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« LECTIO DIVINA » DU PAPE BENOÎT XVI (pour la carême)

28 février, 2017

http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/speeches/2010/february/documents/hf_ben-xvi_spe_20100218_parroci-roma.html

RENCONTRE AVEC LE CLERGÉ DU DIOCÈSE DE ROME

« LECTIO DIVINA » DU PAPE BENOÎT XVI (pour la carême)

Salle des Bénédictions
Jeudi 18 février 2010

Eminence,
chers frères dans l’épiscopat
et dans le sacerdoce,

C’est pour moi une tradition très heureuse et également importante de pouvoir toujours commencer le carême avec mes prêtres, les prêtres de Rome. Ainsi, en tant qu’Eglise locale de Rome, mais également en tant qu’Eglise universelle, nous pouvons entreprendre ce chemin essentiel avec le Seigneur vers la Passion, vers la Croix, le chemin pascal.
Cette année, nous voulons méditer sur les passages de la Lettre aux Hébreux qui viennent d’être lus. L’auteur de cette Lettre a ouvert une nouvelle voie pour comprendre l’Ancien Testament comme livre qui parle du Christ. La tradition précédente avait considéré le Christ surtout, et essentiellement, sous l’angle de la promesse davidique, du véritable David, du véritable Salomon, du véritable Roi d’Israël, véritable Roi car homme et Dieu. Et l’inscription sur la Croix avait réellement annoncé au monde cette réalité: à présent, il y a le véritable Roi d’Israël, qui est le Roi du monde, le Roi des juifs est sur la Croix. Il s’agit d’une proclamation de la royauté de Jésus, de l’accomplissement de l’attente messianique de l’Ancien Testament qui, au fond du cœur, est une attente de tous les hommes, qui attendent le vrai Roi, qui apporte justice, amour et fraternité.
Mais l’Auteur de la Lettre aux Hébreux a découvert une citation que, jusqu’alors, personne n’avait notée: Psaume 110, 4 – « Tu es prêtre à jamais selon l’ordre de Melchisédech ». Cela signifie que Jésus non seulement accomplit la promesse davidique, l’attente du véritable roi d’Israël et du monde, mais qu’il réalise également la promesse du véritable Prêtre. Dans une partie de l’Ancien Testament, en particulier également dans les manuscrits de Qumrân, il existe deux lignes distinctes d’attente: le Roi et le Prêtre. L’Auteur de la Lettre aux Hébreux, en découvrant ce verset, a compris que deux promesses sont unies dans le Christ: le Christ est le véritable Roi, le Fils de Dieu – selon le Psaume 2, 7 qu’il cite – mais il est également le véritable Prêtre.
Ainsi, tout le monde cultuel, toute la réalité des sacrifices, du sacerdoce, qui est à la recherche du véritable sacerdoce, du véritable sacrifice, trouve dans le Christ sa clé, son accomplissement et, avec cette clé, peut relire l’Ancien Testament et montrer que précisément la loi cultuelle également, qui est abolie après la destruction du Temple, en réalité allait vers le Christ; et donc, elle n’est pas simplement abolie, mais renouvelée, transformée, car tout trouve son sens dans le Christ. Le sacerdoce apparaît alors dans sa pureté et dans sa vérité profonde.
De cette façon, la Lettre aux Hébreux présente le thème du sacerdoce du Christ, le Christ prêtre, sur trois niveaux: le sacerdoce d’Aaron, celui du Temple, Melchisédech; et le Christ lui-même, comme le véritable prêtre. Le sacerdoce d’Aaron aussi, bien qu’étant différent de celui du Christ, bien qu’étant, pour ainsi dire, uniquement une recherche, un chemin en direction du Christ, est toutefois un « chemin » vers le Christ, et déjà dans ce sacerdoce se définissent les éléments essentiels. Puis, Melchisédech – nous reviendrons sur ce point – qui est un païen. Le monde païen entre dans l’Ancien Testament, entre dans une figure mystérieuse, sans père, sans mère – dit la Lettre aux Hébreux, apparaît simplement et en lui apparaît la véritable vénération du Dieu très-haut, du Créateur du ciel et de la terre. Ainsi, c’est également du monde païen que proviennent l’attente et la préfiguration profonde du mystère du Christ. Dans le Christ lui-même, tout est synthétisé, purifié et guidé à son terme, à sa véritable essence.
Voyons à présent les éléments particuliers, dans la mesure du possible, en ce qui concerne le sacerdoce. De la Loi, du sacerdoce d’Aaron, nous apprenons deux choses, nous dit l’Auteur de la Lettre aux Hébreux: un prêtre, pour être réellement médiateur entre Dieu et l’homme, doit être homme. Cela est fondamental et le fils de Dieu s’est fait homme précisément pour être prêtre, pour pouvoir réaliser la mission du prêtre. Il doit être homme – nous reviendrons sur ce point – mais il ne peut pas seul devenir médiateur de Dieu. Le prêtre a besoin d’une autorisation, d’une institution divine, et ce n’est qu’en appartenant aux deux sphères – celle de Dieu et celle de l’homme – qu’il peut être médiateur, qu’il peut être un « pont ». Telle est la mission du prêtre: allier, relier ces deux réalités apparemment aussi séparées, c’est-à-dire le monde de Dieu – éloigné de nous, souvent méconnu de l’homme – et notre monde humain. La mission du sacerdoce est d’être médiateur, un pont qui relie, et ainsi conduire l’homme à Dieu, à sa rédemption, à sa véritable lumière, à sa véritable vie.
