LOURDES XVIII JOURNÉE MONDIALE DU MALADE – HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI
20 octobre, 2015MÉMOIRE DE LA BIENHEUREUSE VIERGE MARIE DE LOURDES XVIII JOURNÉE MONDIALE DU MALADE
HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI
Basilique Vaticane
Jeudi 11 février 2010
Messieurs les cardinaux, vénérés frères dans l’épiscopat, chers frères et sœurs!
Les Evangiles, dans les descriptions synthétiques de la brève, mais intense vie publique de Jésus, attestent qu’il annonce la Parole et accomplit des guérisons de malades, signe par excellence de la proximité du Royaume de Dieu. Matthieu écrit par exemple: « Il parcourait toute la Galilée, enseignant dans leurs synagogues, proclamant la Bonne Nouvelle du Royaume et guérissant toute maladie et toute langueur parmi le peuple » (Mt 4, 23; cf. 9, 35). L’Eglise, à laquelle est confié le devoir de prolonger dans l’espace et dans le temps la mission du Christ, ne peut manquer d’accomplir ces deux œuvres essentielles: l’évangélisation et le soin des malades dans le corps et dans l’esprit. En effet, Dieu veut guérir tout l’homme et dans l’Evangile, la guérison du corps est le signe de la guérison plus profonde qu’est la rémission des péchés (cf. Mc 2, 1-12). Il n’est donc pas surprenant que Marie, mère et modèle de l’Eglise, soit invoquée et vénérée comme « Salus infirmorum », « Salut des malades ». En tant que première et parfaite disciple de son Fils, Elle a toujours manifesté, en accompagnant le chemin de l’Eglise, une sollicitude particulière pour les personnes souffrantes. C’est ce dont témoignent les milliers de personnes qui se rendent dans les sanctuaires mariaux pour invoquer la Mère du Christ et qui trouvent en elle force et soulagement. Le récit évangélique de la Visitation (cf. Lc 1, 39-56) nous montre que la Vierge, après l’annonce de l’Ange, ne garda pas pour elle le don reçu, mais partit immédiatement pour aller aider sa cousine âgée Elisabeth, qui portait depuis six mois Jean en son sein. Dans le soutien apporté par Marie à cette parente qui vit, à un âge déjà avancé, une situation délicate comme celle de la grossesse, nous voyons préfigurée toute l’action de l’Eglise en faveur de la vie qui a besoin de soins. Le Conseil pontifical pour la pastorale des services de la santé, institué il y a 25 ans par le vénérable Pape Jean-Paul II, est sans aucun doute une expression privilégiée de cette sollicitude. J’adresse une pensée reconnaissante au cardinal Fiorenzo Angelini, premier président du dicastère et depuis toujours animateur passionné de ce milieu d’activité ecclésiale; ainsi qu’au cardinal Javier Lozano Barragán qui, jusqu’à il y a quelques mois, a poursuivi et développé ce service. J’adresse également à l’actuel président, Mgr Zygmunt Zimowski, qui a repris cet héritage significatif et important, mon salut le plus cordial, que j’étends à tous les membres et au personnel qui, au cours de ce quart de siècle, ont collaboré avec un grand mérite à cette charge du Saint-Siège. Je désire, en outre, saluer les associations et les organismes qui s’occupent de l’organisation de la Journée du malade, en particulier l’unitalsi, et l’Opera Romana Pellegrinaggi. C’est à vous, chers malades, que je souhaite la bienvenue la plus affectueuse! Merci d’être venus et merci surtout pour votre prière, enrichie par le don de vos peines et de vos souffrances. Mon salut s’adresse également aux malades et aux volontaires en liaison avec nous depuis Lourdes, Fatima, Czestochowa et d’autres sanctuaires mariaux, à tous ceux qui nous suivent à travers la radio et la télévision, en particulier des maisons de repos ou de leur propre maison. Que le Seigneur Dieu, qui veille constamment sur ses fils, apporte à tous réconfort et consolation. La Liturgie de la Parole nous présente aujourd’hui deux thèmes principaux: le premier est à caractère marial et relie l’Evangile et la première lecture, tirée du chapitre final du Livre d’Isaïe, ainsi que le Psaume responsorial, tiré du cantique de louange à Judith. L’autre thème, que nous trouvons dans le passage de la Lettre de Jacques, est celui de la prière de l’Eglise pour les malades et, en particulier, du sacrement qui leur est réservé. Dans la mémoire des apparitions à Lourdes, lieu choisi par Marie pour manifester sa sollicitude maternelle pour les malades, la liturgie fait retentir de façon opportune le Magnificat, le cantique de la Vierge qui exalte les merveilles de Dieu dans l’histoire du salut: les humbles et les indigents, comme tous ceux qui craignent Dieu, font l’expérience de sa miséricorde, qui renverse les destins terrestres et qui démontre ainsi la sainteté du Créateur et Rédempteur. Le Magnificat n’est pas le cantique de ceux auxquels la fortune sourit qui ont toujours « le vent en poupe »; c’est plutôt l’action de grâce de ceux qui connaissent les drames de la vie, mais qui placent leur confiance dans l’œuvre rédemptrice de Dieu. C’est un chant qui exprime la foi vécue par des générations d’hommes et de femmes, qui ont placé leur espérance en Dieu et qui se sont engagés de manière personnelle, comme Marie, pour venir en aide à leurs frères dans le besoin. Dans le Magnificat, nous entendons la voix de nombreux saints et saintes de la charité, je pense en particulier à ceux qui ont passé leur vie parmi les malades et les personnes souffrantes, comme Camille de Lellis et Jean de Dieu, Damien de Veuster et Benedetto Menni. Ceux qui passent