Archive pour la catégorie 'la famille'

PAPE FRANÇOIS (… RÉFLEXION SUR LA FAMILLE)

19 août, 2015

http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/audiences/2015/documents/papa-francesco_20150805_udienza-generale.html

PAPE FRANÇOIS (… RÉFLEXION SUR LA FAMILLE)

AUDIENCE GÉNÉRALE

Salle Paul VI

Mercredi 5 août 2015

Chers frères et sœurs, bonjour!

Avec cette catéchèse, nous reprenons notre réflexion sur la famille. Après avoir parlé, la dernière fois, des familles blessées à cause des incompréhensions des conjoints, je voudrais aujourd’hui porter notre attention sur une autre réalité: comment prendre soin de ceux qui, suite à l’échec irréversible de leur lien matrimonial, ont entrepris une nouvelle union.
L’Eglise sait bien qu’une telle situation contredit le Sacrement chrétien. Toutefois, son regard de maîtresse puise toujours à un cœur de mère; un cœur qui, animé par l’Esprit Saint, cherche toujours le bien et le salut des personnes. Voilà pourquoi elle sent le devoir, «par amour de la vérité», de «bien discerner les diverses situations». C’est ainsi que s’exprimait saint Jean-Paul II, en donnant comme exemple la différence entre ceux qui ont subi la séparation par rapport à ceux qui l’ont provoquée. Il faut faire ce discernement.
De plus, si nous considérons également ces nouveaux liens avec les yeux des plus petits — et les enfants regardent — avec les yeux des enfants, nous constatons encore plus l’urgence de développer dans nos communautés un accueil réel à l’égard des personnes qui vivent dans ces situations. C’est pour cela qu’il est important que le style de la communauté, son langage, ses attitudes, soient toujours attentifs aux personnes, à partir des petits. Ce sont eux qui souffrent le plus, dans ces situations. Du reste, comment pourrions-nous recommander à ces parents de faire tout leur possible pour éduquer leurs enfants à la vie chrétienne, en leur donnant l’exemple d’une foi convaincue et pratiquée, si nous les tenions à distance de la vie de la communauté, comme s’ils étaient excommuniés? Il faut faire en sorte de ne pas ajouter d’autres poids à ceux que les enfants, dans ces situations, doivent déjà porter! Malheureusement, le nombre de ces enfants et de ces jeunes est véritablement élevé. Il est important qu’ils sentent l’Eglise comme une mère attentive à tous, toujours disposée à l’écoute et à la rencontre.
En vérité, au cours des dernières décennies, l’Eglise n’a été ni insensible, ni inactive. Grâce à l’approfondissement accompli par les pasteurs, guidé et confirmé par mes prédécesseurs, s’est beaucoup accrue la conscience de la nécessité d’un accueil fraternel et attentif, dans l’amour et la vérité, à l’égard des baptisés qui ont établi une nouvelle vie commune après l’échec du mariage sacramentel; en effet, ces personnes ne sont nullement excommuniées: ne les excommuniez pas! Et il ne faut absolument pas les traiter comme telles: elles font toujours partie de l’Eglise.
Le Pape Benoît XVI est intervenu sur cette question, en sollicitant un discernement attentif et un accompagnement pastoral sage, en sachant qu’il n’existe pas de «simples recettes» (Discours à la VIIe rencontre mondiale des familles, Milan, 2 juin 2012, réponse n. 5).
D’où l’invitation répétée des pasteurs à manifester ouvertement et avec cohérence la disponibilité de la communauté à les accueillir et à les encourager, afin qu’ils vivent et développent toujours plus leur appartenance au Christ et à l’Eglise à travers la prière, l’écoute de la Parole de Dieu, la participation fréquente à la liturgie, l’éducation chrétienne des enfants, la charité et le service aux pauvres, l’engagement en vue de la justice et de la paix.
L’icône biblique du Bon Pasteur (Jn 10, 11-18) résume la mission que Jésus a reçue du Père: celle de donner sa vie pour ses brebis. Cette attitude est un modèle également pour l’Eglise, qui accueille ses enfants comme une mère qui donne sa vie pour eux. «L’Eglise est appelée à être toujours la maison ouverte du Père [...] — Ne fermez pas les portes! Ne fermez pas les portes! — «Tous peuvent participer de quelque manière à la vie ecclésiale, tous peuvent faire partie de la communauté. L’Eglise [...] est la maison paternelle où il y a de la place pour chacun avec sa vie difficile» (Exhort. apost. Evangelii gaudium, n. 47).
De la même façon, tous les chrétiens sont appelés à imiter le Bon Pasteur. Les familles chrétiennes en particulier peuvent collaborer avec Lui, en prenant soin des familles blessées, en les accompagnant dans la vie de foi de la communauté. Que chacun accomplisse son rôle en adoptant l’attitude du Bon Pasteur, qui connaît chacune de ses brebis et qui n’exclut personne de son amour infini!
Je salue cordialement les pèlerins de langue française. Que votre visite aux tombeaux des Apôtres Pierre et Paul soit l’occasion de laisser grandir en vous l’attention envers les personnes et les familles blessées dans leur amour. Que Dieu vous bénisse !

Le card. Comastri met en garde contre la perte du sens du mystère de la maternité

10 novembre, 2010

du site:

http://www.cardinalrating.com/cardinal_223__article_6354.htm

Le card. Comastri met en garde contre la perte du sens du mystère de la maternité

Nov 26, 2007

Présentation de son livre « L’ange m’a dit »

ROME, Dimanche 25 novembre 2007 (ZENIT.org) – Une mère révèle l’amour gratuit de Dieu et si l’on perd le sens du mystère de la maternité, le monde sombre dans une absence de civilisation, affirme en substance le cardinal Angelo Comastri, archiprêtre de la Basilique Saint-Pierre, créé cardinal par Benoît XVI au cours du consistoire d’hier samedi.

Le cardinal Comastri s’est exprimé à l ‘occasion de la présentation de son livre L’Angelo mi disse. Autobiografia di Maria (Cinisello Balsamo, San Paolo, 2007), (L’ange m’a dit. Autobiographie de Marie), organisée le 5 novembre dernier à l’Institut de patristique « Augustinianum ».

Cette rencontre a eu lieu en présence, entre autres, de Mgr Gianfranco Ravasi, président du Conseil pontifical de la culture, et de M. Elio Guerriero, sous-directeur éditorial des éditions Saint-Paul.

Des interrogations de l’auteur sont à l’origine de cet ouvrage, comme : « Mais qui est le témoin de l’Annonciation ? Qui est le témoin de cette vie annoncée à sainte Elisabeth ? Qui est le témoin du Magnificat ? Qui est le témoin de la naissance à Bethléem, mais aussi du malaise et de l’humiliation de devoir réclamer un logement ? ».

« Uniquement Marie !, explique le card. Comastri. Et de la même manière qu’elle les a racontés à la première Eglise, aujourd’hui Marie peut nous raconter à nous aussi les grands événements du salut ».

Durant son intervention, Mgr Ravasi a tiré quelques réflexions d’un tableau de Rogier Van der Weyden, un des grands peintres flamands du Moyen-âge, aujourd’hui exposé au Museum of fine arts de Boston, représentant saint Luc en train de peindre un portrait de la Vierge qui allaite Jésus.

« Je pense que le cardinal Comastri a voulu faire, non pas avec un pinceau mais avec les mots, la même chose que Luc, et interpréter le visage de Marie », a-t-il dit.

C’est en effet l’auteur qui fait parler Marie, cette même Marie que les évangiles décrivent comme étant la femme du silence par excellence, la femme de la contemplation du Mystère et qui, dans ce livre, se raconte à la première personne, à travers l’« extrême transparence de la prose », une prose « sertie de citations », ajoute Mgr Ravasi.

Ce livre offre un passage sur La vie de Marie racontée par Giotto qui reproduit les quelques fresques réalisées par le grand maître toscan au début du XIVème siècle, dans la Chapelle des Scrovegni à Padoue. A côté des images défilent de brefs passages de l’Evangile ou des réflexions du card. Comastri, Bernard de Clairvaux, François d’Assise, Jean-Paul II, Dante Alighieri et Ephrem le Syrien.

Interrogé par ZENIT, Mgr Ravasi a estimé qu’« il est important de parvenir, en quelque sorte, à reconstruire le visage de Marie. Ce visage, nous l’avons certainement dans les Evangiles, mais il y a un visage spirituel que chaque personne crée à partir de son expérience et à travers l’écoute du texte évangélique ».

Pour sa part, le card. Comastri a relevé que « chaque mère porte en elle quelque chose de Marie », quelque chose de « ce mystère gratuit de l’amour » qui arrive « à lire l’alphabet de la vie et l’alphabet de la Bible écrits par Dieu ».

« J’ai connu Marie à travers ma mère et à travers ma mère j’ai compris Marie », a déclaré le cardinal Comastri à ZENIT, en marge de la conférence.

Il a confié avoir gardé dans sa vie deux souvenirs essentiels de Marie et de sa mère ensemble : « Je n’avais pas 4 ans mais je me souviens que ma mère, les soirs d’hiver, restait très souvent avec moi pour m’apprendre les prières », a-t-il dit.

« Et je me souviens de la première fois où, chez nous, assis sur une chaise dans la grande cuisine, j’ai réussi à réciter tout l’Ave Maria ; je revois encore le bonheur de ma mère dans ses yeux et le moment où elle m’embrassa pour me récompenser ».

« Ce souvenir est encore très vif en moi. C’est un de ces souvenirs auxquels je me rattache souvent pour trouver le courage et la force d’avancer dans la vie ».

« Un autre grand souvenir marial, le dernier grand souvenir marial lié à ma mère, remonte au jour même de sa mort. C’était le 5 mai 1957 et ma mère, comme d’habitude, était entrée dans ma chambre à six heures moins le quart du matin, en disant la prière de l’Ange: ‘Angelus Domini nuntiavit Mariae…’».

« Mais c’est surtout une poésie qui m’a aidé, une poésie à laquelle je suis très attaché, la poésie de Giuseppe Ungaretti qui s’intitule ‘La Mère’. Ici, le poète arrive à centrer le mystère de la mère décrite comme étant celle qui s’oublie toujours elle-même, ou mieux encore, celle qui n’arrive pas à penser à elle, car elle vit totalement pour les autres ».

« Et bien le poète imagine que le dernier battement de son cœur fait tomber le mur qui le sépare de l’éternité. Et quand il entre dans l’éternité il cherche sa mère, car un fils reste toujours un fils. Une part de lui-même reste toujours celle d’un enfant », a-t-il ajouté.

« Mais voilà qu’arrive la surprise : la mère ne regarde pas son fils, la mère regarde vers Dieu, fixe les yeux de Dieu et devant Dieu elle intercède pour son fils. Et ce n’est que lorsqu’elle aura lu dans les yeux de Dieu la certitude que son fils a été pardonné, qu’elle poussera un soupir de soulagement et ira à la rencontre de son fils pour le prendre dans ses bras ».

« Etre mère c’est cela : la mère est celle qui, sur terre, réalise la plus belle et la plus profonde visibilité du mystère de Dieu », a-t-il poursuivi.

