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HOMÉLIE DU PAPE JEAN PAUL II MESSE POUR LA JOURNÉE DU PARDON DE L’ANNÉE SAINTE 2000

7 décembre, 2015

http://w2.vatican.va/content/john-paul-ii/en/homilies/2000/documents/hf_jp-ii_hom_20000312_pardon.html  

HOMÉLIE DU PAPE JEAN PAUL II MESSE POUR LA JOURNÉE DU PARDON DE L’ANNÉE SAINTE 2000

Dimanche 12 mars 2000

1. « Nous vous en supplions au nom du Christ:  laissez-vous réconcilier avec Dieu. Celui qui n’avait pas connu le péché, Il l’a fait péché pour nous, afin qu’en lui nous devenions justice de Dieu » (2 Co 5, 20-21). Ce sont des paroles de saint Paul, que l’Eglise relit chaque année, le Mercredi des Cendres, au début du Carême. Au cours du Carême, l’Eglise désire s’unir de façon particulière au Christ, qui, mû intérieurement par l’Esprit Saint, entreprit sa mission messianique en se rendant dans le désert et là, jeûna pendant quarante jours et quarante nuits (cf. Mc 1, 12-13). Au terme de ce jeûne, il fut tenté par satan, comme le rapporte de façon synthétique, dans la liturgie d’aujourd’hui, l’évangéliste Marc (cf. 1, 13). Matthieu et Luc, au contraire, évoquent plus amplement ce combat du Christ dans le désert et de sa victoire définitive sur le tentateur:  « Retire-toi, Satan! Car il est écrit:  C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, et à Lui seul tu rendras un culte » (Mt 4, 10). Celui qui parle ainsi est Celui « qui n’avait pas connu le péché » (2 Co 5, 21), Jésus, « le Saint de Dieu » (Mc 1, 24). 2. « Celui qui n’avait pas connu le péché, Il [Dieu] l’a fait péché pour nous » (2 Co 5, 21). Il y a peu de temps, au cours de la seconde Lecture, nous avons écouté cette affirmation surprenante de l’Apôtre. Que signifient ces paroles? Elles semblent un paradoxe, et effectivement, elles le sont. Comment Dieu, qui est la sainteté même, a-t-il pu « faire péché » son Fils unique, envoyé dans le monde? Et pourtant, c’est précisément ce que nous lisons dans le passage de la seconde Epître de saint Paul aux Corinthiens. Nous nous trouvons face à un mystère:  mystère à première vue déconcertant, mais inscrit en lettres claires dans la Révélation divine. Déjà dans l’Ancien Testament, le Livre d’Isaïe en parle avec une prévoyance inspirée dans le quatrième chant du Serviteur de Yahvé:  « Tous, comme des moutons, nous étions errants, chacun suivant son propre chemin, et Yahvé a fait retomber sur lui nos fautes à nous » (Is 53, 6). Le Christ, le Saint, tout en étant absolument sans péché, accepte de prendre sur lui nos péchés. Il accepte pour nous racheter; il accepte d’assumer nos péchés, pour accomplir la mission reçue du Père, qui – comme l’écrit l’évangéliste Jean – « a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui [...] ait la vie éternelle » (Jn 3, 16). 3. Face au Christ qui, par amour, a assumé nos fautes, nous sommes tous invités à un profond examen de conscience. L’un des éléments caractéristiques du grand Jubilé réside dans ce que j’ai qualifié de « purification de la mémoire » (Bulle Incarnationis mysterium, n. 11). Comme Successeur de Pierre, j’ai demandé que « en cette année de miséricorde, l’Eglise, forte de la sainteté qu’elle reçoit de son Seigneur, s’agenouille devant Dieu et implore le pardon des péchés passés et présents de ses fils » (ibid.). Ce premier dimanche de Carême m’a semblé une occasion propice afin que l’Eglise, recueillie spirituellement autour du Successeur de Pierre, implore le pardon divin pour les fautes de tous les croyants. Pardonnons et demandons pardon! Cet appel a suscité dans la communauté ecclésiale une réflexion approfondie et utile, qui a conduit à la publication, ces jours derniers, d’un document de la Commission théologique