’était passé dans ce repli ou cette crevasse des grandes collines grises, sauf que l’univers entier s’était retourné comme un gant. Je veux dire par-là que tous les yeux anxieux et adorateurs, qui jusqu’à ce moment regardaient au dehors vers l’incommensurable, s’étaient retournés à l’intérieur sur l’infiniment petit. Cette figure même évoque la multiple merveille des yeux convergents, qui fait ressembler tant d’images catholiques à des plumes de paon. Mais il est vrai, en un sens, que Dieu, qui n’avait encore été qu’une circonférence, apparut comme un centre; et un centre est infiniment petit.

LA VIERGE MARIE DANS LA LITTÉRATURE FRANÇAISE : ENTRE FOI ET LITTÉRATURE

21 avril, 2016

http://www.fabula.org/actualites/la-vierge-marie-dans-la-litterature-francaise-entre-foi-et-litterature_53902.php

LA VIERGE MARIE DANS LA LITTÉRATURE FRANÇAISE : ENTRE FOI ET LITTÉRATURE  

Colloque organisé par le laboratoire HCTI (Intertextualités et imaginaires bibliques)

 Université de Bretagne-Sud, Lorient 31 mai-1er juin 2013.  

La Vierge Marie est la figure féminine la plus représentée dans les arts plastiques. Ses représentations font l’objet d’études nombreuses par les historiens de l’art. En littérature, le Moyen Âge concentre les chefs d’oeuvre. La critique a reconnu la qualité artistique de cette littérature édifiante. Pour les autres siècles, oeuvres et références mariales sont plus clairsemées[1]. La jeune fille de Nazareth, dès l’origine du christianisme, a été l’objet d’un culte qui s’est enrichi progressivement de divers dogmes (quia fecit mihi magna qui potens est). Ce culte a culminé au XIIe siècle. La Vierge est célébrée dans toute la chrétienté avec ferveur. Apparaissent alors en langue vernaculaire des textes qui lui sont consacrés. Traductions de sources latines, les miracles de Notre-Dame se répandent dans toute l’Europe : Adgar, Gautier de Coinci, Raymond Lulle, Berceo, etc. La poésie lyrique la chante aussi à plusieurs voix. Le théâtre  prendra le relais de la narration. Romans bretons et chansons de geste ne l’ignorent pas, non plus. Âge d’or de la littérature mariale, le Moyen Âge n’en a pas pour autant l’exclusivité. La Vierge Marie sera présente, quoique de façon plus discrète, dans tous les siècles ultérieurs. Des poètes, des prosateurs, célèbres ou méconnus, s’adressent à elle avec dévotion. Citons Marot, Catherine d’Amboise, Jean Bertaut, Jacques du Perron,   Corneille, Brébeuf, Lefranc de Pompignan, Chateaubriand, Verlaine, Huysmans, Léon Bloy, Claudel, Péguy, Max Jacob, Marie Noël, Henri Ghéon, Bernanos, Francis Jammes (chanté par Georges Brassens), de nombreux poètes contemporains. L’objet de ce colloque sera d’examiner le traitement littéraire de cette figure de l’Evangile et de la foi chrétienne à travers des exemples significatifs et parfois inattendus. Il sera bon de n’oublier aucun siècle afin de situer dans une perspective diachronique la place et l’image de la Vierge. On se demandera pourquoi cette relative éclipse de la littérature mariale du XVIe au XIXe siècle. On tentera d’expliquer sa résurgence à la fin du XIXe et au XXe siècle.  Les études peuvent porter sur un texte (et ses enluminures), une oeuvre, un auteur, une période entière (le romantisme, le XVIIIe siècle), un genre (les miracles, les mystères, la ballade), des origines à nos jours. Quelques axes de recherche peuvent se dessiner à partir des questions suivantes : Quel rapport peut-on établir entre prière et poésie ? Le contenu dévotionnel est-il compatible avec la littérature ? Pour quelle raison un auteur se réfère-t-il à la Vierge Marie ? Quelle place tient-elle dans son itinéraire spirituel, psychologique, idéologique, littéraire ? Sous quelle forme s’établit cette référence à la  Vierge ? Les écrivains spirituels ont-ils leur place dans l’histoire littéraire (pensons à l’oeuvre poétique de Thérèse de Lisieux) ? Sous quel aspect est présentée la Vierge dans l’oeuvre ? Figure maternelle et consolatrice, tutélaire, refuge des pécheurs, Théotokos, avocate auprès de son Fils, visage souriant et féminin de Dieu, image idéalisée de la femme, symbole d’identité ? La référence à Marie propose-t-elle une alternative sacrée et édifiante à la littérature profane ? Y a-t-il un lien entre l’oeuvre et le contexte théologique et historique (par exemple le dogme de l’Immaculée Conception) ? Celle en qui « le Verbe s’est fait chair » est-elle la mère du verbe poétique, la mère d’une poésie spiritualiste encore à venir (Brémond) ? La médiatrice entre la langue de Dieu et la langue des hommes ? L’improbable mère de l’humanité postmoderne ?  