« Dieu a voulu dans sa grande œuvre de salut impliquer une mère. S’il n’y avait pas eu de mère il y aurait eu un manque, un manque de couleur, de couleur maternelle ; un manque de chaleur, de chaleur maternelle ».

« C’est la raison pour laquelle Dieu a voulu qu’auprès de la croix, au moment du plus grand, du plus sublime des actes d’amour, cet amour qui s’oppose à toute la haine, toute la méchanceté, toute la violence de l’humanité, soit présente une mère, comme s’il avait voulu traduire cela en langage maternel à l’intention de l’humanité », a-t-il expliqué.

« Alors il est clair que si Dieu a voulu une mère à ses côtés, c’est que la mère a un grand rôle dans l’histoire de l’humanité et dans l’histoire des peuples ; et si le mystère de la maternité entre en crise, si on le perd, le monde sombre dans l’absence de civilisation », a-t-il conclu.

« Georges Clémenceau, qui était un grand homme d’Etat, et qui, entre autre, ne fréquentait pas l’Eglise, disait que les peuples sont éduqués sur les genoux de leur mère ».

« Nous devons nous rendre compte que si la figure de la mère disparaît, et aujourd’hui nous vivons une crise de la maternité, notre civilisation sombrera. Nous devons comprendre les risques et le caractère dramatique de cela : on n’arrive plus à lire l’alphabet de la vie, on n’arrive même plus à lire l’alphabet de la religion et la visibilité de Dieu disparaît, cette visibilité qui précisément passe par la mère », a-t-il conclu.  

EUROPE : DÉCLARATION DES ÉVÊQUES SUR LA DÉMOGRAPHIE ET LA FAMILLE

11 octobre, 2010

du site:

http://www.zenit.org/article-25594?l=french

EUROPE : DÉCLARATION DES ÉVÊQUES SUR LA DÉMOGRAPHIE ET LA FAMILLE

A propos de l’hiver démographique

ROME, Lundi 4 octobre 2010 (ZENIT.org) – Les politiques familiales mises en place par les différents pays européens influencent la baisse démographique du continent, mais « n’expliquent pas à elles seules cette dénatalité lourde et généralisée que l’on qualifie d’« hiver démographique ». », indiquent aujourd’hui les évêques du Conseil des Conférences Épiscopales d’Europe (CCEE). Ils soulignent l’importance du témoignage des familles chrétiennes.
Les Présidents des Conférences épiscopales des pays européens réunis à Zagreb, en Croatie, à l’occasion de la 40ème Assemblée générale du CCEE, ont en effet abord le thème de la démographie et de la famille.
Déclaration sur la démographie et la famille
Les Présidents des Conférences épiscopales des pays européens réunis à Zagreb, en Croatie, à l’occasion de la 40ème Assemblée générale du CCEE, ont traité le thème de la démographie et de la famille. L’enquête, qui a été réalisée auprès des Conférences épiscopales de 47 pays, confirme une baisse démographique nette. Les politiques familiales mises en place par les différents pays influent certainement sur cette baisse, mais n’expliquent pas à elles seules cette dénatalité lourde et généralisée que l’on qualifie d’« hiver démographique ». En effet, le climat culturel répandu dans la société a une incidence considérable sur les comportements personnels et sociaux. Les catholiques ont besoin de grandir dans une foi plus consciente et documentée afin de pouvoir juger avec un sens critique la culture dominante qui a mis en cause des valeurs telles que la vie humaine depuis son début jusqu’à son déclin naturel, la structure objective de la personne, la liberté comme responsabilité morale, la fidélité, l’amour, la famille. Par exemple, le débat qui se tient ces jours-ci au Conseil de l’Europe, qui veut limiter le droit à l’objection de conscience du personnel médical afin de faciliter l’accès à l’avortement, est un sérieux motif de préoccupation. Tout cela montre bien qu’il faut non seulement garder une foi bien enracinée et vivante, mais aussi croire en la capacité de la raison de découvrir la vérité des choses en soi et de l’éthique. Ladite postmodernité semble caractérisée par un manque substantiel de confiance en la raison humaine. Dans ce contexte, la présence de l’Eglise catholique doit trouver son inspiration dans l’espérance: notre espérance, c’est Jésus-Christ, et elle saisit les signes d’attention et de confiance qui sont exprimés sous forme réservée.
Nous sommes convaincus que la conscience humaine est capable de s’ouvrir aux valeurs qui sont présentes dans notre nature créée et rachetée par Dieu par l’intermédiaire de Jésus-Christ. Consciente de sa mission qui consiste à servir l’homme et la société, l’Eglise rappelle les implications anthropologiques et sociales qui proviennent du Christ. C’est pourquoi elle ne cesse d’affirmer les valeurs fondamentales de la vie, du mariage entre un homme et une femme, de la famille, de la liberté de religion et d’éducation: ces valeurs qui sont le fondement et le gage de toute autre valeur que l’on décline sur le plan social et politique. Les nombreuses familles qui accueillent la présence de Jésus et qui vivent selon la vérité de la famille, ne cessent de donner témoignage de la beauté de ce que l’Eglise proclame et de sa correspondance au cœur de l’homme, en prouvant qu’il est possible de vivre en famille comme le Christ invite à le faire.
A la lumière de ce thème, la tâche d’éduquer selon le patrimoine millénaire de l’Eglise est apparue dans toute son urgence: une tâche qui trouve en Christ – vrai Dieu et homme parfait – le Maître, le modèle et la source de grâce.

Jean Paul II : Par le sacrement de mariage l’homme et la femme participent à l’amour créateur

8 septembre, 2010

du site:

http://www.theologieducorps.fr/tdc/tdc-103-par-sacrement-de-mariage-lhomme-la-femme-participent-lamour-createur

Jean Paul II : Par le sacrement de mariage l’homme et la femme participent à l’amour créateur

(15 décembre 1982)

sur le siite le lundi 07/09/2009

1. L’auteur de l’épître aux Ephésiens parle, comme nous l’avons vu, d’un grand mystère uni au sacrement primordial grâce à la continuité du plan salvifique de Dieu. Lui aussi, il se réfère à l’origine comme le Christ l’avait fait durant son entretien avec les pharisiens Mt 9,8, citant les mêmes paroles: C’est pourquoi l’homme laissera son père et sa mère, s’attachera à sa femme et ils deviendront une seule chair » Gn 2,24. Ce grand mystère est surtout le mystère de l’union du Christ avec l’Eglise que l’apôtre présente comme semblable à l’unité des époux: « Je veux dire qu’il s’applique au Christ et à l’Eglise » Ep 5,32. Nous nous trouvons dans le cadre de la grande analogie dans laquelle le mariage en tant que sacrement est d’une part, présupposé et, d’autre part, redécouvert. Il est présupposé comme sacrement de l’origine humaine, uni au mystère de la Création. Et il est, en revanche, redécouvert comme fruit de l’amour nuptial du Christ et de l’Eglise, lié au mystère de la Rédemption.

2. L’auteur de l’épître aux Ephésiens, s’adressant directement aux époux, les exhorte à régler leurs rapports mutuels sur le modèle de l’union nuptiale du Christ et l’Eglise. On peut dire que – présupposant le caractère sacramentel du mariage dans sa signification primordiale – il leur ordonne d’apprendre à nouveau ce sacrement d’après l’union nuptiale du Christ et de l’Eglise: « Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Eglise; il s’est livré pour elle pour la sanctifier … » Ep 5,25-26. Cette invitation que l’Apôtre adresse aux époux chrétiens se justifie pleinement en ce sens que, grâce au mariage-sacrement, ils participent à l’amour salvifique du Christ qui s’exprime également par son amour nuptial pour l’Eglise. A la lumière de l’épître aux Ephésiens – précisément grâce à la participation à cet amour salvifique du Christ – le mariage se trouve confirmé et en même temps renouvelé comme sacrement de l’ »origine » humaine, c’est-à-dire comme sacrement dans lequel l’homme et la femme, appelés à devenir une seule chair, prennent part à l’amour créateur de Dieu lui-même. Et ils y prennent part soit du fait que, créés à l’image de Dieu, ils ont été appelés en vertu de cette ressemblance à une union particulière (communio personarum), soit parce que cette union même a été dès le début bénie de la bénédiction de la fécondité Gn 1,28.

3. Toute cette structure stable, originaire, du mariage comme sacrement du mystère de la Création – selon le texte classique de Ep 5,21-33 – se renouvelle dans le mystère de la Rédemption, lorsque ce mystère devient l’image du don conjugal de l’Eglise par le Christ. Cette forme stable originaire du mariage se renouvelle quand les époux le reçoivent comme sacrement de l’Eglise, puisant dans la nouvelle profondeur de la gratification de l’homme par Dieu qui s’est révélée et ouverte avec le mystère de la Rédemption, quand « le Christ a aimé l’Eglise et s’est donné lui-même pour elle, pour la sanctifier … » Ep 5,25-26. Et cette image originaire et stable du mariage comme sacrement se renouvelle quand – profondément conscients de l’authentique profondeur de la Rédemption du corps – les époux chrétiens s’unissent « dans la crainte du Seigneur » Ep 5,21

4. L’image paulinienne du mariage, inscrite dans le grand mystère du Christ et de l’Eglise, rend la dimension rédemptrice de l’amour plus proche de la dimension nuptiale. En un certain sens, elle unit ces deux dimensions en une seule. Le Christ est devenu l’époux de l’Eglise, il a épousé l’Eglise, il en a fait son épouse car « il s’est livré pour elle » Ep 5,25. Par le mariage comme sacrement (comme un des sacrements de l’Eglise) ces deux dimensions de l’amour, la dimension nuptiale et la dimension rédemptrice, pénètrent avec la grâce du sacrement dans la vie des époux. La signification conjugale du corps dans sa masculinité et féminité qui s’est manifestée dans le mystère de la Création, avec comme fond l’innocence originaire de l’homme, est liée, dans l’image de l’épître aux Ephésiens à la signification rédemptrice; de cette manière elle est confirmée et, en un certain sens, nouvellement créée.

5. Cela est important pour ce qui regarde le mariage, la vocation chrétienne des maris et des femmes. Le texte de Ep 5,21-33 s’adresse directement à eux et c’est surtout à eux qu’il parle. Toutefois, cette relation de la signification nuptiale du corps avec sa signification rédemptrice est également essentielle et vaut aussi pour l’herméneutique de l’homme en général: pour le problème fondamental de la compréhension de cet homme et de l’auto-compréhension de son être dans le monde. Il est évident que nous ne pouvons exclure de ce problème l’interrogation sur le sens d’être corps, sur le sens d’être, en tant que corps, homme et femme. Ces questions ont été posées pour la première fois en rapport avec l’analyse de l’origine humaine, dans le contexte du livre de la Genèse. C’est ce contexte lui-même qui, en un certain sens, exigeait qu’elles soient posées. Le demande tout autant le texte classique de l’épître aux Ephésiens. Et si le grand mystère de l’union du Christ avec l’Eglise nous oblige à rattacher la signification conjugale du corps à sa signification rédemptrice, les époux trouvent dans cette mise en liaison, la réponse à l’interrogation sur le sens d’être corps, et non seulement eux, bien que ce soit principalement à eux que s’adresse ce texte de l’épître de l’Apôtre.

