SUR LES TRACES DE JÉSUS EN TERRE SAINTE
31 juillet, 2017http://bible.archeologie.free.fr/lieuxjesus.html
Les ruines de la synagogue de Capharnaum. Datant du IVe s.
SUR LES TRACES DE JÉSUS EN TERRE SAINTE
(l’étude est très longue, vous pouvez aller sur le site, de nombreuses images)
(biblelieux.com)
Visiter un pays chargé d’Histoire en suivant les pas du fondateur d’une religion aurait peu de sens si l’on ne connaissait pas sa vie et sa spiritualité. Replongeons-nous un instant dans les évangiles.
Jésus de Nazareth quitte le foyer familial vers trente ans afin de mener sa vie publique à travers la terre d’Israël. Il se rend d’abord sur les rives du Jourdain, où il est baptisé par Jean, puis il se retire dans le désert en solitaire pour se préparer à sa mission. De retour en Galilée après quarante jours, il entreprend un ministère itinérant auprès des populations rurales. Accompagné de douze apôtres qu’il a choisis, il s’adresse aux habitants avec éloquence et opère de spectaculaires guérisons miraculeuses auprès des personnes malades et handicapées. Sa renommée d’orateur et de thaumaturge se diffuse dans tout le pays et l’on vient en foule pour le rencontrer.
La théologie de Jésus s’exprime à travers des paraboles inspirées de la vie ordinaire et dotées d’un sens moral et spirituel. Il décrit la relation avec un Dieu totalement bienveillant, qui invite chaque être humain à construire sa vie sur un altruisme pacifique, l’invitant à se mettre au service de ses semblables au point de s’effacer lui-même. Aimer son prochain à l’exemple de Jésus, soutenir les personnes en difficulté, ne pas thésauriser, éviter de juger, pardonner en toutes circonstances, être confiant dans la prière : tous les efforts consentis ne seront rien devant le bénéfice réel attendu d’En-haut.
Une importance première est accordée au souci des personnes défavorisées, que Jésus délivre de leurs maux tout en leur transmettant la « bonne nouvelle », un message d’espoir pour l’Au-delà. Pourtant il ne cache pas qu’après la mort une sélection est faite entre les âmes en fonction des actes accomplis sur Terre. Le royaume céleste est promis à ceux qui font preuve d’une grande humanité. Pour cela Jésus veut sauver toutes les consciences égarées, préconisant la conversion des pécheurs par la patience et la prière plutôt que leur condamnation. Toute prière peut être exaucée avec une foi profonde, et même les miracles sont à la portée de chacun.
Jésus se réclame du judaïsme auquel il veut cependant donner une dimension nouvelle. Tout en respectant la loi hébraïque, il la libère de la rigidité d’une pratique trop littérale. La conception d’un Dieu juste et autoritaire fait place à celle d’un Dieu d’amour et de compassion. Pourtant son interprétation de la Loi dérange les habitudes des prêtres et des docteurs, dont il fustige l’hypocrisie. Il entre peu à peu en conflit avec le pouvoir religieux du Temple, celui-ci considérant qu’il blasphème lorsqu’il déclare être le fils de Dieu.
Son enseignement se transmet oralement lors des déplacements en Terre sainte à travers la Galilée, la Judée, la Samarie et occasionnellement dans les pays limitrophes.
Bien qu’il soit impossible de reconstituer l’itinéraire exact qu’il suivit, un grand nombre de lieux qu’il traversa sont aujourd’hui assez bien identifiés. Quelques-uns sont marqués par la tradition locale ou sont sortis de terre à la suite de fouilles archéologiques.
Capharnaüm
Les écritures font en quelque sorte de Capharnaüm la seconde patrie de Jésus après Nazareth. Elles rapportent en effet que Jésus s’y rendit plusieurs fois et qu’il y résida : « Puis, quittant Nazareth, il habita Capharnaüm aux bords de la mer ». Il y accomplit plusieurs miracles, notamment les guérisons du serviteur d’un centurion, de la belle-mère de l’apôtre Pierre et d’un paralytique. Il enseigna dans la synagogue de cette ville, où il guérit également un possédé.
La ville fut identifié en 1838 par l’archéologue américain Edouard Robinson au site désolé de Tel Hun, sur la rive nord-ouest du lac de Tibériade. Le terrain fut acheté par l’ordre des franciscains en 1894, qui y mena plusieurs campagnes de fouilles dont la plus importante fut conduite entre 1968 et 1986 par les pères Virgilio Corbo et Stanislao Loffreda.
L’occupation du site est attestée à partir du IIème siècle avant notre ère. Ce village de pêcheurs était également un poste-frontière avec la Transjordanie et comprenait un bureau de douane. La présence d’une garnison romaine est évoquée dans les évangiles, qui précisent que le centurion dont Jésus guérit le serviteur avait fait construire la synagogue de cette cité.