internationale, intitulé:  « Mémoire et réconciliation:  l’Eglise et les fautes du passé ». Je remercie tous ceux qui ont contribué à l’élaboration de ce texte. Celui-ci est très   utile   pour   une   juste   compréhension et application de la véritable demande de pardon, fondée sur la responsabilité objective qui unit les chrétiens en tant que membres du Corps mystique, et qui pousse les fidèles d’aujourd’hui à reconnaître, avec les leurs, les fautes des chrétiens d’hier, à la lumière d’un discernement historique et théologique attentif. En effet, « en raison du lien qui, dans le Corps mystique, nous unit les uns aux autres, nous tous, bien que nous n’en ayons pas la responsabilité personnelle et sans nous substituer au jugement de Dieu qui seul connaît les coeurs, nous portons le poids des erreurs et des fautes de ceux qui nous ont précédés » (Incarnationis mysterium, n. 11). Reconnaître les déviations du passé sert à réveiller nos consciences face aux compromis du présent, ouvrant à chacun la voie de la conversion. 4. Pardonnons et demandons pardon! Tandis que nous rendons grâces à Dieu qui, dans son amour miséricordieux, a suscité dans l’Eglise une récolte merveilleuse de sainteté, d’ardeur missionnaire, de dévouement total au Christ et au prochain, nous ne pouvons manquer de reconnaître les infidélités à l’Evangile qu’ont commises certains de nos frères, en particulier au cours du second millénaire. Demandons pardon pour les divisions qui sont intervenues parmi les chrétiens, pour la violence à laquelle certains d’entre d’eux ont eu recours dans le service à la vérité, et pour les attitudes de méfiance et d’hostilité adoptées parfois à l’égard des fidèles des autres religions. Confessons, à plus forte raison, nos responsabilités de chrétiens pour les maux d’aujourd’hui. Face à l’athéisme, à l’indifférence religieuse, au sécularisme, au relativisme éthique, aux violations du droit à la vie, au manque d’intérêt pour la pauvreté de nombreux pays, nous ne pouvons manquer de nous  demander  quelles  sont  nos  responsabilités. Pour la part que chacun d’entre nous, à travers ses comportements, a eue dans ces maux, contribuant à défigurer le visage de l’Eglise, nous demandons humblement pardon. Dans le même temps, tandis que nous confessons nos fautes, nous pardonnons les fautes commises par les autres à notre égard. Au cours de l’histoire, en d’innombrables occasions, les chrétiens ont dû subir des vexations, des violences et des persécutions en raison de leur foi. L’Eglise d’aujourd’hui et de toujours se sent engagée à purifier la mémoire de ces tristes événements de tout sentiment de rancoeur ou de revanche. Le Jubilé devient ainsi pour tous une occasion propice pour une profonde conversion à l’Evangile. De l’accueil du pardon divin jaillit l’engagement au pardon des frères et à la réconciliation réciproque. 5. Mais que signifie pour nous le terme « réconciliation »? Pour en saisir le sens et la valeur exacte, il faut d’abord se rendre compte de la possibilité de la division, de la séparation. Oui, l’homme est la seule créature sur terre qui puisse établir une relation de communion  avec  son  Créateur,  mais elle est également l’unique à pouvoir s’en séparer. Malheureusement, l’homme s’est effectivement souvent éloigné de Dieu. Heureusement, de nombreuses personnes, comme le fils prodigue, dont parle l’Evangile de Luc (cf. Lc 15, 13), après avoir abandonné la maison paternelle et dilapidé l’héritage reçu, touchent le fond, se rendent compte de ce qu’ils ont perdu (cf. Lc 15, 13-17). Ils entreprennent alors la voie du retour:  « Je veux partir, aller vers mon père et lui dire:  Père, j’ai péché … » (Lc 15, 18). Dieu, bien représenté par le père de la parabole, accueille chaque fils prodigue qui retourne vers Lui. Il l’accueille à travers le Christ, dans lequel le pécheur peut redevenir « juste » de la justice de Dieu. Il l’accueille, parce qu’il a fait péché en notre faveur son Fils éternel. Oui, ce n’est qu’à travers le Christ que nous pouvons devenir justice de Dieu (cf. 2 Co 5, 21). 6. « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique ». Telle est, en synthèse, la signification du mystère de la rédemption du monde! Il faut se rendre compte jusqu’au bout de la valeur du grand don que le Père nous a fait en Jésus. Il faut que devant les yeux de notre âme se présente le Christ – le Christ du Gethsémani, le Christ flagellé, couronné d’épines, portant la Croix, et à la fin, crucifié. Le Christ a pris sur lui le poids des péchés de tous les hommes, le poids de nos péchés, afin que nous puissions, en vertu de son sacrifice salvifique, être réconciliés avec Dieu. Saul de Tarse, devenu saint Paul, se présente aujourd’hui devant nous comme témoin:  il a ressenti de façon singulière la puissance de la Croix sur la route de Damas. Le Ressuscité s’est manifesté à lui dans toute sa puissance aveuglante:  « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu?… Qui es-tu, Seigneur?… Je suis Jésus que tu persécutes » (Ac 9, 4-5). Paul, qui ressentit si fortement la puissance de la Croix du Christ, s’adresse aujourd’hui à nous à travers une fervente prière:  « Nous vous exhortons à ne pas recevoir en vain la grâce de Dieu ». Cette grâce nous est offerte, insiste saint Paul, par Dieu lui-même, qui nous dit aujourd’hui:  « Au moment favorable, je t’ai exaucé; au jour  du  salut,  je  t’ai  secouru »  (2 Co 6, 1-2). Que Marie, Mère du pardon, nous aide à accueillir la grâce du pardon que le Jubilé nous offre avec abondance. Qu’elle fasse que le Carême de cette extraordinaire Année Sainte soit pour tous les croyants et pour chaque homme qui recherche Dieu, le moment favorable, le temps de la réconciliation, le temps du salut!

QU’EST-CE QUE LE JUBILE? – (LE JUBILÉ DE L’AN 2000)

26 novembre, 2015

http://www.vatican.va/jubilee_2000/docs/documents/ju_documents_17-feb-1997_history_fr.html

QU’EST-CE QUE LE JUBILE? -  (LE JUBILÉ DE L’AN 2000)

Dans la tradition catholique, le Jubilé est un grand événement religieux. C’est l’année de la rémission des péchés et des peines pour les péchés, c’est l’année de la réconciliation entre les adversaires, de la conversion et de la pénitence sacramentelle, et, en conséquence, de la solidarité, de l’espérance, de la justice, de l’engagement au service de Dieu dans la joie et dans la paix avec ses frères. L’Année jubilaire est avant tout l’année du Christ, porteur de vie et de grâce à l’humanité. Ses origines se relient à l’Ancien Testament. La loi de Moïse avait fixé, pour le peuple hébreu, une année particulière: « Vous déclarerez sainte cette cinquantième année et proclamerez l’affranchissement de tous les habitants du pays. Ce sera pour vous un jubilé: chacun de vous rentrera dans son patrimoine, chacun de vous retournera dans son clan. Cette cinquantième année sera pour vous une année jubilaire: vous ne sèmerez pas, vous ne moissonnerez pas les épis qui n’auront pas été mis en gerbe, vous ne vendangerez pas les ceps qui auront poussé librement. Le jubilé sera pour vous chose sainte, vous mangerez des produits des champs. En cette année jubilaire, vous rentrerez chacun dans votre patrimoine » (Lév 25, 10-13). La trompette avec laquelle on annonçait cette année particulière était une corne de bélier, qui s’appelle « yôbel » en hébreu, d’où la parole « Jubilé ». La célébration de cette année comportait, entre autres choses, la restitution des terres