Comme premier point donc, le prêtre doit être du côté de Dieu; et ce n’est que dans le Christ que ce besoin, cette situation de la médiation se réalise pleinement. C’est pourquoi ce Mystère était nécessaire: le Fils de Dieu se fait homme afin qu’il existe un véritable pont, qu’il existe une véritable médiation. Les autres doivent avoir au moins une autorisation de Dieu, ou, dans le cas de l’Eglise, le Sacrement, c’est-à-dire introduire notre être dans l’être du Christ, dans l’être divin. Ce n’est qu’à travers le Sacrement, cet acte divin qui nous crée prêtres dans la communion avec le Christ, que nous pouvons réaliser notre mission. Et cela me semble un premier point de méditation pour nous: l’importance du Sacrement. Personne ne se fait prêtre lui-même; seul Dieu peut m’attirer, peut m’autoriser, peut m’introduire dans la participation au mystère du Christ; seul Dieu peut entrer dans ma vie et me prendre par la main. Cet aspect du don, de la précédence divine, de l’action divine, que nous ne pouvons pas réaliser, notre passivité – être élus et pris par la main par Dieu – est un point fondamental dans lequel entrer. Nous devons revenir toujours au Sacrement, revenir à ce don dans lequel Dieu me donne ce que je ne pourrais jamais donner: la participation, la communion avec l’être divin, avec le sacerdoce du Christ.
Faisons de cette réalité également un facteur concret dans notre vie: s’il en est ainsi, un prêtre doit être véritablement un homme de Dieu, il doit connaître Dieu de près, et il le connaît en communion avec le Christ. Nous devons alors vivre cette communion et ainsi la célébration de la Messe, la prière du bréviaire, toute la prière personnelle sont des éléments qui contribuent à être avec Dieu. Notre être, notre vie, notre cœur, doivent être fixés sur Dieu, sur ce point dont nous ne devons pas nous détacher, et cela se réalise, se renforce jour après jour, même à travers de brèves prières dans lesquelles nous nous relions à Dieu et nous devenons toujours plus hommes de Dieu, qui vivent dans sa communion et peuvent ainsi parler de Dieu et conduire à Dieu.
L’autre élément est que le prêtre doit être homme. Homme dans tous les sens, c’est-à-dire qu’il doit vivre une véritable humanité, un véritable humanisme; il doit avoir une éducation, une formation humaine, des vertus humaines; il doit développer son intelligence, sa volonté, ses sentiments, ses affections; il doit être réellement homme, homme selon la volonté du Créateur, du Rédempteur, car nous savons que l’être humain est blessé et la question de « ce qu’est l’homme » est obscurcie par le fait du péché, qui a blessé la nature humaine jusque dans ses profondeurs. Ainsi, on dit: « il a menti », « il est humain »; « il a volé », « il est humain »; mais cela n’est pas la véritable nature de l’être humain. Humain signifie être généreux, être bon, être homme de la justice, de la véritable prudence, de la sagesse. Donc sortir, avec l’aide du Christ, de cet assombrissement de notre nature pour arriver à être véritablement humain à l’image de Dieu, est un processus de vie qui doit commencer dans la formation au sacerdoce, mais qui doit se réaliser ensuite et continuer tout au long de notre existence. Je pense que les deux choses vont fondamentalement de pair: être de Dieu et avec Dieu et être réellement homme dans le véritable sens qu’a voulu le Créateur en façonnant cette créature que nous sommes.
Etre homme: la Lettre aux Hébreux souligne une particularité de notre humanité qui nous surprend, car elle dit: ce doit être une personne « en mesure de comprendre ceux qui pèchent par ignorance ou par égarement, car il est, lui aussi, rempli de faiblesse » (5, 2) et ensuite – de manière encore plus forte – « pendant les jours de sa vie mortelle, il a présenté, avec un grand cri et dans les larmes, sa prière et sa supplication à Dieu qui pouvait le sauver de la mort; et, parce qu’il s’est soumis en tout, il a été exaucé » (5, 7). Pour la Lettre aux Hébreux, l’élément essentiel de notre humanité est la compassion, le fait de souffrir avec les autres: il s’agit de la véritable humanité. Ce n’est pas le péché, car le péché n’est jamais solidarité, mais il est toujours une désolidarisation, il est une manière de prendre la vie pour soi-même, au lieu de la donner. La véritable humanité est de participer réellement à la souffrance de l’être humain, cela veut dire être un homme de compassion – metriopathèin, dit le texte grec – c’est-à-dire se trouver au centre de la passion humaine, porter réellement avec les autres leurs souffrances, les tentations de notre temps: « Dieu, où es-tu en ce monde? ».
Cette humanité du prêtre ne répond pas à l’idéal platonicien et aristotélicien, selon lequel l’homme véritable serait celui qui ne vit que dans la contemplation de la vérité, et est ainsi bienheureux, heureux, car il n’entretient de l’amitié qu’avec les belles choses, avec la beauté divine, mais ce sont les autres qui font « les travaux ». Cela est une supposition, alors que l’on suppose ici que le prêtre entre comme le Christ dans la misère humaine, la porte avec lui, va vers les personnes souffrantes, s’en occupe, et pas seulement extérieurement, mais qu’il prend intérieurement sur lui, recueille en lui-même la « passion » de son temps, de sa paroisse, des personnes qui lui sont confiées. C’est ainsi que le Christ a montré le véritable humanisme. Son cœur est bien sûr toujours ferme en Dieu, il voit toujours Dieu, il est toujours intimement en conversation avec Lui, mais Il porte, dans le même temps, tout l’être, toute la souffrance humaine entre dans la Passion. En parlant, en voyant les hommes qui sont petits, sans pasteur, Il souffre avec eux et nous, les prêtres, nous ne pouvons pas nous retirer dans un Elysium, mais nous sommes plongés dans la passion de ce monde et nous devons, avec l’aide du Christ et en communion avec Lui, chercher à le transformer, à le conduire vers Dieu.