Une ancienne borne militaire trouvée en 1975 près des ruines de Capharnaüm porte les noms de plusieurs citoyens romains. Bien qu’en partie illisible, cette pierre atteste d’une présence romaine en ce point qui contrôlait la route principale vers Damas.
Les restes d’un antique bâtiment prestigieux se dressent encore dans la plaine, constitué de hautes colonnes de calcaire blanc et d’un seul pan de mur, qui tiennent sur une vaste terrasse dallée. Les parois et les chapiteaux des piliers sont ornés de nombreux motifs sculptés évoquant la liturgie hébraïque : un chandelier à sept branches, l’Arche d’Alliance et plusieurs espèces d’animaux. Il s’agit visiblement des restes d’une synagogue dont la construction remonte au IVème siècle de notre ère.
La structure repose sur un soubassement de basalte noir, qui contraste avec la clarté du dallage en calcaire. Sa position surélevée suggéra aux fouilleurs qu’elle pouvait dissimuler un monument plus ancien construit en-dessous. C’est ce que l’équipe du père Corbo tenta de révéler à partir de 1969, en retirant une partie du dallage de la terrasse. On exhuma en effet de vieux murs d’habitations et une seconde cour qui semblait appartenir à un monument public. Il s’agissait vraisemblablement d’une autre synagogue plus ancienne. Celle-ci fut datée du Ier siècle de l’ère chrétienne, ce qui permit de l’identifier à celle que Jésus devait fréquenter lorsqu’il séjournait à Capharnaüm.
Une autre découverte d’importance majeure a été faite à une trentaine mètres au sud de la synagogue. Au milieu des ruines d’anciennes habitations, la base d’une petite église byzantine du IVème siècle furent mise au jour, curieusement disposée selon un plan en deux octogones concentriques. Sous cette structure se trouvaient les restes d’une simple habitation, qui portait les traces explicites d’un christianisme primitif. Plusieurs graffiti inscrits sur les restes des murs portent en effet les noms de Jésus et de Pierre, ainsi que les mots « Messie », « Seigneur », « Dieu », de même que des dessins de croix, de navires et de poissons.
Les moines qui ont examiné ces précieuses inscriptions ont fait un rapprochement avec le contenu d’un document littéraire susceptible de se rapporter à ce site. C’est le récit de voyage de la pèlerine Egérie (IVème siècle), qui nous apprend que : « A Capharnaüm, la maison du prince des apôtres (Pierre) est devenue une église. Les murs sont restés jusqu’aujourd’hui tels qu’ils étaient ». Il est possible que ce texte concerne la maison aux graffiti, puisqu’une église paléochrétienne de l’époque d’Egérie lui est superposée. Ces éléments menèrent à la conclusion que cette maison n’était autre que la demeure de saint Pierre, et que Jésus-Christ lui-même avait vécu dans cette habitation.
Depuis la découverte de la « maison de Pierre », les vestiges de Capharnaüm sont redevenus un lieu de pèlerinage. Juste au-dessus des fouilles a été récemment construit un bâtiment contemporain surélevé, dont le plancher partiellement vitré offre de l’intérieur une vue sur les anciens murs.
Tibériade
Sur les rives du lac auquel elle a donné son nom, la ville de Tibériade fut fondée vers l’an 26 de notre ère par le tétrarque Hérode Antipas, pour honorer l’empereur romain alors en place. Elle est citée une fois dans l’évangile de Jean (6, 23) alors que Jésus parcourt la Galilée et la région du lac. Il n’est pas précisé si Jésus s’est rendu à Tibériade. Cependant, les ruines de cette cité ont réservé aux archéologues de belles surprises.
Bien identifiée sur la rive occidentale du lac (appelé également lac de Génésareth, ou mer de Galilée), elle est entourée d’une muraille du VIème siècle d’une longueur exceptionnelle, qui escalade les pentes escarpées du mont Bérénice en inclant le sommet dans son périmètre. Ce point culminant a été fouillé en 1990 par Yizhar Hischfeld, du Département des Antiquités d’Israël, qui cherchait alors le palais de la reine Bérénice de Judée. Au lieu d’un palais, c’est en fait un important complexe ecclésiastique et une superbe basilique qui l’attendaient. L’église byzantine du VIème siècle qu’il dégagea était entourée d’une vaste cour et de nombreuses salles aux sols couverts de mosaïques. Les splendides sols multicolores représentaient des oiseaux, des plantes et des motifs géométriques. Les fouilleurs se demandaient ce qui avait pu justifier la construction d’un tel complexe en un tel lieu, lorsqu’ils constatèrent qu’il dissimulait un objet inhabituel.