beaucoup de temps aux côtés des personnes souffrantes, connaissent l’angoisse et les larmes, mais également le miracle de la joie, fruit de l’amour. La maternité de l’Eglise est le reflet de l’amour bienveillant de Dieu, dont parle le prophète Isaïe: « Comme celui que sa mère console, moi aussi, je vous consolerai, à Jérusalem vous serez consolés » (Is 66, 13). Une maternité qui parle sans parole, qui suscite le réconfort dans les cœurs, une joie intime, une joie qui, paradoxalement, coexiste avec la douleur, avec la souffrance. L’Eglise, comme Marie, conserve en elle les drames de l’homme et le réconfort de Dieu, elle les garde ensemble, le long du pèlerinage de l’histoire. A travers les siècles, l’Eglise manifeste les signes de l’amour de Dieu, qui continue à accomplir de grandes choses chez les personnes humbles et simples. La souffrance acceptée et offerte, le partage sincère et gratuit, ne sont-ils pas des miracles de l’amour? Le courage d’affronter le mal désarmés – comme Judith – avec la seule force de la foi et de l’espérance dans le Seigneur, n’est-il pas un miracle que la grâce de Dieu suscite continuellement chez tant de personnes qui consacrent leur temps et leurs énergies à aider ceux qui souffrent? Pour tout cela, nous vivons une joie qui n’oublie pas la souffrance, mais qui la comprend plus encore. De cette façon, les malades et toutes les personnes qui souffrent sont dans l’Eglise non seulement les destinataires d’attentions et de soins, mais avant tout les acteurs du pèlerinage de la foi et de l’espérance, témoins des prodiges de l’amour, de la joie pascale qui jaillit de la Croix et de la Résurrection du Christ. Dans le passage de la Lettre de Jacques, qui vient d’être proclamé, l’Apôtre invite à attendre avec constance la venue désormais proche du Seigneur et, dans ce contexte, adresse une exhortation particulière concernant les malades. Cette proposition est très intéressante, car elle reflète l’action de Jésus, qui, en guérissant les malades, manifestait la proximité du Royaume de Dieu. La maladie est considérée dans la perspective des temps ultimes, avec le réalisme de l’espérance typiquement chrétien. « Quelqu’un parmi vous souffre-t-il? Qu’il prie. Quelqu’un est-il joyeux? Qu’il entonne un cantique » (Jc 5, 13). On a l’impression d’entendre des paroles semblables en écoutant saint Paul, lorsqu’il invite à vivre chaque chose en relation avec la nouveauté radicale du Christ, avec sa mort et sa résurrection (cf. 1 Co 7, 29-31). « Quelqu’un parmi vous est-il malade? Qu’il appelle les prêtres de l’Eglise et qu’ils prient sur lui après l’avoir oint d’huile au nom du Seigneur. La prière de la foi sauvera le patient » (Jc 5, 14-15). Le prolongement du Christ dans son Eglise apparaît ici évident: c’est encore Lui qui agit, à travers les prêtres; c’est son esprit propre qui œuvre à travers le signe sacramentel de l’huile; c’est à Lui que s’adresse la foi, exprimée dans la prière; et, comme cela avait lieu pour les personnes guéries par Jésus, on peut dire à chaque malade: ta foi, soutenue par la foi des frères et des sœurs, t’a sauvé. Ce texte, qui contient le fondement et la pratique du sacrement de l’Onction des malades, fait ressortir dans le même temps une vision du rôle des malades dans l’Eglise. Un rôle actif pour « provoquer », pour ainsi dire, la prière faite avec foi. « Quelqu’un parmi vous est-il malade? Qu’il appelle les prêtres ». En cette année sacerdotale, il me plaît de souligner le lien entre les malades et les prêtres, une sorte d’alliance, de « complicité » évangélique. Tous deux ont un devoir: le malade doit « appeler » les prêtres, et ceux-là doivent répondre, pour attirer sur l’expérience de la maladie la présence et l’action du Ressuscité et de son Esprit. Ici, nous pouvons voir toute l’importance de la pastorale des malades, dont la valeur est véritablement incommensurable, en vertu du bien immense qu’elle apporte en premier lieu au malade et au prêtre lui-même, mais également à la famille, aux proches, à la communauté et, à travers des voies inconnues et mystérieuses, à toute l’Eglise et au monde. En effet, lorsque la Parole de Dieu parle de guérison, de salut, de santé du malade, elle conçoit ces concepts de façon intégrale en ne séparant jamais l’âme du corps: un malade guéri par la prière du Christ, à travers l’Eglise, est une joie sur la terre et au ciel, les prémisses de vie éternelle. Chers amis, comme je l’ai écrit dans l’encyclique « Spe salvi », « la mesure de l’humanité se détermine essentiellement dans son rapport à la souffrance et à celui qui souffre. Cela vaut pour chacun comme pour la société » (n. 38). En instituant un dicastère consacré à la pastorale de la santé, le Saint-Siège a voulu offrir sa contribution également pour promouvoir un monde davantage capable d’accueillir et de soigner les malades comme personnes. En effet, il a voulu les aider à vivre l’expérience de la maladie de façon humaine, non pas en la reniant, mais en lui donnant un sens. Je voudrais conclure ces réflexions par une pensée du vénérable Pape Jean-Paul II, dont il a témoigné par sa propre vie. Dans la Lettre apostolique Salvifici doloris, il a écrit: « En même temps le Christ a enseigné à l’homme à faire du bien par la souffrance et à faire du bien à celui qui souffre. Sous ce double aspect, il a révélé le sens profond de la souffrance » (n. 30). Que la Vierge Marie nous aide à vivre pleinement cette mission.