6. L’image paulinienne du grand mystère du Christ et de l’Eglise parle aussi, indirectement, de la continence pour le Royaume des Cieux dans laquelle les deux dimensions de l’amour, la dimension conjugale et la dimension rédemptrice s’unissent réciproquement de manière différente de l’amour nuptial et dans des proportions diverses. Cet amour nuptial avec lequel le Christ a aimé l’Eglise, son Epouse, et s’est livré pour elle, n’est-il pas également la plus pleine incarnation de l’idéal de la continence pour le Royaume des Cieux Mt 19,12? Ne trouvent-ils pas leur soutien précisément en cela tous ceux qui, hommes et femmes, choisissant le même idéal, désirent lier la dimension nuptiale de l’amour à la dimension rédemptrice, suivant le modèle même de Jésus? Ils désirent confirmer par leur vie que la signification nuptiale du corps – de sa masculinité ou féminité – profondément imprimée dans la structure essentielle de la personne humaine, a été ouverte de manière nouvelle, par le Christ et avec l’exemple de sa vie, à l’espérance liée à la Rédemption du corps. Ainsi donc, la grâce du mystère de la Rédemption fructifie également – et même fructifie de manière toute particulière – avec la vocation à la continence pour le Royaume des Cieux.

7. Le texte de Ep 5,22-33 n’en parle pas de manière explicite. Il est adressé aux époux et construit suivant l’image du mariage qui, par analogie, explique l’union du Christ avec l’Eglise: union dans l’amour rédempteur et tout ensemble nuptial. N’est-ce pas précisément cet amour qui, en tant que vive et vivifiante expression du mystère de la Rédemption, va au-delà du cercle des destinataires de l’épître circonscrits par l’analogie du mariage? N’embrasse- t-il pas tout homme et, en un certain sens toute la création, comme l’indique le texte paulinien sur la Rédemption du corps dans Rm 8,23? En ce sens, le sacramentum magnum est directement un nouveau sacrement de l’homme dans le Christ et dans l’Eglise: sacrement de l’homme et du monde; de même que la création de l’être humain, homme et femme, à l’image de Dieu, fut l’originaire sacrement de l’homme et du monde. Dans ce nouveau sacrement de la Rédemption, le mariage est organiquement inscrit, de même qu’il a été inscrit dans l’originaire sacrement de la création.

8. L’être humain, qui depuis l’origine est homme et femme, doit chercher le sens de son existence et le sens de son humanité en allant jusqu’au mystère de la Création à travers le mystère de la Rédemption. Ici se trouve également la réponse essentielle à l’interrogation sur la signification du corps humain, sur la signification de la masculinité et de la féminité de la personne humaine. L’union du Christ avec l’Eglise nous permet de comprendre de quelle manière la signification nuptiale du corps se complète avec sa signification rédemptrice, et cela dans les diverses voies de la vie et dans les différentes situations: non seulement dans le mariage ou dans la continence (c’est-à-dire la virginité ou le célibat), mais aussi, par exemple, dans la souffrance humaine aux mille formes, et mieux encore: dans la naissance et la mort mêmes de l’homme. A travers le grand mystère dont parle l’épître aux Ephésiens, à travers la Nouvelle Alliance du Christ avec l’Eglise, le mariage est de nouveau inscrit dans ce sacrement de l’homme qui embrasse l’univers, dans le sacrement de l’homme et du monde qui, grâce aux forces de la Rédemption du corps, se modèle suivant l’amour nuptial du Christ et de l’Eglise jusqu’à la mesure de l’accomplissement définitif dans le Royaume du Père.
Comme sacrement, le mariage reste une partie vivante et vivifiante de ce processus salvifique
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Dieu n’assiste pas au mariage chrétien comme un simple spectateur

7 octobre, 2009

du site:

http://www.zenit.org/article-22150?l=french

Dieu n’assiste pas au mariage chrétien comme un simple spectateur

Commentaire de l’Evangile du dimanche 4 octobre

ROME, Vendredi 2 octobre 2009 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le commentaire de l’Evangile du dimanche 4 octobre, proposé par Mgr Jesús Sanz Montes, ofm, évêque de Huesca y de Jaca, en Espagne.

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc (10, 2-16)

Un jour, des pharisiens abordèrent Jésus et pour le mettre à l’épreuve, ils lui demandaient : « Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? »
Jésus dit : « Que vous a prescrit Moïse ? »
Ils lui répondirent : « Moïse a permis de renvoyer sa femme à condition d’établir un acte de répudiation. »
Jésus répliqua : « C’est en raison de votre endurcissement qu’il a formulé cette loi. Mais, au commencement de la création, il les fit homme et femme. A cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un. Ainsi, ils ne sont plus deux, mais ils ne font qu’un. Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! »
De retour à la maison, les disciples l’interrogeaient de nouveau sur cette question.
Il leur répond : « Celui qui renvoie sa femme pour en épouser une autre est coupable d’adultère envers elle. Si une femme a renvoyé son mari et en épouse un autre, elle est coupable d’adultère. »
On présentait à Jésus des enfants pour les lui faire toucher ; mais les disciples les écartèrent vivement. Voyant cela, Jésus se fâcha et leur dit : « Laissez les enfants venir à moi. Ne les empêchez pas, car le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent. Amen, je vous le dis : celui qui n’accueille pas le royaume de Dieu à la manière d’un enfant n’y entrera pas. » Il les embrassait et les bénissait en leur imposant les mains.

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Ce dimanche nous présente une page évangélique très inconfortable dans laquelle Jésus prend ses distances par rapport à une vérité qui dépend de l’opinion collective, si facile à manipuler. Notre époque a adopté le relativisme subjectif : on ne dit plus que les choses « sont », mais « à moi il me semble que les choses sont ». La vérité réside dans ce que pense la majorité, dans ce que décide la majorité, dans ce que rejette la majorité. Si bien que la nouvelle sagesse se nomme « statistiques » et le sein qui la fait naître sont les « urnes ». Les conséquences éducatives, sociales, politiques et familiales de ces principes sont impressionnantes.

Quel était l’usage particulièrement répandu parmi les juifs concernant le mariage ? Que cette union pouvait être dissoute, presque toujours en faveur de l’homme et, parfois, pour des raisons aussi extravagantes qu’un rôti brûlé. Le fait est que des pharisiens s’approchent de Jésus et, pour le mettre à l’épreuve lui demandent : « Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? »

Comme à d’autres occasions, ce qui intéressait le plus les pharisiens n’était pas l’institution du mariage, ou les droits de la femme, peut-être même pas ceux de l’homme dans ce cas précis, mais de voir comment répondrait Jésus à une question aussi habilement captieuse. S’il répondait que cela n’était pas permis, il s’opposait à d’importantes écoles rabbiniques, et à une pratique majoritaire chez de nombreux juifs (en commençant par Hérode lui-même qui vivait en situation d’adultère avec la femme de son frère, situation que dénonça Jean Baptiste, ce qui lui coûta la vie). S’il répondait que cela était permis, on pouvait lui reprocher d’aller contre la Genèse en tant que projet originel de Dieu.

La réponse de Jésus fut claire : la vérité est la vérité, indépendamment de ce que disent les sondages d’opinion, la pratique majoritaire ou des statistiques quelconques.

Ce que Jésus propose, ce n’est pas un boulet au pied. Il propose de toujours recommencer, c’est-à-dire de toujours alimenter la flamme qui un jour a fait naître l’amour entre deux personnes. Ni l’amour ni la haine ne peuvent s’improviser : l’indifférence est le fruit d’un laisser-aller, d’avoir lentement éteint le feu de l’amour. Le jour du mariage est le jour où un homme et une femme commencent à se marier, en se répétant jour après jour, en toute circonstance ce « oui » qui ne fut que le point de départ. C’est parfois si complexe d’être fidèle, de pardonner, d’accueillir l’autre, de recommencer, que Dieu n’assiste pas au mariage comme un spectateur, mais comme un contractant (c’est un sacrement !) : le mariage chrétien est une affaire à trois, l’homme, la femme et Dieu. Ce qui est si souvent impossible pour le couple humain, ne l’est pas pour Dieu, qui fait aussi partie de ce mariage.

Traduit de l’espagnol par Zenit

La crise de la famille ronge la solidarité dans le monde du travail

20 avril, 2009

du site:

http://www.zenit.org/article-20745?l=french

La crise de la famille ronge la solidarité dans le monde du travail

Congrès à Rome sur la famille et le monde du travail

ROME, Lundi 20 avril 2009 (ZENIT.org) – Le forum italien des personnes et associations d’inspiration catholique dans le monde du travail a organisé le 15 avril à Rome un congrès sur le thème « travail et famille ».

Le forum était animé par le Mouvement chrétiens des travailleurs, la Compagnie des oeuvres, la CISL, la Confartigianato et la Confcooperative. 

Mgr Giampaolo Crepaldi, secrétaire du Conseil pontifical justice et paix, est intervenu durant les travaux, dénonçant les politiques qui tendent à minimiser la famille traditionnelle en réduisant les capacités relationnelles de l’homme et en pénalisant le travail et la société civile.

Le secrétaire du Conseil pontifical a insisté sur le fait que « la famille est surtout relation », lieu de socialisation primordiale pour la personne et que c’est en famille que « l’homme fait l’apprentissage des vertus et des comportements qui feront ensuite la différence dans la société et dans les milieux de travail » ; que « le travail est aussi désormais et surtout relation ».

La famille et le travail sembleraient donc devoir se rencontrer sur leurs capacités mêmes à créer des qualités relationnelles.

Dans ce contexte, Mgr Crepaldi a relevé la tendance actuelle qui consiste « à affaiblir les capacités relationnelles de la famille ».

Les données sur la famille, dans la quasi-totalité des pays européens, montrent que les relations familiales tendent à s’amenuiser en raison de la diminution des mariages et de l’augmentation des cohabitations, en raison des divorces et des séparations, de l’hiver démographique actuel, du nombre des avortements et, enfin, à cause d’une certaine pratique eugéniste pointant à l’horizon.

Le nombre des familles monoparentales et des enfants uniques est en hausse. De même que les liens intrafamiliaux à intermittence. Si bien que les expériences de relation diminuent non seulement en termes de quantité mais au plan également de leur qualité : ces relations sont toujours plus limitées, brèves et standardisées.

Pour Mgr Crepaldi, « au même titre que la famille qui devient de plus en plus individualiste, le travail aussi le devient ».

Le représentant du Saint-Siège a ensuite critiqué les nouveaux modèles de famille. Il considère que la division moderne du travail, exige « une plus grande force intérieure, de plus grandes capacités à établir une continuité de relations et de styles de vie, une meilleure cohérence de vue ».

C’est la raison pour laquelle il faut qu’il y ait de nouvelles politiques qui valorisent et encouragent la famille traditionnelle.

Il a ensuite souligné que « si le travail passe de plus en plus par la société civile, il passe de plus en plus par la famille, cellule de base de la société civile » .