Il faut précisément dire cela, à travers le texte suivant qui est réellement stimulant: « ayant présenté avec une violente clameur et des larmes, des implorations et des supplications » (He 5, 7). Il ne s’agit pas seulement d’une mention de l’heure de l’angoisse sur le Mont des Oliviers, mais c’est un résumé de toute l’histoire de la passion, qui embrasse toute la vie de Jésus. Des larmes: Jésus pleurait devant la tombe de Lazare, il était réellement touché intérieurement par le mystère de la mort, par la terreur de la mort. Des personnes perdent leur frère, comme dans ce cas, leur mère et leur fils, leur ami: tout l’aspect terrible de la mort, qui détruit l’amour, qui détruit les relations, qui est un signe de notre finitude, de notre pauvreté. Jésus est mis à l’épreuve et il se confronte jusqu’au plus profond de son âme avec ce mystère, avec cette tristesse qui est la mort, et il pleure. Il pleure devant Jérusalem, en voyant la destruction de cette belle cité à cause de la désobéissance; il pleure en voyant toutes les destructions de l’histoire dans le monde; il pleure en voyant que les hommes se détruisent eux-mêmes, ainsi que leurs villes dans la violence, dans la désobéissance.
Jésus pleure, en poussant de grands cris. Les Evangiles nous disent que Jésus a crié de la Croix, il a crié: « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné? » (Mc 15, 34; cf. Mt 27, 46) et, à la fin, il a crié encore une fois. Et ce cri répond à une dimension fondamentale des Psaumes: dans les moments terribles de la vie humaine, de nombreux Psaumes constituent un cri puissant vers Dieu: « Aide-nous, écoute-nous! » Précisément aujourd’hui, dans le bréviaire, nous avons prié dans ce sens: Où es-tu Dieu? « Tu nous traites en bétail de boucherie » (Ps 44, 12). Un cri de l’humanité qui souffre! Et Jésus, qui est le véritable sujet des Psaumes, apporte réellement ce cri de l’humanité à Dieu, aux oreilles de Dieu: « Aide-nous et écoute-nous! ». Il transforme toute la souffrance humaine, en l’assumant en lui-même, en un cri aux oreilles de Dieu.
Et ainsi, nous voyons que précisément de cette manière se réalise le sacerdoce, la fonction du médiateur, en transportant en soi, en assumant en soi la souffrance et la passion du monde, en la transformant en cri vers Dieu, en l’apportant devant les yeux et entre les mains de Dieu, et en l’apportant réellement ainsi au moment de la Rédemption.
En réalité, la Lettre aux Hébreux dit qu’« il offrit des implorations et des supplications », « une clameur et des larmes » (5, 7). C’est une juste traduction du verbe prosphèrein, qui est une parole cultuelle et qui exprime l’acte de l’offrande des dons humains à Dieu, qui exprime précisément l’acte de l’offertoire, du sacrifice. Ainsi, avec ce terme cultuel appliqué aux prières et aux larmes du Christ, elle démontre que les larmes du Christ, l’angoisse du Mont des Oliviers, le cri de la Croix, toute sa souffrance font partie de sa grande mission. Précisément de cette manière, Il offre le sacrifice, il fait le prêtre. La Lettre aux Hébreux, avec cet « il offrit », prosphèrein, nous dit: il s’agit de l’accomplissement de son sacerdoce, il conduit ainsi l’humanité vers Dieu, il devient ainsi le médiateur, il fait ainsi le prêtre.
Disons, précisément, que Jésus n’a pas offert quelque chose à Dieu, mais qu’il s’est offert lui-même et que cet acte de s’offrir lui-même se réalise précisément dans cette compassion, qui transforme en prière et en cri au Père la souffrance du monde. Dans ce sens, notre sacerdoce ne se limite pas lui non plus à l’acte cultuel de la Messe, dans lequel tout est remis entre les mains du Christ, mais toute notre compassion envers la souffrance de ce monde si éloigné de Dieu, est un acte sacerdotal, est prosphèrein, est offrir. C’est pourquoi, il me semble que nous devons comprendre et apprendre à accepter plus profondément les souffrances de la vie pastorale; car précisément là se trouvent l’action sacerdotale, la médiation, le fait d’entrer dans le mystère du Christ, de communiquer avec le mystère du Christ, très réel et essentiel, existentiel et ensuite sacramentel.
Dans ce contexte, un deuxième terme est important. Il est dit que le Christ – à travers cette obéissance – est rendu parfait, en grec teleiothèis (cf. He 5, 8-9). Nous savons que dans toute la Torah, c’est-à-dire dans toute la législation cultuelle, le mot tèleion, ici utilisé, indique l’ordination sacerdotale. La Lettre aux Hébreux nous dit que c’est précisément en accomplissant cela que Jésus a été fait prêtre, que son sacerdoce s’est réalisé. Notre ordination sacerdotale sacramentelle doit être réalisée et concrétisée de manière existentielle, mais également de manière christologique, précisément dans cette manière de porter le monde avec le Christ et au Christ et, avec le Christ, à Dieu: ainsi nous devenons réellement des prêtres, teleiothèis. Le sacerdoce n’est donc pas quelque chose qui dure quelques heures, mais il se réalise précisément dans la vie pastorale, dans ses souffrances et dans ses faiblesses, dans ses tristesses et naturellement également dans ses joies. Nous devenons ainsi toujours plus des prêtres en communion avec le Christ.