CHRISTIANISME ET CRÉATION LITTÉRAIRE: CHATEAUBRIAND ET DOSTOÏEVSKI [1].

7 avril, 2016

http://www.samizdat.qc.ca/arts/lit/c&d_al.htm

CHRISTIANISME ET CRÉATION LITTÉRAIRE: CHATEAUBRIAND ET DOSTOÏEVSKI [1].

Andrea Link

Beaucoup de contrastes frappent le regard lorsqu’on compare les vies de François René de Chateaubriand (1768-1848) et Fiodor Dostoïevski (1822-1881). Ils venaient d’époques, de cultures et de traditions de famille différentes. Leurs tempéraments différaient beaucoup aussi. Chateaubriand grandit aristocrate et royaliste à Combourg à l’aube de la Révolution française. Toute au cours de sa vie, des sentiments de mélancolie et de désillusion au sujet du monde pesaient lourdement dans son cœur. Comme co-fondateur du romanticisme français il vivait comme héros romantique dont les souffrances devenaient une source de « fierté qui se limite elle-même » (Jackson, p. 29). Fiodor DostoïevskiDostoïevski, appartenait à la basse aristocratie et fut élevé de manière modeste à Moscou. Il grandit sous l’ombre de l’insurrection décembriste de 1825 qui incita le tsar Nicolas I de gouverner avec une discipline militaire et bureaucratique sévère. Contrairement à Chateaubriand, Dostoïevski avait un tempérament énergique et une fierté « nerveuse et qui s’illuminait elle-même » (Jackson, p. 29). Dostoïevski tentait de la comprendre par un examen profond de soi-même, des personnes qui l’entouraient ainsi que de leur environnement. Par conséquent Dostoïevski devenait un écrivain post-romantique ou romantique-réaliste. Tout de même, ces deux auteurs partagent un point commun: leur développement spirituel et religieux suivit un cheminement similaire. Chacun fut élevé dans une tradition religieuse; Chateaubriand était catholique romain et Dostoïevski un orthodoxe russe. Leurs mères servaient comme les modèles pleins de foi, dévots et religieux de leurs familles et c’était leur foi qui planta la semence de foi dans les cœurs de ces jeunes écrivains. Pourtant lorsqu’ils furent de jeunes hommes, Chateaubriand et Dostoïevski éprouvaient des périodes de doute. Au lieu de s’attacher fortement à leurs traditions chrétiennes, ils devenaient des rêveurs ardents, recherchant des notions idéales comme la beauté et la justice. Leurs désirs de trouver la vérité les attirait a étudier les idéologies courantes de leur époque. Par exemple, Chateaubriand embrassait quelques-unes des idées de Rousseau, et Dostoïevski s’engagea dans un groupe d’utopistes socialistes. Mais leurs quêtes romantiques laissèrent Chateaubriand et Dostoïevski déçus et désillusionnés lorsqu’ils comprirent que ces idéologies courantes ne leur apportait pas la vérité. Ces deux hommes éprouvaient une pauvreté humiliante et des souffrances psychique lorsqu’ils furent exilés de leurs patries. En tant qu’aristocrate, Chateaubriand était considéré un ennemi de la Révolution franchise et pour sauver sa vie il devint un émigré en Angleterre au début des années 1790. Tsar Nicolas I exila Dostoïevski en 1849 pour son engagement politique. À cause de leurs souffrances extrêmes, les deux écrivains eurent des expériences de conversion qui les conduisirent à embrasser la foi chrétienne. Quand la mère de Chateaubriand mourut, le chagrin le fit accepter la foi de sa mère. De manière similaire, lorsque Dostoïevski se trouva en face de la vie de prisonnier, il eut une renaissance de son âme. François René de ChateaubriandTandis que tous deux éprouvaient des transformations similaires de leurs cœurs