Le secrétaire du Conseil pontifical justice et paix a enfin invoqué des politiques « family friendly », comme une législation sur le temps et les conditions de travail, une législation sur les congés et sur la suspension du travail, des mesures favorisant les familles, des soutiens de la part des entreprises publiques, des entreprises, du secteur tertiaire et des réseaux informels.

Tout cela, a-t-il conclu, afin de « surmonter d’une part la logique individualiste et de l’autre la logique de la programmation rigide des interventions de l’Etat » car « nous savons qu’il s’agit d’un court circuit qui a déjà provoqué beaucoup de dégâts par le passé » .

Antonio Gaspari

Conférence du P. Cantalamessa sur la famille

1 avril, 2009

du site:

http://www.zenit.org/article-20591?l=french

Conférence du P. Cantalamessa sur la famille

Mexico, VIe Rencontre mondiale de la famille, 14 janvier 

ROME, Dimanche 29 mars 2009 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la conférence que le P. Raniero Cantalamessa, ofmcap, prédicateur de la Maison pontificale, a donné le 14 janvier dernier à Mexico dans le cadre de la VIe Rencontre mondiale des familles. 

VIe Rencontre mondiale des Familles

14 janvier

P. Raniero Cantalamessa, ofmcap

« Les relations et les valeurs familiales selon la Bible »

Mon intervention est divisée en trois parties. Dans la première, j’illustrerai le projet initial de Dieu sur le mariage et la famille, et la manière dont il s’est réalisé dans l’histoire d’Israël. Dans la seconde partie, je parlerai de la récapitulation opérée par le Christ et de la façon dont elle a été interprétée et vécue au sein la communauté chrétienne du Nouveau Testament. Dans la troisième partie, je chercherai à voir ce que la révélation biblique peut apporter à la solution des problèmes actuels du mariage et de la famille.

1ère Partie

Mariage et famille : projet divin

et réalisations humaines dans l’Ancien Testament

1. Le projet divin

On sait que le Livre de la Genèse contient deux récits distincts de la création du premier couple humain, remontant à deux traditions différentes : la tradition yahviste (Xe siècle av J.C.) et, la plus récente (VIe siècle av. J.C.), la tradition qualifiée de « sacerdotale ».

Dans la tradition sacerdotale (Gn 1, 26-28) l’homme et la femme sont créés simultanément, non pas l’un après l’autre ; un rapport est suggéré entre « être homme et femme » et être à l’image de Dieu : « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa ». Ici la finalité première de l’union entre l’homme et la femme est d’être féconds et de remplir la terre.

Dans la tradition yahviste (Gn 2, 18-25), la femme est tirée de l’homme ; la création des deux sexes est vue comme un remède à la solitude (« Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Il faut que je lui fasse une aide qui lui soit assortie ») ; l’accent n’est pas mis d’abord sur le facteur de procréation, mais sur le facteur d’union (« l’homme s’attache à sa femme, et ils deviennent une seule chair ») ; chacun reste libre face à sa propre sexualité et à celle de l’autre : « Or tous deux étaient nus, l’homme et sa femme, et ils n’avaient pas honte l’un devant l’autre ».

Dans aucune des deux versions, il n’est fait allusion à une subordination de la femme à l’homme, avant le péché : tous deux sont sur un plan d’égalité, de parité absolue, même si l’initiative, du moins dans le récit yahviste, vient de l’homme.

L’explication la plus convaincante du pourquoi de cette « invention » divine de la distinction des deux sexes, je l’ai trouvée non pas chez un exégète, mais chez un poète, Paul Claudel :

            « Cet orgueilleux, ; il n’y avait pas d’autre moyen de lui faire comprendre le prochain, de le lui entrerdans la chair ; Il n’y avait pas d’autre moyen de lui faire comprendre la dépendance, la nécessité et le besoin, un autre sur lui, la loi sur lui de cet être différent pour aucune autre raison si ce n’est qu’il existe »[1].

S’ouvrir à l’autre sexe est le premier pas pour s’ouvrir à l’autre, qui est le prochain, jusqu’à l’Autre avec une majuscule, qui est Dieu. Le mariage naît sous le signe de l’humilité ; il est reconnaissance de sa dépendance et donc de sa condition même de créature. S’éprendre d’une femme ou d’un homme représente l’acte d’humilité le plus radical. C’est se faire mendiant et dire à l’autre : « Je ne me suffis pas à moi-même, j’ai besoin de toi, de ton être ». Si, comme le pensait Schleiermacher, l’essence de la religion consiste dans le « sentiment de dépendance » (Abhaengigheitsgefuehl) face à Dieu, alors la sexualité humaine est la première école de religion.

Jusqu’ici le projet de Dieu. Mais on ne s’explique pas la suite de la Bible si, en même temps que le récit de la création, on ne prend pas en compte aussi celui de la chute, en particulier ce qui est dit à la femme : « Je multiplierai les peines de tes grossesses, dans la peine tu enfanteras des fils. Ta convoitise te poussera vers ton mari, et lui te dominera » (Gn 3, 16). La suprématie de l’homme sur la femme fait partie du péché de l’homme, pas du projet de Dieu ; par ces mots Dieu l’annonce, il ne l’approuve pas.

 

2. Les réalisations historiques

La Bible est un livre divin-humain parce qu’il a pour auteurs Dieu et l’homme, mais aussi parce qu’il décrit, entremêlées, la fidélité de Dieu et l’infidélité de l’homme ; non seulement par le sujet qu’il décrit, mais aussi par l’objet de l’Ecriture. Cela saute aux yeux en particulier quand on compare le projet de Dieu sur le mariage et la famille avec son application concrète dans l’histoire du peuple élu.

Il est bon de relever les stupidités et les aberrations humaines pour ne pas être trop surpris par ce qui se passe autour de nous ; et aussi parce que c’est la preuve que mariage et famille sont des institutions qui, du moins dans la pratique, évoluent au fil du temps, comme tous les autres aspects de la vie sociale et religieuse. Pour rester sur le Livre de la Genèse, déjà Lamech, le fils de Caïn enfreint la loi de la monogamie en prenant deux femmes. Noé avec sa famille semble une exception au milieu de la corruption générale de son époque. Les patriarches Abraham et Jacob eux-mêmes ont des enfants de plusieurs femmes. Moïse sanctionne la pratique du divorce ; David et Salomon entretiennent un véritable harem de femmes.

Mais on observe ces déviations, comme toujours, davantage au sommet de la société, parmi les chefs, qu’au niveau du peuple, pour qui l’idéal initial du mariage monogamique devait être la règle, non l’exception. Les Livres de Sagesse – Psaumes, Proverbes, Siracide (ou Ecclésiastique) – plus que les livres historiques (qui traitent précisément des chefs) nous permettent de nous faire une idée des relations et des valeurs familiales prises en considération et vécues en Israël : la fidélité conjugale, l’éducation des enfants, le respect des parents. Cette dernière valeur constitue l’un des dix commandements : « Honore ton père et ta mère ».

Plus que dans les transgressions concrètes au niveau de l’individu, l’éloignement de l’idéal initial transparaît dans la conception fondamentale que l’on a du mariage en Israël. L’obscurcissement principal concerne deux points essentiels. Le premier est que le mariage, de fin qu’il était, devient un moyen. L’Ancien Testament, dans son ensemble, considère le mariage comme « une structure d’autorité de type patriarcal, destinée principalement à la perpétuation du clan. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre l’institution du lévirat (Dt 25, 5-10), celle du concubinage (Gn 16) et de la polygamie provisoire »[2]. L’idéal d’une communion de vie entre l’homme et la femme, fondée sur un rapport personnel et réciproque, n’est pas oublié, mais passe au second plan derrière le bien des enfants.

Le second et grave obscurcissement est lié à la condition de la femme : de compagne de l’homme, dotée d’une égale dignité, elle apparaît de plus en plus subordonnée à l’homme et en fonction de l’homme. On peut le voir jusque dans le célèbre éloge de la femme du Livre des Proverbes : « Une maîtresse femme, qui la trouvera ? Elle a bien plus de prix que les perles … » (Pr 31, 10 ss). Cet éloge est entièrement en fonction de l’homme. La conclusion est : heureux l’homme qui possède une telle femme ! Elle lui tisse de beaux vêtements, fait honneur à sa maison, lui permet de marcher la tête haute parmi ses amis. Je ne crois pas que les femmes d’aujourd’hui seraient enthousiastes de cet éloge.

Les prophètes, en particulier Osée, Isaïe et Jérémie, ont joué un rôle important en remettant en lumière le projet initial de Dieu sur le mariage. En reconnaissant dans l’union de l’homme et de la femme le symbole de l’alliance entre Dieu et son peuple, indirectement ils remettaient à la première place les valeurs de l’amour mutuel, de la fidélité et de l’indissolubilité qui caractérisent l’attitude de Dieu envers Israël. Toutes les phases et les vicissitudes de l’amour sponsal sont évoquées et utilisées dans ce but : le ravissement de l’amour à l’état naissant dans les fiançailles (Jr 2, 2) ; la plénitude de la joie du jour des noces (Is 62, 5) ; le drame de la rupture (Os 2, 4 ss) et enfin la renaissance, pleine d’espérance, de l’ancien lien (Os 2, 16 ; Is 54, 8).

Malachie montre les retombées bénéfiques que le message prophétique pouvait avoir sur le mariage humain et en particulier sur la condition de la femme. Il écrit : « Le Seigneur est témoin entre toi et la femme de ta jeunesse, que tu as trahie, bien qu’elle fût ta compagne et la femme de ton alliance. N’a-t-il pas fait un seul être, qui a chair et souffle de vie ? Et cet être unique, que cherche-t-il ? Une postérité donnée par Dieu ! Respect donc à votre vie, et la femme de ta jeunesse, ne la trahis point ! » (Ml 2, 14-15).

C’est à la lumière de cette tradition prophétique qu’il convient de lire le Cantique des Cantiques. Il représente une renaissance de la vision du mariage comme attirance réciproque, comme eros, comme enchantement de l’homme devant la femme (dans ce cas, même de la femme devant l’homme) ; une vision présente dans le récit le plus ancien de la création.

En revanche, une certaine exégèse moderne fait erreur quand elle interprète le Cantique exclusivement en termes d’amour humain entre un homme et une femme. L’auteur du Cantique se place au coeur de l’histoire religieuse de son peuple, où l’amour humain avait été considéré par les prophètes comme une métaphore de l’alliance entre Dieu et son peuple. Osée avait déjà fait de sa propre histoire matrimoniale une métaphore des relations entre Dieu et Israël. Comment imaginer que l’auteur du Cantique ait pu faire abstraction de tout cela ? La lecture mystique du Cantique, chère à la tradition d’Israël et de l’Eglise, n’est donc pas une superstructure postérieure, mais elle est en quelque sorte implicite dans le texte. Loin de retirer quoi que ce soit à l’exaltation de l’amour humain, elle lui confère une splendeur et une beauté nouvelles.