à leurs anciens propriétaires, la rémission des dettes, la libération des esclaves, et le repos de la terre. Dans le Nouveau Testament, Jésus se présente comme Celui qui amène à son accomplissement le Jubilé antique, puisqu’il est venu « prêcher l’année de grâce du Seigneur » (cf. Is 61, 1-2). Le Jubilé de l’An 2000 revêt une importance spéciale parce que, le compte des années se faisant presque partout en partant de la venue du Christ dans le monde, on célèbre les deux mille ans de la naissance du Christ (en laissant de côté la question de l’exactitude du calcul historique). Bien plus, il s’agit de la première Année Sainte à cheval entre la fin d’un millénaire et le début d’un autre: le premier Jubilé, en effet, fut convoqué en 1300 par le Pape Boniface VIII. Le Jubilé de l’An 2000 veut être ainsi une grande prière de louange et d’action de grâce pour le don de l’Incarnation du Fils de Dieu et de la Rédemption qu’il a réalisée. Le Jubilé est appelé communément « Année Sainte », non seulement parce qu’il commence, se déroule et se conclut par des rites sacrés, mais aussi parce qu’il est destiné à promouvoir la sainteté de vie. Il a été institué en effet pour consolider la foi, favoriser les oeuvres de solidarité et la communion fraternelle au sein de l’Eglise et dans la société, pour rappeler et encourager les croyants à une profession de foi plus sincère et plus cohérente dans le Christ unique Sauveur. Le Jubilé peut être: ordinaire, s’il est lié aux dates fixées; extraordinaire, s’il est convoqué à l’occasion d’un événement de particulière importance. Les Années Saintes ordinaires célébrées jusqu’à nous sont au nombre de 25; l’Année Sainte de l’an 2000 sera la vingt-sixième. L’habitude de convoquer des Jubilés extraordinaires remonte au XVI· siècle: leur durée varie, de quelques jours à une année. Les dernières Années Saintes extraordinaires de ce siècle sont celle de 1933, convoquée par Pie XI pour le XIX· centenaire de la Rédemption, de 1983, convoqué par le Pape Jean Paul II pour le 1950· anniversaire de la Rédemption. En 1987, le Pape Jean Paul II a convoqué également une Année Mariale.

HISTOIRE DES JUBILES Le premier Jubilé ordinaire fut convoqué en 1300 par le Pape Boniface VIII, de la noble famille des Caetani, avec la Bulle « Antiquorum Habet Fida Relatio ». L’occasion lointaine remonte au courant de spiritualité, de pardon, de fraternité qui se répandait alors dans toute la chrétienté, en opposition aux haines et aux violences qui prédominaient à cette époque. L’occasion immédiate est de se rallier à la rumeur, qui avait commencé à circuler en décembre 1299, selon laquelle, durant l’année du centenaire, les visiteurs de la Basilique Saint-Pierre recevraient une « rémission très complète de leurs péchés ». L’énorme affluence des pèlerins à Rome amenèrent le Pape Boniface VIII à accorder l’indulgence pendant toute l’année 1300, et, à l’avenir, tous les cent ans. Parmi les pèlerins de ce premier Jubilé, il faut citer: Dante, Cimabue, Giotto, Charles de Valois frère du Roi de France, avec son épouse Catherine. Dante Alighieri en conserva un écho dans plusieurs vers du XXXI· Chant du Paradis, dans la « Divine Comédie ». Après le transfert du siège du Pape à Avignon (1305-1377) de nombreuses demandes furent faites pour que le deuxième Jubilé soit convoqué en 1350 et non pas en 1400. Clément VII accepta et fixa l’échéance tous les 50 ans. Aux Basiliques Saint-Pierre et Saint-Paul Hors-les-Murs qu’il fallait visiter, il ajouta celle du Latran. Par la suite, Urbain VI décida de fixer l’échéance à 33 ans, en référence au temps de la vie terrestre du Christ. A sa mort, le nouveau Pontife, Boniface IX, inaugura l’Année Sainte de 1390. L’approche