La Lettre aux Hébreux résume, enfin, toute cette compassion dans le mot hypakoèn, obéissance: tout cela est obéissance. C’est un mot qui ne nous plaît pas, à notre époque. L’obéissance apparaît comme une aliénation, comme une attitude servile. La personne n’utilise pas sa liberté, sa liberté se soumet à une autre volonté, la personne n’est donc plus libre, mais elle est déterminée par un autre, alors que l’autodétermination, l’émancipation serait la véritable existence humaine. Au lieu du terme « obéissance », nous voulons comme parole-clef anthropologique celle de « liberté ». Mais en considérant de près ce problème, nous voyons que les deux choses vont de pair: l’obéissance du Christ est la conformation de sa volonté à la volonté du Père; c’est une manière de porter la volonté humaine à la volonté divine, à la conformation de notre volonté avec la volonté de Dieu.
Saint Maxime le Confesseur, dans son interprétation du Mont des Oliviers, de l’angoisse exprimée dans la prière de Jésus, « non pas ma volonté mais la tienne », a décrit ce processus, que le Christ porte en lui comme vrai homme, avec la nature, la volonté humaine; dans cet acte – « non pas ma volonté, mais la tienne » – Jésus a résumé tout le processus de sa vie, c’est-à-dire celui de porter la vie naturelle humaine à la vie divine et, de cette manière, celui de transformer l’homme: divinisation de l’homme et ainsi rédemption de l’homme, parce que la volonté de Dieu n’est pas une volonté tyrannique, ce n’est pas une volonté qui est hors de notre être, mais c’est précisément la volonté créatrice, c’est précisément le lieu où nous trouvons notre véritable identité.
Dieu nous a créés et nous sommes nous-mêmes si nous sommes conformes à sa volonté; ainsi seulement nous entrons dans la vérité de notre être et nous ne sommes pas aliénés. Au contraire, l’aliénation naît, précisément, lorsque l’on sort de la volonté de Dieu, parce que ce cette manière, nous sortons du dessein de notre être, nous ne sommes plus nous-mêmes et nous tombons dans le vide. En vérité, l’obéissance à Dieu, c’est-à-dire la conformité, la vérité de notre être, est la vraie liberté, parce que c’est la divinisation. Jésus, en portant l’homme, l’être homme, en lui-même et avec lui-même, conformément à Dieu, dans la parfaite obéissance, c’est-à-dire dans la parfaite conformation entre les deux volontés, nous a rachetés et la rédemption est toujours ce processus de porter la volonté humaine dans la communion avec la volonté divine. C’est un processus sur lequel nous prions chaque jour: « Que ta volonté soit faite ». Et nous voulons prier réellement le Seigneur, pour qu’il nous aide à voir intimement que cela est la liberté, et à entrer, ainsi, avec joie dans cette obéissance et à « recueillir » l’être humain pour le porter – à travers notre exemple, notre humilité, notre prière, notre action pastorale – dans la communion avec Dieu.
En poursuivant la lecture, suit une phrase difficile à interpréter. L’auteur de la Lettre aux Hébreux dit que Jésus a prié, avec une violente clameur et des larmes, Dieu qui pouvait le sauver de la mort et qu’en raison de sa piété, il est exaucé (cf. 5, 7). Ici, nous voudrions dire: « Non, ce n’est pas vrai, il n’a pas été exaucé, il est mort ». Jésus a prié d’être libéré de la mort, mais il n’a pas été libéré, il est mort de manière très cruelle. C’est pourquoi le grand théologien libéral Harnack a dit: « Il manque ici une négation », il faut écrire: « Il n’a pas été exaucé » et Bultmann a accepté cette interprétation. Il s’agit toutefois d’une solution qui n’est pas une exégèse, mais une violence faite au texte. Dans aucun des manuscrits n’apparaît la négation, mais bien « il a été exaucé »; nous devons donc apprendre à comprendre ce que signifie cet « être exaucé », malgré la Croix.
Je vois trois niveaux de compréhension de cette expression. A un premier niveau, on peut traduire le texte grec ainsi: « il a été racheté de son angoisse » et en ce sens Jésus est exaucé. Ce serait donc une allusion à ce que raconte saint Luc, qu’« un ange a réconforté Jésus » (cf. Lc 22, 43), de façon qu’après le moment de l’angoisse, il puisse aller droit et sans crainte vers son heure, comme nous le décrivent les Evangiles, en particulier celui de saint Jean. Il aurait été exaucé, au sens où Dieu lui donne la force de pouvoir porter tout ce poids et il est ainsi exaucé. Mais, pour ma part, il me semble que ce n’est pas une réponse tout à fait suffisante. Exaucé de manière plus profonde – le père Vanhoye l’a souligné – cela veut dire: « il a été racheté de la mort », mais pas en ce moment, pas à ce moment-là, mais pour toujours, dans la Résurrection: la vraie réponse de Dieu à la prière d’être racheté de la mort est la Résurrection et l’humanité est rachetée de la mort précisément dans la Résurrection, qui est la vraie guérison de nos souffrances, du mystère terrible de la mort.
Ici est déjà présent un troisième niveau de compréhension: la Résurrection de Jésus n’est pas seulement un événement personnel. Il semble qu’il peut être utile d’avoir à l’esprit le bref texte dans lequel saint Jean, dans le chapitre 12 de son Evangile, présente et raconte, de manière très synthétique, l’épisode du Mont des Oliviers. Jésus dit: « Mon âme est troublée » (Jn 12, 27), et, dans toute l’angoisse du Mont des Oliviers, que puis-je dire? « Père, sauve-moi de cette heure ou glorifie ton nom » (cf. Jn 12, 27-28). C’est la même prière que celle que nous trouvons dans les Synoptiques: « Si cela est possible, sauve-moi, mais que ta volonté sois faite » (cf. Mt 26, 42; Mc 14, 36; Lc 22, 42) qui, dans le langage johannique, apparaît justement sous la forme: « Père, sauve-moi, Père, glorifie ». Et Dieu répond: « Je t’ai glorifié et de nouveau je te glorifierai » (cf. Jn 12, 28). Telle est la réponse, le vœu exaucé par Dieu: je glorifierai la Croix; c’est la présence de la gloire divine, parce que c’est l’acte suprême de l’amour. Dans la Croix, Jésus est élevé sur toute la terre et attire la terre à lui; dans la croix apparaît à présent le « Kabod », la vraie gloire divine du Dieu qui aime jusqu’à la Croix et transforme ainsi la mort et crée la Résurrection.