2ème Partie

Mariage et famille dans le Nouveau Testament

1. La récapitulation du mariage en Christ

Saint Irénée explique la « récapitulation (anakephalaiosis) de toute chose » opérée dans le Christ (Ep 1, 10) comme une « reprise des choses au commencement pour les conduire à leur accomplissement ». Ce concept implique en même temps une continuité et une nouveauté qui, concernant le mariage, se réalisent de manière exemplaire dans l’oeuvre du Christ.

a. La continuité

Le chapitre 19 de l’évangile de Matthieu est suffisant, à lui tout seul, pour illustrer les deux aspects de la récapitulation. Voyons avant tout comment Jésus reprend les choses depuis le commencement.

« Des Pharisiens s’approchèrent de lui et lui dirent, pour le mettre à l’épreuve : ‘Est-il permis de répudier sa femme pour n’importe quel motif ?’ Il répondit : ‘N’avez-vous pas lu que le Créateur, dès l’origine, les fit homme et femme, (Gn 1, 27) et qu’il a dit : Ainsi donc l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux ne feront qu’une seule chair ? (Gn 2, 24).

Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Eh bien ! ce que Dieu a uni, l’homme ne doit point le séparer » (Mt 19, 3-6).

Jésus répond aux adversaires qui évoluent dans le domaine restreint d’une casuistique d’école (à savoir s’il est permis de renvoyer sa femme pour n’importe quel motif ou s’il faut un motif spécifique et sérieux) en reprenant le problème à la racine, depuis le début. Dans sa citation, Jésus fait référence aux deux récits de l’institution du mariage, prenant des éléments de l’un et de l’autre, et à partir de là, comme nous le voyons, il met surtout en lumière l’aspect de communion des personnes.

Le texte qui suit, sur le problème du divorce, va aussi dans cette direction ; il réaffirme en effet la fidélité et l’indissolubilité du lien du mariage, au-delà du bien même de la parole par laquelle la polygamie, le lévirat et le divorce avaient été justifiés dans le passé :

Les pharisiens lui répliquent : « Pourquoi donc Moïse a-t-il prescrit de donner un acte de divorce quand on répudie – C’est, leur dit-il, en raison de votre dureté de cœur que Moïse vous a permis de répudier vos femmes ; mais dès l’origine il n’en fut pas ainsi. Or je vous le dis : quiconque répudie sa femme – pas pour ‘prostitution’ – et en épouse une autre, commet un adultère » (Mt 19, 7-9).

Le texte parallèle de Marc montre comment, selon Jésus, en cas de divorce, homme et femme se placent sur un plan d’égalité absolue : « Quiconque répudie sa femme et en épouse une autre, commet un adultère à son égard ; et si une femme répudie son mari et en épouse un autre, elle commet un adultère » (Mc 10, 11-12).

Je ne m’arrête pas sur le passage du verset « pas pour ‘prostitution’ » (porneia) parce que, comme chacun le sait, les Eglises orthodoxes et protestantes l’interprètent différemment de l’Eglise catholique. Il faut plutôt souligner « la fondation sacramentelle implicite du mariage » présentée dans la réponse de Jésus[3]. Les paroles « ce que Dieu a uni » affirment que le mariage n’est pas une réalité purement séculière qui serait seulement le fruit d’une volonté humaine ; il y a ici une dimension sacrée qui remonte à la volonté divine.

L’élévation du mariage au rang de ‘sacrement’ ne repose donc pas seulement sur le faible argument de la présence de Jésus aux noces de Cana et sur le texte d’Ephésiens 5 ; elle commence, en quelque sorte, avec Jésus sur la terre. Elle fait aussi partie de la manière dont il rapporte les choses au commencement. Jean-Paul II a raison quand il définit le mariage de « sacrement le plus ancien »[4].

b. La nouveauté

Jusqu’ici, nous avons évoqué la continuité. Mais alors en quoi consiste la nouveauté ? Paradoxalement, elle consiste dans la relativisation du mariage. Ecoutons le texte suivant, de Matthieu :

« Les disciples lui disent : ‘Si telle est la condition de l’homme envers la femme, il n’est pas expédient de se marier.’ Il leur dit : « Tous ne comprennent pas ce langage, mais ceux-là à qui c’est donné. Il y a, en effet, des eunuques qui sont nés ainsi du sein de leur mère, il y a des eunuques qui le sont devenus par l’action des hommes, et il y a des eunuques qui se sont eux-mêmes rendus tels à cause du Royaume des Cieux. Qui peut comprendre, qu’il comprenne !’ » (Mt 19, 10-12).

Par ces mots, Jésus institua un second état de vie, le justifiant par la venue sur terre du règne des cieux. Cela n’annule pas l’autre possibilité, le mariage, mais la relativise. Cela se passe comme l’idée de l’Etat dans le domaine politique : il n’est pas aboli, mais radicalement relativisé par la révélation de la présence contemporaine, dans l’histoire, d’un Royaume de Dieu.

Pour être reconnue dans sa validité, la continence volontaire n’a donc pas besoin que l’on renie ou que l’on déprécie le mariage (certains auteurs anciens, dans leurs traités sur la virginité, sont tombés dans cette erreur). Celle-ci, au contraire, ne prend de sens que par l’affirmation contemporaine de la bonté du mariage. L’institution du célibat et de la virginité pour le Royaume anoblit le mariage parce qu’elle fait de lui un choix, une vocation et non plus un simple devoir moral auquel il n’était pas permis de se soustraire en Israël sans s’opposer à l’accusation de transgresser le commandement de Dieu.

Il est important de noter une chose que l’on oublie souvent. Célibat et virginité signifient renoncer au mariage, et non pas à la sexualité qui demeure dans toute la richesse de sa signification, même si elle est vécue de manière différente. Celui qui a choisi le célibat et celle qui a choisi la virginité expérimentent aussi l’attrait, et donc la dépendance par rapport à l’autre sexe et c’est justement ce qui donne du sens à leur choix de chasteté, c’est pour cela qu’il est précieux.

c. Jésus, ennemi de la famille ?

Parmi les nombreuses thèses avancées ces dernières années dans le domaine de la ‘troisième quête du Jésus historique’, il y a aussi celle d’un Jésus qui aurait répudié sa famille naturelle et tous ses liens parentaux, au nom de l’appartenance à une communauté différente, où Dieu est le père et les disciples sont tous frères et soeurs, proposant à ses disciples une vie errante, comme les philosophes cyniques le faisaient alors hors d’Israël[5].

Effectivement, il y a à première vue des paroles qui déconcertent dans les évangiles. Jésus disait : « Si quelqu’un vient à moi sans haïr son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs, et jusqu’à sa propre vie, il ne peut être mon disciple » (Lc 14, 26). Des paroles dures, c’est certain, mais l’évangéliste Matthieu s’empresse d’expliquer le sens du mot ‘haïr’ : « Qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi. Qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi » (Mt 10, 37). Jésus ne demande donc pas de haïr ses parents ou ses enfants, mais de ne pas les aimer au point de renoncer à Le suivre à cause d’eux.

Autre épisode qui suscite le trouble. Jésus dit un jour à une personne : « Suis-moi ». L’homme répondit : « Permets-moi de m’en aller d’abord enterrer mon père ». Mais il lui dit : « Laisse les morts enterrer leurs morts ; pour toi, va-t-en annoncer le Royaume de Dieu » (Lc 9, 59 s.). Pour certains critiques, dont le rabbin américain Jacob Neusner avec qui Benoît XVI dialogue dans son livre Jésus de Nazareth[6], c’est une demande scandaleuse, une désobéissance à Dieu qui ordonne de prendre soin de ses parents, une violation évidente des devoirs familiaux.

On peut accorder une chose au rabbin Neusner : ces paroles du Christ ne s’expliquent pas si on le considère seulement comme un homme, même exceptionnel. Il n’y a que Dieu qui puisse demander qu’on l’aime plus qu’un père et que, pour le suivre, on renonce aussi à assister à sa sépulture. Pour les croyants, c’est une preuve supplémentaire que Jésus est Dieu ; pour Neusner, c’est la raison pour laquelle on ne peut pas le suivre.

Face à ces demandes de Jésus, le trouble naît aussi du fait que l’on ne tient pas compte de la différence entre ce qu’il demandait à tous indistinctement et ce qu’il demandait seulement à certains, appelés à partager sa vie entièrement consacrée au royaume, comme cela arrive encore aujourd’hui dans l’Eglise. On doit dire la même chose du renoncement au mariage : il ne l’impose pas et ne le propose pas à tous indistinctement, mais seulement à ceux qui acceptent de se mettre comme lui, au service total du Royaume (cf. Mt 19, 10-12).

Tous les doutes sur l’attitude de Jésus envers la famille et le mariage tombent si nous tenons compte d’autres passages de l’Evangile. Jésus est le plus sévère de tous concernant l’indissolubilité du mariage et rappelle avec force le commandement d’honorer son père et sa mère. Il condamne ainsi la pratique de se soustraire, sous des prétextes religieux, au devoir de les assister (cf. Mc 7, 11-13). Combien de miracles Jésus accomplit-il par ailleurs pour soulager la douleur de pères (Jaïre, le père de l’épileptique), de mères (la Cananéenne, la veuve de Naïn), ou de frères et soeurs (les soeurs de Lazare), et donc pour honorer des liens de parenté. Plus d’une fois, il partage la douleur de parents jusqu’à pleurer avec eux.

A une époque comme aujourd’hui où tout semble vouloir affaiblir les liens et les valeurs de la famille, il ne manquerait plus que Jésus et l’Evangile se liguent aussi contre elle ! Jésus est venu redonner au mariage sa beauté originelle, pour le renforcer et non pour l’affaiblir.

2. Mariage et famille dans l’Eglise apostolique

Comme nous l’avons fait pour le projet originel de Dieu, et à propos de la récapitulation opérée par le Christ, cherchons maintenant à voir comment il a été reçu et vécu dans la vie et dans la catéchèse de l’Eglise, en s’attachant pour l’instant au domaine de l’Eglise apostolique. Paul est ici notre source d’information principale puisqu’il a dû affronter le problème dans certaines de ses lettres, surtout dans la Première Lettre aux Corinthiens.

L’Apôtre distingue ce qui vient directement du Seigneur des applications particulières qu’il en fait lui, étant donné le contexte nouveau où l’Evangile est prêché. Dans le premier cas, c’est l’indissolubilité du mariage qui est abordée : « Quant aux personnes mariées, voici ce que je prescris, non pas moi, mais le Seigneur: que la femme ne se sépare pas de son mari — au cas où elle s’en séparerait, qu’elle ne se remarie pas ou qu’elle se réconcilie avec son mari — et que le mari ne répudie pas sa femme » (1 Co 7, 10-11) ; dans le second cas, nous voyons les indications qu’il donne lors de mariages entre croyants et non-croyants, et les dispositions concernant les célibataires et les vierges : « Quant aux autres, c’est moi qui leur dis, non le Seigneur… » (1 Co 7, 10 ; 1 Co 7, 25).