par leur foi en Christ, Chateaubriand et Dostoïevski développèrent des perspectives différentes du monde chrétiennes. Chateaubriand développait une perspective dualiste du christianisme. Le monde déchu qui est gouverné par Satan demeure séparé du monde spirituel de Dieu, le royaume des cieux. Ainsi la vie dans ce monde déchu d’ici-bas est tout à fait pénible, plein de désespoir et sans signification. Les idéaux du christianisme, y compris l’amour, la paix et la joie, ne seront réalisés qu’aux cieux. Chateaubriand croyait que « le chrétien se considère comme rien de plus qu’un pèlerin voyageant ici-bas à travers une vallée de larmes et qui ne trouve aucun repos jusqu’a ce qu’il arrive à la tombe » (Chateaubriand, 1976, p. 297). Les chrétiens peuvent espérer seulement qu’ils mourront bientôt et entreront aux cieux ou ils recevront leur rédemption et le bonheur éternel en communion avec Dieu. À l’encontre de Chateaubriand, Dostoïevski développa une vue de la christianisme réconciliée. Ce monde-ci est déchu et les chrétiens éprouveront a la fin de toutes choses l’abondance complète du Royaume des cieux lorsqu’ils mouront. Pourtant un chrétien peut commencer d’éprouver la communion avec Dieu même tandis qu’il vit dans un monde déchu. Pour Dostoïevski, les mots du Christ, « Repentissez-vous, car le royaume des cieux est proche » (Matthieu 4: 17) impliquait qu’une réconciliation avec Dieu commence lorsqu’une personne se repens et accepte la mort de Christ comme sacrifice pour ses péchés. Dostoïevski croyait que le chrétien peut commencer d’éprouver le royaume des cieux dans son cœur. L’esprit de Dieu, Son amour et Son pouvoir peuvent commencer à sanctifier et transformer les cœurs de ceux qui ont foi. Bien que tous les deux embrassaient la foi chrétienne, des questions de doute continuaient à attaquer leurs convictions. P. L. Jackson écrit que Chateaubriand et Dostoïevski partageaient « une affirmation de foi paradoxale (Jackson, p. 30). À la fin de sa vie, Chateaubriand dit, « quand elle grandissait, ma conviction religieuse a dévoré mes autres convictions, (mais) dans ce monde-ci il n’y a pas de chrétien plus croyant et plus remplis de doutes que moi » (ibid.) D’une manière similaire Dostoïevski écrivit en 1854: « Si quelqu’un prouvait pour moi que Christ était en dehors de la vérité, et si c’était ainsi que la vérité était en dehors de Christ, alors je resterais plutôt avec Christ qu’avec la vérité. Je suis un enfant de cet âge, un enfant du manque de foi et de doute jusqu’a maintenant et (je le sais bien) ce sera vrai jusqu’à ce que ma bière soit fermée … » (ibid.). Comme Chateaubriand et Dostoïevski comprenaient la dynamique d’être à la fois un fort croyant et un douteur vacillant, ils etaient capables de décrire vivement cette bataille intérieure éprouvée par les caractères dans leurs livres lorsqu’ils sont confrontés avec la foi chrétienne (par exemple, Chactas, René, et Raskolnikov). Par conséquent, les batailles spirituelles de Chateaubriand et de Dostoïevski les aidèrent à discuter des idéologies de leurs temps qui sapaient le christianisme. Puisque Chateaubriand et Dostoïevski croyaient que leurs pays éprouvaient des crises spirituelles, ils voyaient leur mission comme celle d’apologistes de la foi chrétienne. Chateaubriand grandit à une époque de doute religieux et l’athéisme des Lumières, comme il le décrit dans Le Génie du christianisme: « La religion fut attaquée par tous les genres d’armes, du pamphlet au folio, de