La prière de Jésus a été exaucée, au sens où, réellement, sa mort devient vie, devient le lieu d’où racheter l’homme, d’où il attire l’homme à lui. Si la réponse divine, chez Jean, dit: « je te glorifierai », cela signifie que cette gloire transcende et traverse toute l’histoire toujours et à nouveau: depuis ta Croix, présente dans l’Eucharistie, transforme la mort en gloire. Telle est la grande promesse qui se réalise dans la Sainte Eucharistie, qui ouvre toujours à nouveau le ciel. Etre serviteur de l’Eucharistie, c’est donc la profondeur du mystère sacerdotal.
Encore un mot, tout au moins sur Melchisédech. C’est une figure mystérieuse qui apparaît dans Genèse 14 dans l’histoire sacrée: après la victoire d’Abraham sur plusieurs Rois, apparaît le roi de Salem, de Jérusalem, Melchisédech, et il apporte le pain et le vin. Une histoire qui n’est pas commentée et qui est un peu incompréhensible, qui ne réapparaît qu’au psaume 110, comme nous l’avons déjà dit, mais l’on comprend que, par la suite, le judaïsme, le gnosticisme et le christianisme aient voulu réfléchir profondément sur cette parole et qu’ils aient créé leurs interprétations. La Lettre aux Hébreux ne fait pas de spéculation, mais elle rapporte uniquement ce que dit l’Ecriture et ce sont plusieurs éléments: il est Roi de justice, il habite dans la paix, il est Roi là où il y a la paix, il vénère et adore Dieu Très-Haut, le Créateur du ciel et de la terre et il porte le pain et le vin (cf. He 7, 1-3; Gn 14, 18-20). Il n’y a pas de commentaires sur le fait qu’apparaît ici le Souverain Prêtre du Dieu Très-Haut, Roi de la paix, qui adore avec le pain et le vin le Dieu créateur du ciel et de la terre. Les Pères ont souligné que c’est l’un des saints païens de l’Ancien Testament et cela montre qu’à partir du paganisme, il existe aussi une route vers le Christ et que les critères sont: adorer le Dieu Très-Haut, cultiver la justice et la paix, et vénérer Dieu de manière pure. Ainsi, avec ces éléments fondamentaux, le paganisme est lui aussi un chemin vers le Christ, il rend, d’une certaine manière, présente la lumière du Christ.
Dans le canon romain, après la Consécration, nous avons la prière supra quae, qui mentionne certaines préfigurations du Christ, de son sacerdoce et de son sacrifice: Abel, le premier martyr, avec son agneau; Abraham, qui sacrifie dans l’intention son fils Isaac, remplacé par l’agneau donné par Dieu; et Melchisédech, Souverain Prêtre du Dieu Très-Haut, qui apporte le pain et le vin. Cela veut dire que le Christ est la nouveauté absolue de Dieu et, dans le même temps, qu’il est présent dans toute l’histoire, et que l’histoire va à la rencontre du Christ. Et non seulement l’histoire du peuple élu, qui est la véritable préparation voulue par Dieu, dans laquelle se révèle le mystère du Christ, mais à partir du paganisme également se prépare le mystère du Christ, il y a des chemins vers le Christ, qui porte tout en lui-même.
Cela me semble important dans la célébration de l’Eucharistie: ici est recueillie toute la prière humaine, tout le désir humain, toute la vraie dévotion humaine, la vraie recherche de Dieu, qui se trouve finalement réalisée dans le Christ. Enfin, il faut dire qu’à présent, le ciel est ouvert, le culte n’est plus énigmatique, dans des signes relatifs, mais il est vrai, parce que le ciel est ouvert et l’on n’offre pas quelque chose, mais l’homme devient un avec Dieu et cela est le culte véritable. C’est ce que dit la Lettre aux Hébreux: « nous avons un pareil grand prêtre qui s’est assis à la droite du trône de la Majesté des cieux, ministre du sanctuaire et de la Tente, la vraie, celle que le Seigneur, non un homme, a dressée » (cf. 8, 1-2).
Revenons sur le fait que Melchisédech est le roi de Salem. Toute la tradition davidique s’en est appelée à cela, en disant: « Le lieu est ici, Jérusalem est le lieu du culte véritable, la concentration du culte à Jérusalem remonte déjà aux temps d’Abraham, Jérusalem est le lieu véritable de la vénération juste de Dieu ».
Franchissons à nouveau une étape: la Jérusalem véritable, le Salem de Dieu, est le Corps du Christ, l’Eucharistie est la paix de Dieu avec l’homme. Nous savons que saint Jean dans le Prologue, appelle l’humanité de Jésus « la tente de Dieu » eskènosen en hemìn (Jn 1, 14). Ici, Dieu lui-même a créé sa tente dans le monde et cette tente, cette Jérusalem nouvelle, véritable, est, dans le même temps sur la terre et au ciel, parce que ce Sacrement, ce sacrifice se réalise toujours entre nous et arrive toujours jusqu’au trône de la Grâce, à la présence de Dieu. C’est ici que se trouve la Jérusalem véritable, dans le même temps, céleste et terrestre, la tente, qui est le Corps de Dieu, qui comme Corps ressuscité demeure toujours Corps et embrasse l’humanité et, dans le même temps, étant Corps ressuscité, nous unit avec Dieu. Tout cela se réalise toujours à nouveau dans l’Eucharistie. Et nous, en tant que prêtres, nous sommes appelés à être des ministres de ce grand Mystère, dans le Sacrement et dans la vie. Prions le Seigneur qu’il nous fasse comprendre toujours mieux ce Mystère, de vivre toujours mieux ce Mystère et ainsi d’offrir notre aide afin que le monde s’ouvre à Dieu, afin que le monde soit racheté par Jésus. Merci.