Depuis Jésus, l’Eglise apostolique a aussi accueilli une nouveauté qui consiste, nous l’avons vu, dans l’institution d’un deuxième état de vie : le célibat et la virginité pour le Royaume. A ceux-là, Paul – lui-même n’était pas marié – consacre la dernière partie du chapitre 7 de sa lettre. Se fondant sur le verset : « Je voudrais que tous les hommes fussent comme moi ; mais chacun reçoit de Dieu son don particulier, (charisma) celui-ci d’une manière, celui-là de l’autre » (1 Co 7, 7), certains pensent que l’Apôtre considère le mariage et la virginité comme deux charismes. Mais ce n’est pas exact ; les vierges ont reçu le charisme de la virginité, les époux ont d’autres charisme (sous-entendu, pas celui de la virginité). Il est significatif que la théologie de l’Eglise ait toujours considéré la virginité comme un charisme et non comme un sacrement et le mariage comme un sacrement et non comme un charisme.

Le texte de la Lettre aux Ephésiens a eu un poids considérable dans le processus qui mènera (bien plus tard) à la reconnaissance du caractère sacramentel du mariage : « Voici donc que l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux ne feront qu’une seule chair : ce mystère (en latin sacramentum !) est de grande portée ; je veux dire qu’il s’applique au Christ et à l’Eglise » (Ep 5, 31-32). Il ne s’agit pas d’une affirmation isolée ou occasionnelle, due à la traduction ambiguë du terme ‘mystère’ (mysterion) par le latin sacramentum. Le mariage comme symbole de la relation entre le Christ et l’Eglise de fonde sur toute une série de paroles prononcées et de paraboles, dans lesquelles Jésus avait appliqué à lui-même le titre d’époux, attribué à Dieu par les prophètes.

Alors que la communauté catholique grandit et se consolide peu à peu, on voit fleurir toute une pastorale et une spiritualité familiales. Les textes les plus significatifs à ce sujet sont ceux des Lettres aux Colossiens et aux Ephésiens. Les deux relations fondamentales qui constituent la famille y sont mises en lumière : la relation mari-femme et la relation parents-enfants. A propos du premier, l’Apôtre écrit :

« Soyez soumis les uns aux autres dans la crainte du Christ. Que les femmes le soient à leurs maris comme au Seigneur…or l’Eglise se soumet au Christ ; les femmes doivent donc, et de la même manière, se soumettre en tout à leurs maris. Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Eglise : il s’est livré pour elle ».

Paul recommande au mari d’« aimer » sa femme (et cela nous paraît normal), mais il recommande ensuite à la femme d’être « soumise » à son mari et cela semble inacceptable dans une société fortement (et à juste titre) consciente de l’égalité des sexes. Sur ce point saint Paul est, en partie au moins, conditionné par les coutumes de son époque. Il faut toutefois revoir cette difficulté en tenant compte de la phrase du début du texte : « Par respect pour le Christ, soyez soumis les uns aux autres », qui établit une réciprocité dans la soumission comme dans l’amour.

A propos de la relation entre parents et enfants, Paul rappelle les conseils traditionnels de la littérature sapientiale : « Enfants, obéissez à vos parents, dans le Seigneur : cela est juste. Honore ton père et ta mère (Pr 6, 20), tel est le premier commandement auquel soit attachée une promesse : pour que tu t’en trouves bien et jouisses d’une longue vie sur la terre (Ex 20, 12). Et vous, parents, n’exaspérez pas vos enfants, mais usez, en les éduquant, de corrections et de semonces qui s’inspirent du Seigneur » (Ep 6, 1-4).

Les Lettres pastorales, et particulièrement la Lettre à Tite, offriront des détails réguliers pour chaque catégorie de personnes : les femmes, les maris, les évêques et les prêtres, les personnes âgées, les jeunes, les veuves, les patrons, les esclaves (cf. Tite 2, 1-9). En effet, même les esclaves faisaient partie de la famille dans la conception élargie que l’on avait d’elle.

Même dans l’Eglise des origines, l’idéal du mariage reproposé par Jésus ne se réalisera pas sans ombres ni résistances. En témoigne le besoin que ressentent les Apôtres d’insister sur cet aspect de la vie chrétienne, mis à part le cas de l’incestueux de Corinthe (1 Co 8, 1 ss). Mais dans l’ensemble, les chrétiens présentèrent au monde un modèle familial nouveau qui se révéla comme un des principaux facteurs d’évangélisation.

L’auteur de la Lettre à Diognète, au 2e siècle, affirmait que les chrétiens « se marient comme tout le monde, ils ont des enfants, mais ils n’abandonnent pas leurs nouveau-nés. Ils partagent tous la même table, mais non la même couche » (V, 6-7). Dans ses Apologies, Justin tient le raisonnement selon lequel, nous chrétiens d’aujourd’hui, devrions pouvoir dialoguer avec les autorités politiques. En substance il dit ceci : Vous, empereurs romains, vous multipliez les lois sur la famille, mais elles se révèlent inefficaces pour en arrêter la dissolution ; venez voir nos familles et vous serez convaincus que les chrétiens sont les meilleurs alliés de la réforme de la société et non pas vos ennemis. Pour finir, après trois siècles de persécution, l’empereur, on le sait, accueillit le modèle chrétien de la famille dans sa propre législation.

3ème partie

Ce que nous dit l’enseignement biblique aujourd’hui

La relecture de la Bible dans un rassemblement comme celui-ci, qui n’est pas une rencontre d’exégètes mais d’agents pastoraux au service de la famille, ne peut se limiter simplement à une nouvelle proposition de la révélation, mais doit pouvoir éclairer les problèmes d’aujourd’hui. « L’Ecriture, disait saint Grégoire le grand, grandit avec celui qui la lit » (cum legentibus crescit) ; elle dévoile de nouvelles applications au fur et à mesure que se posent de nouvelles questions. Et on peut dire qu’aujourd’hui des questions, ou des provocations, il y en a beaucoup.

1. L’idéal biblique contesté

Nous nous trouvons face à une contestation apparemment mondiale du projet biblique sur la sexualité, le mariage et la famille. L’étude de Monseigneur Tony Anatrella, qui nous a été adressée, à nous les intervenants, en vue de ce congrès, nous en fait un résumé plein d’à propos qui nous est très utile[7]. Comment se comporter face à ce phénomène ?

La première erreur à éviter, à mon avis, est de passer tout son temps à contrecarrer les théories contraires, finissant par leur donner plus d’importance qu’elles n’en méritent. Déjà pour le Pseudo Denys l’Aréopagite, la proposition de la vérité était toujours plus efficace que la réfutation des erreurs d’autrui.

Une autre erreur serait de miser sur les lois de l’Etat pour défendre les valeurs chrétiennes. Les premiers chrétiens, nous l’avons vu, ont changé les lois de l’Etat par leurs coutumes ; nous ne pouvons donc espérer aujourd’hui changer les coutumes avec les lois de l’Etat.

Le Concile a inauguré une nouvelle méthode : celle du dialogue et non de l’opposition au monde ; une méthode qui n’exclut pas l’autocritique. Dans son texte, il dit que l’Eglise est en mesure de tirer profit des critiques mêmes de ceux qui la combattent. Je crois que nous devons appliquer cette méthode également dans la discussion sur les problèmes du mariage et de la famille, comme l’a fait en son temps Gaudium et spes.

Appliquer cette méthode de dialogue signifie chercher à voir si dans le fond même des contestations les plus radicales, il n’y aurait pas quelque point positif à accueillir. C’est l’antique méthode paulinienne qui consistait à tout vérifier et à ne retenir que ce qui est bon (Cf. 1 Th 5, 21). C’est ce qui s’est passé avec le marxisme : l’Eglise a été poussée à développer sa propre doctrine sociale et la même chose pourrait bien se produire avec la révolution dite du « gender » qui, comme le fait remarquer Monseigneur Anatrella dans son étude, a bien des similitudes avec le marxisme et a probablement le même but.

La critique du modèle traditionnel du couple et de la famille, qui a conduit à ces propositions inacceptables de « déconstruction » que l’on voit fleurir chaque jour, a débuté avec l’illuminisme et le romantisme. C’est avec des intentions diverses, mais dans le même but, que ces deux mouvements se sont prononcés contre le mariage traditionnel du point de vue exclusivement de ces « fins » objectives, c’est-à-dire les enfants, la société, l’Eglise, et trop peu pour lui-même, dans sa valeur subjective et relationnelle. On demandait tout aux futurs époux, excepté qu’ils s’aiment et qu’ils se choisissent librement. On opposa à ce modèle le mariage comme pacte (Illuminisme) et comme communion d’amour (Romantisme) entre les époux.

Mais cette critique va dans le sens original de la Bible, non à son encontre ! Le Concile Vatican II a accueilli cette demande quand il a reconnu comme bien également premier dans le mariage, l’amour mutuel et l’aide entre les conjoints. Dans une de ses catéchèses du mercredi, Jean Paul II disait :

« Le corps humain, avec son sexe et sa masculinité et sa féminité [...] n’est pas seulement source de fécondité et de procréation, comme dans tout l’ordre naturel, mais dès le début renferme l’attribut sponsal qui est d’exprimer l’amour : cet amour justement dans lequel l’homme personne devient don et, grâce à ce don, agit dans le sens même de son être et de son exister »[8].

Dans son Encyclique Deus caritas est, le pape Benoît XVI est même allé plus loin, écrivant des choses profondes et nouvelles à propos de l’eros dans le couple et dans les rapports même entre Dieu et l’homme. « Ce lien étroit entre eros et mariage dans la Bible ne trouve pratiquement pas de parallèle en dehors de la littérature biblique »[9].

La réaction étonnamment positive à cette Encyclique du pape montre combien une présentation irénique de la vérité chrétienne porte davantage de fruit que la réfutation de l’erreur contraire, même si celle-ci devra trouver sa place, en temps et lieu utiles. Nous sommes loin d’accepter les conséquences des prémisses, que certains mettent en avant, du type que n’importe quel type d’eros peut constituer un mariage, y compris celui entre deux personnes du même sexe, mais cette réfutation acquiert une autre force et une autre crédibilité si on l’allie à la reconnaissance de la bonté de fond de la question et même à une saine autocritique.

En fait, nous ne pouvons passer sous silence la contribution apportée par les chrétiens dans la formation de cette vision purement objective du mariage. L’autorité d’Augustin, renforcée sur ce point par Thomas d’Aquin, avait fini par apporter une note négative à l’union charnelle des époux, considérée comme le moyen de transmission du péché originel et non dépourvue, en soi, de péché « au moins véniel ». Selon le docteur d’Hippone, les conjoints devaient aborder l’acte conjugal avec déplaisir, et y consentir parce que c’était le seul moyen de donner de nouveaux citoyens à l’Etat et de nouveaux membres à l’Eglise.

Une autre question que nous pouvons faire nôtre est celle de l’égale dignité de la femme et de l’homme. Elle est, nous l’avons vu, au cœur même du projet originel de Dieu et dans la pensée du Christ, mais elle a presque toujours été déçue. La parole de Dieu à Eve : « Ta convoitise te poussera vers ton mari et lui dominera sur toi » (Gn 3, 16), s’est avérée de façon tragique dans le cours de l’Histoire.

Chez les représentants de la soi-disant « Révolution du gender », cette question a conduit à des propositions folles, comme celle d’abolir la distinction des sexes et de la remplacer par la distinction des « genres » (masculin, féminin, variable) plus élastique et subjective, ou celle de libérer la femme de « l’esclavage de la maternité », offrant de nouveaux moyens, inventés par l’homme pour faire des enfants (on ne comprend pas bien, à ce stade-là, qui trouverait encore un intérêt ou aurait le désir d’avoir des enfants !).