de la fin du siècle, et l’afflux constant des pèlerins l’amenèrent à convoquer un nouveau Jubilé en 1400. Le schisme d’Occident s’étant terminé, Martin V convoqua l’Année Sainte pour 1425, et introduisit deux nouveautés: la frappe d’une médaille commémorative, et l’ouverture de la Porte Sainte à Saint Jean de Latran. Selon ce qui avait été fixé par Urbain VI, le nouveau Jubilé aurait dû être célébré en 1433, mais il n’en fut pas ainsi. Sous le Pontificat de Nicolas V, un Jubilé fut convoqué pour 1450. Paul II, par une Bulle de 1470, établit que, à l’avenir, le Jubilé se déroulerait tous les 25 ans. Sixte IV convoqua ainsi la Jubilé suivant, en 1475: pour cette occasion, le Pape voulut que Rome soit embellie avec des oeuvres nouvelles et importantes, dont la Chapelle Sixtine et le Ponte Sixte sur le Tibre. En ce temps, les plus grands artistes de l’époque travaillaient à Rome: Verrochio, Signorelli, Ghirlandaio, Botticelli, Perugino, Pinturicchio, Melozzo da Forli. En 1500, Alexandre VI voulut que les Portes Saintes des quatre Basiliques soient ouvertes en même temps, tout en se réservant l’ouverture de la Porte Sainte de Saint-Pierre. Clément VII ouvrit solennellement, le 25 décembre 1524, le neuvième Jubilé, pendant lequel commença à se faire sentir la grande crise qui, en peu de temps, allait envahir l’Europe, avec la réforme protestante. Le Jubilé de 1550 fut convoqué par Paul III, mais ce fut Jules III qui en fit l’ouverture. L’afflux considérable des pèlerins causa un grand nombre de problèmes d’aide, auxquels pourvut tout particulièrement Saint Philippe Néri avec la « Fraternité de la Sainte Trinité ». En 1575, sous le Pontificat de Grégoire XIII, plus de 300.000 personnes de toute l’Europe vinrent à Rome. Les Années Saintes successives du XVII· siècle furent convoquées par Clément VIII (1600), Urbain VIII (1625), Clément X (1675). A Innocent X, promoteur du Jubilé de 1700, est liée une des plus grandes caritatives de Rome: l’hôpital saint Michel à Ripa. Dans le même temps, les initiatives se multipliaient pour faire face aux besoins des pèlerins, comme ce fut le cas en 1725, sous le Pontificat de Benoît XIII. Saint Leonardo da Porto Maurizio fut le prédicateur infatigable de l’Année Sainte de 1750 (convoquée par Benoît XIV); il fit édifier au Colisée 14 chapelles pour la pieuse pratique du Chemin de Croix, et une grande croix au milieu de l’arène. Clément XIV promulgua le Jubilé pour 1775, mais il ne put l’ouvrir car il mourut trois mois avant l’ouverture solennelle, qui fut faite par le nouveau Pontife Pie VI. La situation difficile de l’Eglise au temps de l’hégémonie de Napoléon ne permit pas à Pie VII de convoquer un Jubilé pour 1800. Plus d’un demi million de personnes vinrent à Rome en 1825: Léon XII remplaça la visite habituelle des fidèles à Saint-Paul Hors-les-Murs, détruite par l’incendie de 1823, par la visite à la Basilique mineure de Sainte-Marie au Transtévère. Vingt-cinq ans plus tard, le déroulement de l’Année Sainte ne fut pas permis à cause des événements survenus avec la République Romaine et l’exil temporaire de Pie IX. Ce même Pontife put toutefois convoquer le Jubilé de 1875, privé des cérémonies d’ouverture et de fermeture de la Porte Saine à cause de l’occupation de Rome par les troupes de Victor Emmanuel II Il revint à Léon XIII de convoquer le vingt-deuxième Jubilé pour le début du XX· siècle de l’ère chrétienne; il fut marqué par six Béatifications et par deux Canonisations (celles de Saint Jean-Baptiste de La Salle, et de Sainte Rita de Cascia). En 1925, Pie XI voulut, que, en même temps que l’Année Sainte, on proposât à l’attention des fidèles l’oeuvre précieuse des Missions, et il invita les fidèles, pour