Pour sa lectio divina, le Pape Benoît XVI s’est appuyé sur les trois passages de la Lettre aux Hébreux que nous publions ci-dessous:

He 5, 1-10
He 7, 26-28
He 8, 1-2

(L’Osservatore Romano Ed. hebdomadaire, 2 mars 2010)

(lectio) LA STUPEUR DEVANT LE PROPHÈTE (IV DIMENCHE T.O.) – SAINT JEAN CHRYSOSTOME (+ 407) SUR LA LETTRE AUX HÉBREUX

2 février, 2015

http://www.zenit.org/fr/articles/la-stupeur-devant-le-prophete

LA STUPEUR DEVANT LE PROPHÈTE

IVE DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – ANNÉE B – 1ER FÉVRIER 2015

PARIS, 30 JANVIER 2015 (ZENIT.ORG) MGR FRANCESCO FOLLO

Dt 18,15-20 ; Ps 94 ; 1 Co 7,32-35 ; Mc,21-28 [1]

1) La parole douce, forte et vraie, du « prophète » Jésus
Jésus-Christ, qui est plus fort que Jean, a une parole convaincante, un enseignement nouveau qui surprend et qui a autorité.
La liturgie de la Parole de ce dimanche met en relief la figure de Jésus comme le vrai prophète qui parle et agit au nom de Dieu.
Cet extrait du livre du Deutéronome décrit les caractéristiques du prophète dont la mission est profondément ancrée en Dieu. Le prophète est le porte-parole de Dieu et sa parole est efficace et créatrice ; celui qui ne l’écoute pas devra en rendre compte et malheur à qui se dit prophète mais ne l’est pas.
Le prophète ne prédit pas l’avenir, ce n’est pas là sa vocation. Il est celui qui dit la vérité parce qu’il est en contact avec Dieu, c’est-à-dire la vérité qui vaut pour aujourd’hui et qui, naturellement, éclaire aussi l’avenir. C’est ainsi que, même quand il parle du futur, le prophète ne le prédit pas dans les détails, mais il rend la vérité divine présente à celui qui l’écoute et il indique le chemin à prendre.
Dès lors, on peut se demander si l’on peut donner au Christ le nom de prophète. Sans aucun doute. Dans le Deutéronome (cf la lecture de ce jour), Moïse prophétise : « un prophète comme moi ». Le guide libérateur de l’Egypte a transmis la Parole à Israël et a fait de celui-ci un peuple. Et dans son « face à face » avec Dieu il a accompli sa mission prophétique en amenant les hommes à la rencontre avec Dieu. Tous les autres prophètes suivent ce modèle de prophétie, en libérant toujours, et de façon nouvelle, la loi mosaïque de sa rigidité pour la transformer en chemin de vie.
Les Pères de l’Eglise ont interprété cette prophétie du Deutéronome comme une promesse du Christ. Et ils ont raison car le plus grand et le véritable Moïse est effectivement le Christ qui vit réellement « face à face » avec Dieu puisqu’Il est son Fils.
En cela, les Pères de l’Eglise ne font qu’expliciter le passage de l’Evangile de saint Marc proposé aujourd’hui et qui met en évidence cette conviction que le prophète annoncé par Moïse, c’est Jésus ; en fait, il parle avec autorité et il commande aux esprits malins qui lui obéissent.
Le passage de l’Evangile de Marc lu aujourd’hui démontre que le prophète annoncé par Moïse est Jésus. Comme cela se fait le jour du sabbat, le Messie entre dans la synagogue où la communauté juive locale[2] avait l’habitude de se réunir pour écouter et commenter la torah, c’est-à-dire la loi. C’est précisément dans ce contexte que Jésus se manifeste comme un nouveau prophète, suscitant l’estime et le respect parmi les auditeurs présents qui, pourtant, le condamneront pour suivre de faux prophètes.
Avec cet épisode, l’évangéliste Marc entame le récit de l’activité publique de Jésus et commence à développer son thème le plus important : qui est Jésus ?
Deux choses sont affirmées immédiatement et clairement, même si elles ne sont pas encore pleinement réalisées (l’Evangéliste les développera petit à petit tout au long de son Evangile) : 1) l’enseignement de Jésus est nouveau et différent de celui des scribes ; 2) son autorité s’impose même sur les esprits malins.
2) La stupeur
A ce propos, je voudrais souligner la stupeur des auditeurs de l’époque pour qu’elle devienne aussi la nôtre. Saint Marc a écrit : « ils étaient stupéfaits de son enseignement parce qu’il enseignait comme quelqu’un qui a autorité et non pas comme les scribes ». La même notation –avec quelques variantes – est répétée à la fin de l’épisode : « Mais qu’est-ce que cela ? Un enseignement nouveau, plein d’autorité ! ».
Ils étaient tous stupéfaits, incrédules, mais ils percevaient dans ses paroles la force supérieure de la grâce, comme l’écrira aussi saint Luc : « Ils s’étonnaient du message de la grâce qui sortait de sa bouche » (Lc 4,22).
C’est cela l’autorité de Jésus dont on dit : « un grand prophète s’est levé parmi nous et Dieu a visité son peuple » (Lc 7,16).
Devant ce prophète « indiscutable», on ne peut qu’être dans une écoute remplie de stupeur, qui exige un climat de silence intérieur et de saisissement, signe du désir de connaissance dans lequel naît et croît une attitude d’accueil, à l’exemple de la Vierge : accueil de la Parole qui, en Dieu, est Personne, ce Verbe éternel dont Jean disait : « et le verbe était tourné vers Dieu, et le verbe était Dieu. Tout fut par lui, et rien de ce qui fut, ne fut sans lui » (Jn 1,1-3).