l’épigramme au sophisme. Aussitôt qu’un livre religieux apparut, l’auteur fut couvert de ridicule, tandis que des œuvres que Voltaire lui-même était le premier à moquer parmi ses amis furent louées jusqu’au ciel » (Chateaubriand, 1899, p. 124). Beaucoup de philosophes, comme Denis Diderot, Jean le Pond d’Alembert et Voltaire, etaient sceptiques envers la foi chrétienne parce qu’ils croyaient qu’elle était fondée sur la superstition et l’irrationnelle. Les Lumières supposaient que les problèmes de l’humanité et de la société pouvaient être résolus simplement par l’application de lois et de réformes fondées sur la raison humaine. Un grand nombre de penseurs au cours de « l’age de raison » aspiraient au positivisme et au scientisme au lieu de la foi en Dieu comme l’espoir de l’humanité. Lorsqu’éclata la Révolution française en 1789, des révolutionnaires furieux détruirent des vitraux, des statues religieuses et des cathédrales entières pour affirmer que l’Église Catholique doit être extirpée parce qu’elle représentait l’oppression et la corruption de la monarchie déchue. Chateaubriand s’opposait à la notion des Lumières que l’humanité est rationnelle par nature. Il dit, « Le cœur de l’homme est le jouet de tout; et personne ne peut dire quelle circonstance frivole peut causer ses joies et ses chagrins » (Chateaubriand, 1899, p. 124). Il était en désaccord complet avec l’idée que des réformes rationnelles résoudraient les problèmes de l’humanité car il avait observé la violence inhumaine de la Révolution Française. Chateaubriand croyait que c’était sa mission de montrer que le christianisme était une religion inspirée par Dieu. Il raisonnait que la beauté esthétique du Christianisme y compris les rituels mystiques et les cathédrales ornées prouvait que Dieu seul pouvait avoir inspiré le christianisme. Par ses écrits, Chateaubriand appelait la France à retourner à sa foi chrétienne, ses valeurs et ses traditions. Au cours de la dernière partie du dix-huitième siècle et la première partie du dix-neuvième siècle le scepticisme des Lumières dominait les idéologies des intellectuels russes. La pensée matérialiste devenait dominante parmi les fondateurs du socialisme russe (qui fondaient aussi la critique littéraire russe), y compris Vissarion Belinsky, Alexandre Herzen, Nicolay Chernyshevsky et Nicolay Dobrolyubov. Ils acceptaient les idéaux du positivisme, du scientisme, du matérialisme et de l’utilitarisme de l’occident européen. Par ses œuvres, comme Souvenirs de la maison des morts et Crime et châtiment, Dostoïevski s’opposait à l’idéal des Lumières qui affirme que l’humanité est rationnelle, perfectible et que toute la connaissance peut être atteint par la science. Pour Dostoïevski, le seul salut de l’humanité est dans la foi chrétienne; il considérait le rejet de Dieu et de Christ dangereuse puisqu’elle conduisait les gens à « s’engager dans l’impossible et dans la destruction de soi-même » pour transcender leur condition de vie (Frank, 1986, p. 198). Dostoïevski supposait que la crise spirituelle de l’Europe de l’ouest finirait par mener à son déclin et à son autodestruction et que la foi orthodoxe de la Russie deviendrait la grâce qui sauverait l’Europe. Comme Chateaubriand, Dostoïevski estimait que la beauté esthétique et la perfection morale du christianisme prouvait que Dieu l’inspirait divinement. Ainsi la mission d’évangélisation de Dostoïevski était d’appeler son pays à retourner et à demeurer fidèle à son héritage