gagner les indulgences, à prier pour la paix entre les peuples. En 1950, quelques années après la fin de deuxième guerre mondiale, Pie XII promulgua le nouveau Jubilé en indiquant ses buts: la sanctification des âmes par la prière et la pénitence, et par la fidélité indéfectible au Christ et à son Eglise; action pour la paix, et protection des Lieux Saints; défense de l’Eglise contre les attaques renouvelées de ses ennemis, et demande fervente de la vraie foi pour ceux qui sont dans l’erreur, pour les infidèles, pour les sans-Dieu; réalisation de la justice sociale et d’oeuvres d’assistance en faveur des humbles et des nécessiteux. Durant cette Année, il y eut la proclamation du Dogme de l’Assomption au ciel de la Vierge Marie (1· novembre 19590). Le dernier Jubilé ordinaire en date est celui de 1975, et fut convoqué par Paul VI qui présenta de manière synthétique ses objectifs par les paroles: « Renouveau » et « Réconciliation ».

TERTIO MILLENIO ADVENIENTE Le 10 novembre 1994, le Pape a promulgué la Lettre Apostolique Tertio Millenio Adveniente, adressée à l’Episcopat, a u clergé, aux religieux et aux fidèles, à propos de la préparation en vue du Jubilé de l’An 2000. Le document comprend une brève introduction et cinq chapitres. L’introduction présente l’argument central: la célébration du Jubilé est la célébration de l’Incarnation rédemptrice du Fils de Dieu, Jésus-Christ. Le premier chapitre « Jésus-Christ est le même hier et aujourd’hui », souligne la signification et l’importance de la naissance de Jésus-Christ. Il est le Fils de Dieu, il s’est fait l’un de nous pour révéler le dessein de Dieu concernant la création tout entière et, en particulier, concernant l’homme. C’est là le point essentiel qui différencie le christianisme des autres religions: c’est Dieu lui-même qui en personne veut parler de lui à l’homme, et lui montrer la voie sur laquelle il est possible de le rejoindre. L’Incarnation de Jésus-Christ témoigne que Dieu cherche l’homme pour l’amener à abandonner les voies du mal. Ce sauvetage se réalise grâce au sacrifice du Christ lui-même sur la croix. La religion de l’Incarnation est ainsi la religion de la Rédemption. Le deuxième chapitre « Le Jubilé de l’An 2000″ présente les raisons de l’Année Sainte et de cette fin de millénaire en particulier. Dieu, par l’Incarnation, s’est inséré au sein de l’histoire de l’homme. L’éternité est entrée dans le temps, et manifeste que le Christ est le Seigneur du temps. Pour cette raison, dans le christianisme, le temps a une importance fondamentale, et il en découle le devoir de le sanctifier. Sur ce fond, on peut comprendre la coutume des Jubilés, qui a ses débuts dans l’Ancien Testament et retrouve sa continuation dans l’histoire de l’Eglise. Le Jubilé, pour l’Eglise, est une année de grâce du Seigneur, une année de la rémission des péchés et des peines dues aux péchés, une année de réconciliation entre tous les adversaires. Dans la vie de chaque personne, les Jubilés sont liés à la date de la naissance, et, pour les chrétiens, il y a aussi d’autres anniversaires, le Baptême, la Confirmation, la première Communion, l’Ordination sacerdotale ou épiscopale, le Mariage. Mais la communauté, elle aussi, et les institutions, célèbrent leurs jubilés: et tous, les jubilés personnels ou communautaires, religieux ou civils, revêtent un rôle important et significatif. Dans ce contexte, les deux mille ans écoulés depuis la naissance du Christ représentent un Jubilé extraordinairement grand, non seulement pour les chrétiens, mais aussi pour l’humanité tout entière, étant donné le rôle de premier plan joué par le christianisme durant ces deux millénaires. Le troisième chapitre « La préparation