La parole de Dieu n’est pas un simple son de voix qui véhicule une pensée, mais une parole qui opère et vivifie ; une Parole qui sauve et qui, par amour, s’est faite chair en Jésus de Nazareth, le fils de Marie, la femme de l’écoute et de l’accueil : « Me voici, fut sa réponse, qu’il advienne (fiat) selon ta parole…(Lc 1,38), cette parole que lui apportait l’Ange qui parlait de la part de Dieu.
Nous sommes persévérants dans l’imitation de Marie. D’elle, icône de l’écoute, chez qui la parole de Dieu prit un corps, comme chez n’importe quelle autre femme, l’Evangile dit : « Marie conservait toutes ces choses et les méditait dans son cœur» (Lc 2,19). C’est autour de la Parole et de l’écoute stupéfaite que tourne aujourd’hui l’Evangile de Marc, un bref passage qui parle de stupeur chez ceux qui avaient entendu Jésus de Nazareth commenter les textes de l’Ecriture dans la synagogue de Capharnaüm : « ils étaient frappés de son enseignement parce qu’il leur enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes » (Mc 1,28).
J’insiste sur l’importance de la stupeur, parce que je crois que la certitude de la foi se forme à partir de la stupeur face à une présence incarnée. Il suffit de lire les Evangiles : des pasteurs jusqu’au berceau de Bethléhem, jusqu’aux anges qui accueillent le Seigneur ressuscité dans son vrai corps lorsqu’il monte au ciel. Aujourd’hui, ce trait distinctif de la foi de celui qui porte le nom de chrétien semble perdu. Tout se conçoit et s’organise comme si la certitude chrétienne était seulement et surtout la conséquence d’une réflexion, d’un discours persuasif. L’Eglise est l’Educatrice qui nous enseigne la vérité, mais elle est aussi la Mère qui donne la vie et, comme le disait saint Jean Damascène : « les concepts créent des idoles, la stupeur génère la vie ». J’écris ceci pour éviter que l’on réduise notre christianisme à un discours ou une méthode abstraite à enseigner ou à apprendre conceptuellement, parce que les concepts sont l’explication toujours imparfaite d’une connaissance personnelle. La substance de la révélation ne consiste pas dans l’enseignement d’une doctrine mais dans la manifestation d’une présence. Le cardinal Henri de Lubac a écrit : « il peut exister une idolâtrie de la Parole et du parler qui n’est pas moins dangereuse que celle des images ».
J’insiste sur la stupeur pour souligner l’importance de la simplicité du cœur et de l’esprit. La simplicité que vivent les pauvres d’esprit est aussi la méthode qu’utilise Dieu pour venir à notre rencontre. Qu’y a-t-il de plus simple que la grotte de Bethléhem, que la maison de Jésus à Nazareth, que la synagogue à Capharnaüm ? Et le Fils de Dieu y est entré. L’avènement du Christ est un fait nouveau qui entre dans notre vie, simplement. Si chacun de nous ouvre les yeux, le cœur, l’esprit et les bras, le Christ entrera dans nos maisons, apportant sa paix et sa vérité.
3) Non seulement chez nous, mais en nous, Temple de Dieu
Demain, 2 février, la liturgie célèbre la présentation[3] de Jésus. Lorsque Marie et Joseph portèrent leur enfant au Temple de Jérusalem, eut lieu la première rencontre entre Jésus et son peuple, représenté par deux personnes âgées, Siméon et Anne. Ce fut une rencontre à l’intérieur de l’histoire du peuple, une rencontre entre jeunes et vieux , les jeunes étant Marie et Joseph avec leur nouveau-né et les anciens, Siméon et Anne, deux personnages qui fréquentaient régulièrement le Temple (Pape François).
A la lumière de cette scène évangélique, regardons la vie consacrée comme une rencontre avec le Christ : c’est lui qui vient vers nous, porté par Marie et Joseph, et nous, nous allons vers Lui, guidés par l’Esprit Saint. Mais Lui est au centre. Lui fait tout bouger. Lui nous attire vers le Temple, vers l’Eglise, là où nous pouvons le rencontrer, le reconnaître, l’accueillir, l’embrasser.
Les bougies qui irradient la lumière constituent le signe spécifique de la tradition liturgique de cette Fête. Ce signe exprime la beauté et la valeur de la vie consacrée en tant que reflet de la lumière du Christ ; un signe qui rappelle l’entrée de Marie au Temple : la Vierge Marie, la consacrée par excellence, portait dans ses bras la Lumière-même, le Verbe incarné, venu chasser les ténèbres du monde avec l’amour de Dieu.
Une façon particulière de vivre cela et de devenir Temple et Tabernacle de la Divine présence est celle des Vierges consacrées dans le monde, pour lesquelles l’Evêque prie : « Seigneur notre Dieu, toi qui veux demeurer en l’homme, tu habites ceux qui te sont consacrés… Accorde, Seigneur, ton soutien et ta protection à celles qui se tiennent devant toi, et qui attendent de leur consécration un surcroît d’espérance et de force » (Rituel de consécration des vierges, n° 24) pour qu’elles grandissent dans leur foi en l’amour dont elles témoignent comme sacrifice de soi dans la vie quotidienne. Qu’elles nous aident à devenir nous aussi ces lampes qu’elles sont et qui irradient la lumière de la vérité et de la charité de Dieu.