orthodoxe. Chateaubriand et Dostoïevski incarnaient leur défense du christianisme dans des personnages féminines. Atala et Amelia dans les récits de Chateaubriand Atala et René, et Sonia dans le roman Crime et châtiment de Dostoïevski montrent la foi chrétienne. La symbolisation de femmes comme des figures rédemptrices dans les œuvres de Chateaubriand et de Dostoïevski peut être expliqué en partie par le fait que des femmes jouèrent un rôle majeur dans leur propre conversion au christianisme. Leurs mères étaient les gardiennes de la foi chrétienne puisqu’elles transmettaient la foi à leurs enfants. De plus, l’âme féminine à été décrit de manière traditionnelle dans la littérature comme incarnant les vertus chrétiennes de la compassion, le sacrifice de soi, la gentillesse, la fidélité, la dévotion et l’amour. Chateaubriand et Dostoïevski utilisèrent ces personnages pour défendre l’idée que les vérités transcendantes de Dieu ne sont pas révélées par la raison humaine. Atala, Amelia, et Sonia sont des femmes dont la foi passionnée domine leur raison, mais toutefois elles possèdent la sagesse de Dieu. Chateaubriand et Dostoïevski décrivent la foi de ces femmes comme divinement belles, ce qui coïncide avec leur vue de la perfection esthétique du christianisme comme la base de l’inspiration divine. Néanmoins, la description de ces femmes par Chateaubriand et Dostoïevski diffère à cause de leurs perspectives du monde chrétien différentes. Atala et Amelia désirent la mort pour quitter le désespoir de ce monde et pour aller au ciel. Les désirs charnels d’Atala et d’Amelia, surtout le désir d’aimer un homme, les tourmentent parce qu’elles croient que ces désirs sont mauvais et inférieurs à un désir spirituel pour Dieu. Elles espèrent que le jour arrivera lorsqu’elles seront libérées de leurs désirs charnels. Seule leur réunion spirituelle avec Dieu au ciel soulagera la peine de leurs cœurs d’être profondément aimées. De l’autre côté, Sonia voit que sa vie éternelle a commencé sur la terre. Ainsi sa foi en Dieu lui donne de l’inspiration et de l’espoir au milieu de la peine et du chagrin qui l’entourent. Sa communion avec Dieu lui donne la force de persévérer même au milieu de l’humiliation, de la pauvreté et de la prostitution. Sonia connaît bien sa nature pécheresse, mais puisqu’elle accepte la rédemption de Dieu, elle peut éprouver Son amour, donné sans conditions et Sa compassion ici-bas dans ce monde déchu. Atala, Amelia et Sonia servent toutes les trois comme messagères de la vérité de Dieu pour les personnages masculins incroyants, Chactus, René, et Raskolnikov. Tandis qu’Atala et Amelia communiquent leur foi ferme à Chactus et à René, leurs témoignages n’ont pas d’effet transformant sur eux. Chactus et René sont emprisonnés dans ce monde d’ici-bas, ce qui les empêche d’éprouver le royaume spirituel et éternel de Dieu. Chez Dostoïevski, Sonia, en tant que messagère du salut de Dieu, conduit Raskolnikov à la foi et au salut. Ses paroles, ses prières et ses actions reflètent l’amour et le pardon de Dieu, et c’est son témoignage qui aide à produire un changement de cœur chez Raskolnikov. D’après la perspective chrétienne de Dostoïevski, l’esprit de Dieu peut transformer le cœur humain dans un monde déchu. Ainsi Chateaubriand et Dostoïevski répondent aux crises spirituelles de leurs pays par la création littéraire. Ces deux écrivains utilisèrent des voix féminines de foi dans l’espoir de combattre le scepticisme grandissant de leurs époques.