C’est précisément le choix du dialogue et de l’autocritique qui nous donne le droit de dénoncer ces projets comme étant « inhumains », c’est-à-dire comme non seulement contraires à la volonté de Dieu, mais également au bien de l’humanité. Mis à exécution à grande échelle, ces projets conduiraient à des dégâts insoupçonnés. Notre unique espérance est que le bon sens de chacun, uni au « désir » de l’autre sexe, au besoin de maternité et de paternité que Dieu a inscrit dans la nature humaine, résistera à ces tentatives de se substituer à Dieu, plus dues à un sentiment de culpabilité tardif chez l’homme, qu’au respect et à un amour authentique pour la femme (à propos, ces théories viennent presque exclusivement des hommes !).

2. Un idéal à redécouvrir

Pour les chrétiens, l’engagement à redécouvrir et vivre en plénitude l’idéal biblique du mariage et de la famille, de façon à le proposer de nouveau au monde en actes, plus encore qu’en paroles, n’est pas moins important que l’engagement à défendre cet idéal biblique.

Nous lisons aujourd’hui le récit de la création de l’homme et de la femme à la lumière de la révélation de la Trinité. Sous cet éclairage, la phrase : « Dieu créa l’homme à son image ; à l’image de Dieu il le créa ; homme et femme il les créa » (Gn 1, 27) nous révèle enfin son sens qui était resté énigmatique et incertain avant le Christ. Quel rapport peut-il y avoir entre le fait d’être « à l’image de Dieu » et d’être « homme et femme » ? Le Dieu de la Bible n’a pas de connotation sexuelle, il n’est ni homme ni femme.

Voilà en quoi consiste la ressemblance. Dieu est amour et l’amour exige la communion, le partage, il requiert un « moi » et un « toi ». Il n’y a pas d’amour qui ne soit amour pour quelqu’un ; là où il n’y a qu’un seul sujet, il ne peut y avoir d’amour, mais seulement égoïsme et narcissisme. Là où Dieu est conçu comme Loi ou comme Puissance absolue, nul n’est besoin d’une pluralité de personnes (on peut, même seul, exercer le pouvoir !). Le Dieu révélé par Jésus Christ, parce qu’il est amour, est unique et seul, mais il n’est pas solitaire ; il est un et trine. En lui coexistent unité et distinction, unité de nature, de vouloir, d’intentions, et distinction des caractéristiques et des personnes.

Deux personnes qui s’aiment – et l’amour de l’homme et de la femme dans le mariage en est le plus fort exemple – reproduisent quelque chose de ce que l’on trouve dans la Trinité. Voilà deux personnes, le Père et le Fils, qui s’aiment et produisent (« inspirent ») l’Esprit qui est l’amour qui les fonde. Quelqu’un a défini l’Esprit Saint comme étant le « Nous » divin, c’est-à-dire non pas la « troisième personne de la Trinité », mais la première personne plurielle[10].

C’est justement en cela que le couple humain est à l’image de Dieu. Mari et femme sont en fait une seule chair, un seul cœur, une seule âme, malgré la diversité de sexe et de personnalité. Dans le couple se réconcilient entre elles unité et diversité. Les époux sont en face l’un de l’autre, comme un « moi » et un « toi », et ils sont en face du reste du monde, à commencer par leurs enfants, comme un « nous », comme s’il ne s’agissait plus que d’une seule personne, non plus singulière mais plurielle. « Nous », c’est-à-dire « ta mère et moi », « ton père et moi ».

C’est à travers cette lumière que nous découvrons le sens profond du message des prophètes concernant le mariage humain, qui est donc le symbole et le reflet d’un autre amour, celui de Dieu pour son peuple. Ce qui ne signifiait pas surcharger d’un sens mystique une réalité qui n’appartenait qu’au monde. Ce n’était pas non plus faire uniquement du symbolisme, il s’agissait plutôt de révéler le véritable visage et le but ultime de la création de l’homme masculin et féminin ; de sortir de son isolement personnel et de son « égoïsme », de s’ouvrir à l’autre et, à travers l’extase fugitive de l’union charnelle, de s’élever au désir de l’amour et de la joie sans fin.

Quelle est la cause de l’incomplétude et de l’inachèvement que laisse l’union sexuelle, à l’intérieur du mariage et en dehors ? Pourquoi cet élan retombe-t-il toujours sur lui-même et pourquoi cette promesse d’infini et d’éternel reste-t-elle toujours déçue ?

Les anciens ont inventé un dicton qui photographie bien cette réalité : « Post coitum animal triste » : comme tout autre animal l’homme, après l’union charnelle, est triste.

Le poète païen Lucrèce a laissé une description impitoyable de la frustration qui accompagne tout accouplement ; cette description rapportée dans un congrès pour couples et pour familles ne devrait pas sembler scandaleuse à entendre : « Ils se pressent avidement, mêlent leur salive et confondent leur souffle en entrechoquant leurs dents. Vains efforts, puisque aucun des deux ne peut rien détacher du corps de l’autre, non plus qu’y pénétrer et s’y fondre tout entier »[11].

On cherche un remède à cette frustration, mais on ne fait que l’augmenter. De la même façon, pour changer la qualité de l’acte, on en augmente la quantité, passant d’un partenaire à l’autre. On arrive ainsi au gâchis du don que Dieu nous a fait de la sexualité. Et c’est ce qui se passe dans la culture et dans la société d’aujourd’hui.

Voulons-nous une bonne fois pour toutes, en vrais chrétiens, trouver une explication à cette dysfonction désastreuse ? L’explication est que l’union sexuelle n’est pas vécue de la façon et selon l’intention voulue par Dieu. Son but était que, à travers cette extase et fusion d’amour, l’homme et la femme s’élèvent au désir et aient une certaine préfiguration de l’amour infini, qu’ils se rappellent d’où ils venaient et vers où ils allaient.

Le péché, à commencer par celui de l’Adam et de l’Eve bibliques, a traversé ce projet ; il a « profané » ce geste, c’est-à-dire qu’il l’a spolié de sa richesse religieuse. Il en a fait un geste fini en soi, conclu en soi et donc « insatisfaisant ». On a détaché le symbole de sa réalité symbolique, on l’a privé de son dynamisme intrinsèque, on l’a mutilé. Jamais comme dans ce cas ne vérifie-t-on la vérité de la parole d’Augustin : « Tu nous as faits pour toi, ô Dieu, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne repose en toi. »

Même les couples chrétiens – et parfois ceux-ci plus que les autres – ne réussissent pas à retrouver cette richesse du sens initial de l’union sexuelle à cause de l’idée de concupiscence et de péché originel associée à cet acte pendant des siècles. Ce n’est que dans le témoignage de quelques couples renouvelés par l’expérience qu’ils ont faite de l’Esprit Saint et qui vivent la vie chrétienne charismatique que l’on retrouve quelque chose du sens originel de l’acte conjugal. Certains ont même confié à des couples amis ou à leur curé qu’ils s’unissent en louant Dieu à haute voix, ou même en chantant en langues. Véritable expérience de la présence de Dieu.

On comprend pourquoi il n’est possible de retrouver cette plénitude de la vocation matrimoniale que dans l’Esprit Saint. L’acte constitutif du mariage est dans le don réciproque, le fait d’offrir son corps en don (ce qui revient à dire, dans le langage biblique, de soi-même tout entier) à son conjoint. Le mariage, parce qu’il est le sacrement du don, est, par nature, un sacrement ouvert à l’action du Saint Esprit qui est par excellence le Don, ou mieux, le Don de soi réciproque du Père et du Fils. Il est la présence signifiante de l’Esprit qui fait, du mariage, un sacrement non seulement célébré, mais vécu.

Faire place au Christ dans sa vie de couple est le secret pour accéder à ces splendeurs du mariage chrétien. C’est en fait de lui que vient le Saint Esprit qui fait toutes choses nouvelles. Un livre de Mgr Fulton Sheen, populaire dans les années cinquante, enseignait tout cela dans le titre même qu’il portait : « Trois pour se marier »[12].

Il ne faut pas avoir peur de proposer à certains couples de futurs époux chrétiens, bien préparés, un objectif élevé : celui de prier un temps ensemble le soir de leur mariage, comme Tobie et Sara le firent, pour donner à Dieu Père la joie de voir de nouveau réalisé, grâce au Christ, son projet initial, quand Adam et Eve étaient nus l’un en face de l’autre et tous les deux devant Dieu et qu’ils n’en éprouvaient pas de honte.

Je termine avec ces quelques mots tirés, encore une fois, du livre « Le soulier de Satin » de Claudel. Il s’agit d’un dialogue entre la protagoniste féminine du drame, entre la peur et le désir de se rendre à l’amour et son ange gardien :

- Dona Prouhèze : Eh quoi ! Ainsi c’était permis ? Cet amour des créatures l’une pour l’autre, il est donc vrai que Dieu n’est pas jaloux ?

- L’Ange Gardien : Comment serait-il jaloux de ce qu’il a fait ?…

- Dona Prouhèze : L’homme entre les bras de la femme oublie Dieu.

- L’Ange Gardien : Est-ce l’oublier que d’être avec lui ? Est-ce ailleurs qu’avec lui d’être associé au mystère de sa création ?[13].

Traduit de l’italien par Zenit

[1] P. Claudel, Le soulier de satin, a. III. sc.8 (éd. La Pléiade, II, Parigi 1956, p. 804)

[2] B. Wannenwetsch, Mariage, in Dictionnaire Critique de Théologie, a cura di J.-Y. Lacoste, Parigi 1998, p. 700.

[3] Cf. G. Campanini, Matrimonio, in Dizionario di Teologia, Ed. San Paolo 2002, pp. 964 s.

[4] Jean-Paul II, Homme et femme il les créa. Catéchèses sur l’amour humain, Rome 1985.

[5] Cf. B. Griffin, Was Jesus a Philosophical Cynic ? [http://www-oxford.op.org/allen/html/acts.htm] ; C. Augias e M. Pesce, Inchiesta su Gesú, Mondadori, 2006, pp. 121 ss.

[6] E.P. Sanders, Gesù e il giudaismo, Marietti, 1992, pp.324 ss. ; J. Neusner, A Rabbi Talks with Jesus, McGill-Queen’s University Press, 2000, pp. 53-72.

[7] T. Anatrella, Définitions des termes du Néo-langage de la philosophie du Constructivisme et du genre, Pontificium Consilium pro Familia, Città del Vaticano, Novembre 2008.

[8] Jean-Paul II, Audience du 16 janvier 1980

[9] Benoît XVI, Enc. Deus caritas est, 11.

[10] Cf. Cf. H. Mühlen, Der Heilige Geist als Person. Ich -Du -Wir, Muenster, in W. 1966.

[11] Lucrezio, De rerum natura, IV,2 vv. 1104-1107.

[12] F. Sheen, Three to Get Married, Appleton-Century-Crofts 1951.