LECTURE PATRISTIQUE
L’AUTORITÉ DE JÉSUS
HOMÉLIE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME (+ 407) SUR LA LETTRE AUX HÉBREUX
HOMÉLIES SUR LA LETTRE AUX HÉBREUX, -5,3; PG 63, 50.
Considérez Jésus Christ, apôtre et grand prêtre pour notre confession de foi, lui qui est digne de confiance pour celui qui l’a institué, tout comme Moïse, sur toute sa maison (He 3,1-2). Que signifie: Il est digne de confiance pour celui qui l’a institué! Cela veut dire qu’il dirige par sa providence les êtres qui lui appartiennent, et ne les laisse pas périr par sa négligence.??Comme Moïse qui fut digne de confiance dans toute sa maison ; c’est-à-dire: apprenez qui est votre grand prêtre, apprenez son origine, et vous n’aurez pas besoin d’autres encouragements ni consolations. Le Christ est appelé apôtre parce qu’il a été envoyé. Il est appelé aussi grand prêtre pour notre confession, c’est-à-dire notre confession de foi. Jésus est comparé, ajuste titre, à Moïse puisqu’il a été chargé comme Moïse de gouverner un peuple, mais un peuple plus nombreux et chargé d’une mission plus importante. Moïse avait gouverné à titre de serviteur, le Christ gouverne en sa qualité de Fils. Ceux dont Moïse avait la charge n’étaient pas à lui, ceux que guide Jésus lui appartiennent.??Pour attester ce qui allait être dit (He 3,5). Que dis-tu là? Est-il possible que Dieu accepte un témoignage humain? Oui, sans aucun doute, car il appelle le ciel, la terre et les collines à être ses témoins. Voici ce qu’il dit par son prophète: cieux, écoutez; terre, prête l’oreille, car le Seigneur parle (Is 1,2). Et encore: Écoutez, vous aussi, fondements inébranlables de la terre (Mi 6,2), c’est le procès du Seigneur avec son peuple. A plus forte raison prend-il des hommes à témoin.??Que signifie: Pour attester! Pour que les hommes attestent, même quand ils agissent impudemment, que le Christ nous parle vraiment en sa qualité de Fils, car ceux dont Moïse avait la charge n’étaient pas à lui, mais ceux que guide Jésus lui appartiennent.
[1] « Ils pénétrèrent dans Capharnaüm. Et dès le jour du sabbat, entré dans la synagogue, Jésus enseignait. Ils étaient frappés de son enseignement ; car il les enseignait en homme qui a autorité et non pas comme les scribes. Justement il y avait dans leur synagogue un homme possédé d’un esprit impur ; il s’écria : « De quoi te mêles-tu, Jésus de Nazareth ? Tu es venu pour nous perdre. Je sais qui tu es : le Saint de Dieu.» Jésus le menaça : « Tais-toi et sors de cet homme ». L’esprit impur le secoua avec violence et il sortit de lui en poussant un grand cri. Ils furent tous tellement saisis qu’ils se demandaient les uns aux autres : « Qu’est-ce que cela ? Voilà un enseignement nouveau, plein d’autorité ! Il commande même aux esprits impurs et ils lui obéissent ! ». Et sa renommée se répandit aussitôt partout, dans toute la région de Galilée.
[2] A cette époque-là, en Palestine on trouvait des synagogues dans les grandes villes, mais aussi dans les bourgs et les villages. Les Juifs s’y rendaient pour la prière et la lecture et l’enseignement de l’ Ecriture. Outre les scribes et les anciens, quiconque parmi les Juifs pouvait demander la parole et intervenir. C’est ainsi que Jésus, à Capharnaüm, entra dans la synagogue et prit la parole pour enseigner.
[3]La Présentation de Jésus au Temple -2 février – est la fête de la lumière (cf Lc 2,30-32) naquit en Orient sous le nom d’Ipapante, c’est-à-dire ‘la Rencontre». Au VIe siècle elle s’étendit à l’Occident avec des développements spécifiques: à Rome avec un caractère plus pénitentiel et en France avec la bénédiction solennelle et la procession aux bougies, connue sous le nom populaire de « chandeleur ». La présentation du Seigneur clôt les célébrations du temps de Noël, et avec la présentation de la Vierge Mère et la prophétie de Siméon, elle ouvre le chemin vers Pâques (Missel romain).
La fête d’aujourd’hui dont le premier témoignage remonte au IVe siècle à Jérusalem, était appelée jusqu’à la réforme récente du calendrier, Fête de la Purification de la Très Sainte Vierge Marie, en souvenir de l’épisode vécu par la Sainte famille et raconté au chapitre 2 de l’Evangile de Luc au cours duquel Marie, aux termes de la loi, se rendit au Temple de Jérusalem quarante jours après la naissance de Jésus pour consacrer son premier-né et accomplir le rite légal de sa purification. La réforme liturgique de 1960 a restitué à cette célébration son titre original de « présentation du Seigneur ». La consécration de Jésus au Père, accomplie dans le Temple, constitue le signe avant-coureur de son oblation sacrificielle sur la croix.
Cet acte d’obéissance à un rite légal, auquel ni Jésus ni Marie n’étaient tenus, constitue aussi une leçon d’humilité, venant couronner la méditation annuelle sur le grand mystère de Noël , au cours duquel le Fils de Dieu et sa divine Mère se présentent à nous dans le cadre émouvant mais humiliant de la crèche, ce qui signifie dans l’extrême pauvreté des mal-logés, dans l’existence précaire des migrants et des persécutés, en un mot des exilés.
La rencontre avec Siméon et Anne dans le Temple accentue l’aspect sacrificiel de la célébration et la communion personnelle de Marie au sacrifice du Christ, puisque quarante jours après sa divine maternité la prophétie de Siméon lui laisse entrevoir la perspective de sa souffrance : « Une épée te traversera le cœur » : Marie, grâce à son union intime avec la personne du Christ, est associée au sacrifice de son Fils.
Le rite de la bénédiction des cierges, dont le témoignage remonte au Xe siècle déjà, s’inspire des paroles de Siméon : » Mes yeux ont vu ton salut que tu as préparé face à tous les peuples : lumière pour la révélation aux païens ». De ce rite expressif vient le nom populaire de «chandeleur ».