Sous la base de l’autel principal de la basilique, une plaque de marbre attira l’attention des chercheurs. En la soulevant, ils virent apparaître une fosse contenant une grande pierre taillée d’une manière particulière. Longue de un mètre, sa base était grossièrement taillée en pointe et son centre était percé d’un trou biconique. A quel usage cet objet était-il destiné ? De toute évidence, cette pierre était une ancre de navire. C’est son emplacement qui est le plus surprenant. Pourquoi une ancre était-elle enterrée sous l’autel de cette église ? Si l’on sait que les chrétiens placent parfois des reliques sous leurs autels, on peut supposer que cette ancre en était une. La proximité du lac de Tibériade permet d’envisager un lien avec une barque qui servit à Jésus ou à ses proches. Cependant, si cette ancre a la forme de celles des barques du Ier siècle, sa taille est en revanche nettement supérieure ; elle correspondrait plutôt à une ancre plus ancienne de quelques siècles. L’ « église à l’ancre » n’a pas fourni davantage d’explications.
Gennésareth
Une belle opération d’archéologie de sauvetage fut réalisée à la faveur d’une forte sécheresse, qui marqua l’année 1986 et qui provoqua une baisse exceptionnelle du niveau du lac de Tibériade. Ce fut pour deux pêcheurs israéliens l’occasion de réaliser un vieux rêve.
Les frères Yuval et Moshe Lufan habitaient le village de Kibboutz Ginosar, un port de pêche implanté sur la rive nord-ouest du lac. Ils pratiquaient occasionnellement l’archéologie en amateurs dans l’espoir de découvrir quelque vestige ou épave antique. Ils arpentaient les berges semi-asséchées du lac, lorsqu’ils distinguèrent les contours d’un objet ovale ayant la forme d’une barque qui affleurait dans la boue. En grattant le sable ils virent que l’objet était fait de bois vermoulu. Petite coïncidence, l’instant de la découverte s’accompagna d’un phénomène naturel extrêmement rare : un arc-en-ciel lunaire …
L’existence de l’épave fut signalée au professeur Shelley Wachsmann, spécialiste d’archéologie sous-marine au Département des Antiquités d’Israël. L’expert l’examina et confirma qu’elle semblait très ancienne et qu’elle justifiait un sauvetage. On décida d’extraire l’objet de la boue, entreprise à la fois délicate et urgente avant la remontée des eaux. Une méthode adaptée à la situation fut définie, et l’opération fut menée promptement durant onze jours et onze nuits avec la participation active des villageois.
La méthode consista à créer d’abord une digue d’assèchement, qui permit d’évacuer manuellement la glaise entourant le navire. Puis l’épave fut conditionnée dans une enveloppe de mousse polyuréthane, remise à l’eau ainsi empaquetée et remorquée jusqu’au port de Gennésareth. Arrivé à bon port, le vieux navire fut délivré de sa mousse et plongé dans un bain chimique soigneusement contrôlé. Le traitement avait pour but de remplacer progressivement l’eau imprégnant le bois par de la cire synthétique. L’épave demeura ainsi immergée pendant une durée de sept ans. Ce processus terminé, l’objet fut empaqueté de nouveau et emporté par une grue jusqu’à son lieu de conservation définitif, c’est-à-dire dans le musée Ygal Allon de Kibboutz Ginosar créé pour l’occasion.
L’examen détaillé du navire révéla que c’était un voilier de pêche d’époque romaine. Mesurant plus de huit mètres, il fut construit avec des matériaux de réemploi fixés avec des tenons et des mortaises, et avait subi plusieurs réparations avec des bois d’essences différentes. Le lieu de sa découverte était jonché de clous et d’attaches métalliques, et la coque contenait une petite lampe à huile. Le professeur Richard Steffy, de l’Université du Texas, estima son âge, d’après les techniques employées, à une période comprise entre le Ier siècle avant et le second siècle après J.-C.. Des analyses au carbone 14 complétèrent la datation en donnant une fourchette de 50 avant à 75 après J.-C.
Le navire est désormais l’une des épaves les mieux conservées de cette époque. C’est probablement un navire de ce type qu’utilisèrent Jésus et ses apôtres, ce qui a rendu cet objet célèbre sous le nom de « barque de Jésus ».
Le puits de Jacob – la Samaritaine
Tout voyageur qui se rend par voie terrestre de Judée en Galilée est obligé de traverser la région de Samarie. Si l’on remonte à l’Ancien Testament, les habitants de la Samarie étaient les héritiers de l’ancien royaume du Nord qui avait fait sécession à la mort du roi Salomon. Cette séparation avait laissé dans les esprits une forte animosité. Les Samaritains construisirent même leur propre Temple sur le mont Garizim, ce qui fut une source supplémentaire de différend. Bien que majoritairement déplacée sous la domination assyrienne, la petite communauté des Samaritains subsiste encore aujourd’hui, et a conservé sur place ses rites propres issus de leurs origines hébraïques, toujours pratiqués après trois millénaires.