du Grand Jubilé », souligne les différents événements qui ont marqué et qui marquent le chemin de préparation vers l’An 2000. Avant tout, le Concile Vatican II, événement providentiel « centré sur le mystère du Christ et de son Eglise, et en même temps ouvert au monde », grâce auquel l’Eglise a acheminé la préparation prochaine pour le Jubilé du deuxième millénaire. La meilleure préparation à l’échéance bi-millénaire de la naissance du Christ, affirme le Pape, sera précisément l’engagement renouvelé de mettre en pratique l’enseignement du Concile dans la vie de chacun et dans la vie de l’Eglise tout entière. Dans le chemin de préparation à l’an 2000, s’insère la série des Synodes, commencée après le Concile: synodes généraux et continentaux, régionaux, nationaux et diocésains. Le thème de fond est celui de l’évangélisation. Des tâches spécifiques et la responsabilité reviennent à l’Evêque de Rome en vue du Grand Jubilé: c’est dans cette perspective qu’ont travaillé tous les Pontifes du siècle qui est sur le point de se terminer, en particulier avec les Encycliques à fond social, et les Messages pour la Journée de la Paix, qui ont été publiés à partir de 1968. En outre, le Pontife actuel, dès sa première Encyclique, « Redemptor Hominis », a parlé de manière explicite de l’Année Sainte de l’An 2000, en invitant à vivre cette période d’attente comme « un nouvel Avent ». C’est vers ce but que se sont orientés, et qu’ils continueront de s’orienter, les pèlerinages du Pape dans les Eglises particulières de tous les continents: le Pape Jean Paul II souhaite pouvoir visiter, avant l’An 2000, Sarajévo, le Liban, Jérusalem et la Terre Sainte, et « tous ces lieux qui se trouvent sur le chemin du Peuple de Dieu de l’Ancienne Alliance, depuis les terres parcourues par Abraham et par Moïse, en traversant l’Egypte et le Mont Sinaï, jusqu’à Damas » (T.M.A., 23). Les Jubilés locaux ou régionaux pour la célébration d’anniversaires importants, ont leur rôle à jouer dans la préparation du Grand Jubilé, qui recueille également les fruits des précédentes Années Saintes de cette fin de siècle – le Jubilé ordinaire de 1975 décrété par Paul VI, et le Jubilé extraordinaire de 1983 , décrété par Jean Paul II; les fruits de l’Année Mariale 1987-1988 et de l’Année de la Famille, dont le contenu se relie étroitement au mystère de l’Incarnation et à l’histoire elle-même de l’homme. Le quatrième chapitre de la Lettre Apostolique « La préparation immédiate », envisage un programme spécifique d’initiatives pour le Grand Jubilé, par deux phases: la première phase (1994-1996), à « caractère anté-préparatoire, a eu pour but de raviver chez les chrétiens la conscience de la valeur et de la signification que le Jubilé de l’An 2000 revêt dans l’histoire humaine » (n· 31). La deuxième phase (1997-1999), la phase proprement préparatoire, est orientée vers la célébration du mystère du Christ Sauveur. La structure idéale pour ces trois années est trinitaire: 1997 est consacrée à la réflexion sur le Christ; l’année 1998 est consacrée au Saint-Esprit et à sa présence sanctificatrice à l’intérieur des Eglises; l’année 1999 sera centrée sur le Père, par qui le Christ a été envoyé et auquel il est retourné. Les traits principaux soulignés par le Pape Jean Paul II sont les suivants, pour ce chemin de préparation: Une dimension historique de la conscience: « La porte Sainte du Jubilé de l’An 2000 devra être symboliquement plus large que les précédentes car l’humanité, arrivée à ce terme, laissera derrière elle non seulement un siècle mais un millénaire. Il est bon que l’Eglise franchisse ce passage en étant clairement consciente de ce qu’elle a vécu au cours de ces dix derniers siècles. Elle