 

LA VERITE, LA DEMONSTRATIONS, PASCAL PENSÉES, VÉRITÉ DU COEUR ETDE LA RAISON

18 janvier, 2016

http://laphiloduclos.over-blog.com/article-un-exemple-d-explication-de-texte-en-philosophie-pascal-pensees-verites-du-coeur-et-de-la-raison-114974439.html

LA VERITE, LA DEMONSTRATIONS, PASCAL PENSÉES, VÉRITÉ DU COEUR ETDE LA RAISON

Blaise Pascal (1623-1662)

  « Nous connaissons la vérité, non seulement par la raison, mais encore par le cœur ; c’est de cette dernière sorte que nous connaissons les premiers principes, et c’est en vain que le raisonnement qui n’y a point de part essaye de les combattre. Les pyrrhoniens qui n’ont que cela pour objet, y travaillent inutilement. Nous savons que nous ne rêvons point ; quelque impuissance où nous soyons de le prouver par raison, cette impuissance ne conclut autre chose que la faiblesse de notre raison, mais non point l’incertitude de toutes nos connaissances, comme ils le prétendent. Car la connaissance des premiers principes, comme qu’il y a espace, temps, mouvement, nombres, est aussi ferme qu’aucune de celles que nos raisonnements nous donnent. Et c’est sur ces connaissances du cœur et de l’instinct qu’il faut que la raison s’appuie, et qu’elle y fonde tout son discours. Le cœur sent qu’il y a trois dimensions dans l’espace et que les nombres sont infinis ; et la raison démontre ensuite qu’il n’y a point deux nombres carrés dont l’un soit le double de l’autre. Les principes se sentent, les propositions se concluent ; et le tout avec certitude, quoique par différentes voies. Et il est aussi ridicule et inutile que la raison demande au cœur des preuves de ses premiers principes, pour vouloir y consentir, qu’il serait ridicule que le cœur demandât à la raison un sentiment de toutes les propositions qu’elle démontre, pour vouloir les recevoir. » La connaissance de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.   Nous avons pour habitude de dire qu’une affirmation est certaine seulement si elle a été démontrée, ce qui est une manière de faire dépendre la vérité de l’autorité exclusive de la raison. Mais est-ce que le vrai coïncide avec le démontrable ? Ou peut-il exister des vérités d’une autre nature, qui auraient cependant le même degré de certitude que les vérités rationnelles ? C’est ce à quoi réfléchit Blaise Pascal dans cet extrait de son œuvre, Les Pensées, dans lequel il réfute l’attitude de ceux qui ne croient qu’en la raison en montrant qu’elle n’est pas la seule source du vrai et qu’elle a besoin ce qu’il nomme le « cœur » pour développer ses raisonnement. En quoi peuvent bien toutefois consister des vérités qui ne relèvent pas de la raison ? Quelles sont-elles et pourquoi la raison en a-t-elle besoin ? D’autre part comment pouvons-nous être certains d’une vérité qui n’est pas fondée en raison ? Le « cœur » qu’invoque Pascal, est-il un critère auquel nous pouvons nous fier ? Enfin qu’est-ce finalement que la vérité si elle ne se limite pas à ce que nous apprend la raison ? * Pascal n’était pas que philosophe, c’était aussi un mathématicien de premier ordre qui excellait dans une science qui plus que toute autre est celle du raisonnement. Mais le philosophe savait que même les mathématiques ne sont ni suffisantes ni parfaites du point de vue de la vérité. C’est que la vérité -toute vérité- a deux sources dit Pascal, la raison bien entendu, mais aussi le cœur, auquel il attribue le rôle le plus important, celui de la connaissance des « premiers principes ». Ce qui le conduit –et sans doute est-ce là son intention finale- à rejeter l’attitude sceptique, celle des disciples du philosophe Pyrrhon d’Elis, qui, dit-il combattent ces principes par le raisonnement ; entendons : qui en nient l’existence parce qu’ils ne pas peuvent être démontrés rationnellement.  