[13] P. Claudel, Le soulier de satin, a.III. sc.8 (éd. La Pléiade, II, Paris 1956, pp. 804)

De la miséricorde en famille, à la compassion pour toute la création

8 avril, 2008

04-04-2008, du site:
http://www.zenit.org/article-17651?l=french

De la miséricorde en famille, à la compassion pour toute la création 

Congrès mondial sur la miséricorde 

ROME, Vendredi 4 avril 2008 (ZENIT.org) – « Lorsque tu reviens vers ton père, cours ! et serre-le dans tes bras en comptant intérieurement jusqu’à sept » : la troisième journée du premier congrès mondial et apostolique sur la miséricorde divine, héritage spirituel de Jean-Paul II, a été marquée par le témoignage d’une religieuse italienne, Sr Elvira, qui a fondé, depuis 1983, plus d’une cinquantaine de communautés du Cénacle, présentes en Italie et en Bosnie, mais aussi en France, dans le diocèse de Tarbes-Lourdes. Un évêque orthodoxe russe a ensuite témoigné de la mystique de saint Isaac de Ninive qui éprouvait de la compassion pour toute la création. 

La communauté a présenté hier soir un spectacle représentant des scènes de l’Evangile, en plein air, Piazza Navona, au cœur de la Rome historique, devant l’église Sainte-Agnès dédiée à la pastorale des jeunes et à l’adoration eucharistique. 

Cette association chrétienne accueille des jeunes victimes de la drogue, de l’alcool, de la dépression, qui désirent se retrouver eux-mêmes et retrouver la joie et le sens de la vie. Elle leur propose un style de vie simple, familial, par la redécouverte du travail, dans l’amitié et la prière. 

Mais ce matin, avec la joie éclatante qui l’anime, sr Elvira a confié que la vie en famille, chez elle n’était pas facile, avec une maman qui était « une sainte », mais très exigeante, et un pape qui se retrouvait souvent sans travail et se comportait souvent avec violence. Il a fallu l’exercice de la miséricorde pour que les enfants cessent d’en vouloir à leur père. 

Mais cette expérience de la miséricorde, sr Elvira la propose en famille. Aux jeunes qui reviennent chez eux après un séjour en communauté, elle recommande de ne pas arriver à la maison en disant un simple « salut papa ». Elle leur dit de « courir » littéralement vers leur père et de l’embrasser, « de l’étreindre fortement, en comptant intérieurement jusqu’à sept » : un remède qui inévitablement bouleverse le père et l’enfant et fait passer la réconciliation, au-delà des paroles, mieux que des mots. Il faut le faire courageusement, sans attendre, disait-elle. Sinon, après, l’occasion est manquée. 

La matinée avait commencé, comme chaque jour du congrès par le chant des laudes, animées, comme la messe, présidée par Mgr Lori, évêque de Bridgeport, aux Etats-Unis, par la communauté des frères et des soeurs de l’Agneau. 

La conférence principale a été donnée par le cardinal Francis Arinze, nigérian, préfet de la congrégation romaine pour le Culte divin et la Discipline des sacrements. Le cardinal Arinze, qui a ensuite rencontré les quelque 50 délégués venus de son pays, a montré comment la liturgie de l’Eglise, liturgie eucharistique ou liturgie des heures est pour le chrétien un lieu de rencontre privilégiée avec le Christ vivant et où chacun est invité à venir puiser à la source de la miséricorde divine. 

Le second témoignage de la matinée a été donné par un hôte exceptionnel, l’évêque orthodoxe russe représentant du patriarcat de Moscou à Vienne et auprès de la Communauté européenne, Hilarion Alfeyev. L’évêque est un brillant théologien, professeur à Fribourg, mais aussi un musicien d’envergure, auteur notamment d’une Passion selon saint Matthieu donnée pour la première fois l’an dernier à Moscou puis à Rome, grâce au Conseil pontifical de la culture alors sous la houlette du cardinal Paul Poupard. 

L’évêque Hilarion a évoqué de façon approfondie la spiritualité d’Isaac le Syrien ou « de Ninive » (VIIe s.), grand mystique, et « l’un de plus grands théologiens de la tradition orthodoxe » à partir du thème « de l’amour et de la miséricorde »

Né dans le Qatar actuel, saint Isaac mourut au monastère de Rabban Shabour, aujourd’hui au nord du Kurdistan. Il avait été pendant quelque temps évêque de Ninive. Ermite dans le désert de Syrie et s’était rendu à Constantinople et il y avait joué un rôle important auprès de l’empereur, à une époque où la crise arienne avait laissé la ville sans monastères. Saint Isaac en restaura un grand nombre, ce qui lui valut d’être honoré comme un père des moines. 

Dans un exposé dense, de plus de 15 pages, en anglais, on trouvait même quelques accents modernes, quasi « écologiques » mais d’une écologie théologique fondée sur une théologie de la Création, quasi une mystique. En effet, expliquait l’évêque, saint Isaac s’interroge sur ce qu’est un « cœur miséricordieux ». Et Isaac répond en substance que c’est un cœur à l’image et la ressemblance de la miséricorde de Dieu qui embrasse la totalité de la création. Chez Dieu, il n’y a de haine pour personne, mais seulement un amour qui embrasse tout, car chaque être crée est précieux aux yeux de Dieu qui prend soin de chaque créature, et chacun trouve en lui un Père plein d’amour. 

« C’est un cœur, explique en effet saint Isaac, qui brûle pour toute la création, les hommes, les oiseaux, les animaux, les démons et pour toute chose crée. Et pour leur restauration, les yeux d’un homme de miséricorde verse des larmes abondantes. Du fait de sa miséricorde forte et véhémente, qui saisit son cœur et de sa grande compassion, son cœur s’humilie et il ne peut pas supporter d’entendre ou de voir des blessures ou la moindre tristesse dans la création. C’est pourquoi il offre continuellement des prières accompagnées de larmes même pour des bêtes sans raison, pour les ennemis de la vérité, et pour ceux qui le blessent, afin qu’ils soient protégés et obtiennent miséricorde. Et de même, il prie aussi pour la famille des reptiles, en raison de la grande compassion qui brûle démesurément dans son cœur fait à l’image de Dieu »

Anita S. Bourdin

Présentation du message de Benoît XVI pour la paix, par le card. Martino et Mgr Crepaldi

2 janvier, 2008

du site: 

http://www.zenit.org/article-16845?l=french

« Famille humaine », jalons pour l’histoire d’un concept

Présentation du message de Benoît XVI pour la paix, par le card. Martino et Mgr Crepaldi

ROME, Mardi 11 décembre 2007 (ZENIT.org) – Le concept de « famille humaine » s’est enrichi au fur et à mesure des années et du développement des textes du magistère : il passe peu à peu dans les interventions inernationales.

En effet, lors de l’échange avec les journalistes, à la suite de la présentation du message du pape Benoît XVI pour la Journée mondiale pour la paix, le 1er janvier 2008, « Famille humaine, communauté de paix », le président du Conseil pontifical justice et paix, le cardinal Renato Raffaele Martino et le secrétaire de ce même dicastère, Mgr Giampaolo Crepaldi ont rappelé l’origine de ce concept.

Le pape Pie XII, rappelait Mgr Crepaldi, a fortement insisté, dans différentes interventions, en particulier ses radio-messages de 1941 et 1944 sur « l’unité du genre humain ».

L’encyclique du pape Jean XXIII, « Pacem in Terris », développe aussi un tel concept. Il dit par exemple : « Il est permis d’espérer que les peuples, intensifiant entre eux les relations et les échanges, découvriront mieux les liens d’unité qui découlent de leur nature commune ; ils comprendront plus parfaitement que l’un des devoirs primordiaux issus de leur communauté de nature, c’est de fonder les relations des hommes et des peuples sur l’amour et non sur la crainte » (n. 129).

Le concile Vatican II reprendra cet enseignement. Dès son avant-propos par exemple, la constitution pastorale « Gaudium et Spes » sur « l’Eglise dans le monde de ce temps » titre : « Etroite solidarité de l’Eglise avec l’ensemble de la famille humaine ».

Le pape Jean-Paul II, qui n’était pas sans avoir dans l’oreille le slogan soviétique de « l’amitié entre les peuples » (la fameuse « Droujba Narodov »), a lui-même développé et précisé encore le concept notamment dans son discours du 4 octobre 1995 au siège de l’ONU à New York.

Jean-Paul II disait : « En parlant devant cette Assemblée distinguée, l’occasion m’est offerte de m’adresser, en quelque sorte, à toute la famille des peuples qui vivent sur la terre ».

Tout le paragraphe 14 est consacré au concept de « famille des nations ». Jean-Paul II dit notamment : « Il convient que l’Organisation des Nations Unies s’élève toujours plus du stade d’une froide institution de type administratif à celui de centre moral, où toutes les nations du monde se sentent chez elles, développant la conscience commune d’être, pour ainsi dire, une « famille des nations ». »

Le pape expliquait en effet que « le concept de « famille » évoque immédiatement quelque chose qui va au-delà des seuls rapports fonctionnels et de la seule convergence des intérêts. Par sa nature, la famille est une communauté fondée sur la confiance réciproque, sur le soutien mutuel, sur le respect sincère. Dans une famille authentique, il n’y a pas de domination des forts ; au contraire, les membres les plus faibles sont, précisément en raison de leur faiblesse, doublement accueillis et servis ».

« J’étais là », rappelait le cardinal Martino, alors, et pendant 16 ans, observateur permanent du Saint-Siège à l’ONU. Il relevait le terme de « grammaire » employée par le pape Wojtyla, à propos de la Loi naturelle : « La loi morale universelle, écrite dans le coeur de l’homme, est, en quelque sorte, la « grammaire » qui sert au monde pour aborder le débat sur son avenir même ».

Le cardinal Martino a reconnu que le concept, employé dans les nombreuses interventions à l’ONU et dans celles des autres représentant du Saint-Siège dans des instances internationales fait peu à peu son chemin au fil des années.

Cette insistance fait que quelque chose passe aussi dans les « discours des autres délégués », reconnaissait le cardinal Martino. C’est notre « mission » disait-il, de « faire comprendre à tous que nous appartenons à la même famille ».

Enfin, Mgr Crepaldi faisait noter que le concept s’est affiné au cours des messages annuels des papes pour la Journée mondiale de la paix, instituée, Benoît XVI le rappelle aussi, par Paul VI, en 1968. Il a publié 11 messages pour cette journée, de 1968 à 1978.

Paul VI instituait cette journée en disant aux « vrais amis de la paix »: « la proposition de consacrer à la paix le premier jour de l’année nouvelle ne se présente donc pas, dans Notre idée, comme exclusivement religieuse et catholique ; elle voudrait trouver l’adhésion de tous les vrais amis de la paix, comme s’il s’agissait d’une initiative qui leur est propre; elle devrait s’exprimer dans des formes libres, conformes au caractère particulier de chacun de ceux qui comprennent combien est beau et important, dans le concert varié de l’humanité moderne, l’accord de toutes les voix dans le monde pour exalter ce bien fondamental qu’est la paix ».

Le pape Jean-Paul II a pour sa part publié 27 messages pour cette même Journée mondiale, de 1979 à 2005.

Anita S. Bourdin