ne peut passer le seuil du nouveau millénaire sans inciter ses fils à se purifier, dans la repentance, des erreurs, des infidélités, des incohérences, des lenteurs » (n· 33). Une exigence oecuménique que le Pape rappelle partout dans sa Lettre, en invitant à des initiatives oecuméniques opportunes, afin que les différentes confessions chrétiennes puissent se présenter au Grand Jubilé, sinon totalement unies, du moins proches à surmonter les divisions historiques. Mais aussi parce que les péchés qui ont porté préjudice à l’unité exigent un effort plus grand de pénitence et de conversion. Un effort social, selon la description contenue dans la Bible, qui met en relief l’inspiration sociale de la pratique jubilaire (destination universelle des biens, le retour à l’égalité entre tous les enfants d’Israël). La mémoire des Martyrs: une Eglise qui ne se rappelle pas ses martyrs d’hier ou qui ne reconnaît plus ses martyrs d’aujourd’hui, ne peut revendiquer l’honneur d’être l’Eglise du Christ. Et là, le Pape Jean Paul II déclare: « En notre siècle, les martyrs sont revenus… Il faut éviter de perdre leur témoignage dans l’Eglise » (n· 37). Il est prévu, pour cette raison, de mettre à jour les martyrologes, en particulier pour la reconnaissance de l’héroïcité des vertus des hommes et des femmes qui ont réalisé leur vocation chrétienne dans le mariage. Pour ce qui concerne les trois années de la phase préparatoire, durant l’année 1997, l’Eglise s’emploiera à amener les chrétiens à la redécouverte de la Bible, du Baptême, de la catéchèse, pour regarder vers l’objectif prioritaire du Jubilé, le renforcement de la foi et du témoignage des chrétiens. En 1998, on cherchera à redécouvrir la présence et l’action du Saint-Esprit, agent principal de la nouvelle évangélisation, en mettant en valeur les signes d’espérance qui sont présents en cette fin de siècle, dans le domaine civil et ecclésial. La troisième et dernière année de préparation, selon les indications du Pape Jean Paul II, devra amener à entreprendre un chemin de conversion authentique, en redécouvrant le sacrement de Pénitence, et en mettant en relief la vertu théologale de Charité; on soulignera l’option préférentielle de l’Eglise en faveur des pauvres et des exclus. Le Jubilé pourrait être un moment opportun pour penser « à une réduction importante, sinon à un effacement total, de la dette internationale » (n· 51). La veille de l’An 2000 , en outre, sera une grande occasion pour le dialogue inter-religieux; on pourrait prévoir des rencontres entre représentants des grandes religions mondiales. La célébration du Grand Jubilé se fera simultanément en Terre Sainte, à Rome et dans les Eglises locales du monde entier. Dans la phase de célébration , l’objectif sera la glorification de la Trinité. A Rome, se tiendra le Congrès Eucharistique International. La dimension oecuménique et universelle pourrait être soulignée par une rencontre pan-chrétienne. Le cinquième et dernier chapitre de Tertio Millenio Adveniente « Jésus-Christ est le même … à jamais », exalte la mission de l’Eglise, appelée à continuer l’oeuvre même du Christ. L’Eglise, comme le grain de sénevé de l’Evangile, croît jusqu’à devenir un arbre immense, capable de couvrir de ses frondaisons toute l’humanité. Depuis les temps apostoliques, elle poursuit sans relâche sa mission de salut à l’intérieur de la famille humaine universelle. Avec la chute des grands systèmes anti-chrétiens dans le continent européen, du nazisme tout d’abord, puis du communisme, la tâche urgente s’impose de présenter à nouveau à l’Europe le message libérateur de l’Evangile, et l’attention de l’Eglise se tourne de manière toute particulière vers les jeunes générations.