Jésus traversa la Samarie à plusieurs reprises pour se rendre en Galilée. Le regard qu’il portait sur ses habitants était différent de celui des autres Juifs, comme le montre l’évangile de la femme samaritaine avec laquelle Jésus entra en conversation au bord d’un puits (Jn. 3). Celle-ci s’étonna d’abord qu’il daigne lui parler, puis réalisa sa qualité de prophète lorsqu’il devina sa vie privée. Lorsqu’elle lui demande de quelle montagne le culte devait être rendu, Jésus répondit de manière sibylline : « En esprit et en vérité ». Entendant qu’il était le messie, elle retourna hâtivement en informer les habitants de la ville.
L’évangile précise en outre que ce puits avait jadis appartenu au patriarche Jacob, et que son fils Joseph y avait été enterré au retour d’Egypte (Gn. 34 ; Js. 24, 32).
Non loin de Sichem en Samarie, il existe un « puits de Jacob » que la tradition locale rattache aux récits des deux Testaments. Les premières fouilles furent effectuées en 1893 sur le site du puits. Il est permis de rapprocher ce puits de celui de l’évangile, si l’on tient compte de plusieurs éléments. Le point d’eau semble d’abord très ancien et daterait de plusieurs siècles avant l’ère chrétienne. De plus, dans sa conversation avec Jésus la Samaritaine désigne une montagne sacrée toute proche ; or le puits de Jacob traditionnel se trouve précisément au pied du mont Garizim. La Samaritaine précise également que le puits est profond, ce qui est le cas de celui-ci qui descend à 46 mètres. Ces caractéristiques correspondent bien aux indications des textes bibliques.
L’histoire du puits de Jacob durant les siècles suivants est assez bien documentée. Au IVème siècle de notre ère, les Byzantins élevèrent au-dessus du puits une petite église grecque en forme de croix. Elle fut rasée au IXème, puis remplacée par une autre en 1150, qui se dégrada. Les moines orthodoxes grecs firent l’acquisition du site en 1860, et entamèrent une nouvelle construction qui resta inachevée. Ce n’est qu’en 2007 que fut menée à son terme la construction d’une église moderne de grandes dimensions. Si l’on descend aujourd’hui dans la crypte de ce vaste sanctuaire, on peut encore s’asseoir comme le fit le Christ sur la margelle du vénérable puits.
La montagne de la Multiplication des pains
L’un des miracles les plus célèbres semble s’être déroulé en un lieu aujourd’hui marqué par une pierre désignant l’endroit exact où il se produisit. Jésus acompagné par la foule s’était éloigné de toute habitation, et la journée était bien avancée lorsque les apôtres soulevèrent le problème du ravitaillement. La foule qui avait suivi Jésus était innombrable, au moins cinq mille personnes est-il écrit. Il prit alors les seuls cinq pains et deux poissons qu’on avait trouvés et les fit distribuer au peuple, qui en reçut en quantité plus que suffisante.
Les indications géographiques données quant au lieu du miracle sont assez floues. La multiplication des pains se serait déroulée « de l’autre côté de la mer de Galilée, de Tibériade ». Il est également précisé qu’ « Il les prit alors avec lui en direction d’une ville appelée Bethsaïde », qu’ « Ils partirent donc en barque pour gagner un lieu solitaire, isolé » et qu’ « Il y avait en cet endroit beaucoup d’herbe ». Le souvenir du lieu a été perdu au VIIème siècle, lorsque le pays fut dévasté par l’invasion perse. Sa redécouverte fut possible des siècles plus tard grâce aux écrits de la pèlerine Egérie, une voyageuse espagnole du IVème siècle. Son témoignage décrit le lieu du miracle comme un lieu verdoyant placé en bordure du lac :
« Dans ces lieux-mêmes (non loin de Capharnaüm), face à la mer de Galilée, est une terre où l’eau abonde, où pousse une végétation luxuriante, aux nombreux arbres et palmiers. A proximité se trouvent sept sources qui fournissent de l’eau en abondance. Dans ce jardin fertile Jésus nourrit cinq mille personnes avec cinq pains et deux poissons. La pierre sur laquelle le Seigneur déposa le pain devint un autel. Les nombreux pèlerins venus sur le site la brisèrent en pièces pour soigner leurs maux. »
Cette description pourrait correspondre à un lieu-dit appelé Tabgha, une vallée fertile située sur la rive nord-ouest du lac entre Capharnaüm et Magdala, et arrosée par plusieurs sources. Le nom de Tabgha est peut-être une déformation arabe du mot grec Heptapegon qui signifie « sept sources ».