Cette attitude est vaine en effet s’il est vrai  que les prémisses de la connaissance relèvent d’une autre faculté et d’une autre démarche que celle de la raison. L’analyse de la connaissance montre que si la raison nous permet de lier synthétiquement nos pensées et de les conduire jusqu’à un résultat certain, elle doit néanmoins s’appuyer implicitement ou explicitement sur des données antérieures à ses premières démarches : c’est ce qu’on nomme un principe, une proposition première qui commande la possibilité et l’orientation d’un raisonnement (par exemple le principe de non-contradiction). Mais la raison est aussi réflexion, et comme telle mouvement vers l’inconditionné, recherche de ce qui est absolument premier dans l’ordre de l’être et du connaitre. C’est cela qu’évoque Pascal par l’expression les « premiers principes », qui fait référence aux divers fondements de la connaissance sur lesquels s’appuie le raisonnement dans les différentes sciences. Or l’établissement de ces principes ne relève pas de la raison, mais de cet autre pouvoir de connaissance que Pascal désigne sous l’expression imagée de « cœur ». Pour nous en convaincre Pascal prend pour exemple une des plus immédiates et triviales de ces vérités qui se passent de raison : la certitude absolue de la réalité de notre existence : « nous savons que nous ne rêvons pas », en effet ; rien n’est plus certain que l’évidence présente de notre existence, on ne saurait concevoir de vérité plus simple et plus absolue ; et pourtant la raison est totalement incapable de l’établir ; elle ne participe d’aucune manière à la conscience de cette vérité. Car, Pascal le sait bien, l’existence se montre, elle ne démontre pas ; c’est un fait qui se constate et qui ne peut pas être à la conclusion d’un raisonnement : la certitude de notre existence est intuitive, elle ne relève pas de la discursivité du raisonnement. La leçon s’impose, que Pascal administre aussitôt aux Pyrrhoniens : la raison a des limites et les vérités du cœur, qui ont leur source dans l’intuition, sont non seulement certaines mais aussi plus fondamentales que les vérités rationnelles. Si bien que l’attitude des sceptiques, et à travers eux du rationalisme athée, est insoutenable. Car Pascal ne se contente pas de montrer qu’il y deux sources de vérités aussi fiables l’une que l’autre et donc deux types distincts de vérité. Il affirme aussi que la valeur des vérités rationnelles dépend entièrement de la vérité de leurs principes posés intuitivement, sentis par le cœur : ce qui est valable pour notre existence l’est d’autant plus dans le domaine des sciences ou de la philosophie, alors qu’on pourrait penser qu’elles sont des domaines réservés de la raison. Or tout au contraire « espace », « temps », « mouvements », « matière » sont présupposés dans tous les raisonnements de la physique, par exemple pour établir la loi de la quantité de mouvement (p = mV), ou celle de la chute des corps (1/2 gt²) ; ces principes sont premiers et antérieurs au raisonnement qui les met en œuvre ; ils ne sauraient donc en résulter ; mais ce sont pourtant eux qui les rendent possibles et sensés et qui en conditionnent la vérité : « c’est sur ces connaissances du cœur et de l’instinct qu’il faut que la raison s’appuie et qu’elle fonde tout son discours ». Il en va de même pour la plus rationnelle de nos sciences, les mathématiques dont les démonstrations ne seront possibles qu’à la suite de l’intuition des principes voire de la solution elle-même : « le cœur sent (…) que les nombres sont infinis ; et la raison démontre ensuite… ». Voilà qui non seulement légitime totalement les vérités du cœur, mais en affirme aussi la prééminence. On peut donc s’étonner un peu des propos qui suivent, dans lesquels Pascal semble se contenter de l’idée d’une équivalence et d’une complémentarité du cœur et de la raison, avec des rôles bien établis : à la raison la certitude démonstrative, au cœur celui des principes, chaque faculté régnant dans son domaine propre sans demander de compte à l’autre : cœur et raison ne seraient alors que différentes manières d’atteindre la vérité. Certes tout porte à le croire puisque l’auteur nous dit qu’il serait tout aussi ridicule que la raison exige des preuves pour donner crédit aux intuitions du cœur que le cœur exige qu’un sentiment de vérité accompagne les démarches déductives du raisonnement. Ce serait suffisant pour mettre à l’abri le domaine de la foi des redoutables demandes de preuves des sceptiques. Mais cela s’accorderait mal avec le propos qui a précédé : si les raisonnements sont précédés par l’intuition des principes, c’est bien le cœur d’abord, la raison ensuite : le cœur ou intuition est le foyer de l’expérience de la vérité, les raisonnements n’étant que la continuation, l’étirement de ces intuitions. Car il ne faut pas confondre la vérité, ou connaissance de ce qui est, et la certitude, qui n’est que le sentiment que ce qu’on énonce est vrai : démonter ce n’est rien d’autre que rendre manifeste une vérité déjà existante; la démonstration n’est pas constitutive de la vérité, elle se contente de la rendre visible aux yeux de tous. Les raisonnements ne sont donc aux yeux de Pascal que l’explicitation d’une vérité saisie dans un éclair que nous nous efforçons d’étendre afin pouvoir la contempler plus facilement et plus complètement ; comme s’ils n’étaient que l’écho lointain, étiré, d’une note pure qui venait d’être frappée… C’est alors faute d’acuité intellectuelle que nous avons recours aux raisonnements ; ils nous sont nécessaires parce que nous ne savons pas voir la vérité au premier regard. Autant dire que tous les hommes en ont besoin, le philosophe ou l’homme de foi constituant l’exception. Tout se passe donc comme si les démarches de la raison, qui établissent un rapport discursif, représentatif et intellectuel à la réalité reposaient sur un lien plus immédiat et d’un autre genre de notre être à la réalité : celui du cœur, c’est-à-dire, suivant les mots du texte (« instinct », « sentir », « sensible ») d’une saisie originaire de ce qui est, qui s’impose dans l’évidence. Bref, dans une forme d’expérience qui est de même nature que la foi. Ce qui signifie que la vérité n’est pas fondamentalement l’exactitude de la représentation, suivant la définition scolastique (adéquatio intellectus et rei) mais une expérience intuitive de ce qui est, antérieurement à toute représentation, donc à tout raisonnement : n’est-ce pas alors le « dieu sensible au cœur » cher à Pascal qui se cache dans les plis de l’expérience humaine de la vérité, et qui en constitue le fondement absolu et la justification totale de la foi ? Mais cette confiance ou foi dans la vérité de ce qui se présente à l’intuition, qui l’atteste, sinon la foi elle-même ? Cette circularité finale de l’argumentation pascalienne n’en définit-elle pas aussi la limite ? Car il faudra bien mettre un nom sur ce premier des principes, et traduire dans un discours recevable ce contact présumé avec l’être même des choses. Mais hors des procédures logiques du raisonnement, ou des contraintes de la démarche expérimentale, comment saurons-nous que l’expression de nos intuitions est bien adéquate à son objet ? Par la foi, dirait Pascal. Encore une fois, la foi est censée prouver la foi, ce qui est pure pétition de principe. C’est pourquoi lorsque Freud, par exemple, énonce qu’en matière de vérité « il n’est pas d’instance au-dessus de la raison » et qu’à ce titre nul ne peut faire argument de sa foi ou de ses expériences intimes, ne nous rappelle-t-il pas tout simplement les conditions élémentaires de ce qui peut se dire dans un souci de vérité? Les vérités du cœur, si elles sont présupposées dans le travail de la raison, devront demeurer muettes ! Quant à la foi religieuse, horizon ultime de la méditation pascalienne de la vérité, il lui reste la possibilité non de se dire, mais de se vivre. *Nous savons maintenant que l’identification de ce qui est vrai et de ce qui est démontrable n’est pas soutenable, ainsi que Pascal nous l’a montré. Il y a en effet des vérités indémontrables ou dont l’évidence rend inutile voire ridicule d’essayer de les prouver; nous avons aussi appris de lui que les raisonnements, quel qu’en soit l’objet, repose sur des principes qui ne peuvent être établis par leur moyen, la vérité de toute démonstration semblant alors reposer sur une expérience originaire dans laquelle l’être même des choses se révèle à nous. C’est à ce point toutefois que la position de Pascal doit être considérée avec prudence ; car s’il montre brillamment qu’aucune démarche rationnelle, ni en science ni en philosophie, ne peut s’auto-fonder, il n’est pas en mesure de justifier l’exactitude de l’expression des intuitions premières dont il fait dériver la connaissance.